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Busson Henri. Le développement géographique de la colonisation agricole en Algérie. In: Annales de Géographie, t. 7, n°31,
1898. pp. 34-54;
doi : https://doi.org/10.3406/geo.1898.18092
https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1898_num_7_31_18092
LE DÉVELOPPEMENT GÉOGRAPHIQUE
(CARTE, PL. П)
LE MODE DE COLOÎN4SATION l
1. Coup d'reil sur l'histoire fie la colonisation en Algérie (Alcrer, Bouyer, 1878'i.
— -De la colonisation en Algérie 'Alper, Mirait, 188!);. — Ces deux brochures sunt
l'œuvre des bureaux du Gouvernement Général de l'Algérie.
LA : COLONISATION - AGRICOLE EN ALGÉRIE. 35
2° période.: Le maréchal Bu gcnud et son système -.{1 840- Í 8.*> /}. —
■
Fidèle à, sa devise « ense et aratro », Bageaud. fait consacrer, par
l'arrêté du 18 avril 1841, le système de la concession gratuite des
terres, dont malheureusement l'ordonnance centralisatrice du 21
juillet 1845 atténue les bons effets en imposant la sanction royale à tout
acte de concession. -En 1851, l'on ? a concédé 101 675 nouveaux
hectares ; la population rurale compte 42 4<J3 individus, sur une colonie
de 13 l 283 Européens. C'est une brillante période de peuplement.
3" période : Le maréchal Rondou, et .son système í / So /-/ 860). —
Pour donner aux colons le crédit nécessaire à la mise en valeur de-
leurs concessions, Randon fait signer le décret du 2ti avril 1851, qui,
substitue à la simple promesse de propriété sous conditions un: titre
de propriété immédiate et transmissible, mais avec clauses
résolutives. En I860, Ton a concédé 25ro5tí>nouveaux"hectares, la
population rurale s'élève à 8G538 individus. L'accroissement de population;
n'a donc pas été proportionnel aux surfaces concédées; la spéculation?
sur les terres a entravé l'œuvre de peuplement.
4 e période '.Système de la vente des terres íí 86O-1 87 1 1. — Au
système des concessions gratuites, le décret du» 25 juillet 18H0 substitue
le système de la vente- des terres, que consacre le décret du 31
décembre I8ti4. Presque toutes les terres ainsi aliénées sont aussi! ôt
revendues- aux indigènes, si bien-que 4 582 colons agricoles
seulement s'établissent dans -les centres créés pendant cette période; en:
tenant compte du développement des villages antérieurement fondés,
l'on constate en 1871 la présence en Algérie d'une population rurale
de 118 747 individus.
5e période '.Retour au régime de la concession (depuis 1 87 1 ;. — Le
désir de lixer en Algérie les Alsaciens-Lorrains émigrés ■ et la mist»
sous séquestre des biens des insurgés Kabyles provoquent le retour
au > régime de la concession. La loi du 21 juin- 1871 , le titre * II t du
:
conquises , à ГЕ. sur les beys turcs de Constantine, à l'W. sur- les -
Hacheras de Mascara, commandés par l'Arabe Abd-el-Kaderet secondés -
par le Maroc- musulman. — De 1844 ,;Y.l857, les colonnes françaises
montèrent à l'assaut des montagnes, occupées par; une population»
surtout berbère : l'Aurès fut. soumis une première fois en 18 16, le
Dahra résista jusqu'en 1847, la Kabylie jusqu'en 1857. — Depuis 1857,.
la France, maîtresse d'un pays où Rome seule avait pu eomplèlpment;
s'implanter, n'a plus eu qu'à réprimer des insurrections régionales
et à poursuivre la pénétration militaire du Sud saharien:
La structure géographique de l'Algérie a donc exercé une influence
très grande - sur la marche des . conquêtes successives qu'a subies le
Maghreb; dans quelle mesure cette influence a dirigé le
développement de la colonisation: française, c'est ce que montre l'étude de la
pénétration- graduelle de l'élément colonisateur dans les différentes
régions de l'Algérie. Les régions actuellement ouvertes cà la
colonisation (peuvent se classer en : 1° Plaines littorales, 2° Hautes Plaines,
'.)" Vallées-couloirs, 4° Massifs montagneux, toutes régions
appartenant à la zone tellienne, et 5° Hauts Plateaux. — Pour la colonisation;
comme pour la conquête, la: présence de massifs cùtiers intercalés
entre les plaines littorales a imposé trois marches parallèles,
indépendantes et simultanées, de la mer vers le désert, à travers les plaines
littorales, les hautes plaines et les hauts plateaux de chacune des trois-
provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine.
