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62 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

d) Pellicules spectrozonales SN 2 (39) .

11 s'agit ici d'une solution adoptée en U . R . S . S ., où ces pellicules sont très répandues .
Ce sont des films à deux couches sensibles seulement qui atteignent leur maximum de sensibilit é
dans les jaunes et les rouges, et n'enregistrent pas les bleus .
On les utilise surtout dans le cas de régions dont le sol est couvert d'une végétatio n
qui gêne l'observation : sous les feuillages des grands arbres, le sous-bois apparaît nettemen t
contrasté . Il semble que ces films aient été surtout appréciés des pédologues .

e) Pellicules à fausses couleurs (40 et 41) .

Pour les besoins du renseignement militaire, ou pour des analyses de paysages, on peu t
très bien utiliser des pellicules à une seule couche sensible, n'enregistrant que les jaunes . le s
rouges ou les bleus on obtient ainsi une sélection chromatique du paysage .
Tous les procédés qui cherchent à sélectionner certains éléments du paysage et éviten t
d'en donner une image conforme à celle que reçoit l'oeil normal, s'appellent « false color sys-
tems » . Tous cherchent à augmenter les contrastes, à faire apparaître le plus de différenciation s
possibles .
L'une des premières pellicules de ce genre fut réalisée par Kodak en 1942 . Elle est connu e
sous le nom de Kodak Ektachrome Aero Fil-Camouflage Detection . Elle se proposait, en effet .
de permettre de distinguer de la véritable végétation, la peinture verte et les branches coupée s
destinées à cacher les ouvrages militaires . Pour cela, elle fit appel aux émulsions sensibles à
l'infra-rouge, donc à l'effet chlorophylle, combinées avec d'autres couches, sensibles aux cou -
leurs . Un filtre jaune intervenait pour minimiser les bleus . Les plantes à assimilation chloro-
phyllienne apparurent immédiatement en un rouge soutenu, tandis que la peinture verte restai t
bleuâtre .
Aujourd'hui cette pellicule a été améliorée . Elle est trois fois plus rapide que son ancêtre ,
et permet donc de réduire les temps d'exposition ce qui donne des résultats beaucoup plu s
nets . Cette nouvelle version s'appelle : Kodak Ektachrome Infra-Red Aerofilm (Process E 3) ,
et est utilisée avec un film Kodak Wratten n° 15 .
Elle donne d'intéressantes possibilités d'identification d'essences végétales en économi e
forestière et agricole . De bonnes interprétations d'utilisation du sol ont pu être obtenues à
partir de clichés en fausses couleurs .

(39) Voir H . Th . : Verstappen, Textbook ITC Delft (op . cit .), volume VII, Aerial Photographs in Geology an d
Geomorphology, chapter VII 1 .5 . p . 13-21 : applicability of special film types . Bibliographie à la fin du chapitre .
(40) R . G . Tarkington and A . L . Sorem : Color and false-color films for aerial photography .
Photogrammetric
Engineering, January 1963 . p . 88-95 .
(41) W . Fricke und K . Völger : Falschfarben-Photographie für die Luftbild Interpretation . Unischau in Wissen-
schaft und Technik, Frankfurt am Main, 15 Juli 1965. 65 jahrgang. D 67 92 D.
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUALITATIVES 63

III . ESSAIS DE SÉLECTION D'ÉLÉMENTS D'OCCUPATION DU SO L


PAR COMBINAISON DE FILMS ET DE FILTRES CHOISI S
A L'AIDE DE LA SPECTROMÉTRIE (42 et 43 )

Devant le choix de plus en plus riche de pellicules et de filtres qui leur sont proposés ,
les forestiers, les pédologues, les géographes ou les archéologues ont été amenés à poser le s
questions suivantes :
a) Est-il possible de sélectionner un élément particulier en le faisant apparaître sur le s
photos sous un « ton » spécial, contrastant avec le reste du paysage ? (une certaine essenc e
d'arbre, des affleurements de roche en place, des dépôts argileux, une nappe aquifère super-
ficielle ou de faible profondeur) .

Facteur de réflexion spectrale


des feuilles, des aiguilles de conifère s
ainsi que de l' herbe, sol argileux, bé -
ton et asphalte, comme il a été mesuré
avec le Photomètre spectral Zeiss avec
pièce additionnelle pour le facteur de
réflexion RA 3 .

Fig . 16 . -- Exemples de courbes de réflexion spectrale .


En abscisse, les longueurs d'ondes en millimicrons, en ordonnée les pourcentages de réflexion .
Ces courbes sont extraites de l'article de H . K . Meier, déjà cité .

(42) Robert N . Colwell : Spectrometric considerations inv olv ed in making rural land use studies with aeria l
photography. Photogrammetria, volume 20. n° 1 . February 196 5 . p . I5-33 . Elsevier Publishing Company . Amsterdam .
(43) J . E . Walker and J . C . Little, C . N . Johnson and S.E. Dwornik : Spectral reflectance data and its applicabilit y
to terrain studies by aerial photography . Broadwiew Research Corporation. Burlingame. California. Washington DC
Annual Meeting of American Association for the Advancement of Science, décembre 1959 . 25 pages .
64 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

h) Si oui, peut-on connaître la combinaison de films-filtres qu'il convient d'adopte r


pour sélectionner un élément donné ? On pourrait, dans ce cas, demander qu'à côté de la camér a
de mission régulière soit installée une caméra de mission spéciale photographiant le mêm e
paysage . Sélection et comparaison permettraient de faire des relevés d'utilisation ou d'iden-
tification du sol .
Afin d'y répondre, dès 1953, E . L . Krinov, puis H . J . Keegan du service américain « Photo -
metry and colorimetry section of the national bureau of Standards », firent des essais de mesur e
de réflection spectrale sur divers échantillons pris au sol . On constate, en effet, que les différente s
matières ne renvoient pas les mêmes quantités d'énergie lumineuse reçue de la lumière du jour .
Cette énergie est renvoyée sous forme d'ondes électromagnétiques dont l'unité de mesure es t
le photon . Les appareils connus sous le nom de photomètres (Luxmeter, Spectrophotometer, etc .)
peuvent enregistrer et mesurer ces énergies et permettre la construction de courbes particulière s
à chaque essence ou sol considéré . En intercalant, à titre expérimental, divers filtres et en utili-
sant plusieurs films, on a pu déterminer les combinaisons les plus adaptées pour favoriser l e
passage de l'enregistrement de telles longueurs d'ondes, et éliminer les autres . Sans négliger
les résultats, il faut reconnaître qu'ils ont été parfois décevants . A ce propos, R. N . Colwel l
écrivait en 1964 : « 11 est probable qu'une réponse à ces questions, beaucoup plus satisfaisant e
(qu'aujourd'hui), pourra être donnée d'ici un an ou deux . »
CHAPITRE V

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATIO N

Rappelons que la photo-interprétation consiste, en fait, à interpréter un paysage v u


sous un angle particulier (verticalement) et au travers d'un appareillage dont la sensibilit é
diffère de celle de l'oeil humain . Le problème méthodologique est de même nature que celu i
posé par la définition de la Géographie donnée par certains auteurs, la Géographie « scienc e
du paysage » .
Nous avons montré, dans l'Introduction, quels dangers guettent le photo-interprétateu r
fanatique : ce sont exactement les mêmes que ceux auxquels ont succombé certains géographe s
il y a une quarantaine d'années, s'enfermer dans un cercle vicieux . Reconstruire la structure
à partir de la carte topographique pour utiliser ensuite cette structure afin d'expliquer le relie f
est aussi stérile et inadmissible, du point de vue scientifique, que pratiquer la photo-interpré-
tation en chambre et en faire une spécialité isolée . Malheureusement, cette tendance existe ,
encouragée par l'affairisme qui s'est emparé des crédits consacrés à l'aide au développement .
Une firme nord-américaine n'a-t-elle pas proposé à un État sud-américain un plantureu x
contrat pour lever une carte des sols par photo-interprétation, carte qui devait comporte r
la représentation des valeurs du pH, sans aucun travail de terrain ? Tel autre organisme n'a-t-i l
pas découvert, dans la Boucle du Niger, des structures plissées avec écailles en prenant pou r
des monoclinaux les corniches de cuirasses ferrugineuses quaternaires ! De telles énormité s
frisent l'escroquerie, mais les méthodes fautives qui ont abouti à elles sont malheureusemen t
tentantes et bien des techniciens se sentent invinciblement attirés par la photo-interprétatio n
dans l'espoir d'y rencontrer un moyen qui leur permettra d'éviter de travailler sur le terrain .
C'est là une attitude fort répandue dans les pays à développer .
Une telle attitude doit être rigoureusement proscrite .
La photo-interprétation ne donne sa mesure que combinée aux autres méthodes d e
recherche . Elle ne saurait constituer ni une fin en soi ni une technique indépendante . Comm e
l'analyse du paysage, elle s'intègre dans une formation géographique . Son rôle est de pose r
des problèmes et d'offrir une source d'observations complémentaires .
C'est pourquoi nous examinerons successivement, dans le présent chapitre, ce qu'o n
voit sur les photographies aériennes puis la manière dont la photo-interprétation doit se combine r
avec d'autres types de recherches .
66 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

A . QUE VOIT-ON SUR LES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES ?

Il ne sera question ici que des photographies noir et blanc ordinaires qui constituen t
les couvertures régulières et sont ainsi le matériel dont on dispose normalement .
La photographie aérienne montre d'abord l'aspect de la surface terrestre, en particulie r
la végétation quand elle existe . C'est pourquoi forestiers et géobotanistes sont parmi les pionnier s
de la photo-interprétation . Les cultures apparaissent aussi, bien entendu, parfaitement . La
géographie agraire est un utilisateur naturel de la photographie aérienne, malgré un certai n
retard .
Là où la végétation est clairsemée (formations végétales ouvertes, certaines culture s
en permanence ou à certaines saisons), la surface du sol apparaît aussi . A plus forte raiso n
dans les régions désertiques, au sol largement nu . Les différences de teinte du sol sur les cliché s
résultent d'une part de la couleur effective du sol, impressionnant plus ou moins les diver s
types de pellicules et, d'autre part, de l'absorption et de la réflexion de la lumière par le sol ,
bref, de son albédo. Fréquemment, ces propriétés varient avec le degré d'humidité . L'interpré-
tation est donc complexe .
La couleur de la terre nue ne dépend pas uniquement de la surface . L'humidité, qui
la commande en partie, intervient sur une épaisseur de sol variable mais qui peut atteindr e
plusieurs mètres . L'albédo (44) est, lui aussi, fonction d'une pellicule superficielle, moins épaisse ,
mais d'épaisseur cependant non négligeable . Par leur intermédiaire, on peut voir apparaîtr e
plus ou moins nettement l'influence de certaines hétérogénéités épidermiques (anciennes tran-
chées rebouchées, colluvions, bras morts de cours d'eau, etc .) .

Enfin, le ton des clichés dépend de l'éclairement du sujet . Les jeux d'ombre et de lumière
se font sentir sur les photographies aériennes mais, bien entendu, pas exactement comme su r
les vues terrestres du fait de l'angle de prise de vue particulier . L'observation des ombres portées «
par lumière oblique, donne une silhouette racourcie des objets particulièrement utile car ell e
se rapproche davantage de notre expérience quotidienne .
Chacun de ces aspects va être maintenant examiné de manière plus approfondie afi n
de montrer la nature des informations qu'il est susceptible de fournir .

1° Végétation et cultures
Il sera d'abord question de la végétation plus ou moins spontanée, forêts aménagée s
incluses puis des cultures qui seront examinées au paragraphe suivant . Nous montreron s

(44) L'albédo (blancheur) est le rapport entre les radiations solaires réfléchies et les radiations solaires incidentes .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 67

d'abord quelles sont les possibilités d'identification des divers objets, puis nous donneron s
quelques indications sur les renseignements indirects que l'on peut extraire de cette identification .
a) Identification de lu végétation spontanée :

L'identification des végétaux est un des thèmes qui ont le plus préoccupé les photo-
interprétateurs car forestiers et biogéographes se sont rendu compte très tôt de ce que la photo -
graphie aérienne pouvait leur apporter et tentent de l'utiliser au maximum .
Le problème est complexe . Lorsque l'échelle est suffisante, l'identification des arbre s
peut s'appuyer sur le dessin en plan de leurs frondaisons, variable selon les espèces . Le to n
des photographies peut être mis aussi à profit. L'influence de l'échelle est alors moindre . E n
effet, l'albédo varie suivant le feuillage. Les différences de couleur du feuillage se traduisent ,
aussi, dans la teinte des clichés . Enfin, suivant la saison à laquelle les vues ont été prises, dan s
beaucoup de régions du Globe, les plantes ont des feuilles ou sont dépouillées .
Examinons ces différents points à l'aide d'exemples .
Pour l'étude de la végétation l'examen stéréoscopique est absolument nécessaire . ca r
il s'agit d'observer la troisième dimension : la hauteur.
Par l'analyse du relief stéréoscopique, elle permettra de distinguer les forêts, les petit s
bois et les arbres isolés sur un fond de champs ou de prés .
Sur les clichés panchromatiques et infra-rouges, un deuxième critère va jouer : le ton .
Plus une surface couverte de végétation montre une couleur verte à l'état naturel, plus l'effet
de chlorophylle sera intense et plus il se manifestera sur les clichés par des tons appuyés : le s
houppiers des palmiers et cocotiers auront un ton très clair sur les clichés IR, un ton gris su r
des panchromatiques alors que dans la nature leur couleur est d'un beau vert dru et ciré .
La structure du faciès vé g étal est un élément très utile lors de son identification . Suivan t
qu'elle est homogène ou non, elle permet des observations plus ou moins aisées et précises .
L'organisation spatiale constitue le quatrième facteur d'identification d'un faciès végétal .
Valable pour des massifs forestiers de régions tempérées ou froides, ce critère est d'un gran d
secours pour l'étude et l'identification des cultures .

Exemple n° 1 . Analyses spécifiques de frondaisons ci-joint (extrait de P . Rey) (voi r


fig. 17, p . 68) .
68 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 17 . -- Exemples d'analyse spécifiqu e


(d'après P . Rey, 1957) .
Pin d'Alep : toit à contour imprécis, transparen t
sol visible ; ombre imprécise ; impression de
flou en massif.
Pin Pignon : toit circulaire, à contour précis, homo-
gène ; impression d'un disque épais posé su r
le sol ; ombre compacte détachée de l'arbre .
Hêtre : isolé toit arrondi . homogène, sans rugosit é
ombre très compacte, circulaire, détachée de
l'arbre .
— en massif : toit à aspect spongieux très carac-
téristique, dû à la transparence du feuillage
en surface (donc à l'absence d'ombres entr e
arbres rapprochés) et à la compacité d'ensembl e
du feuillage, donc fortes ombres portées au x
interruptions du toit ; lisière ondulante .
Châtaignier : isolé : toit arrondi dans l'ensemble ,
anguleux dans le détail, à rugosités apparentes ;
ombre anguleuse, parfois trouée ;
— en massif : arbres individualisés, plantation s
régulières fréquentes .
Sapin : isolé : toit très éclairé latéralement impres-
sion de point trouble au sommet, dû au fait qu e
la pellicule n'enregistre pas la cime au-delà d e
90 cm de diamètre pour un cliché au 12 .000e
ombre très compacte à contour convexe, no n
détachée de l'arbre ;
-- en massif : aspect granuleux oolithique : lisière
caractéristique
___ .
Épicéa : caractères analogues, mais ombres plu s
effilées, à contour concave ; lisière caracté-
ristique.

Légende de la figure 18 page ci-contre :

Toute la région est formée par la craie blanche du Crétacé supérieur .


Un tel matériel est particulièrement propice à ]'enregistrement de phénomènes et d'objets anciens qui se traduisent par des différence s
de teinte . La pédogénèse . bien que très peu visible sur le terrain, donne des teintes plus sombres car la crai edvintrès
rapidement grise à l'air . La craie fraîche, au contraire, apparaît en clair . comme on peut le voir avec les chemin sempirét
les liserés blancs de certains boisements, qui résultent du sous-solage de la craie avant la plantation des arbres .
Deux séries principales d'objets transparaissent, grâce aux différences de teintes, sous la structure agraire entièrement remodelé e
après la première guer re mondiale :
o) En teinte sombre, des réseaux de ravines plus ou moins parallèles . quelquefois fourchues, avec un angle de confluence très aigu .
Une partie d'entre elles conflue dans un collecteur NE-SW qui démarre vers le centre du cliché . Ce sont des traces de ruissel -
lement concentré anthropique dans lesquelles le sol s'est accumulé par colluvionnement . Légèrement plus limoneux . l e
matériel apparaît en plus sombre . Ces ravines sont trop faibles pour se distinguer dans la topographie et il faut la photographi e
aérienne pour les déceler .
h) En teinte claire, les restes d'installations militaires du front de la première guerre mondiale . Des systèmes de tranchées . avec leurs
redans, apparaissent, formant deux lignes qui se suivent . La craie, remuée, y donn e au cliché, une teinte blanchâtre : bie n
que le labour n'en tienne pas compte . le terrain ayant été nivelé la différence de fertilité introduit des inégalités dans la crois -
sance des plantes qui renforcent le contraste .
Les ravinements sont nettement recoupés par les tranchées, qui changent de teinte en les traversant et leur sont donc antérieurs .
Toutes ces différences n'apparaissent que dans les terres cultivées et cessent dès l'orée des reboisements de conifères tro p
opaques .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 69

Fig . 18. Tra ces d'objets anciens transparaissant sur les clichés.
Mission Craonne-Asfeld-la-Ville . 1963, 94 .
1 .25 .000 Asfeld-la-Ville 7 8 .
Environs N de Boult-sur-Suippe .

(voir légende page ci-contre) .


