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de renforts biosourcés
Matthieu Fumagalli
Présentée par
Matthieu FUMAGALLI
Elaboration et caractérisation
de nanocomposites à base de
renforts biosourcés
Thèse soutenue publiquement le « le 31 janvier 2013 »,
devant le jury composé de :
Madame Catherine GAUTHIER
Professeur, UMR 5510 MATEIS, INSA, Lyon (Rapporteur)
Monsieur Jacques PERSELLO
Professeur, UMR 7336 LPMC, Nice (Rapporteur)
Monsieur Alain BULEON
Directeur de recherche, Unité BIA, INRA, Nantes (Examinateur)
Monsieur Sylvain COTTAZ
Professeur, UPR 5301 CERMAV, Grenoble (Examinateur)
Madame Sonia MOLINA-BOISSEAU
Maitre de conférences, UPR 5301 CERMAV, Grenoble (Directrice de thèse)
Monsieur Laurent HEUX
Directeur de recherche, UPR 5301 CERMAV, Grenoble (Directeur de thèse)
Ces travaux de thèse se sont déroulés au centre de recherche sur les macromolécules végétales
dirigé par le Dr Redouane Borsali, que je remercie de m’avoir accueilli au sein de l’unité.
Je remercie le professeur Sylvain Cottaz, président du jury de thèse, les professeurs Catherine
Gauthier et Jacques Persello, rapporteurs et le Dr Alain Buléon, examinateur, d’avoir accepté
d’évaluer ces travaux. Je tiens à leur exprimer toute ma gratitude pour m’avoir permis de bénéficier
de leurs analyses et expertises respectives. Les points abordés dans les rapports, et au cours de la
discussion lors de la soutenance, ont ainsi permis d’enrichir considérablement ma compréhension
des enjeux et des perspectives associés à ces travaux . Je remercie également le Dr Jérôme Bibette et
le Dr Sébastien Fort pour leur participation au comité de suivi de thèse.
Je remercie la société Michelin qui a financé ce projet dans le cadre d’une collaboration avec le
laboratoire, qui s’est également traduite par un investissement important concernant la
structuration et le pilotage du projet, ainsi que l’expertise scientifique attenante à l’élaboration des
matériaux. Je remercie ainsi Benoit de Gaudemaris, Anne Veyland et Julien Berriot pour leur
disponibilité et leur aide tout au long du projet. Il a notamment été très enrichissant de bénéficier de
leur éclairage sur les problématiques industrielles.
Je tiens ici à témoigner tout ma gratitude à mes deux directeurs de thèse, Sonia Molina Boisseau et
Laurent Heux. Votre disponibilité, votre aide, votre expérience et vos expertises scientifiques
respectives ont été autant d’ingrédients me permettant de franchir les différentes étapes qui
accompagnent l’apprentissage du métier de chercheur et l’aboutissement d’un projet de thèse. Je
garde de cette expérience un gout prononcé pour ce métier et de très bons souvenirs de nos
échanges tout au long de la thèse.
Merci également pour leur aide aux personnes en charge des aspects administratifs, Isabelle Caldara
et Martine Morales au CERMAV, et Martine Andanson à Ladoux.
L’avancement du projet a révélé de nombreuses zones d’intérêts s’écartant de la trame initiale, et j’ai
eu la chance et le plaisir de travailler avec plusieurs stagiaires sur certains de ces points. Merci à
Djamila Ouhab pour tout le travail réalisé sur l’étude du procédé en phase gaz, à Francisco Sanchez,
qui a poursuivi avec l’étude de divers réactifs et la mise au point du greffage en phase liquide, à
Dorian Paleni, pour l’étude sur les suspensions colloïdales en milieu hydroalcoolique, et à Florian
Lahrouch, pour les tests de redispersions en solvant organiques.
J’ai également eu beaucoup de plaisir et d’intérêt à échanger sur des problématiques diverses et
variées avec de nombreux chercheurs de l’équipe Glycomat et du CERMAV, et je tiens notamment à
remercier Bruno J., Karim, Yoshi, Luca et Henri Chanzy.
Je remercie aussi l’ensemble de mes collègues pour tout les bons moments partagés au laboratoires
et les amitiés noués au cours de ces trois années, à commencer par les mousquetaires co-thésards de
l’équipe Firas, Antoine B. et Pan, suivi peu après par Antoine D. et maintenant Clélia. Merci aux
inoubliables post-doc que furent Bruno FP, Landry, Nathanael, Sabine, Axel et Aline pour leurs
enseignements en tout genre. Enfin, les escapades à travers les étages et couloirs laissent de très
bons souvenirs auprès de Camelia, Marion B. E, Alessandra, Tamiris, Daisuke, Nori, Yu, Alex,
Nathalie, Laurine, Anica, Géraldine, Agathe, Jing, Emilie H., Issei, Yoko, André, Marion P., Déborah,
Jimmy, et Christophe.
Enfin, les mots employés ne sauraient refléter ou restituer tout ce que projet te doit Jeanne. Plus
qu’un soutien, tu a été partie prenante de cette aventure dans son intégralité, m’insufflant en
permanence joie, bonheur, envie, créativité, et persévérance. Ma dette envers toi ne semble pouvoir
être acquittée, mais je ne cesserai de m’y employer à tes cotés.
ABREVIATIONS ............................................................................................................................................... 11
CHAPITRE 2 : MATERIAUX « PREUVE DE CONCEPT » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES SELON LEUR MORPHOLOGIE,
STRUCTURE, ET INTERFACE ..................................................................................................................................... 171
1. Objectif et stratégie expérimentale ................................................................................................... 171
2. Résultats ............................................................................................................................................ 173
2.1. Propriétés des charges .............................................................................................................................. 173
2.2. Suivi de la réticulation ............................................................................................................................... 174
2.3. Etat de dispersion ...................................................................................................................................... 177
2.4. Test de traction uniaxiale .......................................................................................................................... 184
2.5. Balayage en déformation par spectrométrie mécanique dynamique ....................................................... 188
3. Discussion .......................................................................................................................................... 192
4. Conclusion .......................................................................................................................................... 194
6PPD N-(1,3-diméthylbutyl)-N'-phényl-p-phénylènediamine
AE analyse élementaire
CMC carboxymethylcellulose
DMF diméthylformamide
DMSO diméthylsulfoxyde
DPG diphénylguanidine
DS degré de substitution
11
MEB (FEG) microscopie électronique à balayage (canon à émission de champ)
RMN (CPMAS) résonnance magnétique nucléaire (polarisation croisée et rotation à l’angle magique)
Si69 bis(3-triéthoxysilylpropyl)-tétrasulfane
St acide stéarique
TBA+ tétrabutylammonium
THF tetrahydrofurane
XG xyloglucane
12
Introduction générale
13
INTRODUCTION GENERALE
14
Il y a environ 1,2 milliard de pneus de tourisme vendus dans le monde par an, et il y en aura plus de 2
milliards en 2020. Ce produit de grande consommation associe sécurité, confort et un moindre
impact sur l’environnement, dépendant notamment de l’origine de ses matières premières, de sa
résistance au roulement, et de sa longévité (Daniel and Janin 2010). Les bandes de roulements sont
l’élément principal entrant dans la conception des pneumatiques. Ce sont des matériaux
nanocomposites, comprenant notamment une matrice élastomère réticulée et une charge
renforçante, dont les propriétés déterminent le compromis de performances des pneumatiques,
incluant la résistance au roulement, la résistance à l’usure et l’adhérence.
Une charge permettant le renforcement des élastomères doit réunir plusieurs caractéristiques, dont
une surface spécifique élevée (supérieure à 200 m²/cm3), une bonne dispersibilité au sein de la
matrice, et une capacité à former au moins une liaison forte avec la matrice par nm² de surface. Le
noir de carbone présente ces propriétés et est utilisé depuis plus d’un siècle comme charge
renforçante des bandes de roulement des pneumatiques. Dans les années 90, la société Michelin a
mis au point une nouvelle formulation de bande de roulement utilisant la silice comme charge
renforçante (Rauline 1992). C’est la naissance des pneus verts, caractérisés par une résistance au
roulement réduite pour des performances d’adhérence et de longévité identiques. Toutefois, cette
charge étant polaire, elle nécessite un agent de couplage afin de faciliter sa dispersion et d’assurer la
formation de liaisons charges matrices. Cette stratégie a ensuite pu être étendue plus récemment à
de nouvelles charges renforçantes inorganiques parmi lesquels le dioxyde titane (Custodero, Simonot
et al. 2000), les carbures (Simonot, Chartier et al. 2002) et nitrures de silicium (Simonot, Lapra et al.
2004), ou encore les alumines (Custodero, Simonot et al. 1999) et les aluminosilicates (Simonot,
Veyland et al. 2004).
15
INTRODUCTION GENERALE
Afin d’évaluer la faisabilité du renforcement d’élastomères par la nanocellulose, une stratégie a été
élaborée en considérant les spécificités des matériaux et de la charge, et en employant des
protocoles permettant de produire des lots conséquents. Les charges employées sont donc obtenues
sous forme de suspensions via des procédés connus et maîtrisés (traitement mécanique, hydrolyse
acide), et à partir de matières premières abondantes (bois, coton). Le séchage de ces suspensions
pour obtenir des aérogels est ensuite réalisé par lyophilisation. La modification de la surface des
charges est réalisée par estérification en voie gaz, afin de pouvoir travailler directement sur un
substrat sec, et d’avoir une forte réactivité sans employer de solvants organiques. Enfin, les
matériaux sont préparés par mélange en phase solide, et la caractérisation de l’état de dispersion est
réalisée par microscopie électronique en transmission (MET).
Au commencement du projet, plusieurs verrous techniques associés à cette stratégie ont été
identifiés. Ils comprennent les conditions de séchage de la suspension de nanocellulose afin d’obtenir
une haute surface spécifique, le contrôle du procédé de greffage de la nanocellulose et de
l’avancement de la réaction, la synthèse d’un agent de couplage et son greffage sur la nanocellulose,
la caractérisation de l’interface des charges, et la caractérisation de l’état de dispersion au sein des
matériaux.
Le manuscrit se divise ainsi en trois parties, afin de présenter les résultats successivement obtenus
sur la préparation des aérogels de cellulose, leur modification chimique, et leur emploi comme
charge renforçante.
L’intégralité des protocoles et équipements employés pendant le projet sont rappelés dans une
annexe divisée en trois sous parties correspondantes aux trois sections du manuscrit.
17
INTRODUCTION GENERALE
18
Partie I
Suspensions et aérogels de
nanocellulose
19
20
Chapitre 1 : Bibliographie
1. Cellulose
1.1. Historique et contexte
La cellulose est la principale ressource issue de la biomasse, et la macromolécule la plus abondante
de notre environnement. Elle est le constituant majoritaire des parois des cellules végétales des
plantes terrestres, au sein desquelles elle est associée à d’autres polysaccharides (hémicellulose,
pectine) et à des lignines. Elle peut également être produite à l’état de fibre quasiment pure par
certains végétaux (chanvre, lin, coton), et de manière plus marginale par des organismes marins
(tunicier), ou des bactéries (acetobacter xilynium). Enfin de nombreuses algues contiennent
également de la cellulose (Valonia, Cladophora….).
La cellulose est omniprésente dans notre quotidien, nous fournissant de l’énergie et des matériaux
de construction sous forme de bois, des supports d’impressions et des emballages après
transformation en pâte à papier, des fibres textiles naturelles ou artificielles après dissolution et
régénération (viscose, rayonne), ou encore des matériaux plastiques après modification (acétates,
ethers, nitrates).
De nos jours, cette ressource suscite un fort intérêt pour de nouvelles applications. Parmi les sujets
d’actualité figure le concept de bioraffinerie en vue de l’obtention de nouveaux synthons et de
combustibles biosourcés, de l’utilisation des fibres naturelles dans le domaine des composites, mais
aussi de l’obtention de nanoparticules pour le domaine des matériaux et des colloïdes. Dans le cadre
de nos travaux, nous nous intéressons plus particulièrement à ce dernier champ, en considérant dans
un premier temps la structure moléculaire, la biosynthèse, et la structure supramoléculaire de ce
composé.
6 6
3 2 1 4 3 2 1 4
5 5
5 2 5 2
4 3 1 4 6 3 1
6
DP/2 - 2
Extrémité Cellobiose : Extrémité
non-réductrice 2 unités anhydroglucopyranose réductrice
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Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
Cette macromolécule est obtenue par assemblage enzymatique des précurseurs au sein de
complexes terminaux contenant les enzymes de synthèses (cellulose synthase), qui s’apparentent à
une extrudeuse moléculaire conduisant à la formation et à l’assemblage cristallin extracellulaire de la
cellulose sous forme de microfibrilles (Figure 2a). Les dimensions latérales et la morphologie de cette
microfibrille vont dépendre des caractéristiques de ce complexe, qui varient selon l’organisme
biologique (Figure 2b) et la fonction de l’assemblage qu’elles intègrent (paroi primaire, paroi
secondaire, exosquelette…).
Figure 2: Schéma de biosynthèse de microfibrille de cellulose (Vincent 2002) (a). Dimensions latérales des microfibrilles de
cellulose selon l’organisme de biosynthèse (b).
La structure cristalline de la microfibrille de cellulose est stabilisée par les nombreuses liaisons
hydrogènes inter et intra-chaînes pouvant se former entre les fonctions hydroxyles portées par les
unités D-glucosyles. Cette structure, appelée cellulose I ou cellulose native, comportent deux
allomorphes, Iα et Iβ (Figure 3), dont la structure détaillée a été récemment obtenue par diffraction
de rayonnement (Nishiyama, Langan et al. 2002; Nishiyama, Sugiyama et al. 2003). La structure Iβ est
thermodynamiquement stable et majoritaire au sein du bois et du coton, la composition en
allomorphe étant spécifique de l’organisme de biosynthèse.
Iα
Iβ
Le monocristal de cellulose obtenu à la sortie des complexes terminaux peut contenir des défauts,
alors assimilés à des zones amorphes (Figure 4). Dans la littérature, il est généralement considéré
que ces zones amorphes sont distribuées de manière périodique tout au long de la microfibrille
(Nishiyama, Kim et al. 2003; Nishiyama 2009).
Les microfibrilles de cellulose, véritables briques unitaires structurales monocristallines, sont ensuite
assemblées de manière hiérarchique sous forme de fibrilles, elles-mêmes associées au sein d’une
paroi cellulaire (Figure 5). Elles sont alors associées à d’autres composés pouvant être des
polysaccharides (hémicelluloses, pectines) et des molécules polyaromatiques (lignine).
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Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
2. Nanocellulose
Ce nanocristal anisotrope de 3 à 20 nanomètres de section qui constitue l’unité structurale de la
cellulose est communément appelé nanocellulose. Nous nous intéressons aux procédés
d’individualisation de ces objets piégés au sein de la structure hiérarchique biologique, ainsi qu’aux
propriétés de leur suspension dans l’eau. Deux catégories sont distinguées parmi ces objets (Figure
5), les microfibrilles de cellulose (MFC), obtenues par traitement mécanique, et qui correspondent à
des objets de longueurs non définies, et les nanocristaux de cellulose (CNC), obtenus par traitement
chimique qui sont des objets de dimensions finies.
Figure 5: Structure hiérarchique du bois (à gauche) et transformation en nanocellulose (à droite) (Ikkala, Ras et al. 2009).
section mesurant 3 à 5 nm, les fibrilles, agrégats de quelques microfibrilles avec une section de 15 à
20 nm, et éventuellement des zones mal défibrillées avec des dimensions pouvant dépasser 100 nm
(Figure 6).
Figure 6: Observation en microscopie électronique à transmission (TEM) de MFC de betterave (Dinand, Chanzy et al. 1999)
Figure 7: Equipements permettant l’obtention de MFC par traitement mécanique (Lavoine, Desloges et al. 2012)
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Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
D’autres auteurs ont introduit des charges à la surface du substrat par carboxyméthylation avant de
réaliser un passage au sein d’un microfluidiseur (Wagberg, Decher et al. 2008). Ils obtiennent en
suspension des objets de sections comprises entre 5 et 15 nm (MFC CMC Figure 8b).
Figure 8: Observations TEM de MFC enzyme (Pääkkö, Ankerfors et al. 2007) (a), MFC CMC (Wagberg, Decher et al. 2008) (b),
MFC TEMPO (Saito, Nishiyama et al. 2006) (c)
dont l’exposant est proche de 3. Cette valeur a été interprétée dans le cadre d’un développement
théorique spécifique (Hill 2008).
Lorsque le procédé de préparation des MFC conduit à l’introduction de charges via un prétraitement
chimique, la stabilité des suspensions est liée à l’existence d’une force de répulsion électrostatique.
Pour les microfibrilles obtenues après carboxyméthylation (MFC CMC), il a été observé que la
floculation des particules (ou la gélification en régime semi dilué) apparaît lorsque le pH est faible, ou
lorsque la force ionique est forte. Ce comportement peut être décrit par un potentiel d’interaction
entre particules modulant la répulsion électrostatique en fonction de ces deux paramètres (Fall,
Lindstrom et al. 2011). Pour les microfibrilles obtenues après oxydation (MFC TEMPO), la réduction
du pH conduit également à la formation d’un gel, en raison de la protonation des groupements
carboxyliques à la surface, et donc de la disparition de la répulsion électrostatique entre les objets
(Saito, Uematsu et al. 2011). Ainsi, pour une suspension à 0,1% p/p et à pH=2, un solide élastique
avec des niveaux de modules supérieurs à ceux de l’agarose et nettement plus important que ceux
précédemment observés sur MFC enzyme (à 1%, 100 fois plus grand) est obtenu. La dépendance en
concentration est forte, et suit une loi de puissance avec un exposant critique de 2,5. Sur ce système,
l’auteur a également évalué la dispersibilité du substrat dans différents solvants qui est notamment
effective dans le DMF (Okita, Fujisawa et al. 2010).
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Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
Figure 9: Observations TEM et dimensions mesurées de CNC obtenus par hydrolyse à l’acide sulfurique de coton (Cot 63, a),
de bois (Avi 72, b), et de tunicier (Tun 55, c) (Elazzouzi-Hafraoui, Nishiyama et al. 2007)
Outre les principales sources de cellulose précédemment citées (fibre de coton, pâte de bois), cette
approche peut être transposée à d’autres ressources issues de la biomasse après l’élimination des
constituants non cellulosiques présents tel que les hémicelluloses, les pectines et les lignines. Le sisal,
le bambou, ou la ramie ont notamment été employés (Habibi, Lucia et al. 2010; Brito, Pereira et al.
2012).
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Chapitre I : BIBLIOGRAPHIE
Figure 10: Cristal liquide cholestérique de CNC (à gauche) et diagramme de phase de la transition (à droite)
Cet état colloïdal stable des CNC est obtenu dans l’eau, et, en raison de la disparition de la répulsion
électrostatique, il ne peut pas être transposé dans la plupart des solvants apolaires, sauf en cas de
modification de l’interface. Il a toutefois été observé que les CNC sulfatés sont redispersibles dans
quelques solvants moins polaire que l’eau, dont le DMSO et le DMF (Samir, Alloin et al. 2004; Van
den Berg, Capadona et al. 2007; Viet, Beck-Candanedo et al. 2007). Une dispersion stable peut
également être obtenue dans certains solvants protiques, qui ont alors la capacité de limiter les
liaisons hydrogènes inter CNC (acide formique, m cresol), et ce même s’il n’y a pas de charge à la
surface des CNC (Van den Berg, Capadona et al. 2007).
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Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
3. Aérogels
Précédemment nous avons décrit la nanocellulose, sa structure, ses voies d’obtention et son
comportement en suspension, nous nous intéressons maintenant à la préparation de formes sèches
de ce substrat, que nous appelons aérogel. Nous allons tout d’abord décrire ce que recouvre la
notion d’aérogel dans ce contexte, avant d’étudier la problématique du protocole de séchage.
Finalement, nous rappelons les principaux travaux existants dans la littérature sur la préparation
d’aérogel de nanocellulose.
Bien que cela ne soit précisément formulé dans la littérature, par analogie avec d’autres matériaux
comme la silice, nous pouvons définir la structure de ce type de matériau en considérant les
différentes échelles allant des distances atomiques aux dimensions macroscopiques. Pour les
aérogels de nanocellulose, nous définirons plus particulièrement trois niveaux de structure à
l’échelle mésoscopique que nous appelons structure primaire, secondaire et tertiaire. La structure
primaire correspond aux dimensions de la microfibrille dépendante de l’organisme de biosynthèse.
La structure secondaire correspond aux dimensions de la nanocellulose en suspension qui peut
résulter de l’association de plusieurs unités primaires selon le protocole de préparation. Enfin la
structure tertiaire correspond aux dimensions locales de la forme sèche, qui peut également résulter
de l’association d’unités secondaires, selon le protocole de séchage.
Afin de caractériser ces matériaux à l’échelle des structures que nous venons de définir, deux
principales techniques sont employées. La microscopie électronique en balayage (MEB) donne une
information qualitative sur la morphologie des structures. La mesure d’isotherme d’adsorption
permet peut fournir plusieurs informations quantitative en sondant la surface des structures. La
surface sondée dépend alors de la nature du gaz employé. Dans le cas de la cellulose, l’adsorption
d’eau est sensible à la surface de la structure primaire, alors que l’adsorption d’azote sonde la
surface des structures tertiaires (Mihranyan, Llagostera et al. 2004) (Figure 11).
Figure 11: Niveau de structure de l’aérogel sondé selon la nature du gaz. Azote (a), vapeur d’eau (b). (Mihranyan, Llagostera
et al. 2004)
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Chapitre I : BIBLIOGRAPHIE
La mesure de la surface spécifique à l’aide du modèle BET (cf. matériaux et méthodes) est
l’exploitation la plus fréquente. D’autres modèles permettent de s’intéresser à la présence de
mésopores (<50 nm) entre les structures locales, et de sonder la distribution en énergie de surface
(Robitzer, Renzo et al. 2011).
Figure 12: Procédé de séchage d’une suspension. Lyophilisation (a), évaporation (b) et séchage supercritique (c)
- Lyophilisation. Le solvant est extrait par sublimation après solidification préalable du milieu.
Pour cette transition solide gaz, les forces capillaires sont négligeables et le matériau présente
une densité proche de la suspension initiale (fonction de l’expansion volumique de la transition
liquide solide du solvant). La structure peut être agrégée, en raison de la croissance de cristaux
lors de la solidification. Les substrats obtenus sont des cryogels. Toutefois, compte tenu de leur
faible densité, ils sont couramment appelés aérogels.
- Séchage évaporatif. Le solvant est extrait du milieu par évaporation. Les substrats obtenus sont
denses en raison de la réduction de volume, et fortement agrégés en raison de la pression
capillaire associée à la transition liquide-gaz, et des forces attractives au sein de la structure. Ces
substrats sont appelés xérogels.
- Séchage supercritique. Le solvant est extrait sous forme de gaz après passage à l’état
supercritique. L’absence de pression capillaire lors de cette transition conduit à l’obtention de
matériaux avec une densité et une structure proche de la suspension initiale. Toutefois, cette
approche nécessite un solvant avec un point critique facilement accessible expérimentalement.
31
Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
Le CO2 est habituellement utilisé par échange à l’état critique avec un solvant miscible peu
polaire, généralement l’éthanol. Cette technique nécessite donc au préalable un échange de
solvant de la suspension depuis l’eau vers l’alcool. Les substrats obtenus sont dénommés
aérogels.
Nous nous intéresserons particulièrement à la première méthode dont la mise en œuvre est aisée,
et qui permet de travailler directement avec des suspensions aqueuses. La difficulté afin de
préserver la structure en provient de l’étape de solidification de la suspension.
Pour l’eau, la température de transition vitreuse est proche de – 120°C, alors que les températures
de cristallisation homogène et hétérogène sont respectivement de – 40°C et de 0°C. La vitrification
d’une suspension aqueuse nécessite un refroidissement extrêmement rapide qui ne peut être
réalisée sans équipements spécifiques. Ainsi, dans les conditions qui sont facilement accessibles, des
cristaux de glace vont se former et croître jusqu’à la solidification complète de la suspension. En
présence de particules dans le milieu, la croissance de ces cristaux va contribuer à l’apparition de
forces de compression, et au confinement spatial des particules (Figure 13). Ce phénomène parfois
dénommé auto-organisation induite par ségrégation de glace permet, dans le cadre d’une
solidification directionnelle, l’obtention de structures originales (Zhang, Hussain et al. 2005; Deville,
Saiz et al. 2006; Gutiérrez, Ferrer et al. 2008).
Figure 13: Confinement de particules lors de la croissance de cristaux de glace (Gutiérrez, Ferrer et al. 2008)
Lors de la cristallisation, il existe une compétition entre la nucléation et la croissance des cristaux. La
vitesse relative de chacun de ces deux phénomènes va déterminer la distribution en taille des
cristaux à l’issue du processus, et donc la morphologie de l’aérogel obtenu par confinement entre
leurs surfaces. La température de travail est un paramètre permettant de faire varier la morphologie
obtenue. A proximité de la température de cristallisation (point A figure 14), la croissance est
importante et la nucléation très faible, ce qui donne des cristaux de grandes dimensions. En
revanche, pour des températures intermédiaires entre la transition vitreuse et la cristallisation (point
B figure 14), les vitesses des deux phénomènes sont plus élevées, et la nucléation devient plus rapide
que la croissance, ce qui conduit à l’obtention de cristaux de dimensions réduites.
32
Chapitre I : BIBLIOGRAPHIE
Figure 14: Evolution des cinétiques de croissance et de nucléation des cristaux de glace entre la température de
cristallisation (Tf) et la température de transition vitreuse (Tg) (Hartel 1996)
Alors que la valeur relative de la vitesse de croissance par rapport à la vitesse de nucléation va influer
sur la distribution en taille des cristaux, la valeur absolue de la vitesse de croissance des cristaux va
contrôler la présence de forces compressives à l’origine du confinement des particules. En effet, une
vitesse critique peut être définie, au dessus de laquelle la croissance du cristal s’accompagne de
l’inclusion des particules au sein de la phase solide et non plus de leur exclusion dans la phase liquide
restante (Uhlmann, Chalmers et al. 1964). Cette vitesse critique, qui correspond à l’équilibre entre
une force cristal-particule et une force solvant-particule, va dépendre des dimensions des particules,
de la viscosité du solvant, et des différences d’énergie libre de surface au sein du système (Figure 15).
Figure 15: Déplacement de particules face à un front de cristallisation (a). Force cristal-particule en fonction du rayon de la
particule R, la différence des énergies libres de surface Δσ, a0 la distance intermoléculaire moyenne, d la distance particule
cristal et n un paramètre compris entre 1 et 4 (b). Force liquide-particule en fonction en fonction de η la viscosité de la
solution, et ν la vitesse de croissance du cristal (c). Vitesse critique à partir de laquelle la particule est incluse au sein du
cristal (d). (Zhang, Hussain et al. 2005)
33
Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
En revanche, des solvants présentant une faible tension de vapeur et une haute température de
solidification, facilitent respectivement les étapes de solidification et de sublimation, et sont alors
particulièrement adaptés à la lyophilisation. C’est le cas du tert-butanol, un alcool faiblement
polaire, miscible à l’eau et cristallin. Le diagramme de phase du système eau tert-butanol est
caractérisé par la présence de deux eutectiques, et de trois formes solides pouvant alors exister
entre le cristal de glace et le cristal de tert-butanol (Figure 17).
