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INTRODUCTIO N

L'UTILISATIO N

DE S

PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES
L'ouvrage se compose de deux tomes :

Tome I : Notions générales, Données structurales, Géomorphologie .

Tome II : Étude des milieux physico-géographiques, Aménagements agraires, Habitat, Paysage s


industriels .
Paris à l'inventaire sous le N°

INTRODUCTION A L'UTILISATIO N
DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

en Géographi e
Géologie
Écologie
Aménagement du Territoire

par Jean TRICART, Professeur à l'Université de Strasbourg ,


Directeur du Centre de Géographie Appliquée ,
Chef de missions de Coopération Technique .
Sylvie RIMBERT, Maître-Assistant à l'Université de Strasbourg ,
Docteur de Troisième Cycle ,
Directeur du Laboratoire de Cartographie du C . G . A .
Georges LUTZ, Ingénieur au C . N . R . S . ,
Docteur de Troisième Cycle ,
Directeur du Service de Documentation du C . G . A .

TOME I

NOTIONS GÉNÉRALES,
DONNÉES STRUCTURALES, GÉOMORPHOLOGI E

SOCIÉTÉ D'ÉDITION D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEU R


5, Place de Sorbonne
PARIS - V'
A LA MÊME LIBRAIRI E

RIMBERT (S . )
LEÇONS DE CARTOGRAPHIE THÉMATIQUE .

RIMBERT (S . )
CARTES ET GRAPHIQUES . INITIATION A LA CARTO-
GRAPHIE GÉOGRAPHIQUE .

TRICART (J . )
PRÉCIS DE GÉOMORPHOLOGIE STRUCTURALE .

TRICART (J .) et CAILLEUX (A . )
TRAITÉ DE GÉOMORPHOLOGIE : Géodynamique externe :
Tome I . — Introduction à la géomorphologie climatique .
Tome II . — Le modelé périglaciaire .
Tome III . — Le modelé glaciaire et nival .
Tome IV . — Le modelé des régions sèches .
Tome V . — Le modelé des régions chaudes (Forêts et Savanes) .

TRICART (J .), ROCHEFORT (M .) et RIMBERT (S . )


INITIATION AUX TRAVAUX PRATIQUES DE GÉO-
GRAPHIE (Commentaire de cartes) (4 e édition) .

@ S . E . D .E .S . - 1970 .
INTRODUCTIO N

A QUOI SERVENT LES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES ?

Éthymologiquement, l'expression de photographie aérienne désigne toute vue pris e


depuis un engin se trouvant dans l'atmosphère, aéronef, avion ou fusée : Cette vue peut don c
être prise sous un angle quelconque . Mais, en fait, le sens de l'expression s'est restreint et ,
dans la pratique, elle désigne une vue verticale, « à vol d'oiseau » . Lorsqu'on veut parler de s
photographies aériennes panoramiques on précise alors photographies aériennes obliques.
La photographie aérienne oblique est une vue panoramique plus ou moins plongeante ,
semblable à celle qu'on peut prendre depuis le sommet d'un pic ou d'un abrupt . La seule diffé-
rence réside dans une plus grande liberté quant au choix de l'angle de la prise de vue : le pre-
mier plan étant dégagé, la vue peut être plus plongeante que celle que l'on prend à terre, s e
rapprocher davantage de la verticale . L'utilisation que l'on peut faire des photographies aérienne s
obliques est strictement la même que pour les vues panoramiques ordinaires . Ce sont des illus-
trations qui permettent de voir le paysage en perspective cavalière, avec une profondeur d e
champ supérieure à celle que l'on obtiendrait en le regardant au sol . Elles sont particulièrement
précieuses dans les régions plates et dans celles de reliefs confus, dont aucun ne domine l'ensemble .
Les innombrables vues aériennes obliques prises par les Américains pendant et juste aprè s
la dernière guerre mondiale avec le système trimétrogone constituent ainsi une mine d'illus-
trations souvent intéressantes . Dans le système trimétrogone, en effet, l'avion est muni d e
trois caméras jumelées . L'une d'elles prend les vues verticales, sous la forme d'une bande à
recouvrement stéréoscopique, les deux autres prennent des vues obliques, moins rapprochées ,
respectivement à droite et à gauche de la ligne de vol . Disons, en bref, que les photographie s
aériennes obliques ne posent pas de problèmes particuliers d'utilisation . Leur intérêt est l e
même que celui des vues panoramiques prises à terre, à ceci près que, prises en série avec l e
système trimétrogone, elles portent sur des régions où il n'est pas possible de prendre des vue s
panoramiques étendues et permettent, dans tous les cas, de voir le paysage sous un angle différent ,
de plus haut .
Il en est tout autrement des photographies aériennes verticales ou zénithales . Elles
nous présentent le paysage d'une manière inhabituelle, même pour celui qui a l'habitude d e
voyager en avion, car, d'un hublot d'avion on a toujours une vue panoramique, plus ou moins
6 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

plongeante. mais jamais verticale . Pour l'avoir il faudrait ouvrir une trappe dans le planche r
de la carlingue. Par là . les photographies aériennes verticales se rapprochent des cartes : e n
fait . une photographie aérienne correctement prise est une projection conique . Comme elles ,
elles montrent le paysage « vu de dessus », sans perspective, donc sous un angle inhabituel .
L'identification des objets qu'on y trouve exige de la pratique . exactement comme la lectur e
d'une carte . C'est d'ailleurs pourquoi il est préférable . d'un point de vue pédagogique, d'ensei-
gner simultanément la lecture des cartes et celle des photographies aériennes . C'est aussi pourquo i
il est possible de passer de la photographie aérienne à la carte et d'établir les cartes topogra-
phiques en partant de photographies aériennes, en recourant à tout un ensemble de technique s
dites de « restitution photogrammétrique » .

Mais il y a une différence essentielle entre la carte et la photographie aérienne verticale .


La carte est un document élaboré, simplifié, qui ne retient que certaines catégories d'informations ,
toujours les mêmes, et qui les figure de manière identique, standardisée . Sur toutes les feuille s
de la carte de France au 25 .000e, un bois de conifères est figuré de la même manière, un boi s
de feuillus l'est de façon légèrement différente, au moyen d'un autre signe conventionnel, mai s
toujours le même . Il suffit d'apprendre la signification d'un nombre réduit de signes pour savoi r
lire la carte . Il n'en est pas de même de la photographie aérienne . C'est un document brut .
sur lequel les choses apparaissent telles qu'elles sont ou, plus exactement, telles qu'elles peuven t
impressionner une certaine pellicule dans une certaine caméra placée dans certaines condition s
et telles qu'elles ont été transposées du négatif sur le positif .
Cette formulation a l'air complexe . Cependant, elle est aussi simple que possible . Ell e
ne fait qu'exprimer la réalité . Il suffit d'être un peu familier de la photographie, de la simpl e
photographie d'amateur, pour s'en rendre compte . Chacun sait qu'un même paysage est diver-
sement rendu suivant l'éclairage, qu'un temps gris, à éclairage diffus . ne permet pas de bie n
distinguer les divers plans, qu'une lumière trop verticale écrase les reliefs, qu'au contraire ,
un soleil rasant met en valeur certains détails, soulignés par leurs ombres . et qui prennen t
ainsi davantage de relief. Chacun sait aussi, ou devrait savoir, qu'une pellicule orthochromatiqu e
ne rend pas les différences de teintes de la même manière qu'une pellicule panchromatiqu e
et que certaines couleurs sont impossibles à distinguer les unes des autres, confondues dan s
le même gris . Il en est de même dans le domaine des pellicules couleurs : Kodachrome exagèr e
la brillance des teintes, ce qui fait « touristique », et accentue les bleus et, moindrement, le s
verts : Agfacolor au contraire . respecte mieux la brillance naturelle . mais a tendance à force r
un peu les bruns . etc . Le paysage tel qu'on le voit dans la Nature et tel qu'on le retrouve sur
une photographie n'est jamais le même . Le choix de la pellicule est primordial . Mais l'apparei l
photographique compte aussi . La profondeur de champ commande la séparation des plan s
et la qualité des détails à une distance donnée . Les filtres permettent d'atténuer les effets d e
la bruine ou certaines couleurs gênantes . De manière plus subtile, la construction de l'apparei l
commande ses réactions vis-à-vis de la lumière très oblique ou de face (contre-jour) . Enfin ,
chacun sait, parfois même trop bien car ce peut être une excuse facile, qu'un tirage peut êtr e
bon ou mauvais suivant le papier choisi, suivant la durée de l ' exposition . suivant le type de
INTRODUCTION 7

révélateur, etc . Et il en est de même du développement des négatifs . Il y a loin de la vue à l a


photo . . .
D'un simple point de vue technique, l'utilisation des photographies aériennes est don c
complexe, pour trois séries de raisons :
L'angle de prise de vue est inhabituel et va à l'encontre de nos habitudes visuelles .
Nous sommes habitués à voir les arbres sous la forme de leur silhouette alors que sur la photo -
graphie aérienne, nous les voyons de dessus, par l'intermédiaire de la surface qu'ils couvrent ,
bref, ce sont des cercles plus ou moins réguliers . . . Il faut donc acquérir de nouvelles habitude s
visuelles, se forger de nouveaux critères d'identification .
— Le document est un document brut, sur lequel les objets apparaissent avec l'aspect
propre qu'ils avaient lors de la prise de vue, qui n'est pas forcément le plus caractéristique .
Une rivière, par exemple, a pu être photographiée en crue et occuper une partie de sa plain e
inondable, sans que l'on puisse affirmer directement quelle est la fréquence d'une telle crue .
Des feuillus ont pu être photographiés en hiver, dépouillés de leurs feuilles, qui sont un de s
éléments essentiels pour identifier les espèces . Des champs peuvent être vus juste après la moisson ,
couverts de gerbes, ou à l'automne, alors que certains sont labourés et nus et d'autres, a u
contraire, déjà ensemencés suivant les cultures pratiquées . La valeur de l'information peu t
ainsi différer grandement suivant les conditions et les dates de prises de vues .
— Les diverses étapes techniques par lesquelles passe l'élaboration du document livr é
au public : prise de vue, développement du négatif, tirage du positif introduisent des distor-
sions entre l'image et l'objet. Jamais la photographie ne correspond parfaitement à l'objet .
Elle élimine certains aspects, certaines natures d'information, elle en exagère d'autres ou le s
rend plus visibles et, ceci, indépendamment de l'échelle qui intervient aussi, bien entendu ,
en influant sur la dimension des objets enregistrés sur le négatif .
L'utilisation des photographies aériennes exige donc la connaissance préalable de ce s
données techniques de base . Sinon, il est impossible d'identifier les objets apparaissant sur le s
clichés . Sans elles, on ne peut apprécier la valeur de l'information qu'ils offrent, ce qu'on peu t
y trouver et ce qu'on ne peut y trouver . La pratique de la lecture de cartes apporte une aid e
précieuse à qui veut apprendre à lire les photographies aériennes, car elle habitue à la visio n
verticale, elle inculque la notion d'échelle et de généralisation éliminant les détails en dessou s
d'une certaine dimension, elle oblige à hiérarchiser les observations, à replacer les détails dan s
des ensembles de dimensions diverses . Mais la carte étant une schématisation, un document
élaboré et dépouillé, standardisé, son exploitation est plus immédiate et plus facile, quoiqu e
nécessairement moins riche. De plus, la photographie aérienne est un document de natur e
très particulière et il faut tenir compte, dans sa lecture, de facteurs physiologiques et psycho-
logiques capables de faire aboutir à des identifications subjectives . Il existe actuellement tout e
une série de travaux consacrés à l'étude de ce facteur humain . On trouvera, par exemple, dan s
le manuel du Général Hurault, tout un chapitre consacré à la « vision stéréoscopique naturelle »
où sont indiqués les illusions d'optique des plus fréquentes et les tests auxquels doivent être
8 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

soumis les observateurs . L'influence de l'imagination dans les erreurs d'interprétation et l'apti-
tude de l'observateur à raisonner sur des anomalies ont fait, pour leur part, l'objet d'article s
de la revue Photogrammetric Engineering .
Déchiffrer les photographies aériennes, identifier correctement les faits plus ou moin s
isolés qu'on y rencontre, constitue la lecture de ces photos . Il s'agit d'un travail d'analyse .
Mais la lecture des photographies aériennes, tout comme celle des cartes, ne constitu e
qu'une étape préliminaire, du moins pour tous ceux qui font de la recherche ou qui préparen t
des aménagements . Seuls les militaires, à la recherche d'information, peuvent se contente r
de lire les photographies aériennes pour y reconnaître des concentrations de troupes, des installa -
tions plus ou moins camouflées, bref, pour identifier grâce à elles des objectifs . Les chercheur s
et les techniciens ont besoin d'autre chose que cela . Ils cherchent dans la photographie aérienn e
le support d'observations destinées à s'intégrer en un ensemble cohérent avec celles qu'il s
tirent du terrain, du laboratoire, des statistiques, des enquêtes, etc . Ils ne peuvent se contente r
de données brutes, d'une simple lecture . Il leur faut aller plus loin . 11 leur faut interpréter .
L'interprétation des photographies aériennes est un exercice de nature spécifiquemen t
géographique, bien que les géographes n'aient adopté les photographies aériennes que sur l e
tard . En effet, sa nature est exactement la même que l'interprétation d'un paysage . Les seules
différences sont l'angle de vue et le travail sur photographie et non dans la Nature, mais, nou s
venons de le voir, ces différences se placent au niveau de la lecture de la photographie aérienne ,
non à celui de l'interprétation .
Mais que l'on prenne garde et que l'on ne transforme ce type de travail en une techniqu e
indépendante, comme le font certains organismes commerciaux dans des buts qui n'ont rie n
de scientifiques . Il n'y a pas de bon photo-interprétateur : il n'y a que de bons spécialistes d e
disciplines diverses, déjà familiers avec les méthodes de leurs domaines de recherches . qui on t
ajouté à leur formation la pratique des observations sur les photographies aériennes . On les
rencontre aussi bien chez les forestiers que chez les archéologues ou chez les botanistes (1) .
Cependant, l'interprétation des photographies aériennes repose sur les mêmes méthode s
que l'interprétation des cartes . C'est seulement la matière qui diffère . Document brut, elle s
sont plus concrètes . Si les informations qu'elles apportent sont plus difficiles à identifier, elle s
sont aussi plus nombreuses et plus variées . Par exemple, la carte nous montre un réseau hydro -
graphique, mais elle ne nous permet pas de déceler le ruissellement diffus qui l'alimente . Elle
ne nous montre pas les ravines par lesquelles s'amorce le ruissellement concentré. Or . ruisselle -
ment diffus et ravines peuvent s'identifier, dans bien des cas, sur photographie aérienne . O n
peut inférer de leur présence des caractères hydrologiques concernant le régime du cours d'ea u
et une certaine dynamique géomorphique, qu'il n'est pas possible de reconnaître sur la cart e
topographique. Cette dernière nous montre les espaces occupés par les terres labourées . Ell e
nous donne ainsi une idée très élémentaire de l'utilisation du sol . La photographie aérienn e
permet d'identifier certaines cultures, variables suivant la saison de prises de vues . Mais, surtout .

(1) La courte bibliographie donnée en annexe page 229 se propose d'offrir un panorama des diverses utilisation s
de la photographie aérienne .
INTRODUCTION 9

elle nous montre la structure agraire, les limites des diverses parcelles de culture, qui ne son t
pas forcément les parcelles cadastrales . Elle nous apporte là une information unique, impossibl e
à trouver ailleurs, car le cadastre ne figure que les limites de propriétés qui ne corresponden t
pas forcément aux limites des parcelles de culture, un exploitant pouvant subdiviser une parcell e
cadastrale et y pratiquer des cultures différentes ou pouvant, au contraire, exploiter en un e
seule parcelle plusieurs parcelles cadastrales possédées par des propriétaires différents . A un e
échelle suffisante, la photographie aérienne permet, de même, l'étude de l'habitation et de l a
structure fine de l'habitat groupé (types de constructions) . La photographie aérienne montr e
aussi les plans de vagues le long des littoraux, la densité de la végétation et le taux de couvertur e
du sol, etc . Bref, elle apporte des données incomparablement plus nombreuses et plus variée s
que la carte . Elle s'approche davantage du concret géographique global ./
Il n'est donc pas étonnant que les méthodes d'analyse du concret géographique global
soient immédiatement utilisables pour l'interprétation des photographies aériennes . Celle-c i
s'intègre étroitement à la Géographie, elle fait partie de la Géographie, même si des géographe s
trop routiniers ne s'en sont pas assez vite rendu compte et ont laissé d'autres personnes s e
lancer dans une voie qui leur appartenait logiquement mais qu'ils ont dédaignée . Ces spécia-
listes de la photo-interprétation font de la Géographie sans le savoir, comme M . Jourdai n
faisait de la prose sans le savoir . . . Mais il vaut tout de même mieux faire de la Géographie e n
le sachant : la Géographie ne peut qu'y gagner et c'est là un des objectifs du présent ouvrage .
L'interprétation des photographies aériennes peut se concevoir de deux manière s
différentes :
Comme le commentaire de carte topographique, exercice rituel des géographes ,
on peut partir de la photographie aérienne et rechercher les divers documents qui permetten t
de la commenter, exactement comme le commentaire de carte implique le recours à la cart e
géologique pour la définition des formes du relief et pour l'explication de leur genèse comm e
pour rendre compte des types d'occupation du sol et des sites d'habitat urbain . Il s'agit alor s
d'un exercice didactique reposant sur la confrontation de documents divers afin de suscite r
des rapprochements entre faits de nature différente et d'aboutir, ainsi, à des éléments d'expli-
cation. Le pratiquer est indispensable pour former un géographe, puisqu'il correspond à l a
nature même de sa discipline . On peut ainsi prendre le cliché du Mont Vigne (exercice n° 34 ,
p. 137) et le comparer à la carte géologique au 80 .000e, feuille Avallon et reporter sur un calqu e
les divers affleurements géologiques . On disposera ainsi d'un facteur d'explication des struc-
tures agraires particulièrement important dans cette région . Il faudra ensuite l'interpréte r
en fonction de données historiques, notamment celles que R . Dion a mises en lumière pou r
comprendre les modalités des défrichements dans le Bassin de Paris, mais aussi des donnée s
plus récentes, qui sont indispensables pour comprendre la transformation en bocages de s
anciens terroirs de polyculture sur marnes du Lias . Plus concrète que la carte, plus complète ,
la photographie aérienne se prête beaucoup mieux qu'elle à de tels exercices didactiques e t
il serait souhaitable que les commentaires de photographies aériennes prennent une très larg e
place à côté des commentaires de cartes dans la formation des géographes . L'un des objet s
de cet ouvrage est de faciliter une telle mutation, aussi urgente qu'indispensable .
10 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIE SAÉRIEN

