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LA CORNE DE L'AFRIQUE

INTRODUCTION :

QU'EST CE QUE LA CORNE DE L'AFRIQUE ?

Il s'agit de la région la plus à l'Est de l'Afrique. Il n'existe pas de définition officielle de cette région
si bien qu'elle peut désigner un territoire plus ou moins large. De manière classique, on retient une
définition politique de la Corne de l'Afrique, celle-ci renvoyant à quatre États principaux : la
Somalie, l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti. Dans une vision plus extensive, elle comprend les autres
États faisant partie de l'IGAD (autorité intergouvernementale pour le développement) c'est-à-dire le
Kenya, le Soudan, le Soudan du Sud et l'Ouganda. Pour cet exposé, je me concentrerai davantage
sur la petite corne de l'Afrique.
La particularité de ce territoire provient également du fait qu'il est composé d’États relativement
récents comme le Somaliland qui a acquis son indépendance en 1990 bien qu'il ne soit pas reconnu
au niveau international, l’Érythrée n'a acquis son indépendance vis à vis de l’Éthiopie qu'en 1993 et
le Sud Soudan n'existe que depuis 2011.
Cette péninsule stratégique est située entre la mer rouge et l'Océan Indien connaît de multiples
conflits sur le plan interne et externe et doit faire face à de nombreux enjeux. Région charnière entre
le Moyen-Orient et l'Afrique, elle est en effet source de convoitise pour les différentes puissances
mondiales. En effet, si la Corne de l'Afrique échappe en général aux centres d'intérêts, la montée en
puissance de la Chine, l'ambition de la Russie, de la Turquie et des pays du Golfs persique
démontrent l'importance de cette région sur la scène internationale.

LES QUATRE ETATS DE LA CORNE

Comme énoncé précédemment, la Corne est composé de quatre États or ces derniers sont
très différents les uns des autres. La région voit cohabiter un État bimillénaire et des États issus de
la colonisation ou encore des États avec pour religion majoritaire l'Islam et d'autre le Christianisme.

ETHIOPIE ERYTHREE SOMALIE SOMALILAND DJIBOUTI


Capitale Addis-Abeda Asmara Modadiscio Hargeisa Djibouti
Régime République Dictature République République République
fédérale totalitaire fédérale présidentielle
Population 111 millions 3,5 millions 11 millions 3,5 millions 1 million
Superficie 1 127 127 117 600 km2 640 000 km2 176 000 km2 23 200 km2
km2
Dirigeant Abiy Ahmed Isaias Afwerki Hassan Sheikh Muse Bihi Abdi Issmaail Omar
(Premier Mohamoud Guelleh
ministre) (2022)
Religion Christianisme Christianisme Islam Islam Islam
Indépendance 1993 1960 1991 1977
IDH 175e pays sur 176e pays sur NC NC 170e pays sur
(classement 191 (0,498) 191 (0,492) 191 (0,509)
2021)*
Malnutrition 28,6 millions NC NC NC 0,1 million
(2021)
Autre 2e pays le 2e pays le plus
plus peuplé petit d'Afrique.
d'Afrique.
* IDH de la France : 28e pays sur 191 (0,903)

HISTOIRE DE LA CORNE : un passé marqué par la domination européenne

Au XIXe siècle la Corne de l'Afrique est sous domination européenne et plus particulièrement
italienne. En effet, en 1936 Mussolini a conquis l'Est de l'Afrique. L'Afrique orientale italienne est
alors composée de la colonie de l’Érythrée, de Somalie et de l'ancien Empire d’Éthiopie qui n'avait
jamais été occupé jusque là.
En 1940, Mussolini entre en guerre aux côtés de l'Allemagne, les forces italiennes occupent la
Somalie britannique et la présence italienne au bord de la Mer rouge et sur le Golfe d'Aden
deviennent une menace pour les voies d'approvisionnement britannique qui passent par le Canal de
Suez.
En 1941, les britanniques mènent une contre-offensive, les territoires sous contrôle italien passent
alors sous administration britannique. Cette manœuvre n'a toutefois pas eu les mêmes effets sur les
différents territoires composant la Corne.

 SOMALIE

En effet, à la fin de l'année 1949, les britanniques quittent la Somalie. L'administration de la régions
est alors confiée par les Nations Unies à l'Italie pour dix ans afin de préparer l'indépendance du pays
qui sera officiellement proclamée en 1960.