34
Chapitre I : BIBLIOGRAPHIE
3.3.1. MFC
Les travaux réalisés précédemment au laboratoire, sur la lyophilisation de suspensions aqueuses de
MFC après solidification par trempe dans l’azote liquide, ont conduit à des aérogels avec de faibles
surfaces spécifiques (30 m²/cm3), et une morphologie locale sous forme de parois agrégées (Berlioz
2007). Une étude postérieure avec des MFC obtenue après un prétraitement enzymatique (MFC
enzyme cf. 2.1.1) a démontré que les conditions de solidification pouvaient impacter la morphologie
et la surface spécifique de l’aérogel obtenu par cette méthode. Par solidification d’un volume réduit,
en réalisant une trempe dans le propane liquide, une morphologie locale fibrillaire est observée, et
un gain d’un facteur trois en terme de surface spécifique est mesuré pour atteindre environ 100
m²/cm3 (Paakko, Vapaavuori et al. 2008). Ce résultat est attribué à la rapide solidification avec le
propane qui, au contraire de l’azote, ne forme pas une couche isolante de gaz à l’interface avec le
substrat. Il a également été démontré que dans le cas d’une solidification dans l’azote liquide, en
réduisant la concentration de la suspension initiale un gain de surface spécifique est observé pour
atteindre environ 60 m²/cm3 (Sehaqui, Salajkova et al. 2010).
Des études plus récentes se sont intéressées, toujours pour un substrat MFC enzyme, à des
protocoles alternatifs de séchage, avec un échange de solvant dans le tert-butanol puis une
lyophilisation, ou un échange dans l’éthanol suivi d’un séchage au CO2 supercritique (Sehaqui, Zhou
et al. 2011; Sehaqui, Zhou et al. 2011). Les aérogels obtenus présentent des morphologies locales
fibrillaires et des valeurs de surfaces spécifiques élevées. Dans le cas du CO2 supercritique, la surface
35
Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
spécifique est proche de 450 m²/cm3. Pour la lyophilisation du tert-butanol, les valeurs sont plus
faibles et dépendent de la manière dont est réalisée l’échange de solvant.
Ce même protocole a été évalué sur des MFC obtenues après un prétraitement d’oxydation (MFC
TEMPO cf. 2.1.1). Pour ce substrat, les structures secondaires observées en suspension sont de
dimensions très proches des structures primaires fixées par la biosynthèse en raison d’une bonne
défibrillation de la structure hiérarchique native, et les aérogels obtenus présentent des surfaces
spécifiques supérieures à 400 m²/cm3 (Saito, Uematsu et al. 2011; Sehaqui, Zhou et al. 2011).
Finalement, la réalisation d’un échange de solvant de la suspension de MFC permet d’atteindre des
valeurs de surface spécifique élevées, par séchage supercritique mais aussi par lyophilisation dans le
cas d’une suspension dans le tert-butanol.
3.3.2. CNC
Similairement aux résultats obtenus avec les MFC, la lyophilisation, après solidification par trempe
dans l’azote liquide d’une suspension de CNC de coton, conduit à l’obtention d’aérogels avec de
faibles surfaces spécifiques (20 m²/cm3) et une morphologie agrégée (Berlioz 2007). Ce type de
substrat agrégé est également caractérisé par sa mauvaise redispersibilité dans l’eau, en raison des
fortes interactions se formant entre les objets. Les comportements caractéristiques des suspensions
de CNC ne sont alors plus observés après redispersion (cf. 2.2.2). Toutefois, l’échange du contre-ion
initialement acide pour un autre contre ion monovalent par neutralisation permet, malgré la
morphologie agrégée, de redisperser ces suspensions dans l’eau, alors qu’un contre-ion divalent ne
le permet pas (Dong and Gray 1997; Beck, Bouchard et al. 2012). Concernant l’impact des conditions
de solidification d’une suspension aqueuse de CNC, il a été observé que par projection de la
suspension sur une plaque métallique à la température de l’azote liquide, des surfaces spécifiques de
150 m²/cm3 pouvait être atteintes (Ishida, Kim et al. 2004).
Par rapport aux MFC, les CNC se distinguent par leurs dimensions finies. Aux concentrations d’usage
(environ 1%), la suspension est liquide et ne forme pas de gel, contrairement aux MFC caractérisées
par un grand facteur de forme et par la présence de zones de jonctions (cf. 2.1.2). Lors d’un échange
de solvant, ce réseau tridimensionnel limite les phénomènes d’agrégation pouvant être induis par la
faible affinité d’un solvant non polaire pour la cellulose.
La transposition de l’échange de solvant aux CNC, nécessite donc au préalable la formation d’un gel.
Des auteurs ont montré que la diffusion d’acétone pouvait induire une gélification progressive d’une
suspension aqueuse de CNC. Le substrat séché par CO2 supercritique présente une morphologie
fibrillaire sans agrégation apparente, mais la surface spécifique n’est pas mesurée (Capadona, Van
Den Berg et al. 2007). Une autre approche repose sur la formation d’un gel par une sonication à forte
puissance de CNC lyophilisé en présence d’une faible quantité d’eau. L’auteur obtient, après échange
de solvant dans l’éthanol et séchage supercritique du gel obtenu, de hautes valeurs de surface
spécifique comprises entre 300 et 900 m²/cm3 (Heath and Thielemans 2010). Toutefois, l’auteur ne
fournit pas d’observation sur la morphologie des aérogels, et le protocole employé est surprenant. La
très faible quantité d’eau employée et la haute puissance de sonication semblent
expérimentalement peu compatibles avec l’obtention d’une structure de gel contrôlée.
36
Chapitre I : BIBLIOGRAPHIE
Ainsi, à ce jour, les résultats disponibles dans la littérature ne montrent pas l’obtention d’aérogel
fibrillaire de CNC avec des surfaces spécifiques aussi hautes que celles obtenues avec les MFC.
Pour ce substrat, il a été montré au laboratoire que la lyophilisation directe de la membrane dans
l’eau, et le séchage supercritique après un échange de solvant dans l’éthanol, conduisent à une
même valeur de surface spécifique (200 m²/cm3), en observant toutefois une structure plus
hétérogène par MEB à faible grossissements dans le cas de la lyophilisation (Berlioz 2007). Ainsi, dans
le cas de ce réseau solide de cellulose, nous n’observons ni le confinement des microfibrilles de
cellulose sous l’effet de la croissance de cristaux de glace, ni les faibles valeurs de surfaces
spécifiques associées. D’autres auteurs ont obtenu des valeurs de surface spécifique légèrement plus
élevées dans le cas d’un séchage supercritique (Liebner, Falk et al. 2010), ou par lyophilisation d’une
membrane dans le tert-butanol (Ishida, Kim et al. 2004).
37
Partie I : Suspensions et aérogels de nanocellulose
4. Conclusions
Cette première étude rassemble les données bibliographiques concernant la nature et les propriétés
de la nanocellulose, ainsi que les protocoles permettant leur obtention sous forme de suspension
puis d’aérogel. Nous nous intéressons ensuite aux résultats expérimentaux obtenus dans le cadre du
projet, qui se divise en deux chapitres successifs.
Le premier chapitre porte sur la préparation de suspensions et d’aérogels de MFC par lyophilisation.
L’impact de la formulation et du protocole, sur la texture de l’aérogel obtenu, sont étudiés par
microscopie et par mesure de surface spécifique.
38
Chapitre 2 : Suspension et aérogels de MFC
La matière première employée est la pâte de bois, traitée par homogénéisation mécanique afin
d’obtenir une suspension de nanocellulose sous forme de MFC. La caractérisation du produit est
effectuée par microscopie électronique en transmission (MET).
A partir de cette suspension, des aérogels sont préparés par lyophilisation. Les propriétés texturales
du produit sont évaluées par deux techniques complémentaires. La microscopie électronique en
balayage (MEB) fournit une observation qualitative de la morphologie, alors que la mesure d’un
isotherme d’adsorption d’azote, permet de déterminer la surface spécifique à partir du modèle BET.
Un protocole de référence est défini, puis l’impact de différents paramètres sur les caractéristiques
de l’aérogel est étudié, dont les conditions de solidification de la suspension avant sublimation, la
concentration en MFC dans la suspension, la présence d’un additif pouvant être un polymère
adsorbant (XG, xyloglucane) ou non adsorbant (CMC, carboxymethylcellulose), et le solvant de la
suspension (Table 1).
L’objectif est ainsi d’identifier les conditions permettant de limiter les phénomènes d’agrégation et
d’augmenter les valeurs de surface spécifique obtenues.
39
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
2. Résultats
Nous présentons tout d’abord les résultats relatifs à la suspension initiale de MFC. Nous étudions
ensuite les propriétés texturales des aérogels obtenus à partir de cette suspension par microscopie,
puis par adsorption d’azote.
2.1. Suspensions
La matière première, obtenue par homogénéisation mécanique à haute pression d’une pâte de bois,
a été caractérisée par MET, et son aspect a été évaluée visuellement (Figure 1).
Figure 1: Photo de la suspension à 1,5% p/p (a). Observation par MET de la suspension de MFC (barre d’échelle 100nm) (b).
La suspension se présente sous la forme d’un solide visqueux blanc (Figure 1a). Cette observation
suggère la présence d’un réseau tridimensionnel responsable du caractère gel visqueux. La couleur
blanche, résultant de la diffusion de la lumière, traduit l’existence d’une fraction de substrat avec des
dimensions caractéristiques supérieures aux longueurs d’onde du visible. L’observation par MET
montre la présence d’objets fibrillaires, interconnectés, ayant des largeurs variant entre quelques
nanomètres et près de 100 nm (Figure 1b). Nous notons également que les fibrilles les plus fines
présentent des défauts de type coude.
Ces observations illustrent l’impact du traitement d’homogénéisation sur la pâte de bois, qui conduit
à la défibrillation de la structure hiérarchique de la fibre native présente au sein de la matière
première. Elle se traduit par l’apparition du comportement gel, et la présence de fibrilles de
dimensions latérales comprises entre 5 et 100 nm. Cette évolution morphologique depuis un état
compact vers un état microfibrillaire individualisé est dans notre cas incomplète. Des zones agrégées
sont observées directement par microscopie, et sont suggérées par l’aspect trouble de la suspension.
Les fortes contraintes mécaniques engendrées par ce procédé sont également susceptibles
d’endommager partiellement le substrat, qui présente alors un aspect fragmenté.
Des observations similaires ont été réalisées dans la littérature sur les suspensions de MFC obtenues
par traitement mécanique(Dinand, Chanzy et al. 1999). Ce substrat va nous servir de base pour
l’étude de la méthode de préparation des aérogels.
40
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
2.2.1. Référence
Nous étudions tout d’abord l’aérogel de référence (M-L) (Figure 2a). Sa morphologie est caractérisée
par la présence de feuillets de plusieurs µm², avec une structure interne dense. Ces parois denses
forment ensuite un assemblage aéré au sein du volume d’observation.
Figure 2: Observation MEB X5000. Lyophilisation M-L (a). Evaporation M-E (b).
Cette morphologie est en accord avec les données disponibles dans la littérature (Berlioz 2007;
Paakko, Vapaavuori et al. 2008). Elle est attribuée à la croissance de cristaux de glace lors de la
solidification de la suspension, avant sublimation du solvant. Ces cristaux exercent ainsi une force de
compression conduisant au confinement de la MFC. Ainsi, à l’issue de la solidification, un assemblage
tridimensionnel s’est formé, dont le volume est légèrement supérieur à celui de la suspension
aqueuse initiale de MFC, et dont la structure est composée des parois denses formées aux jointures
des cristaux de glace.
A titre de comparaison, nous effectuons un simple séchage par évaporation d’une goutte de
suspension sur un plot d’observation (Figure 2b). Dans ce cas, nous observons un matelas dense de
MFC. Cette morphologie est attribuée à la réduction continue de volume et à l’apparition de forces
capillaires lors du séchage. On obtient ainsi un film plan dense dont la morphologie locale est
clairement différente de celle obtenue lors de la lyophilisation d’une suspension de MFC.
41
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Nous avons étudié l’impact des conditions de solidification, étape préalable à la sublimation du
solvant. Cette étape se déroule en quelques minutes par trempe dans l’azote liquide pour
l’échantillon référence (M-L). Cette durée est liée aux volumes de suspension traités (100 ml) et à la
faible tension de vapeur de l’azote liquide. En effet, malgré la faible température d’ébullition de
l’azote liquide (-195,79 °C), il existe des gradients de température au sein de la suspension et au sein
de la couche d’air qui se forme à l’interface entre l’azote liquide et la suspension. En projetant à
l’aide d’un pistolet à air comprimé la suspension sur une plaque métallique trempant dans l’azote
liquide, la solidification est alors réalisée en quelques secondes (M-LR). Nous réalisons également la
solidification par dépôt de la suspension au sein d’un congélateur à -20°C, ce qui conduit à un temps
de solidification de quelques heures (M-LL).
Figure 3: Impact des conditions de solidification par MEB X5000. M-LL (a), M-L (b), M-LR (c)
Dans le cas d’une solidification lente, en quelques heures (M-LL), nous observons une surface dense
(Figure 3a). La solidification en quelques minutes, employée pour la référence, conduit, elle, à
l’apparition de plusieurs parois de structure interne dense, formant un assemblage aéré (Figure 3b).
Dans le cas d’une solidification rapide (Figure 3c), nous observons cette fois une structure fibrillaire,
et le diamètre des unités constitutives s’approche alors de la limite de résolution de l’ordre de 200
nm. Ainsi, l’observation des aérogels obtenus selon ces différents procédés de solidification montre
une évolution de la morphologie locale en fonction de la durée de l’étape de solidification, depuis
une structure dense et agrégée, vers une structure fibrillaire. Cette observation est en accord avec
d’autres résultats publiés dans la littérature sur des substrats proches (Paakko, Vapaavuori et al.
2008; Korhonen, Hiekkataipale et al. 2011).
42
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
Nous avons vu auparavant que la morphologie de parois denses formant un assemblage aéré de
l’aérogel de référence était attribuée à la croissance des cristaux de glace lors de la solidification.
L’évolution morphologique observée en fonction des conditions de solidification peut être liée à une
variation la température moyenne à laquelle se déroule cette étape (cf. 3.2 partie I chapitre 1). Plus,
elle sera inférieure à la température de fusion de la glace, plus la nucléation des cristaux sera
favorisée au détriment de leur croissance, réduisant la taille moyenne des cristaux. Parallèlement, la
réduction de la température moyenne de la cristallisation va également augmenter la valeur absolue
de la vitesse de croissance des cristaux, qui peut alors atteindre un seuil à partir duquel l’inclusion de
la MFC au sein des structures cristallines est permise.
Figure 4: Impact de la concentration par MEB X5000. M-0,1-L (a), M-L (b), M-7,5-L (c)
La morphologie locale des aérogels est semblable pour les trois échantillons, avec des parois denses
au sein d’un assemblage aéré. Le mécanisme de structuration par croissance de cristaux de glace
proposé précédemment ne semble pas influencé par la concentration de la suspension à l’échelle de
nos observations.
L’ajout d’un additif au sein de la suspension aqueuse avant séchage a été également évalué.
L’objectif est alors de structurer différemment la suspension avant solidification et d’évaluer son
impact sur la morphologie de l’aérogel obtenu. Nous employons deux types d’additifs : un polymère
ayant la propriété de s’adsorber sur les surfaces de cellulose (XG), et un polymère non adsorbant
(CMC). Ces additifs sont employés pour deux concentrations massiques 0,1 et 1 g/g par rapport à la
quantité de MFC au sein de la suspension.
43
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Figure 5: Impact de la présence d’un additif par MEB X5000. M-0,1CMC-L (a), M-1CMC-L (b), M-0,1XG-L (c), M-1XG-L (d)
L’analyse de la morphologie locale des quatre aérogels obtenus ne montre pas d’évolution
significative en fonction de la formulation (Figure 5). Nous observons toujours la formation de parois
avec une structure interne dense au sein d’un assemblage aéré. Cette morphologie est semblable à
celle obtenue sur l’aérogel de référence sans additif (Figure 2). Ainsi le mécanisme de structuration
par croissance de cristaux de glace proposé précédemment ne semble pas perturbé par la présence
d’un additif.
Alors que l’aérogel issue d’une suspension aqueuse est caractérisé par un assemblage de parois dont
la structure interne est dense (Figure 6a), nous distinguons dans le cas du tert-butanol des amas en
forme de cocon, dont la structure n’apparait plus dense et agrégée, mais aérée et constituée d’objets
fibrillaires de dimensions réduites (Figure 6b). Toutefois, aux grossissements employés, nous ne
parvenons pas précisément à qualifier cette structure.
44
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
Figure 6: Impact de la nature du solvant par MEB X5000. M-L (a), M-tBu-ES-L (b).
Nous réalisons une analyse complémentaire de cet échantillon et de notre aérogel de référence, sur
un équipement permettant de travailler à plus fort grossissement (MEB-FEG) (Figure 7).
Figure 7: Impact de la nature du solvant par MEBFEG. M-tBu-ES-L X5000 (a) et X50000 (b). M-L X5000 (c) et X50000 (d).
Pour la suspension dans le tert-butanol, nous distinguons une structure fibrillaire avec des objets de
diamètre pouvant atteindre 200 nm et quelques fibres plus larges (Figure 7a). A fort grossissement,
nous parvenons cette fois à distinguer des fibrilles avec des diamètres variant entre 10 et 100 nm
(Figure 7b). Pour l’échantillon de référence, la structure en feuillet agrégée est à nouveau observée
45
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
(Figure 7c), et à fort grossissement la structure interne de ces feuillets apparait extrêmement dense
(Figure 7d).
2.2.4. Conclusions
Cette première étude morphologique sur les aérogels de MFC obtenus par lyophilisation montre que
dans le cas d’une suspension aqueuse, nous observons une structuration du substrat attribuée à la
croissance des cristaux de glace lors de la solidification de la suspension. L’aérogel est alors
localement constitué de parois, dont la structure interne correspond à un agrégat de microfibrilles,
assemblées dans une structure aérée. La solidification rapide de la suspension ou l’emploi du tert-
butanol comme solvant, permettent de modifier significativement cette morphologie, qui évolue
alors vers une structure fibrillaire. Dans le cas du tert-butanol, une analyse à fort grossissement
permet ainsi de distinguer des fibrilles individuelles de dimensions comprises entre 20 et 100 nm.
L’origine de cette évolution morphologique reste à déterminer, toutefois deux hypothèses peuvent
être considérées (cf. partie I chapitre 1). Soit les cristaux formés sont de taille réduite, soit leur
croissance est suffisamment rapide pour conduire à l’inclusion du substrat et non à son confinement.
Ces phénomènes sont alors susceptibles d’être influencés par la température de solidification et par
les caractéristiques du solvant. En effet, la polarité, la morphologie et la densité des cristaux du tert-
butanol sont différentes de celles de l’eau.
Finalement, cette étude morphologique est une analyse locale qualitative permettant de mettre en
évidence la structuration de la suspension. Pour compléter la caractérisation des aérogels il est
nécessaire d’évaluer la texture aux différentes échelles, et il est intéressant d’avoir une mesure
quantifiant l’interface sur un volume d’échantillon plus important que celui sondé par MEB.
46
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
2.3.1. Référence
Une première série de mesures portent sur l’aérogel de référence obtenu par lyophilisation d’une
suspension aqueuse, pour lequel plusieurs fractions ont été prélevées (Figure 9). Les valeurs de
surface spécifique obtenues sont proches de 20 m²/cm3 dans les différents cas. Ces valeurs sont
comparables aux résultats précédemment publiés pour le même système (Berlioz 2007; Paakko,
Vapaavuori et al. 2008), et cohérentes avec la morphologie agrégée révélée par MEB. Ainsi,
l’agrégation locale des MFC se traduit par l’obtention de faibles surfaces spécifiques par adsorption
d’azote.
Figure 9: Valeurs de surface spécifiques pour différents échantillons de l’aérogel de référence M-L
L’étude des conditions de solidification est basée sur les trois échantillons présentés précédemment
pour la caractérisation par MEB. Nous distinguons la solidification lente, réalisée en quelques heures
(M-LL), la référence solidifiée en quelques minutes (M-L), et la solidification rapide en quelques
secondes (M-LR).
47
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Figure 10: Impact des conditions de solidification sur les valeurs de surfaces spécifiques
Les valeurs de surface spécifique (Figure 10) obtenues montrent une augmentation d’un facteur 3
pour la solidification rapide (M-LR) par rapport à la référence (M-L). La cinétique lente (M-LL) montre
également une augmentation d’un facteur 1,8 par rapport à la référence. Par rapport à la littérature,
l’augmentation de la cinétique de solidification avait été identifiée comme un facteur permettant
d’augmenter la surface spécifique (Korhonen, Hiekkataipale et al. 2011). En revanche, le cas d’une
solidification lente n’avait pas été identifié, et les observations morphologiques précédentes ne
permettaient pas de le déterminer.
Effet de la concentration
L’étude de la concentration de la suspension est basée sur les trois échantillons présentés
précédemment pour la caractérisation par MEB. Nous distinguons la suspension diluée liquide à
0,1%(M-0,1-L), la référence sous forme de gel visqueux à 1,25% (M-L), et la suspension concentrée
sous forme de pâte à 7,5% (M-7,5-L).
Figure 11: Impact de la concentration de la suspension sur les valeurs de surfaces spécifiques
Les valeurs de surface spécifique obtenues (Figure 11) montrent une augmentation d’un facteur 3
pour la suspension diluée par rapport à la référence. La suspension concentrée montre une
augmentation d’un facteur 2 par rapport à la référence. Ainsi nos résultats ne montrent pas de
variation continue avec la viscosité, alors que dans la littérature l’augmentation de la concentration
de 0,7% à 10% se traduit par une réduction progressive de la surface spécifique de 60 à 30 m²/cc
(Sehaqui, Salajkova et al. 2010).
48
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
L’étude de l’ajout d’un additif est basée sur les quatre échantillons présentés précédemment pour la
caractérisation par MEB. Nous distinguons le polymère non adsorbant à faible (M-0,1CMC-L) et forte
concentration (M-1CMC-L), et le polymère adsorbant à faible (M-0,1XG-L) et forte concentration (M-
1XG-L).
Figure 12: Impact de la présence d’un additif sur les valeurs de surfaces spécifiques
Les valeurs de surface spécifique obtenues (Figure 12) montrent que seul le polymère adsorbant à
faible concentration (M-0,1XG-L) se distingue avec une augmentation de la surface spécifique proche
d’un facteur 1,8 par rapport à la référence (M-L). Par ailleurs, nous observons des valeurs plus
élevées si le polymère est adsorbant (cas du XG), et s’il est ajouté en faible quantité (0,1 g/g > 1 g/g).
Ces différences n’avaient pas pu être mises en évidence par l’observation par MEB. Toutefois, les
valeurs de surface spécifique mesurées sont toutes proches de la référence, montrant que la
présence de l’additif ne modifie pas significativement la surface spécifique de l’aérogel final.
La valeur de surface spécifique obtenue est environ 7 fois supérieure à celle de l’aérogel de
référence. Ce résultat suggère que les phénomènes d’agrégation par croissance de cristaux sont au
49
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
moins partiellement inhibés dans le cas du tert-butanol. Dans la littérature, une augmentation de la
surface spécifique associée à l’emploi de ce solvant a également été observée. Les valeurs obtenues
sont alors plus élevées et dépendantes du procédé de préparation de la suspension et du protocole
d’échange de solvant (180-350 m²/cm3 cf. partie I chapitre 1 3.3) (Sehaqui, Zhou et al. 2011; Sehaqui,
Zhou et al. 2011).
Nous nous intéressons ensuite à la reproductibilité de ce protocole réalisé à partir de différents lots
de suspensions de MFC préparées par homogénéisation mécanique (cf. 2.1) (Figure 14).
Figure 14: Valeurs de surface spécifique avec solvant tert-butanol, en fonction du lot de suspension
Nous observons qu’il existe une variabilité importante de la surface spécifique mesurée sur les
différents lots, les valeurs obtenues étant environ 5 à 11 fois supérieures à notre aérogel de
référence. Cette variation pourrait provenir de la qualité de la préparation de la suspension. En effet,
le protocole de préparation de la suspension conduit à une défibrillation incomplète, dont
l’amplitude est susceptible de varier d’un lot à l’autre.
Enfin, l’échange de solvant de la suspension de MFC dans le tert–butanol peut être réalisé selon
différents protocoles. Outre le protocole employé ci-dessus, basé sur un cycle de centrifugation
redispersion (M-tBu-C1-L), nous préparons un second échantillon en réalisant trois cycles de
centrifugation redispersion (M-tBu-C3-L), et un troisième, obtenu par échange de solvant par
diffusion (M-tBu-ES-L) et dont la morphologie a été étudiée précédemment. Chacun de ces
protocoles est réalisé à partir d’un même lot initial de suspension et la surface spécifique des
aérogels obtenus est mesurée (Figure 15).
Figure 15: Valeurs de surface spécifique avec solvant tert-butanol, en fonction du protocole
50
Chapitre 2 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE MFC
Pour les différents protocoles, les valeurs de surface spécifique permettant d’obtenir une suspension
de MFC dans le tert-butanol sont proches et environ sept fois supérieure à celles obtenues pour une
suspension aqueuse. Ainsi, l’évolution morphologique observée précédemment par MEB, d’un
substrat constitué de parois densément agrégées dans le cas d’une suspension aqueuse, vers un
réseau fibrillaire dans le cas d’une suspension dans le tert-butanol, s’accompagne d’un gain
important de surface spécifique. Le procédé employé pour réaliser l’échange de solvant ne semble
alors pas avoir d’impact significatif.
2.3.4. Conclusions
Finalement, la mesure des surfaces spécifiques a permis d’observer que l’emploi du tert-butanol est
le paramètre permettant d’augmenter le plus significativement la surface spécifique des aérogels. Ce
résultat est en accord avec notre étude préalable de la morphologie des aérogels, qui avait mis en
évidence la disparition de parois agrégées au profit d’une structure fibrillaire de diamètres compris
entre 10 et 100 nm. Toutefois, il semble que la valeur obtenue soit dépendante du lot de suspension.
Des caractérisations supplémentaires devront permettre de confirmer si cela est lié à la qualité de la
défibrillation lors de la préparation de la suspension.
Pour les autres paramètres de préparation des aérogels, les variations de surfaces spécifiques restent
faibles par rapport à la référence. L’impact des conditions de solidification et de la concentration sur
les valeurs de surface spécifique n’est pas clairement associé à une évolution morphologique.
51
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
3. Discussion
L’ensemble des résultats présentés a permis d’observer que l’emploi de tert-butanol comme solvant
des suspensions de MFC permet d’obtenir par lyophilisation des aérogels avec une morphologie
fibrillaire et de hautes valeurs de surface spécifiques. Deux questions restent alors en suspens. Les
valeurs obtenues de surface spécifique constituent-elles un maximum ? Pourquoi l’eau et le tert-
butanol n’ont-ils pas le même impact sur la morphologie de l’aérogel ?
Nous utilisons cette relation afin de comparer (Table 2) la mesure expérimentale de surface
spécifique avec trois valeurs provenant des dimensions de la microfibrille élémentaire issue de la
biosynthèse ou structure primaire, des dimensions de la structure secondaire présente en suspension
observée par MET (Figure 1b), des dimensions de la structure tertiaire au sein de l’aérogel observée
par MEB (Figure 7b).