70 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Exemple n o 2 : Utilisation de la différenciation des tons sur les clichés de s


Missions Craonne-Asfeld-la-Ville, 1963 dans l'interprétation des forêts : conifères e t
feuillus . Cf. fig . 18.
On voit dans les nombreuses plages de teinte sombre . en particulier sur la moitié infé-
rieure du cliché de grandes surfaces plus, ou moins géométriques, d'aspect mat et noir, de struc-
ture homogène et recouvrement dense, de relief stéréoscopique hétérogène : ces caractéristique s
sont celles des forêts de conifères .
A côté, des espaces de teinte gris-sombre, finement strié, de structure homogène e t
recouvrement un peu moins dense, de relief stéréoscopique moyen montrent les aspects d e
bois de feuillus .
De plus, la juxtaposition brutale des deux faciès aide à leur détermination et on distingu e
de petits groupes de conifères ou même des pins isolés au milieu des bois de feuillus .
b) Identification des cultures :
On reconnaît assez aisément le paysage agraire à l'organisation des parcelles . De forme s
géométriques dans les pays tempérés elles peuvent cependant adopter ailleurs des formes trè s
irrégulières.
A priori les parcelles d'aspect homogène ne sont pas des parcelles de propriété, mai s
uniquement des parcelles de culture . Pour identifier les cultures on dispose de deux méthodes .
L'une, individuelle, consiste à analyser sous le stéréoscope les quatre critères précédemmen t
évoqués :
1) relief stéréoscopiqu e
2) ton et aspect ;
3) structure et texture :
4) organisation spatiale .
Il s'agit d'une méthode par observation, lecture et interprétation personnelle . La deuxième
méthode consiste à mesurer la réflection spectrale des cultures au moyen de photomètres e t
à construire au moyen de ces mesures pour chaque culture une courbe d'identification (voi r
chapitre IV) .
Cette technique a été employée aux U . S . A . et en Suisse où l'on s'est rendu compte qu e
la date de la prise de vue jouait un rôle extrêmement important pour les identifications d e
cultures .
La méthode d'interprétation semi-automatique par mesure de réflection spectral e
s'avère une technique utile en pays tempéré pour les cultures habituelles . Elle facilite la distinc-
tion des cultures en céréales et plantes sarclées, et détermine avec précision les prés de fauche .
Le Professeur D . Steiner a catalogué ces cultures sur des clichés à grande échelle d e
la façon suivante :
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 71

La méthode individuelle est plus empirique mais reste universellement employée pa r


les chercheurs des diverses sciences de la terre et des organismes de développement . A ce titr e
nous évoquerons rapidement les possibilités de l'identification des cultures dans les pays tro-
picaux où les méthodes par mesures de réflection spectrale n'ont guère été employées .
Quand sur les clichés à l'étude le photo-interprète distingue une gamme de gris, allan t
du blanc à l'anthracite, il peut espérer des variations intéressantes et des combinaisons multiple s
dans l'état de la végétation et des cultures . Pour le géographe en particulier cette échelle constitu e
une aubaine . En principe chaque ton de gris correspond à une culture donnée à un stade d e
croissance différent ou à une autre espèce végétale . Dans certaines régions éventées, le ven t
peut jouer un rôle . Sur un même cliché un îlot de culture présentera une teinte sombre alor s
que sur le suivant il apparaît clair . En effet, la végétation couchée par le vent prend une teinte
plus claire .
Ces caractéristiques rendent possible l'identification de cultures vivrières telles qu e
le manioc, le sorgho et le maïs . Sur un plan plus général la différenciation entre la culture à
plat et la culture sur billon est presque toujours réalisable . Alors que la culture à plat modifi e
peu l'aspect du sol, les billons lui confèrent des formes caractéristiques . Il est même possibl e
quand l'échelle est suffisante de compter les billons individuels quand ils sont assez important s
comme ceux destinés aux ignames ou au taro .
Pour les cultures commerciales les possibilités d'identification sont bien meilleure s
car elles sont le plus souvent arborées ou arbustives et très nombreuses dans la zone inter -
tropicale . L'organisation spatiale constitue le premier critère d'identification de ces culture s
car l'unité des espèces : cacaoyer, caféier, bananier, élaeis, dans les espaces y est volontaire .
Les plants de café sont en général plantés à 3 m d'espacement moyen les uns des autres . Pou r
les cacaoyers la distance est de 4 m . Cette disposition permet de repérer les parcelles relativemen t
importantes de café ainsi que celles de cacao même quand des arbres d'ombrage les couvrent .
Le cas des bananiers à fruits est encore plus caractéristique car l'aménagement des planches ,
des ados, des drains et des canaux d'irrigation conduit à un réel aménagement de l'espac e
agricole, révélateur de la culture .
S'il est rarement possible de dresser un plan parcellaire d'après photo-interprétatio n
il y a par contre généralement moyen de dessiner une carte d'utilisation du sol . Là aussi, cepen-
dant, le parcours du terrain est indispensable . Il est évident qu'on ne peut interpréter à parti r
de rien, mais avec un nombre de parcelles-échantillons, plus ou moins grand selon la complexit é
des cas et judicieusement sélectionnés, il nous semble possible de déduire une carte de l'occupatio n
d'un espace agricole .

Le tableau suivant est destiné à faciliter le choix des échantillons .


72 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

PHYSIONOMIE SPATIALE DES CU

Relief
Cultures Structure
stéréoscopique

Canne à sucre . Faible à nul . Homogène à tous les stades .

Cacao. Moyen . Sous haute futaie :


- hétérogène ;
— sans ombrage : homogène.

Café . Faible à nul . Hétérogène .

Banane fruitière commer - Faible . Homogène .


ciale.

Banane plantain . Moyen . Assez hétérogène.

Palmier :
a) En palmeraie natu - Très variable. Très hétérogène .
relle. Un toit de palmiers adulte su r
fond indistinct .
b) En arboricultur e Moyen à faible . Homogène par planches .
haute.
c) En variétés naines . Faible . Homogène sans toit .

Cocotier . Moyen pour les espèces à tron c Homogène à 1 toit .


haut.
Faible pour les espèces naines . Homogène sans toit .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 73

LTURES ARBUSTIVES TROPICALE S

Aspect et ton Organisation spatial e

Gris clair à gris, lisse, recouvrement dense . Grandes surfaces géométriques en damiers
avec chemins de séparation .

Jeune quasi-invisible . Peu organisé, limites irrégulières, à repére r


Adulte : gris sombre et moutonné, recou - d'après l'extension de la haute futaie d'om -
vrement dense . brage .

— Jeune blanc avec petits points noirs . Parcelles irrégulières en cultures paysannales .
— Adulte : gris et lisse avec léger mouton - Fréquemment arbres de couverture (élaéi s
nement, recouvrement dense . en C .I ., Inga et Gliricidia à El Salvador ,
Cancruze et ingazeira (Inga ingoïdes) a u
Brésil (Serra de Baturité) .

Évoluant entre très clair et très sombre d'un e Organisation en planches géométriques . Dan s
planche à l'autre. Gris clair et lisse, sombre les planches ados et drains . Ceux-ci dispa -
et strié . raissent dans les planches à végétation
adulte, chemins séparant les planches .

Gris strié . En bouquets ou en auréole autour des lieu x


habités. Groupements naturels dans les
fonds humides et le long des cours d'eau .

Gris ponctué et finement strié, taches claire s Inexistante .


de défrichement récent .

Sombre, recouvrement dense . Plantations linéaires, parfois en courbes d e


niveau .
Gris, recouvrement dense .

Sombre, recouvrement dense . Sur les plages des cordons littoraux ou lon -
geant les chemins, organisation linéaire .
Gris, recouvrement dense .
74 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

c) Informations indirectes à tirer de la végétation :


Les caractères du tapis végétal sur les photographies aériennes traduisent assez largemen t
certains aspects écologiques globaux . Dans les pays faiblement humanisés, c'est surtout l a
végétation spontanée qui est utilisable . Au contraire, dans les pays de vieille paysannerie o ù
l'Homme a pu adapter ses cultures au milieu par d'innombrables retouches successives, ce son t
le dessin parcellaire et l'utilisation du sol qui fournissent le plus de renseignements . Ces deu x
cas seront étudiés successivement .
Dans les régions peu humanisées, la localisation des cultures fait généralement pe u
de cas du milieu écologique . L'espace ne manque pas et on peut le gaspiller . On ne cherche
pas à s'adapter à lui, à tenir compte de son hétérogénéité . Le dessin parcellaire ne peut guère
servir d'indicateur de la nature des sols, des matériaux parentaux, des conditions hydrologiques ,
de la morphogénèse . Il traduit seulement des conditions économico-sociales de mise en valeur .
Cela est vrai aussi bien du lougan irrégulier de Basse-Côte-d'Ivoire ou du brûlis anarchiqu e
d'Amérique Latine que des damiers des lotissements de l'Ouest des États-Unis ou des plantation s
en milieu tropical, dont la géométrie technocratique ignore ou veut ignorer la finesse
subtile des sollicitations naturelles .
Dans ce type de régions, ce sont les aspects de la végétation, spontanée ou, parfois ,
cultivée, qui peuvent servir de guide à l'interprétation .
Plus les conditions écologiques sont difficiles, plus l'adaptation de la végétation a u
milieu est précise et poussée . Par exemple, dans les régions arides le lit des oueds est jalonn é
de phréatophytes là où il est constitué par des alluvions meubles, poreuses, dans lesquelle s
l'eau s'infiltre et forme une réserve plus ou moins durable, voire un inféroflux, à une profondeu r
que peuvent atteindre les racines . Sur les épandages, les chenaux sporadiquement fonctionnel s
sont ainsi soulignés par des traînées de buissons ou d'arbustes . Dans les savanes balayées pério -
diquement par les feux, la forêt se réfugie dans les fonds de vallées suffisamment humides pou r
que la végétation, ne séchant pas, puisse résister au feu . En milieu périglaciaire, les sols sableu x
bien drainés, se réchauffant plus vite au printemps du fait d'une moindre teneur en glace d u
sol, portent des buissons et une végétation plus dense que les étendues argilo-limoneuses humide s
voisines dans lesquelles la glace du sol est plus abondante et fond plus lentement et moin s
profondément lors du dégel . Trois facteurs limitatifs suffisamment puissants : sécheresse,
feux de brousse, glace du sol, commandent donc le tapis végétal dans les exemples que nou s
venons de prendre . A condition de savoir comment ils jouent, on peut les utiliser pour infére r
les mécanismes dont ils sont l'expression et déduire des informations indirectes de la photo -
graphie aérienne : sur l'hydrogéologie superficielle dans le cas des phréatophytes, sur l'hydro-
logie superficielle dans celui des forêts-galeries des savanes pyrophytiques, sur la nature de s
formations superficielles et la glace du sol dans celui des toundras .
Dans les régions où les conditions écologiques sont plus favorables, leurs variations s e
traduisent moins nettement et moins étroitement dans l'aspect du tapis végétal, car il est excep-
tionnel que des seuils soient dépassés . Cependant, la tonalité du tapis végétal est relativemen t
sensible aux variations mineures des conditions écologiques . Même sans qu'il y ait rempla-
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 75

cernent de certaines espèces par d'autres et changement de la composition floristique, ces varia-
tions influencent la tonalité par l'intermédiaire de la densité plus ou moins grande du feuillag e
et par sa couleur plus ou moins crue. Dans les sites où la végétation est favorisée, elle apparaî t
avec des teintes plus soutenues, généralement plus sombres . Cet aspect est d'autant plus ne t
que le cliché a été pris à une saison critique, par exemple à la fin d'une période de sécheresse .
En pays tempéré, par exemple, des prises de vue hivernales seraient inutilisables pour une tell e
étude, de même en pays tropical des prises de vue réalisées en pleine saison des pluies . Par
contre, dans nos pays, les contrastes sont plus accusés en septembre à la suite d'un été sec, e n
pays de climat équatorial à la fin de la grande saison sèche, en pays méditerranéen, vers la fi n
du printemps, en mai ou juin, car, ensuite, la sécheresse estivale trop intense efface les nuances, etc .
Sur le plateau calcaire à l'W de Vézelay (feuille Avallon 1/2), par exemple, dans des forêts d e
taillis sous futaie, on voit des vallons très peu entaillés apparaître en teinte foncée . Voici l'expli -
cation de ce fait . Ces calcaires sont perméables et les arbres y souffrent de la sécheresse estivale .
Mais, à leur surface, il s'est formé des argiles résiduelles rougeâtres et il traîne quelques reste s
de sables argileux tertiaires, issus d'une formation discordante démantelée . La dissection qua -
ternaire, qui a amorcé les vallons, a été accompagnée d'actions périglaciaires qui ont provoqu é
le balayage de ces argiles et de ces restes de Tertiaire . Ils ne subsistent plus guère qu'en poche s
très localisées ou sous la forme de remplissages de fissures sur le plateau calcaire . Au contraire ,
ruissellement diffus et gélifluxion les ont concentrés dans les vallons, surtout ceux qui étaien t
peu entaillés et où ces produits meubles ont pu ne pas être entraînés au loin . Leur proportio n
élevée d'argile leur donne une capacité de rétention bien supérieure à celle des sols sur calcair e
du plateau . La végétation bénéficie ainsi d'une réserve d'eau estivale plus grande et apparaî t
ainsi plus luxuriante, d'où sa tonalité plus foncée sur les clichés (voir fig . 19 a), p . 76) .
_

Fig . 19 . Informations fournies par les photographies aériennes .


Mission Avallon-Mirebeau, 1962 . 148-149 .
Feuille 1/80.000 géologique Avallon .
1 2 5 .000 Avallon 12 .
Hameau des Bois de la Madeleine (W de Vézelay) .
Plateau formé par les calcaires du Callovien inférieur et du Bathonien supérieur, sur lesquels traînent quelques restes de sable s
tertiaires, argileux, attribués au Sparnacien par la carte géologique . Les actions périglaciaires ont ameubli les calcaires .
qui sont souvent marneux et gélifs . lin peu d'argile de décalcification persiste, incomplètement balayée par la gélifluxion .
De telles conditions n'offrent que des terroirs médiocres, qui ne furent mis en valeur que tardivement, vers le milieu du Moye n
Age, sous l'influence de l'abbaye voisine de Vézelay, à laquelle ils appartenaient .
La photographie aérienne met en lumière deux séries de données que les carte, topographiques et géologiques ne permettent pa s
d'observer :
a) La structure agraire de défrichement médiéval en hameaux, au milieu des bois, avec champs ouverts en lanières mais planté s
d'arbres (noyers), caractéristiques de la seconde génération des paysages de champs ouverts . Le hameau des Bois de la Made-
leine s'allonge le long d'un chemin, devenu route, avec ses longues lanières mordant plus ou moins loin dans la forêt, derrièr e
les maisons . A l'W, une ferme isolée rompt localement le dessin parcellaire . A l'E, un autre hameau, plus petit, les Chaumots .
s'installe sans plan particulier, au milieu d'une clairière, avec des champs laniérés rayonnants .
.b)ELnetsrdliféBocaMuredinsfomtupericls,qtanprieàvslaégtion e
et les Chaumots, une vallée à peine marquée parcourt le plateau . Elle se trahit par l'intermédiaire d'une teinte plus foncée ,
aussi bien dans une coupe d'éclaircie récente que dans les b ois . A ses abords, les champs sont, eux aussi, plus foncés et les
pâtures remplacent largement les labours . Ces caractères résultent d'une concentration colluviale, dans la vallée, des argile s
et des sables résiduels, à meilleure capacité de rétention que le calcaire .
76 INTRODUCTION A L ' UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 19 a) .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 77

Fig . l9/' .
78 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 19 c . - Calque d' interprétation .


PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 79

Un phénomène analogue se produit sur les schistes en Guyane . Sous climat tropical ,
les schistes s'altèrent moins profondément que les granites car ils libèrent davantage d'argile ,
de sorte que l'eau percole moins aisément jusqu'à la roche en place . Le ruissellement diffu s
sous forêt, sur pentes fortes, y est plus important . Là où une saison sèche assez accentuée appa-
raît, la forêt est plus sensible à la topographie sur les schistes que sur les granites . Sur granite ,
la tonalité des clichés est à peu près uniforme sur les croupes et au pied des pentes. Sur les schistes ,
au contraire, les pentes apparaissent avec une teinte plus claire, tandis que les fonds de vallon s
apparaissent plus foncés . C'est que, dans les vallons, le ruissellement accumule les argile s
enlevées sur les versants . Ces colluvions ont une capacité de rétention élevée qui permet à l a
végétation de mieux résister à la saison sèche . Le mécanisme est le même, sur le plan écologiqu e
que dans la région de Vézelay, mais, une fois qu'il a été établi, la nature des informations qu'o n
en peut déduire est différente . A Vézelay, il nous renseignait sur les formations superficielle s
et l'évolution géomorphologique quaternaire . En Guyane, il nous informe sur la nature litho -
logique du substratum et ce critère peut être utilisé pour préparer une esquisse de l'extensio n
des affleurements schisteux . Dans un pays de pénétration difficile et couvert d'un tapis végétal
dense, un tel indice est des plus précieux .
Un dernier exemple : à l'extrême ouest de Panama, dans la région de Puerto Armuelles ,
une plaine fluviomarine a été concédée à la United Fruit qui y a effectué d'immenses plantation s
de bananiers . La géométrie technocratique s'est donné libre cours et le terrain, ceinturé d e
canaux de drainage et d'irrigation, a été divisé en parcelles de culture rectangulaires de taill e
et de dimensions uniformes, où tous les plants sont mis en terre en même temps et où ceux
qui meurent ne sont pas remplacés . L'aménagement hydraulique de la région permet de contrôle r
le niveau des eaux dans le sol . Les conditions de culture ressemblent à celles des tests de crois-
sance des agronomes . C'est bien pourquoi les hétérogénéités mineures du milieu se traduisen t
fort bien sur les photographies aériennes à grande échelle (1/16 .000) . Les bancs d'alluvion s
trop sableux sont peu favorables au bananier et les plantes y sont plus rabougries et plus clair -
semées, de nombreux individus n'ayant pas repris et n'ayant pas été remplacés . Les anciens
lits, colmatés par des matériaux plus riches en matière organique et en argile, offrent des condi -
tions édaphiques meilleures et permettent à l'eau de monter plus facilement par capillarité ,
de sorte que les bananiers y sont plus vigoureux . On peut dessiner leur tracé en se fondan t
sur l'état des plantes . . . Des différences analogues, souvent même plus marquées dans la crois-
sance des plantes cultivées s'observent dans des champs soumis à l'érosion, en Afrique du Nord ,
par exemple . Surtout les années sèches, en hiver, on peut voir une tonalité plus sombre dans le s
replis de terrain où un colluvionnement s'exerce (pieds de versants, replats, petits vallonnements)
et, où, grâce à lui, les céréales ont mieux germé et, bénéficiant d'un sol à capacité de rétention
plus élevée, se sont mieux développées . Au contraire, sur les bosses décapées, les plantes son t
clairsemées et la teinte du sol nu imprime . au cliché sa tonalité .
- En Champagne crayeuse, dans la Zone Rouge, les tranchées, trous de bombes et de mine s
et autres excavations dues à la guerre de 1914-1918 ont été rebouchées . Mais les sols ont été
bouleversés . Entre les excavations, ils ont pu persister tant bien que mal . Sur l'emplacement
80 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

de celles-ci, comblées avec de la craie blanche, ils n'ont pas eu le temps de se reformer, malgr é
la remise en culture . Les anciennes excavations apparaissent en blanc sur les clichés . Cependant ,
suivant la nature des cultures et la date des prises de vue, elles sont plus ou moins apparentes .
Elles transparaissent parfaitement dans les champs de betteraves ou de céréales au début d e
l'été, à plus forte raison dans les terres labourées à l'automne . Elles disparaissent dans les champ s
de luzerne, où le tapis végétal, plus dense, est, plus opaque . Dans les reboisements en pins ,
elles sont encore bien visibles tant que les arbres sont jeunes . Quand ils sont déjà âgés, elle s
s'oblitèrent . La comparaison de parcelles différentes permet de se faire une idée de la trans-
parence de la végétation vis-à-vis de contrastes assez accusés de la tonalité du sol .