1. .M'étant proposé pour objet «le montrer l'ouverture successive îles différentes
régions algériennes à la colonisation européenne, je n'ai pas l'intention rie donner
le tableau absolument complet de la colonisation agricole. Je ne citerai «pie les
centres agricoles créés par le Gouvernement Général ; il est vrai que presiniH
partout ces créations officielles -île centres ont précédé la colonisation libre, française
ou étrangère : sauf de très rares exceptions, l'initiative privée n'a pas créé de
villages nouveaux, les colons libres se sont a^lomérés aux colons ■ précédemment
installés
tallés par l'État.
38 - GÉOGRAPHIE RÉGIONALE. .
l.En ce «[ni l'unceme les chiffres de population placés entre parenthèse?. — p. ex.
Ouleil-Fayet I7l-tî28;, ■— le pre/aier chiffre indnpjera toujours le premier recensement
qui existe, c'est-à-dire celui île- 18") l pour les centres créés avant cette dnte, ceux.'
de-isei. 1ST 1. 1877 et 1888 pour les centres respectivement. créés flans les périodes
I8"il-fil, «1-71. 71-77 et 77-88; pour les centres créés depuis 1888, ce premier chiifre
indiqupra la population installée au moment même de la création; — le sermid
•■hiit're indiquera toujours la population: Ешч/péenne donnée au 1" janvier 18!)7,.
par le Tu /tlenu f/énéral ties communes de l'Algérie (Alger, Giralt, 1897}.
LA COLONISATION AGRICOLE EN ALGÉRIE., 39
-
v358-573j et à Aïn Taya. Г341-616). Beaucoup plus tard,- devaient être
faits les essais de colonisation maritime1, qui amenèrent en 1892,- à
Jean-Bart, 105 pêcheurs, qui en amenèrent à Surcouf2 95 en 1895, et
à La Pérouse, une soixantaine en 1897.
Eniin, dans la Mitidja occidentale, de l'autre côté* du Sahel, il' faut
noter qu'en 1848 se fondent Castiglione (255-1 360) et Marengo (535-
1276;, en 1854. Tipaza 1 137-606), en 1858, Bérard (N9-360), en 186-2,
Attatba i'222-336-, en. 1869, Montebello> (53-2531; h i'W. de-Bourkika:-.
196-371), fondé en 1855, l'on créera en 1875, Meurad Í141-273) et en
1877, Desaix i97-I42î. Sur la route qui : mène, au Chélif," l'on colonise
en 1854, Bou-Medfa í 171-336j et Vesoul-Bénian; (239-179), en 1858,
Oued-Djer (34-26): beaucoupplus tard l'on fondera, en l877,Changar-
nier (64-162V, en 1878, Hammam liirha ('207-652) et en 1884, Margue-
ritto (137-241).
De toutes ces dates et de tous ces chiffres, ilressort que le grand
effort pour la colonisation de la Mitidja fut fait de 1848 = h* 1858,
lorsque la disparition d'Abd-el-Kader- eut ramené la tranquillité dans
les esprits et la sécurité dans les campagnes.
En 1861; la population rurale de la Mitidja comptait 16 000
individus: ce chiffre se- trouvait presque doublé ^en 1877, atteignant alors
;
<
tronçon de la ligne orientale, d'Alger-Maison-Carrée à l'Aima r2S km i ; de
l'Aima à Ménerville f 15 km), la voie fut ouverte en 1SS1. — A ces
chemins de fer se sont joints tout récemment deux tramways à vapeur ::
l'un, d'El: Alfroun à. Marengo-(v20kmi, n'est exploité que depuis île
26 septembre 18У6, l'autre, de (iuyotville à Rovigo, s'achève en 18H7.
Pour un pays comme l'Algérie, où l'agriculture fournit presque-
tous: les éléments du commerce d'exportation, .rien. ne: peut mieux
caractériser le développement agricole d'une région que la marche des
exportations dans les ports qui en sont les débouchés. Le Sahel et la.
Mitidja onť un .seul débouché, Alger;: le tableau suivant montre-la
marche de son commerce1 :j
■
Arba (202-821), en 1859, Er Rahel: (21-1 060) et Rio-Salado (39-1 77.*;);
l'on rejoignit ainsi Ain Temouchent, où des colons agricoles s'étaient
installés dès 1851 (6X8 suburb, en1. 1861), et près duquel avait; été
peuplé еш1855, Aïn Kial Í120-749). Dans la. même région, plus tard;
furent colonisés, en 1874, Hammam-bou-IIadjar (31 1-775) et Chabet-el-
Leham(190-i94), en 1876, Arbal (163-238), en 18X0, Les Trois-Marabouis
(196-353), en 1890, Guiard (194-173), en-. 1X95 enfin, Turgot (212-244).