La répartition en nombre des tailles obtenues à partir des clichés de microscopie est reportée (Figure
16) ainsi que la moyenne géométrique obtenue (Table 2). Chaque mesure de taille est convertie en
surface spécifique et la moyenne géométrique est également précisée (Table 2).
Nombre de
mesures
30
25
MET
20
MEB
15
10
5 Taille
(nm)
0
<10 10_20 20_30 30_40 40_50 50_60 60_70 70_80 80_90 90_100 100_150
Figure 16: Mesure des dimensions latérales des fibrilles observées par microscopie
Les mesures réalisées par MET et par MEB mettent en évidence des dimensions latérales
polydisperses dont la moyenne géométrique est équivalente à environ 30 nm. Cette observation
suggère que le séchage par lyophilisation d’une suspension dans le tert-butanol ne conduit pas à la
formation de structures agrégées de dimensions latérales supérieures à celles existantes en
suspension. De plus, nous observons que la dimension latérale obtenue d’après la mesure de surface
spécifique (27 nm) est du même ordre de grandeur que les dimensions observées par microscopie,
confirmant le lien entre cette mesure et la morphologie du substrat.
Dans le cas des valeurs de surface spécifiques estimées par microscopie à partir des mesures de
dimensions latérales, il est probablement difficile de visualiser les plus gros agrégats, ce qui peut
expliquer les valeurs plus élevées que celle obtenue par une mesure globale comme la BET.
En revanche, la dimension latérale caractéristique de nos aérogels est quasiment six fois supérieure à
la limite théorique fixée par la biosynthèse (5 nm). Dès lors la surface spécifique obtenue ici semble
limitée par la méthode de préparation de la suspension qui ne permet pas une défibrillation
complète de la structure native. Sans atteindre la limite de la microfibrille élémentaire, des données
de la littérature, pour des suspensions de MFC réalisées avec un prétraitement chimique par
oxydation TEMPO à l’origine d’une défibrillation poussée, permettent d’atteindre près de 450
m²/cm3 avec un protocole de séchage équivalent à celui que nous avons employé (Saito, Uematsu et
al. 2011; Sehaqui, Zhou et al. 2011).
Le tert-butanol étant également un composé cristallisable, nous nous attendons pourtant à une
structuration des MFC entre les jointures des domaines cristallins du solvant. La morphologie
fibrillaire observée pourrait alors avoir deux origines. Soit les cristaux formés avec le tert-butanol
sont de taille réduite et ne perturbent pas la structure en suspension des MFC. Soit la vitesse de
croissance de ces cristaux est supérieure à une vitesse critique permettant l’inclusion des MFC au
sein de la phase solide, et non son exclusion dans la phase liquide résiduelle.
53
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
4. Conclusions
L’objectif initial était la maitrise de l’obtention d’aérogels de MFC à hautes surfaces spécifiques. En
utilisant des suspensions dans le tert-butanol, nous avons observé un gain de surface spécifique d’un
facteur 5 à 11 par rapport aux précédents travaux au laboratoire. Les aérogels obtenus présentent
une structure locale sous forme de réseau fibrillaire semblable à celle présente dans la suspension,
les valeurs de surfaces spécifiques pouvant être supérieures à 200 m²/cm3.
54
Chapitre 3 : Suspensions et aérogels de CNC
Par rapport aux MFC, les CNC obtenus par hydrolyse acide présentent une morphologie plus
régulière et contrôlée, et offrent ainsi l’opportunité d’obtenir une charge « modèle ». Dans ce cas, la
stabilité colloïdale des suspensions de CNC dans l’eau est basée sur l’existence d’une répulsion
électrostatique liée à la présence de groupements sulfates chargés à la surface des objets. L’état
colloïdal est alors délicat à contrôler pour les CNC.
La première partie de ce chapitre porte sur la préparation de suspensions par hydrolyse acide et leur
caractérisation par microscopie électronique en transmission (MET), diffusion dynamique de la
lumière (DDL) et par l’observation de biréfringence sous cisaillement. L’évolution de l’état colloïdal
de ces suspensions en présence de tert-butanol, est ensuite étudiée en fonction du contre ion des
groupements sulfates à la surface des CNC, et de la composition du solvant.
La seconde partie de ce chapitre porte sur la préparation des aérogels par lyophilisation de
suspension de CNC contenant du tert-butanol. Les aérogels sont caractérisés par les mesures de
surface spécifiques et pour certains par microscopie électronique à balayage. Nous nous intéressons
à l’impact de la concentration en tert-butanol dans le solvant de la suspension, à la reproductibilité
du protocole employé, à l’impact de l’état colloïdal de la suspension avant solidification, et à l’impact
de l’origine biologique de la matière première.
Les caractéristiques des suspensions employées pour la préparation d’aérogels sont rappelées ci-
dessous (Table1).
55
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
2. Résultats
Nous présentons successivement les résultats relatifs aux suspensions de CNC, puis ceux concernant
les aérogels obtenus par lyophilisation.
2.1. Suspensions
Dans cette partie, nous nous intéressons à la structure locale et au comportement macroscopique
des suspensions de CNC dans l’eau, et dans des mélanges eau/tert-butanol. Pour cela nous
employons la microscopie électronique en transmission (MET) qui donne directement accès à la
morphologie des particules. Nous utilisons également la diffusion dynamique de la lumière (DDL) qui
permet d’obtenir un rayon hydrodynamique équivalent de la particule. Bien que cette valeur ne
corresponde pas à une dimension géométrique, elle permet d’obtenir simplement une analyse
comparative de la taille des objets en suspension. Finalement, l’observation visuelle permet
d’acquérir des informations complémentaires sur l’état colloïdal. Une suspension stable de CNC
apparait ainsi translucide, et son observation sous écoulement entre polariseurs croisés met en
évidence un caractère biréfringent temporaire.
Figure 1:Observations par MET de la suspension de CNC (a). Suspension de CNC à 2% p/p (b), entre polariseurs croisés (c).
56
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
Longueur (nm) Largeur (nm) Diamètre DDL (nm) Potentiel zeta (mV) Taux de soufre (%)
207 60 21 10 90 10 -40 10 0,6 0,1
Table 2: Caractéristiques d’une suspension de CNC dans l’eau
L’observation visuelle permet de constater que la suspension est translucide, et qu’elle est
temporairement biréfringente sous cisaillement. L’observation à l’échelle locale par MET met en
évidence des objets en forme de bâtonnets dont les dimensions sont polydisperses avec des
longueurs et largeurs moyennes d’environ 20 et 200 nm respectivement. Une observation attentive
montre que ces objets sont constitués par l’association latérale de quelques sous unités
conformément à des observations antérieures (Elazzouzi-Hafraoui, Nishiyama et al. 2007). Les
mesures de DDL indiquent une distribution monomodale en taille, équivalente à un diamètre
hydrodynamique moyen de 90 nm. L’analyse par dosage conductimétrique des groupements sulfates
à la surface des CNC donne des taux de soufre de 0,6%, le potentiel zeta mesuré étant de -40 mV.
Ces différentes caractérisations confirment l’obtention d’une suspension colloïdale de CNC stabilisée
par répulsion électrostatique en raison de la présence de groupement sulfates à la surface des
objets, et sont classiques pour ce type de suspension (Elazzouzi-Hafraoui, Nishiyama et al. 2007).
Sur un même lot initial de suspension de CNC dans l’eau, nous avons préparé différents échantillons
par concentration/dilution en faisant varier la fraction massique en tert-butanol dans le solvant (0,
10, 20, 50, 60, 70, 80, 90 %) et le contre-ion des groupements sulfates à la surface des CNC (H+, Na+,
TBA+). Les suspensions obtenues sont caractérisées par observation directe et par DDL.
Observation visuelle
Une première caractérisation des suspensions a été réalisée par observation directe et sous agitation
entre polariseurs croisés.
Figure 2 : Suspension de CNC à 1% p/p translucide (a), gel (b), et trouble (c)
57
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Trois comportements différents sont observés selon les caractéristiques de la suspension (Figure 2). :
- Suspension trouble (F), attribuée à la floculation des CNC formant des agrégats qui diffuse la
lumière en raison de leur dimension plus grande que la longueur d’onde de la lumière dans le
domaine du visible.
- Gel transparent qui ne s’écoule pas (G). Cet état est vraisemblablement lié à la formation
d’un réseau continu de CNC à travers le volume de l’échantillon.
Cette caractérisation est réalisée un jour après la préparation des échantillons, et reproduite après
une semaine (Table 3).
Tert-
0 10 20 50 60 70 80 90
butanol (%)
Contre ion H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+ H+/TBA+/Na+
t0+1 jour B/B/B B/B/B B/B/B B/B/B B/B/B B/B/F F/F/F F/F/F
t0+7 jours B/B/B B/B/B B/B/B B/B/B B/B/B F/G/F F/F/F F/F/F
Table 3: Observations de l’état colloïdal des suspensions en fonction du contre ion et du taux de tert-butanol
La première série d’observations après préparation des échantillons montre que, indépendamment
du contre-ion, nous obtenons des suspensions biréfringentes pour des taux de solvant inférieur à
70%, et des suspensions floculées pour des taux de solvant supérieurs à 70%. Ces suspensions
gardent alors le même aspect lors de la seconde observation une semaine après.
Autour de 70% de solvant, nous observons une transition depuis une suspension biréfringente vers
une suspension floculée. Pour cette valeur critique de solvant, le comportement de la suspension est
alors dépendant du contre-ion. Avec Na+, une suspension floculée qui n’évolue plus au cours du
temps est obtenue. Avec H+, la suspension est initialement biréfringente, toutefois après une
semaine elle est devenue floculée. Enfin, dans le cas de TBA+, la suspension est initialement
biréfringente, et après une semaine un gel est obtenu. Ainsi, dans cette zone limite, le
comportement est dépendant du contre-ion.
Afin d’obtenir une information locale sur la stabilité colloïdale, nous avons ensuite réalisé des
mesures de diamètre hydrodynamique sur ces échantillons (Figure 3). Dans ce cas, les suspensions
sont diluées à 0,1% p/p dans le même mélange de solvant, et la mesure est réalisée une journée
après leur préparation.
58
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
Figure 3 : Impact de la composition du solvant et de la nature du contre ion des CNC sur la mesure de diamètre
hydrodynamique par DDL un jour après la préparation des suspensions
Indépendamment du contre ion, nous observons que pour des taux de solvant inférieur à 70% les
valeurs de diamètre hydrodynamique sont stables et proches de celles mesurées dans l’eau, soit
comprises entre 80 et 90 nm (cf. Table 2). A partir de 70% de tert-butanol, et pour des taux de
solvants supérieurs, nous obtenons des valeurs de diamètre hydrodynamique élevées et supérieures
au micron, pour les différents contre-ions. Ces valeurs ne sont pas à proprement parler des tailles
d’agrégats, mais apparaissent en raison de la floculation des CNC au sein de la suspension pour
former de larges structures. Ces résultats sont en accord avec les observations précédentes des
suspensions qui mettaient en évidence une déstabilisation de l’état colloïdal, indépendamment de la
nature du contre ion, à partir de 70 % de tert-butanol.
Nous avons mesuré l’évolution de la taille en fonction du temps au taux critique de 70% de solvant
pour les différents contre-ions, la première mesure à 0 minute étant réalisée immédiatement après
la préparation de la suspension (Figure 4).
Figure 4 : Evolution de la mesure du diamètre hydrodynamique par DDL au cours du temps pour des suspensions de CNC
dans 70% de tert-butanol avec différents contre-ions.
59
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Pour le contre ion Na+, après préparation de la suspension, le diamètre hydrodynamique apparait
supérieur à 2 µm, traduisant la formation quasi immédiate d’agrégats au sein de la suspension. Cette
observation est en accord avec l’aspect trouble de la suspension observée précédemment. En
revanche, pour les contre-ions TBA+ et H+, le diamètre hydrodynamique initial est aux alentours de
200 nm. Les suspensions ne seraient alors que faiblement perturbées, ce qui peut être compatible
avec l’observation de biréfringence sous écoulement présentée précédemment. Les mesures de
diamètre évoluent ensuite progressivement au cours du temps, légèrement plus vite pour H+ que
TBA+, pour atteindre plus d’un micron après deux heures d’attente. Ceci traduit une déstabilisation
de la suspension qui conduit à la formation de structures agrégées de taille croissante avec le temps.
Ceci est également compatible avec les observations antérieures de l’aspect des suspensions qui
mettaient en évidence un phénomène de vieillissement pour ces contre-ions et la disparition de la
biréfringence sous écoulement en raison de la formation d’agrégats.
Conclusion
De manière intéressante, ce comportement est influencé par la nature du contre-ion. Na+, accentue
la déstabilisation de la suspension en présence de solvant, alors que H+ et TBA+ sont plus tolérants
au tert-butanol, ce qui se traduit par une déstabilisation plus progressive. Les méthodes de
caractérisation employées ne permettent pas de qualifier la structure des agrégats formés, bien que
celle-ci soit susceptible de varier selon les paramètres étudiés (taux de solvant et contre ion), mais
aussi en fonction d’autres variables dont la température et la concentration en CNC.
2.2. Aérogels
Dans cette partie, nous nous intéressons à la préparation d’aérogels de CNC par lyophilisation de
suspensions contenant du tert-butanol. Les produits obtenus sont caractérisés pour certains par
microscopie électronique à balayage (MEB), et pour tous par la mesure de l’isotherme d’adsorption
d’azote (cf. matériel et méthodes). Les profils des isothermes obtenus étant similaires à ceux
précédemment observés pour les MFC (cf. partie I chapitre 2), nous utilisons la surface spécifique
déterminée à partir du modèle BET comme descripteur de la texture du substrat.
L’étude des suspensions a permis de mettre en évidence une composition de solvant critique en tert-
butanol, associée à une transition depuis une suspension stable vers une suspension floculée. Elle
correspond à environ 70% de solvant, dans le cas des contre-ions H+ et TBA. Nous effectuons
également un essai avec 80% de tert-butanol avec H+ et TBA+. Dans ce cas, juste après leur
préparation, ces suspensions apparaissent translucides et biréfringentes. Ce comportement disparait
60
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
ensuite, comme l’indique l’observation après une journée (Table 4). Cette composition de solvant est
alors choisie comme le point limite pour une première évaluation des caractéristiques des aérogels.
Avec des particules CNC H+, nous évaluons la morphologie de l’aérogel obtenu à partir d’une
suspension aqueuse et d’une suspension dans 80% de tert-butanol. Nous réalisons ensuite la mesure
de la surface spécifique de ces échantillons, et de quelques autres obtenus avec des suspensions
ayant des compositions de solvants intermédiaires. Avec des CNC TBA+, nous étudions la
reproductibilité du protocole à 80% de tert-butanol. Enfin, nous nous intéressons également à
l’impact de l’état colloïdal de la suspension avant lyophilisation, et à l’impact de l’origine botanique
des CNC.
2.2.1. Morphologie
Une première caractérisation de la morphologie d’aérogels a été réalisée sur des produits obtenus
par lyophilisation d’une suspension aqueuse de CNC H+ (C1-H+-H2O) et d’une suspension de CNC H+
contenant 80% de tert-butanol (C1-H+-80%tBu) (Figure 5).
Figure 5: Impact de la nature du solvant sur la morphologie des aérogels par MEB-FEG X50000.C1-H+-H2O (a), C1-H+-
80%tBu (b)
Dans le cas d’une suspension aqueuse (C1-H+-H2O), la morphologie de l’aérogel obtenu est
caractérisée par une structure agrégée et compacte. Nous notons que les CNC sont orientés à courte
distance. Dans le cas d’une suspension contenant 80% de tert-butanol (C1-H+-80%tBu), la
morphologie observée est cette fois plus aérée, et l’orientation des CNC semble totalement isotrope.
Afin d’expliquer ces morphologies, nous considérons qu’en présence d’eau, la croissance de cristaux
de glace lors de la solidification, va former des parois de CNC agrégés entre leurs surfaces. Ce
mécanisme disparaît au moins partiellement en présence de tert-butanol, et nous observons une
structure peu agrégée. Ces observations sont similaires aux données précédentes sur les MFC (cf.
partie I chapitre 2).
61
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
Outre les deux valeurs limites de 0 et 80 % de tert-butanol étudiées précédemment, nous mesurons
également la surface spécifique obtenue pour des taux intermédiaires de tert-butanol (Figure 6).
Dans le cas d’une suspension aqueuse (C1-H+-H2O), nous obtenons une valeur de 25 m²/cm3. Dans le
cas limite d’une composition de solvant avec 80% tert-butanol (C1-H+-80%tBu), cette valeur est 10
fois plus grande et atteint 250 m²/cm3. Pour des taux de solvants intermédiaires, de 20, 50 et 70 % de
tert-butanol, nous observons une évolution croissante des surfaces spécifiques, respectivement 2,6,
3 et 7,7 fois plus grandes que dans le cas d’une suspension aqueuse.
L’évolution de la surface spécifique entre la suspension aqueuse et la suspension dans 80% de tert-
butanol est en accord avec les observations préalables sur la morphologie des aérogels. Elle suggère
la structuration des CNC sous l’effet de la croissance de cristaux de glace, ce phénomène n’opérant
alors plus significativement en présence de 80% de tert-butanol. Pour des taux intermédiaires de
tert-butanol, nous observons une augmentation progressive de la surface spécifique. Deux
paramètres varient alors pour ces différents échantillons, la polarité du mélange de solvant, et la
nature de la phase cristalline formée comme définie par le diagramme de phase (Kasraian and
DeLuca 1995). Des analyses morphologiques complémentaires et des points expérimentaux
supplémentaires devront permettre de mieux identifier le mécanisme sous-jacent.
Finalement, nous avons vu que la lyophilisation d’une suspension de CNC avec 80% de tert-butanol
permet d’obtenir un aérogel de haute surface spécifique au sein duquel l’agrégation est minime, au
contraire de la lyophilisation d’une suspension aqueuse. Les deux hypothèses préalablement
discutées dans le cas des MFC pour expliquer ce phénomène reposent respectivement sur la
modification de la distribution en taille des cristaux de solvant, et la modification de leur capacité à
inclure la nanocellulose en leur sein lors de leur croissance. Le mécanisme restera à élucider, tout en
considérant une nouvelle information, la surface spécifique de l’aérogel augmente progressivement
avec le taux de tert-butanol présent dans la suspension avant lyophilisation.
62
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
Par rapport aux premiers essais portant sur des suspensions de CNC non neutralisés avec des contre
ions H+, nous avons employé des suspensions après neutralisation par une base organique, le contre-
ion des groupements sulfates devenant alors le tetra-butyl-ammonium (TBA+). L’aérogel obtenu est
stable en température et ne présente plus un noircissement dès 100°C associé à la formation d’acide
sulfurique dans le cas du contre-ion H+ (Roman and Winter 2004).
Nous réalisons trois lots d’aérogels selon le protocole basé sur la lyophilisation d’une suspension
biréfringente contenant 80% de tert-butanol, à partir d’un même lot de suspension CNC TBA+ (Figure
7).
Figure 7: Mesures de surface spécifique sur différents lots d’aérogels obtenus à partir d’une même suspension C-TBA+-
80%tBu.
L’étude de la reproductibilité du protocole de séchage sur un même lot de suspension de CNC TBA+,
montre que deux valeurs de surface spécifique sont élevées, supérieures à 200 m²/cm3, et proches
de celle obtenue auparavant avec une suspension CNC H+ (Figure 7). En revanche la troisième
mesure présente une valeur de surface spécifique quasiment deux fois plus faible à 107 m²/cm3.
L’origine de cette diminution importante (également observée sur une mesure du lot de suspension
C1 H+) n’a pas été identifiée. Ainsi, l’obtention d’aérogel de haute surface spécifique de CNC
nécessite un contrôle systématique de ses caractéristiques.
Nous avons également évalué la surface spécifique d’aérogels obtenus par lyophilisation de
suspension de CNC TBA+ avec 80% de tert-butanol provenant alors de différents lots initiaux de
suspension aqueuses de CNC (Figure 8).
Figure 8: Mesures de surface spécifique sur d’aérogels obtenus à partir de suspension C-TBA+-80%tBu provenant de
différents lots de suspensions aqueuses initiales.
63
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
L’étude de la reproductibilité du protocole avec différents lots de suspension montre une variation
des niveaux de surface spécifiques obtenus entre 213 et 272 m²/cm3 (Figure 8). Une analyse plus
complète de la morphologie des CNC des différentes suspensions par MET devra être réalisée afin
d’évaluer si ce paramètre peut avoir un impact significatif sur la surface spécifique.
Finalement nous avons vu que l’obtention d’un aérogel de haute surface spécifique peut être réalisée
par lyophilisation d’une suspension de CNC avec TBA+ comme contre-ion. Nous observons alors une
variabilité relative de la surface spécifique liée au lot de suspension employé.
Nous avons alors comparé deux situations expérimentales se distinguant par la composition de la
suspension avant lyophilisation : une suspension biréfringente avec un taux maximal de tert-butanol
(TBA+80%tBu), et une suspension floculée dans le tert-butanol pur (Na+100%tBu). Pour la première,
nous employons le protocole étudié auparavant (cf. 2.2.3). Pour la seconde, nous neutralisons la
suspension aqueuse de CNC avec de la soude pour obtenir le contre-ion Na+, puis nous effectuons
une centrifugation redispersion dans le tert-butanol pur.
Les surfaces spécifiques des aérogels obtenus à partir de ces deux situations expérimentales pour
deux lots différents de suspension sont mesurées (Figure 9).
Figure 9: Mesures de surface spécifiques sur des suspensions C-TBA+-80%tBU et C-Na+100%tBu. Lot de CNC C2 (a). Lot de
CNC C3 (b).
Les valeurs de surfaces spécifiques obtenues par ces deux approches sont proches de 200 m²/cm3, et
équivalentes aux valeurs obtenues précédemment (Figure 8). Le comportement est similaire pour le
second lot de suspension.
64
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
Ceci suggère que l’impact de la stabilité colloïdale est marginal pour les deux approches évaluées, et
la présence d’agrégats de CNC dans la suspension floculée Na+ 100% tBu ne se traduit pas par une
réduction significative de la surface spécifique de l’aérogel obtenu à l’issue de la lyophilisation.
Nous avons vu que la lyophilisation d’une suspension floculée dans le tert-butanol pur permet
d’obtenir des aérogels de haute surface spécifique avec des valeurs comparables au protocole
employant une suspension biréfringente avec 80% de tert-butanol. Ce nouveau protocole présente
alors l’avantage de ne pas souffrir de problèmes liés au vieillissement de la suspension. Des
caractérisations complémentaires des aérogels obtenus devront permettre de mettre en évidence
d’éventuelles différences de morphologie entre ces deux substrats.
Figure 10: Impact de la matière première sur la mesure de surface spécifique d’un aérogel obtenu à partir d’une suspension
C-Na+-100%tBu
La valeur de surface spécifique obtenue (Figure 10) est alors élevée dans le cas du bois, deux fois
supérieure à celle obtenue sur le coton.
En considérant des dimensions latérales des CNC de 7*21 nm pour le coton, et de 6*12 nm pour le
bois (Elazzouzi-Hafraoui, Nishiyama et al. 2007), les valeurs de surfaces spécifiques théoriques
obtenues à l’aide de la relation ci-dessous sont respectivement de 380 et 500 m²/cm3.
Ainsi, les différences entre les surfaces spécifiques obtenues expérimentalement peuvent être en
partie expliquées par les dimensions des CNC. L’étude détaillée des dimensions des CNC dans nos
suspensions par MET devra permettre de confirmer cette hypothèse.
65
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
2.2.6. Conclusions
Finalement, nous avons vu que l’échange de solvant des suspensions de CNC avec le tert-butanol
permet d’obtenir des aérogels avec des surfaces spécifiques élevées selon deux approches distinctes.
Les valeurs finales semblent refléter les dimensions des objets en suspension, et souligne
l’importante réduction de l’agrégation par rapport à la simple lyophilisation d’une suspension
aqueuse.
66
Chapitre 3 : SUSPENSIONS ET AEROGELS DE CNC
3. Discussion
L’étude de la préparation des suspensions et des aérogels de CNC nous a permis de mettre en
évidence deux types de déstabilisation de la suspension colloïdale initiale.
En présence d’un solvant faiblement polaire miscible à l’eau, le tert-butanol, nous observons qu’il
existe un seuil de composition à partir duquel les suspensions de CNC évoluent depuis une
suspension biréfringente vers une suspension floculée. Dans certaines conditions de déstabilisation,
dépendant notamment du contre ion, un gel transparent est obtenu. Ce comportement est attribué
à la formation d’un réseau continu de CNC à travers le volume de l’échantillon. Ce gel s’écoule
néanmoins sous l’application d’une contrainte.
Dans la littérature la formation d’un tel gel a également été reportée par ajout de glycérol dans une
suspension puis évaporation contrôlée de l’eau (Dorris and Gray 2012). Ce phénomène est attribué à
la désulfatation des CNC qui conduit à la formation d’un gel thixotrope. Les auteurs notent que les
conditions nécessaires à la formation du gel, sont une concentration suffisamment grande et une
évaporation lente, faute de quoi la suspension obtenue est floculée. Un gel thixotrope est également
obtenu selon la concentration dans le cas de CNC dépourvus de fonctions sulfates (Araki, Wada et al.
1998) et pour des CNC avec des groupements cationiques (Hasani, Cranston et al. 2008).
L’augmentation de la force ionique peut également conduire à la formation de ce type de gel (Dong,
Kimura et al. 1996). Ainsi, la déstabilisation d’une suspension par réduction des répulsions
électrostatique peut conduire à la formation d’états colloïdaux variables, gel ou agrégats, sans que ce
comportement macroscopique soit précisément associé à une structure locale.
Nous avons également observé la constitution de parois denses de CNC sous l’action de la croissance
de cristaux de glace. Dans ce cas, la structure locale a pu être observée, mettant en évidence la
compacité de l’arrangement des CNC localement orientés et maximisant ainsi les interactions inter-
objets. Il a été montré que la réversibilité de cette structure est dépendante du contre ion des
groupements sulfates (Dong and Gray 1997; Beck, Bouchard et al. 2012), un contre-ion acide ou
divalent ne permettant pas la redispersion et l’obtention d’une suspension biréfringente. Ces
éléments suggèrent que la formation de nombreuses liaisons inter-objets, par un contre-ion divalent
ou par l’association de deux fonctions sulfates acides, stabilise l’arrangement obtenu, alors qu’avec
les contre-ions monovalents les interactions sont faibles malgré l’agencement compact.
Finalement, le comportement colloïdal des CNC est potentiellement un paramètre clef afin de
comprendre la morphologie des suspensions et aérogels préparés. Des développements dans la
caractérisation des structures agrégées sont nécessaire afin d’élucider les mécanismes mis en œuvre
lors de ces protocoles.
67
Partie I - Suspensions et aérogels de nanocellulose
4. Conclusions
Au cours de cette étude nous avons identifié deux protocoles permettant d’obtenir des aérogels de
CNC avec de hautes surfaces spécifiques, pouvant être supérieure à 250 m²/cm3. Ces valeurs
traduisent la faible amplitude des phénomènes d’agrégation associés au séchage.