 ETHIOPIE/ERYTHREE

Parallèlement, les Nations Unies prennent une résolution en 1952 faisant de l’Érythrée une unité
autonome fédérée avec l’Éthiopie sous souveraineté de la couronne éthiopienne. Le souverain
éthiopien Negus Hailé Sélassié a fait pression pour que l’Érythrée soit intégrée à l’Éthiopie afin de
bénéficier d'un accès à la Mer rouge. Finalement, l’Érythrée sera annexée en 1962 et devient une
simple province éthiopienne. Cette annexion déclenchera une guerre d'indépendance qui durera
trente ans jusqu'en 1991 lorsque le Front populaire de libération de l’Érythrée met en échec les
troupes gouvernementales éthiopiennes. L’Érythrée obtiendra son indépendance en 1993 même si
des tensions persisteront encore pendant de nombreuses entre les deux États notamment en ce qui
concerne le tracé frontalier (1998-2000).

 DJIBOUTI

La situation de Djibouti est quant à elle particulière, il me semble donc important de s'y attarder un
peu plus longuement. En effet, la France prend possession de Djibouti dès 1884 avec le premier
traité de protectorat français de Tadjourah puis d'Obock en 1885. En 1896, ce territoire prend le
nom de Côte française des Somalis et est alors considérée comme une véritable colonie française.
L'armistice de Juin 1940 permettra à la France de garder sa colonie qui devient un territoire d'Outre-
Mer de la République française. Toutefois, les revendications d'autonomie prennent de l'ampleur
conduisant le Président De Gaulle à organiser le premier référendum d'auto-détermination. Le
« non » l'emporte, le territoire reste donc sous le contrôle de la France mais change à nouveau de
dénomination. Le Territoire français des afars et des issas est alors la dernière possession française
sur le territoire africain. Un deuxième référendum d'auto-détermination sera organisé et finalement
l'indépendance de Djibouti sera proclamée en 1977.
I- UN TERRITOIRE INSTABLE

UNE REGION MARQUEE PAR LA GUERRE : Le Tigre

En Novembre 2020, le gouvernement éthiopien lance une offensive contre le Front de libération du
peuple du Tigré (FLPT) aggravant encore les disions dans un pays déjà fragile.
Le Tigré est depuis 1995 une des 10 régions composant l’Éthiopie. La région est peuplée de 6
millions d'habitants appartenant pour la plupart à l'ethnie tigréenne qui représente environ 6% de la
population totale de l’Éthiopie. Au nord, il jouxte la frontière de l’Érythrée, le Soudan à l'Ouest, la
région Afar à l'Est et la région Amhara au Sud. Ce territoire est aujourd'hui en proie à une guerre
civile sanglante qui prend sa source d'une part dans le fédéralisme ethnique éthiopien et d'autre part
dans le conflit opposant l’Éthiopie et son ancienne province l’Érythrée.
Avant qu' Abiy AHMED ne devienne Premier ministre en 2018, le FLPT est au commande de l’État
pluri-ethnique qu'est l’Éthiopie. Le partie autoritaire tigréen est alors à la tête d'un gouvernement
éthno-fédéraliste depuis trente ans. Toutefois, les Oromos dont l'ethnie est majoritaire dans le pays
se sentent opprimés. D'autres ethnies comme les Amharas se rebellent à leur tour. C'est dans ce
contexte que Abiy AHMED, lui-même Oromo, est élu. Son arrivé au pouvoir est d'abord marqué
par le succès. En effet, il introduit des réformes, libère des opposants et met fin à une guerre de
vingt avec l’Érythrée voisine ce qui lui vaut de recevoir le Prix Nobel de la paix en 2019. Cette
réconciliation sonne comme un avertissement pour le FLPT qui avait joué un rôle central dans la
guerre aux frontières opposant Addis-Abeba et Asmara. Cette dernière est désormais l'allié de son
ancien ennemi contre les Tigréens.
Évincé du gouvernement, le FLPT se replie dans la région du Tigré où l'on ne reconnaît pas
l'autorité du nouveau Premier ministre.
A l'été 2021, les combats du Tigré s'étendent aux régions Amhara et Afar. Depuis, le conflit n'a
cessé de prendre de l'ampleur. En effet, même si le Tigré est aujourd'hui coupé du monde, les
témoignages font état de nettoyage ethnique, le gouvernement éthiopien a fermé presque tous les
canaux de communication, l'approvisionnement en produits médicaux et alimentaires est bloqué.
Les violences meurtrières qui durent depuis près de deux ans ont fait des milliers de morts (environ
500 000) et provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes notamment dans les
régions voisines Amhara et Afar . Cette guerre oubliée a été marquée par de multiples exactions −
massacres, viols et tortures − commises par "toutes les parties". Selon l'ONU, 90% de la population
du Tigré souffrent de la faim.
Si les deux parties se disent prêtes à mettre fin au conflit armé dans le Nord de l’Éthiopie, la
médiation de l'Europe et des États-Unis n'a jusque là pas permis de freiner la reprise des combats.