— Comme l'étude des cartes, l'interprétation des photographies aériennes est auss i
une des démarches de base de la recherche . Il ne s'agit plus alors de retrouver sur les cliché s
l'illustration de faits connus et de s'exercer à analyser leurs rapports mutuels, mais d'extraire
de l'étude des photographies aériennes des données nouvelles, dont on a besoin . La démarch e
est inverse et ressemble à un exercice autrefois pratiqué par certains géographes, qui consistai t
à reconstruire la structure à partir de l'examen des cartes topographiques en y reconnaissan t
la lithologie et la disposition des couches d'après les caractères du modelé . Exercice périlleux ,
risquant en permanence de devenir fallacieux et de se transformer en cercle vicieux . Périlleus e
également est la photo-interprétation et bien des tâtonnements ont eu lieu, bien des erreur s
ont été commises, parfois grossières, par ceux qui, s'érigeant en spécialistes, veulent faire de l a
photo-interprétation une discipline indépendante à prétentions universelles ... et souvent for t
lucratives. Mais ce péril peut être évité à deux conditions . La première est de ne pas considére r
la photo-interprétation, dans quelque domaine que ce soit, comme une discipline indépendant e
et se suffisant à elle même, mais, au contraire, comme une méthode de recherche à ne pas pra-
tiquer isolément, à intégrer dans un ensemble comprenant nécessairement le travail de terrain ,
comme une méthode qui doit participer à des rapports dialectiques avec les autres méthode s
et qui n'a sa justification qu'en tant qu'élément d'un ensemble . La seconde condition, c'es t
que le photo-interprétateur ait une solide formation géographique, aussi large et aussi poussé e
que possible. C'est ce qui fait sa valeur individuelle . Il doit allier à un sens aigu de l'observatio n
la disponibilité d'esprit et la large culture qui permettent les rapprochements . Photo-interpréter ,
c'est, en effet, essentiellement se livrer à des rapprochements . Peu de données sont directemen t
visibles sur les clichés . La plupart des données que l'on recherche ne le sont pas . C'est par de s
voies détournées, par des rapprochements avec d'autres faits, visibles, eux, qu'on les établi t
de manière conjecturale . On n'observe pas des faits, on élabore des hypothèses et ces hypothèse s
sont d'autant plus vraisemblables que les recoupements que l'on peut faire en leur faveur son t
plus nombreux et plus divers . C'est là que l'esprit géographique est indispensable et que la cul-
ture géographique est irremplaçable .
De même qu'il est regrettable et dangereux de vouloir définir la nature des terrains uni-
quement à l'aide de procédés optiques, de même peut-on déplorer que des géographes cultivé s
aient dédaigné ou méconnu les techniques élémentaires d'observation photographique . O n
retrouve ici une forme de cet antagonisme qui existe encore entre technique et culture et qu' a
fort bien attaqué Michel Tardy dans son pamphlet intitulé : Le Professeur et les images (2 )
bien des géographes qui ont laissé aux archéologues, aux forestiers, ou à des techniciens beau -
coup moins bien préparés, le soin d'exploiter les photographies aériennes, pourraient être
reconnus parmi ces « pédagogues iconoclastes » qui, au siècle de la « civilisation de l'image » ,
en sont encore à celle du « livre » (2) .
Ce qu'on peut espérer voir sur les photographies aériennes dépend donc non seulemen t
de l'attention et des connaissances géographiques de l'observateur, mais du choix des docu-
ments les meilleurs et du bon usage d'un minimum de techniques . C'est ainsi, par exemple ,
(2) Michel Tardy : Le Professeur et les images . Essai sur l'initiation aux messages visuels . Presses Universitaire s
de France, Paris . 1966 . 128 pages .
INTRODUCTION 1 1

que l'identification d'arbres sur des clichés de régions intertropicales au I/40 .000 encombré s
de voile atmosphérique est une opération des plus difficiles, alors qu'elle devient beaucou p
plus commode sur des clichés d'échelle moyenne supérieure au 1/15 .000, tirés automatiquemen t
par un procédé de type Logetronics (3) .
A la suite de Paul Chombart de Lauwe (4) on doit insister sur la distinction qu'il fau t
maintenir entre procédés et méthodes. Nous ne saurions trop répéter que pour extraire de s
informations de photographies aériennes il ne faut pas se contenter d'un répertoire de procédé s
en chambre, et que ce que l'on peut espérer découvrir dépend également de la démarche métho-
dologique : ce sera l'objet du chapitre V (Principes généraux de la photo-interprétation) qu e
d'offrir quelques échantillons de méthodes .
L'objet de notre ouvrage est de faire acquérir la pratique de la lecture des photographie s
aériennes, puis celle de leur commentaire dans des domaines variés, enfin de montrer commen t
on peut interpréter les photographies aériennes en fonction des besoins de la recherche . La
pratique du commentaire permet d'acquérir de l'expérience, irremplaçable dans ce domain e
où tout est variété, où tout repose sur un sens aigu du concret . Elle permet de découvrir l a
subtilité des innombrables formes que peuvent prendre les liaisons entre faits de nature diffé-
rente . Elle décloisonne l'esprit et l'ouvre aux rapprochements sur lesquels toute la photo -
interprétation est fondée . Elle contribue à faire adopter l'attitude spécifique du géographe .
Par un cheminement dialectique, elle prépare ainsi au cheminement inverse, celui qu i
aboutit, à partir d'observations diverses portant sur les conséquences des phénomènes, à e n
inférer la nature même de ces phénomènes . Mais, rappelons-le, le jeu est dangereux et on n e
doit pas succomber à la tentation de jongler avec les hypothèses . Il faut les contrôler et c'es t
là que la photo-interprétation doit céder la place à d'autres méthodes, qui impliquent l'obser-
vation directe des faits. On ne peut se contenter d'examiner les faits et, souvent même, seulemen t
leur apparence, par caméra interposée .
Bien utiliser une méthode ou une technique et les photographies aériennes sont ,
à la fois, l'une et l'autre — c'est, d'abord, connaître ses limites . Les préciser sera une des préoccu -
pations fondamentales du présent ouvrage .
Afin d'obtenir une concentration d'observation visuelle optimale lors de l'exame n
stéréoscopique, nous conseillons aux possesseurs d'un magnétophone d'enregistrer au préa-
lable les commentaires et de les écouter simultanément .
Nous commencerons par rappeler rapidement comment a évolué la technique de s
photographies aériennes et de leur utilisation, puis nous donnerons les indications nécessaire s
à la lecture des photographies aériennes : conditions d'établissement du document, condition s
d'utilisation cartographique, principes généraux de photo-interprétation . Nous montreron s
ensuite comment apparaissent divers ordres de faits géographiques sur les photographie s
aériennes, en commençant par les faits géomorphologiques (géomorphologie structurale e t

(3) René Huyghe : Les puissances de l'image . Flammarion, Paris, 1965, 279 pages, voir p . 7-8 .
(4) Paul Chombart de Lauwe : Photographies aériennes. Librairie Armand Colin, Paris, 1951, 140 pages . Voir :
Introduction, Méthodes et procédés .
12 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

géomorphologie dynamique) . Dans le second volume viendra l'utilisation des photographie s


aériennes à des objets plus complexes : définition des milieux physico-géographiques (interac-
tions entre les divers éléments permettant de caractériser de tels milieux, types de milieux clima -
tiques), aménagements agraires, phénomènes d'habitat, aménagements urbains, etc .
Pour maintenir le présent volume à un prix aussi abordable que possible, les repro-
ductions de photographies aériennes qui s'y trouvent ont été faites en employant un procéd é
de clichage tramé . Il a pour effet de rendre plus difficile la vision stéréoscopique et estompe ,
parfois, certains détails . Toutes les fois que le lecteur le pourra, il aura intérêt, pour utiliser a u
maximum nos commentaires, à recourir aux tirages photographiques directs par contact .
Cependant, et c'est là un fait général que toute personne utilisant les photographies aérienne s
doit savoir, d'une épreuve à l'autre tirée à partir d'un même négatif, les nuances changent et ,
du même coup, les conditions d'interprétation . Certaines épreuves sont plus contrastées, d'autre s
moins, certaines sont plus exposées et font mieux ressortir les détails de certaines zones, d'autre s
le sont moins et s'avèrent préférables pour l'observation d'autres détails . Quiconque a pratiqu é
un peu la photographie le sait . Il ne faut pas l'oublier . . .
CHAPITRE PREMIE R

HISTORIQUE (5 )

La photographie de la terre à vol d'oiseau est à la fois un document ancien et extrême -


ment moderne . Ce paradoxe apparent s'explique : ancien par sa naissance car elle remont e
aux clichés pris vers 1850 d'un ballon libre par Nadar, moderne par les plus récentes technique s
auxquelles la prise de vue fait appel, moderne aussi par les travaux dans les sciences de la Terre
comme dans les sciences humaines auxquelles l'interprétation des clichés verticaux permet de s
trouvailles intéressantes, des méthodes nouvelles et un gain de temps appréciable .
Sans revenir à toutes les phases chronologiques par lesquelles sont passées les technique s
de prise de vues aériennes et d'exploitation photogrammétrique en vue d'une cartographi e
topographique, on se bornera à un rapide examen de l'évolution qu'a connue l'exploitatio n
générale et l'interprétation scientifique des vues verticales « à vol d'oiseau » . La photo-inter-
prétation est née de la stéréophotogrammétrie . Le matériel qu'emploient les photo-interprète s
scientifiques le prouve au point qu'il serait ridicule de prétendre le contraire . Ce n'est pas ,
cependant, dans cette optique que nous considérons le problème .
Jusqu'à présent, de nombreux auteurs parlant de photo-interprétation ont commenc é
par évoquer l'histoire de la technique-mère . Il nous apparaît à la fois utile et intéressant d'essaye r
de dépasser ce stade pour évoquer de préférence les progrès accomplis dans le raisonnemen t
interprétatif des clichés aériens verticaux .
La recherche par la photo-interprétation en géographie, géologie et sciences humaine s
a connu des étapes successives et des fortunes diverses .
A certains moments un isolé ou une équipe de praticiens ont employé dans un pay s
la photo-interprétation pour leurs travaux scientifiques . Puis tout retombe dans l'indifférence ,
parfois même l'oubli . Pour un chercheur qui a publié un compte rendu de ses travaux sur photo -
graphies aériennes, combien ont négligé de le faire . Une partie importante de ces travaux a
été réalisée d'après des vues aériennes obliques qui ne constituent qu'un élément margina l
de ce manuel.
Les études directes à partir de clichés aériens verticaux sont bien plus rares dans la biblio -
graphie monumentale qui existe sur ce sujet, en particulier sur les chapitres de photo-géologie ,
de géologie minière, de prospection pétrolifère et de travaux publics .
Voyons d'abord les étapes chronologiques de l'évolution de la photo-interprétation .
(5) L'importante bibliographie se rapportant à ce chapitre se trouve en fin de l'ouvrage page 229 .
14 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

1. LES DÉBUTS : LA GRANDE GUERRE DE 1914-191 8

La première guerre mondiale a connu la première application généralisée de cette tech-


nique dans un but de recherche de renseignements stratégiques, mais aussi de topographi e
militaire, ce qui ne peut surprendre quand on examine par exemple une carte de France topo -
graphique en hachures au 1/80 .000 . Sur ce point, le territoire français était privilégié, compar é
aux fronts russes, balkaniques ou orientaux (Palestine, Mésopotamie), où n'existaient que de s
cartes à petites échelles ou pas de carte du tout .
Les années de guerre virent un intense travail de recherche et d'application dans le s
techniques photographiques, mais aussi dans la lecture et le déchiffrage du matériel réalisé .
Alors qu'au début des hostilités peu de gens songeaient à utiliser la photographie aérienne ,
l'Armée britannique était dotée dès la fin de l'année 1915 d'appareils spéciaux pour la pris e
de vue aérienne . Les clichés verticaux étaient demandés de plus en plus et l'étude au stéréoscop e
appliquée systématiquement .
Après la guerre, tout ce mouvement fut arrêté net . Les techniques de photo-interpré-
tation militaire mises au point, mais qui n'avaient pas été codifiées furent oubliées . La recherch e
s'arrêta faute de crédits, d'avions et d'appareillages appropriés, sauf dans de rares cas isolés (6) .

II. 1920-1925 : LES APPLICATIONS SCIENTIFIQUE S


DES EXPÉRIENCES DE LA GUERR E

Il faudrait examiner à part les efforts importants des cartographes de toutes les grande s
nations industrielles pour créer une cartographie moderne fondée sur les cartes en courbe s
de niveau, à partir de la stéréophotogrammétrie . Dans l'optique de cette initiation, leurs travau x
ne nous intéressent que dans la mesure où ils ont fait progresser les techniques et les méthode s
de la photo-interprétation à buts scientifiques .
L'après-guerre a connu un certain nombre de publications relatives à la photo-inter-
prétation dans plusieurs pays : Allemagne, France . Grande-Bretagne, États-Unis, tous ancien s
belligérants .
A ce stade, l'Allemagne se distingue par le nombre important de publications . 11 fau t
surtout retenir les noms de E . Fels et de E . Ewald qui ont fait connaître de 1919 à 1924 les résul -
tats obtenus dans les méthodes de lecture des clichés verticaux . Pour cela, l'exploitation d u
stock important de clichés pris pendant la guerre par les escadrilles de reconnaissance en France ,
en Russie . dans les Balkans et en Orient fut d'un grand secours dans une Allemagne écono-
miquement exsangue .
En 1922, Erich Ewald énumère plusieurs des grands avantages des photographie s
aériennes à axe vertical . La vision stéréoscopique permet de reconnaître distinctement le s
reliefs de faible importance : buttes, carrières de sable et l'aspect exact des pentes . L'étud e
du relief est possible malgré la couverture végétale . L'aspect du paysage ou du sol permet d e
situer et de déterminer les aménagements que l'homme y a apportés, notamment l'adaptatio n
(6) Voir J . Blache : Bibliographie n° 1 .
HISTORIQUE 15

des cultures . Dans une topographie accidentée, les voies de communications : routes, voie s
ferrées, canaux se repèrent avec aisance .
Et l'auteur conclut que la photo aérienne s'est révélée comme un outil utile pour l'ingé-
nieur et l'architecte et un document incomparable dans l'enseignement de la géographie .
A cette époque, il faut citer les noms de R . Thelen, E . Wilson et A . F. Brooks, mais l e
grand pionnier de la photo-interprétation aux États-Unis, que ses travaux ont fait connaîtr e
universellement c'est W . T . Lee (du U . S. Geological Survey) . Il a publié en 1920 un premier
article intitulé : « Aeroplane and Geography » où il affirme déjà que « l'avion ouvre un mond e
nouveau au géographe » . Et de citer un exemple régional de ce monde nouveau pratiquemen t
inaccessible autrement que par le haut : une partie des basses plaines côtières de la Virginie ,
du Maryland et du Delaware .
Dès 1920, il énonce trois genres d'observations importantes qui peuvent être obtenue s
par l'utilisation de photographies aériennes :
a) des observations sur des zones bien connues, des villes par exemple, qui montren t
de nombreux détails ;
h) des observations sur des zones particulières, des marécages par exemple . où de nom-
breux détails peuvent être négligeables et sont, de ce fait, omis habituellement sur les carte s
et dans les descriptions pour la bonne raison que les difficultés pour les obtenir par des méthode s
ordinaires sont trop grandes et qu'elles ne justifient pas les dépenses de temps et d'argen t
nécessaires ;
c) des observations en régions amphibies où les renseignements antérieurs n'avaient p u
être obtenus que par des sondages hydrographiques . Il met aussi en valeur les erreurs dues à
la pseudoscopie et insiste sur la nécessité pour l'usager d'apprendre à interpréter les renseigne-
ments que lui fournissent les clichés verticaux . Les démonstrations s'illustrent de six exemple s
commentés et insistent déjà sur le caractère à la fois documentaire et historique des photo -
graphies aériennes .
Ces deux aspects du cliché aérien permettent de reconstituer les états successifs de s
hauts fonds sableux, de trouver et de cartographier les chenaux navigables et les terrains inondé s
et d'en étudier l'évolution . Dans son volume, The Face of the earth as seen from the air, publi é
en 1922, les illustrations bien plus nombreuses ont permis un affinement de la technique .
En France, L . P . Clerc publie, en 1920, un volume de 350 pages sur « l'application d e
la photographie aérienne (lecture et interprétation, stéréoscopie aérienne, appareils et méthode s
pour la photographie aérienne) » .
H . Volmat examine l'application de la photographie aérienne à l'hydrographie (1919 -
1924) . H . Bourche, à la même époque, 1920 et 1921 . évoque les apports des photographie s
aériennes « à la vie agricole, cadastre et remembrement », après être passé dans sa premièr e
analyse de la photographie aérienne, de ses possibilités militaires aux perspectives du temp s
de paix .
Un des premiers, J . Blache montre dans la R . G . A . de 1920 ce qu'apporte la photographi e
aérienne à la géographie autant générale que régionale . à l'aide d'une description minutieus e
d'un certain nombre de paysages types du Maroc dont huit vues verticales . Ils lui permettent
16 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

en particulier d'analyser les éléments des divers types de reliefs marocains et de poser des pro-
blèmes géomorphologiques intéressants .
Immédiatement après la guerre, les Britanniques se sont consacrés en exclusivité au x
travaux archéologiques (G . A. Beazeley, 1920) et le nom de Crawford commence à être uni-
versellement nommé en 1923 . A part les recherches photogrammétriques pour les levés topo-
graphiques des militaires et du Survey de Grande-Bretagne, cette période d'après-guerre s'avèr e
assez pauvre . Il faudra attendre les travaux des pionniers dans les terres lointaines de l'Empir e
de la période postérieure pour connaître les résultats de la photo-interprétation scientifiqu e
du Royaume-Uni .
La première entreprise de ce genre vit le jour au Canada en 1923 . Au Sud de la bai e
d'Hudson, dans la baie James, le Canadian Forest service fit des recherches de déterminatio n
des espèces et de protection forestière en montant une station de photographie aérienne . Ell e
avait pour but d'évaluer la capacité des forêts et la valeur des bois . Ces travaux ont permis d e
déterminer les variétés de bois et la composition par espèces des forêts naturelles à un pri x
de revient très faible et au rythme d'environ 100 .000 km' par an .