Au pied des montagnes tfUiennes, une troisième région de
colonisation se constitua; il y avait là toute; une série de points stratégiques,
dont la valeur, agricole,. au. débouché des rivières dans la plaine, se
trouvait accru par l'importance que prend en- Algérie le problème de
l'aménagement de l'eau: nulle part la situation ne se présentait plus
favorable pour établir des barrages de retenue, des canaux de
dérivation et d'irrigation. Dès 1845, Saint-Denis du Sig eut ses colons
agricoles (491 suburb. .en. 1851), dès 1846, Sainte-Barbe du Tlélat (68
suburb, en 1851) ; en 1857, fut colonisé Relizane(385 suburb, en 1861), en
l858,Perrégaux ;239-4430j, en 1859, l'Hillil (137-362), en 1862, Mocta-
Douz (891-490) et Bouguirat (276-443), en 1864,Zemmora (158-519), en
1873, l'Habra (78 en 1877), en 1875, l'Ougasse (248-190), en 1876, Ta-
•
farouh (155-683) et Saint-Lucien (250-592), en 1X77, Sahouriai(167- •
203), en 1878, Clinchant (135-170) et Ferry (116-119)..
Pour la zone bordière de l'Atlas, comme pour la plaine de la Seb--
kha, il y eut donc un premier effort de colonisation; qui se termina:
vers 1859: plus tard- à partir de l'année 1872,' de nouveaux villages
vinrent relier, entre eux les centres créés dans la première période.
Dans son ensemble, la colonisation-de hu plaine d'Oran; date de la
même époque que la colonisation de la plaine d'Alger; mais en 1858,
il n'y avait plus de champ libre sur le Sahelet la Mitidja, tandis qu'en
1859; beaucoup restait encore à faire pour la région ^oranaise. — En
1897, la plaine d'Oran compte environ-45 000 cultivateurs européens,
20 000 de moins que la plaine d'Alger.
Les voies ferrées sillonnent actuellement. en tous: sens la plaine
d'Oran.Dès 1868, les trains circulaient d'Oran à Relizane (130 km); en
1879, . s'inaugurait le tronçon d'Arzeu à Perrégaux (51 km); еш1885,
celui d'Oran à Aïn Temouchent (76 km; ; en 188X, celui de Mostaganern
à Relizane (75 km).
LA COLONISATION AGRICOLE EN ALGÉRIE. 43
■
encore avant que l'on puisse songera coloniser. sérieusement les trop
lointaines vallées des Ksour ou du Djebel Amour, moins dépourvues
d'eau cependant, moins réfractaires à la culture que les steppes plus
septentrionales.
En revanche, le long des pentes méridionales de V Atlas tellien, des
essais de pénétration méthodique ont рил se ■ tenter sur les Hauts
Plateaux. A l'W. de Saïda l'on colonisait, en 1883, Bedeau (347-730), sur
la ligne ferrée de Bel-Abbès àCrampel :Ras-el-Ma),et en 1888 El'Aricha;
(3H-58),près de la frontière marocaine.' — Al'E.de Saïda,- s'étendant en-
un chapelet presque ininterrompu des Monts de Saïda jusqu'à Tiaret
et Boghar, une série de.centres]agricoles se sont créés dans les dix.
dernières années. Près de Tiaret, Guertoufa (90-243) datait de 1874;
dans la région de la Mina l'on fonde'en 1888 Palat (5 15-675),. em 1894-
Frenda (124-515) et Trézel (277-211), endS97 Prévost-Paradol et Mar-
timprey (23s); dans la région du* NahrOuassel et du Chélif, sur le
plateau du<Sersou,l'on crée en 18S7 Taza (294-217), en; 1890, Vialar
.
chacun • relié par sa vallée aux ' régions élevées ■ des hautes plaines.
-
Sous le nom de vallée de Philippeville on peut désigner le couloir
que constituent- de Philippeville à Constantine l'oued Safsaf et l'oued
el Kebir,. prolongés parleurs affluents. Il y a dans -cette régiom
quelques-unes des plus riches terres agricoles de l'Algérie; la colonisation»
s'y porta dès le début de la conquête.