Les valeurs de surface spécifique obtenues semblent alors dépendre des dimensions des CNC. Une
étude morphologique systématique des objets devra permettre de confirmer cette hypothèse.
Enfin cette étude repose principalement sur la mesure de surface spécifique. Toutefois cet indicateur
ne permet pas une description complète de la structure de l’aérogel, ne parvenant pas à distinguer
par exemple de différence significative entre les deux protocoles de séchage basés sur des
suspensions avec des états colloïdaux distincts. Ainsi, le développement de nouvelles méthodes de
caractérisation devra permettre d’affiner la description actuelle des aérogels.
68
Partie II
69
70
Chapitre 1 : Bibliographie
Dans cette étude bibliographique, nous rappelons tout d’abord les voies de modification
traditionnelles de la cellulose, avec un intérêt particulier pour la réaction d’estérification. Nous
évoquons également les groupements permettant la formation d’un futur couplage covalent avec la
matrice.
1. Chimie de la cellulose
La modification chimique de la cellulose en vue d’obtenir des matériaux organiques est une discipline
existante depuis plus d’un siècle et qui continue de donner lieu à de nombreux travaux de recherche.
L’importance de ce sujet est liée à l’abondance de cette ressource, dont la production annuelle est
estimée à 1,5*1012 tonnes, et dont seulement 3*106 tonnes sont employées pour l’obtention de
matériaux plastiques (Klemm, Heublein et al. 2005). Ceci s’explique notamment par les contraintes
associées à la transformation chimique de la cellulose, dont la structure native est infusible, insoluble
dans les solvants courants et difficilement caractérisable. Deux approches sont généralement
distinguées. La voie homogène, régulièrement employée dans les laboratoires, requiert des solvants
spécifiques permettant la dissolution des chaînes de cellulose. Elle permet ainsi de réaliser des
synthèses complexes conduisant à des structures contrôlées (Heinze and Liebert 2001; Seoud and
Heinze 2005; Fox, Li et al. 2011). Toutefois cette approche n’est pas envisageable à l’échelle
industrielle en raison des volumes et de la toxicité des solvants employés. Les modifications sont
alors le plus souvent réalisées par la voie dite hétérogène, à partir de dispersions de fibres de
cellulose.
71
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Dans la première partie de cette étude bibliographique, nous rappelons les principales voies de
modification de la cellulose, puis nous nous intéressons plus spécifiquement à l’estérification. Enfin
nous évoquons les solutions permettant l’introduction d’une fonctionnalité qui joue le rôle d’agent
de couplage avec une matrice diénique.
- Les réactions d’oxydation conduisent à la modification des fonctions des alcools du squelette
cellulosique en groupement carbonylés (aldéhyde, cétone ou acide carboxylique).
Afin de qualifier l’avancement de ces réactions, le degré de substitution (DS) est défini comme le
ratio molaire de fonctions introduites ou modifiées par unité D-glucosyle, compris entre 0 et 3, dans
le cas des réactions de substitution qui nous intéressent.
72
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
1.2.1. Réaction
La réaction d’estérification entre une fonction alcool et une fonction acide carboxylique est une
réaction réversible qui suit un équilibre. Afin de favoriser la formation de l’ester, il est possible
d’employer des dérivés d’acide pouvant être des chlorures d’acyles, des anhydrides ou des esters. Il
est également possible d’activer dans le milieu l’acide carboxylique par différents composés comme
le chlorure de tosyle, le N,N’-carbonyldiimidazole, ou un chlorure d’iminium (Figure 2).
Figure 2: Réaction d’estérification avec un acide carboxylique (a), avec des dérivés d’acides (b) et avec des acides activés
(Klemm, Heublein et al. 2005) (c).
L’ajout d’un co-solvant comme le toluène dans le milieu permet de réaliser l’acétylation dite fibreuse.
La réaction est identique mais les chaînes modifiées ne sont plus solubles dans le milieu et la
morphologie fibrillaire est alors conservée. Les produits obtenus présentent une structure cristalline
73
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
dont l’ordre peut être amélioré par recuit. Selon les caractéristiques du procédé (milieu gonflant,
solubilisant, structure initiale du substrat), deux structures, CTA1 et CTA2, peuvent être obtenues
(Sprague, Riley et al. 1958; VanderHart, Hyatt et al. 1996). Dans le cas d’un milieu non gonflant et de
cellulose native, la structure CTA1 est obtenue. Les signaux des spectres de RMN du solide de cette
structure ont été attribués (Kono, Erata et al. 2002).
La modification hétérogène peut être transposée jusqu’à l’anhydride butanoïque. Pour des chaînes
plus longues, cette voie ne permet plus la modification de l’intégralité du substrat (Jandura, Kokta et
al. 2000). Il est alors nécessaire de réaliser une modification par voie homogène pour obtenir des
triesters avec différentes longueurs de chaînes. Ces produits ont été étudiés pour caractériser leurs
propriétés thermiques, et leur solubilité dans une série de solvants (Malm, Glegg et al. 1966).
Dans notre cas, les matrices employées appartiennent à la famille des diènes. La chimie du soufre
permet des réactions d’additions sur les alcènes, notamment via des fonctions thiols ou polysulfures.
Ces dernières sont plus stables que les thiols vis à vis de l’addition sur les chaînes diéniques, la
réaction nécessitant alors une élévation de la température. Ces caractéristiques rendent les fonctions
polysulfures adaptées à notre application, pour laquelle il est nécessaire que cette fonction reste
stable durant les étapes de fonctionnalisation de la charge et d’incorporation de la charge au sein de
la matrice.
Dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons plus précisément à un diacide avec une fonction
disulfure, disponible commercialement (Figure 3). Ce réactif peut être chloré facilement en présence
de chlorure de thionyle (Beloglazkina, Majouga et al. 2009), afin d’obtenir un dérivé plus réactif pour
l’estérification.
74
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
2. Procédé
L’identification d’un procédé de modification de surface de la nanocellulose qui soit contrôlé,
respectueux de l’environnement et transposable à échelle industrielle fait l’objet de nombreuses
études. Afin de réaliser ce type de modification, le procédé employé doit réunir deux qualités
principales. Il doit permettre la mise en œuvre d’une réaction efficace, et l’obtention d’un milieu où
toutes les surfaces de nanocellulose sont accessibles de manière homogène.
Deux systèmes réactionnels ont également permis l’estérification de la cellulose bactérienne qui
constitue alors un substrat sec modèle : avec de l’anhydride acétique catalysée par de l’iode (Hu,
Chen et al. 2011), ou avec un dicéténe aliphatique en présence de méthylimidazole (Yoshida, Heux et
al. 2012). Avec ces méthodes, il est possible d’atteindre des taux de modification élevés (DS>2).
75
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Figure 4: Relation de Clausius Clapeyron. Psat= pression de vapeur saturante, L=enthalpie de changement d’état,
R=constante des gaz parfait, Pref/Tref= conditions de référence propres au réactif.
Pour P>Psat, une évaporation contrôlée s’établit. Si cette étape se déroule avec un balayage d’un
gaz inerte comme l’azote, un bilan matière permet d’estimer le flux de réactif évaporé (Qr) en
fonction de la pression de travail (Figure 5).
Figure 5: Qr=flux de réactif vaporisé. Psat= pression de vapeur saturante, P=pression de travail, QN 2= flux de gaz vecteur
76
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
- Diffusion & transport du réactif. Une fois en phase gaz, le réactif va devoir atteindre le substrat.
Le libre parcours moyen de la molécule définit la distance entre deux collisions interatomiques
découlant de la théorie cinétique des gaz. Cette grandeur est une fonction de la concentration
en molécules, donc de la pression selon la loi des gaz parfaits (Figure 6).
Figure 6: libre parcours moyen. σ=diamètre de collision réactif/gaz vecteur, Na=nombre d’Avogadro
- Interaction réactif substrat. En raison de l’équilibre liquide vapeur, le gaz évaporé est à Pi=Psat.
Deux régimes d’interactions sont alors envisageables selon les conditions à proximité du
substrat. Soit Pi<Psat, ce qui est le cas si les enceintes de vaporisation et de dépôt sont séparées,
avec dans la seconde une pression telle que P=Pi<Psat et/ou un flux de gaz vecteur tel que
P=Pi+Pgaz. Dans ce cas, la concentration de réactif à la surface du substrat est contrôlée et
décrite par un isotherme d’adsorption. Soit, le substrat est un point froid de l’enceinte en raison
des gradients de température, et il y a donc condensation de la molécule en phase gaz à sa
surface.
- Réaction. Une fois le réactif à la surface du substrat, la réaction peut alors se dérouler. Elle peut
être caractérisée par une énergie d’activation et une loi cinétique.
Procédés CVD/ALD
Ce procédé repose sur l’emploi d’un précurseur organométallique et d’un réducteur, introduits
conjointement dans l’enceinte de réaction pour former à la surface du substrat un dépôt inorganique
(Choy 2003; George 2009) (Figure 7). Cette introduction des deux composés peut être simultanée
(CVD) ou séquentielle (ALD).
77
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
a b
a b
Figure 8: Impact de la température sur le régime de dépôt par CVD (a) et ALD (b)
Pour le travail sur des poudres à haute surface spécifique, la principale évolution porte sur la
conception du réacteur qui inclut alors des systèmes adaptés d’agitation du substrat et d’injection du
réactif (Vahlas, Caussat et al. 2006; Kim, Lee et al. 2009). Cette approche a notamment permis
d’effectuer des dépôts sur plusieurs grammes de nanotubes de carbones (Figure 9) (Cavanagh and et
al. 2009). En travaillant par injection discrète du réactif, la mise au point des paramètres opératoires
est alors aisée, un simple suivi de l’évolution de la pression dans l’enceinte permettant de
déterminer le temps et le volume de réactif optimal pour la formation d’une monocouche
(McCormick, Cloutier et al. 2007; McCormick, Rice et al. 2007).
78
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
a b
Figure 9: Schéma de l’installation permettant le dépôt par ALD sur des nanotubes de carbones (a) et observation du dépôt
sur les nanoparticules par microscopie électronique en transmission (b) (Cavanagh and et al. 2009)
Procédé iCVD
Ce procédé permet une polymérisation radicalaire à la surface du substrat à partir d’un monomère et
d’un initiateur présents en phase gaz, et d’un stimulus pouvant être la chaleur, un plasma ou un
rayonnement UV (Alf, Asatekin et al. 2010) (Figure 10). La progression de la réaction est évaluée par
la croissance de l’épaisseur du dépôt. Afin de contrôler le procédé indépendamment du réactif, le
paramètre Pi/Psat est introduit, puis ajusté idéalement entre 0,4 et 0,7 pour avoir une croissance
rapide du dépôt sans condensation massive.
Figure 10: Déroulement du procédé iCVD et impact de la pression partielle sur la concentration surfacique en monomère
(Alf, Asatekin et al. 2010)
Cette approche a également pu être transposée à des nanotubes de carbones avec un réacteur
adapté (Figure 11) (Lau and Gleason 2006).
79
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
a b
Figure 11: Schéma de l’installation permettant un dépôt iCVD sur des nanotubes de carbones (a) et observation du dépôt
sur les nanoparticules par microscopie électronique en transmission (b) (Lau and Gleason 2006)
Conclusion
Les deux procédés présentés montrent que la réalisation d’un dépôt homogène sur des
nanoparticules par voie gaz est réalisable, et nécessite des réacteurs adaptés, et la mise au point de
paramètres de contrôle.
L’objectif fixé dans le cas de la modification de la nanocellulose est toutefois différent de ces
exemples. Il ne sera pas nécessaire de faire croître un dépôt de manière uniforme, mais plutôt de
former une monocouche à la surface du substrat, en s’assurant de son caractère covalent, de son
homogénéité, et de l’intégrité de la structure du substrat.
80
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Aujourd’hui, cette discipline connaît un fort regain d’intérêt dans le cadre spécifique de la
modification hétérogène de fibres et surtout de nanocellulose. L’objectif n’est plus la substitution
intégrale des chaînes cellulosiques, mais la modification contrôlée de la surface des objets
cellulosiques pour permettre leur dispersion au sein de matrices ou solvants apolaires, ou pour
introduire en surface de nouvelles fonctionnalités (Habibi, Lucia et al. 2010). La mise au point de
voies permettant de modifier de manière contrôlée la surface de la nanocellulose nécessite alors,
outre la caractérisation chimique traditionnelle, une caractérisation de la topochimie de la réaction
et de la structure du substrat.
Dans cette partie nous étudions tout d’abord la structure de la nanocellulose et les méthodes
permettant de la caractériser, avant de rappeler les principaux résultats disponibles dans la
littérature sur la topochimie de la modification de nanocellulose.
3.1.1. Structure
Dans le cadre d’une modification hétérogène impliquant les fonctions hydroxyles, deux populations
de site de réaction peuvent être distinguées, les fonctions hydroxyles à la surface du substrat, et
celles au sein de la structure cristalline (Figure 12). Seule la moitié des fonctions hydroxyles portées
par les chaînes de surface sont effectivement dirigées vers l’extérieur du cristal. Les paramètres
cristallographiques de la cellulose native (Nishiyama, Langan et al. 2002) permettent alors de donner
une estimation du nombre de fonctions hydroxyles disponibles en surface des nanocellulose :
environ 5 par nm² (cf. matériaux et méthodes).
81
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Figure 12: Distances interchaînes et chaines de surface de nanocellulose (Okita, Saito et al. 2010)
De plus, en considérant les distances interchaînes moyennes (0,57 nm) et les dimensions latérales du
substrat (a), il est possible d’estimer la fraction de chaîne à la surface de cristal (Goussé, Chanzy et al.
2002). Cette valeur peut ensuite être convertie en DSsurface, une valeur théorique correspondant à la
modification des seules fonctions hydroxyle accessibles à la surface du substrat.
Nous rappelons les valeurs obtenue à partir des dimensions des principaux types nanocelluloses et
de microfibrilles biosynthétisées reportées dans la littérature (Moon, Martini et al. 2011) (Table 1).
La modification de l’interface ne correspond donc qu’à une fraction des fonctions hydroxyle du
substrat d’autant plus grande que les dimensions du cristal sont réduites.
3.1.2. Topochimie
Notre objectif est également de déterminer la topochimie des différentes réactions, et donc la
distribution spatiale de sites de réaction pour un niveau de modification donné. Le cas idéal serait
celui d’une modification préférentielle des sites de surfaces sans détérioration de la structure
cristalline native. Toutefois il est également possible que la réaction progresse au sein de la structure.
Trois cas limites sont alors envisageables.
82
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
- Progression surface cœur. La réaction sature d’abord toute la surface accessible puis progresse
dans la structure.
Afin d’identifier la topochimie de la réaction il est donc nécessaire de réaliser une double
caractérisation chimique et structurale du substrat aux différents niveaux de modification.
Pour la caractérisation chimique, les outils les plus courants sont la spectroscopie (FTIR, RMN 13C), les
méthodes chimiques de dosage et l’analyse élémentaire (AE), éventuellement surfacique (XPS). Les
méthodes spectroscopiques présentent l’avantage d’être sensibles à la liaison formée, permettant de
distinguer la simple adsorption d’un réactif à la surface du substrat, et la formation d’une liaison
covalente. Elles peuvent également permettre dans certains cas de qualifier la régiosélectivité en
distinguant les différents sites de modification sur une unité anhydroglucose. Toutefois, dans le cas
d’une modification hétérogène surfacique, l’analyse directe du produit équivaut à des taux de
greffage faibles, et peut poser des problèmes de détection.
De plus la largeur du pic peut alors permettre d’estimer les dimensions cristallines, selon le plan
cristallin considéré (Figure 13), à partir de la loi de Debye Scherrer (Fink, Hofmann et al. 1995).
83
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
- Spectroscopie infarouge (FTIR). Les fonctions hydroxyle de la cellulose présentent des signaux
autour de 3200 cm-1, dépendant des liaisons hydrogènes intra et inter-chaînes constitutives du
cristal natif (Maréchal and Chanzy 2000). Afin d’enrichir l’analyse de la structure, il est possible
d’échanger sélectivement l’hydrogène des fonctions hydroxyles au sein du cristal par du
deutérium (Nishiyama, Isogai et al. 1999). De manière alternative, en présence d’une
atmosphère saturée en deutérium, ce sont les fonctions hydroxyles accessibles qui sont
échangées (Maréchal and Chanzy 2000). Le pic de ces fonctions marquées apparaît alors vers
2300 cm-1. Cette approche n’a pas été employée dans la littérature pour le suivi de la
modification de nanocellulose, en revanche, elle a permis d’étudier la transition allomorphique
Iα->Iβ (Horikawa and Sugiyama 2009), et les dimensions cristallines de la microfibrille
élémentaire selon l’origine botanique (Horikawa, Clair et al. 2009).
- RMN 13C CP MAS. En RMN du solide, le déplacement chimique des carbones de l’unité
anhydroglucose constitutive de la cellulose est dépendant de l’environnement chimique, mais
aussi de la conformation de la chaîne au sein de la structure solide. Cette sensibilité à la
structure cristalline permet de distinguer les deux allomorphes, Iα et Iβ, présents au sein de la
cellulose native (Atalla and Vanderhart 1984). Elle se traduit également par la présence de
signaux attribués aux zones désorganisées du cristal, facilement observables pour les carbones
C4 et C6 de l’unité anhydroglucose (VanderHart and Atalla 1984), et préférentiellement
associées aux chaînes à la surface du cristal. L’amplitude de ces contributions va varier selon
l’origine botanique de la cellulose native. De nombreux traitements de la cellulose native sont
susceptibles de conduire à l’obtention d’une nouvelle maille cristalline (Isogai, Usuda et al. 1989)
ou d’un complexe (Porro, Bédué et al. 2007; Wada, Heux et al. 2009), les produits obtenus étant
caractérisés par une évolution spécifique des déplacements chimiques des carbones de l’unité
anhydroglucose. Dans le cas de la modification de la nanocellulose, trois types d’informations
peuvent être obtenus. La présence de cellulose native et son polymorphisme, la présence
d’unités D-glucosyles modifiées chimiquement, et la présence de cellulose non modifiée mais
n’ayant plus la structure cristalline native (Yamamoto, Horii et al. 2006; Berlioz, Molina-Boisseau
et al. 2009).
84
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Une première étude porte sur la modification de CNC de coton et des MFC de betterave (Montanari,
Roumani et al. 2005). Les auteurs montrent que la réaction atteint une valeur seuil de DS, qui dépend
de l’origine botanique du substrat, et qui est équivalente à la modification de la seule surface. La
structure des produits, observés par MET, n’apparaît pas perturbée, et la RMN indique que la
réduction de l’intensité du signal de C6 associée à la réaction provient principalement de la
contribution des chaines désorganisées. Ainsi, les auteurs proposent que cette réaction soit limitée
aux fonctions accessibles en surface. Une seconde étude a confirmé ces observations en employant
d’autres substrats avec des dimensions cristallines différentes (Okita, Saito et al. 2010). Pour tous, le
taux de modification atteint une valeur seuil correspondant aux fonctions accessibles en surface et la
structure de la cellulose native est préservée.
Ainsi la topochimie de cette réaction apparaît clairement identifiée, avec une modification sélective
des hydroxyles primaires à la surface du substrat. La validité de ce mécanisme a ensuite été
renforcée par l’extraction des chaînes de surfaces des substrats modifiés, dont l’analyse par RMN
met en évidence la structure en copolymère alterné, une unité D-glucosyle sur deux étant modifiée
en C6 (Figure 14) (Hirota, Furihata et al. 2010).
Figure 14: Topochimie oxydation TEMPO (Montanari, Roumani et al. 2005; Habibi, Chanzy et al. 2006)
85
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Pour l’oxydation de CNC de Cladophora, la réaction peut atteindre une valeur de DS=0,3 (Kim, Kuga
et al. 2000). Le produit présente toujours la structure cristalline de la cellulose native, mais sa
morphologie apparaît alors légèrement courbée par rapport au substrat de départ. Pour un taux de
modification DS=0,1, si la réaction est surfacique, tous les hydroxyles secondaires devraient être
convertis (0,66*DSsurface Table1). Le marquage des sites d’oxydation par des billes d’or montre alors
une distribution irrégulière à la surface, et l’hydrolyse de ce produit conduit à l’obtention de
segments de nanocellulose de longueurs réduites, alors qu’il n’affecte pas le substrat initial. Les
auteurs proposent alors que la réaction soit auto accélérée et progresse localement au sein de la
structure cristalline.
Récemment, cette même réaction a été réalisée sur des CNC de coton (Azzam 2012) et de bois (Dash,
Elder et al. 2012) et suivi d‘une amination réductrice pour fixer un composé aminé. Dans les deux
cas, la morphologie des composés oxydés apparait semblable au substrat initial, mais les chaînes
modifiées sont alors solubles respectivement dans le milieu réactionnel et le DMSO.
3.2.3. Ethérification
Une autre voie de modification de nanocellulose repose sur l’éthérification des fonctions hydroxyles
de surface par substitution nucléophile sur un réactif avec un groupement partant. Cette approche
pour la modification de la nanocellulose a fait l’objet de plusieurs études (Table 4).
Plusieurs travaux se sont intéressés à la réaction d’une fonction époxyde en milieu basique (jusqu’à 1
M de NaOH) afin d’activer les fonctions hydroxyles, pour des suspensions de CNC de coton et de bois
(Dong and Roman 2007; Hasani, Cranston et al. 2008; Kloser and Gray 2010). Les niveaux obtenus
sont faibles (DS < 0,05), la morphologie du substrat est préservée, et la réaction est donc considérée
surfacique.
Cette réaction a été étudiée également avec le cyanoacrylate (Baudoin 2000). Dans ce cas, à l’issue
de l’activation dans une solution de soude, la majorité du solvant est évacuée et le réactif est
directement ajouté au substrat. La modification peut alors atteindre des niveaux proches de la
modification de toutes les fonctions de surface pour des MFC de betterave (DS=0,8) et des CNC de
86
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
tunicier (DS=0,2). L’analyse de la structure des produits ne montre pas de perturbation par rapport
au substrat initial. Ces nanocelluloses modifiées sont alors redispersibles dans le THF en présence
d’une faible quantité d’eau, et la réaction semble donc essentiellement surfacique.
Un dernier groupe d’études portent sur l’éthérification dans le toluène avec des chlorosilanes ayant
des chaînes aliphatiques de longueur variable. Avec des MFC de betterave (Goussé, Chanzy et al.
2004; Andresen, Johansson et al. 2006), pour des DS compris entre 0,05 et 0,21, l’analyse par TEM et
par diffraction de rayons X ne montrent pas de perturbation de la structure native de la cellulose, et
les produits sont alors redispersibles dans le THF. Pour des DS supérieurs, une fraction du produit est
solubilisée et le cristal est détruit. Dans le cas des CNC de tunicier (Goussé, Chanzy et al. 2002), pour
des DS entre 0,03 et 0,1, les produits observés en MET apparaissent gonflées et flexibles, alors que
pour des DS supérieurs la structure n’est plus distinguée. Par diffraction de rayons X, les signaux de la
cellulose native ne sont observés que jusqu’à DS=0,2. Pour DS=0,12 la redispersion du produit
conduit à une suspension birefringente dans le THF. En revanche une suspension floculée est
obtenue pour des DS plus élevés (proche de 0,2) ou plus faibles (proche de 0,05).
Les auteurs proposent alors un modèle de progression de la réaction en trois stades. Initialement la
réaction n’est pas assez avancée pour permettre la redispersion dans le THF (Figure 15a). Ensuite la
réaction conduit à la formation de segments de chaînes solubles mais restant attaché au cristal,
permettant l’obtention d’une suspension stable (Figure 15b). Finalement la progression conduit à la
décristallisation totale du substrat (Figure 15c).
87
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Figure 15: Topochimie de l’éthérification avec des chlorosilanes (Goussé, Chanzy et al. 2002)
3.2.4. Carbanilation
La modification de nanocellulose peut également être réalisée par addition de la fonction hydroxyle
du substrat sur une fonction isocyanate (Table 5).
Cette réaction a ainsi été étudiée dans le toluène avec un réactif portant une chaîne aliphatique. Une
première étude indique des niveaux de modification faibles (DS < 0,1) (Siqueira, Bras et al. 2009). Le
protocole est optimisé dans une seconde étude, et les niveaux de modification atteints sont plus
élevés (Missoum, Bras et al. 2012). La structure cristalline et la morphologie sont toujours préservées
à l’issue de la réaction, indiquant une réaction essentiellement surfacique.
3.2.5. Estérification
L’une des modifications les plus fréquentes pour la nanocellulose est l’estérification par addition
d’une fonction hydroxyle du substrat sur une fonction carbonyle présente au sein d’un réactif (Table
6).
Cette réaction a notamment été employée pour l’introduction d’un précurseur de polymérisation à la
surface de CNC de ramie (Zoppe, Habibi et al. 2010), ou de CNC de coton (Morandi, Heath et al.
2009). Pour le niveau de greffage le plus élevé, le produit est redispersible dans le chloroforme et la
structure cristalline est préservée (Majoinen, Walther et al. 2011). Il est également possible de
réaliser cette réaction avec des chlorures d’acides ayant une chaîne alkyle de longueur variable
(Junior de Menezes, Siqueira et al. 2009), avec des acides gras activés (Uschanov, Johansson et al.
2011), avec de l’anhydride acétique (Tingaut, Zimmermann et al. 2009), avec des anhydrides ayant
88
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
des chaines alkyles plus longues (Missoum, Belgacem et al. 2012), avec des anhydrides cycliques
(Stenstad, Andresen et al. 2008), et par transesterification avec de l’ acétate de vinyle (Çetin, Tingaut
et al. 2009).
Pour cette première série d’études les niveaux de grefffage obtenus sont inférieurs ou équivalents à
la modification de la surface du substrat, et la structure cristalline et la morphologie du substrat ne
sont pas perturbées. La réaction est alors considérée comme essentiellement surfacique.
Une seconde série d’études s’intéressent alors à la progression de l’acétylation avec de l’anhydride
acétique, jusqu’à la modification intégrale du substrat. En travaillant sur des substrats avec des
dimensions cristallines importantes, il a ainsi été observé par MET, que pour des taux intermédiaires
de modifications, les dimensions latérales apparaissent réduites (Sassi and Chanzy 1995). Par
89
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Récemment une dernière étude s’est intéressé à l’estérification avec le chlorure de palmitoyle par
voie gaz (Berlioz 2007). L’analyse topochimique a notamment pu être développée à partir des
résultats obtenus sur la cellulose bactérienne (Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009). Dans ce cas, il
est possible d’atteindre une valeur de DS=2,7. Pour des DS intermédiaires, par RMN, les signaux de la
cellulose native sont encore présents, coexistant avec ceux du triester. Un signal C4 intermédiaire à
85 ppm non attribué est également observé. Pour les autres nanocelluloses (MFC bois, CNC tunicier),
les niveaux de greffage obtenus sont plus faibles et montrent uniquement la coexistence de signaux
de la cellulose et du triester par RMN du solide et par diffraction de rayons X. Les auteurs proposent
que cette voie de modification soit similaire au procédé d’acétylation fibreuse, la réaction
progressant depuis la surface vers le cœur du substrat (Figure 16). De plus, ils observent que pour
des taux de modifications élevés, les chaînes alkyles du palmitate s’associent latéralement.