2° Installations diverses .
Sur les photos aériennes de la couverture régulière, ce ne sont pas tant les détails isolés
que l'on peut espérer identifier, que l'agencement de ces détails entre eux, c'est-à-dire les struc-
tures morphologiques du paysage .
Ce n'est pas sur un cliché en panchromatique aux environs du 1/30 .000 qu'il faut cher -
cher à deviner si tel champ est emblavé ou planté de pommes de terre, mais sur un cliché e n
fausses-couleurs comme celui où W . Fricke et K . Völger (45) ont réussi à faire apparaître dan s
un paysage d'été, le froment en vert foncé à côté du trèfle sur pied en rouge vif et des meule s
de trèfle fauché en gris, ou de pommes de terre en rouge-gris, de pins en noir-rouge, de hêtre s
en boules rouges, de mélèzes en rouge-gris, etc . Ce n'est pas non plus sur un cliché au 1/30 .000
ou même au 1/25 .000 qu'il faut étudier le trafic urbain, mais sur une mission spéciale aux environ s
du 1/10 .000, ou à plus grande échelle .
Par contre, la couverture régulière est excellente, d'une part pour analyser les groupe-
ments d'éléments de paysages ayant de semblables caractères morphologiques, de l'autre ,
pour observer les rapports spatiaux de ces groupements entre eux .
Les groupements urbains que sont les quartiers morphologiques d'une ville s'y lisen t
le plus souvent avec une grande clarté : ancien noyau à rues étroites enserrées dans une form e
globulaire héritée d'une enceinte fortifiée remplacée par un boulevard ; puis zone des grande s
avenues rectilignes à la Haussmann, puis ceinture ferroviaire de la seconde moitié du XI Xe siècle,
banlieue extra-ferroviaire du début du XX e, « grands ensembles » périphériques en petit s
paquets dont le plan-masse n'a plus ni rue, ni avenue, ni boulevard, mais de simples voies d e
desserte, enfin les installations centrifuges que sont les cimetières, les stades, les terrains indus -
triels, etc . Ces différents quartiers dessinent une trame urbaine liée à l'histoire foncière et su r
laquelle s'appuient les relations fonctionnelles qu'ont établi ces diverses formes entre elles :
il s'agit là d'une « structure » et non d'une juxtaposition fortuite de détails .
Mais sans doute est-ce surtout dans l'observation des structures agraires que les cliché s
de la couverture régulière constituent un document remarquable .
La Carte de France au 1 50 .000 indique bien les « aires d'habitat » qui accompagnen t
les villages et hameaux . mais elle ne donne qu'une très mauvaise idée de ce que peut être, pa r

(45) Voir même note page 62


PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 81

exemple, un bocage, Ce n'est vraiment que sur photo que bien des étudiants de l'Est de la Franc e
peuvent détruire la fable d'un occident océanique uniquement couvert d'herbages dont chaqu e
parcelle serait enclose de haies, et que ceux de l'Ouest s'aperçoivent que les vignobles ou le s
parcelles de labour d'Alsace ne sont que de grands jardins . Parcelles, quartiers, sols, pâturages
et bois communaux périphériques à la commune, se lisent sur les photos bien mieux que su r
les plans cadastraux . Ces vieilles structures demeurent souvent discernables, sur photographie s
aériennes, même lorsque les lanières de labour ont été soumises au remembrement . La distinc-
tion entre chemins anciens, adaptés à la structure agraire originelle, routes et voies ferrée s
postérieures traversant obliquement cette structure, et voies de remembrement, peut y apparaîtr e
assez facilement .
La superposition des manifestations concrètes d 'époques économiques différentes se trouve ,
en effet, bien illustrée par l'observation des photos ; c'est ainsi que les courbes à grands rayon s
qui distinguent les voies ferrées des anguleuses sinuosités routières, ignorent souvent les village s
et ne s'accompagnent, en pleine campagne, que de maisons de gardes-barrières qu'il ne faut pa s
interpréter comme autant de gares : il y a là juxtaposition, superposition, et non symbios e
d'une époque d'industrialisation récente traversant un paysage résultant d'une période d'éco-
nomie agricole fermée . De même peut-on clairement observer sur les photos la colonisatio n
des parcelles de labour taillées à des fins agricoles, par des maisons banlieusardes à usage rési-
dentiel : on assiste dans ce cas à la pétrification d'une ancienne structure agraire par des fonction s
et des formes suburbaines . Très souvent aussi c'est une colonisation industrielle que l'on observe :
par exemple des raffineries et des réservoirs de pétrole colonisant des bois ou des marais commu -
naux isolés d'une ville à laquelle ils fournissaient autrefois du combustible, ou d'un villag e
qui y cherchait des ressources d'appoint ; la faible valeur agricole de ces surfaces en a fait u n
bon terrain industriel, et l'isolement offre une marge spatiale de sécurité en cas d'incendie .
Il y a là un renversement économique de l'utilisation du sol qui a fait d'une terre ingrate l e
lieu de bénéfices importants .
Les structures industrielles sont aussi bien dessinées que les précédentes : sur les photo s
on voit fort bien les voies d'approvisionnement (canaux, gares, feeders, lignes de haute tension ,
puits d'extraction) mettre spatialement en relation matières premières et énergie avec les bâti-
ments de transformation et d'entreposage ; les cités ouvrières complètent la structure par l a
matérialisation des relations main-d'oeuvre-source d'emploi .
Certes, il est important de pouvoir reconnaître un feeder d'une conduite forcée hydrau-
lique, une voie ferrée d'une autoroute, un cimetière d'un verger ou des courts de tennis de bassin s
de décantation, mais ce n'est pas là l'essentiel d'une analyse de l'occupation du sol . Ces «détails »
nous les préciserons par la suite à l'aide de « vues au sol » accompagnant les commentaires d e
paysages aériens du tome II .

30 La teinte du sol .
Il sera question ici du sol au sens large . dans l'acception commune du terme, et no n
au sens étroit des pédologues, par opposition à la couverture végétale et aux installations diverse s
dont il vient d'être question . Les indications données ci-dessous s'appliquent seulement aux
82 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

sols suffisamment nus pour apparaître directement sur les clichés . Elles sont donc valable s
pour les régions à couverture végétale clairsemée et pour certaines parties des terroirs cultivés .
Les teintes des sols donnent, dans ces cas, les couleurs de fond du cliché sur lesquelles le s
plantes et les installations diverses forment des points ou des taches de teintes différentes .
Généralement, les plantes donnent des points plus foncés, ce qui fait qu'une couverture végé-
tale discontinue apparaît bien quand l'échelle est suffisante . Dans les lagunes littorales à inon-
dation périodique de la côte pacifique de Panama, le contraste est particulièrement saisissan t
du fait de la teinte très claire du sol nu . Des traînées de mangrove s'accrochant, par exemple ,
à d'anciennes digues de marais salants, où la salure inhibitrice est moindre, apparaissent e n
noir avec un violent contraste de teintes (fig . 62 a)) . Les fourrés d'arbustes, dans les savanes ,
donnent un semis de points plus foncés . Certains d'entre eux, ayant la forme de chenilles ,
constituent la « brousse tigrée» des interprétateurs de l'IGN . La netteté de ces contrastes dépen d
évidemment de la couleur propre du sol et de l'échelle des clichés . Les vues prises à trop grand e
altitude les estompent et fondent les couleurs du sol et de la végétation en un grisé plus uniform e
rendant l'interprétation difficile .
La teinte des sols dépend de trois facteurs physiques :
-- La couleur propre de la surface elle-même, plus ou moins foncée . Les sols clair s
apparaissent, bien entendu, en clair, les sols foncés avec une teinte plus soutenue . Mais le s
teintes rougeâtres, fréquentes dans certaines roches, dans de multiples formations d'altératio n
et dans certains sols pédologiques, ne se distinguent pas bien . Elles se confondent avec les
bruns pour donner des nuances intermédiaires plus ou moins soutenues .
-- L'humidité du sol et du sous-sol, jusqu'à une profondeur qui peut dépasser le mètre ,
et qui se traduit par des différences de couleurs qui peuvent être parfaitement invisibles à l'obser -
vateur terrestre . Elles sont particulièrement accusées sur les clichés infra-rouges . Sur les clichés
ordinaires, toutes choses étant égales par ailleurs, la nuance est d'autant plus foncée que l'humi-
dité est plus grande . Les creux gardant l'humidité, comme de très faibles vallonnements, appa-
raissent ainsi généralement bien, mieux qu'au sol, où ils sont parfois difficilement percep-
tibles (fig . 19) .
-- L'albédo du sol, qui résulte pour partie de sa couleur propre et de son état d'humidité ,
mais
__
qui peut aussi être modifié par certains effets originaux . Les sols salés, par exemple, reflèten t
la lumière mais, par beau temps, la grande turbulence de l'air brouille l'image, la rend floue .

Fig . 20 . — Ancien réseau hydrographique en filigrane dans une région dunair e


(IGN, A . O . F ., 1954-1955, NE 30, IV, no 94 . Région de Tombouctou) .
La région est occupée actuellement par la végétation sahélienne de steppe boisée à Acacias, avec des sols subarides, rougeâtres.
qui foncent un peu la teinte des clichés .
Sous cette couverture végétale et ces sois, on trouve ici les traces de deux oscillations climatiques différentes :
-- Une oscillation aride, avec mise en place d'un champ de dunes, maintenant fixées . Quelques endroits où le sol est un peu décap é
apparaissent en plus clair . Ces dunes sont irrégulières, en « clapotis » et résultent d'interférences dans la direction des vents .
Les creux entre les dunes apparaissent en plus foncé du fait de la plus grande humidité favorisant la croissance des herbes .
— Une oscillation humide, plus ancienne, sous la forme des traces d'un ancien cours d'eau, défluent du Niger, se dirigeant vers l e
N, et datant d'avant le déversement (le Tossaye . L'ancien lit ayant été colmaté par des matériaux plus fins, limono-argileux ,
a résisté au remaniement éolien. Il apparait en foncé, avec des dunes, plus claires, jalonnant ses bords, le sable ayant ét é
arrêté par lui . On reconnait un tracé en méandres .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 83

Sur le terrain, il est à peu près impossible d'identifier cet ancien cours d'eau si l'on a n'a pas eu l'occasion de le repérer su : photo -
graphie aérienne .
Le cliché est aussi un exemple de l'aspect blaffard que prennent les photographies lorsque la réflexion de la lumière est trop forte .
Enfin, les linéaments plus clairs qui divergent légèrement de l'un des bords sont des sentiers d'animaux . Ils partent d'un campemen t
peuhl situé en dehors du cliché et se perdent dans la steppe arborée qui sert de pâturage . En observant de semblables sentiers .
il est possible de localiser les sites de campements nomades lors de la prise de vue ou immédiatement antérieurs .

Fig .
84 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

L'aspect général est blafard . Il en est de même des sables, à cause de leur grande aptitude à
l'échauffement et de leur faible conductibilité thermique, qui permet une réflexion de chaleu r
considérable . Les clichés pris au milieu de la journée ou au début de l'après-midi dans les région s
chaudes sableuses ou salées sont généralement médiocres à cause de la trop grande turbulenc e
de l'air près du sol . Un vent de sable rend le cliché flou . La brume sèche joue le rôle de filtr e
et atténue les contrastes sur le cliché, en rendant l'interprétation plus difficile . C'est souven t
le cas dans les régions de cultures sur brûlis, où on ne peut photographier qu'en saison sèch e
et où il est rare que la transparence de l'atmosphère soit parfaite .
Certains de ces facteurs accentuent les contrastes de teintes, comme l'humidité . D'autres ,
au contraire, les atténuent, comme la brume sèche . Les conditions de prise de vue jouent ains i
un grand rôle . Un cliché pris après une certaine période de sécheresse permet de mieux voi r
l'influence des différences d'humidité, donc de mettre en valeur les endroits où l'humidit é
persiste . Ces contrastes disparaissent en période trop humide ou à la suite d'une sécheress e
trop prolongée. Lorsque plusieurs missions différentes couvrent une même région, on a tou-
jours intérêt à les comparer . Il peut en résulter des constatations du plus haut intérêt, exactemen t
comme de la comparaison de clichés pris avec des pellicules de type différent .
Du point de vue géographique, les différences de teintes peuvent servir à identifier troi s
séries de faits de nature différente : les types de roches et de sols, certains phénomènes morpho -
génétiques et les traces archéologiques .
a) Influence de la lithologie et de la pédologie :
La manière dont les roches et les données pédologiques se traduisent dans les nuance s
des clichés est complexe . N'oublions pas, en effet, que bien souvent, les sols ne se forment pa s
directement à partir des roches, mais bien davantage à partir des formations superficielle s
dont la nature est autant fonction de la morphogénèse que de la lithologie . Sur les versants,
les mouvements de masse engendrent des formations de pentes dans laquelle se mélangen t
des matériaux provenant de différents bancs rocheux, dont la nature peut différer sensiblement .
Le ruissellement entraîne les éléments fins et les accumule en colluvions aux adoucissement s
de pente. Enfin, les apports éoliens peuvent être importants .
Les roches n'apparaissent directement sur les clichés que dans les sites soumis à un e
intense ablation en milieu désertique . Là, pas de couverture végétale, pas de sols, pas de forma-
tions superficielles ou quelques accumulations très localisées d'éboulis ou d'alluvions . C'est
le paradis du photo-géologue . Tous les traités de photogéologie regorgent de clichés plus specta -
culaires les uns que les autres provenant de l'Ouest des États-Unis ou des champs pétrolier s
qui ont la bonne idée de se trouver dans divers déserts, Iran et Sahara compris . Mais c'est u n
paradis d'entrée trop facile . Tout le monde y peut avoir accès et présenter de tels clichés es t
davantage faire un cours de géologie structurale que former à la photo-interprétation . On
voit les couches comme sur le terrain ou même mieux, et dans la position où elles sont figurée s
sur une carte géologique . Il suffit de lire les photographies aériennes, il n'est pas besoin d e
les interpréter . Nous laisserons donc ce cas trop facile de côté, afin de nous en servir seulemen t
pour illustrer les chapitres consacrés aux types de structures .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 85

Fig . 21 . Ancien réseau hydrographique décelé par la végétatio n


(IGN . A . O . F ., 1954-1955, ND 30, XXII, n° 144, Gourma (République du Mali) .
La région, comprise dans la Boucle du Niger, est occupée . comme celle de la figure 20, par une brousse arborée (steppe à Acacias) ,
qui couvre des dunes fixées .
Une nappe d'eau existe dans les sables, à faible profondeur, et permet le développement d'une végétation plus dense . apparaissan t
en noir sur le cliché, dans les creux, de toute nature . qui permettent aux racines des arbustes et des arbres de l'atteindre plu s
facilement .
Les petites taches noires des bouquets de végétation soulignent ainsi le modelé de détail :
Les creux entre les dunes apparaissent mieux et on observe une tendance des dunes à s'aligner de l'ENE vers l'WSW, mai s
du fait de l'hétérogénéité du matériel, cette tendance est plus ou moins bien réalisée et les dunes sont généralement courtes .
passant même à des dunes en « clapotis » .
-- Un ancien chenal traverse le cliché de bout en bout . Il est caractérisé, comme les rivières accumulant des matériaux fins, par de s
méandres extrêmement contournés, en arabesques, repliés sur eux-mêmes, qui se sont fréquemment modifiés du fait de recou -
pements . Ils sont très bien soulignés par la teinte foncée .
La disposition des méandres indiquerait des alluvions fines, probablement limono-argileuses, ce qui expliquerait l'interruptio n
des dunes dans la bande occupée par l'ancien chenal, selon une règle s'appliquant très fréquemment dans cette région . Mai s
on observe aussi, dans le même secteur, de nombreuses petites taches blanches, qui ne sont pas des plantes, car, souvent . a u
milieu de la tache blanche, apparaît une autre tache . plus petite. noire celle-là, qui correspond . elle . à une plante . Ces tache s
blanches correspondent probablement à du sol nu . II resterait . sur place . à le contrôler et à chercher l'explication de ce fait .
Elle pourrait fournir un moyen, local, d'identification du matériel, car elles sont toujours plus denses là où des traces de lit s
apparaissent et semblent favorisées, par conséquent . par la présence de matériel plus fin .
86 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Ailleurs et c'est, heureusement, le cas le plus fréquent, les affleurements ne sont pa s