III . 1925-1939 : LES ARTISANS DE LA PHOTO-INTERPRÉTATION :


ESSAIS ET TATONNEMENT S

La deuxième application pratique et à une échelle importante des méthodes de photo -


interprétation se fit en Asie du Sud-Est dans la zone tropicale humide . Il s'agit du levé topo -
graphique et de la cartographie forestière des forêts inondables du delta de l'Irrawaddy . Comm e
s'il s'agissait d'une nouveauté, elle a suscité une littérature abondante . Les noms de ces pion-
niers méritent d'être cités : le major R . C . Kemp, C. G . Lewis, C . W . Scott et R . C . Robbins ,
car leur travail a couvert plus de 1 .000 milles carrés et fourni une masse de renseignement s
scientifiques (végétation et résultats d'ordre technique et pratique de grande importance pou r
la photo-interprétation . Ils ont permis de mettre en parallèle les avantages et les inconvénient s
de la technique . Un grand nombre de difficultés que ces novateurs ont rencontré n'ont pa s
encore trouvé de nos jours de réponses efficaces, ou commencent seulement à être résolue s
par la photographie en couleur et en fausse-couleur . L'incidence de l'échelle des clichés su r
le prix de revient et les possibilités d'interprétation de la couverture ont été déterminées e n
fonction des techniques de l'époque .
En fait la photo-interprétation de la végétation des tropiques humides connaît un grand
nombre de servitudes que les hommes de l'Irrawaddy furent les premiers à énoncer et dès 1925 .
Ils firent école et leurs successeurs (C . C . Wilson, H . Champion, H . C . Rycker) dan s
l'Indian et dans le Burma Forest Service continuèrent jusqu'en 1939 d'abord, après la guerr e
ensuite, les recherches qu'ils avaient amorcées en affinant notamment les critères et les méthode s
de détermination des espèces .
Un peu plus tard . Ray Bourne, C . K. Cockrane-Patrick et C . R . Robbins prenaient la
HISTORIQUE 17

suite sur le continent africain et réalisaient dans la forêt tropicale sèche, en Rhodésie du Nord ,
une série d'analyses remarquables mettant en évidence les relations entre la couleur du sol e t
les aspects de la végétation ainsi que la nature des roches . Les travaux de R . C . Robbins e n
particulier comportent d'intéressants aspects méthodologiques car la région étudiée montrai t
différentes unités géomorphologiques et lithologiques permettant des comparaisons fructueuses .
Un deuxième champ d'application de la photographie aérienne fut la recherche géo-
logique et minière dans les immenses espaces de l'Empire Britannique principalement en Aus-
tralie et au Canada . En 1932, Donald Gill a effectué un recensement des nombreuses publi-
cations dispersées . A titre d'exemple. il est intéressant de savoir que la grande mine aujourd'hu i
épuisée de Port-Radium sur le Grand Lac de l'Ours a été découverte par observation aérienne .
L'atlas de John Lossing Buck : Land utilisation in China (1937) mérite une mention spéciale .
Il est une des premières manifestations de ces études d'utilisation de l'espace à partir des photo -
graphies aériennes verticales qui prendront une réelle importance après 1945 . Les clichés sont
excellents et bien typiques de la nature chinoise .
Aux États-Unis les Américains s'intéressent aux inventaires forestiers, dont E . Wilso n
a décrit les méthodes, aux levés géologiques et aux prospections minières . Par ailleurs, leu r
attention se porta sur le continent sud-américain . Les travaux de G . R. Johnson, de A . Hamilton-
Rice et de R . Shippee vont de l'exploration aux recherches archéologiques . Bien d'autres nom s
seraient à citer mais on se contentera des quatre principaux : J. I. Rich dont les travaux von t
de 1928 à 1942, English (1930), Jaggar (1930) pour son étude des volcans, et A . L . Lobeck (1939) .
Aux Pays-Bas et dans leurs territoires d'Outre-Mer, le colonel von Frijtag Drabb e
mérite la première place pour ses efforts continuels en vue de faire connaître la photographi e
aérienne par la parole et la plume aux hommes de sciences et au grand public . Parmi les scien-
tifiques A . Kint (1934) se signale pour ses interprétations de faciès végétaux d'Indonésie, J . Z. Sal -
erda (1936-1938) pour ses essais de cartographie forestière en Nouvelle-Guinée, Van Hou-
ten 1939) en géomorphologie, R. W . de Ruyster van Stevennink (1938) et W . C . Klein (1939 )
dans l'étude de la végétation et des aménagements divers .
A. Kint a publié dans son étude phyto-sociologique des forêts côtières de l'île Bangk a
neuf clichés remarquables dotés de calques d'interprétation . Les échelles sont variées : 1/15 .000
e: 1 20.000 . Le levé fut réalisé par la Militaire Luchtvaart Afdeeling .
On y distingue aisément la haute forêt pluviale de terre ferme des forêts de mangrov e
périodiquement inondées . Il est possible de séparer les formations de mangrove extérieure
de :on clair sur les clichés, et localisées sur les bancs de coraux plats des mangroves effective s
Rhi zophora-Avicennia) apparaissant comme une bande sombre, de même le marécage d'ea u
saumâtre à végétation mêlée et séparée du marais d'eau douce par des marais de palmier, Nipa .
Les palmiers apparaissent sur les clichés de façon caractéristique : un granulé clair et fin ave c
des limites nettes .
Vers l'intérieur de grands défrichements sont visibles . Leurs pans rectilignes et leurs
surfaces font penser à des plantations .
Sur un autre plan la prospection pétrolière a réalisé des progrès étonnants . Les géologue s
de la Bataafsche Petroleum Matschappy ont intensément pratiqué la photo-interprétation .
18 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

En Nouvelle-Guinée, la Compagnie Netherlands New Guinea Petroleum Matschaapij a auss i


employé la prospection géologique par photo-interprétation systématique .
Les hommes de sciences français ont été assez peu nombreux à se servir de la photo -
graphie aérienne pour leurs investigations . Par contre, on trouve parmi eux des noms presti-
gieux : Aug . Chevallier et M . Griaule, H . Besairie et J . Trochain .
Les régions où les Français ont réalisé des prises de vues en dehors de la métropol e
sont d'abord les pays secs : Maroc, Syrie, Sahara . Le levé du limes romain de Syrie par le Pèr e
Poicebard (1927) est trop bien connu pour y revenir mais les travaux de l'aviation militair e
française au Maroc méritent une mention spéciale . Dès 1917, de nombreuses missions d'obser-
vations photographiques avaient été effectuées, mais il faudra attendre les interprétation s
systématiques du capitaine P. Pennes recoupées par les informations terrestres du lieutenan t
R . Spillmann pour aboutir à des calques d'interprétation dotés de commentaires substantiel s
sur la géographie physique, politique et humaine . Leur atlas géographique des pays inacces-
sibles du Haut-Draa montre seize mosaïques munies de croquis d'interprétation redressé s
dont l'échelle a été ajustée au 1/50 .000 pour permettre des mesures précises . Il s'agit d'un e
véritable étude régionale réalisée sans que les auteurs aient pénétré eux-mêmes dans la zon e
interdite . Ils sont partis d'une couverture aérienne pour dresser une carte au 1/200 .000 en courbes
de niveau et un inventaire de la répartition de la population avec l'état de la mise en valeur .
Le résultat s'avère un très bon travail de photo-interprétation géographique . Le géograph e
L . Aufrère s'est attelé à l'étude des dunes sahariennes à l'aide de « photographies zénithales »
au 1/15 .000 de la rive orientale de la Saoura . Il analyse les insuffisances d'échelle et les difficulté s
purement techniques dues au modelé dunaire en précisant les exigences de la « descriptio n
morphologique régionale », de « l'analyse morphologique » et de « l'analyse dynamique » .
Dans la prospection géologique d'Outre-Mer, il faut citer les travaux de B . Berkaloff (1937 )
et surtout de H . Besairie (1937) à Madagascar . Le nom de J . Trochain (1932-1940) pour ses
contributions à l'étude de la végétation des tropiques rejoint celui de A . Chevallier (1939 )
pour ses études de méthodes biogéographiques. Le grand ethnologue, M . Griaule, a écri t
en 1937 : « Sur l'emploi de la photographie aérienne et la recherche scientifique, l'anthro-
pologie. » Il s'en est servi abondamment pour l'étude du pays Dogon de la Falaise de Bandiagara .
Un petit pays européen a fourni une contribution importante à l'utilisation des photo -
graphies aériennes : il s'agit de la Suisse . W. Mittelholzer lors de ses vols célèbres en Asie ,
en Iran, en Afrique, en Méditerranée et dans les Alpes a réalisé des clichés spectaculaires don t
l'interprétation a augmenté les connaissances géographiques des contemporains (cf . Les cra-
tères emboîtés du Kilimandjaro) . Dans une contribution à la carte géologique de la Suisse ,
R. Helbling (1938) a expliqué l'emploi combiné de la cartographie géologique et de la photo-
grammétrie-photo-interprétation . En poussant la réflexion méthodologique, il a dégagé le s
relations entre la pétrographie, la végétation et le ton de gris des roches sur les clichés .
Entre 1925 et 1940, la photographie aérienne a connu un succès certain en Allemagne .
E . Ewald continue ses travaux et les oriente vers l'utilisation des vues aériennes dans l'urbanisme
HISTORIQUE 19

et l'aménagement des espaces péri-urbains . A . Nusse s'intéresse au rôle que peut jouer la photo -
graphie aérienne dans l'organisation de l'espace (1928) . H . Rohrs cherche à approfondir ce s
relations dans l'application régionale à un cas précis : les voies de communications dans l a
Basse-Weser .
En 1931 . un grand effort de recherche scientifique a abouti au voyage polaire du diri-
geable Comte Zeppelin où du matériel photographique neuf et particulièrement intéressan t
a pu être testé . P . Reinsberg donne un aperçu précis des résultats obtenus dans l'Arctique avec
ce matériel dans les Wiss . Veröf des Mus . für Länderkunde zu Leipzig, N . F ., 1933 . S . 147-17 5
en l'intitulant « Le développement récent de la photo-aérienne dans sa signification pour l a
géographie » .

Extrait de P . REINSBERG - Die jüngste Entwicklung der Luftbildaufnahm e


in ihrer Bedeutung für die Geographie .
Wissenschaftliche Veröffentlichungen des Museums für Länderkunde zu Leip-
zig, - Neue Folge 2 - 1933 .

Fig . 1 a . - L 'Isar au Sud de Munich et du lac de Starnberg .


Une prise avec la chambre panoramique à neuf subdivisions de la Photo-
grammétrie G .m .b .H . (Munich) . Hauteur au-dessus du sol : 3 .200 m .
La vue originale indique dans les coins les mesures altimétriques en u ,
l'heure en h . le libellé en c et le numéro du cliché en d .
20 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

ig . 1 b.-M ême rue que la précédente mais amalgamée en une seule image
par le convertisseur .
Le cliché original est à l'échelle 1 /60 .000, la reproduction ci-dessus est
au 1 180 .000 .

Les Allemands ont continué à s'intéresser à l'étude de l'aménagement et à la planificatio n


de l'espace notamment au moyen de photoplans au 1/5 .000 destinés à l'urbanisme . K . Brunnin g
au Hanovre (1936), Gobbin et M . Kornrumpf ont expliqué leurs méthodes en 1936-1937 . Pou r
l'archéologie K . Gebauer présentera au Congrès de Géographie d'Amsterdam de 1938 u n
exemple bien illustré de la recherche germanique .
En 1938, la Société de Géographie de Berlin avait tenu un colloque restreint consacr é
au thème : « Recherche géographique et photographique aérienne » . Il y fut convenu qu ' e n
plus de son utilisation habituelle dans les grandes branches des sciences la photographie aérienn e
devrait contribuer à une meilleure connaissance individuelle de la géographie régionale de s
divers pays . Cette approche géographique de l'état d'avancement de la recherche en photo -
graphie aérienne devait permettre un développement réciproque plus fécond de la méthodologi e
de la photo-interprétation .
C . Troll a réalisé dans son article de la Zeitschrift der Gesellschafl für Erdku nde zu Berlin
de 1939 une synthèse précise remarquablement illustrée de l'état de la photo-interprétatio n
internationale à la veille de la guerre . Il a analysé toutes les publications parues à cette dat e
pour en tirer les renseignements techniques et les processus de réflexion . Dans cet article, intitulé :
« Luftbildplan und ökologische Bodenforschung », il insiste tout spécialement sur les rela-
HISTORIQUE 21

tions écologiques dans la nature et sur les répercussions des éléments : roche, sol . végétation
les uns sur les autres ainsi que sur la valeur d'archive des clichés d'un même paysage pris à
diverses époques .
l est cependant intéressant de constater que dans presque tous les pays les recherche s
sur la photo-interprétation de la végétation, en fait un travail d'écologiste, ont été en grand e
partie menées par des forestiers, des géographes, des géologues et des topographes et raremen t
par des phyto-sociologues .

IV . 1940 : LA DEUXIÈME GUERRE MONDIAL E


ET LES PREMIÈRES SYNTHÈSE S

Le Congrès de Géographie d'Amsterdam de 1938 a marqué la dernière manifestatio n


internationale où se sont retrouvés les utilisateurs de photographies aériennes avant la guerre .
Celle-ci eut comme effet immédiat la disparition de la France dans la compétition international e
et comme conséquence une production importante de littérature allemande portant sur l'uti-
lisation des photographies aériennes . Celle-ci se porta principalement sur des sujets scientifiques :
H. Bobeck (1941) : Géomorphologie, H . J . von Schumann (1942) : Géographie économique .
E. Ewald (1942) : Économie par exemple .
L'année 1943 a été importante à deux titres pour la photo-interprétation en Allemagne .
Dans les Beiträge zur Kolonial Forschung, n° 111, l'ingénieur H. Frötschner rend compte de s
premiers essais d'utilisation de photographies en couleur pour le développement des région s
tropicales . Il insiste sur la limitation de la hauteur de vol par suite du voile atmosphériqu e
et précise que la compensation par des filtres n'est possible que dans des limites étroites .
Frötschner note qu'en 1942 la confection de mosaïques en couleur est encore impossible . Auss i
la comparaison avec des clichés noirs et blancs s'avère nécessaire car les frais élevés et les diffi -
cultés techniques obligent à limiter les prises de vues en couleur pour le cas où les première s
ne sont pas suffisantes . Cinq exemples de photographies jumelées couleur et noir et blanc
sont présentés, qui fournissent avec une bonne impression visuelle de l'arrangement spatia l
des détails de couleur non reconnaissables sur les clichés noirs et blancs .
Le deuxième événement de l'année a été la mise au point collective sur l'état de la photo -
interprétation par une équipe de savants allemands dans la Zeitschrift der Gesellschaft f ür
Erd unde z u Berlin . J . Büdel, C . Troll, H: J . von Schumann, H . Gams, J . Schultze et Fr . Hesk e

ont successivement analysé toutes les sciences susceptibles d'utiliser les vues aériennes pou r
leurs recherches et leur enseignement . En 1944, E . Ewald a encore publié deux articles où il a
étudié pour la première fois le rôle de la photo-interprétation dans l'agriculture et la carto-
graphie pédologique . Puis ce fut le silence . A la même époque, les États-Unis connaissent u n
développement considérable de la photo-interprétation en particulier sur le plan enseignement .
Les ouvrages qui paraissent sont orientés en priorité sur la formation des utilisateurs et peu su r
la recherche originale .
22 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

L'U . S. Department of the Army entâme la série des publications par un « Elementar y
map and aerial photograph reading » et un « Advanced map and aerial photograph reading » .
Comme les titres l'indiquent, la lecture prédomine . L'interprétation viendra plus tard .
A. E. Weislander et R . C. Wilson publient dans la revue Photogrammetric Engineering ,
n° 8 de 1942, une classification des forêts et autres faciès végétaux d'après photographie s
aériennes . La même année paraît à New York le volume important de A . J . Eardley : Aeria l
Photographs ; their use and interpretation et en 1943, H . T . U . Smith publiera lui aussi un Aeria l
Photographs and their applications également à New York . En 1944, R . V . Light fait paraîtr e
son Focus on Africa et l'U. S. Forest Service une brochure intitulée The use of aerial photograph s
in forest surveys. Pour la photo-interprétation géographique une étape importante est franchi e
en 1945 lorsque le Naval Photographie Intelligence Center de l'U . S . Navy Department publi e
pour ses services un guide des paysages et de la végétation des terres baignées par l'Océa n
Pacifique destiné à faciliter l'interprétation des photographies aériennes . Ce guide muni d e
clichés verticaux expliqués par des vues obliques doit servir d'étalon de comparaison avec le s
clichés à interpréter .
Presque simultanément l'U . S . Air Force publiait un index de photographies aérienne s
et terrestres de formes géologiques et topographiques caractéristiques à travers le monde .
Washington . 1946 . l faudrait encore citer bien d'autres noms ; on s'est limité à quelques exemples :
D. S . Jenkins (1946, Sols), P . G . MacCurdy (1947, Manuel de délimitation des côtes, géomor-
phologie littorale), Sr . H . S . Purr (1948, Forêts), E . G . Stoekeler (1948, Végétation arctique) .
En 1947, le Geological Survey of Canada avait dressé un catalogue de ses collections de vue s
aériennes exceptionnelles par les soins de A . H. Lang et H . S . Bostock et H . T. U . Smith résu-
mera les résultats du Colloque de 1947 relatif à l'utilisation des photographies aériennes pa r
les géologues . Après 1945, de nombreuses synthèses voient le jour également en Angleterre .
J . A. Steers s'est occupé des récifs de coraux sur les vues aériennes et K . Saint-Joseph des pro -
grès de l'archéologie par la photo-interprétation . Il faut encore citer les noms de : D. N. Kendall .
R. R . Rawson, S . H . Beaver et M . C . Branche .
D . L . Linton reprendra dans ses deux publications de 1946 et 1947 le rôle des cliché s
verticaux pour la géographie et I . W . Sisam a publié dans son livre de 1947 une nomenclatur e
des tentatives de photographie aérienne et de leur interprétation du point de vue forestier e t
agricole . Les vues obliques alternent avec les zénithales et replacent le spectateur dans so n
angle de vision habituel . L'auteur passe en revue la cartographie de la végétation forestièr e
et agricole et les instruments utilisés, la préparation des mosaïques, les résultats des vols expé-
rimentaux et les diverses mesures du volume forestier, mais on ne donne aucune indicatio n
précise pour reconnaître tel ou tel type de végétation, naturelle ou cultivée . De plus les commen -
taires des couples stéréoscopiques et des obliques se révèlent squelettiques en comparaison avec
certaines vues rhodésiennes pour lesquelles J . Sisam a pu disposer des travaux important s
de R . Bourne et C . R . Robbins .
Aux Pays-Bas, l'utilisation des photographies aériennes connut un nouvel essor, no n
seulement en géologie, géomorphologie ou dans les sciences forestières mais aussi par les archéo -
logues et les pédologues . Les travaux de P . J . R . Moderman en archéologie . C . H . Edelmann
HISTORIQUE 23

et H . Halbertsma en pédologie montrent les préoccupations des chercheurs hollandais . Le


Soil Survey Institute a vigoureusement employé la photo-interprétation et en 1948 la Tijdschrif t
van het Koninklijk Nederlandsch Aardrijkskundig Genootschaft a publié à son tour un numér o
spécial conçu comme un index de 170 clichés aériens de référence munis de commentaires .
L'année 1948 voit le retour de la France dans la littérature internationale sur l'utilisatio n
des photographies aériennes, lorsque Fun des maîtres de la géographie française publie un e
«Géographie aérienne ». Il y brosse d'abord un tableau assez complet de l'emploi des photogra-
phies aériennes depuis les débuts jusqu'en 1940 . Son projet avait vu le jour en 1938 après l e
Premier Congrès de Géographie Aérienne . La guerre empêchait toute documentation nouvelle .
E . de Martonne écrivait dans sa préface de 1947 : « Les tristes années de la guerre ne compten t
pas dans la préparation d'un pareil ouvrage, alors qu'elles ont pu compter double pour le s
progrès de la machine volante qui jouait un rôle décisif dans le conflit » . Aussi en 1948, dat e
de la publication, les découvertes et les progrès obtenus pendant la guerre restaient partiellemen t
secrets et en général non publiés, ce qui l'obligea à arrêter sa documentation en 1940 . Dan s
l'optique de cet historique, la troisième partie de l'ouvrage intitulé : « Physiographie aérienne »
est à retenir . L'auteur y montre l'aide que peut apporter l'aviation à la connaissance de l a
géographie tant physique qu'humaine par le moyen d'un choix de photographies aérienne s
munies de commentaires . Ceux-ci sont malheureusement trop brefs et c'est dommage ca r
certaines sont très belles . Il n'empêche que ce petit livre apporte la première synthèse en langu e
française sur un sujet qui, au même moment, connaissait une diffusion international e
considérable .
Comme on vient de le voir, la décennie 1940-1950 se caractérise par les premières syn-
thèses sur la photographie aérienne et ses divers emplois sous forme d'index, de nomenclature s
et d'albums de clichés commentés . Les synthèses étaient conçues tantôt comme des ouvrage s
généraux couvrant l'ensemble des sciences utilisatrices des vues aériennes, tantôt comme de s
articles importants qui visent à faire le tour d'une technique particulière .