UNE REGION AFFAIBLIE PAR LES SECESSIONS : Somaliland et Puntland

Au XIXe siècle, la Somalie est sous occupation britannique au Nord et Italienne au Sud. Toutefois,
des inégalités apparaissent rapidement entre les deux. En effet, les britanniques ont des difficultés à
pacifier la région et à développer le territoire tandis que la colonie italienne se développe
rapidement notamment en raison des anciens comptoirs et cités commerciales musulmanes de la
côte. Aussi, lorsque la Somalie acquiert son indépendance en 1960, le Nord a accumulé un retard
non négligeable sur le Sud. La fusion des deux régions entraînent de fait des frustrations et des
tensions. A partir de 1969, Mohamed Siad Barre prend le pouvoir et instaure une République
socialiste. En 1977, il décide d'annexer l'Ogaden, territoire éthiopien. Cette offensive sera un échec
et le pays en sortira considérablement affaibli nourrissant ainsi la colère de certains clans. Face à
cette opposition BARRE répond durement, ce qui ne fait que renforcer le sentiment d’opposition.
Alors que le Président perd de plus en plus de son autorité, de plus en plus de groupes rebelles
apparaissent. Cette situation débouchera finalement sur la destitution du Président et marque le
début du chaos somalien ». Une guerre civile éclate entre les prétendants à la présidence. La même
année, la région correspondant à l'ancienne colonie britannique au Nord proclame son indépendance
et devient le Somaliland.
L'ONU est obligé d'intervenir et envoie des troupes sur place en 1992 pour pacifier la région.
L'opération est toutefois un échec, puisque dès le départ des casques bleus en 1995, les violences
reprennent. Si cet État n'est pas reconnu au niveau international, la situation peut être qualifiée de
relativement stable par rapport au Sud du pays.
Le Nord Est du pays suivra peu après puisqu'en 1998, Puntland demandera son autonomie.
Néanmoins, cette région demeure instable notamment en raison d'un manque d'unité entre les clans.

UNE REGION DESTABILISEE PAR LE TERRORISME : Al-Shabab en Somalie

La Corne doit également faire au terrorisme notamment en Somalie.


En effet, suite à la sécession du Nord et du Nord Est, une conférence de la paix est organisée en
2000 à Djibouti. Celle-ci débouche sur la création d'un gouvernement national de transition, premier
gouvernement depuis 1991. Il permet à la Somalie d'obtenir un siège à l'ONU et au sein de l'Union
africaine. Ce gouvernement se transforme en 2003 en gouvernement fédéral de transition.
Néanmoins, ces gouvernements successifs, souvent exilés à l'étranger en raison de la situation à
l'intérieure du pays, n'ont aucune autorité sur la Somalie où les guerres entre seigneurs de guerres se
poursuivent.
Cette fragilité de l’État somalien va permettre à d'autres acteurs de prendre de l'importance : les
membres des tribunaux islamiques. Ces derniers sont apparus dans la région dans les années 90 de
manière sporadique. Il s'agit d'institutions prônant l'application de la loi islamique. Ils prennent de
l'importance lorsqu'ils se fédèrent en 2006 et forment l'Union des tribunaux islamiques. Ils se dotent
d'un bras armé et s'emparent d'une grande partie du territoire y compris la capitale. La population se
montrent néanmoins plutôt favorables aux tribunaux qui apportent une certaine stabilité dans le
pays (par exemple, l'interdiction des armes qu'imposent les tribunaux islamiques donnent le
sentiment d'une certaine sécurité).
A la fin de l'année 2006, l'armée éthiopienne interviendra, à la demande du gouvernement fédéral de
transition en exil, pour repousser les tribunaux. Suite à cet événement, certains modérés des
tribunaux coopéreront avec le gouvernement et d'autres plus radicaux, formeront des groupes
armées qui deviendront par la suite le groupe terroriste Al-Shabab.
En 2009, l'ancien chef de file des modérés, Sharif Ahmed, est élu Président de la République. Cela
ne suffira pas à apaiser les membres de Al-Shabab qui lanceront rapidement des offensives contre
les troupes du gouvernement et celles de la Missions de l'union africaine en Somalie. Al-Shabab
s'allie avec des chefs de clan qui ne partagent pas forcément la même idéologie mais qui y voient
l'opportunité de combattre l’Éthiopie dont ils ne supportent pas l'ingérence.
Ce contexte explique la montée en puissance du groupe terroriste qui, entre 2011 et 2012, contrôlera
presque tout le Sud de la Somalie y compris la capitale. Le Kenya intervient a priori à la demande
du gouvernement somalien. En réalité, le Kenya espère avoir la mainmise sur une partie du
territoire somalien.
L'opération sera un succès puisque Al-Shabab sera repoussé de la plupart des centres urbains mais il
reste très présent dans les zones rurales à partir desquelles il prépare des actions de guérilla et des
attentats (attaque de l’université de Garissa au Kenya le 2 Avril 2015 – 148 morts ; attaque dans un
hôtel de Mogadiscio le 20 Août 2022 – 13 morts).