directement visibles, sauf dans des sites particuliers . Ils sont masqués par les formations super-
ficielles et les sols, qui sont plus ou moins directement en rapport avec eux . Le problème es t
plus complexe et ressort davantage de la Géographie Physique générale que de la Géologie .
Pour rares qu'ils soient, les affleurements rocheux n'en sont pas moins du plus hau t
intérêt . On les recherchera donc systématiquement dans les escarpements, les dalles de roche s
trop résistantes pour être couvertes d'un masque superficiel, comme les quartzites sous le s
climats tropicaux, les rapides des cours d'eau, également en zone tropicale, les tranchées d e
routes ou de voies ferrées éventuellement . Ces affleurements permettent, en effet, de reconnaîtr e
directement les linéaments structuraux, dont il sera question plus loin (chapitre VI) et d'établi r
certaines lignes directrices de la tectonique . Les tranchées renseignent sur la consistance de s
roches. Leurs parois ne sont proches de la verticale que dans les roches consolidées bien cohé-
rentes, aptes à jouer le rôle de roches « dures » dans l'évolution géomorphique .
Partout ailleurs, il faudra tirer parti des nuances des clichés, résultat de la combinaiso n
complexe de l'influence des roches, des formations superficielles, des sols et des processus mor -
phogénétiques actuels . Le jeu des facteurs est subtil et variable . La géomorphologie climatiqu e
joue un rôle souvent déterminant dans l'explication des formes et de la mise en place des for -
mations superficielles . Or, les différentes roches réagissent très diversement aux divers climats .
Pour comprendre comment elles se traduisent sur les clichés, il faut donc connaître de manière
approfondie la morphogénèse régionale et les incidences qu'ont eues sur elle les divers paléo-
climats successifs . Il n'y a donc pas de règles générales et simples, encore moins de recettes .
dont certaines officines sont cependant friandes . Il faut une formation géomorphologique d e
base aussi bonne que possible, la pratique de la photographie aérienne et l'expérience de chaqu e
terrain particulier pour exploiter correctement les clichés et leur faire rendre le maximum .
Donnons quelques exemples de convergences qui peuvent aboutir à des erreurs grave s
d'interprétation :
— Il apparaît souvent, sur certains plateaux, des taches à peu près circulaires d'un dia -
mètre de 10 ou 20 m, d'une teinte plus foncée qui s'explique par un remplissage de matériau x
fins à meilleure capacité de rétention . On peut être en présence de dolines fossilisées, fossilisatio n
qui est fréquente dans les régions où les phénomènes périglaciaires quaternaires ont inter -
rompu l'évolution karstique . Dans ce cas, on pourrait déduire de leur présence l'existenc e
d'une couche calcaire à faible profondeur. Les dolines fossilisées sont habituelles, aussi dan s
les karsts couverts, impliquant que la couche calcaire est surmontée de plusieurs mètres d e
matériaux meubles argilo-sableux ou limoneux . Mais on peut aussi être très bien en présenc e
de formes de tout autre nature : de cicatrices de pingos, monticules engendrés par des ségré-
gations de glace qui se forment sous conditions périglaciaires, en fonction de fluctuations d u
pergélisol . A ce moment là, nos taches plus foncées n'impliquent plus l'existence d'une couch e
calcaire, au contraire . En effet, les pingos se développent surtout dans des formations argilo-
limoneuses ou tourbeuses . dans les sites où l'eau est abondante, notamment sur les plateaux
peu disséqués . Or, des traces de pingos quaternaires sont identifiées dans les Hautes-Fagnes .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 87

dans le Pays de Galles, en Pologne, au Danemark et, de manière discutée, jusque dans la Brie .
Or, de telles taches apparaissent bien sur les photographies aériennes alors qu'on observ e
très mal, ou pas du tout, les phénomènes correspondants au sol . La photographie aérienn e
est le moyen idéal de les détecter . Mais on voit combien il peut être délicat de vouloir les inter-
préter au lieu de se contenter de les détecter pour préparer une étude sur le terrain . Ajoutons
encore un autre risque de confusion avec des excavations artificielles dont il sera questio n
plus loin : sites archéologiques, anciennes extractions de matériaux ou même cratères d'explo-
sions de mines d'anciens champs de bataille . . .
Dans certaines conditions morphoclimatiques, une météorisation intense réduit le s
roches cohérentes en fragments qui, déplacés ou non, habillent entièrement le paysage et impri-
ment au modelé des caractères particuliers . Les différences entre roches cohérentes et roche s
meubles sont estompées, tout étant fuyant et ondulant dans la topographie . Le façonnement
généralisé des versants s'accompagne de formations superficielles qui masquent les affleurement s
et cachent les contacts . Les actions périglaciaires quaternaires, là où elles sont suffisammen t
intenses, ont abouti à de tels résultats . C'est le cas dans la craie champenoise, dans les calcaire s
marneux du Muschelkalk et de certains étages jurassiques de la France de l'Est . C'est aussi
le cas des roches très variées, volcaniques, métamorphiques, cristallines et même parfois cal-
caires gréseux ou marneux du désert brumeux littoral péruano-chilien . Et, cependant, dan s
cette région, la météorisation ne se fait sentir que sur quelques centimètres d'épaisseur . Du e
à la cristallisation du sel et à l'hydratation par les brouillards, elle réduit les roches en petit s
fragments et en poussière qui ouate tout . La brume supprimant les contrastes d'éclairage, on a
même souvent de la peine à voir le relief sur les clichés . Malgré l'absence totale de végétatio n
et de sols, la reconnaissance des divers affleurements est à peu près impossible .
Des différences de tons apparaissent cependant sur les clichés, mais elles ne sont guèr e
significatives . Par exemple, sur une pente raide, la pellicule de débris superficiels glisse et de s
fragments de teinte différente, issus de roches diversement colorées, mais pouvant apparteni r
à la même formation, par exemple à une même couche de scories, de tufs ou de matériel pyro-
clastique, se mélangent et donnent des espèces de bavures qu'on ne peut raccorder avec certitud e
à aucun affleurement et dont on ne peut dire exactement d'où elles partent .
Heureusement, il n'en est pas toujours ainsi, mais des différences nettes de teintes ,
aisément observables, ne sont pas nécessairement aisées à interpréter . Prenons l'exemple d e
la vallée de la Tille près d'Is-sur-Tille, en Côte-d'Or . Le relief est très onduleux, typiquement
façonné par la gélifluction quaternaire . Mais une différence frappante apparaît entre la vallée ,
de teinte très claire, et les croupes qui l'encadrent (fig . 22) . Comment s'explique-t-elle ? Il faut ,
pour cela, recourir à l'étude géomorphologique . Les croupes sont formées par des calcaire s
jurassiques gélifs, affaissés dans le fossé tectonique des plaines de la Saône et, pour cette raison ,
soumis à une dissection peu vigoureuse . Leur teinte foncée sur le cliché est due à des paléosol s
brun-rouge, qui se sont formés au cours du Quaternaire et dans lesquels, probablement, diver s
éléments sont hérités du Tertiaire . Ils ont été remaniés par la gélifluxion, étalés, mais non déca-
pés . Par contre, dans le fond de vallée, il y a une nappe alluviale et une terrasse édifiées au cours
88 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

Fig. 22 . Différences lithologiques rendues risibles par la teinte des clichés .

Mission Avallon-Mirebeau . 1962. 067-068 .


Feuille 1/80.000 géologique Dijon .
1/25 .000 Mirebeau 1/2 .
Entre Til-Châtel et Lux, vallée de la Tille .
La région est formée de plateaux de Rauracien calcaire .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 89

Aucune différence de structure agraire ne se note entre la vallée, très peu encaissée, aux versants fuyants, et les ondulations du pla-
teau . Tout est occupé par le même paysage de champs ouverts en lanières, où prédominent les labours, mais où la baisse d e
pression démographique fait apparaître des friches et quelques timides reboisements dont la teinte foncée indique des coni-
fères . Ils sont particulièrement nets sur le plateau RG .
La différence de teinte, très accusée, des clichés, ne correspond ni à un changement de structure agraire, ni à une différence d'uti-
lisation du sol . Elle recoupe même les limites de parcelles en beaucoup d'endroits .
Cela implique que la différence agronomique des surfaces de teinte claire et foncée est faible et qu'elle sépare des unités dont le s
conditions de mise en valeur sont semblables . Elle n'a pas servi de base à l'organisation des terroirs bien que nous soyons dan s
une région de vieille civilisation rurale particulièrement soucieuse de bien s'adapter aux conditions naturelles .
Ces données, directement extraites de la photographie aérienne, s'expliquent de la manière suivante :
La teinte claire correspond aux alluvions de la Tille, formées par une nappe périglaciaire de cailloutis de gélifraction, issus de s
calcaires jurassiques de la Montagne Bourguignonne, 5 à 7 km à l' W .
La teinte foncée correspond aux calcaires rauraciens en place, affaissés par faille, et portant des sols brun-rougeâtres, plus ancien s
et plus développés que ceux qui recouvrent les alluvions périglaciaires wurmiennes .
Ces sols diffèrent essentiellement par leur couleur, ce qui intéresse peu le paysan . Tout au plus peut-on noter un contenu en argil e
un peu plus_ _ élevé sur le rauracien, mais insuffisant pour justifier une différence de mise en valeur . La photographie aérienn e
accentue ici le contraste naturel et peut servir de base à la cartographie des alluvions récentes .

d'une période froide récente, à l'aide de cailloutis calcaires, fournis par la gélifraction . Ils viennen t
du rebord occidental du fossé . La nature des sols est peu différente, de sorte que le dessin par-
cellaire est indifférent au contact . Mais la couleur des paléosols et, probablement aussi, un e
humidité plus grande de ceux-ci lors de la prise de vue, contraste vivement avec les sols plu s
jeunes de la vallée . Il y a exagération par la tonalité des différences . Une fois vérifiée la signi-
fication de ce contraste, le changement de teinte peut être mis à profit pour tracer le contac t
des alluvions et de la roche en place .

b) Influence des phénomènes morphogénétique s


Certains phénomènes morphogénétiques se traduisent directement dans les nuance s
des photographies aériennes qui peuvent permettre de les détecter . Il ne sera question ici qu e
des phénomènes actuels . Les phénomènes du passé, en effet, n'apparaissent pas directement :
leur traduction s'effectue par l'intermédiaire des formes et des formations superficielles .
La dynamique actuelle se traduit par des déplacements de particules qui font souven t
varier les nuances des clichés . Il est ainsi possible d'observer directement sur ceux-ci les sur -
faces qu'elles affectent et, par l'intermédiaire de leur forme et de leur disposition, d'identifie r
les mécanismes en jeu .
Il suffit, pour cela, qu'une couche de couleur différente soit mise à nu sous la couch e
superficielle, ce qui n'implique, dans beaucoup de cas, qu'une ablation minime . La sensibilité
des photographies aériennes à de tels phénomènes peut donc être très grande, comme nous l e
montrerons à partir de quelques exemples :
— La déflation éolienne aboutit à emporter les particules suffisamment fines, limon s
et sables . Vis-à-vis des granules et des graviers, elle est impuissante . C'est même souvent le
cas pour les sables grossiers . Ces laissés pour compte se concentrent en surface et formen t
un reg de déflation . Or, il est fréquent que les particules soient de nature différente suivant leu r
taille et, par conséquent, de couleur différente . Là où certaines particules grossières sont plu s
nombreuses en surface, la teinte de la photographie peut différer par rapport aux endroits où ,
au contraire, elles sont moins nombreuses . Ainsi, au Salar del Huasco, dans les Andes déser-
90 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

tiques du Nord du Chili, un ancien fond de lac soumis à la déflation est formé par des sable s
fins surtout quartzeux et des grains de cendres de teinte très claire, et par des granules issue s
de scories basaltiques et d'andésites, plus foncées (noirâtres et brun-rouille) . Les esquisses d e
reg de déflation apparaissent en plus foncé sur les clichés . Les granules se concentrent davan-
tage par endroits, dessinant des arabesques.
Le ruissellement peut aboutir à des effets analogues en lavant les particules fine s
sur un versant et en concentrant les cailloux . Souvent, les emplacements où dominent les parti -
cules fines apparaissent alors en plus foncé, car elles restent plus facilement humides tandi s
que les cailloux, à nu, réfléchissent une partie de la lumière, ce qui leur donne un aspect plu s
clair . Bien entendu, cette règle ne saurait s'appliquer aux basaltes et autres roches noirâtres,
qui donnent toujours des teintes foncées .
— Dans les régions désertiques, les patines sont fréquentes . Elles forcent les clichés ,
aussi bien lorsqu'elles couvrent des rochers, par exemple les grès ferrugineux de la Boucle d u
Niger, que des blocs et cailloux épars à la surface du sol . Les accumulations déjà anciennes ,
terrasses, cônes de déjections, épandages, ont une patine plus ou moins foncée suivant leur âge ,
lorsque, du moins, leur surface n'a pas subi de retouches . Il en est de même des formations d e
pentes . Sous les climats tempérés, en montagne, les éboulis nus noircissent également à l'air ,
beaucoup plus rapidement d'ailleurs que la formation des patines . Des remaniements dans d e
telles formations se détectent aisément par l'apparition de teintes plus claires dues à la mis e
à nu du matériel sous-jacent, ou à l'arrivée de matériel frais, se superposant à l'ancien et n'ayan t
pas encore acquis la même coloration foncée . Dans certaines régions on peut même reconnaître
les diverses terrasses à leur teinte, par exemple, dans le désert ensoleillé sublittoral chiléno-
péruvien . Le Quaternaire le plus ancien y offre toujours de fortes patines cuivrées, de couleu r
sombre sur les clichés, que l'on ne retrouve pas sur les accumulations plus récentes, plus claires .
Mais la prudence reste nécessaire car la nature lithologique des matériaux intervient aussi ,
tant par leur couleur initiale que par le développement de la patine à leur surface . D'une vallée
à l'autre et le long même d'une vallée déterminée, la nuance change pour une même nappe allu-
viale en fonction de sa composition lithologique . On ne peut donc se contenter de travaille r
en chambre. Cependant, les zébrures plus claires sur des formations à nu décèlent toujour s
des remises en marche, donc une activité récente : couloirs d'avalanches dans les éboulis mon-
tagnards, nouvelles chutes de pierres sur ces éboulis, détachements de pans de corniche, rigole s
et chenaux sur les cônes de déjections, les épandages, les terrasses, arrivées de sable éolien, etc .
Par exemple, toujours au Salar del Huasco, les sables éoliens vifs, de teinte claire, contrasten t
vigoureusement avec le substratum de roches volcaniques noirâtres .
— L'érosion des sols est, elle aussi, très souvent aisée à déceler sur photographie aérienne .
En effet, il est de règle que les divers horizons des sols diffèrent par leur couleur, l'horizon super -
ficiel étant plus foncé du fait de la présence de la matière humique, l'horizon B étant soit plu s
clair (par exemple dans les sols podsoliques), soit plus foncé (cas des sols bruns) que le matérie l
parental . Mais, même lorsque les sols présentent un profil en apparence homogène, les horizon s
se différencient cependant par leur granulométrie (horizons dits texturaux) . Ils peuvent alors
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 91

influencer la teinte par l'intermédiaire de leur capacité de rétention et de leur plus ou moin s
grande humidité .
C'est pourquoi l'érosion des sols apparaît très bien sur les photographies aériennes qu i
sont le meilleur document pour son étude, à condition que le phénomène ne soit pas cach é
par une couverture végétale fermée .
Les griffures du ruissellement concentré se discernent dans le modelé mais resten tencor
visibles même lorsque l'échelle des clichés est trop petite grâce aux différences de teinte qui le s
soulignent . Les phénomènes de décapage, plus malaisés à observer à terre, se traduisent pa r
des différences de tons sous la forme de plages irrégulières, aux contours habituellement fondu s
par suite du déplacement des particules qui estompe les limites . En effet, jamais ce décapage
n'affecte exactement la même partie du profil sur une assez grande surface . Ici, les horizon s
sont plus épais et le décapage descend moins profond dans le profil, là, au contraire, c'est l e
décapage qui, étant plus intense, atteint un niveau plus proche de la base du sol, ou même ,
recoupe le matériel parental et vice-versa .
Une région de croupes, dans la région de Dijon, appartenant au fossé des Plaines d e
la Saône et formée par l'Aquitanien marnocalcaire, marneux et marnogréseux, en donne u n
excellent exemple (fig . 23) . Les couches sont tabulaires . De grandes parcelles indifférentes
à la topographie ont été le siège d'une érosion assez intense pour décaper complètement le s
sols . On y voit transparaître la disposition des couches, rendue visible par les différences d e
teintes qu'elles offrent . Vers le haut des, croupes, la teinte est claire . A mi-hauteur, apparaî t
une teinte foncée . Le ruissellement diffus entraîne ses débris vers le bas et donne au contac t
une allure moirée, avec une série de petites bavures .
La concentration des particules fines sous la forme de colluvions au pied du versan t
et, parfois, jusque dans les moindres creux du terrain, se traduit, principalement sur les terre s
cultivées, par des nuances plus ou moins accusées, qui sont le résultat des différences d'humidité .
On peut ainsi déceler les traces d'un décapage par ruissellement diffus qui sont difficilemen t
observables sur le terrain . Mais il est difficile d'apprécier leur importance réelle sur les clichés .
Il faut se rendre sur place et tenir compte de l'épaisseur des divers horizons du sol .
— Dans les vallées, les alluvions fraîches, non colonisées par la végétation, apparaissen t
presque toujours avec une teinte claire quand elles sont grossières (galets et sables) . Les maté-
riaux fins, gardant l'humidité, présentent des teintes plus foncées . Des cailloux et des blocs
non encore colonisés par la végétation supérieure mais immobiles depuis plusieurs année s
perdent graduellement leur nuance claire, comme les surfaces rocheuses, par suite du dévelop-
pement des lichens . Ajoutons le microrelief, toujours aisé à voir, et on comprendra que le s
photographies aériennes sont un document extrêmement précieux pour l'étude de la dynamiqu e
fluviale actuelle . Les creux dans lesquels se sont décantés des produits fins en décrue apparaissen t
plus sombres entre les bancs . Les bancs grossiers non remaniés depuis plusieurs années son t
moins clairs que ceux qui ont été façonnés plus récemment .
Sur les plaines inondables couvertes de végétation, on peut déceler assez souvent de s
laisses de crue récentes au moyen de différences de teintes .
92 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 23 . Décapage par ruissellement diffus anthropique .


Mission Avallon-Mirebeau, 1962 . 394-395 .
Feuilles 1 80 .000 géologique : Dijon et Gray .
1/25.000: Mirebeau 7/8 et Dijon 3 4 .
Environs des villages d'Étevaux et de Trochères .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 93

Formations lacustres aquitaniennes des plaines de la Saône . à disposition tabulaire, faiblement disséquées .
Sols médiocres, incomplètement défrichés . Des bois persistent sans rapport avec la nature probable des sols . Ce sont des forêt s
résiduelles typiques . Une tendance au reboisement se fait timidement jour . Quelques lanières ont été déjà reboisées çà et là .
Tout cela indique des conditions agricoles peu favorables . malgré un habitat groupé et une structure agraire de champs e n
lanières ouverts, dénotant un peuplement ancien, antérieur à la seconde partie du Moyen Age . Elle est particulièrement typique
à Étevaux.
La notice de la carte géologique indique, de manière générale, que cet Aquitanien est formé de calcaires à bancs gréseux et conglo-
mératiques . Ce ne peut être le cas de la région présentée, à cause du trop grand contraste entre les vallées, 'occupées par des prai -
ries, et les interfluves qui, bien que peu marqués, avec des pentes très faibles, sont voués aux labours . Modelé et occupatio n
du sol dénotent des marnes, les unes claires, les autres foncées ou rougeâtres .
Un argument supplémentaire dans le même sens est fourni par l'intense décapage qu'effectue le ruissellement anthropique, malgr é
la faiblesse des pentes, et qui fait apparaître la structure tabulaire par l'intermédiaire des différences de teinte des couches super -
posées les unes aux autres . En effet, jamais un tel décapage ne s'observe sur les calcaires, dont les sols ont une bonne structur e
et sont trop perméables tant qu'ils restent carbonatés .
Le décapage, ici, est suffisant pour faire apparaître une couche plus foncée dans les versants . L'allure moirée de ses contacts s'expliqu e
par les labours dans le sens de la pente et le colluvionnement. Les reboisements, surtout sur la croupe la plus éloignée au N E
d'Étevaux poussent très irrégulièrement et prennent mal sur les versants, ce qui dénote un appauvrissement très marqué, consé-
quence _ de
_ l'érosion anthropique dont le décapage a été maximum en cet endroit .