A la, tête d'une expédition partie de -Bone, le général. Valée prit
Constantine le 13 octobre 1837; le 7 octobre 1838 il fondait- Philippe-
ville près de l'emplacement de l'ancienne Rusicada. En? 18-41, la
banlieue de Philippeville reçut des colons agricoles (650 suburb, en 1851) ;
en 184 4 furent créés les villages de Valée (178-376), Damrémont (46-
179), Saint-Antoine (108-562), El: Arrouch (252-476), en 1847 Saint-
Charles (115-149) et Condé (151-322), en 1848 Stora sur. la côte-(3I6-
796), Gastonville (350-148) et Robertville (420-300); plus tardh'on
fonda,, en 1856- Bizot (182-292!, еш 1880 >Sidi-Mesrich (144-140), en,
1889 Aïn Zouït (102 en 1889), en 1896 enfin Rivière (62). — La
colonisation de la vallée de Philippeville, presque; entièrement effectuée en
1848, date ainsi de la même époque que la première colonisation, des
plaines littorales d'Alger, d'Oran,* de Bône. Actuellement 7 000
Européens environ cultivent la région de Philippeville.
Philippeville n'attendit pas trop longtemps son chemin, de fer de
pénétration., Le. 1er septembre 1870 étaient inaugurés les 87 km de la
ligne Philippeville-Constantine.
nom? de haute: plaine, de- Guelma l'on- peut réunir les différentes
régions agricoles fortement accidentées qu'arrosent les eaux
supérieures de la Medjerda, de la Seybouse, et de leurs affluents. Il y eut là,,
dès le début de la conquête, quelques centres agricoles créés: en 1845,
la banlieue de Guelma. fut peuplée (173 en 185 1), en 1848, l'on fonda-
Millesimo (208-190), Petit (189-140), Héliopolis /495-589), en 1856, Kel-
lermann(164-110),GuelaabouSba (169-160), en 1857,Duvivier(97-306),
en 1863 Oued Zenati (173-166). Plus tard de nouveaux centres
s'ajoutèrent aux anciens; en 1873, Bled Ghaifar (50-89j, en 187 1, Laverdure
(112-209), en 1876, Boudaroua (165-29), Vilîars (324-266), Ain Seymour.
(162-288), en 188i;Zarouria (212-218) ; après Guelma, Souk-Ahras
attirait ainsi les colons. Au NE. de Souk-Ahras, dans ce que Ton appelle
les monts de la Medjerda, quelques essais decolonisation ont été tentés
depuis que l'expédition de Tunisie a mis fin aux déprédations des
Kroumirs : en 1887, l'on avait installé des colons à Roum-es-Souk(l66-
159), en 1890, à Lacroix (221-173); en 1896, l'on a organisé Munier (147)
et Toustain (89); cette région montagneuse est une des dernières où
se soit porté l'effort de la colonisation;
D'assez bonne heure la haute plaine de Guelma eut son chemin de
fer; en 1877, la voie était ouverte -de Duvivier à Guelma (33 km), en
1879, de Guelma au Kroubs (115 km), en 1881, de Duvivier à Souk-Ahras
(52. km),, en* 1884 de Souk-Ahras à la frontière tunisienne (53' km).
Au. sud de la ligne ferrée, sur; la route des Plateaux, quelques
villages se sont créés dans ces dernières années : en 1886, Renier (305-242),
en; 1890 Aïn/frab (52-57), et Sedrata: (138-293), en 1894, Montcalm
(227-142), en 1897,. Gounod; les cultures gagnent. aux dépens de la
steppe, mais les récoltes sont d'autant plus aléatoires et d'autant plus
faibles que l'on pénètre plus avant dans le pays aride où l'élevage seul
se présente comme suffisamment rémunérateur.
Les hauts plateaux comlantinois. — Les hauts plateaux de la
province de Constantine, resserrés par le rapprochement de l'Atlas tellien
et de l'Atlas saharien,, sont err outre morcelés par quelques petites
arêtes montagneuses en une série de cuvettes juxtaposées. Les centres
de colonisation jetés аш milieu* des steppes arides jalonnent comme
des oasis les routes quis mènent à la zone bordièrede l'Aurès, un peu
plus humide, par; suite un peu moins infertile.- C'est cette zone bor-
dière de l'Aurès qui vit apparaître les premiers colons français : en
1848, ceux de Batna (486 enl851), en; 1862 ceux de Pesdis (46-96) et
de Lambèze (343-Í32), en 1869, ceux d'El Madher(83-66), en 1872; ceux
de Mac-Mahon (112-469), en* 1874, ceux de Khenchela- (850-608); plus
tard; en 1890; l'on fonda Youks les Bains (302-247), près de Tébessa
que ses phosphates allaient ressusciter. — Sur la route de Constantine •■
à. Batna furent créés, en 1884, Aïn Yagout (87-90) et Fontaine-Chaude
(11-145); non loin de cette route; en 1881, Kercha (199-182), en 1883;
LA COLONISATION AGRICOLE EN ALGÉRIE. 49
COXCLUSION
Henri Busson,
Professeur au Lvcée d'Alger.