Figure 16: Progression cœur surface de l’estérification en phase gaz (Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009)
3.2.6. Conclusion
Cette revue des principaux travaux existants dans la littérature montre que selon la réaction
employée, plusieurs progressions topochimiques peuvent effectivement être observées. La
détermination de ces mécanismes nécessite alors l’emploi de caractérisations croisées chimiques et
structurales. L’estérification, qui permet une modification non régiosélective, apparaît comme la
méthode la plus adaptée pour la modification de l’ensemble des fonctions hydroxyle à l’interface.
Toutefois, il est alors nécessaire de contrôler l’avancement de la réaction afin de ne pas poursuivre la
progression vers le cœur du substrat.
90
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Le premier chapitre porte sur l’étude du procédé d’estérification par voie gaz, d’aérogels de MFC de
haute surface spécifique, avec du chlorure de palmitoyle. L’objectif est d’identifier l’impact des
paramètres du procédé, et de pouvoir contrôler l’avancement de la réaction.
Enfin, le dernier chapitre s’intéresse à l’estérification par voie gaz avec des réactifs bifonctionnels, sur
différents types d’aérogels (MFC haute et basse surface spécifique, CNC haute surface spécifique),
afin de réaliser une modification surfacique contrôlée et de pouvoir introduire une fonctionnalité
pour l’obtention de liaisons charge-matrice.
91
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
92
Chapitre 2 : Mise au point du procédé de greffage
Présentation de l’installation
L’installation expérimentale qui a été développée spécifiquement pour ce projet est une version
optimisée de celle employée pour la démonstration de cette approche au laboratoire, avec un
contrôle amélioré de la pression, de la température, et du flux de gaz vecteur (Figure 1).
Elle est composée d’un réacteur, à la base duquel le réactif est introduit. L’aérogel est déposé au
dessus, séparé par une grille en téflon. Nous contrôlons la température au sein de l’enceinte via une
double enveloppe reliée à un bain d’huile régulé. Le réacteur comporte également une admission à
sa base permettant l’injection d’un flux d’azote avec un débit contrôlé. Enfin, en tête de réacteur,
nous avons un système de régulation de la pression comportant un capteur de pression, une pompe
à vide et une vanne de régulation. Nous avons également un piège permettant de condenser les
effluents gazeux évacués de l’enceinte.
93
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Plusieurs étapes successives sont définies pour ce procédé en phase gaz (Figure 2). Nous distinguons
l’évaporation du réactif, sa diffusion puis son interaction avec la surface de l’aérogel, et la réaction
d’estérification entre les fonctions hydroxyle du substrat et la fonction carbonyle du réactif.
Gaz
Liquide
N vap N cond Ng = DS
Figure 2: Etapes procédé et indicateurs gravimétriques
Dans la mesure où nous travaillons avec une quantité importante de substrat, l’avancement des trois
étapes définies ci-dessus peut être déterminé avec une bonne précision par une simple pesée. Afin
de suivre l’évolution du greffage nous définissons 3 indicateurs gravimétriques pour les étapes
successives du procédé, Nvap, Ncond, Ng, représentant respectivement le nombre d’équivalents molaire
de réactif évaporé, condensé, puis greffé par rapport au nombre d’unités D-glucosyles du substrat
(cf. matériel et méthodes). Afin de faciliter la comparaison avec ces grandeurs, la quantité de réactif
introduite (Neq) est également exprimée en équivalents molaires par rapport au nombre d’unités D-
glucosyles du substrat.
Afin d’obtenir des informations sur l’étape d’évaporation en fonction des paramètres du procédé
choisis, nous employons également deux données complémentaires. La pression de vapeur saturante
en fonction de la température est déterminée à l’aide de la relation de Clausius Clapeyron (cf. partie
II chapitre 1 2.2.1). De plus, dans le cas d’une pression de travail inférieure à la pression de vapeur
saturante du réactif, nous employons également Nr=QrXt (cf. partie II chapitre 1 2.2.1) un indicateur
estimant la quantité de réactif vaporisable. Il est obtenu via un bilan matière sur l’évaporation et va
dépendre du temps, de la pression, et de la température via Psat.
94
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
Nous réalisons ensuite plusieurs séries d’expériences en faisant varier les différents paramètres
expérimentaux (Table 1).
- Paramètres intensifs. Une seconde série porte sur l’impact des paramètres expérimentaux pour
lesquels les données thermodynamiques régissant les équilibres permettent d’anticiper un
impact sur l’étape d’évaporation, soit le temps (t), la pression (P), et la température (T). Pour
chacun de ces paramètres, nous réalisons deux expériences en faisant varier leur valeur
employée pour les conditions de référence, à un niveau supérieur et à un niveau inférieur.
- Paramètres extensifs. Une troisième série s’intéresse à l’impact des deux autres paramètres
expérimentaux, la quantité de réactif (Neq), et la quantité de substrat (m). Par rapport aux
conditions de référence, nous varions la quantité de réactif introduite Neq sur trois niveaux
inférieurs (5, 2 puis 1 eq). Pour étudier l’impact de la quantité de substrat, nous effectuons un
essai comparatif (5 et 1g) avec un nouveau jeu de paramètres (1eq, 4h, 150°C, 50 mbar).
- Transposition. Une quatrième série, porte sur la transposition du procédé à un réactif de même
fonctionnalité que C16, mais avec une pression de vapeur saturante différente. Trois jeux de
paramètres sont évalués.
95
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
2. Résultats
Les résultats obtenus sont présentés en trois parties successives portant sur l’influence des différents
paramètres expérimentaux, sur la transposition du procédé à un nouveau réactif, et sur l’influence
de la structure du substrat sur le procédé.
2.1.1. Reproductibilité
Nous utilisons des conditions de référence (10eq, 1g, 2h, 50 mbar, 150°C), correspondant à un excès
de réactif (Neq=10). La pression de travail est choisie supérieure à la pression de vapeur saturante
(50 mbar > 5,1 mbar), correspondant à un régime d’évaporation contrôlé. Nous reproduisons alors
quatre fois l’expérience. A partir de pesées, nous déterminons pour chaque essai les valeurs de Nvap,
Ncond et Ng (Figure 3). Les valeurs moyennes et l’écart type sur les quatre essais sont calculées, et le
rendement intermédiaire de chaque étape est déterminé (Table 2).
10 Neq
6 N vap N cond Ng
4
3,0
2,7 2,7
2,5
2 1,7 1,5 1,5
1,3 1,10
0,88 1,00 0,96
0
1 2 3 4
Les quatre essais montrent des écarts types de l’ordre de 10% des valeurs moyennes pour les trois
mesures gravimétriques (Figure 3, Table 2). Nous observons que la quantité de réactif évaporé
représente environ un quart de la quantité introduite. Prés de la moitié de ce réactif en phase vapeur
va se déposer à la surface du substrat. Environ les deux tiers de ce condensat vont effectivement
réagir avec les fonctions hydroxyle du substrat. Le produit a ainsi un degré de substitution moyen
DS=Ng=1. Des phénomènes secondaires doivent alors être responsables des rendements
intermédiaires de condensation et de réaction inférieurs à 100%.
96
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
a b c
9,5 Neq
10 10 10
8,6
4 4 4 3,8
2,5
2,5 2,5
1,83 2,36
2 1,5
2 1,80
1,00 1,5 2 1,5
0,7 1,00 0,9 1,00
0,2 0,12
0,1 0,1 0,04 0,3 0,14
0
0 0
500 mbar 50 mbar 5 mbar
100 °C 150 °C 200 °C 0,5 h 2h 6h
Influence de la pression
Influence de la température
Les indicateurs gravimétriques montrent qu’en augmentant la température de 100 à 200°C, nous
observons une augmentation de la quantité de réactif évaporé, de 0,1 à 9,5 équivalents molaire
(Figure 4b). Cette évolution est en accord avec l’évolution associée de Psat qui augmente avec la
température et conduit à une augmentation de la quantité vaporisée estimée (Table 1). Les quantités
de réactif condensées puis greffées, représentent une fraction du réactif évaporé, similairement à ce
qui a été observé pour la pression. Le niveau de greffage final augmente donc avec la température.
Nous observons une augmentation de la quantité de réactif évaporée avec la durée de l’expérience,
de 0,9 à 6,3 équivalents molaires (Figure 4c). Cette évolution est cohérente avec l’évolution de Nr
(Table 1). Les quantités condensées puis greffées n’en représentent qu’une fraction comme pour les
autres paramètres. Le taux de modification final est donc croissant avec le temps de réaction.
Conclusion
Dans le régime de travail étudié, avec une quantité de réactif introduite non limitante et une
évaporation contrôlée du réactif, les paramètres pression, température, et temps permettent de
faire varier simplement le niveau de greffage final de l’aérogel, évalué par gravimétrie. L’impact de
ces paramètres semble principalement lié à leur influence sur l’étape d’évaporation.
97
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
a b
10 Neq 10
8 8 Nvap Ncond Ng
Nvap Ncond Ng
6 6
4 4
2,5 0,9
2,0 0,9 0,8
2 1,5 2 0,4 0,67
0,8 1,0 1,00
0,9
0,3 0,24 0,4 0,33 0,66
0,19
0 0
1 eq 2 eq 5 eq 10 eq 1g 5g
Pour l’étude de l’influence de la quantité d’aérogel, nous travaillons avec une faible quantité de
réactif (1eq) et sur un temps plus long que la référence (4h). Les données gravimétriques montrent
que pour les deux quantités d’aérogels (5g et 1g), la quasi-totalité du réactif introduit est évaporée.
En revanche, alors que la majorité de cette fraction évaporée se condense pour l’expérience réalisée
avec 5g d’aérogel, moins de la moitié va l’être lorsque l’expérience est réalisée sur 1g de substrat. Le
niveau de modification final de l’aérogel est alors plus élevé lorsque la quantité de substrat
introduite est plus importante.
Conclusions
98
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
Etape d’évaporation
Pour les expériences réalisées en faisant varier les paramètres intensifs du système, la quantité de
réactif introduite est grande par rapport à la quantité de substrat (10 eq cf. 2.1.2 Figure 4). Nous
nous intéressons à la relation entre la quantité évaporée mesurée expérimentalement par
gravimétrie, Nvap, et un indicateur de la quantité théoriquement vaporisable, Nr (Figure 6). Elle n’est
pas déterminée pour l’expérience réalisée à 5 mbar, car notre estimation de Psat donne alors 5,1
mbar ce qui rend inapplicable la relation. Toutefois, pour les autres expériences, cette valeur va
varier en fonction de la température, de la pression et du temps.
Nvap
10
Nr
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3
Figure 6 : Relation entre la quantité de réactif évaporée mesurée expérimentalement (Nvap) et indicateur de la quantité
vaporisable (Nr).
Nous observons une relation linéaire, entre la quantité évaporée et l’indicateur de la quantité
vaporisable qui semble confirmer la pertinence de cette estimation. Ainsi dans un régime de travail
avec un excès de réactif et une évaporation contrôlée, la quantité de réactif évaporée va dépendre
de la pression, de la température, et du temps. En revanche, le dernier point, correspondant à
l’expérience à 200°C, dévie de cette évolution. Dans ce cas la quantité évaporée, Nvap (9,8 eq) est
proche de la quantité introduite Neq (10 eq) qui devient limitante, rendant caduque l’estimation en
fonction des paramètres intensifs.
Nous considérons ensuite le passage depuis un régime où la quantité de réactif introduite est
limitante à un régime d’excès en réactif, en augmentant progressivement Neq alors que les
paramètres intensifs sont maintenus constants (Figure 5a). Nous évaluons alors la quantité de réactif
évaporée, Nvap, en fonction de la quantité introduite, Neq, (Figure 7). Nous comparons ces résultats
avec la droite Nvap=Neq symbolisant l’évaporation totale.
99
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Nvap
10
Neq
0
0 2 4 6 8 10
Figure 7 : Relation entre la quantité de réactif évaporée (Nvap) et la quantité de réactif introduite (Neq)
Nous anticipons que pour des conditions expérimentales où la quantité de réactif introduite est
limitante la totalité du réactif introduit est évaporé. En revanche, en cas d’excès de réactif, la
quantité de réactif évaporée devient indépendante de la quantité introduite et peut être estimée à
partir des paramètres intensifs pression, température et temps.
Nous observons que la quantité évaporée croit en fonction de la quantité introduite, sans que la
totalité soit évaporée. De plus, les conditions expérimentales choisies ne permettent pas de
distinguer la présence d’une valeur d’évaporation plateau, qui serait indépendante de la quantité
introduite. Ce comportement peut être lié à des phénomènes secondaires se déroulent
parallèlement à l’évaporation, comme la transformation d’une fraction du réactif en un résidu non
vaporisable. Sa nature et ses conditions de formation restent à déterminer, toutefois cette
hypothèse permet d’expliquer pourquoi Nvap est inférieur à Neq.
Condensation
Pour les différentes expériences réalisées en faisant varier les paramètres intensifs du procédé et la
quantité de réactif introduite, nous nous intéressons à l’évolution de la quantité de réactif condensée
sur le substrat, Ncond, en fonction de la quantité de réactif évaporée, Nvap (Figure 8). Nous comparons
ces résultats avec la droite Ncond=Nvap symbolisant la condensation totale du réactif évaporé.
Ncond
10
Nvap
0
0 2 4 6 8 10
Figure 8 : Relation entre la quantité de réactif évaporée (Nvap) et la quantité de réactif condensée (Ncond)
100
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
Nous observons que la quantité condensée augmente avec la quantité évaporée, sans que la totalité
du réactif évaporé ne se dépose à la surface du substrat. Ceci signifie qu’il existe des phénomènes
secondaires consommant une fraction du réactif évaporée. Ils pourraient être du à la condensation
d’une partie du réactif en phase gaz sur les points froids de l’enceinte, et/ou son évacuation vers la
ligne de vide. Ces phénomènes dépendraient donc principalement de l’installation et doivent être
invariants d’une expérience à l’autre.
Afin de l’illustrer, nous nous intéressons aux résultats relatifs à l’étape de condensation obtenus en
faisant varier un paramètre extensif, la quantité de substrat (Figure 5b). Les quantités évaporées et
condensées sont alors exprimées en nombre de moles, et non en équivalent molaire normalisés par
le nombre d’unités D-glucosyles du substrat (Table 3). Nous mesurons notamment le nombre de
moles de réactif consommées par les phénomènes secondaires correspondant à la différence entre
la quantité évaporée et la quantité condensée.
Nous observons alors que pour les deux essais, la quantité de réactif évaporée et non condensée est
identique, malgré une différence importante en valeur absolue de la quantité évaporée. Ainsi, à
l’issue de l’évaporation, une majorité du réactif se condense à la surface du substrat, alors qu’une
quantité constante est consommée par l’enceinte.
Réaction
Pour les expériences précédentes réalisées en faisant varier les paramètres intensifs et extensifs du
procédé, nous nous intéressons maintenant à l’évolution de la quantité de réactif finalement greffé
en fonction de la quantité de réactif condensée (Figure 9). Nous comparons ces résultats avec la
droite Ng=Ncond symbolisant la réaction totale, puis avec l’asymptote Ng=3 correspondant à la
substitution de l’intégralité des fonctions hydroxyle du substrat.
Ng
3
Ncond
0
0 2 4 6 8 10
Figure 9 : Relation entre la quantité de réactif greffé (Ng) et la quantité de réactif condensée (Ncond)
Pour les faibles quantités la majeure partie du réactif condensé est finalement greffé. La différence
observée peut être liée à la présence, à la surface du substrat, d’une fraction d’eau fortement
physisorbée et difficile à extraire. Ces molécules vont pouvoir hydrolyser une partie du chlorure
101
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
d’acyle en acide carboxylique. Ce composé est alors plus faiblement réactif vis-à-vis de l’estérification
et est probablement éliminé lors de la purification.
Au dessus de Ncond=1, la quantité greffée est plus nettement inférieure à la quantité condensée et
tend vers une asymptote. L’unité D-glucosyle du substrat comporte trois fonctions hydroxyle. La
réaction étant limitée par le nombre de sites, il existe donc une asymptote correspondant à DS=Ng=3.
L’écart avec cette courbe est probablement lié à des problèmes d’accessibilité. Nous réalisons une
modification hétérogène et le réactif doit pouvoir progresser au sein de la structure du substrat afin
d’atteindre tout les sites de modification.
2.1.5. Conclusions
L’étude des différents paramètres du procédé a permis d’observer que leur ajustement permettait
de faire varier le niveau de greffage final entre 0,04 et 2,36. Nous avons également observé que pour
DS égal à 1, l’erreur associée à la reproductibilité de l’expérience est de l’ordre de 10%.
L’influence des paramètres peut être évaluée en considérant les étapes successives du procédé. Dans
le cas d’une évaporation contrôlée avec un excès de réactif, les paramètres intensifs vont contrôler la
quantité de réactif évaporée. Toutefois, il existe des phénomènes secondaires dont l’influence est
mise en évidence pour des régimes de travail où la quantité de réactif introduite est faible. Une
origine possible serait la formation d’un résidu de réactif non vaporisable.
Enfin la réaction consomme la majorité du réactif condensé. Toutefois elle est limitée par le nombre
de sites disponibles, et par l’hydrolyse du réactif conduisant à la formation d’un composé moins
favorable à l’estérification.
102
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
100 mbar, 150°C et 2h (Table 1). De plus, nous fixons la quantité de substrat à 1g et la quantité de
réactif à 5eq. Nous réalisons ensuite deux expériences en faisant varier la température puis la
quantité de réactif. L’objectif est de déterminer s’il est possible de contrôler le niveau de greffage
avec les paramètres du procédé, comme observé précédemment avec le C16.
10
Nvap Ncond Ng
8
6 4,8
4,3
Neq
4 2,9
2 1,6
1,01 0,8
0,5 0,52
0,10
0
150°C-5eq 100°C-5eq 150°C-3eq
Les données gravimétriques (Figure 10) montrent que pour les différentes expériences la quasi-
totalité du réactif introduit est évaporée. Le niveau de greffage final est plus faible lorsque la
température ou la quantité de réactif sont réduites.
Ainsi, la variation des paramètres du procédé sur C10 semble conduire à un impact similaire sur le
niveau de greffage final qu’avec C16. Toutefois, alors que la quantité vaporisable théorique est
proche des conditions de référence avec C16, les quantités effectivement évaporées sont plus
importantes avec C10. Cela peut être du à une mauvais estimation de Psat provenant de données de
la littérature extrapolées par la relation de Clausius Clapeyron, ou à l’absence de dégradation du
réactif. De plus, les fractions de réactif évaporé effectivement condensé pour les différentes
expériences sont faibles par rapport aux valeurs obtenues précédemment avec C16. La plus grande
volatilité du réactif peut conduire à la consommation d’une fraction plus importante par la ligne de
vide. Enfin, nous observons un effet net de la température sur la réaction entre 100°C et 150°C. Cela
pourrait traduire une dépendance différente de la cinétique de réaction avec la température que
pour C16.
pour le greffage des hydroxyles de la cellulose peuvent être distinguées, surface non agrégée, surface
non défibrillée ou agrégée, et intérieur des cristaux. Dans le cas d’un aérogel de microfibrilles de
cellulose basse surface spécifique (M-BS), la surface spécifique non agrégée est environ 7 fois moins
importante que pour l’aérogel M-HS employé jusqu’à maintenant (cf. partie I chapitre 2).
A titre préliminaire, nous avons réalisé un essai de greffage comparatif selon la structure de l’aérogel,
M-BS ou M-HS, avec C16, et des paramètres du procédé correspondant à un régime d’évaporation
contrôlée (150°C, 50mbar, 4h), une quantité de réactif réduite (1eq) et une quantité de substrat
importante (5g) (Table 1).
Les données gravimétriques (Figure 11) montrent que la majorité du réactif est vaporisé pour les
deux échantillons, toutefois la quantité condensée puis finalement greffée est plus forte pour M-HS,
son niveau final de modification étant 50% plus élevé que M-BS. Le caractère hétérogène de la
modification et l’impact de la structure de l’aérogel sur la progression sont illustrés par ce résultats.
Ce paramètre important sera développé en détail dans la suite du manuscrit (partie II chapitre 3, 4 et
5).
104
Chapitre 2 : MISE AU POINT DU PROCEDE DE GREFFAGE
3. Conclusions
Cette étude sur les paramètres du procédé permet de constater que leur ajustement est un moyen
efficace de faire varier le niveau de modification de notre substrat. Nous avons ainsi pu obtenir des
DS compris entre 0,04 et 2,36, avec de nombreuses valeurs intermédiaires.
Deux principales catégories de paramètres peuvent être distinguées. La variation des paramètres
intensifs (pression, température, temps) va influencer en premier lieu l’évaporation du réactif,
conformément à la description thermodynamique et cinétique de cette étape du procédé. La
variation des paramètres extensifs (quantité d’aérogel, quantité de réactif) va influencer l’amplitude
des phénomènes secondaires pouvant avoir lieu lors du greffage (dégradation du réactif,
consommation du réactif par les points froids ou la ligne de vide).
Une étude préliminaire montre que cette démarche est transposable à un autre réactif avec une
fonctionnalité similaire, mais une pression de vapeur saturante différente, par ajustement des
paramètres du procédé.
Ces premiers résultats sur le procédé de greffage, obtenus essentiellement sur des aérogels M-HS, ne
donnent en revanche aucune information relative à la structure chimique et cristalline de nos
produits. Il sera important de confirmer que le gain gravimétrique correspond effectivement à la
formation d’un ester, de déterminer la réactivité comparative des différentes zones du substrat, et
d’identifier la présence d’une éventuelle évolution structurale associée au greffage.
105
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
106
Chapitre 3 : Etude topochimique du greffage de MFC
La stratégie expérimentale de l’étude se divise en deux étapes. Dans la première, nous analysons une
série de produits correspondants à des aérogels de MFC haute surface spécifique (M-HS) ayant réagi
par voie gaz avec le C16 pour atteindre différents niveaux de modification évalués par gravimétrie
(Ng). Cette analyse est réalisée par spectroscopie FTIR et RMN 13C CP-MAS. Des analyses
complémentaires sont également réalisées sur quelques produits obtenus par réaction du même
substrat avec le chlorure de décanoyle (C10).
La seconde étape de l’étude poursuit une démarche analytique similaire, cette fois réduite à la 13C CP
MAS RMN, en l’appliquant à des aérogels de MFC de basse surface spécifique (M-BS). Quelques
échantillons, ayant des niveaux de modification similaires à ceux observés précédemment pour les
aérogels de haute surface spécifique, sont étudiés. Afin d’obtenir des informations complémentaires
sur les différences entre ces deux substrats, nous effectuons une nouvelle analyse après un
traitement d’extraction de la fraction du produit soluble dans le toluène.
Les conditions expérimentales employées pour la préparation des échantillons sont précisées ci-
dessus (Table 1). La nomenclature des échantillons fait référence à la nature du substrat (M), la
structure de l’aérogel (HS ou BS), le réactif employée pour la modification (C16 ou C10) et au taux de
modification évalué par gravimétrie.
108
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
2. Résultats
Figure 2: Spectres infrarouge d’aérogels de MFC haute surface spécifique modifiés par estérification en phase gaz par C16 à
des taux croissants évalués par gravimétrie
Sur l’échantillon non modifié nous observons les signaux caractéristiques de la cellulose décrits dans
la littérature (Maréchal and Chanzy 2000). Pour rappel, les principaux pics correspondent aux
vibrations des liaisons O-H (3000-3600 et 1300-1450 cm-1), C-H (2900 cm-1) et C-O (950-1200 cm-1).
109
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Afin de quantifier les tendances sur l’évolution des pics en fonction du taux de modification, nous
mesurons ensuite la hauteur des principaux signaux cités précédemment que nous reportons en
fonction de Ng. Nous représentons chaque série après normalisation avec sa valeur maximum pour
faciliter la comparaison entre les signaux (Figure 3).
Figure 3: Evolution de la hauteur relative des pics des spectres infrarouge associés à la réaction
Nous observons une variation continue de la hauteur relative des pics avec le taux de modification,
soit une croissance des signaux de la réaction (C=O 1750 cm-1, C-H 2900 cm-1) et une décroissance
des signaux des sites réactionnels (O-H 3400 cm-1). L’ensemble du spectre est modifié au cours de la
réaction, et il est difficile d’identifier un signal invariant afin d’effectuer un suivi quantitatif de
l’avancement. De telles mesures nécessite alors l’emploi d’une courbe de calibration (Sassi and
Chanzy 1995).
Finalement, l’analyse par spectroscopie FTIR permet de confirmer la modification chimique associée
au greffage, par l’apparition d’un pic spécifique à la fonction ester. Nous observons également une
évolution progressive du spectre depuis le substrat non modifié vers le triester, caractérisée par une
110
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
diminution des fonctions hydroxyle réactives et l’augmentation des signaux associés à la présence du
greffon.
Figure 4: Spectres de RMN du solide d’aérogels de MFC haute surface spécifique modifiés par estérification en phase gaz
par C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie
Le substrat non modifié (MFC) présente une série de signaux, apparaissant entre 120 et 50 ppm,
caractéristiques des 6 carbones de l’unité D-glucosyle de la cellulose.
pics entre 10 et 40 ppm, caractéristiques des carbones de la chaîne aliphatique du greffon. Ces
nouvelles contributions associées à la réaction d’estérification apparaissent dès le plus faible taux de
greffage (M-HS-C16-0,04), et augmentent avec le niveau de modification.
L’absence de signal à 180 ppm montre qu’il n’y a pas d’acide palmitique (éventuel sous-produit de la
réaction) au sein du produit après purification. En revanche, le faible signal à 43 ppm présent au sein
de certains échantillons fortement modifiés (M-HS-C16-1.00 et M-HS-C16-2.36) suggère la présence
d’une fraction minoritaire de C16 n’ayant pas réagi (Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009).
Afin d’évaluer l’avancement de la réaction de manière quantitative, nous avons ensuite intégré le
signal du carbonyle (IC=O) normalisé par l’intégrale de C1 de l’unité D-glucosyle. Les valeurs obtenues
sont tracées en fonction de l’avancement de la réaction évalué par gravimétrie, Ng (Figure 5).
Figure 5: Valeur d’intégrale de la fonction carbonyle en fonction de l’avancement de la réaction par gravimétrie pour la
série M-HS-C16
Les points expérimentaux obtenus pour les différents échantillons suivent une corrélation linéaire
dont la pente est proche de 1. Ainsi ces deux indicateurs de l’avancement de la réaction sont
équivalents, les valeurs légèrement plus faibles obtenues par RMN étant liées à la différence de
polarisation entre le carbone C1 de la cellulose et le carbone C=O du greffon que l’on retrouve dans
la calibration de la méthode (cf. matériel et méthodes).
Cette première analyse confirme ainsi l’effectivité et la quantitativité de la réaction. Une analyse
détaillée des signaux attribués à la cellulose est susceptible de fournir des informations
complémentaires quant à l’évolution structurale du substrat (Figure 6).
112
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
Figure 6: Spectres de RMN du solide d’aérogels de MFC haute surface spécifique modifiés par estérification en phase gaz
par C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie
Le substrat non modifié présente les signaux caractéristiques des carbones de la cellulose native
issue du bois. Nous distinguons un pic pour le C1 à 105 ppm, deux pics pour le C4, respectivement à
90 et 85 ppm, attribués aux chaînes cristallines (C4coeur) et aux chaînes désorganisées comprenant
notamment les chaines de surface (C4surf) (Heux, Dinand et al. 1999; Newman 1999). Nous observons
également un massif centré à 75 ppm regroupant les signaux du C2, C3 et C5, et enfin, deux pics pour
le C6, respectivement à 65 et 62 ppm, également attribués à une contribution des chaînes cristallines
et des chaînes désorganisés (incluant la surface).