Au total, la géomorphologie dynamique actuelle ou récente transparaît plus nettement


sur les photographies aériennes que les types de sols ou la nature lithologique du substratum .
Cela se comprend fort bien : les mécanismes morphogénétiques s'attaquent à la surface mêm e
du terrain et modifient directement ses aspects . Ils sont plus immédiatement perceptibles dan s
les aspects du paysage qui sont retenus sur les clichés, notamment dans le jeu des clairs et de s
foncés. La part de l'observation, de la lecture, est plus grande, celle de l'interprétation, toujour s
conjecturale, est moindre . Le degré de certitude auquel atteint l'étude des photographies es t
plus élevé . La photographie aérienne, pour l'étude d'aspects variés de la morphodynamiqu e
actuelle est un document de tout premier plan, irremplaçable, donnant, dans certains cas, de s
informations difficiles à obtenir sur le terrain.

B. LE COMMENTAIRE DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Le commentaire des photographies aériennes a les mêmes fins didactiques que le commen-
taire de cartes, exercice classique . Il mérite une très large place dans l'enseignement pour deu x
séries de raisons :
— Les photographies aériennes, plus concrètes que la carte, sont plus éminemmen t
géographiques qu'elle et permettent une foule de rapprochements qui ne sont pas possible s
avec les cartes .
La couverture de photographies aériennes du Globe est beaucoup plus généralisé e
que la couverture cartographique à l'échelle correspondante . Même en France, de vastes région s
de l'Ouest, du Centre, du Sud-Ouest, sont couvertes par des clichés au 1/25 .000 alors qu'o n
ne dispose pour elles que de cartes périmètres, en hachures, au 1/50 .000 . Hors d'Europe, le s
cartes topographiques détaillées sont rares et souvent médiocres, trop peu précises pour per-
mettre une illustration valable des problèmes géographiques . La photographie aérienne est
94 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

alors le seul document utilisable . Cette situation est générale en Asie, en Afrique, en Amériqu e
Latine . L'étude des déserts, des savanes, des forêts tropicales, dans leurs multiples aspect s
physiques et humains ressort essentiellement du domaine du commentaire de photographi e
aérienne .
La méthodologie générale du commentaire de photographies aériennes est parallèle à
celle du commentaire de cartes : elle comporte les démarches suivantes :
a) Lire la photographie aérienne, comme on lit la carte . La démarche es tbeaucop
plus complexe, comme nous l'avons montré, à cause du caractère concret de la photographie.
On ne sait jamais parfaitement lire une photographie et le praticien le plus exercé trouvera
toujours, sur les clichés, des objets qu'il ne peut identifier avec certitude . Plus encore que cell e
des cartes, la lecture des photographies aériennes est une question de pratique et d'expérience .
Celles-ci s'acquièrent plus vite et mieux lorsqu'on peut comparer la photographie aérienn e
au paysage . Les débutants ont grand intérêt à acquérir ou à emprunter quelques clichés e t
à les emporter avec eux sur le terrain pour les y examiner au moyen d'un stéréoscope de poche .
Au début, il est bon de procéder aussi à la confrontation systématique entre la photographi e
aérienne et une carte topographique détaillée, si possible de même échelle . La carte aidera
à orienter la photographie, à préciser les limites de la région qu'elle couvre, à apprécier so n
échelle et, en montagne, la distorsion, qui est essentielle . En cas d'hésitation, la carte aider a
aussi à se repérer .
La lecture de la photographie aérienne sur le terrain permettra de reconnaître les diver s
objets qui y sont représentés et, surtout, de se familiariser avec l'angle de vue vertical, inhabituel .
C'est pour cela que la comparaison systématique avec la carte s'impose au début . Le mêm e
exercice permettra aussi de se rendre compte du caractère contingent de toute une série d'aspect s
de la photographie aérienne, qui déroutent ou intriguent le néophyte, comme certaines par -
celles en cours de récolte ou de labour, qui se signalent par des zébrures particulières .
Cet exercice doit être pratiqué dès le début de l'initiation à l'utilisation des photographie s
aériennes, aussitôt que l'on a défini ce qu'est une photographie aérienne et il doit être répét é
aussi souvent que possible à partir d'exemples aussi divers que possible . Il est bon, par exemple ,
de mettre entre les mains des étudiants quelques clichés choisis lors de chaque sortie sur l e
terrain et, aux différents arrêts, d'associer photographie aérienne et commentaire du paysage .
C'est ainsi que l'on acquiert la pratique indispensable, soit au cours d'exercices collectifs, soi t
individuellement .
Un aspect de ces exercices de lecture est constitué par la pratique des méthodes morpho -
métriques élémentaires, au stéréocomparateur par exemple .
b) Identifier les phénomènes géographiques, géologiques, botaniques ou écologique s
qui font l'objet de l'exercice .
Comme nous l'avons montré, une partie seulement des faits observables sur les cliché s
se lit directement. Beaucoup d'autres n'apparaissent que de manière indirecte et se déduisen t
de rapprochements . La démarche est exactement de même nature que celle que nous faison s
lorsque nous examinons une carte géologique et que, de l'allure des affleurements qui y sont
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 95

seuls représentés, nous déduisons l'existence d'un anticlinal ou d'un synclinal . Il s'agit, en fait ,
d'une interprétation, mais d'une interprétation élémentaire, qui ne présente guère de risque s
d'erreur lorsque le document est valable .
Dans la carte géologique, la qualité de l'interprétation qui aboutit à identifier tel o u
tel type de structure est fonction de celle des levés, donc des observations de l'auteur de la carte .
Un coefficient personnel, parfois très important, intervient ainsi . Certains auteurs, prisonnier s
de leurs théories, inventent ainsi des structures inexistantes (carte Alès au 1/80 .000, 2 e éditio n
par exemple). Ce risque n'existe pas en matière de photographies aériennes . Par contre, tout e
une série d'éléments techniques interviennent, dont nous avons donné plus haut un aperçu :
conditions de prise de vue, matériel utilisé, qualité du développement et du tirage . Suivant les
circonstances, les clichés des couvertures ordinaires, qui ne sont pas destinés à mettre spécia-
lement en évidence tel ou tel type de phénomène particulier, se prêtent plus ou moins bien à
l'identification des faits étudiés . Inutile de rappeler, par exemple, les différences considérable s
d'interprétation offertes, dans les régions littorales à fortes marées, par les clichés pris à maré e
basse et à marée haute (fig . 51 a) et 51 b).
L'utilisateur de photographies aériennes, commentateur inclus, doit toujours être bie n
conscient du fait que le document qu'il interprète, s'il est parfaitement objectif, est plus o u
moins contingent . Quand on cherche des clichés destinés à fournir, des illustrations pédagogique s
de phénoménes déterminés, on peut rencontrer de grandes différences d'une mission à l'autr e
dans la même région ou dans des régions voisines semblables . On ne voit pas toujours les mêmes
choses sur les clichés de sorte que les interprétations peuvent être plus ou moins poussées .
c) Expliquer le paysage tel qu'il apparaît sur les clichés . C'est le commentaire proprement
dit . Comme dans le commentaire de cartes, l'explication de ce que l'on voit sur le documen t
vient après l'identification des objets . Par exemple, en géomorphologie, il faut d'abord défini r
la nature des formes (identification) avant de rendre compte de leur agencement et de certaine s
de leurs particularités .
Une telle explication exige des données . De leur nombre et de leur variété dépend s a
qualité . La photographie aérienne en fournit davantage que la carte dans certains domaine s
particuliers . Par exemple, elle permet d'identifier de nombreux mécanismes morphogénétique s
actuels ou récents, ce que la carte ne permet pas . Elle renseigne sur l'utilisation du sol au momen t
de la prise de vue, sur la structure agraire, sur celle de l'habitat, qui n'est visible que sur le s
bonnes cartes détaillées (1/25 .000 par exemple) . Des séries de rapprochements peuvent êtr e
établis entre ces ordres de faits différents à partir de la seule photographie aérienne . Par exemple,
dans une région en cours de dégradation- - et elles sont nombreuses ! — on peut étudier le s
formes d'érosion et l'intensité de l'érosion en rapport avec l'utilisation du sol, l'orientation ,
la topographie . On peut examiner les changements de types de lits le long des cours d'eau o u
en fonction des caractères des versants, de l'intensité de l'érosion sur les pentes, etc . Ce genr e
d'exercice, interne au document, en quelque sorte, est analogue à celui que l'on pratique su r
une carte topographique lorsqu'on étudie la structure de l'habitat urbain en fonction du sit e
de la ville ou l'utilisation du sol en fonction de la topographie et des types de peuplement, mais,
96 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

dans ce dernier cas, avec beaucoup moins de possibilités qu'en recourrant à la photographi e
aérienne !
Mais, pas plus qu'on ne peut se contenter de la seule carte topographique pour fair e
un commentaire de carte poussé, on ne peut se contenter de la seule photographie aérienne .
Pour éviter les cercles vicieux et les pétitions de principe, d'autant plus dangereuses que le docu-
ment est plus complexe, il est indispensable de ne pas se contenter d'un exercice interne à c e
document . Il faut le comparer à d'autres. On y gagnera en richesse et en sécurité .
Il est admis de tous qu'un commentaire de carte géomorphologique exige le recour s
aux cartes géologiques, qu'une étude de l'habitat doit s'appuyer sur la connaissance des roches ,
faute de documents plus adéquats, comme les cartes pédologiques et agronomiques . Il en est
de même des commentaires de photographies aériennes . On a toujours intérêt à rechercher la
documentation géologique, aussi précise que possible, pour interpréter les photographie s
aériennes, plus encore pour les commenter . Même pour les spécialistes de la recherche, il es t
très conjectural de déterminer la nature des roches sur un cliché . Il faut éviter de se mettre e n
une posture si risquée quand on poursuit un objectif pédagogique .. .
Prenons, par exemple, le commentaire n° 34, portant sur la région du Mont-Vign e
(feuille Avallon au 1/80 .000) . Si nous ne disposons pas de carte géologique, nous pouvon s
nous appuyer sur les contrastes remarquables de paysage rural pour inférer l'existence de contras -
tes lithologiques importants . C'est ce que nous avons fait puisque nous avons choisi ce clich é
pour montrer comment détecter une faille . Mais, si nous disposons de la carte géologique ,
nous pouvons nous livrer à un commentaire beaucoup plus riche et mettre les divers types d e
paysages agraires en rapport avec des unités physico-géographiques commandées surtout pa r
la lithologie : paysage de champs ouverts sur le plateau de calcaire marneux, bocage récent li é
au développement des prairies sur les marnes du Lias, habitat de hameaux avec des forêts, de s
labours, des prairies, sur le massif ancien dont le défrichement est en grande partie médiéval .
La photographie peut alors servir à illustrer les remarquables travaux de R . Dion sur la mis e
en place du peuplement et des structures agraires dans le Bassin de Paris . On se reportera aux
exemples de commentaires que nous donnons pour saisir la variété et la richesse didactiqu e
de ce type d'exercices .
A l'heure actuelle, tout comme pour le commentaire de cartes, en France, nous ne dis -
posons que de la carte géologique pour l'ensemble du pays . C'est donc à elle qu'il faut pense r
en premier lieu pour les rapprochements . Mais il est bien évident qu'elle n'est qu'un documen t
parmi d'autres, et pas toujours le plus adéquat . Les cartes pédologiques donnent des élément s
plus directement utilisables pour les problèmes de géographie rurale . Les cartes géomorpho-
logiques détaillées, récentes, mais dont l'élaboration se développe, renseignent beaucoup mieu x
que les cartes géologiques non seulement sur les formes du terrain, sur la dynamique du relief ,
,mais aussi sur les formations superficielles, qui cachent souvent le substratum sur les photo -
graphies aériennes . Il est capital, par exemple, de savoir si tel affleurement calcaire de la cart e
géologique est une dalle massive, lapiazée, inutilisable par le paysan, ou donne une terre caillou -
teuse, certes, mais cultivable, lieu d'élection d'une structure agraire à champs ouverts .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 97

Un bon commentaire de photographie aérienne doit être conduit de manière dialectique .


Les observations sur le cliché doivent être rapprochées des informations que peuvent fourni r
les autres documents, ce qui permet aux explications de gagner tant en profondeur qu'en sûreté .
A leur tour, les données extraites d'autres sources permettent d'interpréter plus à fond la photo -
graphie, d'en tirer des renseignements complémentaires, des rapprochements nouveaux, . de s
explications plus complètes . Qu'on nous permette d'insister : par son caractère concret, l a
photographie se rapproche plus du paysage qu'aucun autre document . Son commentaire doi t
être conduit comme celui d'un paysage . Il ne peut atteindre sa plénitude que lorsqu'un contac t
suffisamment intime s'est établi entre le commentateur et la réalité qu'il présente . Une large
culture géographique et une information aussi solide que possible sont indispensables pou r
l'établir .

C . L'INSERTION DE LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENN E


DANS LA RECHERCH E

L'utilisation des photographies aériennes dans la recherche, appliquée ou non, bénéfici e


d'une grande vogue . Elle est pleinement justifiée . C'est pourquoi il faut regretter certains excès .
En effet, certaines compagnies privées se sont lancées dans l'utilisation de cet instrument nou-
veau, mais la pratiquent d'une manière qui frise parfois le charlatanisme et qui risque de jete r
un discrédit qui, malheureusement, ne se limitera pas à ceux qui le méritent . En effet, certaines
de ces compagnies se sont équipées pour la prise de vue et l'établissement de mosaïques, mais ,
pour accroître leurs bénéfices, ne veulent pas se limiter à ces opérations qui correspondent à
leur compétence . Elles prétendent se livrer à la photo-interprétation afin de s'assurer des débou-
chés et promettent d'exécuter des levés pédologiques, d'établir des cadastres, d'effectuer de s
inventaires de ressources pour lés pays à développer . Or, elles ne disposent ni des spécialiste s
nécessaires, ni de la compétence voulue dans ces domaines délicats et ne veulent pas consacre r
aux recherches les moyens financiers nécessaires pour accroître leurs bénéfices . On limite a u
maximum les dépenses de travail sur le terrain, ce qui aboutit à une interprétation des photo -
graphies aériennes insuffisantes ou inexactes . Ainsi, certaines de ces sociétés se contentent d e
remplir la rubrique « géomorphologie » avec le seul tracé du réseau hydrographique ou dis-
tinguent seulement les régions de collines et les régions de plaines . L'une d'elles, pour servi r
de base à des levés pédologiques, ne va pas au-delà d'une délimitation du « Quaternaire » san s
autre précision . . . Alors que la région dans laquelle elle travaille comporte des accumulation s
littorales, des terrasses, des formations hydrovolcaniques, des coulées boueuses d'âges divers ,
aux possibilités agricoles très différenciées . Malheureusement, ces sociétés disposent de moyen s
de pression, efficaces auprès des organisations internationales et des pays sous-développés e t
ont fait admettre, trop souvent, le travail bâclé et plus que médiocre qu'elles font comme cons-
tituant le type même des études à réaliser . Il y a là un danger, un très grand danger . contre leque l
tous ceux qui pratiquent honnêtement la recherche appliquée doivent réagir .
98 - INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

En réalité, il en est de la photographie aérienne comme de toutes les innovations techni -


ques. Elle nous apporte des possibilités nouvelles mais ne rend pas inutiles les autres méthode s
de recherches . Elle élargit l'éventail des moyens dont nous disposons mais ne peut se suffir e
à elle-même . Elle accroît sa valeur propre en se combinant à eux . Le vrai chercheur ne peut être
l'homme d'une technique, surtout dans nos disciplines . Il doit d'abord être un chercheur, qu i
consacre ses efforts à l'étude d'une certaine catégorie de phénomènes, et qui utilise ; à cet effet,
diverses techniques, parmi lesquelles les photographies aériennes . Le spécialiste de la photo -
interprétation, comme en emploient les organismes que nous critiquons, et dont le nivea u
d'études ne dépasse guère le diplôme de l'enseignement secondaire, est un simple technicie n
et ne peut être rien d'autre, par manque de culture . Son rôle est comparable à celui du chauffeu r
du géologue.. . La véritable photo-interprétation s'intègre à la recherche mais ne peut en consti-
tuer qu'un des moyens . En l'isolant on lui fait perdre sa valeur . Le problème fondamental es t
donc de déterminer comment l'utilisation des photographies aériennes peut s'insérer de l a
manière la plus efficace dans les activités de recherche . C'est un problème de logistique .
L'utilisation des photographies aériennes peut se placer à divers niveaux de la recherch e
mais doit être toujours associée dialectiquement, de la manière la plus étroite, avec les activité s
de terrain .