UNE REGION MENACEE PAR LA PIRATERIE : le Golfe d'Aden

Ayant le plus long littoral d'Afrique continentale, le Golfe d'Aden se situe entre le continent africain
et la péninsule arabique. Il est relié à la Mer Rouge à l'Ouest par le détroit de Bab el Mandeb et à la
Mer d'Oman à l'Est. Les États qui se trouvent le long de son littoral sont le Yémen au Nord, la
Somalie au Sud et Djibouti à l'Est.
Depuis longtemps, les actes de piraterie dans le golfe d’Aden, au large de la Corne de l’Afrique et
dans l’océan Indien minent les efforts humanitaires internationaux déployés en Afrique et mettent
en péril la sécurité de l’une des routes maritimes les plus importantes et les plus fréquentées au
monde, qui constitue la voie d’accès au canal de Suez.
En effet, après l'effondrement du gouvernement somalien en 1991, des cas de pêche illégale par des
navires étrangers se sont multipliés. Sans la protection de leurs eaux territoriales par la marine
somalienne dissoute, les villages côtiers ont pris les armes pour protéger leurs zones.
Cependant, cela s’est transformé en une entreprise lucrative, les rançons rapportant d’énormes
sommes d’argent à la nation. Très vite, cette région est devenue un foyer de piraterie et de
détournements, le Puntland étant par ailleurs devenu une base arrière pour les pirates. Au fil du
temps, le niveau de technologie et de planification avec lequel ces détournements ont eu lieu a
suscité des inquiétudes.

Quelques exemples de détournements importants dans la région :

 Le meurtre d’un marin chinois à la fin des années 2000 parce que les demandes de
rançon n’étaient pas satisfaites : adoption d'une résolution par les Nations Unies autorisant
les pays naviguant dans la région à collaborer et à réprimer les actes de piraterie ».
 Le Maersk Alabama, navire immatriculé sous pavillon américain, a été détourné en
2009 par 4 pirates somaliens conduisant à une confrontation avec les forces navales des
États-Unis : le détournement d’un grand navire qui transportait de l’aide humanitaire en
Somalie a sensibilisé le public aux dangers de la navigation dans cette région.
 Le pétrolier Aris 13, navire des Emirats arabes unis, a été détourné en route vers
Mogadiscio depuis Djibouti en 2017.

Les actes de piraterie dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie sont ainsi devenus un problème
sécuritaire majeur, aux graves conséquences économiques et humaines pour la région, l’Europe et le
monde entier, en témoigne l’implication de pays comme la Russie, la Chine, la Malaisie ou l’Inde,
peu coutumiers, ces dernières années, d’interventions navales lointaines.
La communauté internationale s’est donc mobilisée. Les moyens déployés sur zone n'ont ainsi fait
que se renforcer : outre la force ATALANTA de l’UE (mobilisée depuis 2008), première coalition
internationale ayant un mandat spécifique de lutte contre la piraterie, et le déploiement, sous
pavillon national, de bâtiments de nombreux pays, on a assisté à la création, sur proposition des
États-Unis, de la Task Force 151 au sein d’une coalition de circonstance de plusieurs pays décidés à
lutter ensemble contre la piraterie. A partir de 2008, l’OTAN s'est engagé dans la région en dirigeant
l'opération Ocean Shield qui a grandement contribué à dissuader et à déjouer les actes de piraterie.
Si cette opération a pris fin en 2016, l'OTAN est resté engagée dans la lutte contre la piraterie du
Golfe d'Aden.
Ces différentes opérations ont été couronné de succès puisqu'en 2020, il n'y a pas eu d'actes de
piraterie au large de la Somalie. En ce sens, Mogadiscio s'est opposée à la prolongation de
l'opération ATALANTA. Ainsi, les navires de ce dispositif ne sont plus autorisés à approcher les
côtes somaliennes depuis Mars 2022.
Toutefois, la piraterie est encore considérée comme une menace latente plutôt que comme une
menace totalement supprimée.