V . LA PÉRIODE ACTUELL E

Après 1950, l'emploi des photographies aériennes et leur interprétation connaissen t


une augmentation considérable, due en partie aux nombreuses études de développement e t
travaux d'aménagement de l'heure . Les publications deviennent pléthoriques et nous nou s
bornerons à n'en analyser que quelques-unes parmi les plus marquantes et à n'en citer qu'u n
certain nombre d'importantes qui ont fait date dans l'évolution de la photo-interprétation .
La fondation en 1950 à Delft de l'Institut International de Photo-grammétrie et Photo -
interprétation par l'Université Technique de Delft et l'Université d'Agriculture de Wageninge n
fut une de ces dates importantes dans l'évolution de la photo-interprétation . Elle inaugur e
un nouveau style dans l'utilisation des clichés aériens notamment pour l'inventaire des res -
sources naturelles car l'I . T. C . (*) se propose un but double : offrir une formation de photo -

(*) International Training Center : Institut International de Photo-grammétrie et Photo-Interprétation .


24 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

interprète à des étudiants diplômés et répondre « aux exigences de l'assistance technique inter -
nationale à un niveau moins élevé, en incluant des cours de techniciens . Dans ce but, un Manue l
de Photo-interprétation a été élaboré . L'I . T. C. (*) poursuit ces tâches en essayant d'offrir le s
moyens de comparer les techniques des divers pays tout en diffusant les connaissances, le s
méthodes et l'expérience acquises . Pour cela, il édite des fascicules de « Publications » portan t
sur toutes les branches enseignées à l'I . T. C. principalement celles qui s'occupent de l'inventair e
des ressources naturelles . Elles viennent d'atteindre le numéro 39 avec une série de trois fascicule s
consacrés à la végétation tropicale forestière . Parmi les savants hollandais qui ont fait progresse r
la photo-interprétation scientifique il faut citer les noms du professeur Schermerhorn, d e
Th . Verstappen et J . L S . Zonneveld (géomorphologie), H . Edelman, P . Buringh et A . P . A . Vin k
(pédologie), J . C . Lindeman, K . Paymans, J . F . J. Van Dillewin et D . A . Stellingwerf (géobo-
tanique, phyto-sociologie et cartographie de la végétation) .
Au Congo (Kinshasa), l'Institut Géographique du Congo Belge avait testé avant l'indé-
pendance des pellicules infra-rouges et couleur, mais il n'en était pas sorti un emploi systéma-
tique à la différence du programme de levés aériens panchromatiques de grande envergur e
qui avait été réalisé dans ce pays dès 1945 . Il faut cependant signaler la courte « Introduction »
à la Photogéologie de R . Woodtli (1954) et insister sur l'important ouvrage de H . Ladmirant :
Photographies aériennes et géologie (1962) . L'interprétation des photographies aériennes a
fourni un outil remarquable et très apprécié des géologues belges en Afrique . En Grande -
Bretagne, G . A. Hills s'est occupé d'études du sol d'après photographies aériennes (1950 )
et E . W. Fenton de la végétation et des paysages agricoles en Écosse . Citons encore G . M . Howe ,
F . Walker et L . W . Swanson . Dans le Commonwealth, M . R. Prothero (1954), W . B . Morgan
(1955) et R . P . Moss se sont attelés au problème de l'identification des cultures et d'occupatio n
du sol dans les provinces méridionales du Nigéria ainsi que leur compatriote M . Brunt e n
Gambie (1959) . Ces auteurs ont étudié les cultures commercialisées arbustives : palmier, col a
et les vivriers dont la banane plantain . A côté des chercheurs scientifiques, il faut mentionne r
dans les pays britanniques la firme « Hunting Air Service » qui ne se borne pas à des mission s
photographiques et à l'élaboration de cannevas géophysiques, mais entreprend la conceptio n
et l'exécution de vastes projets de développement . Pour cela, « Hunting » entreprend aussi bien
les travaux de terrain que les analyses de laboratoire . Comme exemples, on peut citer des assè-
chements de marécages au Malawi, des inventaires hydro-géologiques en Irak, des étude s
de paturâges à Chypre, des plans régionaux au Soudan, la localisation de gîtes de minérau x
lourds en Birmanie, la cartographie géologique dans le Hoggar algérien et la prospection d e
gisements d'étain et de tantalite au Niger . Au Canada, une autre compagnie privée « Sparta n
Air Service » et « Aircraft Operating Co . » en Afrique du Sud assument les mêmes responsa-
bilités tandis qu'en Australie le C . S . I. R . O . (Commonwealth Scientific and Industrial Researc h
Organisation) opère avec des méthodes identiques depuis 1946 et en Nouvelle-Guinée depui s
1953 . Un travail en équipe et l'examen détaillé des photographies aériennes constituent l a
base de départ des « land system surveys » qui sont publiés dans les Land Research Selles d u

(*) International Training Center .


HISTORIQUE 25

C. S . 1 . R. O . Ces « Lands systems » forment de vastes ensembles phisico-géographiques


sur lesquels il n'existe aucune documentation scientifique, aussi les « surveys » sont conçu s
de façon à valoriser au maximum l'étude de la couverture aérienne par des recoupements effec -
tués sur des itinéraires au sol réduits au minimum . Comme H . A . Haantjens l'explique (décem -
bre 1965, J . of Trop . Geogr . Malais) le « land system » des levés du C . S . I. R . O . s'avère un e
« unité cartographique complexe » composée « d'unités physiographiques » (land units) qu'i l
n'est pas possible de cartographier individuellement à l'échelle du travail, mais qui sont assem -
blées de manière à reproduire sur les photographies aériennes un schéma caractéristique . Tou t
récemment, K. Paijmans vient de publier toute une série d'identifications de la végétatio n
tropicale de Nouvelle-Guinée par les méthodes combinées du C . S . I . R .O .
Depuis 1950, deux nouveaux venus ont fait une apparition remarquée dans le mouvemen t
de la photo-interprétation scientifique . Ce sont l'U . R . S . S . et le Japon. En U . R. S . S ., Samoj-
lowitsch présente une étude dès 1953 et en 1961 ont paru simultanément deux gros volume s
collectifs de l'Académie des Sciences de l'U . R . S. S . Le premier porte sur « l'application de s
méthodes aériennes dans les recherches sur le paysage et le second sur « l'utilisation des méthode s
aériennes dans les recherches de ressources naturelles » . En 1962, N . J . Bashenina, O . K . L. Leon-
tief et M . U . Piotrovsdkij consacrent tout un chapitre à l' « Utilisation des aérométhodes pou r
les levés géomorphologiques » (p . 86-95) dans leurs « Directives méthodiques pour la carto-
graphie géomorphologique et l'exécution des levés géomorphologiques au 50 .000 -25 .000ee ».
Dans la revue Erdkunde, 1963, H . 1/2, le Professeur D . Steiner de Zürich a passé en revue l a
littérature soviétique relative à l'utilisation des photographies aériennes afin d'en fourni r
une synthèse accessible en une langue d'Europe occidentale . Vers 1962, L . M . Goldman a
procédé en U . R . S . S . à des essais d'utilisation de matériel perfectionné en couleur pour de s
travaux scientifiques .
Au Japon, les séquelles de la guerre ont mis longtemps à disparaître . T . Nakano ren d
compte en 1955 seulement des premiers travaux du Geographical Survey Institute du Ministèr e
de la Construction . Les préoccupations des responsables japonais rejoignent celles des cher-
cheurs du C . S . I . R . O . australien : la classification d'éléments du relief d'unités physico-
géographiques (géomorphologiques) . S . Hatano et K . Otake se sont occupés parmi les premier s
de la lecture et de l'utilisation des photographies aériennes en vue des inventaires de sols .
T. Nakano et M . Takasaki ont intégré les méthodes de photo-interprétation dans leurs
travaux sur les inondations littorales provoquées par les typhons, les aménagements de zone s
sous-développées et de bassins versants, la cartographie d'occupation du sol et la glaciologie .
Entre 1960 et 1964, de nouvelles techniques ont été élaborées au Japon . Des mesures de l a
densité (des teintes de gris) des clichés se sont montrées assez intéressantes pour provoque r
l'élaboration d'un nouveau type de photo-interprétation . La photographie infra-rouge a conn u
un emploi systématique en photogéologie et pour l'établissement de cartes de prévention de s
inondations . Une nouvelle pellicule à base de polyester produit par la Fuji Film Co . a été expé-
rimenté tandis que la photographie aérienne en couleur devient d'un usage courant . Dans u n
but de recherche fondamentale des photographies de massifs forestiers ont été prises en diverse s
saisons alors que pour l'enseignement on signale que depuis l'année 1963 est dispensé un cours
26 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

de photo-interprétation à l'Institut de Géographie de la Tokio Metropolitan University portan t


sur quatre grandes zones géographiques du globe : la forêt tropicale humide, les régions froide s
forestières, les régions de montagne, les régions de savane . Rien ne saurait se révéler plus encou -
rageant pour la réflexion méthodologique que cette division zonale et une répartition des ensei-
gnements entre les divers spécialistes .
En 1949. E . Otremba relance la spéculation sur l'exploitation de photographies aérienne s
en Allemagne . En un très court article intitulé : « Die Landschaft im Luftbild » il annonc e
tout un programme .
Dès 1950, il donne une rapide étude de cours fluviaux . Il s'attache surtout à l'exame n
des cours aval de fleuves au moyen de huit vues verticales de régions aussi diverses que la zon e
inondée du Danube dans les marécages de Braila, les bancs de sables de la Vistule, l'estuair e
de l'Authie, la dépression de l'Escaut près d'Anvers et le delta de l'Alten en Norvège du Nord .
Près de trente ans après W . T . Lee, les zones de transition entre l'eau et la terre redeviennen t
des terrains d'études favoris éminemment propices à l'observation aérienne . La même année .
B . Weist oriente l'application des photographies aériennes vers l'aménagement du territoire .
En 1952, W . Pillewizer cherche à préciser la notion « d'interprétation » dans l'utilisation de s
photographies aériennes et H . Müller-Miny inaugure avec son étude de photo-interprétatio n
régionale sur la « Warthe moyenne » la série des « Landeskundliche Luftbildauswertunge n
im mitteleuropäischen Raum » . L'année suivante . E. Otremba, W. Göpner et H . Müller-Min y
ont repris leurs expériences diverses dans le Geographisches Taschenbuch (1953) pour donner
une nouvelle « utilisation géographique des photographies aériennes » . La même année, Haral d
Uhlig reprend cette notion en précisant que le « paysage humanisé » constitue le but de se s
recherches. A l'exemple du Nord-Est de l'Angleterre l'auteur analyse les processus à employe r
dans la photo-interprétation des espaces anciennement humanisés . Il faudrait évoquer le s
travaux de S . Schneider sur les gisements de lignite de Rhénanie (1957) de K . Vogler (1967 )
et H . K . Meier sur l'emploi de pellicules spéciales pour la photographie en couleur, l'analys e
de K . Ruppert et P . Lehmann (1961) sur les possibilités d'amélioration de l'interprétation de s
clichés panchromatiques en géographie agraire mais nous renvoyons à la grande revue qu e
E. Schmidt-Kraepelin a publié dans les Erdkunde, 1958, 1L . 2, 1959, H. 3 et 1960, H . 2 . L'auteu r
y analyse tous les progrès méthodologiques de la photo-interprétation scientifique international e
depuis 1942, avec 585 références bibliographiques . L' « Institut für Landeskunde » à Ba d
Godesberg a organisé le 9 novembre 1961 un colloque sur la photo-interprétation et l'explo-
ration du paysage dont plusieurs rapports ont été publiés dans les Berichte zur Deutscher Landes-
kunde de mars 1962 sous la signature de S . Schneider, W . Krause, D. Steiner et A . P . A . Vink .
H . Schröder-Lanz, l'auteur de Luftbild Neugraben un exemple de photo-interprétation régional e
fort bien conduite, muni d'un modèle de raisonnement analytique accompagné d'une biblio-
graphie spécialisée .
Un travail vraiment exceptionnel sur l'utilisation des photographies est paru en Alle-
magne en 1966 . Il s'agit des deux volumes de Paul Meienberg publiés dans les Münchner Studien
zur Sozial und Wirtschaftsgeographie (B. I) qui relatent les recherches comparatives de l'auteur
HISTORIQUE 27

sur la cartographie de l'occupation du sol d'après des photographies verticales panchromatiques ,


à infra-rouge et en couleur . Il a construit son travail à la fois comme une contribution à l a
photo-interprétation en géographie agraire et aux possibilités d'amélioration des technique s
de photographies aériennes .
En liaison avec les travaux allemands, la Suisse a su se créer une situation originale e t
mérite une place de plus en plus importante dans la recherche internationale . Paru en 195 0
sous forme d'article dans Geogr . Helvetica, l'essai méthodologique de T . Hagen sur la photo -
interprétation scientifique représente beaucoup plus . Les 77 pages forment un petit manue l
très dense : illustré de façon remarquable avec 125 figures dans le texte et 19 anaglyphes . Aprè s
la présentation des méthodes d'interprétation des différents éléments du sol visible sur le cliché ,
ces méthodes sont appliquées à des couples stéréoscopiques de régions diverses . L'auteu r
en extrait une interprétation géologique, une carte de l'occupation du sol et un schéma écono-
mique, le tout illustré par un bloc diagramme . La troisième partie traite des propriétés géomé-
triques des vues aériennes et des différentes façons de procéder pour la lecture sous stéréoscope .
Une très abondante bibliographie complète ce travail extrêmement riche sur tous les points .
Le Professeur H . Boesch et D . Brunschweiler ont inauguré à l'Institut de Géographie de Züric h
les travaux de photo-interprétation géographique en 1952 . A partir de 1956, D . Steine r
a commencé ses publications sur ce sujet, notamment sur le rôle des saisons dans la photo -
interprétation de l'occupation du sol (1960) .
En 1962 et 1963, H . Haeffner a continué dans cette voie et discute dans sa thèse sur le s
« Grisons » la valeur des clefs d'interprétation d'après les critères sur lesquels elles sont cons -
truites . Depuis les recherches continuent à Zürich (H . Maurer et A . Kilchemann) . Elles s'orien-
tent vers l'identification des cultures sur photos panchromatiques, couleurs et fausse-couleu r
à l'aide de mesures densitométriques et d'un ordinateur . Tout récemment encore, D . Steiner
et H . Haefner viennent de résumer les apports de la photographie par satellites et autres techni-
ques de pointe à la recherche géographique (Erdkunde, 1966, H . 2) . Par leur rôle de liaison entr e
la photo-interprétation américaine d'avant-garde et les travaux européens plus circonspect s
les géographes de Zürich remplissent une fonction éminemment utile à l'évolution des méthodes
de raisonnement .
Aux États-Unis la quantité des études de photo-interprétation scientifique est considé-
rable . Quelques noms suffiront pour en dégager les travaux les plus remarquables . En 1950,
R. E. Frost et K . B . Wood publient une étude des sols par photo-interprétation . J. H . Rosco e
essaie de bâtir des clefs d'interprétation l'année suivante . R. F. Black reprend des identification s
de sols sur photos aériennes en 1953 . H . T. V . Smith poursuit ses photos-interprétations géomor -
phologiques et s'intéresse aux dunes et aux sédiments quaternaires . B . H . Kent s'intéress e
aux possibilités de la photographie aérienne (1957) . Il est normal que les États-Unis aient v u
la publication coup sur coup des deux monuments que constituent le manuel de Donald R . Lue-
der (1959) Aerial Photographie Interpretation, principles and application et du grand Manua l
of Photographie Interpretation de la Société américaine de Photogrammétrie . Le premier es t
destiné en priorité aux géologues, aux géomorphologues et aux ingénieurs . Le second est beau-
coup plus polyvalent avec des chapitres importants sur l'agriculture, les sols, la géographie .
28 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Ces ouvrages marquent un tournant dans l'histoire des photographies aériennes : ils ont popu-
larisé les méthodes de photo-interprétation et leur ont fait atteindre la notoriété au plan inter -
national . Ils marquent également l'achèvement de l'élaboration des techniques classiques d e
prises de vue . A partir de cette époque les clichés des engins spatiaux commencent à prendr e
le relais . On peut citer comme exemple les clichés du Sahara Occidental pris par l'engin spatia l
Mercury MA 4 publiés par la NASA en décembre 1964 et remarquablement commentés pa r
A . Morisson et M . C. Chown de l'Université MacGill de Montréal . A la fin une interprétatio n
globale et des renseignements techniques abondants permettent des comparaisons intéressantes .
Il semble pourtant que pour des travaux plus restreints les Américains ont toujours recour s
à des clichés verticaux normaux à grande échelle . Deux publications récentes en font foi . A u
mois d'octobre 1966, le Soil Conservation Service de l'U. S. Department of Agriculture a publié
une Aerial photo-interprétation in classifying and mapping soils . Cette brochure de 90 page s
est intéressante par des indications précises d'échelles diverses, des formules de conversio n
de mesures anglo-saxonnes entre elles et en mètres ainsi que par des couples stéréoscopique s
et des mosaïques anotées et commentées . Il s'agit d'un petit manuel commode pour pédologue s
amenés à travailler avec des vues aériennes . La deuxième publication est d'une veine tout e
différente . C'est le résultat d'un travail de recherche original de William A . Fischer, D . A . Davi s
et Thérésa M . Sousa de l'U. S . Geological Survey, parus sous la forme d'un atlas de recherche s
hydrologiques avec le titre Fresh water springs of Hawaï from infrared images . L 'ensemble s e
présente comme une carte schématique des îles Hawaï munie d'un tableau qu i indique, pour
chaque courant d'eau douce se déversant dans l'océan, la superficie de la zone de perturbatio n
thermique avec des indications descriptives . Toutes les données fournies résultent de l'inter -
prétation de clichés à l'infra-rouge . La carte renvoie aussi à un ensemble de photographie s
aériennes qui montrent l'emplacement des anomalies thermiques, les contrastes que ces ano -
malies provoquent sur la pellicule et la zone que l'observation aérienne fait apparaître comm e
affectée par chacune d'elles . Il apparaît ainsi que même aux États-Unis, où l'automatisatio n
de la photo-interprétation a été poussée au maximum, on a besoin dans certains travaux scien -
tifiques précis de réinvestir du potentiel humain pour assouplir les procédés automatiques .
Dès 1919, un cours de photo-géologie est enseigné à la Sorbonne par le Professeu r
J . Gandillot mais c'est avec Photographies aériennes, le livre de P . Chombart de Lauwe (1951) ,
que la France reprend sa place dans la photo-interprétation internationale . Il constitue l e
premier manuel en langue française après l'article en allemand du Suisse T . Hagen . P . Chom -
bart de Lauwe a orienté délibérément son manuel vers les sciences humaines estimant, ave c
raison, que les sciences de la terre avaient déjà bénéficié d'assez nombreux rapports alors qu e
les premières étaient complètement négligées . Ses études de villages (URT) sont des modèle s
de réflexion interprétative, didactiques et les croquis explicatifs sont très lisibles mais les commen -
taires déduits des clichés verticaux et obliques sont très inégaux et parfois secs . Au I Ve Congrès d e
Pise en 1952,1'1 . G . (*) d'Hollander avait exposé l'intérêt que présentait une utilisation des photo -
graphies aériennes en glaciologie avec quelques couples stéréoscopiques, il a fait apparaîtr e

(*) Ingénieur Géographe .