10 Préparation du travail de terrain.


L'étude des photographies aériennes rend de grands services au début d'une recherche ,
au stade de la préparation . Il est donc souhaitable de pouvoir en disposer dès que la recherch e
est décidée .
a) Etablissement d'un programme de couverture photographiqu e
Dans certains cas, il est possible de faire prendre spécialement une série de clichés pou r
l'étude décidée . II est alors nécessaire de connaître les caractéristiques de la région et la nature
exacte des problèmes que l'on aura à examiner . Une reconnaissance s'impose alors, au sol e t
par air . Elle permettra de choisir :
— L'échelle des clichés . Plus elle est grande, plus la couverture est onéreuse, ce qu i
oblige à un compromis . D'une manière générale, l'étude des phénomènes géomorphologiques ,
pour des programmes de conservation ou des levés pédologiques et écologiques, comme l'étud e
des structures agraires, notamment pour établir des cartes cadastrales ou d'utilisation du sol ,
exigent des échelles voisines du 1/20 .000 alors que les levés géologiques sont plus faciles à de s
échelles plus petites, comme le 1/75 .000, qui mettent mieux en valeur les ensembles . En pay s
à couverture végétale dense, l'intérêt de disposer de vues à grande échelle est moindre qu'e n
pays dénudé . Certaines régions, où les ensembles sont vastes, ne nécessitent pas autant les grande s
échelles que d'autres, plus morcelées . Nous avons pu faire un levé géomorphologique détaill é
du Delta du Sénégal avec des vues au 1/45 .000 environ sans aucun inconvénient sérieux . I l
n'en serait pas de même dans les Alpes . . .
— La date de prise de vue, qui sera souvent un compromis entre des exigences diverses
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 99

dans le cas d'une étude interdisciplinaire. En montagne, par exemple, des vues prises enfi
d'été sont précieuses pour la glaciologie . On peut alors déterminer les levés. Suivant les
dseycultèrm,apsfvobleur'étd isaonlvret

unpeavtl'édbsmer .Lenivaudlmréstcpouedlitras ouhitbledpvrsoclihépeunsàbamr,ltehuo,sil'nvetédraymiquescontdaré,upevl'tdhamer .


Dans les régions inondables, comme le Delta du Sénégal, les informations recueillies sont trè s
différentes suivant que les vues ont été prises lors de la crue, au début ou à la fin de la saiso n
sèche . Les conditions météorologiques interviennent aussi et, dans certaines régions, laissen t
peu de latitude . Tel est le cas en Basse-Côte-d'Ivoire . Dans les pays tropicaux à saison sèch e
accentuée, l'atmosphère peu transparente de la saison sèche constitue une gêne, surtout lorsqu e
l'on pratique les brûlis . Les clichés pris à trop haute altitude sont inutilisables . Les forestiers
ont, eux aussi, leurs exigences propres . Ils préfèrent les vues prises lorsque les feuilles des arbre s
sont bien développées .
— Le matériel de prise de vue et de reproduction . Il faut choisir les types de pellicule s
en fonction des caractères de la région et des objectifs de l'étude, suivant les critères qui on t
été exposés au chapitre II . Les pellicules de couleurs avec des filtres variés, permettant d'éliminer
certaines teintes, donnent des vues complètement artificielles, mais qui permettent de mettr e
en évidence certains aspects particuliers . Il y a là des possibilités d'action variées et complexes ,
de maniement délicat, qui aboutissent à des clichés dont l'utilisation est très spécialisée, qu i
ne peuvent guère servir que pour un but très précis, par exemple la recherche d'un certain typ e
de minerais . C'est d'ailleurs l'objet des recherches conduites en Union Soviétique dans ce
domaine . Sans aller si loin, une double prise de vue, par exemple, avec des pellicules panchro-
matiques et des pellicules infra-rouges, est souvent rentable par suite de la multiplication de s
données dont l'observation est rendue possible . De manière générale, il est toujours souhaitabl e
de disposer d'une série de vues sur film panchromatique ordinaire à côté des vues prises ave c
d'autres pellicules pour satisfaire des désirs particuliers .
Certes, il est rare que l'on puisse faire effectuer une couverture spécialement pour un e
étude . Mais les impératifs techniques que nous venons de rappeler sommairement intéressen t
aussi toute personne qui utilise des clichés préexistants .
b) Études des clichés :
Avant le travail de terrain, une étude de la couverture photographique est toujour s
rentable . Il y a intérêt à la pousser au maximum toutes les fois que le terrain est difficile d'accè s
ou de parcours afin de limiter les inconvénients qui en résultent . Lorsqu'il en est ainsi, les tra-
vaux préliminaires comportent les étapes suivantes :
—, Établissement d'une mosaïque dont la précision est fonction de l'objet de l'étude .
Le plus souvent, il n'est pas nécessaire d'établir un véritable photo-plan . Une mosaïque non
redressée est généralement suffisante . En effet, les erreurs de position qu'on y rencontre dépassen t
rarement les incertitudes que comporte normalement le levé de terrain à la même échelle . Il
ne -faut donc pas gaspiller des moyens à rechercher une précision fallacieuse . On peut d'ailleurs
100 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

toujours sauvegarder la précision en portant directement les contours du levé sur les photo -
graphies aériennes . Il sera facile, ensuite, de les transférer sur une carte régulière ou sur u n
photo-plan ou, encore, sur une mosaïque contrôlée, sans avoir à attendre l'établissement préa-
lable de celle-ci . C'est ainsi que nous avons opéré, en 1954, dans le Delta du Sénégal .
Cette mosaïque est destinée avant tout à fournir un document de travail et, dans bie n
des cas, un fond de carte . Il est, en effet, toujours plus facile de reporter sur une mosaïque le s
observations faites sur les photographies aériennes, car on dispose, pour cela, de mille repère s
qui manquent sur la carte . De surcroît, l'échelle de la carte, quand elle existe, est différent e
de celle de la photographie . Même en s'entourant de précautions, qui prennent beaucoup d e
temps, le report de contours de la photographie à la carte s'accompagne nécessairement d'erreur s
qui diminuent la précision du document final .
Lorsque l'on manque de cartes ou lorsque les cartes existantes sont médiocres, pas asse z
précises, ou à une échelle trop petite, ou ancienne, il est bon d'établir un croquis-repère sur calqu e
à partir des mosaïques . On y porte les indications permettant de se localiser sur le terrain :
routes, pistes, cours d'eau, crêtes, escarpements rocheux, habitat, etc . Reproduit à un nombre
suffisant d'exemplaires, en noir et blanc, au moyen d'un procédé de tirage de plans, il servir a
sur le terrain comme fond de carte et évitera une consommation excessive de photographie s
dont il est parfois long et difficile d'obtenir des tirages supplémentaires .
— Étude des clichés afin de poser un certain nombre de problèmes et de se familiarise r
avec les aspects de la région, surtout lorsqu'on ne la connaît pas .
Dans les pays de parcours difficile, cette étude comporte des aspects logistiques impor-
tants . Elle doit permettre de repérer les pistes, les lieux habités, les points d'eau, les obstacle s
difficiles à franchir . Grâce à ces données, localisées sur le calque dont il vient d'être question ,
on peut établir un programme de campagne, sans négliger toutefois de consulter des personnes
compétentes connaissant la région, car leurs conseils seront toujours utiles et éviteront bie n
des mécomptes .
Du point de vue scientifique, l'étude préalable des clichés permet d'identifier un certai n
nombre de données et de déterminer quelle nature d'information ils peuvent fournir . Cela
permet d'orienter le travail de terrain vers ce que la photographie aérienne indique mal ou pa s
du tout . Comme nous l'avons déjà indiqué, la situation varie considérablement d'une régio n
à une autre et même d'une couverture photographique à une autre dans la même région, d e
sorte qu'il n'est pas possible de préciser davantage . C'est justement l'objet du présent ouvrag e
que de mettre en évidence l'extrême diversité de nature et de précision que l'on rencontre dan s
les informations fournies par les photographies aériennes .
— Établir des esquisses de photo-interprétation sur calque sur la mosaïque qui seron t
reproduites comme les croquis-repères . Comme eux, elles serviront au travail de terrain . Elle s
sont destinées, en effet, lors de celui-ci, à être corrigées et complétées . Il est donc indispensabl e
de les établir en noir et blanc, en évitant les figurés massifs, trop couvrants, sur lesquels de s
surcharges seraient peu visibles . On doit pouvoir aisément corriger un trait et barioler une sur -
face au crayon de couleur .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 10 1

Il est souhaitable de concevoir ces esquisses de telle manière qu'elles exigent le minimu m
de corrections . Pour cela, on y portera surtout, en trait fin, aisément surchargé au crayon d e
couleur, des limites apparaissant nettement sur la photographie aérienne et qui séparent pro-
bablement des unités différentes . Les risques d'erreur sont nuls dans le cas des limites de parcelle s
culturales sauf dans le cas des pays tropicaux où on cultive sous ombrage . Pour une étude de
géographie agraire, on peut donc reporter directement, d'après photographie, toutes ces limite s
qui seront indispensables par la suite . Dans le cas d'études géologiques, géomorphologiques ,
pédologiques et, parfois biogéographiques, il arrive très souvent que les contours des unité s
apparaissant sur photographie manquent de netteté, qu'il existe des transitions, des interruption s
apparentes . Il arrive aussi que des différences incontestables de tonalité des clichés s'avèren t
fallacieuses sur le terrain et ne correspondent à rien d'identifiable dans le domaine de la recherch e
entreprise . Il faudra donc pouvoir facilement compléter ces contours ou les supprimer, suivan t
les cas . Le dessin de l'esquisse doit en tenir compte .
Il faut aussi se garder contre une autre tentation, bien naturelle d'ailleurs, celle qu i
consiste à vouloir pousser trop loin la photo-interprétation préliminaire . Cela risque, en effet ,
d'aboutir à porter sur l'esquisse des éléments inexacts . On aura non seulement perdu du temp s
à ce livrer à ce jeu, certes excitant, mais inutile et, de plus, on en perdra de nouveau, sur le ter-
rain, à supprimer tout ce qui n'est pas valable . Enfin, on aura rendu l'esquisse plus chargée ,
ce qui diminue les facilités d'utilisation . Il vaut donc mieux se contenter de délimiter seulemen t
des ensembles sans trop vouloir interpréter leur nature exacte .
Enfin, il est des données bien visibles sur les clichés, dont l'interprétation ne pose pa s
de problèmes . Tel est le cas, par exemple, des bancs d'alluvions dans un lit de cours d'eau ,
des ravins, des escarpements rocheux, etc . Tout au plus aura-t-on besoin de préciser la natur e
granulométrique des alluvions ou la lithologie des escarpements . Dans ce cas, il est bon d e
porter leurs contours sur le croquis . Sinon, cela n'est pas nécessaire . Ils seront figurés sur l a
carte définitive lors de la mise au net, après le travail de terrain . On évitera ainsi un report inu-
tile de l'esquisse à la carte définitive, qui ne peut se traduire que par des erreurs .

2° Le travail de terrain .
La meilleure utilisation de la photographie aérienne se fait à partir du terrain lui-même .
L'usage des clichés complète les observations au sol et permet de les intégrer dans l'ensembl e
que constitue le paysage vu à la verticale . Entre les observations au soi et l'étude des photogra-
phies au stéréoscope de poche, l'oscillation du chercheur doit être permanente . C'est de cett e
façon que l'on peut tirer le maximum de la photographie aérienne, en faire une interprétatio n
correcte, contrôlée et plus poussée et l'utiliser sans risque tout en améliorant la qualité et l a
rapidité du travail de terrain .
Cette harmonieuse association du travail de terrain et de l'interprétation de la photo -
graphie aérienne peut se réaliser de diverses manières, dont le choix est commandé en grand e
partie par les conditions mêmes de la recherche entreprise et son objet .
102 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

a) Établissement de clefs :
On peut consacrer le travail de terrain à l'établissement de clefs destinées à servir ensuit e
à la photo-interprétation au laboratoire . C'est la méthode pratiquée, entre autres, par le Minis-
tère des Mines du Canada . Nous l'avons utilisée, au Centre de Géographie Appliquée, en 195 7
pour le levé de la région de Goundam (Mali) .
L'étude préalable des photographies aériennes permet de définir un certain nombr e
d'aspects caractéristiques . On va contrôler leur identification sur le terrain . Cela permet d'établi r
des clefs. Chacun de ces aspects est inventorié, défini, et sa signification est établie . Les cliché s
caractéristiques sont répertoriés et constituent un document comparable à ceux qu'utilisen t
les botanistes ou les zoologistes pour déterminer les espèces .
Ces clefs sont donc un moyen de contrôler la photo-interprétation et de lui donner l e
maximum de sécurité . Elles correspondent à un travail fondé le plus exclusivement possibl e
sur les photographies aériennes .
On peut aussi utiliser une méthode un peu différente, que nous avons pratiquée dans l a
région de Goundam . Le temps était très limité et il fallait exécuter simultanément une recon-
naissance du secteur et un cannevas pour la photo-interprétation géomorphologique . Nou s
avons recouru à la technique du quadrillage . L'examen des photographies aériennes a montr é
que tous les types d'unités apparaissant sur les clichés pouvaient être recoupés en parcouran t
certains itinéraires sur pistes et un bras d'eau important, navigable à cette saison pour un e
petite embarcation . L'une des principales difficultés résultait des entraves à la circulatio n
offertes par une région amphibie . Nous nous sommes donc bornés à effectuer les parcour s
les plus faciles, ce qui a évité les pertes de temps considérables qu'implique l'usage des animau x
ou la marche à pied, surtout dans des marais . Le long des itinéraires retenus, constituant l e
quadrillage, les observations habituelles du travail de terrain ont été faites (étude de coupes ,
examen des processus, datation des formations superficielles, prélèvements d'échantillons) .
En même temps, les photographies aériennes ont été étudiées systématiquement au stéréoscop e
de poche, chaque unité nouvelle étant confrontée sur le terrain et sur la photographie . De s
kilométrages ont été notés pour les parcours terrestres, indiquant, à partir d'un point facilemen t
repérable sur les photographies, le début et la fin des diverses unités géomorphologiques e t
toutes les observations réalisées, y compris les prélèvements d'échantillons, les photographie s
ordinaires au sol prises lors de la mission, la physionomie de la végétation, etc .
La méthode du quadrillage aboutit à des résultats plus précis que celle des clefs . En effet,
l'examen du terrain est moins ponctuel et correspond à celui qui est effectué lors d'une reconnais -
sance détaillée ordinaire . Le quadrillage exige l'utilisation de moyens de transport terrestres .
Pour l'établissement des clefs, l'hélicoptère est, au contraire, idéal . Il est très largement utilis é
par les Canadiens .
Bien entendu, dans les deux cas, la documentation recueillie pour la photo-interprétatio n
n'est valable que dans la région reconnue au sol ou dans des régions tout à fait similaires . Il
ne faut pas, non plus, pour les clefs, que les clichés aient été pris dans des conditions différente s
de ceux qui servent d'étalon . Ce dernier élément limitatif disparaît pour le quadrillage .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 10 3

b) Levé sur photographies au . sol :


Une méthode exigeant un travail de terrain plus long consiste à effectuer les levés a u
sol sur photographies . Nous l'avons pratiquée en 1954 pour l'établissement de la carte géomor-
phologique du Delta du Sénégal . Nous avons adopté cette méthode prudente et relativemen t
longue, moins rapide que la précédente, du fait que le personnel dont nous disposions , n'avait
aucune expérience préalable ni de ce type de région très particulier, ni de l aphot-ineré
en vue de la recherche . Par ailleurs, c'était le premier essai de cartographie géomorphologiqu e
détaillée réalisé en France .
La méthode consiste à effectuer le levé de terrain en se fondant sur les photographie s
aériennes au lieu des cartes topographiques . Toutes les opérations annexes exigées par un lev é
géomorphologique détaillé restent les mêmes. Le travail de terrain est facilité et abrégé car le s
différences de tonalité des photographies, la végétation, le microrelief sont immédiatement inter -
prétés et mis à profit pour interpoler les contours des unités . Au lieu de tenter de suivre pa s
à pas les limites d'unités à cartographier, on peut se contenter de les traverser au plus facile .
I1 apparaît aussi qu'on peut se fier entièrement aux clichés pour la mise en place de certain s
éléments, mieux visibles, même sur les photographies que sur le terrain, comme la dispositio n
des levés alluviales ou des dunes.
Cette méthode permet à des débutants d'acquérir la pratique de la photo-interprétatio n
en même temps que celle du levé sur le terrain et de devenir juges de ce que l'on peut demande r
aux photographies aériennes dans une région donnée pour un certain type de travail . Cela es t
très important .
Nous avons généralement travaillé avec trois ou quatre équipes de levés simultanées ,
qui traçaient les contours au crayon, directement sur les photographies, et indiquaient la natur e
des unités au moyen de symboles . Chaque jour, la fin de l'après-midi était consacrée à la mis e
au net, effectuée par le chef de mission, sur les clichés eux-mêmes, cette fois au moyen d'encr e
rouge indélébile. Il était ensuite procédé, au bureau, à Saint-Louis, au dessin des mosaïque s
à l'aide de ces clichés . Les informations stockées de cette manière ont pu, ensuite, après deu x
ou trois ans, être transférées sans difficulté sur des cartes régulières, établies entre temps .
Le gain de temps de cette méthode par rapport au levé classique à l'aide des cartes ,
peut atteindre 60 à 75 % . Il est évidemment maximum dans les régions à couverture végétal e
peu dense, peu humanisées, où la photographie aérienne livre une information particulièremen t
importante, surtout lorsque le parcours terreste est difficile . Cependant, cette méthode es t
sensiblement plus coûteuse que celle du quadrillage ou des clefs . Elle exige une étude plus longu e
du terrain, mais offre le maximum de garanties . On passe d'ailleurs de cette méthode à celle
du quadrillage à partir du moment où on renonce à visiter effectivement chaque unité . Avec
la diminution de densité des itinéraires, on s'éloigne graduellement de la méthode du levé d e
terrain sur photographies pour aller vers la méthode des clefs .
Le problème se pose dans les mêmes termes que pour la géomorphologie en ce qui concern e
la géologie, la pédologie, la biogéographie, la cartographie des types d'habitat, de l'utilisatio n
du sol ou des paysages . Par contre, il n'en est plus de même lorsque les études exigent des rensei-
104 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

gnements que ne peuvent fournir les photographies aériennes, comme dans le cas des structure s
agraires . Les caractéristiques foncières, répartition de la propriété, rapports propriété-exploi-
tation, ne peuvent être établies sans enquêtes sur place . Force est alors de pratiquer le levé su r
photographies aériennes, à condition, toutefois, que les prises de vue soient suffisammen t
fréquentes pour qu'il n'y ait pas eu de changements notables depuis qu'elles ont été réalisées .
La photographie aérienne, sur laquelle on pointe directement les résultats d'enquêtes, es t
un support incomparablement supérieur à la carte topographique, même au plan cadastral ,
car elle permet de voir nettement les limites de parcelles de cultures et la nature des cultures .
La plupart des limites que l'on doit établir y sont visibles et peuvent être repassées sans erreu r
sur le croquis établi préalablement .