UNE REGION AFFECTEE PAR LA SECHERESSE ET LA FAMINE

Quatre saisons de pluies défaillantes depuis fin 2020 ont provoqué la pire sécheresse depuis au
moins 40 ans dans la Corne de l'Afrique. En Somalie et en Éthiopie plus particulièrement, les
habitants vivent dans des conditions proches de la famine.
L'Éthiopie est actuellement confrontée à deux situations d'urgence parallèles, qui aggravent les
niveaux d'insécurité alimentaire dans le pays. Plus d'un an après le début du conflit, plus de
personnes que jamais ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence dans le nord de l'Éthiopie.

 13 millions de personnes dans les régions du Tigré, d'Afar et d'Amhara ont besoin d'une aide
alimentaire en conséquence directe du conflit : 4,8 millions de personnes dans le Tigré, 7
millions dans l'Amhara et 1,2 millions dans l'Afar.
 Pendant ce temps, le pays connaît les conditions les plus sèches enregistrées depuis 1981,
avec une grave sécheresse laissant environ 7,4 millions de personnes à travers le pays
confrontées à une grave faim au cours du premier trimestre de 2022. Les pénuries d'eau et de
pâturages dévastent les moyens de subsistance, forçant les familles à quitter leurs foyers.
Les pluies saisonnières en mars et avril ont été bien inférieures à la normale et n'ont pas
reconstitué les ressources en eau. En conséquence, la situation d'insécurité alimentaire
devrait persister en raison d'une récolte insuffisante. Près de 300 000 personnes ont migré à
la recherche d'eau et de pâturages pour leur bétail - mais au moins 2,1 millions de têtes de
bétail ont déjà péri et 10 millions supplémentaires sont en danger. En outre, plus d'un demi-
million d'élèves ont manqué l'école, soit en raison de fermetures d'écoles, soit parce que
leurs familles en ont besoin pour générer des revenus ou s'occuper du bétail.

Actions du Programme alimentaire mondial :

 Distribution de paniers alimentaires (8,4 millions).


 Aide alimentaire d'urgence.
 Actions d'anticipation.

 Pour apporter une réponse complète à la sécheress, le PAM a besoin de 281 millions de
dollars.

La Somalie fait face à une faim catastrophique, le pays étant dévasté par la sécheresse extrême qui
s'aggrave dans la Corne de l'Afrique.
Au total, 7,1 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans les
conditions les plus sèches en 40 ans, après trois saisons des pluies consécutives ratées. La
sécheresse aggrave les effets d'autres chocs climatiques récurrents, de l'insécurité et de l'instabilité
persistantes. Un total de 1,5 million d'enfants de moins de 5 ans sont confrontés à la malnutrition
aiguë ; 386 000 d'entre eux souffrent de malnutrition sévère et risquent de mourir sans traitement
immédiat. Plus d'un million de personnes ont été déplacées par la sécheresse, dont 750 000 cette
année seulement.
La famine pourrait éclater dans quelques semaines dans certaines régions si le bétail et les cultures
continuent de mourir et si la flambée des prix continue de détruire le pouvoir d'achat. La dernière
famine déclarée en Somalie, en 2011, a tué un quart de million de personnes.

 Le PAM a besoin de 327 millions de dollars jusqu'en janvier 2023 pour éviter une
catastrophe humanitaire.

Ces épisodes de sécheresses présentent également des risques particuliers pour les enfants et les
femmes. En effet, durant les périodes de famine, ces derniers se voient contraints de travailler.
Quinze millions d’enfants sont désormais déscolarisés dans la Corne de l’Afrique et 3,3 millions
d’enfants supplémentaires risquent d’abandonner l’école en raison de la sécheresse;Les jeunes filles
sont mariées afin que la famille ait une bouche en moins à nourrir. En Éthiopie, selon des sources
gouvernementales locales, les mariages d’enfants ont augmenté en moyenne de 119% dans les
régions les plus touchées par la sécheresse entre janvier et avril 2021 et la même période en 2022.
Lors d’une évaluation réalisée en janvier au Somaliland, près d’un quart des personnes interrogées
ont signalé une augmentation de la violence sexiste due à la sécheresse, notamment le mariage
d’enfants, la violence domestique et la violence sexuelle, avec des augmentations de plus de 50%
dans certains endroits. Une autre évaluation des besoins humanitaires au Puntland en février a
révélé que le mariage d’enfants représentait 59% des cas.

Cette catastrophe crée également des déplacements d'ampleur considérable au sein de la Corne. On
recense 3,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays en Somalie et 4,2 millions en
Éthiopie, en plus de 800 000 réfugiés.