HISTORIQUE 29

la quantité de données qu'apportent les vues verticales sur l'alimentation du glacier . les cirques,
les coulées de glace, les moraines et l'érosion . Ensuite, il a présenté une étude quantitativ e
du bilan glaciaire de la mer de glace en se fondant sur deux restitutions photogrammétrique s
de l'I . G. N. d'après des clichés datant de 1939 et 1952 . La même année le Professeur P . Re y
publie ses premières identifications de divers végétaux suivies de mises au point en 1954 e t
1957 . Dès 1953 . l'un d'entre nous décidait l'utilisation systématique des photographies aérienne s
pour le levé dune carte géomorphologique détaillée du delta du Sénégal réalisé en 1954 . Une
équipe d'étudiants s'est servie des photos aériennes sur le terrain et les levés étaient mis a u
propre à l'encre rouge sur les épreuves, puis des mosaïques non contrôlées étaient établies .
Il fut ainsi possible d'obtenir une carte de bonne précision lorsqu'un fond topographiqu e
régulier fut disponible . Depuis 1950, les étudiants de Strasbourg ont été initiés à l'utilisatio n
des photographies aériennes à laquelle le centre de Géographie Appliquée recourt systéma-
tiquement dans ses diverses recherches . L'I . G. (*) . La Porte s'intéresse à des études d e
fleuves (1957) et A . Burger à l'aménagement du territoire d'après photographies aériennes . La
même année, B . Choubert montre avec son Essai sur la morphologie de la Guyane que les géo-
logues français d'Outre-Mer ont adopté hardiement les méthodes nouvelles . Il précise que « les
diverses structures repérées sur les photographies aériennes ont été méthodiquement vérifiées
sur le terrain et la corrélation entre la flore et les roches s'est révélée très étroite » . Ainsi apparaît l e
critère d'identification par lequel une grande partie de la Guyane Française a pu être dotée d'un e
carte géologique . L'ouvrage est illustré de trente et une planches de photographies aérienne s
dotées de croquis d'interprétation remarquables pour la figuration de la tectonique et de l a
stratigraphie . Au Symposium de Delft de 1962, P . de La Souchère et N . Leneuf ont présent é
leurs expériences d'interprétation pédologiques dans le Sud-Ouest de la Côte-d'Ivoire .
P. Maignien a publié, dans les cahiers Orstom de 1963, une mise au point pour les pédo-
logues français sur « la photo-interprétation en pédologie » . Il y précise que la meilleure échell e
des clichés évolue entre 1/15 .000 et 1/25 .000, mais spécifie que le sol a trois dimensions et possèd e
des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques . De ce fait, il s'étudie « sur le terrai n
et au laboratoir e », non pas « par sa surface mais par son profil », il n'empêche qu'il est souven t
possible « d'en dessiner les limites » .
L'année 1961 a vu naître la revue Photo-Interprétation . C'est une initiative des plus heu-
reuses car elle permet aux divers spécialistes de confronter leurs méthodes . Comme l'expliquen t
les promoteurs, la revue « a été fondée dans le but de mettre à la disposition des technicien s
et des enseignants des documents accumulés dans les services spécialisés » . On y retrouve sou-
vent les noms de J. Gandillot, Max Guy, A. Burger, Clos-Arceduc, Cabaussel et R . Chevallier ,
dont les préoccupations bien diverses trouvent là un point de rencontre . Il faudrait aussi men-
tionner les efforts de R . Chevallier à la 6e section de l'E . P . H . E. (**) pour une diffusion plus vast e
des méthodes de la photo-interprétation dans les sciences humaines .
Depuis quelques années, l'Institut Géographique National a lancé un mouvement d e

(*) Ingénieur Géographe .


(**) École Pratique des Hautes Études .
30 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

coordination dans le domaine de la photo-interprétation . Des contacts et des liaisons diverses .


avec des organismes scientifiques ont été établis et des ingénieurs ont participé en nombre .
aux congrès de Londres, Lisbonne et Toulouse . Des publications diverses ont vu le jour don t
des travaux importants de J. Hurault sur les recherches de sciences humaines en Afrique Tro-
picale et de A . Clos-Arceduc sur les dépôts côtiers et les groupements végétaux dans les région s
arides . Nombreuses sont les contributions d'ingénieurs géographes au Panorama intertechnique-
photographie aérienne dont R . Chevallier assume la direction de rédaction (1965) . Ce volum e
montre d'ailleurs une liste d'auteurs, uniquement composée de spécialistes . Ceux-ci au nombr e
d'une vingtaine ont passé en revue les applications des photographies aériennes aujourd'hu i
connues . Il est heureux que 1'I . G . N . commence à se consacrer à des recherches originale s
comme l'identification des cultures de la région de Bazas ou l'inventaire de serres dans le s
Alpes-Maritimes, car en France il est le seul à posséder le matériel de prise de vue et les labo-
ratoires de mise au point de techniques photographiques nouvelles . Ainsi s'achemine-t-o n
peut-être, en France, vers une collaboration plus étroite entre les techniciens réalisateurs doté s
de moyens et les universitaires, utilisateurs compétents mais sans possibilités financières .

La bibliographie chronologique de ce chapitre se trouve à la fin du livre .


CHAPITRE II

LE DOCUMEN T

Les photographies aériennes sont un document complexe et qui tend à le devenir d e


plus en plus avec les progrès techniques de la photographie . Bien que l'utilisateu
pehisoaétrng'buelmtpasocindreauxpsvtirg rd e
des photographies, il est nécessaire qu'il ait quelques notions sur ces opérations, car elles comman -
dent la qualité du document dont il se sert .
Nous ferons donc d'abord une rapide mise au point sur l'exécution des photographie s
aériennes, puis nous exposerons quelles sont les caractéristiques des documents dont on dispos e
le plus communément .

1 . COMMENT SONT EXÉCUTÉES LES PRISES DE VUES AÉRIENNES

En France . les missions de couverture photographique sont exécutées par ou pour de s


organismes publics dont les principaux sont les suivants :
L'Institut Géographique National (IGN) dont la Photothèque et le bureau d e
commande des clichés se situent : 2, avenue Pasteur à Saint-Mandé, Seine . L'IGN a réalisé
la couverture intégrale du territoire national et de nombreux pays d'Outre-Mer .
Le service des Ponts et Chaussées qui fait procéder à des missions spéciales à grand e
échelle . à l'occasion de construction d'autoroutes ou d'ouvrages d'art divers.
Le Ministère de la Construction qui fait également procéder à des missions spéciales
a l'occasion de projets d'urbanisme . Son bureau de commande de clichés se situe : 2, rue Goethe
à Paris-XVI e.
Le Ministère des Armées dont les bases aériennes militaires ont des escadrilles photo -
graphiques qui peuvent communiquer certains clichés .
Il faudrait également citer les missions, généralement à grandes échelles . demandée s
par les forestiers, en particulier dans les régions intertropicales .
Il existe également des organismes privés . comme les aéro-clubs ou la Société Français e
de Stéréotopographie, sise 57, rue Pierre-Charron à Paris-VIII e. qui peuvent fournir de s
documents photographiques .
32 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Les appareils utilisés par le photographe sont des chambres aérophotogrammétrique s


à répétition automatique . L'IGN utilise le Poivilliers-SOM à magasin de 96 plaques de 19 19 cm.
et à un seul objectif. Lorsque l'appareil est en marche, une plaque vierge descend de son magasi n
qui a l'aspect d'un distributeur cylindrique, se met en position au fond de la chambre où ell e
est impressionnée, puis remonte . Les différentes phases de ce fonctionnement sont réglées pou r
se dérouler en quelques secondes : le système intervallométrique de l'IGN peut faire varie r
la cadence de prise de vue de 4 à 75 secondes (7) .
Les appareils étrangers sont généralement à pellicule, ce qui a l'avantage de permettre
un déroulement plus continu et sans vibration, mais ce qui n'assure pas une planité de surfac e
sensible aussi satisfaisante qu'avec les plaques . Certains appareils américains comporten t
plusieurs objectifs capables de fonctionner simultanément (multi-lens cameras = chambre s
multiples). Il en existe de deux types : les appareils permettant d'obtenir des photos composites ,
c'est-à-dire une combinaison de verticales et d'obliques, et les appareils donnant des verticale s
comparatives d'un même paysage. Les premiers sont déjà anciens et ont été utilisés pour de s
reconnaissances rapides pendant la seconde guerre mondiale . Parmi eux, il faut citer le Tri-

Fig . 2 . Photographie composite obtenue pa r


assemblage de cinq clichés pris simultaném
nt e .
puis redressés .
Au centre : une verticale, sur les côtés : des basses -
obliques dont les distorsions dues à l'incli-
naison ont été corrigées . L'appareil de prise
de vues utilisé est une chambre multiple d u
type « Fairchild five-lens camera » (d'aprè s
H . T . U . Smith,
.) op .cit .

(7) De nombreux détails de ce chapitre ont été empruntés à : Jean Hurault et Jean Cruset : Manuel de Photo-
grammétrie. Institut Géographique National, Paris, 1956 .
LE DOCUMENT 33

metrogon ou le Fairchild five-lens camera (8) . On peut considérer comme un perfectionnemen t


récent du « Tri met system », l'apparition vers 1962 des caméras pour photos panoramiques .
Malgré de fortes distorsions géométriques, cette technique présente à l'heure actuelle de s
avantages certains pour les reconnaissances rapides, car elle est adaptée aux vols à basse alti-
tude et à grandes vitesses des avions militaires modernes (9) . Plus intéressantes pour l'inter -

Fi g. 3 . Les d istorsions d 'une photographie panorami


(d'après « Panoramic Possibilities and Problems », par S . T. Hovey, op. cit.) que .

prétation sont les multiband cameras qui consistent en la juxtaposition de neuf chambres chargée s
de pellicules différentes et équipées de filtres variables ; elles peuvent donc offrir du même pay -
sage neuf interprétations verticales comparatives (10),I1 faudrait encore citer, pour l'étude de s
objets en mouvement, les appareils à enregistrement continu comme le Sonne continuous strip
system (11) .
Ces appareils sont montés sur des avions spécialement équipés . Mise à part la reconnais -
sance aérienne militaire en pays ennemi, la prise de vue s'effectue à bord d'appareils lents e t
stables . L'avion doit pouvoir accueillir au moins trois personnes (pilote, navigateur et photo -
graphe) et un matériel photographique pesant quelque 1 .000 kg (chambres sur chariots, maga-
sins) ; il doit avoir un plafond de 4 .000 m pour la couverture française (8 .000 pour les territoire s
d'Outre-Mer), et posséder une grande autonomie de vol . Cette dernière condition est trè s
importante : elle permet d'exploiter au maximum les journées claires et ensoleillées, or, dan s
certaines régions intertropicales incomplètement cartographiées, où les couvertures photo -
graphiques sont particulièrement précieuses, une telle situation météorologique ne se rencontr e
parfois que deux ou trois jours par an . Depuis 1947 . l'IGN a utilisé des quadrimoteurs améri -
(8) Voir l'un des premiers manuels de vulgarisation de l'utilisation des photographies aériennes : H . T . U . Smith :
Aerial Photographs and their applications . Appleton-Century-Crofts Inc ., New York. 1943, 372 pages .
(9) Stanford T . Hovey : Panoramic Possibilities and problems . Photogr . Eng . (op . cit .) . July 1965 . p . 727-734 .
(10) Carlton E . Molineux : Multiband Spectral System for reconnaissance . Photogr. Eng. (op . cit.) . January 1965 .
p . 131-143 .
(Il) Robert N . Colwell : To measure is to know-or is it ? Voir figure 12, p . 80 . January 1963 . Photogrammetric
Engineering . American Society of Photogrammetry 6269 Leesburg Pike . Falls Church . Va . 22044, U . S . A .
34 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

cains B 17 (vitesse de croisière 300-320 km/h, autonomie 13 heures, plafond pratique 10 .000 m).
puis des Hurel-Dubois HD 34 (240 km/h, autonomie 3 .600 km, plafond 7 .000 m).
Toute mission photographique commence par l'établissement d'un plan de vol qui doit
assurer non seulement le repérage des photos, mais surtout le recouvrement correct des clichés

Fig . 4 . Vol en parallèle pour prise de vues de la couverture régulière .


Deux photos consécutives se recouvrent des 2/3 deux bandes parallèles d'environ 1O % ,

consécutifs . Ce plan consiste à établir le survol de bandes parallèles de terrain se recouvran t


chacune de 10 %, tandis qu'à l'intérieur des bandes les clichés se recouvrent de 55 Il consist e
également à calculer des niveaux d'altitude de vol en fonction des hauteurs moyennes des ter-
rains : en effet, un niveau assurant un bon recouvrement de régions basses risquerait de pro-
voquer des « manques » dans les régions hautes dont les sommets se rapprochant de l'objecti f
se trouvent être photographiés à de bien plus grandes échelles que les précédentes . Non seu-
lement ce recouvrement permet d'enregistrer l'intégralité des paysages survolés, mais surtou t
il est indispensable à l'exploitation stéréoscopique des clichés . Enfin, le plan de vol compren d
le calcul des intervalles assurant ces recouvrements ; à titre d'exemple, pour une vitesse de vol
de 518 km/h, une hauteur au-dessus des reliefs culminants de 1 .250 m, un appareil à plaque s
de 19 19 cm de distance focale 125 mm, et un recouvrement de 60 la cadence de prise d e
vue qui permettra d'obtenir des photographies aux environs du 10 .000, doit être de 5 secondes .
Le semi-automatisme des chambres n'empêche pas le photographe d'avoir à effectue r
un travail délicat pendant le vol . Il doit connaître l'angle de dérive que fait fréquemment l'avio n
avec sa route en raison du vent, ceci afin de tourner la chambre montée sur cadre dérivable
LE DOCUMENT 35

d'une valeur équivalente . Il doit contrôler la verticalité de l'axe de la chambre à l'aide d'u n
niveau à bulle, et procéder à des calages à l'horizontale . Il doit régler l'intervallomètre en fonc-
tion des cadences de prise de vues . Il doit changer les magasins de plaques qui pèsent . dans l e
cas des appareils de l'IGN, 72 kg et sont donc montés sur rails circulaires pour se succéde r
sans trop de risque ni de fatigue . De plus en plus ces travaux sont simplifiés par une automatio n
plus poussée . Le catalogue Zeiss (12) par exemple, propose des équipements télécommandé s
pour photovols à une, deux ou trois personnes .
Si l'on a quelque peu insisté sur ces techniques qui n'intéressent pas directement l e
géographe, c'est qu'elles sont à l'origine de certaines caractéristiques du document qu'utiliser a
le photo-interprétateur .

II . COMMENT SE PRÉSENTENT LES DOCUMENTS PHOTOGRAPHIQUE S

Il y a lieu d'en distinguer plusieurs sortes : couverture régulière, couvertures spéciales .


documents annexes .

a) Photographies aériennes verticales de la couverture régulière .


Ce sont les plus courantes, et celles sur lesquelles portent les exercices de photo-inter-
prétation du présent volume .
« On qualifie de verticales les photographies dont l'axe de prise de vues fait avec la ver-
ticale un angle inférieur à 10° (13). »
Quant à la couverture régulière, il s'agit d'une collection de photographies verticale s
prises sur des émulsions panchromatiques avec filtre orangé, suivant un plan d'ensemble établ i
pour la totalité du territoire national . Elle résulte de la juxtaposition de nombreuses mission s
exécutées par les escadrilles de l'IGN dans des conditions similaires . et dont on a donné u n
aperçu au paragraphe précédent . Les régions françaises sont ainsi photographiées les une s
après les autres sur une période qui s'étend sur quatre ou cinq ans ; les photographies de l a
couverture régulière offrent donc un état des lieux périodique à la manière d'un recensement ,
tout en portant des millésimes différents . Le C . N . R. S . a théoriquement doté les Institut s
de Géographie Universitaires de la couverture régulière de leur académie ; à Strasbourg . on
peut la consulter pour les départements de Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin, au Centre d e
Géographie Appliquée de l'Université, Laboratoire de Recherches Régionales .
Le format de ces photos est celui que permet la chambre Poivilliers-SOM, soit 19 - 19 cm .
Certaines missions anciennes se présentent sous un format plus réduit correspondant à u n
appareil à 192 plaques de 13 18 cm, qui n'est plus utilisé aujourd'hui ; d'autres, concernan t
les territoires d'Outre-Mer, ont un format de 23 23 cm correspondant aux chambres T 5 .
(12) Cari Zeiss Oberkochen/Wuerttemberg . République Fédérale d'Allemagne : Appareils pour l
. 51-460 f.. Scho IV 66 Poo. aphotgrméiel-ntrpao
(13) Jean Hurault et Jean Cruset : Manuel de Photoggrammétrie . Institut Géographique National, Paris, 1956 .
voir tome I . p . 78 .
36 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

En même temps que le paysage, tous ces appareils enregistrent des renseignement s
complémentaires portés sur le cadre noir qui entoure la photo :

Fig . 5 . — Le repérage d'un clich é


de la couverture régulière .