Au plus fort taux de modification (M-HS-C16-2,36), correspondant dans notre cas à une modification
d’environ 80% des fonctions hydroxyles, le spectre est largement modifié. Les signaux initiaux de la
cellulose native C1, C4 et C6 ont totalement disparu. Nous observons deux pics larges à 102 et 62
ppm, et un épaulement à 80 ppm du massif à 75 ppm, ce dernier présentant alors un seul maxima au
lieu de 2 initialement. Ces signaux sont alors respectivement attribués au signal C1ester, C6ester, C4ester
et C235ester. Ce spectre présente ainsi les mêmes signaux que ceux observés précédemment pour le
greffage de cellulose bactérienne avec C16 pour DS=2,7 (Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009).
L’attribution des signaux est identique à celle proposée pour le triacétate de cellulose (Kono, Erata et
al. 2002).
Nous analysons ensuite l’évolution du spectre avec le taux de modification pour chacun des signaux
des carbones de l’unité D-glucosyle.
113
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
- C1. La contribution initiale C1cell disparaît progressivement avec le taux de modification, au profit
du signal C1ester, dont la croissance est observable à partir d’un DS de 0,24 (M-HS-C16-0,24).
- C4. La contribution C4coeur de la cellulose native décroit nettement au dessus de DS= 0,66 (M-HS-
C16-0,66) jusqu’à avoir disparu pour le plus fort taux de modification (M-HS-C16-2,36). La
contribution C4surf se modifie pour des taux de modifications intermédiaires élevés, avec
l’apparition d’un pic à 86 ppm nettement observable pour M-HS-C16-1,00 et M-HS-C16-1,83. Ce
signal a disparu pour M-HS-C16-2,36 et nous n’observons plus que l’épaulement à 80 ppm
attribué à C4ester.
- C235. L’évolution du massif C235, se traduit par la disparition des deux maximas pour obtenir un
large pic à partir de M-HS-C16-1,00, avec un épaulement supplémentaire vers 80 ppm pour le
plus fort taux de greffage (M-HS-C16-2,36) attribué au signal C4ester.
- C6. Nous observons nettement la croissance progressive du signal C6ester à partir de DS=0,33 (M-
HS-C16-0,33) jusqu’à disparition complète du signal C6 de la cellulose native pour le plus fort
taux de greffage (M-HS-C16-2,36).
L’évolution des signaux des carbones du squelette cellulosique en fonction du taux de modification
se traduit ainsi par une disparition progressive des contributions de la cellulose native au profit de
celles du triester. De plus, un signal apparait à 86 ppm pour des niveaux de modifications
intermédiaires élevés.
Cette évolution est similaire aux observations précédentes réalisées lors du greffage de cellulose
bactérienne par voie gaz avec C16 (Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009). En revanche, d’autres
travaux sur l’acétylation de cellulose bactérienne (Yamamoto, Horii et al. 2006) et de cristaux
d’algues Valonia (Sassi, Tekely et al. 2000) montrent bien une disparition progressive de la
contribution de la cellulose native mais ne mettent pas en évidence l’apparition d’un pic à 86 ppm.
De même, dans le cas d’aérogels de tunicier ou de MFC-BS, S. Berlioz n’avait pas observé ce pic
malgré des DS supérieur à 1. Ainsi, les conditions d’apparition et l’attribution de ce signal à 86 ppm
restent à déterminer. Toutefois, nous observons que son déplacement chimique est proche du C4 de
la cellulose dans le cas de la formation d’un complexe avec l’éthylène diamine (Wada, Heux et al.
2009) ou avec la soude (Porro, Bédué et al. 2007). Une modification de la conformation des chaînes
du cristal peut donc être envisagée.
Afin de confirmer les tendances observées sur l’évolution des signaux de la cellulose avec le taux de
modification, nous avons mesuré les intégrales de ces signaux pour les différents spectres. Ce
traitement est réalisé sans déconvolution, simplement en fixant des bornes d’intégration. Nous nous
intéressons tout d’abord aux principales régions sans distinguer les sous-contributions, soit C1 (110-
95 ppm), C4 (95-80 ppm), C235 (80-68 ppm) et C6 (68-55 ppm). Pour simplifier la comparaison, C235
est représenté sous la forme C235-3 (Figure 7a). Par cette même méthode, nous mesurons ensuite
les sous-contributions C1ester (102-95 ppm) et C4coeur (95-86 ppm) (Figure 7b). En revanche, C6ester,
C4surf et C4ester ne sont pas accessible sans déconvolution préalable des différents signaux.
114
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
a b
0,8 0,8
y = 0,33x + 0,11
0,6 R² = 0,99
0,6
0,4 0,4
y = -0,18x + 0,47
R² = 0,99
0,2 0,2
I C=O I C=O
0 0
0 0,5 1 1,5 2 2,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5
Figure 7: Intégrales des signaux de la cellulose des spectres de RMN en fonction de l’intégrale de al fonction carbonyle
employée comme indicateur de l’avancement de la réaction. C1, C4, C235, C6 (a). C1ester, C4crist (b).
Pour C1, C6, C4 et C235 (Figure 7a), les valeurs d’intégrales sont équivalentes au nombre de carbones
associés, ici 1, pour les différents taux de greffage. Les variations autour de cette valeur peuvent
alors être attribuées à la polarisation qui peut légèrement différer pour chaque carbone. C1 et C6
sont stables indépendamment du taux de modification, alors que C4 et C235 ont des variations
inverses notamment pour les forts taux de greffage.
Concernant les sous-contributions, C1ester montre une croissance progressive avec le taux de
modification. Le dernier point diffère en raison du choix des bornes d’intégration, mais l’observation
directe du spectre confirme qu’il n’y a plus de traces du signal de la cellulose native. Cette croissance
est linéaire avec une pente de 0,33. Ceci signifie que l’apparition de cette contribution suit
exactement l’avancement de la réaction évaluée par l’intégrale du groupement carbonylé. Son
ordonnée à l’origine est non nulle en raison de la convolution de ce signal avec la contribution de la
cellulose native. C4coeur présente une décroissance linéaire avec le taux de modification. La pente est
de -0,18 pour ce signal qui représente approximativement la moitié du signal C4 de la cellulose non
modifiée. Ainsi, la disparition progressive de la contribution de la cellulose native au profit du triester
avec le taux de modification est confirmée quantitativement par l’évolution des signaux C1 ester et
C4coeur, dont la variation confirme la formation d’unité triester. La convolution des différents signaux
ne permet pas d’étendre cette analyse aux autres signaux évoluant avec la réaction.
Conclusion
Le greffage est confirmé par l’apparition du carbone de la fonction ester et des carbones de la chaîne
alkyle du greffon. La valeur de l’intégrale du groupement carbonyle peut alors être employée pour
évaluer quantitativement l’avancement de la réaction.
Concernant la modification des signaux associés aux carbones de la cellulose, nous observons une
transition progressive avec l’avancement de la réaction, du spectre de la structure native vers celui
du triester, dont les différents signaux semblent apparaître au même rythme. Cette hypothèse est
confirmée par la variation des intégrales de C4coeur et C1ester qui suivent l’avancement de la réaction
déterminé par l’intégrale du groupement carbonylé. Ces observations suggèrent ainsi une réaction
non régiosélective, pour laquelle les hydroxyles en position 2, 3 ou 6 présentent la même probabilité
115
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
d’être modifiés. Ainsi, dès qu’une unité D-glucosyle est modifiée sur les positions 2, 3 et 6, ses
carbones ont les déplacements chimiques du triester. Cette hypothèse pourrait être confirmée en
mesurant l’évolution d’autres contributions, tel que C6ester, après déconvolution.
Nous avons également observé un signal C4 spécifique pour les échantillons avec des niveaux
intermédiaires élevés de modification. Pour ces mêmes échantillons, nous avions auparavant observé
un pic spécifique dans la zone des hydroxyles par FTIR (Figure 2). Cela pourrait traduire une
modification de la conformation des chaines non modifiés.
Figure 8: Spectres de RMN du solide d’aérogels de MFC hautes surfaces spécifiques modifiés par estérification en phase gaz
par C10 à des taux croissants évalués par gravimétrie
Les aérogels modifiés sont caractérisés par l’apparition d’un signal à 172 ppm correspondant au
groupement carbonylé de l’ester formé, et par des signaux entre 10 et 40 ppm attribués aux
carbones introduits par la chaine aliphatique du greffon. Ces signaux sont croissants avec
l’avancement de la réaction.
Concernant les signaux des carbones de la cellulose, nous observons que de nouvelles contributions,
C6ester et C1ester, précédemment attribuées à la formation d’ester, augmentent avec l’avancement de
la réaction. Nous observons également que C4coeur est décroissant avec l’avancement, et que C4surf
évolue vers un pic plus fin à 86 ppm.
L’avancement de la réaction est donc similaire à nos observations précédentes avec C16, avec
l’apparition de signaux spécifiques au greffon. L’évolution de signaux de la cellulose indique
116
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
également une transformation progressive vers les déplacements chimiques du triester. L’obtention
d’une série d’échantillons plus complète devra confirmer ce déroulement sur toute la plage de
nivaux de modification.
L’évolution des signaux des carbones de l’unité D-glucosyle avec le taux de modification, notamment
l’évolution continue des intégrales C4crist et C1ester suggère que cette réaction est non régio sélective,
similairement aux résultats disponibles pour l’acétylation (Sassi, Tekely et al. 2000; Yamamoto, Horii
et al. 2006).
Enfin, pour des niveaux de greffage intermédiaires élevés, nous observons une perturbation des
chaînes encore non modifiées, qui se traduit par l’apparition d’un signal C4 à 86 ppm en RMN du
solide, et d’un pic à 3500 cm-1 en IR. Cette évolution en RMN est similaire à des observations
réalisées dans le cas de la formation d’un complexe de la cellulose native avec l’éthylène diamine
(Wada, Heux et al. 2009) ou la soude (Porro, Bédué et al. 2007).
Ces résultats suggèrent ainsi un modèle de progression de la réaction en trois étapes avec tout
d’abord la progression du greffage de la surface vers le cœur du substrat, puis la perturbation des
chaînes restantes et enfin l’obtention du triester (Figure 9).
Pour cela, trois échantillons sont préparés par estérification par voie gaz avec C16 d’aérogels M-BS à
trois niveaux de greffage proche d’échantillons M-HS précédemment analysés. Pour cela, les
117
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
paramètres du procédé ont été ajustés, en augmentant la quantité de réactif et/ou la température,
et/ou en réduisant la pression (Table1).
Nous nous intéressons ensuite à la comparaison de leur spectre RMN mesuré sur le produit initial, et
sur le sédiment obtenu à l’issue d’un traitement d’extraction visant à éliminer les chaînes
cellulosiques fortement greffées. L’impact de ce traitement sur l’évolution du spectre au niveau des
carbones cellulosique est ensuite analysé à l’aide des mesures d’intégrales.
Figure 10: Spectres de RMN du solide d’aérogels de M-BS-C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie (―). Spectres
d’aérogels M-HS-C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie (…)
Les aérogels M-BS-C16 modifiés sont caractérisés par l’apparition des signaux caractéristiques de la
réaction à 172 ppm, et entre 10 et 40 ppm. Ces signaux sont croissants avec l’avancement de la
réaction. L’évolution des signaux des carbones de la cellulose, met en évidence de nouvelles
contributions, C6ester C4ester, et C1ester, précédemment attribuées à la formation d’ester, et
augmentant avec l’avancement de la réaction. Nous observons également que C4coeur est décroissant
avec l’avancement. Ainsi, M-BS présente une progression du greffage qualitativement similaire aux
observations antérieures réalisées sur la série M-HS.
118
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
Afin de compléter la comparaison, nous réalisons le suivi de l’évolution des intégrales de la fonction
carbonyle en fonction de Ng (Figure 11).
I C=O
1
M-BS
0,8 M-HS
0,6
0,4
0,2
Ng
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Figure 11: Valeur d’intégrale de C=O en fonction de l’avancement de la réaction par gravimétrie pour les séries M-BS-C16 et
M-HS-C16
Les trois points obtenus pour M-BS montrent une évolution continue de manière similaire aux
observations antérieures sur M-HS (Figure 5). Toutefois, alors que la pente était légèrement
inférieure à 1 en raison de la polarisation des carbones, nous observons que pour M-BS, les valeurs
sont au dessus de la droite y=x. Il semblerait donc que pour la série M-BS, l’indicateur gravimétrique
sous-estime l’avancement de la réaction fourni par la spectroscopie. Si cette observation est
confirmée, ce décalage pourrait provenir des pertes de produit lors de la purification. Alors que ni le
substrat vierge ni le triester ne sont solubles dans le solvant de purification, cela pourrait notamment
être le cas de composés de masse molaire réduite.
Ainsi, l’évolution de la modification sur la série M-BS-C16 met en évidence les signaux
caractéristiques de la réaction. Par rapport aux résultats précédents obtenus sur la série M-HS-C16,
la principale différence observée est une légère sous-estimation de l’avancement de la réaction par
gravimétrie.
119
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Figure 12: Spectres de RMN du solide de sédiments d’aérogels de M-BS-C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie
après extraction au toluène(―).Spectres de sédiments d’aérogels M-HS-C16 à des taux croissants évalués par gravimétrie
après extraction au toluène (….).
Nous analysons les spectres des trois couples de sédiments obtenus après extraction en considérant
plus spécifiquement l’intensité des signaux caractéristiques de l’avancement de la réaction soit le
signal C=O de la fonction ester, et les signaux C1ester, C6 ester et C4coeur de l’unité anhydroglucose
respectivement modifiée et vierge. Le couple d’échantillons faiblement modifiés (M-HS-C16-0,24 et
M-BS-C16-0,25), présente des signaux similaires à l’issue de l’extraction. En revanche pour les deux
autres couples d’échantillons, à l’issue de l’extraction, les sédiments de la série M-HS-C16 ont une
contribution plus importante de la modification que la série M-BS-C16, d’après l’intensité des signaux
C=O, C1ester, C6 ester et C4coeur.
Ces observations montrent donc que pour un taux de modification suffisamment élevé, une haute
surface spécifique conduit à l’obtention d’une fraction plus importante de chaînes suffisamment
modifiées pour être soluble dans le toluène.
résultats, les valeurs obtenues sont reportées en fonction de l’avancement de la réaction déterminé
à partir de l’intégrale du groupement carbonylé de l’échantillon initial. L’impact de l’extraction sur
l’évolution de l’intégral est symbolisé par une flèche (Figure 13).
a b c
I C=O HS-init BS-init IC1ester HS-init BS-init IC4coeur HS-init BS-init
0,5 0,5
HS-sed BS-sed HS-sed BS-sed HS-sed BS-sed
1
0,8 0,4
0,4
0,6
0,3
0,4
0,3
0,2
0,2
I C=O I C=O I C=O
0 0,1 0,2
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Figure 13: Valeur d’intégrale de C=O pour les séries M-BS-C16 et M-HS-C16 avant (init) et après extraction (sed) (a). Valeur
d’intégrale de C1ester pour les séries M-BS-C16 et M-HS-C16 avant (init) et après extraction (sed) (b). Valeur d’intégrale de
C4coeur pour les séries M-BS-C16 et M-HS-C16 avant (init) et après extraction (sed) (c). Les flèches indiquent la transition
échantillon initial-sédiment.
La mesure des valeurs de l’intégrale du groupement carbonylé C=O, confirme la forte réduction, par
rapport à l’échantillon initial, de cette intégrale sur le sédiment obtenu à l’issue de l’extraction. Cette
réduction est plus forte pour un taux de modification initial plus important. La série M-BS montre
également une plus forte réduction par rapport à la série M-HS (Figure 13a).
L’intégrale C1ester mesurée sur le sédiment après extraction diminue également par rapport à sa
valeur dans l’échantillon initial (Figure 13b). Cet écart augmente pour des taux de modification
croissant. La série M-BS montre des valeurs initiales plus élevées et une plus forte réduction à l’issue
de l’extraction par rapport à la série M-HS.
L’intégrale C4coeur obtenue sur les sédiments après extraction est supérieure à la valeur des
échantillons initiaux. Cette différence évolue avec le taux de modification, et pour la série M-BS par
rapport à la série M-HS (Figure 13c).
Finalement, les mesures réalisées à l’issue du traitement d’extraction, montrent que le sédiment
obtenu est caractérisé par une réduction des différents signaux relatifs à l’avancement de la réaction
(C=O, C1ester, C4coeur). Ceci reflète l’extraction d’une fraction de chaines cellulosiques suffisamment
modifiées pour devenir solubles dans le toluène. Nous observons alors deux tendances, cette
fraction augmente avec l’avancement de la réaction, et elle augmente pour la série M-BS par rapport
à la série M-HS.
Il est tout d’abord nécessaire d’employer des paramètres du procédé ajustés avec les faibles surfaces
spécifiques (M-BS) pour atteindre un même niveau de modification qu’avec une surface spécifique
121
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
plus élevée (M-HS). Cette différence met en lumière le rôle de la structure de l’aérogel sur la
progression de la réaction.
En formulant l’hypothèse d’une réaction progressant depuis la surface accessible, les surfaces de la
nanocellulose piégées au sein de la structure de l’aérogel sont initialement inaccessibles. La
topochimie pourra suivre le modèle décrit ci-dessous (Figure 14).
Figure 14: Modèle de progression selon la structure de l’aérogel pour un même niveau de greffage avant et après extraction
Il apparaît donc logique que pour une plus faible surface spécifique et un taux de greffage identique,
la quantité de chaines cellulosiques fortement substituées soit plus élevée que dans le cas d’une
surface spécifique plus grande. Inversement, à l’issue de l’extraction de ces chaines, la fraction de
chaînes partiellement substituées non solubilisables augmente avec la surface spécifique.
122
Chapitre 3 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DE MFC
3. Conclusions
L’analyse par spectroscopie des produits obtenus par estérification en phase gaz d’aérogels de MFC
de haute surface spécifique avec C16 (M-HS-C16) a permis de confirmer la formation d’une liaison
ester. Cette réaction hétérogène peut conduire à la modification quasi complète des chaînes de
cellulose, selon une progression depuis la surface vers le cœur du substrat, illustrée par la
modification progressive des signaux de la cellulose par RMN du solide. Toutefois, cette progression
est effective dans le cas où la texture de l’aérogel laisse accessibles ces surfaces. Dans le cas
contraire, le réactif ne semble pouvoir diffuser au sein de la structure agrégée et la modification se
déroule préférentiellement sur les cristaux à la surface de la structure de l’aérogel.
Cette étude laisse toutefois en suspens plusieurs interrogations. Premièrement, la RMN confirme la
présence du groupement carbonylé, mais ne donne pas de signature directe de la liaison covalente
en fonction de la position de l’hydroxyle. Cette information pourrait être obtenue par des séquences
INADEQUATE sur un substrat enrichi en 13C et pourrait permettre de confirmer la non régiosélectivité
de la réaction.
De plus, nous avons décrit nos résultats par une progression de type surface cœur, similaire à des
résultats précédemment observés pour l’acétylation, en considérant alors que la progression était
indépendante des différents couples de paramètres du procédé pouvant être employés. Toutefois,
l’apparition d’un pic à 85 ppm pour des taux de greffage élevés, pour nos échantillons et ceux
obtenus précédemment au laboratoire, indique que certaines perturbations du cristal peuvent
apparaitre, et pourrait être liées aux températures de travail élevées (150-200°C) par rapport aux
approches en voie solvant. Ainsi, une étude approfondie de l’évolution des signaux de RMN des
carbones de l’unité anhydroglucose pourrait permettre de distinguer différents régimes de
progression selon les conditions de modification employées.
Enfin, nous avons abordé les problèmes des surfaces agrégées par comparaison entre deux substrats
avec des textures très différentes. Toutefois M-HS présente toujours certains agrégats en raison
d’une défibrillation incomplète de la structure hiérarchique lors du traitement mécanique (cf. partie I
chapitre 2). Dès lors, l’étude de la modification d’un substrat ne présentant aucune agrégation
pourrait dévoiler de nouvelles informations.
123
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
124
Chapitre 4 : Etude topochimique du greffage des CNC
Par rapport aux MFC obtenues par traitement mécanique, ces objets sont préparés par hydrolyse
acide, et se distinguent alors en raison de leur pureté (pas d’hémicellulose) et de leur longueur finie
(cf. partie I chapitre 1). L’obtention de suspensions colloïdales offre également l’opportunité de
comparer une modification en suspension, et une modification en phase gaz afin d’évaluer
d’éventuelles hétérogénéités locales de la réaction pouvant provenir de la structure même de
l’aérogel.
Pour réaliser l’estérification avec le chlorure de palmitoyle (C16) sur ce substrat, deux approches
complémentaires sont donc étudiées. Cette réaction est tout d’abord réalisée sur une suspension
colloïdale de CNC dans le DMF. Nous faisons varier la quantité de réactif et le temps de réaction afin
d’atteindre différents niveaux de modification (Table 1). Nous réalisons également cette modification
par voie gaz sur un aérogel haute surface spécifique de CNC. Le temps et la quantité de réactif sont
ajustés afin de varier le niveau de modification (Table 1).
Afin de limiter les incertitudes relatives à la morphologie initiale des CNC et à la structure des
aérogels obtenus (cf. partie I chapitre 3), l’ensemble des réactions a été réalisé à partir d’un même
lot de suspension de CNC. Les aérogels employés sont issus du même lot de séchage, réalisé selon le
protocole « suspension biréfringente », pour lequel nous concentrons puis rediluons à 80% dans le
tert-butanol la suspension de CNC en s’assurant qu’elle soit biréfringente sous agitation, avant
solidification puis sublimation du solvant.
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la préparation de suspensions de CNC dans le DMF. Nous
réalisons ensuite le suivi de la progression de la réaction à l’aide de la spectroscopie FTIR et de la
RMN du solide, selon la méthodologie employée précédemment pour les MFC. Enfin nous étudions
les suspensions obtenues après redispersion des substrats modifiés dans un solvant apolaire, le
toluène.
125
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
2. Résultats
Les caractérisations réalisées montrent que notre protocole permet l’obtention d’une suspension
colloïdale stable de CNC dans le DMF identique à la dispersion initiale dans l’eau.
126
Chapitre 4 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DES CNC
Figure 2: Spectres infrarouge de CNC modifiés avec C16 par voie solvant (a) et par voie gaz (b)
L’échantillon non modifié présente les signaux caractéristiques de la cellulose décrits dans la
littérature et rappelés auparavant pour les MFC (Maréchal and Chanzy 2000). Nous observons
principalement les liaisons O-H (3000-3600 et 1300-1450 cm-1), C-H (2900 cm-1) et C-O (950-1200 cm-
1
).
L’étude de l’évolution des spectres avec le taux de greffage permet de distinguer, pour les deux
séries, un pic à 1750 cm-1 attribué à la fonction carbonyle (C=O), une réduction importante du signal
à 3400 attribuée à la réaction des fonctions hydroxyles, et une croissance et un dédoublement du pic
à 2900 cm-1 attribué aux liaisons C-H introduites par la chaîne aliphatique du greffon. Nous observons
également l’apparition de 3 nouveaux pics (à 1450, 1160 et 720 cm-1), convolués avec les signaux de
la cellulose native.
Enfin, le pic à 1750 cm-1 de l’échantillon le plus modifié obtenu par voie solvant (C-DMF-C16-2,27) est
particulièrement large. Ceci peut être dû à une convolution entre différentes fonctions carbonyles
provenant de l’ester formé, et de contaminants pouvant être des résidus de réactif ou des sous-
produits (acide, anhydride). L’apparition de ces signaux est associée à des problèmes de purification
pour cet échantillon, pour lequel les cycles de redispersion/centrifugation dans l’acétone ont été
difficiles.
Les modifications du spectre des CNC accompagnant l’avancement de la réaction sont similaires pour
la voie solvant et la voie gaz. Cette évolution est alors identique à celle précédemment observée
pour le greffage d’aérogels de MFC haute surface spécifique par voie gaz (cf. partie II chapitre 3).
Afin d’obtenir des informations complémentaires sur la structure des produits, nous avons souhaité
effectuer une deutération du substrat pour distinguer les fonctions hydroxyle libres et accessibles, de
celles prises au sein de la structure cristalline. Cependant, le marquage préliminaire des fonctions au
sein de la structure avant préparation de la suspension s’est avéré non résistant au traitement
thermique associé au greffage par voie gaz. La post deutération des fonctions résiduelles accessibles
serait alors une alternative, toutefois cette approche nécessite une instrumentation spécifique à
laquelle nous n’avons pas accès (cellule de mesure saturée en eau lourde).
127
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Analyse de la réaction
Figure 3: Spectres RMN de CNC modifiés avec C16 par voie solvant (a) et par voie gaz (b)
Le substrat non modifié présente une série de signaux caractéristiques de la cellulose apparaissant
entre 120 et 50 ppm. L’avancement de la réaction se traduit, pour les deux procédés, par une
contribution croissante d’un pic à 172 ppm caractéristique de la fonction carbonyle, et de plusieurs
pics entre 10 et 40 ppm caractéristiques des carbones de la chaine aliphatique du greffon.
Pour le produit avec le niveau de modification le plus élevé par voie solvant (C-DMF-C16-2,27), nous
observons des signaux de plus faible intensité à 205, 155 et 42 ppm et qui sont associés à la présence
de contaminants.
Ainsi, l’avancement de la réaction se traduit, pour les deux procédés, par une contribution croissante
des carbones du greffon similairement aux observations antérieures pour le greffage par voie gaz
d’aérogels MFC haute surface spécifique. Nous utilisons ensuite la valeur de l’intégrale de la fonction
carbonyle pour déterminer l’avancement de la réaction.
Afin d’obtenir des informations relatives à l’évolution de la structure du substrat, nous nous
intéressons plus spécifiquement à la zone des pics caractéristiques de la cellulose (Figure 4).
128
Chapitre 4 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DES CNC
Figure 4: Signaux de la cellulose des spectres RMN de CNC modifiés avec C16 par voie solvant (a) et par voie gaz (b)
Le substrat non modifié présente les signaux caractéristiques de la cellulose native issue du coton
similaires aux MFC. Pour rappel, nous distinguons un pic pour le C1 à 105 ppm, deux pics pour le C4,
respectivement à 90 et 85 ppm, attribués aux chaînes cristallines (C4coeur) et aux chaînes comportant
des défauts comprenant notamment les chaînes de surface (C4surf). Nous observons également un
massif centré à 75 ppm regroupant les signaux de C2, C3 et C5, et enfin, deux pics pour le C6,
respectivement à 65 et 62 ppm, également attribués à une contribution des chaînes cristallines et
des chaînes désorganisés (incluant la surface). Par rapport à la pâte de bois employée pour les MFC,
les CNC obtenus à partir de coton se distinguent par la forme du C1, caractéristique d’une
composition allomorphique riche en Iβ, et par la faible intensité des signaux des chaines désorganisés
pour C4 et C6, attribuée à une dimension et un ordre cristallin plus grand, et à l’absence
d’hémicellulose (Montanari, Roumani et al. 2005).