II- UN TERRITOIRE INFLUENT SUR LA SCENE INTERNATIONALE

UNE REGION AU CENTRE DES ECHANGES COMMERCIAUX MONDIAUX

UN CARREFOUR ENTRE PAYS DU GOLFE ET PAYS AFRICAINS

La Corne de l'Afrique est un point de passage des échanges notamment entre les pays du Golfe et
les pays africains de la région des grands lacs (Rwanda, Burundi et République démocratique).
Outre cette situation géographique avantageuse, sa situation politique notamment en Somalie fait
que tous ses échanges ne font l'objet de presque aucune taxe. Une aubaine pour les importaeurs et
les exportateurs. Il est vrai que seules une partie de la population bénéficie de ce système. Toutefois,
il permet de dynamiser l'économie.

UN ACCES PRIVILEGIE A LA MER ROUGE

Longue de 2 000 km pour une largeur maximal de 300 km, la Mer Rouge voit passer une part
importante du commerce mondial et est le théâtre d'appétits accrus des puissances riveraines et
régionales. Cette mer se caractérise, à ses extrémités, par deux détroits qui la relient à la
Méditerranée et à l'Océan Indien. Au Nord, le canal de Suez est l'une des principales ressources de
l’Égypte tandis qu'au Sud, le détroit de Bab el Mandeb est le quatrième détroit le plus fréquenté au
monde. Il voit passer plus de 6 millions de barils de pétrole par jour soit 9% du trafic mondial
d'hydrocarbures tant vers l'Ouest que vers l'Asie. C'est ce dernier détroit qui va retenir plus
particulièrement notre attention dans le cadre de cette présentation. Cet mer intracontinentale est à
la fois bordée par des pays de la péninsule arabique (Israël, Jordanie, Arabie Saoudite et Yémen) et
par des pays africains (Égypte, Soudan, Érythrée, Djibouti et Somalie). Dès lors, on ne peut que
constater la position stratégique de la Corne qui dispose d'un accès privilégié à cet Mer. Consciente
de cet avantage, Djibouti a cherché à s'imposer dans cette zone.
En effet, à partir des années 2000, le Président de la République de Djibouti, Ismail Omar Guelleh,
ouvre le pays aux investissements étrangers notamment dans les infrastructures portuaires. A partir
de là, les investissements en provenance d'Asie et du Golfe ne vont cesser de se multiplier. Le port
international de Djibouti s'agrandit et devient l'un des plus importants du continent africain.
Par ailleurs, l'indépendance de l’Érythrée puis la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée ont fait de
Djibouti le principal port pour les échanges commerciaux en provenance de l’Éthiopie : 95% des
exportations et 80% des importations éthiopiennes transitent par Djibouti.
La Chine multiplie également les investissements infra-structurels dans la région au cours des
années 2000. Le lancement du projet des nouvelles routes de la soie a en effet démultiplié ces
derniers. Depuis 2012, la Chine a investi plus de 14 milliards de dollars à Djibouti notamment à
travers l'extension et la modernisation du port, la construction de la ligne de chemin de fer
Djibouti/Addis-Abeba et le projet de construction d'un oléoduc et d'un gazoduc entre Djibouti et
Addis-Abeba. La chine possède aujourd'hui plus de 70% de la dette djiboutienne.
En 2019, la Chine est le premier fournisseur de Djibouti (36,3% des importations) et son cinquième
client (2,9% des exportations).
Boosté par la modernisation du port, les investissements étrangers et l'explosion des échanges
commerciaux maritimes, la situation économique de Djibouti s'est grandement amélioré (550
millions de dollars en 2000 contre 3,4 milliards de dollars en 20020 soit un PIB multiplié par 7). Ce
développement est cependant très inégalitaire puisque plus de 70% de la population de Djibouti vit
aujourd'hui avec moins de 3 dollars.
Néanmoins, de nouveaux acteurs font irruption pour prendre le contrôle de la Mer rouge menaçant
ainsi l'avantage de la Corne. En effet, en 2021, l'Arabie Saoudite a rendu public le projet de
construction du plus grand complexe industriel flottant au monde connu sous le nom d'Oxagon. La
création de cette rive alternative permettrait ainsi à l'Arabie Saoudite de s'affranchir des détroits
d'Ormuz et de Bab el Mandeb.
En raison de son caractère éminemment stratégique entre Asie et Europe, la Mer rouge est un enjeu
majeur tant pour les puissances mondiales que locales et demeure vitale sur le plan de leurs
économies mais également pour leur liberté de manœuvre militaire.