— quatre repères, ou marques noires fendues d'un trait fin . L'intersection des droite s
joignant les repères opposés détermine l'emplacement du centre de plaque ou point principal PP .
Il doit coïncider avec le pied de la verticale menée de l'objectif (point de vue PV) au plan d e
perspective (paysage au sol) ;
l'anée — une abréviation en lettres et un millésime indiquant le pars de mission et
de prise de vues . Par exemple : France 1958 (ou FR 1958) ou MAD 1949 (pour Madagascar) :
une majuscule A ou B indiquant la distance focale de l'objectif de la chambre utilisé e
(A = f 125 mm ; B = f 150 mm) .
Aussitôt la mission achevée, on numérote les clichés dans l'ordre où ils ont été pris .
Les numéros de mission apparaissent en blanc sur les marges noires . On les retrouve, d'un e
part sur les tableaux d'assemblage des missions . de l'autre, pour la France, sur la grille à doubl e
entrée du tableau d'assemblage de la carte topographique au l/50 .000. Une photographi e
numérotée 3327 058 signifie qu'elle appartient à une mission couvrant la feuille topographiqu e
au l/50 .000 XXXIII-XXXIV 27 intitulée : « Morez-Bois d'Amont », dans le Jura, et qu'elle es t
la 58e de la série . Cette dernière précision, ou numéro d'ordre, est toujours située dans le mêm e
angle pour toute la mission, mais il ne correspond pas toujours à une orientation constante ,
et n'indique pas systématiquement la direction du Nord . On ne doit pas se fier aux numéro s
pour orienter les photos . En effet, lors du parcours des bandes de vol, souvent orientées sui-
vant des parallèles de latitudes voisines, l'avion peut avoir le Nord à sa gauche à l'aller, puis à
sa droite au retour .
LE DOCUMENT 37

b) Photographies aériennes verticales de missions spéciales .


Il s'agit essentiellement, soit de photos panchromatiques à grandes échelles, exécutée s
à la demande d'un client public ou privé, par exemple l'administration des Ponts et Chaussées .
soit de photos sur émulsions particulières, par exemple sensibles aux radiations infra-rouges (IR) .
L'IGN n'a pas procédé à des prises de vues en IR avant 1955 . Il a utilisé pour ce faire
la chambre Poivilliers adaptée, soit avec un filtre en verre rouge coloré dans la masse, soi t
avec un filtre gélatine Wratten 23. Cette chambre a été chargée d'un film Kodak Infra-Roug e
Aviation .
A l'heure actuelle, l'IGN prend de plus en plus fréquemment des vues en infra-roug e
en même temps que les vues de la couverture normale . Les clichés se correspondent exacte -
ment et sont seulement distingués par la mention IR . Un bon nombre de feuilles au l/50 .000
ont été ainsi couvertes par des photographies infra-rouges .
Le catalogue des tableaux d'assemblage de ces missions spéciales peut être consult é
en France à la Photothèque de l'IGN .

c) Photographies aériennes obliques .


Ce sont des clichés où l'axe optique de la chambre métrique est éloigné de la vertical e
du lieu survolé . L'angle que fait l'axe avec la verticale peut être plus ou moins important :
s'il n'est pas suffisamment ouvert pour qu'apparaisse la ligne d'horizon sur le cliché, on parl e
de photos hautes-obliques si la ligne d'horizon apparaît, il s'agit de photos basses-obliques .
Les obliques sont difficilement exploitables en photogrammétrie, si ce n'est pour en tire r
des cartes à très petite échelle . Elles n'ont cependant pas été négligées dans certaines circons-
tances exigeant la reconnaissance rapide de grandes superficies difficilement accessibles, soi t
parce qu'elles étaient rarement dégagées de leur couverture nuageuse . soit parce qu'elles étaien t
densément boisées, soit parce qu'elles étaient occupées par l'ennemi . Les chambres latérale s
du montage Tri-metrogon, inclinées à 60° par rapport à la chambre centrale verticale . donnen t
de grandes obliques qui . pour une altitude de vol de 8 .000 m ont permis de couvrir à Borné o
des bandes de 25 à 30 km . Elles peuvent avantageusement être associées à l'examen des verticales ,
pour aider le géographe dans ses analyses de paysages humanisés .

d) Tableaux d'assemblage, fiches de vol, mosaïques, photoplans .


Les tableaux consistent en photographies de cartes ou de mosaïques servant de fond s
de repérage, sur lesquelles ont été mises en place et dessinées les bandes de vol . Ces bande s
sont le plus souvent subdivisées en cadres de clichés qui portent chacun leur numéro d'ordre .
Ils permettent donc de se faire une idée des recouvrements et d'identifier le cliché où se trouv e
enregistré tel détail de terrain .
Cette identification du numéro d'ordre et de la mission de vol est indispensable pou r
adresser une commande de clichés à l'IGN . Quant à la localisation des tableaux . elle est pré-
cisée par le titre de la carte correspondante : lé catalogue annuel des cartes publiées par l'IGN
38 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

indique le nom de toutes les feuilles existantes ou prévues (b ureau de vente des cartes de l'IGN :
107, rue La-Boétie, Paris-VIIIe) .
L'IGN peut également fournir les fiches de vol des missions . On y trouve la date, l'heur e
du début et de la fin des prises de vues, les noms des membres de l'équipage, les numéros de s
chambres utilisées, l'altitude de l'avion . Ces renseignements peuvent être importants pour
savoir en quelle saison le paysage a été enregistré, pour calculer l'échelle moyenne de la photo ,
ou pour faire de petites mesures de dénivellations à la barre de parallaxe .
Les tableaux d'assemblage nous ont été l'occasion de mentionner un document compos é
de fragments de photos verticales, juxtaposés et collés de façon à représenter l'ensemble d u
paysage survolé par une mission ; il est désigné sous le nom de mosaïque . Il en existe de deu x
sortes : les mosaïques non contrôlées, dont les distorsions ne sont pas du tout corrigées, e t
les mosaïques contrôlées obtenues par le procédé des fentes radiales .
Les mosaïques non contrôlées sont de simples assemblages construits par tâtonnements ,
découpages, collages, généralement à partir du réseau routier utilisé comme guide . Pour éviter
les excès de distorsion, on cherche à n'utiliser que les parties centrales des photos . Elles ont
l'avantage de fournir assez rapidement une vue globale des informations qualitatives de l a
mission .
Le procédé des plaques à fentes radiales, mis au point pendant la seconde guerre mondial e
sous le nom de « slotted template », demande un matériel spécial et beaucoup plus de temps .
Il consiste à essayer de faire coïncider des points de référence repérés sur les photos avec ce s
mêmes points mis en place sur une grande table où a été dessiné un système de coordonnée s
à l'échelle moyenne des photos . La mosaïque contrôlée peut alors être utilisée presque comm e
une carte . Nous renvoyons le lecteur qui s'intéresserait au détail de cette technique au x
pages 141-164 du Manuel de Photogrammétrie de Jean Hurault (14) .
Très voisin de la mosaïque est le photoplan, document composé d'un assemblage d e
photos dont on a corrigé les défauts d'inclinaison par redressement, mais qu'on n'a pas resti-
tuées . Dans l'exposé que le Dr . H . Decker de Munich a fait devant la Conférence Cartogra-
phique Régionale des Nations-Unies à Bangkok en octobre 1961 (Le photoplan, un précieu x
auxiliaire photogrammétrique), il a souligné que les imperfections de ce document l'avaien t
fait injustement négliger dans bien des cas où il peut largement suffire (15) .

III . QUELQUES DOCUMENTS PARTICULIER S

Bien que d'un usage limité certains documents offrent aux géographes des possibilités .
soit d'améliorer leur enseignement, soit d'ouvrir de nouvelles voies de recherches .

(14) Jean Hurault et Jean Cruset : Manuel de Photogrammétrie . Institut Géographique National . Paris, 1956 ,
voir tome 1 .
(15) Dr . Ing . H . Deker : The aerial mosaic, a valuable photogrammetric technique, translation from German by
G . Richter . Third United Nations Regional Cartographie Conference for Asia and the Far-East, Bangkok, octobre -
novembre 1961 .
LE DOCUMENT 39

Dans le domaine didactique, on voudrait signaler quelques documents qui peuven t


servir à initier à l'observation des paysages vus verticalement :
Un premier passage de la carte à la photo verticale pourra être facilité par la pochette
d'André Merlier : Étude conjointe de lu carte à grande échelle et de la photographie aérienne (16) .
La projection de diapositives permet de s'adresser plus facilement à l'ensemble d u
public ; on peut signaler dans ce domaine le recueil de diapositives commentées en trois langues ;
par Pierre Raymond Genty, sur des aspects de morphologie urbaine (17) .
La projection de stéréogrammes permet une analyse collective de formes du relief ;
il faut signaler ici le projecteur double de l'IGN à objectif réglable, mais qui oblige au por t
de lunettes à filtre polarisant, et à l'emploi d'un écran métallisé . Dans ce procédé, pour obteni r
la séparation des perspectives droite et gauche dont la fusion donnera l'effet de relief, il suffi t
d'éclairer chacune d'elles en lumière polarisée, en réglant la position des polarisateurs pou r
que les plans de polarisation soient à angle droit . Si l'on place devant chaque oeil un analyseu r
réglé de façon à ce que son plan de polarisation soit parallèle à celui de l'image qui lui correspond .
il ne verra que cette image et l'autre sera éteinte . Le fusionnement binoculaire pourra intervenir ,
comme dans le cas des anaglyphes (18) .
Dans le procédé des anaglyphes, deux perspectives du même terrain sont disposée s
l'une sur l'autre dans la position qu'occupent les images virtuelles dans un stéréoscope à miroir s
simple . Elles sont imprimées sur papier blanc en deux couleurs complémentaires, par exempl e
la perspective de gauche en bleu-vert, et celle de droite en rouge . On utilise alors les propriété s
sélectives des couleurs pour que chaque oeil n'observe que la perspective qui lui est destinée :
pour cela on utilise de simples lunettes à filtre de rhodoid rouge devant l'oeil gauche et bleu -
vert devant l'oeil droit . On en trouvera des exemples dans l'Atlas des formes du relief (19) .
Dans le domaine de la recherche on voudrait signaler . d'une part des variantes de l a
photographie aérienne habituelle, de l'autre l'apparition d'un procédé de restitution du relie f
intégral .
On sait qu'il existe plusieurs types de satellites artificiels . Parmi ceux-ci les satellite s
météorologiques de la NASA comme Tiros, Essa, Nimbus, ou polyvalents comme les ATS-B ,
prennent de grandes quantités de clichés de la couverture nuageuse à l'échelle d'un continent .
Tiros I (Television and Infra-Red Observational Satellite) a été lancé le 1er avril 1960 .
et de plus récents, comme Tiros VIII, en 1963 . Cette série de satellites contient des caméra s
(16) André Merlier : Travaux pratiques de Géographie, Enseignement du Second Degré : Étude conjointe de la
carte à grande échelle et de la photographie aérienne . Publications de l'Institut Géographique National, Paris . 1961 .
(17) Pierre-Raymond Genty : Villes françaises . 30 études urbaines par la photographie aérienne à axe vertical ,
Paris . Publications filmées d'art et d'histoire, 1965, in-16°, 160 pages, texte trilingue ; 30 diapositives réhaussées d e
couleurs .
(18) Un catalogue des stéréogrammes confectionnés par l'IGN est disponible à la 5 e Direction, 2, boulevard
Pasteur, Saint-Mandé . Nous avons donné . en référence, à partir du chapitre IV, les numéros de certains stéréogramme s
présentant un intérêt particulier pour l'enseignement . On se servira du catalogue de l'IGN avec précaution, les titre s
de certains stéréogrammes ne correspondant pas toujours exactement avec ce qu'on peut y observer .
(19) Atlas des formes du Relief . Professeur André Cholley . Président de la Commission de Rédaction, Institu t
Géographique National, Paris . 1956, 179 pages .
40 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

de télévision à objectifs divers, capables d'enregistrer sur bande magnétique un certain nombr e
de vues à intervalles réguliers ou non . Tandis que ces vues sont transmises sur commande à
une série de stations au sol et à un centre d'analyse, la bande magnétique est effacée . Le nouve l
équipement de réception des images appelé APT (Automatic Picture Transmission) . permettr a
par sa relative simplicité de multiplier les stations au sol . Non seulement les Tiros renseignen t
sur la situation météorologique des régions manquant d'observatoires comme les océans e t
les déserts, mais ils permettent de devancer les moyens traditionnels de prévision, en particulie r
en ce qui concerne les hurricanes affectant la côte orientale des États-Unis . Ces images télévisée s
ont été classées, et une sélection en a été publiée sous forme d'atlas des formations nuageuses .
avec leur interprétation, par le Département de Géographie de l'Université de Montréal . Pou r
la prévision météorologique, l'exploitation rapide des documents surabondants déversé s
par ces satellites (plus de 300 .000 entre 1960 et 1965), ne peut se faire que par des procédé s
automatiques . On trouvera des exemples d'analyse automatique des formes de nuages dan s
l'article « Automatic Cloud Interpretation » (20) . C'est dans l'analyse des contrastes de tem-
pérature entre la surface terrestre et les sommets des nuages que le système infra-rouge sembl e
avoir ici apporté des renseignements que ne pouvait fournir la simple image de télévision .
Il est également utile pour la cartographie nocturne qui est évidemment impossible avec l a
photographie classique .
Dans un tout autre domaine on a déjà été amené à parler de la vue en relief des photo -
graphies aériennes par procédés stéréoscopiques . II s'agit là d'une technique d'observatio n
classique sur laquelle on reviendra plus en détail au chapitre Ill . Or, à côté des couples stéréosco -
piques de photographies aériennes verticales, est apparu en 1964 un document photographique
restituant intégralement le relief suivant un principe complètement différent : il s'agit de l'holo-
gramme. Il devrait pouvoir être utilisé en photographie aérienne comme il l'a été pour les image s
d'objets terrestres, ou pour l'exploration de la surface lunaire (21) . Les plaques holographique s
sont commercialisées par Kodak sous la référence 649 F, et ne sont pas plus épaisses que celle s
qui portent une émulsion photographique ordinaire . Une fois impressionnées par la combinaiso n
de deux faisceaux de lumière cohérente émise par un laser, il suffit d'éclairer les plaques pa r
une lumière blanche venant d'une source ponctuelle, pour apercevoir toutes les faces des sujet s
« holographiés », et pas seulement une unique perspective, comme dans le cas des photographies .
Les hologrammes ont été prévus dès 1948 par Denis Gabor, et réalisés pour la première foi s
par Leith et Upanieks en 1964 à l'Université du Michigan . Depuis, ils ont été améliorés pa r
le physicien français Antoine Labeyrie s'inspirant des travaux de Gabriel Lippmann, au labo-
ratoire du Professeur Stroke de l'Université du Michigan .

(20) A . Rosenfeld, C . Fried, James N . Orton : Automatic cloud interpretation . Initial steps have been taken
toward the automatic interpretation of cloud cover pictures obtained by meteorological satellites . Photogr. Eng . (op . cit .) .
November 1965, p . 991-1002 .
(21) La lune en relief, des hologrammes sans le savoir . Le Monde, 24 novembre 1966, p . 13, Paris .
Voir également François de Closets : Les nouveaux hologrammes . Science.% et Avenir, n° 239, janvier 1967 .
p . 8-12 .
CHAPITRE III

QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCH E


D'INFORMATIONS QUANTITATIVE S
D'une manière générale on peut tirer des photos deux catégories d'informations : quan-
titatives et qualitatives .
L'extraction de ces informations ne peut s'y faire directement au contraire de ce qu i
se produit lors de la lecture d'une carte topographique où points côtés, distances, toponymi e
ou usines sont immédiatement lisibles . Pour exploiter correctement des photographies aérienne s
il faut donc leur appliquer certains procédés qui, seuls, permettent de ne pas sous-employe r
ces très riches documents . Malheureusement, beaucoup d'entre eux demandent un appareillag e
complexe et un entraînement poussé qu'il est hors de question pour des géographes d'espére r
acquérir rapidement . Aussi les allusions que nous ferons à ces techniques n'ont-elles d'autre
but que de présenter les problèmes généraux et d'indiquer, aux spécialistes des sciences de l a
Terre, ce qu'ils peuvent demander aux ingénieurs des services compétents .
Les deux tableaux qui suivent se proposent d'offrir un résumé des résultats auxquel s
permettent d'aboutir, d'une part les techniques de quantification, de l'autre celles de diffé-
renciation des tons .
TABLEAU I

Classification des informations quantitatives que peut apporter la photogrammétrie.


42 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

TABLEAU 1 1

Classification des informations qualitative s


que peuvent apporter les techniques d ' interprétation .

1 . APERÇU SUR LA PHOTOGRAMMÉTRI E


ET LA VUE STÉRÉOSCOPIQU E

Il est essentiel que le géographe prenne conscience qu'une photographie est une pers-
pective qui ne peut être utilisée comme une carte .

Une perspective est un aspect particulier du champ de vision qui se définit par son point de
.vue (ici l'objectif de la caméra), le faisceau des rayons en émanant, et le plan sur lequel ils s e
projettent (ici un terrain à relief généralement différencié) . On complète cette définition e n
situant le plan de la plaque sensible en arrière de l'objectif à la distance principale f, et l'axe
de la perspective comme étant le rayon normal au centre de la plaque passant par l'objectif .
Une photographie aérienne parfaitement verticale correspond donc à une perspective géomé-
trique conique dont le centre, situé au nadir de l'objectif, est le point de fuite des verticales .
Cette fuite des verticales vers les bords de la photo se traduit par un déplacement vers l'extérieu r
des sommets des accidents de terrain par rapport à leurs bases, de manière d'autant plus mar-
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D ' INFORMATIONS QUANTITATIVES 43

quée qu'ils se trouvent près des marges . Une montagne marginale n'est donc jamais en plac e
sur une photo verticale par rapport aux coordonnées géographiques . On se rendra facilemen t
compte de ce phénomène en examinant la figure 6 .

photographie verticale de New-York prise à 3 .500 pied s


d'altitude, à l'aide d'un objectif à 9 lentilles .

Fig . 6 . — Une photographie est une perspective et non pas une projection orthogonale .
Il en résulte, sur les photographies aériennes verticales, un déplacement des sommets vers les bords .

Une carte, au contraire, est une construction rationnelle définie par une échelle constant e
et une projection qui est un système de correspondance entre l'ellipsoïde de référence et u n
plan de projection, système qui n ' est que rarement géométrique .
Mais il y a d'autres sources de différences entre photos et cartes . On les a résumée s
graphiquement sur la figure 7 page suivante .
44 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 7 . Principales distorsions dont sont affectées les photographies aériennes verticales de la couverture régulière .
a) déplacement des sommets vers l'extérieur ;
b) inclinaison de la plaque qui raccourcit les distances O'B' OB ;
c) sphéricité de la Terre d'où CB' toujours CB ;
d) rayon visuel courbé par les indices de réfraction différents des diverses couches atmosphériques, d'où BI est vu en B2 :
e) déformations dues aux objectifs :
f) angle de dérive dû au vent, non corrigé .
En b, c, d, on a schématisé la construction de la vue perspective : la lentille de l'objectif représentant le « point de vue »
d'où émane un faisceau de rayons se terminant en A et B sur le « plan » qui est la surface du sol, tandis que la plaqu e
sensible_ _ au fond de la caméra est située à la « distance principale f » .