Par la voie liquide, les signaux caractéristiques de la cellulose native en C1, C4 et C6 diminuent
progressivement avec l’avancement de la réaction. Pour C-DMF-C16-2,27, nous observons alors deux
larges pics à 102 et 62 ppm, et un épaulement à 80 ppm au massif à 75 ppm, ce dernier présentant
alors un seul maxima au lieu de 2 initialement. Ces signaux sont respectivement attribués au signal
C1ester, C6ester, C4ester et C235ester, conformément aux observations antérieures réalisées sur les MFC
(cf. partie II chapitre 3). Une observation attentive révèle deux signaux de faibles intensités non
détectés auparavant à 58 et 53 ppm, qui pourraient être du à une légère dégradation du substrat.
Pour le greffage en phase gaz, le plus fort taux de modification atteint est moins élevé et équivaut à
un DS de 1,7 (C-HS-C16-1,74). Pour ce produit, une contribution de la cellulose native en C1, C4 et C6
est ainsi encore observée.
Afin de confirmer ces tendances, nous avons mesuré, comme pour les MFC, les intégrales de ces
signaux pour les différents spectres. Ce traitement est réalisé sans déconvolution, en fixant des
bornes d’intégration. Nous nous intéressons tout d’abord aux principales régions sans distinguer les
sous-contributions, soit C1 (110-95 ppm), C4 (95-80 ppm), C235 (80-68 ppm) et C6 (68-55 ppm). Pour
129
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
simplifier la comparaison, C235 est représenté sous la forme C235-3. Par cette même méthode, nous
mesurons ensuite les sous contributions C1ester (102-95 ppm) et C4coeur (95-86 ppm). Les autres
signaux ne sont pas accessibles sans déconvolution préalable des différents massifs.
0 I C=O 0 I C=O
0 0,5 1 1,5 2 2,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5
C6
0,2 0,2
0 I C=O 0 I C=O
0 0,5 1 1,5 2 2,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5
Figure 5: Intégrales des signaux de la cellulose en fonction de l’intégrale de la fonction carbonyle pour l’estérification C16 de
CNC
Pour les deux procédés, les intégrales de C1 et C6 sont constantes avec le taux de modification et
équivalentes au nombre de carbones associés, ici 1. En revanche, les intégrales de C4 et C235-3
présentent une variation linéaire inverse avec le taux de modification. Cette évolution est attribuée à
la formation du signal C4ester au sein du massif C235.
Concernant les sous contributions, C1ester suit une croissance linéaire passant par l’origine pour les
deux procédés. Dans les deux cas, la pente est proche 1/3, confirmant son lien avec l’avancement de
la réaction. Parallèlement, C4coeur montre une décroissance linéaire avec une valeur absolue de pente
proche pour les deux procédés.
La progression de la réaction se traduit alors par la décroissance des signaux de la cellulose native au
profit des signaux du triester (Kono, Erata et al. 2002; Berlioz, Molina-Boisseau et al. 2009).
L’évolution des intégrales C4coeur et C1ester suit linéairement l’avancement de la modification évalué
par la fonction carbonyle avec un facteur de proportionnalité proche d’1/3. Pour C4coeur ce facteur est
différent de celui précédemment observé dans le cas des MFC (-0,18 cf. partie II chapitre 3). Ceci
provient de la plus faible contribution du signal C4surface qui représente 50% de la totalité de
l’intégrale C4 pour les MFC, et moins de 30% pour les CNC.
130
Chapitre 4 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DES CNC
La progression de la réaction est identique pour la voie gaz et la voie solvant, et similaire à celle
observée précédemment pour les MFC (cf. partie II chapitre 3). La seule distinction nette étant
l’absence d’un pic vers 86 ppm pour les forts taux de greffage, associé à la désorganisation partielle
du cristal natif sous l’action de la réaction. Ainsi le modèle de progression proposé pour les MFC
semble transposable aux CNC, avec une réaction non régiosélective, et une progression de la surface
vers le cœur du substrat jusqu’à l’obtention du triester. Nous n’observons alors pas d’étape
intermédiaire correspondant à la perturbation du cristal. Cela peut être du soit à la résistance du
réseau cristallin du coton, soit au manque de niveaux intermédiaires de modification.
Les produits obtenus précédemment sont dispersés à une concentration en cellulose de 2% p/p dans
le toluène par sonication. Nous réalisons ensuite une centrifugation à faible vitesse afin d’éliminer
d’éventuels larges agrégats par sédimentation. Nous évaluons enfin l’aspect des différentes
suspensions obtenues, et dans le cas des suspensions biréfringentes nous réalisons une mesure de
diamètre hydrodynamique par diffusion dynamique de la lumière (DDL) (Table 2, Figure 5).
Figure 6: Observation des produits obtenus par voie gaz et redispersés dans le toluène C-HS 0,43 (a), C-HS-0,75 (b), C-HS-
1,74 (c). Observations des produits obtenus par voie solvant et redispersés dans le toluène et C-DMF 0,15 (d), C-DMF-0,89
(e), C-DMF-2,27 (f). a, b, et d sont observés entre polariseurs croisés et sous agitation.
Aspect Solvant Biref. Biref. Gel <0°C Biref. Gel <0°C Gel
Diamètre DDL (nm) - 600 600 - 280 - -
Table 3: Evaluation des suspensions dans le toluène des produits obtenus par voie gaz et par voie solvant. Biref=suspension
biréfringente sous écoulement. Gel<0°C=suspension formant un gel à partir de 0°C. Gel=gel formé à l’issue de la dispersion.
131
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Dans le cas de la série par voie gaz, le plus faible taux de greffage (C-HS-0,06) ne permet pas la
redispersion de CNC dans le toluène, l’intégralité du produit sédimentant rapidement sous l’effet de
la centrifugation. En revanche, pour des niveaux de modification intermédiaires (C-HS-0,43 et C-HS-
0,75), nous obtenons des suspensions translucides caractérisées par l’observation de biréfringence
sous écoulement. Au plus fort taux de modification (C-HS-1,74), nous obtenons une suspension
translucide légèrement visqueuse à température ambiante, qui gélifie à des températures proches de
0°C (la température de fusion du solvant est -95°C). Dans le cas de la série par voie solvant, le plus
faible taux de greffage (C-DMF-0,15) donne une suspension translucide caractérisée par l’apparition
de biréfringence sous agitation. Pour un taux de greffage intermédiaire (C-DMF-0,89), nous avons
cette fois une solution visqueuse gélifiant pour des températures proches de 0°C. Enfin le produit le
plus modifié (C-DMF-2,27) forme un gel fracturable à température ambiante après redispersion.
Ainsi l’avancement de la réaction se traduit, après redispersion des produits dans le toluène, par
l’obtention de suspensions présentant différentes caractéristiques. Nous distinguons quatre états
successifs: non redispersion, suspension biréfringente, gel pour des températures inférieures à 0°C,
et gel formé directement à l’issue de la redispersion. Le manque de niveaux intermédiaires de
greffage pour les deux procédés ne permet pas de distinguer les seuils d’apparition de ces
comportements pour chacun des procédés employés.
Afin d’avoir un niveau d’informations supplémentaire, nous réalisons des mesures de taille par DDL
sur les suspensions biréfringentes sous écoulement (Figure 6, Table 3). Nous observons un diamètre
hydrodynamique moyen de 600 nm pour les suspensions obtenus par voie gaz, et de 280 nm pour la
voie solvant. Ces valeurs sont plus élevées que celles obtenues sur la suspension initiale dans l’eau,
alors proche de 90 nm (cf. partie I chapitre 3).
La différence de diamètre entre les produits obtenus par voie gaz, par voie solvant et dans l’eau peut
avoir deux origines. Soit elle est liée à la formation de structures faiblement associées, soit à l’action
de l’interface qui modifie alors le coefficient de diffusion de la particule dans le solvant et donc le
calcul du diamètre hydrodynamique.
Discussion
Ainsi, les différents comportements observés lors de la redispersion des produits dans le toluène
sont un indicateur indirect de l’évolution de la chimie et de la structure de la cellulose native avec
l’avancement de la réaction.
A faible taux de greffage, le produit n’est pas redispersible, suggérant que le substrat est toujours
essentiellement polaire, conduisant à la formation d’agrégats par interactions entre les surfaces.
Ensuite, nous obtenons une suspension biréfringente, traduisant la présence d’objets anisotropes en
suspensions pouvant s’orienter sous l’effet d’un écoulement. Ceci suggère une modification
principalement de l’interface des CNC, permettant alors la redispersion. Toutefois la morphologie
précise de ces objets reste à déterminer, les tailles par DDL dans le toluène étant supérieures à celles
initialement obtenues dans l’eau, et différentes pour les deux procédés.
Pour des taux de greffage supérieurs, la suspension est toujours translucide, mais n’est plus
biréfringente. Elle apparait alors visqueuse et a la capacité de gélifier lorsque la température est
132
Chapitre 4 : ETUDE TOPOCHIMIQUE DU GREFFAGE DES CNC
abaissée. Dans ce cas le greffage peut conduire à la formation d’une fraction de chaînes fortement
modifiées et solubles dans le toluène. Des associations de types van der Waals entre les structures en
solution, intégrant des CNC de dimensions réduites et des chaînes solvatées sont alors envisageables.
Ces observations sont ainsi en accord avec les conclusions précédentes sur l’avancement de la
réaction au sein du substrat qui postulait une progression de la surface vers le cœur des CNC.
Toutefois une analyse morphologique devrait permettre de qualifier précisément les structures
formées après redispersion. De plus, la préparation de nouveaux échantillons avec des taux
intermédiaires de greffage devrait permettre de confirmer que les propriétés obtenues sont
indépendantes du procédé de modification employé.
133
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
3. Conclusions
Cette étude comparative préliminaire entre la voie solvant et la voie gaz pour l’estérification de CNC
par le chlorure de palmitoyle, nous a permis de constater que la réaction se déroulait de manière
similaire pour les deux procédés. L’évolution des signaux de la cellulose par RMN permet alors de
considérer une progression non régio-sélective de la modification depuis la surface vers le cœur du
substrat, similaire aux observations antérieures sur la modification par voie gaz des MFC.
Après redispersion dans le toluène des CNC modifiés, les suspensions présentent des comportements
différents selon l’avancement de la réaction. Pour des taux de modification intermédiaires, il est
possible d’obtenir des suspensions biréfringentes sous écoulement, suggérant que la modification est
essentiellement surfacique, alors que les comportements gels observés pour des taux élevés
suggèrent la perte de la structure cristalline des CNC.
Finalement, l’estérification en phase gaz apparaît comme une méthode de modification efficace des
CNC depuis leur surface, les résultats étant alors comparables à ceux obtenus à partir d’une voie
solvant sur une suspension stable. Cependant, le détail du comportement colloïdal reste à préciser.
134
Chapitre 5 : Greffage de réactifs bifonctionnels
Cette méthode peut donc être utilisée pour réaliser la modification de la seule surface du substrat en
vue de son emploi ultérieur comme nanoparticule avec différentes propriétés interfaciales. Nous
nous intéressons particulièrement à l’emploi de molécules pouvant jouer le rôle d’agent de couplage
avec une matrice élastomère, ce qui est le cas de molécules symétriques comportant une fonction
disulfure.
Les aérogels employés pour le procédé en phase gaz présentent une structure hiérarchique avec
différents niveaux de surface successifs, dont la surface de la microfibrille élementaire, la surface des
objets isolés en suspension, et la surface spécifique de l’aérogel (cf. partie I chapitre 1). La surface
spécifique représente l’interface accessible au sein de l’aérogel, que nous souhaitons alors modifier
par voie gaz.
Dans le cas des MFC, nous pouvons obtenir deux types d’aérogels présentant des propriétés
texturales différentes. Le substrat M-BS est caractérisé par une morphologie agrégée et une surface
spécifique faible, alors que le substrat M-HS a une morphologie fibrillaire et des valeurs de surface
spécifique supérieures (cf. partie I chapitre 2). L’étude du séchage des CNC a également montré qu’il
est possible d’obtenir des aérogels C-HS avec une morphologie non agrégée et des surfaces
spécifiques encore plus élevées (cf. partie I chapitre 3).
Dans cette partie nous nous intéressons au greffage de nouveaux réactifs selon 3 niveaux
d’information: les données gravimétriques traduisant l’impact des paramètres du procédé, les
données spectroscopiques concernant la modification chimique, et la réactivité comparative de M-
BS, M-HS et C-HS afin de souligner l’impact de la surface spécifique.
Les réactifs étudiés sont un chlorure d’acyle difonctionnel avec une chaîne aliphatique (C10di), un
chlorure d’acyle difonctionnel avec une fonction disulfure lui permettant de jouer le rôle d’agent de
135
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
couplage avec une matrice élastomère (AC). Pour chacun des réactifs, nous réaliserons le greffage
avec les mêmes paramètres pour les différents aérogels (Table 1).
136
Chapitre 5 : GREFFAGE DE REACTIFS BIFONCTIONNELS
2. Résultats
Les paramètres du procédé choisi pour réaliser le greffage sur les différents aérogels sont identiques
à ceux précédemment employés pour le chlorure de palmitoyle (cf. partie II chapitre 2). La pression
de travail étant supérieure à la pression de vapeur saturante (Table 1), nous sommes alors bien dans
un régime d’évaporation contrôlée. La quantité de réactif introduite, Neq, est exprimée en
équivalent molaire de fonctions réactives, représentant donc le double du nombre de moles de ce
réactif bifonctionnel. La réaction s’effectue dans les mêmes conditions pour les trois substrats
d’études.
Nvap
10
9,1
Ncond
8
6,8
Ng
6
4,5
2 1,5
1,0 0,9
0,01 0,15 0,21
0
M-BS-C10di M-HS-C10di C-HS-C10di
Figure 2: Impact de la nature de l’aérogel sur les résultats gravimétriques du greffage en phase gaz du chlorure de
sebacoyle (C10di)
Les valeurs de Nvap obtenues par gravimétrie montrent que pour les différents essais une quantité
importante du réactif s’est évaporée (> 4eq). Les différences observées pourraient alors être associée
à des réactions secondaires conduisant à l’obtention d’un résidu non vaporisable, et dont l’amplitude
est difficilement maitrisable en l’absence d’études systématiques.
Seule une fraction du réactif vaporisé, évaluée par Ncond, va ensuite se condenser à la surface du
substrat. Dans le cas du greffage du chlorure de palmitoyl (C16) (cf. partie II chap1), nous avions ainsi
évoqué la consommation du réactif par les points froids et la ligne de vide de l’enceinte afin
137
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
d’expliquer un dépôt seulement partiel du réactif. Cette quantité est alors d’au moins 0,9 eq pour les
différentes expériences.
Enfin, lors de la dernière étape, une partie de ce réactif réagit avec les fonctions hydroxyle du
substrat, le reste étant éliminé lors de la purification. Pour le greffage de C16, nous avions ainsi
observé que cette réaction n‘était pas totale en raison d’une possible hydrolyse du réactif, puis
atteignait une asymptote pour Ng=3, qui est la limite du nombre de sites de réaction. Pour les
expériences avec C10 di, nous observons en revanche que les niveaux de greffage atteints sont
faibles (<0,21) et dépendent du substrat (M-BS, M-HS ou C-HS). En comparant la quantité condensée
et la quantité greffée pour ces échantillons par rapport aux résultats précédents obtenus avec C16
(Figure 3), nous constatons que le déroulement de la réaction tel qu’on peut la suivre par gravimétrie
est perturbé lors de l’emploi de C10di.
Ng
1
C16 C10di
0,8
0,6
0,4
0,2
Ncond
0
0 0,5 1 1,5 2
Figure 3: Etape de réaction par gravimétrie pour le chlorure de sebacoyle (C10di) et de palmitoyle (C16)
Afin d’acquérir des informations complémentaires sur le greffage nous avons ensuite réalisé les
spectres infrarouge des trois échantillons modifiés par C10di (Figure 4).
Figure 4: Spectres IR pour le greffage du chlorure de sebacoyle par voie gaz sur différents aérogels
Les signaux de la cellulose ne semblent pas affectés par la modification et nous observons
l’apparition d’un pic à 1745 cm-1 pour les différents échantillons, qui semble convolué avec une
contribution de plus faible intensité à 1705 cm-1. L’intensité du pic à 1745 cm-1, croît successivement
pour les substrats M-BS, M-HS, C-HS. L’apparition du pic à 1745 cm-1 est associée à la création d’un
138
Chapitre 5 : GREFFAGE DE REACTIFS BIFONCTIONNELS
groupement carbonylé par la réaction d’estérification, la contribution à 1705 cm-1 pouvant traduire la
présence de fonctions acide carboxylique libre. Celles-ci pourraient provenir de l’hydrolyse de
fonctions acyle n’ayant pas réagie et non évacuée lors de la purification, en raison du greffage de
l’autre extrémité du réactif. La hauteur du pic à 1745 cm-1, qui peut être employé comme indicateur
de l’avancement de la réaction est croissante avec le niveau de surface spécifique du substrat.
Nous avons également réalisé une caractérisation par RMN du solide sur ces mêmes échantillons
(Figure 5).
Figure 5: Spectres RMN solide pour le greffage du chlorure de sebacoyle par voie gaz sur différents aérogels
Nous observons pour les différents échantillons un pic large à 172 ppm, un signal fin à 180 ppm (très
faible pour M-BS), attribués respectivement à la fonction carbonyle formée par l’estérification, et à
des fonctions carboxyliques libres pouvant résulter de l’hydrolyse d’une extrémité non greffée du
réactif. Nous notons également un massif entre 20 et 40 ppm, correspondant aux carbones
aliphatiques introduits par le greffon. Les signaux de la cellulose ne sont eux pas significativement
modifiés. Nous observons également que l’intensité de ces nouvelles contributions est croissante
successivement pour M-BS, M-HS, C-HS.
Discussion
Les analyses par FTIR et RMN confirment le greffage de C10-di par l’apparition de pics associés à la
formation d’une liaison ester et à l’introduction du groupement latéral du greffon. Ces signaux sont
alors conformes à ceux observés précédemment pour C16, et nous n’observons pas de modification
significative des signaux de la cellulose en raison des faibles niveaux de modification atteints.
Afin de nous intéresser plus spécifiquement à la modification de la surface spécifique pour ces
différents aérogels, nous estimons DSsurface à partir de la section a en nm, d’une microfibrille carrée
équivalente obtenue par la surface spécifique Ssp d’un aérogel.
139
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Nous observons (Table 2) que le niveau de greffage atteint pour nos différents substrats correspond
à l’estimation théorique du greffage de la seule surface spécifique. Par ailleurs, nous avons vu que la
fraction de réactif condensée effectivement greffée est particulièrement faible par rapport aux
résultats obtenus avec C16. Ceci suggère qu’avec ce réactif bifonctionnel, le greffage ne progresse
plus au sein de la structure comme précédemment observé avec C16, et deviendrait restreint à la
surface accessible qui peut être évaluée par la surface spécifique.
Les paramètres du procédé pour le greffage par voie gaz ont été ajustés en fonction des
caractéristiques du réactif. Sa faible pression de vapeur saturante (< 0,1 mbar) a conduit à travailler à
basse pression (0,5 mbar). La sensibilité à la température de la fonction disulfure a également
nécessité d’abaisser la température de travail à 100°C. Enfin, en vue de limiter la consommation de
réactif par expérience, la quantité initiale a été réduite à 4 équivalents au lieu de 10 auparavant. La
quantité de réactif introduite, Neq, est exprimée en équivalent molaire de fonctions réactives,
représentant donc le double du nombre de moles de ce réactif bifonctionnel (Table 1).
Par gravimétrie, nous obtenons une première comparaison de l’effet du substrat (Figure 6).
140
Chapitre 5 : GREFFAGE DE REACTIFS BIFONCTIONNELS
10
8 Nvap Ncond Ng
4 3,5
2,1
1,8
2
0,3 0,13 0,5
0,2 0,00 0,18
0
M-BS-AC M-HS-AC C-HS-AC
Figure 7: Impact de la nature de l’aérogel sur les résultats gravimétriques du greffage en phase gaz de l’agent de couplage
Pour les différents essais une quantité importante de réactif s’est évaporée (>1,8 eq). Comme pour
les autres réactifs, une partie importante va être consommée par les points froids et la ligne de vide
de l’enceinte, et seule une fraction va se déposer à la surface. A l’issue de la purification, les niveaux
de greffage diffèrent selon le substrat. Pour M-BS, il n’est pas détectable, le niveau de modification
de M-HS est inférieur à C-HS, et les deux présentent des valeurs proches de celles obtenues
précédemment avec C10di.
Ainsi, comme pour C10di, le niveau final du greffage avec AC est fortement dépendant de la nature
du substrat, et est équivalent à la valeur théorique du greffage de la seule surface spécifique, DSsurface
(Table 2). Les conditions ne permettent pas de mettre en évidence directement que ces valeurs sont
des maximas, les valeurs de Ncond étant alors trop faibles en raison de la réduction de la quantité de
réactif. Toutefois en première approche, il semble que, comme pour C10di, que la réaction ne
progresse pas au-delà d’une valeur seuil, correspondante à la modification de la seule surface
spécifique du substrat.
Afin d’acquérir des informations complémentaires sur le greffage nous avons ensuite réalisé la
mesure des spectres infrarouge de ces trois échantillons (Figure 8).
Figure 8: Spectres IR pour le greffage de l’agent de couplage par voie gaz sur différents aérogels
141
Partie II - Modification d’aérogels de cellulose par voie gaz
Les signaux de la cellulose ne semblent pas affectés par la modification et nous constatons
l’apparition d’un pic à 1735 cm-1 pour les différents échantillons, associée à l’apparition d’une
fonction carbonyle par la réaction d’estérification. L’intensité de ce pic croit successivement pour les
substrats M-BS, M-HS, C-HS. Il existe également une contribution de plus faible intensité à 1640 cm-1
associé à la présence d’eau sur le substrat, en raison du caractère polaire du soufre introduit en
surface. Par ailleurs, à 2600 cm-1, nous n’observons pas de signal de thiol qui pourrait être un sous-
produit de la réaction. Les vibrations des liaisons C-S et S-S sont décrites comme de faibles intensités
et sortant respectivement à 600 et 400 cm-1. Elles ne sont donc pas mises en évidence sur nos
produits.
Nous effectuons ensuite une analyse par RMN du solide des différents substrats (Figure 9).
Figure 9: Spectres RMN solide pour le greffage de l’agent de couplage par voie gaz sur différents aérogels
Les signaux de la cellulose ne sont alors pas significativement modifiés et nous observons pour les
différents échantillons un pic à 172 ppm (très faible pour M-BS) attribué à la fonction carbonyle
formé par l’estérification, et un massif entre 20 et 40 ppm correspondant aux carbones aliphatiques
introduits par le greffon. Nous observons également que l’intensité de ces nouvelles contributions
est croissante successivement pour M-BS, M-HS, C-HS. La hauteur de ces pics reflète l’avancement de
la réaction qui augmente avec la surface spécifique du substrat. Celle-ci ne semble pas conduire à la
formation de sous produits contenant la fonction thioester (195 ppm) ou thiol (20 ppm).
Conclusion
Nous avons vu que l’estérification en phase gaz avec des chlorure d’acyles difonctionnels, AC ou
C10di, conduisait à des résultats différents des observations précédentes avec le C16. Dans ce cas, la
réaction atteint rapidement une valeur seuil liée à la surface spécifique du substrat. Le modèle de
progression ultrastructurale est alors différent de celui identifié pour C16, passant d’une progression
de la surface vers le cœur, à une réaction limitée à la surface spécifique du substrat, probablement
en raison du caractère difonctionnel du réactif.
142
Chapitre 5 : GREFFAGE DE REACTIFS BIFONCTIONNELS
3. Conclusions
Nous avons vu que l’estérification par voie gaz était transposable à d’autres réactifs après ajustement
des paramètres du procédé comme démontré précédemment (cf. partie II chapitre 2). Nous avons
alors confirmé l’efficacité de la réaction pour les deux réactifs étudiés à l’aide des données de
spectroscopie. Enfin les données gravimétriques ont permis de mettre en évidence une valeur seuil
de greffage, que l’étude comparative du greffage sur différents substrats a permis d’associer à la
modification de la seule surface spécifique. Cela nous permet d’obtenir des aérogels avec une
surface saturée avec une chaine hydrophobe ou avec une fonction pouvant jouer le rôle d’agent de
couplage
Ainsi ces nouveaux réactifs montrent une évolution topochimique de l’estérification en phase gaz
différente des observations précédentes pour les chlorures d’acyles monofonctionnels. Alors que
nous observions une progression continue depuis la surface vers le cœur des cristaux de cellulose
native, selon un mécanisme non élucidé (diffusion vs transesterification), avec les nouveaux réactifs
testés, ce mécanisme n’est plus opérant, la réaction étant limitée à la surface spécifique. La structure
moléculaire du réactif apparait alors comme un paramètre important, les nouvelles molécules
employées ayant en commun une double fonction carbonyle.
143
144
Partie III
Matériaux nanocomposites
145
146
Chapitre 1 : Bibliographie
Nous commençons par une étude bibliographique afin de rappeler le rôle et les caractéristiques des
composés intervenant dans la formulation d’un élastomère chargé, en distinguant la matrice, la
charge renforçante, et le système de vulcanisation.
Nous nous intéressons également à la description des procédés permettant la mise en œuvre de ce
type de matériau, et à leur impact sur l’état de dispersion de la charge au sein du matériau.
Les propriétés mécaniques des élastomères chargés avec des renforts traditionnellement employés
pour les applications dans les bandes de roulement des pneumatiques (noir de carbone et silice) sont
présentées. Un rappel des principales hypothèses structurales à l’origine de leurs comportements
spécifiques est également fourni.
Enfin, nous présentons les principaux travaux portant sur les propriétés mécaniques de
nanocomposites à base de nanocellulose. Nous distinguons le mode de renforcement initialement
mis en évidence par la formation d’un réseau percolant, et les comportements alternatifs pouvant
s’approcher des réponses observées pour les élastomères chargés traditionnels. Nous reportons
également quelques travaux portant sur le renfort d’élastomères avec d’autres charges anisotropes.
1.1. Matrice
Les matrices employées pour la préparation de bande de roulement, peuvent être synthétiques ou
naturelles, et ont en commun leur comportement caoutchoutique à température ambiante en raison
d’une transition vitreuse proche de -50°C (Janin 1999). Dans le cadre de notre étude, nous utilisons
des copolymères statistiques d’unités styrène et butadiène (SBR) (Figure 1).
147
Partie III – Matériaux nanocomposites
Figure 1: Structure chimique des unités styrène et butadiène (cis, trans ou vinyl) de la matrice
La réponse mécanique de ces matrices, dont le module est de l’ordre du MPa, est caractérisée par un
comportement élastique pour des taux de déformation élevés. L’origine de ce comportement est
entropique et nous rappelons brièvement sa description thermodynamique, le développement
détaillé de ce sujet étant disponible dans la littérature (Treloar 1975; Boyce and Arruda 2000;
Rubinstein 2003)
Figure 2: Expression du module élastique G en fonction de la densité ρ, de la constante des gaz parfait R, de la température
T et de la longueur des segments élastiques entre jonctions M. Expressions de la contrainte nominale σn et de la contrainte
vraie σv en fonction du module et de l’allongement λ du matériau
Cette expression correspond au modèle affine, qui suppose qu’il n’existe pas d’interactions entre les
chaînes en dehors des points de jonction, et que ceux-ci se déplacent de manière affine par rapport à
la déformation macroscopique. Afin de décrire le comportement de ces matériaux, le modèle
fantôme peut également être considéré. Il postule que la majorité des jonctions sont libres de
fluctuer dans l’espace. Son expression conduit alors à la multiplication du module affine par un
facteur compris entre 0,33 et 0,5 et dépendant de la fonctionnalité des jonctions au sein du réseau.