UNE REGION AU COEUR DES STRATEGIES MILITAIRES INTERNATIONALES

Djibouti est le centre d’une lutte internationale d’influence sans précédent pour y obtenir des
facilités portuaires. Djibouti accueille ainsi une base française depuis son indépendance en 1977 (1
400 soldats) et, depuis 2002, une base américaine dans le cadre de la lutte contre la piraterie et le
terrorisme (4 000 soldats). La lutte contre la piraterie somalienne, à partir de 2008, a conduit
plusieurs autres pays à s’installer à Djibouti, à l’instar du Japon en 2011 et de l'Italie en 2012. Les
armées allemandes et espagnoles disposent également de facilités militaires dans le pays. Toutefois,
c’est l’ouverture d’une base chinoise à Djibouti, en août 2017, en soutien des flottes anti-piraterie
chinoises qui marque une rupture géopolitique majeure. Elle propulse Pékin dans la course à
l’influence stratégique dans cette partie du monde, en particulier vis-à-vis de l’Occident. Cette base
chinoise de Djibouti abrite 400 militaires mais ses effectifs pourraient être décuplés d’ici 2026 avec
des facilités portuaires en eaux profondes. À terme, cette base pourrait être capable d’accueillir 10
000 hommes. En 2016, Djibouti a également passé en accord avec l'Arabie Saoudite pour
l'installation d'une future base militaire. La location de l'ensemble de ces structures rapporte environ
170 millions de dollars à Djibouti soit 10% du budget national et lui donne une influence supérieure
à sa taille et à sa population.
Dans le cadre de leurs opérations au Yémen, les Émirats arabes unis se sont adossés à des points
d’appui solides sur les côtes africaines, tels qu’Assab en Érythrée et Berbera au Somaliland. En
outre, l’île de Mayyun, au milieu du détroit de Bab el Mandeb, ainsi que Socotra, au large de la
Corne de l’Afrique, sont devenus des points où la présence émirienne, en appui des forces locales,
est recensée.
La Turquie a de son côté investi sur la Somalie, en périphérie de la mer Rouge, mais à proximité des
routes maritimes y conduisant. Ankara a implanté, en Septembre 2017, une base militaire
accueillant 200 hommes chargés d’entraîner l’armée somalienne à Mogadiscio.
Outre l'apect purement militaire, les bases militaires permettent aux différentes forces en présence
d'exercer une surveillance de la Corne notamment s'agissant des conflits (Tigré).

UNE REDECOUVERTE DU POTENTIEL HYDRO-ELECTRIQUE DE LA CORNE

S'écoulant sur 6 700 km à travers le continent africain, le Nil est le deuxième fleuve du monde après
l'Amazone. Il est souvent associé à l’Égypte pourtant il compte dix pays riverains dont le Soudan, le
Soudan du Sud, l’Éthiopie où un de ses bras, le Nil bleu prend sa source ou encore l'Ouganda où
son autre bras, le Nil blanc s'écoule depuis les eux du lac Victoria.
Les pharaons ont fait du fleuve le cœur de la puissance égyptienne n'acceptant d'en partager les
ressources qu'avec le Soudan voisin. Lorsqu'il accède à l'indépendance en 1956, le Soudan signe en
effet avec l’Égypte un accord prévoyant une répartition du débit du fleuve entre les deux pays (75%
pour l’Égypte et 25% pour le Soudant). Les éventuels besoins des autres États traversés par le Nil
en amont n'étaient alors pas pris en compte. Toutefois, ce leadership Égyptien sur le Nil est
aujourd'hui remis en cause. L’Éthiopie a en effet bien l'intention de profiter du fleuve pour
augmenter sa croissance et son dynamisme économique. Berceau du Nil bleu ainsi que de deux de
ses affluents majeurs, l'Atbara et le Sobat, l’Éthiopie fournit 86% du débit du Nil. Pourtant, les
conflits à répétition dans la région, ont conduit les autorités à délaisser cette ressource naturelle
jusqu'en 2010 date à laquelle Meles Zenawi devient Premier ministre. Ce dernier est tout à fait
conscient du potentiel hydro-électrique des fleuves du pays. Il lance une fronde contre le monopole
égypto-soudanais en signant un accord avec le Kenya, l'Ouganda, le Burundi, le Rwanda et la
Tanzanie. Il déplace de fait la géopolitique du fleuve en amont.
En 2011, profitant de la révolution en Égypte qui contraindra Hosni Moubarak à quitter le pouvoir,
l’Éthiopie lance un projet : la construction du Barrage de la renaissance. Avec une capacité de
stockage de 63 milliards de m3 d'eau, il s'agira de l'un des plus grands au monde et le premier sur le
contient africain. L’Éthiopie compte sur une capacité de 6 450 MW dont 1/3 est destiné à la revente.
Néanmoins, le remplissage de cette réserve d'eau a des conséquences importantes sur le débit de
l'eau en aval. La durée du remplissage est ainsi devenu un enjeu crucial pour le Soudan et l’Égypte.
En effet, un remplissage d'ici 3 à 5 ans comme le souhaite l’Éthiopie entraînerait une réduction de la
surface agricole en Égypte de 67% par an. L’Égypte et le Soudan prônent donc un remplissage plus
long sur 21 ans permettant de ne réduire la surface agricole que de 2,5% par an.