La correction de toutes ces distorsions photographiques fait l'objet d'une science appli-
quée appelée photogrammétrie, qui se propose l'établissement de documents où des mesure s
précises soient possibles . Ces documents sont principalement des cartes topographiques, mai s
ils peuvent être des relevés de n'importe quel élément en relief : monuments, statues (22), acci-
dents d'automobiles (23), etc . Il existe trois grandes catégories de corrections : la correctio n
des défauts d'origine optique (venant de l'objectif, des différents indices de réfraction de l'atmo -
sphère, etc .), la correction de l'inclinaison de la plaque sensible, que l'horizon gyroscopiqu e
de l'avion ou la suspension de la chambre n'ont pas toujours pu maintenir parfaitement horizon -
talé, et enfin les corrections de déplacements apparents dus à la vue du relief en perspective .
(22) Maurice Carbonnell : Les relevés photogrammétriques des monuments de Nubie . Archéologia, mars-
avril 1965, p . 66-71, 46, avenue d'léna, Paris-XVI e .
(23) Terragraphe Zeiss SMK-TMK pour photogrammétrie terrestre, appliqué à la restitution d'accidents .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUANTITATIVES 45

Fig . 8 . - Une application de la pho-


togrammétrie : le relevé de mo-
numents . Une des statues du tem-
ple il Abou-Simbel rest ituée pa r
IlG'N
.
Cette tête de Ramsès II . en courbe s
de niveau, illustrait un articl e
d'Yvonne Rebeyrol, paru dan s
Le Monde du 7 novembre 1963 .
et intitulé : « L'avion et la phot o
au service de la géographie » .

Fig. 9. Appareil redresseu r


d'après le modèle Wild E 3 .
Les appareils de redressement sont utilisé s
pour obtenir d'une part des agran-
dissements ou des réductions d'échelles ,
de l'autre des photoplans dans le ca s
de reliefs assez plats .
46 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

On appelle redressement l'ensemble des opérations qui ont pour but de corriger les effet s
d'inclinaison . Le résultat du redressement n'est pas une vraie carte mais un photoplan. Le s
appareils de redressement cherchent à projeter le cliché sur un plan mobile, dont on calcul e
le déplacement de façon à ce que l'image prenne l'aspect qu'elle devrait avoir en position horizon -
tale . Pour redresser un seul cliché on peut utiliser la chambre claire et le procédé graphique .
Ces procédés sont assez fastidieux, c'est pourquoi pour redresser plusieurs clichés, on fai t
appel à des appareils optiques spéciaux : l'appareil Dacquay utilisé par le Service Françai s
du Cadastre, le Gallus-Ferber utilisé par l'IGN, le redresseur Wild E 3 (fig . 9) d'origine suisse ,
le SEG V Rectifier Carl Zeiss d'origine allemande, etc .
On appelle restitution l'ensemble des opérations qui ont pour but de corriger les dépla-
cements apparents dus aux variations du relief vu en perspective . La restitution consiste essen-
tiellement à mettre des points, repérés sur les photos, parfaitement en place sur une projectio n
cartographique . Chaque point étant défini par trois coordonnées (les coordonnées planimé-
triques x et y, et l'altitude ou verticale z) les appareils restituteurs cherchent à transcrire su r
une planche à dessin les valeurs correspondantes des points repérés sur les photographies .
Ces appareils, très complexes, demandent un opérateur qui, à l'aide de deux manivelles e t
d'un disque-pédale, met en place un index-flottant sur un couple stéréoscopique un appareillag e
mécanographique enregistre les coordonnées soulignées par l'index-flottant, et les transme t
à des traceurs automatiques qui dessinent les courbes de niveau ou les profils topographique s
des terrains examinés . L'IGN utilise le stéréorestituteur Poivilliers .
Seule la restitution permet d'aboutir à de vraies cartes ou plans . Il existe égalemen t
un compromis entre le photoplan et la carte ; c'est la photo non redressée ni restituée mais habillée
de courbes de niveau en place, autrement dit une perspective topographiquement « renseignée » .
L'avantage de ce procédé est d'être plus rapide que la restitution véritable . Ces courbes en pers -
pective sont obtenues avec le Stéréotope Zeiss .
Tous ces appareils sont coûteux et demandent à être utilisés par des spécialistes .
Le fait que les photos soient des perspectives est essentiel pour obtenir un effet stéréo-
scopique qui apporte une aide précieuse à l'analyse des formes par le photo-interprétateur .
On sait que la vue du relief, en vision binoculaire naturelle, vient du fait que nous somme s
accoutumés à faire mentalement fusionner les images de notre oeil gauche et de notre oeil droi t
qui, étant séparées de 6,4 cm en moyenne, sont des perspectives légèrement différentes d'u n
même paysage.
Un couple stéréoscopique est ainsi composé de deux photographies consécutives d'un e
même bande de vol, qui sont donc deux perspectives différentes du même paysage pour le s
55 % de leur surface où elles se recouvrent . Un appareil spécial, le stéréoscope (24) perme t
(24) Stéréoscope de poche : Société des Anciens Établissements Mattey, 15, rue Clavel, Paris-XIX e . Tél . :
NOR 36-58 . Carl Zeiss T S 4, 303 u, route de Colmar, Strasbourg-Meinau . Tél . : 34-34-15 .
— Stéréoscope à miroirs : Société H . Morin, 11, rue Dulong, Paris-XVIl e . Tél . : CAR 99-13 . Foreign Trad e
Division Tokyo Optical Co . Ltd ., 4, Ginza Nishi 8, Chome . Chuo-Ku, Tokyo, Japon (économiques) .
— Stéréoscope à miroirs pour enseignement à deux observateurs : N . V . Optische Industrie « De Oude Delft » .
Delft, Pays-Bas .
Etc . . .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUANTITATIVES 47

Fig . 10 . Stéréoscope à miroirs et barre de parallaxes en place sur un stéréogramme .

de faire fusionner facilement les deux images en une seule qui prend alors un relief accentué .
Ce relief e st d'autant plus fort qu'a u lieu d 'une base de 6. 4 cm on peut r encontrer en phot-
graphie aérienne pour une prise de vue à 6 .000 m, une base de 3 .200 m ; ceci explique que su r
une photo prise dans ces conditions, une simple dénivellation de 1 m soit parfaitement visibl e
sous-stéréoscope alors qu'elle ne le serait pas pour le pilote de l'avion . Une telle accentuatio n
de l'effet de relief s'appelle hyperstéoci .
L'observation correcte sous stéréoscope implique, soit un montage de stéréo -
gramme (fig . 11), soit un minimum de précautions pour ne pas risquer de voir le relief à l'envers :

Fi g . 1 1 . d'u n
Sous stéréoscope de poche, les deux photos consécutives doivent se chevaucher, sous stéréos-
cope à miroirs elles sont sensiblement écartées facilitant ainsi un travail de dessin su r
support transparent (Kodatrace), ou un travail de mesure.
48 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

les crêtes de montagne apparaissent alors comme de profonds talwegs dominés par les rivières .
Ce genre d'erreur peut se produire surtout dans les cas d'examens de reliefs peu contrasté s
comme des levées alluviales, des dunes, des terrasses, des plages soulevées, etc . ; il s'appell e
pseudoscopie .
Un autre effet de pseudoscopie peut être dû au déplacement d'objets en mouvemen t
pendant l'intervalle de quelques secondes qui sépare deux prises de vues consécutives . C'est
le cas de glaçons charriés par une rivière qui, sous stéréoscope donnent une impression de relie f
proportionnelle à la vitesse du courant qui les a déplacés . La surface de l'eau présente un fau x
relief plus ou moins accentué suivant la répartition des vitesses du courant (25) .
Certains observateurs éprouvent des difficultés à voir surgir le relief sous stéréoscope .
11 est évident que des facteurs physiologiques interviennent qui varient avec les individus . O n
trouvera dans le manuel du général Hurault (26) un chapitre consacré à la « Vision stéréosco-
pique naturelle » où, à côté des illusions d'optique les plus fréquentes, l'auteur indique des test s
de contrôle auxquels doivent être soumis les observateurs .
Ceci nous est l'occasion de souligner que les facteurs humains qui entrent en jeu dan s
l'interprétation ne sont pas que physiques ou physiologiques ; il existe actuellement tout un e
branche de la photo-interprétation qui s'intéresse aux facteurs psychologiques . On trouver a
dans plusieurs articles de la revue Photogrammetric Engineering (27) des exemples de test s
psychologiques ayant pour but de préciser . d'une part dans quelle mesure l'observateur es t
capable de se laisser influencer par son imagination, de l'autre sa capacité de raisonner sur de s
images apparemment anormales .

II . PETITES MESURES : DISTANCES VERTICALES ,


HORIZONTALES, COMPTAGE S

Si la restitution photogrammétrique nous semble devoir être laissée aux ingénieurs .


certaines techniques de petites mesures mises au point par les forestiers et les géologues, paraissen t
pouvoir être fort utiles aux géographes . Elles font appel à des instruments simples qui permetten t
d'obtenir trois sortes de précisions quantitatives :
des valeurs de dénivellations de faible amplitude : hauteurs d'arbres, de bâtiments ,
de rives sapées, de dunes ; valeurs de pentes, parfois de pendages ;
- des valeurs de distances horizontales : diamètres de têtes d'arbres, surfaces boisées .
transferts de la photo à la carte ;
(25) Robert N . Colwell : To measure is to know-or is it ? op . cit . . voir la figure 11 : ice floating in a Canadia n
stream . Photogrammetric Engineering, January 1963 .
(26) Général L . Hurault : L'examen stéréoscopique des photographies aériennes . Théorie et pratique . 2 tomes .
Institut Géographique National . Paris, 1960, voir le chapitre H du tome I .
Photogrammetric
(27) Engineering, published by the American Society of Photogrammetry . 6269, Leesburg
Pike . Falls Church, Va . 22044 U .S . A .
Robert N . Colwell : Aids for the selection and training of photo-interpreters, March 1965, p . 327-339 .
Dr . Gene Avery - Evaluating the potential of photo-interpreters . November 1965 . p . 1051-1059 .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUANTITATIVES 49

des valeurs de fréquence d'apparition d'un phénomène : densités d'arbres, pourcen -


tages d'occupation du sol par tel élément du paysage .
Dans chacune de ces catégories existent de nombreux procédés et instruments . On s e
contentera ici d'en donner quelques échantillons ; pour plus de détails nous renvoyons le lecteu r
aux ouvrages suivants :
Richard G . Ray : Aerial Photographs in Geologic Interpretation and Mapping . Geolo-
gical Survey Professional, p . 373 . United States Government Printing Office . Washington, 1960 .
230 pages . The use of aerial photographs to obtain qualitative and quantitative geologic infor-
mation, and instrument procedures employed in compiling geologic data from aerial photo-
graphs . For sale by the Superintendent of Documents, U . S . Government Printing Office ,
Washington, D . C . 20402.
J . W . B . Sisam : The use of aerial survey in forestry and agriculture . Imperial Forestr y
Bureau, Oxford . Joint Publication . n° 9. July . 1947.
Further copies of this publication and particulars regarding other publications of the
Imperial Agricultural Bureaux may be obtained from : Imperial Agricultural Bureaux, Centra l
Sales Branch . Penglais, Aberystwyth, Great Britain .

a) Mesures de hauteurs .
Matériel :
un couple stéréoscopique à faible inclinaison (voir niveau d'eau quand il est photo -
graphié dans la marge), et du ruban adhésif « Scotch-tape » pour fixer le couple sur un carto n
bien plan sur table lumineuse ;
un piquoir, une règle graduée : crayon, papier :
soit un stéréoscope à miroirs et une barre de parallaxes, soit un stéréomicromètr e
monté sous stéréoscope de poche (28) .
— la fiche de vol de la mission à laquelle appartient le couple .
— Montage du stéréogramm e
Il se fait en trois phases qui sont : — la construction des points principaux ; — le trans-
port des points principaux ; la construction des bases et de la ligne de vol (voir fig . 11, p . 47) .
Joindre à la règle les repères Nord et Sud, Est et Ouest, et dessiner de courtes rayure s
centrales au piquoir . Leurs intersections indiquent les points principaux (PPA et PPB) . Pique r
finement les intersections .
Mettre le couple en place sous stéréoscope et se munir du piquoir . Sur la photo A repé-
rer l'emplacement de PPA et sur la photo B . celui de PPB . Piquer finement ces points désigné s
par A' et B' .
. Sur A . joindre finement (par exemple au tire-ligne fin) PPA et B' : sur B, joindre PP B
et A Ces deux droites sont les bases des photos . Fixer un des côtés de la photo A, par exempl e
(28) Par exemple, le stéréoscope mesureur de poche T \1 Cari Zeiss . n° de référence : 51 53 03 . avec paire de lame s
porte-index et dans un étui en cuir : 550 g. Distributeur pour la France : Zeiss . 303 a. route de Colmar . 67-Strasbourg ,
Meinau .
50 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

le côté occidental . Placer une règle le long de la base PPA-B', et faire glisser PPB-A' dans l e
prolongement de la règle. Les deux photos sont alors placées suivant la ligne de vol. L'écarte -
ment correct des deux photos dépend alors de la base de l'instrument . Dans le cas du stéréo -
micromètre de poche, l'écartement des photos doit donner à la fois une bonne vue en relie f
et une coïncidence de repères .flottants sans que la vis micrométrique soit tournée à fond . Fixe r
alors solidement le couple stéréoscopique, par exemple avec du papier « Scotch-tape » .
Mesure de la parallaxe stéréoscopique PS :
Cette opération, comme la suivante, consiste à évaluer le déplacement de la positio n
apparente d'un élément topographique d'une photo à l'autre, par suite du changement de posi-
tion de l'avion observateur par rapport à cet élément fixe .
Mesurer à l'aide de la règle graduée la distance séparant un élément topographiqu e
donné (par exemple le point U) repéré sur la photo A, de son image sur la photo B soit l a
longueur x en centimètres et millimètres . Mesurer la distance séparant les deux points principaux ,
soit y, en centimètres et millimètres . La différence y x, en général voisine de 7 cm, est appelé e
« parallaxe stéréoscopique » ou « photobase » .

Mesure de la parallaxe différentielle delta Ap:


Cette opération peut s'effectuer à l'aide, soit d'un abaque ou graphique spécial imprim é

Fig . 12 . — Stéréomicromètre ou stéréoscope mesureur de poch e


d'après le modèle TM de Zeiss .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D INFORMATIONS QUANTITATIVES 51

sur support transparent qui a l'avantage d'être peu coûteux (29), soit d'une haire de parallaxe s
qui est un instrument très répandu mais qui implique Y usage complémentaire d'un stéréoscop e
à miroirs (voir fig .10) . soit d'un stéréomicromètre de poche qui combine barre et stéréoscop e
(voir fig . 12) .

Ces deux derniers appareils comportent des index-flottants c'est-à-dire des repère s
(un trait, un cercle plein, un cercle creux) qui doivent fusionner pour donner l'impression d e
monter ou de descendre dans l'espace photographique . Pour cela, on agit légèrement sur l a
vis micrométrique . tout en maintenant la base de l'appareil strictement parallèle à la ligne d e
vol . La difficulté réside dans le contrôle de la sensation d'ascension ou d'enfoncement de l'inde x
choisi . Il faut s'exercer à « atterrir » en évitant de voir l'index se dédoubler .
En supposant qu'on veuille connaître la dénivellation entre un point U et un point O
sur les photos en question, on mettra au sol en U puis on transportera l'appareil et on mettr a
au sol en O . Chaque fois, on fera la lecture des valeurs en unités et en fractions, sur la vis micro -
métrique graduée à cet effet . On prendra la moyenne de dix lectures pour chacun de ces point s
et on fera la différence des moyennes (delta p) .

Application deormule l af

La dernière opération consiste à calculer la différence d'altitude entre U et O en appli -


quant une formule de hauteurs :

.La hauteur de vol au-dessus du plan de référence est indiquée dans la fiche de vol d e
la mission photographique à laquelle appartient le couple stéréoscopique utilisé .

Il peut arriver qu'on obtienne d'étranges résultats : par exemple la surface d'un la c
n'apparaîtra pas à la même altitude à ses deux extrémités . ou telle rivière verre sa fractio n
amont dominée par sa fraction aval ; cela proviendra simplement du fait qu'on aura employ é
un couple à forte inclinaison sans l'avoir préalablement redressé . Heureusement . les photo -
graphies des couvertures régulières sont aujourd'hui d'assez bonne qualité pour qu'on puisse .
en général, faire abstraction de leur faible inclinaison . Il ne faut cependant pas espérer une trè s
grande précision des mesures faites à la barre de parallaxes : dans bien des cas une erreur d e
0 .50 m sur une dénivellation de 50 m est acceptable : elle ne devrait pas être plus importante .

(29) Voir « ITC Delft Parallax Wedge » dans Tree and stand height measurements, publié par : Internationa l
Training Center for Aerial Survey, 3, Kanaalweg, Delft . Pars-Bas .
L'ITC publie une collection de petits manuels de photo-interprétation (textbooks of photo-interpretation) don t
on peut obtenir la liste à l'adresse ci-dessus . II organise égal ement des stages en plusieurs langues .
52 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

b) Mise en place par transfert .

— Matériel :
— un couple stéréoscopique à faible inclinaiso n
une carte topographique de la région photographiée, à échelle assez voisine de l'échell e
moyenne des photos lorsqu'il s'agit d'une région non cartographiée, il faut au moins dispose r
d'un réseau de points de triangulation radiale ;
— un crayon, une gomme :
un Stereosketch (30) .

— Utilisation du Stereosketch

13 . Stéréosketch de Hilger and W atts Ltd. London .


Appareil permettant le report de détails observés e nvue
stéréoscopique . sur la carte correspondante . Le pla-
teau porte-carte est mobile verticalement pour cher -
cher la coïncidence d'échelle avec l'ima g e projetée .