3° Travail au bureau .
L'importance et la nature du travail de bureau postérieur dépend évidemment de c e
qui a été fait sur le terrain .
Dans le cas du levé sur photographies aériennes au sol, le travail final de bureau se limit e
à une mise au net, assortie de contrôles dont la presque totalité peut se faire avec les photo -
graphies elles-mêmes .
Lorsqu'on recourt à une méthode faisant une plus large confiance à l'interprétatio n
des photographies aériennes, le travail de bureau prend une importance accrue. Avec les clefs ,
tout le travail est une photo-interprétation au bureau à partir de photographies étalonnées .
Avec le quadrillage, il s'agit d'une interpolation en fonction de mailles plus ou moins large s
mais recoupant, en principe, tous les types d'unités existant dans la région, de sorte qu'aucune
difficulté d'interprétation ne devrait surgir .
Dans les deux cas, le travail de bureau doit partir de ce qui est mieux connu et se pour -
suivre par ce qui l'est moins bien . Par exemple, avec la méthode des clefs, on pourra recherche r
systématiquement, dans la région à étudier, les étendues dont l'aspect coïncide avec celui d'un e
des clefs et délimiter au fur et à mesure les unités correspondantes . On figurera ainsi, par exemple,
toutes les étendues de polygones de toundra, toutes les étendues de dunes d'un certain type ,
toutes les étendues ravinées, toutes les terrasses anciennes, etc . On remplira la carte peu à peu
en partant d'une classification des formes de relief. Cette façon de procéder présente un avantage
certain : elle permet de comparer les diverses formes d'un même type et d'apprécier leur degré
de conformité avec la clef, donc, éventuellement, d'améliorer celle-ci . On acquiert ainsi une
utile familiarité avec chaque type d'unité successivement . La carte se remplit peu à peu et ,
finalement, il ne reste plus que les cas douteux, ceux qui ne sont pas suffisamment conforme s
aux types de la clef pour être identifiés facilement ou sans réserves . La familiarité acquise lor s
des étapes antérieures du travail diminuera l'importance de ce résidu . Des cas mixtes pourron t
être interprétés . Mais si un déchet persiste, il faudra se livrer à des contrôles sur le terrain .
Au moins aura-t-on exactement délimité les secteurs où ils s'imposent .
Avec la technique du quadrillage, la densité des observations au sol étant plus élevé e
et; surtout, ces observations ayant une continuité, les risques de déchet sont bien moindres .
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PHOTO-INTERPRÉTATION 10 5

On commencera par établir la carte le long des itinéraires parcourus, en tenant compte éven-
tuellement, bien entendu, des confirmations, des précisions ou des corrections imposées au x
observations de terrain par les études de laboratoire qui jouent le même rôle, dans ce cas, qu e
pour les levés classiques . Au cours de cette première étape de construction de la carte, on acquierr a
la familiarité indispensable avec les types d'unités tels qu'ils apparaissent sur les clichés .
Puis, on continuera soit de proche en proche, soit, et ceci est souven tpréfable,n
un type d'unité déterminé, puis un autre et ainsi de suite, comme nous l'avons exposé au para -
graphe précédent . En principe, comme les itinéraires ne recoupent pas que des unités nettes ,
l'identification des cas douteux ou des unités peu caractéristiques ne devrait pas présenter d e
difficultés . Les contrôles ultérieurs sur le terrain sont généralement rendus nécessaires par de s
erreurs lors du quadrillage, ou par des oublis, ou par un mauvais établissement du quadrillag e
(mauvais tracé des itinéraires, qui ont laissé entièrement de côté tel ou tel type d'unité qui devien t
énigmatique lors de l'interprétation au bureau, densité insuffisante de ces itinéraires, qui abouti t
au même résultat) . Un travail de terrain convenablement conduit doit permettre de les éviter ,
comme ce fut le cas pour la région de Goundam .
Qu'il nous soit permis d'insister, en conclusion, sur un point essentiel : les photographie s
aériennes ne sont pas une panacée universelle . Seuls des incompétents ou des charlatans peuven t
le prétendre . Comme toute autre méthode, elles complètent les méthodes antérieures et élar-
gissent nos possibilités de connaissance intime des objets de nos études . Dans certains cas ,
elles complètent ce qu'on voit sur le terrain en le montrant sous un autre angle . Dans d'autres ,
elles permettent de voir ce qu'on voit mal ou pas du tout au sol . Mais dans les deux cas, la photo -
graphie doit être confrontée soigneusement avec le terrain . Le terrain reste et restera toujour s
l'essentiel, ne serait-ce que parce qu'une photographie, un film ou un écran de télévision n e
permettent pas de le toucher . C'est sur le terrain qu'un chercheur se forme dans nos disciplines ,
comme au laboratoire dans d'autres . C'est sur le terrain qu'il doit acquérir l'expérience varié (
nécessaire pour lire les photographies aériennes et la culture qui fait la valeur des interprétations .
CHAPITRE VI

ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTUR E


(PHOTO-GÉOLOGIE)

Les géologues, sous l'influence des exigences de la pratique, se sont beaucoup plu s
intéressés aux photographies aériennes que les géographes . Au cours surtout des 20 dernière s
années, ils ont constitué un corps de doctrine pour l'utilisation des photographies aérienne s
qui a pris le nom de photo-géologie . La photo-géologie peut se définir comme l'approche de s
faits géologiques par l'intermédiaire des photographies aériennes .
Considérer l'utilisation des photographies aériennes comme une spécialité particulièr e
à l'intérieur des sciences géologiques est pleinement justifié . Comme la sédimentologie, l a
paléontologie ou la géochimie, la photo-géologie a son objet propre . Elle a aussi ses méthode s
propres . En effet, une petite partie seulement des faits géologiques transparaît directemen t
sur les clichés, sous la forme de cassures en roches brisantes, de bancs de roches mis à nu don t
la disposition tectonique est visible . La plus grande partie de ces faits ne peut être reconnu e
par des observations directes mais seulement par l'intermédiaire d'interprétations fondée s
sur des observations qui ne sont pas du domaine de la géologie, telles que celles qui porten t
sur le tracé des cours d'eau, la tonalité des clichés, la végétation, voire la structure agraire .
En fait, une fois de plus, on retombe sur le paysage géographique global, concret . Si les géo-
graphes ne s'étaient pas fourvoyés sur le plan méthodologique et n'avaient pas manqué d e
curiosité scientifique et technique, ce sont eux qui auraient mis au point la photo-géologie .
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les premiers géologues qui se sont orientés vers cette bran-
che nouvelle, sont ceux qui avaient également une certaine formation et une certaine ouver-
ture vers la géomorphologie tout au moins . Aux États-Unis, par exemple, le fait que la géo-
morphologie est généralement rattachée au département de géologie a eu, à ce point de vue ,
une conséquence heureuse : la photo-géologie s'y est développée plus facilement que dan s
les autres pays occidentaux . A côté de cela, il faut le reconnaître, cette géomorphologie es t
restée bien incomplète, limitée aux conceptions cycliques et structurales, ignorante des influence s
climatiques.
Lorsque l'on veut utiliser les photographies aériennes dans un sens géologique, on est
donc amené à repérer, d'une part, certains objets qui traduisent directement la géologie structu-
108 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

rate et, d'autre part, à extraire d'observations géographiques sur le paysage, divers élément s
d'interprétation aboutissant à formuler des hypothèses de travail portant sur la structure .
La part respective de la lecture de l'interprétation est, bien entendu, fonction des condition s
climatiques (couverture végétale, sols, altérations) et de l'évolution géomorphologique (intensité
de la dissection) . Les résultats obtenus dans une région semi-aride vigoureusement disséqué e
peuvent être très détaillés et d'une exactitude élevée . Au contraire, dans un pays forestier no n
montagneux, peu de faits géologiques transparaissent, directement ou non, sur les cliché s
et la photo-géologie reste balbutiante . Elle n'en est pas moins utile, car ces régions sont géné-
ralement difficiles de parcours et l'observation au sol y est aussi floue, sinon plus, que l'étud e
des clichés . Aussi, ne nous contenterons nous pas, comme les manuels américains, de donne r
une profusion d'exemples spectaculaires tirés des régions sèches . Nous essaierons de montre r
comment les photographies aériennes peuvent servir, aussi, dans les régions humides .

A. MÉTHODE D'APPROCH E

Nous examinerons successivement les données directement observables puis les chemi-
nements indirects, fondés sur des interprétations .

1 0 Les faits directement visibles sur les clichés .


En matière de géologie, les faits directement visibles ne sont pas très nombreux, pa s
plus que ceux qui se traduisent immédiatement dans un paysage . La nature des roches, par
exemple, n'apparaît pas : on sait à quelles méprises on peut s'exposer lorsque, imprudemment ,
on veut identifier une roche en se fiant à sa seule couleur . Les grès peuvent apparaître, sur le s
clichés, avec une tonalité claire s'ils sont blancs, ou foncée s'ils sont ferrugineux ou argileux .
Il en est de même des calcaires, qui peuvent être blancs, gris ou noirâtres, voire jaunâtres, bruns ,
rosâtres. Nus, certains granites sont de tonalité claire sur les clichés, d'autres, de tonalité fon-
cée. La patine peut changer complètement la tonalité des roches nues . Les lichens et les mousse s
aussi. Et que dire des produits de météorisation, des sols, de la végétation, lorsque la roch e
cesse d'être nue ?
Pas plus que la lithologie, la stratigraphie n'apparaît directement sur les photographie s
aériennes. Des discordances peuvent parfois s'inférer de la disposition des couches, mais elles
ne sont jamais directement visibles. On les observe, en effet, normalement, suivant un pla n
vertical, celui d'un front de carrière . La photographie aérienne, qui ramène les objets à u n
plan horizontal n'est pas l'instrument rêvé pour les mettre en évidence . Enfin, dans le meilleu r
des cas, on peut aboutir à établir une succession de couches, mais rien de plus . La datatio n
relative, à base des fossiles, implique un travail de terrain dont, certes, la photo-géologie peu t
constituer une utile préparation . Mais on change de domaine .
Ce que l'on voit, par contre, sur les photographies aériennes, ce sont les linéaments
structuraux, qui apparaissent souvent plus clairement que lorsqu'on parcourt le terrain . Les
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 109

cassures de toutes sortes qui affectent les roches non élastiques se traduisent par des fissure s
qui donnent naissance à des micro-reliefs, par exemple à des crevasses béantes dans les lapiès ,
ou à des couloirs dans les dalles gréseuses ou quartzitiques . Tout cela s'observe directemen t
sur les clichés . Les mêmes cassures facilitent l'infiltration de l'eau . Cela se traduit par une lign e
de végétation plus dense voire différente, qui jalonne exactement la cassure, ,où le s
racines trouvent plus facilement à s'alimenter . Dans les régions de savane, il est fréquen t
que des arbustes, voire des arbres, jalonnent les cassures . Cette pénétration de l'eau favoris e
aussi les altérations, ce qui accroît encore les avantages écologiques des fissures et contribu e
à les faire souligner par la végétation . Il arrive aussi que le ruissellement diffus à la surfac e
des dalles rocheuses qu'elles affectent y rassemble la terre, ce qui joue dans le même sens .
Ces cassures sont tout simplement des diaclases dans les couches faisant un angle faibl e
avec la surface du sol et des joints de stratification dans le cas contraire (couches tabulaire s
recoupées par une pente forte ou couches fortement redressées recoupées par une topographi e
vallonée) . Une faible partie seulement de ces linéaments sont de véritables accidents tectoniques ,
avec mouvement relatif des deux lèvres, failles et décrochements . On peut alors observer u n
décalage des fissures de part et d'autre de l'accident . Mais même quand il ne s'agit que de dia-
clases et de joints, les linéaments sont utiles . Les joints permettent de reconnaître la dispositio n
des couches, notamment d'identifier des couches stratifiées et de repérer leur pendage .
Des mesures simples au stéréocomparateur peuvent en donner la valeur approchée .
Par ailleurs, la fissuration des roches est liée à la tectonique et s'effectue généralement suivan t
des directions prédominantes conformes à celles des accidents et des poussées . Dans une même
région, des roches d'âge différent, surtout si des paroxysmes successifs bien individualisé s
se sont succédés, sont souvent affectées par des réseaux de fissures de disposition différente .
Leur observation peu aider à distinguer des séries de couches d'âge différent . En règle générale ,
les couches les plus anciennes sont les plus écrasées, les couches les plus récentes montran t
une linéation moins nette et moins dense, aux directions moins nombreuses . Cela peut mettr e
sur la voie pour reconnaître des discordances .
Cependant, il ne faut jamais perdre de vue un fait essentiel : la lithologie intervien t
de manière déterminante dans la densité et la netteté des linéaments observables sur les photo -
graphies aériennes . Et cela de deux façons :
Par suite de l'inégale plasticité des diverses roches . Les roches cohérentes, massives ,
très consolidées, se prêtent peu vis-à-vis des contraintes . La tectonique y revêt facilement une
allure brisante . La microtectonique encore bien davantage . Imagine-t-on, dans un calcaire massi f
ou dans un grès les plis et replis de quelques décimètres, voire seulement de quelques centimètre s
de rayon, qui sont fréquents dans les schistes, métamorphisés ultérieurement ou non ? Les gra-
nites, les basaltes massifs, les calcaires en gros bancs, les conglomérats bien consolidés, le s
quartzites, les grès-quartzites se brisent particulièrement bien et sont propices à l'apparitio n
de réseaux de fissures nets, bien reconnaissables . C'est l'inverse avec les roches plastiques o u
meubles et les roches friables, mal consolidées, où une recristallisation importante peut encor e
s'exercer, et les roches feuilletées, en bancs minces . De petites intercalations de marnes et d'argi -
les peuvent entrâver la fissuration de bancs de calcaires et de grès de 1 ou 2 m d'épaisseur .
110 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

— Par suite de l'inégale aptitude à la météorisation des diverses roches sous les diver s
climats . Plus une roche est massive, peu poreuse, plus la circulation de l'eau s'y concentre l e
long des fissures de toutes sortes . Une météorisation différentielle s'y exerce alors, que le s
processus soient physiques (gélifraction par exemple) ou chimiques (hydrolyse, entre autres) .
Cette météorisation diaclasique contribue à élargir les fissures (formation de lapiès, par exemple )
ou y produit des matériaux fins (gélifraction, actions chimiques) qui, nus, apparaissent ave c
une tonalité différente, généralement plus foncée que celle des dalles contiguës, mais, bie n
plus souvent, créent des conditions écologiques plus favorables et se traduisent par l'intermé-
diaire de la végétation . Bien entendu, le contraste est d'autant plus net que la roche est moin s
propice à la météorisation . Sous climat chaud et humide, la météorisation diaclasique apparaît
bien sur les clichés dans le cas des quartzites, peu ou pas du tout dans celui des granites, où ell e
joue sous des mètres et des mètres d'altérites . Même à ce niveau, la connaissance de la géomor-
phologie climatique est indispensable au photo-interprétateur .
La combinaison de ces deux mécanismes fait que la fissuration est beaucoup mieu x
visible là où la météorisation est difficile, tant pour des raisons lithologiques que pour de s
raisons climatiques . Les roches à la fois brisantes, fissurées en grand et rebelles à la météorisatio n
sont celles où on a le plus de chances de voir les linéations sur les clichés . Mais si le climat perme t
un décapage superficiel intense ou une météorisation lente, ces linéaments sont clairs dan s
des roches beaucoup plus variées que dans les régions à forte météorisation, où les roches son t
presque toutes couvertes d'une épaisse couche d'altérites. Ainsi, en climat tropical humide ,
les linéaments apparaissent bien dans les quartzites, et pratiquement seulement dans cett e
roche . Sous climat tropical sec, on les voit fort souvent aussi bien dans les granites, dans le s
gneiss, dans les calcaires . Sous climat semi-aride pratiquement dans toutes les roches cohérente s
un peu compactes. Notons toutefois qu'un écrasement tectonique trop intense, aboutissan t
à des fissures espacées seulement de quelques décimètres, supprime la météorisation diaclasiqu e
différentielle et rend les linéaments très peu visibles sur les clichés . C'est le cas, par exemple ,
dans le batholite côtier des Andes Péruviennes .

2° Les indices indirects de la structure.