UNE REGION PRESENTE AU SEIN DES ORGANISATIONS REGIONALE ET


INTERNATIONALE

IGAD

Créé en 1986 en réponse aux nombreuses catastrophes climatiques, l'Autorité intergouvernementale


pour le développement (IGAD) est un groupement régional regroupant huit pays de est-africains :
Djibouti, Éthiopie, Somalie, Kenya, Soudan, Soudan du Sud et Ouganda. L’Érythrée avait rejoint
l'organisation en 1993 avant de la quitter en 2007 et de la réintégrer en 2018. Elle a pour objectif de
mettre en œuvre la coopération régionale et l'intégration économique entre les États membres. La
stratégie régionale globale de l'IGAD (2021-2025) est axé sur cinq domaines de coopération :

Pilier 1 : Agriculture, ressources naturelles et environnement.


Pilier 2 : Coopération économique et intégration régionale.
Pilier 3 : Santé et développement social.
Pilier 4 : Paix et sécurité.
Pilier 5 : Services de développement d'entreprise.

UA

L’Union africaine (UA) est une organisation continentale à laquelle ont adhéré les 55 États membres
qui composent les pays du continent africain. Elle a été officiellement fondée en 2002 pour prendre
le relais de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA, 1963-1999). Elle comprend les 4 États de la
Corne : Djibouti (1977), Érythrée (1993), Éthiopie (1963), Somalie (1963).
Ses buts sont d’œuvrer à la promotion de la démocratie, des droits humains et du développement à
travers l'Afrique surtout par l'augmentation des investissements extérieurs par l'intermédiaire du
programme du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD).
Son siège se situe par ailleurs à Addis-Abeba. En effet à la création de l'OUA, le chef d’État
éthiopien, Hailé Sélassié, a milité pour que son pays accueille le siège de la future organisation
inter-étatique. Il s'agit d'un moyen d'atteindre ses ambitions de puissance continentale et d'asseoir le
poids stratégique de son État dans la région.

ONU

L'Organisation des Nations unies est une organisation internationale regroupant 193 États membres.
Instituée en 1945 par la ratification de la Charte des Nations Unies, elle a pour objectifs principaux
le maintien de la paix et la sécurité internationale. Elle promeut ainsi les droits de l'Homme, la
fourniture de l'aide humanitaire, le développement durable et la garantie du droit international.
Les quatre États de la Corne sont au sein de l'ONU : Djibouti (1977), Érythrée (1993), Éthiopie
(1945), Somalie (1960). En 2019, l’Éthiopie était le plus grand contributeur de militaires aux
opérations de maintien de la paix de l'ONU.

LIMITES

Toutefois, les organisations internationales n'ont pas véritablement de poids dans les conflits de al
région. L'intervention de ces diverses organisations semblent paralysées en raison de l'importance
que joue l’Éthiopie dans ces dernières. En effet, au niveau de l'IGAD, l’Éthiopie contrôle de
nombreux organes et qui refusait de voir se résoudre des conflits qui n'allaient pas dans son intérêt.
Cela a été le cas s'agissant du conflit opposant l’Éthiopie et l’Érythrée c'est d'ailleurs pourquoi
l’Érythrée s'était retirée de l'IGAD considérant que l'organisation était partiale. En outre le nombre
de troupes militaires engagées comme casques bleus permet à l’Éthiopie d'exercer une sorte de
pression au sein de l'ONU. En effet, le dirigeant éthiopien n'a pas hésité à menacer de retirer ses
troupes afin de pouvoir négocier sur la scène internationale.

PRIX NOBEL DE LA PAIX

Il est également intéressant que le prix Nobel de la paix pour l'année 2019 a été décerné au Premier
ministre éthiopien Abiy Ahmed pour ses efforts en faveur de la paix et de la coopération
internationale, et en particulier pour son initiative décisive visant à résoudre le conflit frontalier
avec l’Érythrée voisin. Le dirigieant éthiopien est pourtant au coeur de la controverse s'agissant du
conflit avec le Tigré.

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