(30) Stereosketch Hilger and Watts Ltd ., 98, St Pancras Way, Camden Road, London . NW I . Great Britain .
The Stereosketch is used with 9 x 9 (23 x 23 cm) photographs, and the ratio of drawing to photograph size can b e
varied from I : 0 .8 to I : 2 .2 : the table can be tilted ± 5° in both the direction of flight and laterally .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUANTITATIVES 53

Cet appareil a pour but de permettre le transfert d'éléments observés sur les photo s
(points particuliers, limites de végétation, structures agraires, réseau de ravins . etc .) sur u n
fond topographique où tous les points sont localisables suivant leurs coordonnées géogra-
phiques . Pour cela, on dispose le couple stéréoscopique sur deux plateaux où les photos son t
maintenues par des plots magnétiques. L'éclairage de ces photos peut être réglé en intensit é
et en direction . suivant que l'on veut faire apparaître tel détail de droite ou de gauche . U n
stéréoscope à miroirs domine à la fois le couple et la carte : celle-ci est placée sur un platea u
doublement mobile : il se déplace verticalement, pour adapter l'échelle de la carte à celle d e
l'image en relief, et il peut être légèrement incliné dans le cas où un faible redressement es t
nécessaire. Un jeu de lentilles additionnelles permet de se rapprocher de l'échelle désirée s i
la différence entre photo et carte est importante . L'observateur peut alors reporter, sous stéréo -
scope, les détails de la photo, en place sur la carte où se trouve projetée l'image stéréoscopiqu e
en coïncidence avec les repères topographiques . II s'agit donc d'un perfectionnement de l a
chambre claire .
c) Les comptages .
L'interprétation des photographies aériennes impose très souvent la nécessité de fournir
des informations sur la fréquence d'apparition de certaines formes (diamètres de couronn e
des arbres, dimension de parcelles cultivées ou de maisons, etc .). Il y a déjà longtemps qu e
les forestiers ont décrit les procédés qui leurs servent à mesurer des surfaces, à mesurer de s
densités, à mesurer des diamètres de couronnes d'arbres . procédés dont ils expriment les résul-
tats en valeurs relatives ou même absolues . Le planimétrage photoélectrique, le procédé de s
grilles. celui des traverses . l'utilisation des tables de conversion des diamètres en cubage d e
bois, sont assez connus pour qu'on ne les répète pas ici . On ne décrira donc que deux procédé s
récents qui risquent moins de se rencontrer dans les manuels antérieurs .
Technique de l'analyseur de dimensions Zeiss TGZ 3 (31) :
Il s'agit d'un appareil ayant grossièrement l'aspect d'une machine à additionner, capabl e
de sélectionner certaines catégories de dimensions sur la photo examinée et totalisant les fré-
quences d'apparition dans chaque classe dimensionnelle . Le TGZ 3 a été initialement conç u
pour les comptages en microscopie électronique ; il a pu être parfaitement adapté à l ' analyse
d'agrandissements de clichés aériens sur lesquels les plus petits détails à compter ne doiven t
pas être inférieurs à 1 mm . L'opérateur doit explorer le cliché à l'aide d'un spot lumineux don t
il a préalablement réglé le diamètre à la dimension voulue ; chaque fois qu'il rencontre un détai l
ayant la dimension en question il actionne une pédale qui déclenche l'un des 48 compteurs d e
l'appareil . L'analyse de 1 .000 détails demande environ 50 minutes .
(31) Analyseur TGZ 3 Carl Zeiss . n° de référence : 34 10 04 . Poids : 26 kg . Nombre de compteurs : 45 plus u n
totalisateur
.
Plage de mesure I : 1,0 mm à 9 .2 mm .
Plage de mesure Il : 1,2 mm à 27 . - mm .
Chacune de ces plages de mesure est subdivisée en 48 classes de grandeurs . Échelonnement des classes constan t
ou exponentiellement croissant .
54 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

-- Technique du filtre optique :


A l'occasion du Symposium International de Photo-Interprétation qui s'est tenu à
Paris en novembre 1966, une équipe de l'Institut Français du Pétrole a présenté un nouvea u
moyen d'analyse des clichés . «II s'agit d'un filtre optique dans lequel les propriétés de la lumièr e
cohérente issue d'un laser permettent d'éliminer, sur une photographie, tout alignement o u
tout accident orientés selon une direction choisie par l'interprétateur . Le filtre devrait auss i
pouvoir trier, parmi les différents éléments qui composent une photo . telle ou telle catégori e
de détails selon des critères de dimensions . L'I . F . P . a mis cet appareil au point pour étudie r
les coupes du sous-sol obtenues par la prospection sismique . Le filtre optique présente u n
avantage considérable : en tournant des caches plus ou moins larges . l'interprétateur fait varie r
à l'infini les orientations, et en même temps il voit la photo « filtrée » . . . Le filtrage optique e n
est à son tout début . Mais déjà MM . Fontanel . Grau, Laurent et Montadert, ont montré le s
possibilités q u ' ouvre leur appareil dans l'étude de la dynamique des glaciers, des mouvement s
de la houle et de la géologie de surface (dans des régions où la couverture végétale est rare) (32) . »

-- Procédé des traverses Jacob-Leroux (33) :


Ce procédé mis au point par l'atelier de cartographie du B . D . P . A . a été présenté à
l'exposition sur les applications de la photographie aérienne, organisée en 1966 au Palais d e
la Découverte à Paris, et se trouve déjà décrit dans notre cours de cartographie de S . Rim -
bert (34) ; nous pensons, cependant, utile de le répéter ici .
Les auteurs de ce procédé devaient répondre assez vite à la question suivante : que l
est le pour centage de sol occupé par les haies vives d ' un paysage entièrement bocager d ' u n
groupe de communes du département de la Manche ?
Ils ont considéré que les haies ne présentaient pas de direction préférentielle, qu'elle s
étaient réparties de façon uniforme . que leur épaisseur moyenne était de 2 m, et que la régio n
était peu accidentée . Ils ont utilisé une couverture aérienne aux environs du 1 ;23 000, et n'on t
t'ait porter le ur s observations que sur la partie centrale des photos pour éliminer au maximu m
les distorsions d'un ensemble non redressé et non restitué . Les aute ur s ont alors procédé à de s
comptages sous stéréoscope . de la manière suivante :
-- les photos fur ent recouvertes d'une grille transparente de douze traverses, parallèle s
entre elles et à l'un des axes déterminé par deux repères opposés . Ces traverses, portant de s
divisions, s'allongeaient de part et d'autre de l'autre axe sur environ 4,5 cm correspondant à
1 .000 m sur le terrain :
— l'observateur devait annoncer ses remarques suivant des codes correspondant à
trois groupes de faits rencontrés le long des traverses : tailles des parcelles, utilisation du sol ,
valeurs des pentes . Ces annonces, enregistrées sur magnétophone, étaient ensuite recopiée s

(32) Yvonne Rebeyrol : Les nombreuses et diverses utilisations de la photographie aérienne . Le Monde, 3 novem-
bre 1966 . p . 12 .
(33) Bureau pour le Développement de la Production Agricole, 233, boulevard Saint-Germain . Paris-VIE .
MM . Jacob et Leroux . membres du Service Cartographique .
(34) S . Rimbert : Leçons de cartographie thématique, à paraître chez S . E . D .E .S . . 5 . place de la Sorbonne, Paris-Ve .
QUELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUANTITATIVES 55

Fig . 14 .

La Haye du Puits . Manche . Code s

1) Classe des parcelles 2) Occupation du sol 3) Pente


inférieur à 0,5ha A prairies :1 dune fixée :9 null e
de 0,5 à 1,5 B prairie-verger 2 sable marin : 10 faibl e
de 1,5 à 5 C prairie mouilleuse :3 haie : 11 fort e
de 5à 10 D culture 4 plan d ' eau libre : 1 2
de 10 à 20 E lande : 5 ruisseaux :13
supérieur 20 F bois : 6 chemin, rout e
marais : 7 chemin de fe r
marais aménagé : 8 sol s

l ' étude commence à la laisse de haute mer


56 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

sur des tableaux préparés à l'avance . Les subdivisions des traverses lui servaient à mesurer le s
longueurs des catégories rencontrées : ces longueurs étaient également inscrites sur les tableaux .
On calcula ensuite les pourcentages d'occupation du sol de chacun des critères considérés :
7 °o du sol était ici occupé par les haies .
CHAPITRE I V

QUELQUES PROCÉDÉ S
DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUALITATIVE S

Ces procédés ont pour but de faciliter la délimitation de surfaces d'aspect homogène ,
soit par leur ton, soit par leur texture . soit par leur forme . A ces tons et à ces formes, le photo-
interprétateur pourra ou bien faire correspondre des éléments de paysage (prairies . roche e n
place, glaciers, etc .) pour lesquels sa culture géographique autorisera une reconnaissanc e
immédiate, ou bien appliquer des hypothèses . Celles-ci devraient toujours pouvoir être vérifiée s
sur le terrain . Lorsque cette vérification est matériellement impossible . on peut avoir recours
à quelques techniques complémentaires dont les résultats peuvent recouper ou infirmer le s
premières conclusions .
Le ton est une mesure d'intensité de réflection lumineuse effectivement enregistrée su r
le cliché . en noir, gris ou blanc . La différenciation des tons est essentielle pour le photo-inter-
prétateur . Malheureusement, bien des facteurs font qu'un même élément du paysage peut n e
pas toujours se traduire par un seul et même ton non seulement sur deux photos voisines . mai s
aussi sur le même cliché . Ces facteurs sont principalement naturels et optiques : brume atmo-
sphérique inégalement répartie, différences d'éclairages suivant l'orientation des pentes, aspect s
plus ou moins foncés suivant l'humidité du sol, objectif ayant tendance à assombrir les région s
marginales de la photo, etc . Il nous semble donc aléatoire d'utiliser une palette de tons gradué e
de 1 à 10 pour vouloir identifier des cultures même semblables . pratiquées dans des champ s
disséminés . L'usage d'un photomètre (ou densitomètre) apparaît préférable, mais là aussi .
avec beaucoup de prudence . Plus qu'un moyen d'identification l'analyse des tons doit don c
être considérée comme un procédé de différenciation relative . Ce sont ces moyens de différen-
ciation que l'interprétateur doit être capable de choisir ou de réclamer (dans la mesure où cel a
lui est matériellement possible) en fonction de ses recherches particulières .
Les facteurs de variation des tons, donc de différenciation, sont de trois sorte s
- — des facteurs naturels : la saison . dans ses rapports avec la végétation, l'heure de pris e
de vue et la qualité de la lumière diurne . le passa ge d'une récente averse sur le terrain, etc . :
des facteurs optiques : les objectifs qui assombrissent toujours légèrement les angles
des photographies, l'usage des filtres qui interviennent dans la modification des tons :
58 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

—des facteurs chimiques. : les pellicules photographiques peuvent présenter des émulsion s
diversement sensibles aux radiations visibles et invisibles . Elles peuvent également être plu s
ou moins bien développées : les procédés du type « LogEtronics Inc . » (35) permettent . par de s
techniques automatiques d'obtenir des tirages de bonne qualité où les contrastes apparaissen t
de la meilleure façon possible .

1 . EXEMPLES DE DIFFÉRENCIATIONS NATURELLE S

a) En pays tempérés océaniques . utilisation du cycle végétal saisonnier et de la neige .


L'emploi de termes comme crop ma r ks ou ring ditch circles sont là pour nous rappele r
que les archéologues britanniques ont été les pionniers en la matière .
La difficulté de l'interprétation dans nos régions humides vient en grande partie de c e
qu ' au contraire des pays méditerranéens, subarides et arides, une végétation et un sol épai s
voilent les structures aussi bien géologiques qu'humaines . Il faut donc renoncer aux méthode s
des pays secs pour utiliser ce manteau biogéographique lui-même . C ' est ainsi que l'observatio n
de champs labourés, dépourvus de couverture végétale en hiver peut ne rien révéler . alor s
qu'on verra se dessiner des différenciations dans la couleur des épis qui croîtront sur ces même s
champs en juillet . Par l'intermédiaire de leurs racines, les plantes sont capables d'effectue r
des fouilles archéologiques à faible profondeur : les plantes qui croissent sur un ancien mu r
de pierres calcaires enfouies, auront des qualités différentes de leurs voisines installées sur u n
matériel sablo-argileux autochtone . De même, des plantes croissant sur un ancien fossé rempl i
de débris et déchets domestiques profiteront de cette fumure artificielle, oubliée parfois depui s
des siècles, pour s'élever plus haut que leurs voisines, et dessiner dans l'ondoiement des graminée s
une architecture invisible au sol . De telles observations ont permis à L . Agache de découvri r
dans le Nord de la France des traces archéologiques et biogéographiques analogues à celle s
décrites en Grande-Bretagne (36 et 37) .
L'étude de structures agraires peut réclamer au contraire des photos d'hiver : un rayo n
de soleil sur un paysage couvert de neige peut faire apparaître les clôtures de fil de fer soulignée s
par leur ombre bien oblique, pratiquement invisibles autrement .
La période de fonte des neiges peut servir à faire apparaître des structures enfouies o u
des nuances pédologiques, botaniques, biogéographiques, de faibles différences thermique s
se traduisant alors par la présence ou l'absence de neige . C'est le cas de certaines canalisation s
enterrées, surmontées d'un sol légèrement moins froid que celui d'alentour, de dépôts d e
fumier, etc .

(35) LogEtronics Inc . 500 East Monroe Ave . Alexandria Virginia U . S . A . Exemple de tirage dan s
Photogram
metric Engineering . March 1965, p . 307 .
(36) J . K . St . Joseph : Air Photography and archaelogy . Geographical Journal. January-February 1945, p . 47-60 .
Royal Geographical Society, London SW 7 . Ed . Stanford Ltd ., 12 Long Acre WC 2 .
(37) L . Agache : Vues aériennes. archéologie et folklore (dans la Somme et l'Oise) . Photos aériennes et photo s
au sol comparées . Touring Plein Air, revue du Touring Club de France, 15 janvier 1962 . n° 166 . p . 25-27 et 53 .
QUELQUES PROCÉDÉS
59 DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUALITATIVE S

b)Enpaysurideo,tlanumièrest .
Ici les sols sont squelettiques ou absents . la végétation ouverte . et la structure géologiqu e
devient parfois si facilement apparente que certaines photos du Sahara sont presque des carte s
où les formes de relief se lisent directement .
Cependant . si les formes en saillie s'identifient d'autant plus facilement que la déflatio n
éolienne et l'absence de solifluxion mettent en valeur la moindre différence lithologique, l a
difficulté dans les régions désertiques vient d'un ennoyage général des dépressions : dans celles-c i
s'accumulent apports éoliens, alluvions . dépôts de décantations ou d'évaporation sur place ,
qui masquent sur de grandes surfaces les structures sous-jacentes . Mais le moindre acciden t
qui réussit à émerger de cet ennoyage peut être parfaitement repéré en le faisant souligne r
par son ombre : en lumière rasante d'aurore ou de crépuscule, très pure, puisque privée de brume
atmosphérique, les ombres obliques exagèrent tous les accidents ; c'est ainsi que furent observé s
bien des vestiges anciens de Syrie, en particulier .
c) En régions boréales . différenciation par analyse des couleurs des feuilles au printemp s
et en automne .
L'utilisation de la photographie en couleur au Canada ou en U . R . S . S ., pour l'iden-
tification d'essences de groupes d'arbres ou de pâturages pour les rennes, est déjà ancienne .
La reconnaissance aérienne pour la recherche de plantes n'ayant pas la même évolution o u
précocité aux changements de saisons, s'imposait en effet aux forestiers de ces régions arctiques .

II . DIFFÉRENCIATION PAR CHOIX DES SENSIBILITÉS D'ÉMULSION S

a) Pellicules panchromatiques .

Ce sont celles qui donnent les photos courantes en noir, blanc et différents tons de gris .
Elles sont de loin les plus utilisées . Elles sont sensibles à pratiquement toutes les radiations d u
spectre visible, c'est-à-dire qui s'échelonnent entre 4 .000 et 7 .000 A de longueurs d'ondes .
Généralement leur utilisation est combinée avec celle d'un filtre jaune . On sait que l a
lumière blanche peut être décomposée en une infinité de radiations qui se classent à peu prè s
également en trois lumières dites « primaires » : le bleu-vert, le jaune, le rouge-rose . Si l'on fai t
passer un faisceau de lumière blanche à travers des écrans colorés . chaque filtre absorbe un e
partie des radiations et ne laisse passer que certaines couleurs . Un filtre jaune absorbe un e
partie des radiations bleues . Or, la brume atmosphérique est riche en radiations bleues : l'inter -
calation d'un tel filtre (jaune-orangé) est donc un moyen de l'éliminer et d'obtenir des cliché s
nets de paysages lointains .
60 INTRODUCTION A L'UTILISATION DES PHOTOGRAPHIES AÉRIENNE S

Fig . 15 . Choix de films et de filtres :


le même paysage en trois interprétations de gris .
Film panchromatique et filtre jaune .
Film infra-rouge et filtre orange .
Film infra-rouge et filtre rouge foncé .
La reproduction de ce document réalisé par Zeiss-Aerotopograph d e
Munich, et publié dans l'article du Dr . Ing . H . K . Meier d'Ober-
kochen « Sur l'emploi d'émulsions sensibles à l'infra-rouge dans l a
photogrammétrie », paru dans Bildmessung und Luftbildwesen . n° 1 .
1962, p . 27-38, est due à la courtoisie des éditions Herbert Wichman n
G .m .b .H ., Karlsruhe-West, Rheinstrasse 122 .
Q UELQUES PROCÉDÉS DE RECHERCHE D'INFORMATIONS QUALITATIVES 61

b) Pellicules infra-rouges (38) .


Elles donnent également des photos en noir et blanc, mais où les couleurs du paysag e
ne sont pas traduites dans les mêmes tons de gris que sur les panchromatiques . et où certain s
détails insensibles à l'oeil peuvent être révélés .
En effet, elles sont particulièrement sensibles aux radiations bleues et à celles qui son t
comprises entre 7 .000 et 9 .000 A°.:c'elst-iàmdraégonveu isbl t
infra-rouge . On les utilise généralement en éliminant les radiations bleues, c'est-à-dire en inter -
calant un filtre jaune foncé qui arrête les radiations inférieures à 5 .000 A. ou même rouge, qu
.000 A° . ilesarêtà6
Leurs avantages sont les suivants :
l'IR élimine particulièrement l'effet des poussières fines chargées d'eau qui constituen t
les « brumes sèches » des régions tropicales et intertropicales ;
l'IR est sensible au pouvoir réflecteur de la chlorophylle et de certains pigment s
végétaux On peut donc distinguer une prairie à assimilation chlorophyllienne active, d'herb e
.
fauchée, de foin, de ronds de champignons ou de lichens qui n'assimilent pas . de branche s
coupées pour des camouflages en temps de guerre, etc . :
— l'IR est sensible aux radiations infra-rouges par les corps chauds . On peut déceler ,
par exemple des camions cachés sous des arbres dont le moteur est encore chaud ou en marche ;
l'IR traduit l'eau par un noir intense, car le rayonnement infra-rouge est absorb é
par l'eau et par certains éléments fins . On peut ainsi délimiter nettement la ligne de contac t
entre l'eau d'une rivière et sa berge, ou le tracé d'une mare même couverte de roseaux .

c) Pellicules pour couleurs à trois couches sensibles.


Les émulsions des films à couleurs sont disposées en trois couches superposées, conçue s
pour être sensibles aux trois couleurs primaires dont la combinaison permet de reconstitue r
toutes les couleurs visibles . L'une de ces couches contient un colorant qui absorbe les rouges ,
le cyan, l'autre un colorant qui absorbe les verts, le magenta . et la troisième un colorant jaun e
qui absorbe les bleus . Elles ont été vulgarisées sous les noms de Kodacolor . Agfacolor . Geva-
color, Ferraniacolor, etc .
Ces pellicules à trois couches ont l'inconvénient d'absorber beaucoup de bleu provenan t
des brumes atmosphériques, et de donner des détails beaucoup moins nets que les panchro-
matiques ordinaires. C'est pourquoi dès 1942 . pour les besoins de l'information militaire, le s
Américains et les Soviétiques s'orientèrent vers d'autres solutions .

(38) . L ' Ingénieur Géographe M . Baussart : L'exécution et l'exploitation de photographies aériennes infra-rouges .
Institut Géographique National, Service de la Photogrammétrie . Paris . décembre 1958, 2 fascicules .
— H . K . Meier : Sur l'emploi d'émulsions sensibles a l'infra-rouge dans la photogrammétrie (traduction) .
Bildmessung und Luftbildwesen, n° 1, 1962 . p . 27-38 . Herbert Wichmann Verlag GmbH . Karlsruhe-West, Rheinstrasse 122 .

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