Plus une région est couverte, plus les indices directs de la structure sont rares et discrets .
Il faut alors recourir à des indices indirects et à une interprétation . L'exercice prend alors l a
nature, avec davantage d'éléments, de celui qui consiste à deviner la structure à partir d'un e
carte topographique . Il est évident que la valeur des résultats est directement fonction de l a
culture géographique et de l'expérience de terrain de celui qui le pratique . Ces indices indirect s
changent beaucoup d'une région à l'autre, sous l'influence de la géomorphologie climatiqu e
pour les reliefs structuraux et le style de la dissection, des conditions écologiques zonales pou r
lés influences lithologiques sur la couverture végétale, des civilisations pour l'adaptatio n
des cultures et des structures agraires au milieu physico-géographique dont la lithologie n'es t
qu'un des éléments .
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 11 1

Il faut donc se défier par dessus tout des recettes et des généralisations .Nous nous conten-
terons donc d'indiquer dans quelles voies diriger les observations, étant bien entendu qu'u n
contrôle de terrain est toujours nécessaire et qu'une intime connaissance du terrain, allié e
à une bonne formation géographique, permettra toujours, pour une région donnée, de faire
de nouveaux rapprochements et, par leur intermédiaire, de trouver des indices supplémentaires .
Des indications structurales peuvent être fournies par trois catégories principales d'objet s
visibles sur les photographies aériennes :
a) Les reliefs structuraux :
Un chapitre leur est spécialement consacré (chapitre VII) . Nous prions donc le lecteu r
de s'y reporter . Insistons cependant sur un fait, que trop souvent les géologues perdent de vue ,
par suite d'une formation géomorphologique insuffisante : les influences structurales ne jouen t
jamais seules et se combinent toujours avec les influences climatiques . Celles-ci se font sentir
dès les phénomènes de météorisation et, par leur intermédiaire, commandent la résistanc e
des roches vis-à-vis de l'érosion . Les contrastes lithologiques qui se traduisent dans les reliefs
structuraux varient d'un système morphoclimatique à l'autre. Seule une bonne connaissanc e
de la géomorphologie climatique permet de les interpréter correctement . Rappelons seulemen t
quelques exemples :
En Champagne, vers Vertus, un beau relief de côte est formé par les calcaires d u
Montien, moins gélifs, sur la craie blanche, plus fissile . Dans la même région, les sables d u
Sparnacien et du Cuisien jouent le rôle de couche dure sur la même craie et couronnent de s
buttes ou engendrent des replats dans le front de côte . Ces influences lithologiques particulière s
ont joué sous les climats périglaciaires du Quaternaire .
— Dans les pays tropicaux, comme au Brésil, dans l'État de Bahia, il arrive souvent qu e
des grès donnent un relief monoclinal vigoureux, jouant le rôle de couche dure par rappor t
à un socle gneissique ou granitique profondément altéré . Sur 40 ou 50 m, la roche pourrie four-
nit la couche tendre tandis qu'au pied du talus, la roche à peu près saine résiste mieux à la dissec -
tion et forme la dépression subséquente . Le risque est grand d'inventer, à l'examen des clichés ,
une couche de couverture tendre entre le socle peu altéré et les grès .
— Dans les régions semi-arides, comme le Sud marocain, il est fréquent que des cal-
caires un peu massifs jouent le rôle de couche dure vis-à-vis de granites aisément réduits pa r
la désagrégation granulaire .
En région tropicale humide, il est fréquent que des nappes de sable donnent de s
plateaux unis, se disséquant difficilement, avec des vallées encaissées à versants raides se ter -
minant à l'amont par des amphithéâtres, communément appelés « cirques » . Sous ces sables ,
il arrive souvent que le socle soit profondément affecté par une cryptoaltération puissante . On
risque alors de voir une couche dure tabulaire dans ce qui est en réalité un plateau sableu x
et une couche tendre, argileuse, à la place du socle altéré .
— Certaines consolidations superficielles, prenant généralement place dans des maté-
riaux détritiques et intimement liés à l'évolution géomorphologique ne doivent pas être l'obje t
de méprises . Les cuirasses ferrugineuses -et bauxitiques des climats tropicaux, les encroûte-
112 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

ments calcaires divers des régions sèches subtropicales, donnent des plateaux parfois asse z
rigides et de belles corniches . La médiocrité des conditions édaphiques qu'ils offrent les signal e
généralement dès l'abord par une végétation plus clairsemée et plus rabougrie qu'à l'entour .
Ces quelques indications, et nous pourrions les multiplier, doivent inciter à la prudenc e
et aider les géologues à comprendre que l'interprétation structurale des photographies aériennes
est d'abord affaire de géomorphologie mais que la géomorphologie dont ils ont besoin n'es t
pas uniquement structurale . La géomorphologie climatique est aussi importante pour compren -
dre le jeu du facteur lithologique . Bien entendu, on ne saurait se contenter d'une connaissanc e
de l'influence du seul climat actuel . Celui-ci dure depuis trop peu de temps à la surface du Glob e
pour avoir pu imprimer une marque décisive et complète aux reliefs structuraux importants .
Les méso- et macro-reliefs structuraux qui apparaissent sur les clichés d'échelle usuelle remonten t
le plus souvent au Quaternaire ancien ou au Tertiaire supérieur . Ils ont enregistré, à des degrés
divers, les traces des oscillations climatiques quaternaires ce qui ne simplifie pas les choses . . .
b) Le style de la dissection :
Dans les régions humides, donc couvertes et d'étude plus difficile, le style de la dissectio n
est un indice précieux . Rappelons que la dissection résulte de l'agencement des vallées et de leu r
enfoncement qui commandent la densité des talwegs et la longueur des versants et qu'elle intègr e
aussi la pente des versants et leur forme . Suivant la nature des roches et, surtout, cell e
des produits de leur météorisation, suivant le climat et la couverture végétale qui lui est liée pou r
partie, suivant les sollicitations tectoniques, le style de dissection change . Mais on voit que le s
facteurs structuraux ne sont pas les seuls en cause : sollicitations tectoniques et unités lithologi-
ques interfèrent avec le climat et la couverture végétale actuels et avec les formations super-
ficielles qui peuvent être héritées de paléoclimats différents plus ou moins anciens . De manière
générale, cependant, plus la dissection est vigoureuse, ce qui dépend conjointement de la tec-
tonique (régions de soulèvement) et du climat actuel (climats agressifs, à faible couverture
végétale), moins la part des héritages est grande . Les influences structurales apparaissent ains i
plus nettement dans les montagnes profondément disséquées et dans les régions sèches bie n
nettoyées par le ruissellement .
Dans la dissection, l'écoulement concentré joue un rôle déterminant, en commandan t
la densité des talwegs, bien visibles sur les photographies aériennes . Son importance est fonctio n
du ruissellement et des sources . C'est là qu'intervient la lithologie, mais, le plus souvent, d e
manière indirecte, par l'intermédiaire des sols, plus ou moins battants, et des formations super-
ficielles plus ou moins aptes à l'écoulement hypodermique . Cependant, la raideur des pen-
tes joue considérablement, les pentes fortes favorisant le ruissellement, ainsi que la végétation ,
qui intercepte une proportion variable de la pluie (jusqu'à 25-30 % des totaux annuels en forêt )
et qui modifie les conditions de l'érosion pluviale dont dépend en très grande partie l e
ruissellement .
La lithologie influençant l'écoulement, d'autant plus indirectement que la région, plu s
humide, est revêtue d'une couverture végétale plus dense, avec sols épais et formations d'alté-
ration puissantes, il est devenu d'usage courant, en photo-géologie, de reporter sur un calque
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 11 3

le réseau hydrographique visible sur les clichés . Ses variations de densité peuvent mettre sur la
voie de différences lithologiques . On peut esquisser des aires d'égale densité de drainage don t
les limites peuvent être plus o u. moins révélatrices de l'extension des grandes unités lithologiques .
Dans le Bassin de Paris, par exemple, les affleurements argileux de la Champagne humid e
se traduisent par des densités de drainage doubles ou triples de celles des plateaux de calcair e
jurassique et des plaines crayeuses voisines .
Cependant, les densités de drainage ne sont que partiellement liées à la lithologie, mêm e
en englobant les formations superficielles et les sols dans la rubrique . Des analyses statistique s
conduites au Centre de Géographie Appliquée depuis des années par F . Hirsch ont montré
l'existence de corrélations multiples hautement significatives de la densité de drainage no n
seulement avec les caractéristiques lithologiques et géomorphologiques, mais aussi avec l a
valeur des pentes et la couverture végétale . L'interprétation des densités de drainage pour les
besoins de la photo-géologie doit tenir compte de la vigueur du relief et de l'allure de la couver -
ture végétale .
D'une manière générale, les différences de densité de drainage s'atténuent lorsque l e
relief est plus accidenté . En montagne, avec des pentes moyennes dépassant 10-15 o, l'influence
de la lithologie sur la densité de drainage devient exceptionnelle . Il faut des roches particu-
lières, comme des calcaires karstifiés, pour qu'elle soit déterminante . A l'opposé, les région s
trop plates, mal drainées, comme les pays récemment occupés par les inlandsis, les plaine s
marécageuses, montrent, eux aussi, très peu de contrastes d'origine lithologique dans les densité s
de drainage. Ce sont les régions de collines et de plateaux moyennement disséqués qui renden t
le mieux.
Certaines anomalies dans le dessin du réseau hydrographique fournissent aussi de s
indices précieux. Sur les calques du drainage, certains bassins sont difformes et s'écartent d e
l'allure générale dendritique, commandée par une loi de probabilité, qu'acquiert un réseau
en l'absence de sollicitations particulières . Dans la mesure où ces distorsions du réseau hydro-
graphique ne sont pas le résultat du macro-relief, elles sont généralement d'origine structurale .
— Lorsque les anomalies de configuration du réseau hydrographique se calquent su r
le relief, elles aident à mettre ce relief en évidence . Dans certains cas, ce relief est structural .
Tels sont les réseaux orthogonaux des reliefs de côtes, des escarpements de failles, des plis d e
couverture . Mais les reliefs peuvent aussi être d'origine tectonique et issus de déformation s
récentes auxquelles le réseau n'a encore pu s'adapter que partiellement. En général l'adaptatio n
est d'autant plus lente qu'il s'agit de collecteurs plus importants, donc de drains d'ordre plu s
élevé (suivant la définition de Schumm) . Les géomorphologues soviétiques mettent en évi-
dence, à partir d'anomalies des réseaux hydrographiques, des déformations récentes qui guiden t
les prospections géophysiques des recherches pétrolières . Mais, là encore, il faut beaucoup d e
doigté et une grande expérience géomorphologique pour interpréter correctement les distorsion s
des réseaux hydrographiques et faire la part qui revient à la tectonique récente à côté d'autre s
facteurs dans une combinaison complexe .
114 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

— Il arrive souvent, aussi, que les anomalies de configuration du réseau hydrographiqu e


ne soient pas en rapport avec les lignes directrices du relief . Par exemple, dans des régions moyen -
nement disséquées, formées de croupes monotones, comme il y en a beaucoup dans les région s
de socle, apparaissent des alignements de collecteurs, des secteurs de cours d'eau rectiligne s
exceptionnellement allongés, avec des affluents anormalement courts, des réseaux très dissy-
métriques, etc . De telles anomalies sont généralement révélatrices de fractures ayant engendr é
des zones de broyage et dont, souvent, l'influence directe sur le relief est complètement obli-
térée. Ce sont les roches suffisamment massives et sujettes à l'altération diaclasique qui son t
le plus propices . Ces sollicitations structurales jouent donc surtout dans les calcaires massifs ,
où elles commandent les phénomènes karstiques, les quartzites, les roches granitoïdes . etc .
Elles se traduisent sur les clichés conformément à certaines des règles que nous avons indiquée s
pour les fissures . Mais elles restent efficaces même dans les régions à altération profonde, à
condition que celles-ci soient diaclasiques . C'est pourquoi, même sous forêt tropicale humide ,
des vallées de fracture apparaissent assez fréquemment dans les socles granitisés .
c) La couverture végétale et les structures agraires :
La couverture végétale est beaucoup plus fonction des sols et des formations super-
ficielles que du substratum, sauf dans les régions semi-arides où sols et formations superficielle s
sont souvent minces et activement décapés dans les régions d'ablation . Là où les mécanisme s
morphogénétiques sont intenses, ils interviennent, eux aussi, dans l'allure de la couvertur e
végétale. Par exemple, dans les montagnes schisteuses de Barlovento (Venezuela), le ruisselle -
ment sous forêt accumule des colluvions argileuses dans les ravins qui sont ainsi souligné s
par des traînées de forêt plus dense, plus élevée, apparaissant en plus foncé sur les clichés .
En Guyane, sous forêt hygrophile, les régions schisteuses sont caractérisées par le même phéno -
mène, tandis que, dans les régions granitiques voisines, où l'altération fournit moins d'argil e
et où les formations superficielles sont plus perméables, le ruissellement est moindre et il n e
se produit pas. Mais on voit que le lien avec la lithologie est très indirect . Il faut un géomor-
phologue rompu à l'étude des processus actuels et connaissant bien le milieu tropical pou r
établir le mécanisme et définir la valeur du critère .
La lithologie n'est qu'un élément du complexe édaphique qui, lui-même, n'est qu'u n
des éléments de l'écologie végétale . C'est surtout dans les régions de transition climatique ,
où les conditions climatiques sont proches du seuil écologique de certaines formations végé-
tales, que le complexe édaphique joue un rôle important dans la physionomie de la végétation .
Tel est le cas, par exemple, aux confins de la forêt boréale et de la toundra, ou de ceux des forêt s
tropophiles et des savanes, de la steppe et de la forêt, etc . La formation la plus exigeante limite
son extension aux unités où les conditions édaphiques sont le plus favorables . Par exemple,
les savanes formant des enclaves au milieu de la forêt en Basse-Côte-d'Ivoire, héritées des période s
plus sèches du Quaternaire récent (pendant la transgression flandrienne), se maintiennen t
seulement sur les faciès les plus sableux du Continental Terminal, aux sols battants, lessivés
et appauvris par le ruissellement diffus . Partout ailleurs, la forêt les a éliminées . La steppe à
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 11 5

acacias de la zone sahélienne d'Afrique occidentale s'avance sous des climats plus secs sur le s
sables des dunes quaternaires fixées, où l'infiltration est importante, que sur les affleurement s
préquaternaires, argilo-gréseux, où le ruissellement soustrait une grande partie des précipitations .
Dans les pays de vieille civilisation agraire, des types successifs de structures agraire s
ont été parfois mis en place lors des poussées de colonisation successives qui ont graduellemen t
réduit l'étendue des terres incultes . R . Dion 'a montré de quelle manière, dans le Bassin d e
Paris, les défrichements gallo-romains s'étaient attaqués de préférence aux limons loessique s
et aux plateaux calcaires ameublis par les actions périglaciaires . C'est là que se trouvent le s
paysages de champagnes, de champs ouverts . Les défrichements plus récents, de la second e
moitié du Moyen Age, ont attaqué généralement des sols plus froids, plus lourds, délaissé s
jusque-là . Les hameaux et les bocages qu'ils ont modelés se rencontrent surtout sur les massif s
anciens, sur les sables, les formations résiduelles comme le Sidérolithique, etc . Sur les marnes ,
où les charrois hivernaux sont difficiles, les terroirs sont plus petits que sur les calcaires . Souvent ,
l'extension récente de l'élevage se traduit par l'abandon des labours, le développement de s
prairies naturelles et la mise en place de clôtures de fil de fer, parfois de haies . Les différence s
de structure agraire peuvent permettre de délimiter les unités lithologiques, comme sur l e
bord NW du Morvan (voir commentaires nos 34 et 40, p . 136 et 148) .
Mais il ne faut pas tomber, comme le font encore certains géologues, dans une conception
mécaniste des rapports entre la végétation spontanée ou les structures agraires et le milie u
lithologique . Les choses sont beaucoup plus complexes . Pour les comprendre, il faut une solid e
culture géographique, de l'expérience et beaucoup de doigté . On ne peut se limiter au seul exa-
men des photographies aériennes .
116 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

Fig . 24. — Fissuration dans un socle granitisé .


France, 1954, Bédarieux — Lunel 357 .
Feuille 1/80.000 géologique Bédarieux NW .
1/100 .000 topographique : Lodève .
Extrémité orientale de l'Espinouse, S de Rosis .
Gneiss antécambriens qui ont été soumis à de très violents efforts tectonique au contact du Massif Central et de la Chaîne Pyrénéo -
provençale . L'intensité de la fracturation est analogue à celle des boucliers .
Le cliché porte sur l'extrémité orientale du horst de l'Espinouse, où une surface d'érosion est sauvagement disséquée en fonctio n
du niveau de base local très déprimé de l'Orb .
Le reste de surface d'érosion est encore couvert d'altérites incomplètement dégagées, ancien terroir où se voient des traces de champ s
et de chemins, devenu pâcage . Les arènes s'y traduisent par des teintes plus claires que celles des rochers des gorges . Quelque s
pointements de roches apparaissent en teinte encore plus claire et s'alignent sur les fissures . Mais celles-ci sont peu visible s
à cause des arènes .
Dans les gorges, les arènes ont été largement déblayées . Des pointements de roches nues alternent avec des poches d'altérites l e
long de zones broyées (zone IV, de l'altération diaclasique), qui apparaissent en plus foncé à cause de la végétation . Les
directions de fissures sont très visibles : E-W, NW-SE, SW-NE et N-S . Leur densité est élevée . Elles guident le réseau hydro-
graphique (direction N-S prédominante, E-W ensuite, éléments de détail NW-SE) .
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 11 7

Fig . 24 .
118 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

Fig . 25 . — Réseau hydrographique asujetti à la fissuration .


Fouta-Djallon à l'ENE de Conakry (Guinée) .
Guinée 1951, 005/006, 068 .
1/200.000 topogr ., feuille .
Grès paléozoïques tabulaires de la Dorsale Guinéenne, affectés par une forte fracturation qui a permis des venues de dolérites .
Climat tropical à saison sèche mais avec très fortes pluies de saison humide, provoquant un intense écoulement . Système morpho -
génétique caractérisé par une déficience de la fragmentation mécanique tandis que la nature lithologique entrave les action s
chimiques .
Le réseau hydrographique se loge passivement dans les diaclases béantes, zones de faiblesse où le matériel est préparé par la tecto-
nique, ce qui permet une certaine entaille . C'est ainsi que les cours d'eau rencontrant une diaclase et s'y logeant sont favorisé s
par rapport aux autres . Une longue évolution (la région est émergée depuis le milieu du Paléozoïque) a permis une adaptatio n
très poussée .
La fragmentation de la roche le long des fissures se traduit par une végétation plus dense, arbres et arbustes, qui souligne les fissure s
sur le cliché . Cette végétation accompagne aussi les cours d'eau .
Le cours d'eau principal va de diaclase béante en diaclase béante au prix d'un tracé à la fois allongé et anguleux, véritablement e n
zigzags. Le blanc visible dans le lit correspond à des chutes faisant tomber l'eau le long du bord d'une diaclase béante .
ÉTUDE DES LIGNES DIRECTRICES DE LA STRUCTURE (PHOTO-GÉOLOGIE) 11 9

Fig . 25 .
120 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 26 . — Différences lithologiques décélées par la texture de la dissection .


Venezuela, Guyane, au S de Ciadud Bolivar .
Région pratiquement inhabitée, où les influences anthropiques sont négligeables, couverte de savanes . La saison sèche est trè s
accusée, mais les totaux pluviométriques doivent être de l'ordre de 1 .500 mm . Il s'agit d'un socle métamorphisé dès le Pré-
cambrien .
La dissection est typique des régions tropicales à forte saison sèche, avec des cours d'eau incapables d'inciser la roche cohérente ,
aux lits encombrés de pointements rocheux, pratiquement sans ruban alluvial . Les petits cours d'eau ont un fond colluvia l
où les arbres profitent de plus d'humidité en saison sèche . Ils commencent par des vallonnements colluviaux où l'humidit é
se conserve et permet une altération plus forte . Certains d'entre eux se transforment graduellement en petites alvéoles e t
abritent des mares . On peut cependant distinguer deux régions :
a) dans le coin NW du cliché, aucune ligne directrice n'apparait dans la dissection . II s'agit donc de formations homogènes . Par
ailleurs, les alvéoles de têtes de vallons sont particulièrement développées, ce qui indique une roche aisément altérable dan s
les conditions climatiques de la région, avec évacuation par soutirage de produits dissous . C'est le granite qui, dans un tel
milieu morphoclimatique, présente de semblables caractéristiques .
b) dans le coin SE du cliché, au contraire, la dissection est nettement orientée, avec apparition de crêtes alignées SSW-NNE, souli-
gnées par la forêt qui occupe un de leurs flancs et des ravinements qui incisent l'autre . Une telle dissymétrie est d'origin e
climatique, mais indique des roches donnant des altérites argileuses, donc une formation plus schisteuse . Nous sommes ici
dans une zone de couches violemment plissées, moins métamorphisées que dans le coin NW du cliché . Le cours d'eau princi -
pal passe non loin de la limite des deux unités .

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