Ces modèles ne tiennent pas compte d’interactions interchaînes, alors que les systèmes réels
présentent des contraintes topologiques dues au confinement des chaînes au dessus d’une masse
critique d’enchevêtrement. Ces enchevêtrements vont également jouer le rôle de jonctions du
réseau, conduisant à une réduction de la longueur effective des chaînes entre jonctions.
Les modèles affine et fantôme représentent des cas limites, et un réseau réel a généralement un
comportement intermédiaire. Aux faibles déformations, il n’y a pas de fluctuation des jonctions en
raison des contraintes topologiques, alors qu’aux plus grandes déformations, il y a
désenchevêtrement des chaînes rendant possible la fluctuation des jonctions. L’approche
148
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
1.2. Charges
Outre la matrice, un élastomère chargé comprend un renfort dont certaines caractéristiques sont
déterminantes pour les propriétés du nanocomposite : sa morphologie, son module et la nature de
sa surface. Nous nous intéressons ici à la silice traditionnellement employée pour les élastomères
chargés, ainsi qu’à la nanocellulose.
149
Partie III – Matériaux nanocomposites
le noir de carbone, la finesse évoque les dimensions de la structure primaire, évaluée par mesure de
surface spécifique, alors que la structure qualifie la compacité de la structure secondaire.
Ces premiers niveaux de structures sont à l’échelle de la particule. Sous l’effet du procédé de
séchage, un troisième niveau de structure, appelé agglomérat et ayant une taille caractéristique
supérieure au micron, va être formé (Figure 5). Les interactions mises en jeu pour ce niveau de
structure sont non covalentes et susceptible d’être détruites lors du mélangeage. Ces agglomérats
sont ensuite eux-mêmes assemblés au sein de granules ou microperles, qui sont les particules
macroscopiques finales. Il est alors possible de définir une force de cohésion pour ces entités. Celle-ci
sera fonction de nombreux paramètres, dont la structure primaire et secondaire, la nature de
l’interface, la porosité mais aussi d’autres interactions pouvant se former selon le procédé de
séchage choisi et les adjuvants employés (Boudimbou 2011; Dumas 2012).
La nanocellulose est un solide cristallin, obtenu par biosynthèse au sein des végétaux, puis isolé de sa
structure hiérarchique native par un traitement mécanique ou chimique conduisant respectivement
à l’obtention de MFC ou de CNC. Cette charge est caractérisée par une densité d’environ 1,5 g/cm 3,
et par une surface polaire en raison de la présence d’hydroxyles, dont la densité surfacique est
estimée à 5 fonctions par nm² à partir des paramètres de la maille cristalline.
150
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Le module d’Young longitudinal du cristal de cellulose native a été évalué par diffraction de rayon X
et est proche de 150 GPa (Nishino, Takano et al. 1995). Toutefois, cette valeur n’est pas
nécessairement le module de la nanocellulose isolée dont la structure va dépendre du procédé et de
l’origine botanique (Nishiyama 2009). Ainsi, différentes valeurs ont été reportées selon le type de
nanocellulose et discutés selon le degré d’organisation du cristal (Eichhorn 2012).
Outre le module de la nanocellulose, pour l’emploi de modèles mécaniques, le module d’un réseau
de nanocellulose peut être nécessaire. Il peut être obtenu en employant un coefficient d’efficacité de
3/8 à partir des valeurs de module du cristal (Tanpichai, Quero et al. 2012), ou de manière
expérimentale par préparation d’un film de charges (Bras, Viet et al. 2011). Il a ainsi été montré que
le module d’un tel réseau dépend notamment du facteur de forme dans le cas des CNC provenant de
plusieurs origines (Figure 6).
Figure 6: Module d’un film de CNC en fonction du facteur de forme des particules (Bras, Viet et al. 2011)
mélangeage lors de la préparation des matériaux. Contrairement à la silice, nous n’avons pas de
caractérisation spécifique afin de le qualifier et d’obtenir des descripteurs tel que l’énergie de
cohésion pour les charges employées dans le cadre de cette étude.
1.2.3. Conclusions
Nous avons introduit les caractéristiques descriptives des charges employées, avec un intérêt
particulier pour leur morphologie, et en distinguant la plus petite entité dispersible au sein du
matériau, et la structure hiérarchique de la forme sèche. Les caractéristiques de l’unité dispersible
vont ainsi définir les propriétés mécaniques maximales du matériau, alors que la structure
hiérarchique de la charge sous forme sèche va définir le procédé à employer pour pouvoir atteindre
ces performances.
En considérant la plus petite entité dispersible, nous observons que silice et nanocellulose ont une
surface et des modules d’Young comparables, mais des densités et des morphologies différentes.
Cette réaction s’effectue via un traitement thermique à l’issue du mélangeage des éléments
constitutifs. Afin d’ajuster ce traitement au matériau, il est courant de réaliser le suivi du module
linéaire du matériau en fonction du temps, par mesure d’un rhéogramme de cuisson (Figure 8). Cette
mesure permet de distinguer trois étapes successives : une phase retard, associée à la décomposition
des accélérateurs et à la formation du complexe activateur, une « montée en pont », correspondant
à la réaction elle-même se traduisant par une élévation rapide du module élastique du matériau, et
un plateau final lorsque l’intégralité du soufre a réagi.
153
Partie III – Matériaux nanocomposites
2.1. Mécanismes
L’association de la matrice et de la charge de renfort permet d’obtenir un nanocomposite avec une
distribution donnée de la phase discrète. Cet état de dispersion est une donnée essentielle afin
d’interpréter ensuite les performances du matériau et il est la résultante de phénomènes
thermodynamiques et cinétiques.
Cette grandeur va influencer les interactions charge-charge et charge matrice qui vont pouvoir se
former au sein du matériau. Un mélange est stable si les énergies dispersives de la charge et de la
matrice sont identiques, ou s’il existe des interactions charges matrices suffisamment fortes pour
empêcher la floculation (Wang 1998; Stöckelhuber, Das et al. 2010; Stockelhuber, Svistkov et al.
2011). Une revue récente portant sur les approches théorique et la modélisation de cette
problématique donne des expressions détaillées des potentiels d’interactions mis en jeu, et des
différents états de dispersion pouvant être obtenus (Hall, Jayaraman et al. 2010).
Dans le cas d’un mélange instable, il est possible de définir une cinétique de floculation des charges.
Ce phénomène est caractérisé par une constante de diffusion (Δ), dépendante de la température (T),
de la viscosité de la matrice (η), et de la taille caractéristique de la charge (a) (Wang 1998) (Figure
10).
Figure 10: Expression de la constant de diffusion (Δ) de la floculation des charges au sein d’une matrice élastomère en
fonction de la température (T), de la viscosité (η), et de la taille caractéristique de la charge (a)
2.2. Procédé
En considérant les mécanismes détaillés précédemment, l’état de dispersion de la charge au sein du
matériau dépend du procédé employé. Nous rappelons les trois grandes classes de procédé
permettant la préparation d’un matériau nanocomposite, et leur impact attendu sur l’état de
dispersion.
La polymérisation in situ, via l’emploi d’un solvant monomère, permet théoriquement de fixer l’état
de dispersion aléatoire de la charge au sein d’une suspension colloïdale (Berriot 2003; Papon 2012).
154
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Une autre voie de préparation consiste à évaporer le solvant d’une suspension colloïdale de charges,
à laquelle est ajoutée au préalable la matrice solubilisée ou sous forme de latex (Jouault 2009). Dans
ce cas, l’état de dispersion dépend des potentiels d’interactions charge-charge et charge–matrice, et
de la cinétique d’évaporation qui va influencer l’évolution de la viscosité du milieu.
Enfin, une dernière approche repose sur le mélangeage en phase solide, pour lequel un travail
mécanique fourni par un mélangeur va permettre d’obtenir une association intime des deux
constituants (Lapra 1999; Ramier 2004). Il s’agit du procédé employé industriellement pour la
préparation d’élastomères chargés, et c’est celui que nous utilisons dans le cadre de cette étude.
L’objectif du procédé de mélange est de libérer les unités structurales de la charge prise au sein de
l’assemblage hiérarchique des particules macroscopiques, et de les distribuer de manière homogène
dans le volume d’échantillon (Figure 11). La compréhension des mécanismes de dispersion et
l’optimisation des conditions de mélangeage demandent des études spécifiques et approfondies.
Plusieurs travaux de thèses récents s’intéressent ainsi à la description des phénomènes mises en jeu
pour la dispersion de la silice au sein d’une matrice élastomère, distinguant des mécanismes
d’érosion, de rupture, de délitement ou de désintégration, qui vont notamment dépendre des
propriétés du granule macroscopique de silice et des contraintes hydrodynamiques générées par le
procédé (Roux 2008; Boudimbou 2011; Vincent 2011; Dumas 2012).
Finalement, quelque soit la méthode de préparation choisie, il est difficile d’obtenir un état de
dispersion au sein d’un matériau nanocomposite indépendant des caractéristiques de la charge
(nature, morphologie, interface….). De plus, dans le cas du mélangeage en phase solide, la charge
sous forme sèche présente une structuration jusqu’à l’échelle macroscopique. Ainsi, en vue de la
compréhension des relations structure propriétés des matériaux, outre la caractérisation de la
dispersion à l’échelle des structures secondaires, il est intéressant d’évaluer si les conditions de
procédés permettent efficacement de diviser les particules de charges macroscopiques en leur sous-
unités nanométriques.
155
Partie III – Matériaux nanocomposites
Dans cette partie nous nous intéressons, pour des élastomères chargés en silice ou noir de carbone,
à la réponse mécanique de ces matériaux lors de tests de traction uniaxiale et de balayage en
déformation par spectrométrie mécanique dynamique. Nous précisons également les principales
hypothèses structurales permettant d’expliquer ces comportements. En raison de l’abondance de la
littérature sur ces sujets, nous n’en présentons qu’un résumé concis.
Figure 12: Impact de l’ajout d’une charge renforçante sur la courbe contrainte déformation du matériau
L’amplitude de ce phénomène est fonction de divers paramètres (Lapra 1999; Ramier 2004) :
156
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Figure 13: Impact du taux de charge sur la courbe contrainte déformation pour des matériaux SBR silice (Z14Si=6%vol,
Z27Si=11%vol, Z41Si=16%vol, Z55Si=20%vol) (Lapra 1999)
Nature de l’interface. La présence d’un agent de couplage à l’interface charge matrice contribue à
une augmentation plus rapide de la contrainte et du module avec la déformation. Cet effet augmente
avec la quantité d’agent de couplage introduit dans la formulation. Dans le cas d’un agent de
recouvrement permettant de rendre hydrophobe la surface polaire de la silice, l’effet contraire est
observé. Plus le recouvrement est efficace, moins le module et la contrainte augmentent avec la
déformation. Les valeurs obtenues s’approchent alors de la matrice non chargée (Figure 14).
a b
Figure 14: Impact de la quantité d’agent de recouvrement (a) et d’agent de couplage (b) présent à l’interface sur les courbes
contrainte déformation de matériaux SBR silice (Ramier 2004).
157
Partie III – Matériaux nanocomposites
Amplification des déformations. La fraction de phase rigide ne se déformant pas, il existe un facteur
d’amplification entre la déformation locale perçue par la matrice chargée et la déformation
macroscopique appliquée à l’échantillon, expliquant un niveau de contrainte plus élevé que la
matrice non chargée pour une même déformation macroscopique. Des études par AFM sur des
matériaux peu chargés (silice ou noir de carbone dans du SBR) montrent notamment que cette
amplification est localement hétérogène (plus forte dans les zones plus concentrées en silice) et
existe jusqu’à des distances caractéristiques entre charges de plusieurs microns (Lapra, Clément et al.
2003; Lame 2010).
Topologie du réseau/chaines non gaussiennes. La présence de charges ayant des interactions fortes
avec la matrice va modifier la densité de réticulation du réseau élastomère et la distribution en taille
ses chaînes. Par RMN du solide sur des systèmes modèles (silice/polyethylacrylate) (Berriot, Lequeux
et al. 2002; Papon, Saalwachter et al. 2011) et industriels (silice ou noir de carbone/SBR) (Luo,
Klüppel et al. 2004), la présence d’interactions covalentes à la surface de la charge se traduit par la
mise en évidence de jonctions additionnelles du réseau, susceptibles de modifier l’élasticité
entropique. Il est également possible qu’une fraction de chaînes de la matrice soit proche de
l’extensibilité limite, et présente donc une contrainte divergente dès de faibles taux de déformations.
Des mesures d’orientation du réseau par biréfringence mettent ainsi en évidence une contribution
non gaussienne de la matrice pour des matériaux de type SBR silice (Lapra 1999).
Transfert de contrainte. En cas d’interface rigide/liante dans l’élastomère chargé, le transfert local
de la contrainte vers la charge va conduire à l’apparition d’une contribution à la contrainte
macroscopique dépendante des propriétés mécaniques de la charge.
158
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Figure 15: Réorganisation du réseau de charge avec la déformation (Jouault 2009; Robbes 2011)
- Un comportement non linéaire du matériau avec une décroissance du module élastique ΔG’,
depuis une valeur plateau G’0, à partir d’un taux de déformation ɣc pour atteindre une valeur
G∞.
- Une dissipation d’énergie avec un pic de module visqueux G’’ et de facteur de perte tan(δ)
apparaissant à proximité de ɣc.
159
Partie III – Matériaux nanocomposites
Les valeurs caractéristiques de ce comportement, communément appelé Effet Payne, peuvent varier
en fonctions de nombreux paramètres (Wang 1998; Lapra 1999; Chazeau, Brown et al. 2000;
Gauthier, Reynaud et al. 2004; Ramier 2004; Ramier, Chazeau et al. 2007; Robertson, Lin et al. 2011):
Histoire mécanique. La réponse mécanique est stable à partir du deuxième balayage qui donne des
valeurs de module inférieures au premier. Le premier balayage est recouvrable en cas de
régénération de l’échantillon par traitement thermique. L’application d’une pré-déformation statique
ne modifie pas la courbe de l’effet Payne. Par la suite nous discutons les valeurs obtenus lors du
second balayage.
Fraction volumique de charge. G’0, la chute de module et le maximum de G’’ associés, augmentent
avec le taux de charge (Figure 17).
Figure 17: Influence du taux de charge sur l’effet Payne pour des matériaux SBR silice (Z14Si=6%vol, Z27Si=11%vol,
Z41Si=16%vol, Z55Si=20%vol) (Lapra 1999)
Morphologie de la particule. Une surface spécifique plus élevée conduit à une augmentation de G’0,
de la chute de module ΔG’ et du maximum de G’’ associés, alors que la structure, ou compacité d’un
agrégat fractal, augmente préférentiellement G∞ et influence peu la chute de module.
Interface. Ce paramètre influence également l’état de dispersion. Toutefois dans le cas d’un
matériau bien dispersé, la présence d’un agent de couplage ou de recouvrement à l’interface charge-
160
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Figure 18: Influence de l’interface charge matrice sur l’effet Payne. Impact du taux d’agent de recouvrement (a) et du taux
d’agent de couplage (b) (Ramier 2004)
Etat de dispersion. L’amélioration de l’état de dispersion par l’emploi d’une charge plus dispersible
ou un procédé plus performant, tend à réduire G’0, la chute de module ΔG’ et le maximum de G’’
associés (Vincent 2011). Dans le cas d’un système modèle (silice polyethylacrylate), il est possible de
distinguer différents cas de figures selon l’état de dispersion (Figure 19). Si la charge est parfaitement
dispersée et sphérique, il y a peu de renfort et pas de non linéarité. Si la charge est sous formes
d’agrégats nanométriques bien dispersé, le renfort du module élastique et son évolution non
linéaire apparaissent. Enfin, si la charge est agrégée, le renfort est toujours observé et la non linéarité
est de plus forte amplitude.
Figure 19: Influence de l’état de dispersion sur l’effet Payne (Berriot 2003)
Fraction apparente, gomme occluse. Le matériau est caractérisé par une fraction de charge définie
par la formulation. Toutefois l’état de dispersion et la morphologie des charges peuvent conduire à
l’apparition d’une fraction de gomme occluse non sollicitée lors du test mécanique, conduisant ainsi
à une augmentation de la fraction apparente de charges et des effets de renforts observés. Sa
libération progressive à des taux de déformation croissants peut alors expliquer la décroissance de
module et la dissipation d’énergie associée.
Interphase, transition vitreuse. Le concept d’interphase peut être défini pour désigner une couche à
mobilité réduite à la surface des charges qui aurait un comportement vitreux à température
ambiante. Son existence conduirait à une augmentation de la fraction rigide effective et donc du
renfort. Cette couche serait susceptible, sous l’effet de la déformation, de passer à l’état
caoutchoutique en dissipant de l’énergie de manière similaire à la transition vitreuse (Robertson and
Roland 2008). Des études de RMN du solide ont notamment permis de mettre en évidence la
présence d’une fraction de matrice rigide, dont la quantité est corrélée à la surface spécifique mais
ne dépend que faiblement de la nature de l’interface (Berriot 2003; Papon 2012).
Densité de réticulation, gomme liée. Le concept de gomme liée définit la fraction de matrice non
extractible par un solvant avant vulcanisation, qui varie selon les caractéristiques de la charge, la
nature de l’interface et l’état de dispersion. Outre son rôle dans un éventuel réseau de charge, cette
fraction est susceptible de connaitre une densité de jonctions et une distribution de taille des
segments élastiques perturbée en raison des interactions charges matrices, ce qui pourrait expliquer
le renfort observé (Sternstein and Zhu 2002). De plus cette perturbation est susceptible d’évoluer
sous l’effet de la déformation expliquant alors la réduction du module et la dissipation d’énergie
(Maier and Goritz 1996).
Réseau de charge. L’état de dispersion résultant du procédé de mise en œuvre du matériau peut
conduire à la formation d’un réseau de charge, local ou continu tout au long du matériau et
incorporant éventuellement une fraction de matrice. Ce réseau est susceptible de se comporter
comme un chemin de transfert préférentiel des contraintes, et peut expliquer le renforcement du
matériau. De plus, sa déstructuration/réorganisation sous l’effet de la déformation pourrait expliquer
la décroissance du module élastique (Heinrich and Klüppel 2002; Mélé, Marceau et al. 2002; Zhu,
Thompson et al. 2005; Robertson, Lin et al. 2008). Sur des matériaux modèles (silice/polystyrène), un
seuil de connectivité du réseau en fonction du taux de charge a été observé, et il se corrèle avec une
augmentation importante du renfort (Jouault, Dalmas et al. 2012). La caractérisation de la
morphologie et des interactions constituant un tel réseau de charge est alors déterminante pour la
compréhension des relations structures-propriétés (Schaefer and Justice 2007).
3.3. Modèles
La modélisation des propriétés mécaniques des élastomères chargés, et plus généralement des
nanocomposites, a fait l’objet de nombreuses études (Zeng, Yu et al. 2008). Nous rappelons ici
uniquement les modèles de renforcement hydrodynamique, ainsi que les deux principaux modèles
162
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
employés pour l’étude de l’effet Payne, basés respectivement sur les hypothèses microstructurales
de la formation d’un réseau de charge, et de la présence de liaisons faibles charge-matrice.
Figure 20: Modèle du renforcement hydrodynamique dans le cas d’une suspension concentrée de sphères (a) et de charges
anisotropes (b), avec E= module du matériau composite, E0=module de la matrice, f=facteur de forme de la charge.
Ces modèles permettent alors une première évaluation du renfort sans tenir compte d’une
contribution spécifique associée à la microstructure du matériau. Plusieurs autres familles de
modèles détaillées dans la littérature (Zeng, Yu et al. 2008) peuvent être employées pour évaluer le
renforcement des nanocomposites, notamment les modèles rhéologiques et les modèles
d’homogénéisation.
Cette interprétation est basée sur l’existence d’interactions de type Van der Waals entre les agrégats
de charges au sein du matériau. Ainsi, une expression de la chute du module (Figure 21) peut être
obtenue en fonction de la densité volumique de liens entre agrégats N0, de la constante de raideur
de l’interaction K0, et de la distance entre les centres d’agrégats R. Dans le cas d’une distribution
aléatoire de sphère, N0 peut être exprimée en fonction de la fraction volumique de charge, φ, de la
surface spécifique des charges, S, et du rapport du volume effectif sur le volume réel de la charge, α.
Figure 21: Expression de la chute de module élastique en fonction des interactions entre agrégats selon le modèle de Kraus.
163
Partie III – Matériaux nanocomposites
Figure 22: Expression de la variation des modules élastiques et visqueux en fonction de la déformation
Figure 23: Module du matériau en fonction des jonctions du réseau issues de la vulcanisation (Nc) et des liaisons stables
(Nst) et instables à l’interface (Ni)
Pour une déformation donnée, il y a un équilibre entre l’adsorption et la désorption. De plus, les
dissipations associées à la déformation sont attribuées aux frottements des chaînes sur la surface des
particules. Nous obtenons une expression des modules élastiques et visqueux en fonction de la
déformation, et du paramètre c (Figure 23).
Figure 24: Expression de la variation des modules élastique et visqueux en fonction de la déformation selon le modèle de
Maier et Goritz
164
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
4.1. Nanocellulose
Figure 25: Courbe contrainte déformation pour différents taux de charge (% p/p) de films obtenus par évaporation d’un
latex de caoutchouc naturel et de CNC (a) ou de MFC (b) (Bendahou, Kaddami et al. 2010)
165
Partie III – Matériaux nanocomposites
Ces matériaux ne présentent pas le comportement typique d’élastomères chargés, caractérisé par
une augmentation continue de la contrainte et du module avec le taux de déformation.
Figure 26: Microstructure attendue du nanocomposite selon le procédé de mise en œuvre pour des CNC de tunicier et une
matrice polybutylacrilate (Favier 1995). E= film obtenu par évaporation, PP= film obtenue par lyophilisation d’une
suspension contenant les constituants puis pressage à chaud, XP= film obtenu par pressage à chaud après extrusion d’un
film évaporé
Le module élastique du plateau caoutchoutique de ce type de matériau est le plus souvent décrit par
le modèle d’Halpin Kardos, qui peut être ajusté avec les différents paramètres caractéristiques des
charges, dont le facteur de forme (Dalmas, Cavaillé et al. 2007). Dans le cas d’une matrice de PVC
plastifiée avec une distribution isotrope de CNC, un modèle modifié, basé sur l’existence d’un réseau
de charge relié non par des interactions fortes directes mais par l’intermédiaire d’une fraction de
matrice, a également été proposé (Chazeau, Cavaillé et al. 1999; Bréchet, Cavaillé et al. 2001).
166
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Figure 27: Test de traction de film obtenu par évaporation d’une suspension de polyurethane et de CNC (Pei, Malho et al.
2011)
4.1.3. Conclusion
Les travaux existants sur l’emploi de nanocellulose comme renfort montrent que les systèmes
permettant d’éviter la formation d’un réseau percolant et favorisant la présence d’interactions fortes
à l’interface charge matrice, ont des comportements en traction proches des élastomères chargés
traditionnellement employés pour la préparation de pneumatiques. Toutefois, aucune étude ne
fournit de caractérisation de l’effet Payne, et la plupart des matériaux sont préparés par évaporation
de solvant avec des matrices thermoplastiques. De plus, le contrôle de l’interface charge matrice et
de l’état de dispersion n’est généralement pas détaillé, limitant la compréhension des relations
structure propriétés.
Des matériaux avec une dispersion homogène de nanotubes de carbones présentant une section de
15 nm pour des taux de charges allant jusqu’à 37% p/p ont ainsi été obtenus à l’aide d’une méthode
de broyage spécifique (Deng, Ito et al. 2011). Les courbes de traction associées sont caractéristiques
des élastomères chargés. Les charges employées sont caractérisées par une morphologie tortueuse,
et sont modélisées comme une série de charges de dimensions finies, avec une orientation et une
longueur caractéristique. Un modèle micromécanique incorporant les caractéristiques de la charge et
de la matrice, ainsi que l’évolution microstructurale du matériau avec la déformation (orientation des
charges, évolution de la longueur caractéristique), permet de déterminer l’évolution de la contrainte
entre 1 et 150 %.
Par coagulation d’un latex de caoutchouc naturel et d’une suspension de graphène-oxyde, suivi d’un
traitement mécanique en mélangeur interne, il est également possible d’obtenir un matériau avec
une dispersion de feuillets majoritairement exfoliés de quelques nanomètres d’épaisseur et de
longueur de l’ordre de 100 nm pour des taux de charges allant jusqu’à 5% p/p (Potts, Shankar et al.
2012). Les données obtenues en traction et par balayage dynamique en déformation pour ces
matériaux sont également caractéristiques des élastomères chargés.
167
Partie III – Matériaux nanocomposites
Enfin la dispersion par mélangeage en voie solide de plaquettes d’argile modifiées avec un contre ion
organique a également été démontrée. Les propriétés en traction d’un matériau avec 40 pour cent
équivalent caoutchouc (pce) de noir de carbone sont alors inférieures à 10 pce d’argile (Arroyo,
López-Manchado et al. 2003; Bitinis, Hernandez et al. 2011). Ce comportement est attribué à la
grande surface spécifique de la charge, favorisant les interactions avec la matrice, et à sa capacité à
s’orienter avec la déformation, conduisant à une cristallisation de la matrice plus importante et dès
des taux de déformations plus faibles.
168
Chapitre 1 : BIBLIOGRAPHIE
Le second chapitre s’intéresse plus spécifiquement à l’emploi d’aérogels de cellulose ayant des
caractéristiques ciblées pour le renforcement des élastomères (hautes surfaces spécifiques, interface
avec agent de couplage). Une série de matériau en faisant varier le taux de charge est alors préparée
puis caractérisée par l’évaluation de la dispersion par microscopie, le suivi de l’étape de vulcanisation
et les mesures de traction uniaxiale et de balayage en déformation par spectrométrie dynamique
mécanique.
169
Partie III – Matériaux nanocomposites
170
Chapitre 2 : Matériaux « preuve de concept » renforcés
par des charges cellulosiques selon leur morphologie,
structure, et interface
Expériences
Nous travaillons sur des matériaux préparés en deux étapes successives. La première correspond à la
dispersion de la charge au sein de la matrice, et est réalisée par l’incorporation au sein d’un
mélangeur, de la charge, de la matrice et du système de vulcanisation. La seconde étape est la
réaction de vulcanisation de la matrice, réalisée par cuisson sous presse du matériau.
Les matériaux de notre étude sont obtenus à partir d’une formulation type couramment employée
pour l’élaboration d’élastomère chargés constitutifs des bandes de roulement des pneumatiques.
Les paramètres fixés sont donc la matrice (SBR), le système de vulcanisation (CBS, soufre avec un
rapport massique supérieur à 1) et le taux de charge (17,2% volumique). La variable étudiée est la
charge employée, qui peut différer par sa structure, sa morphologie et son interface. Nous nous
intéressons à quatre séries de matériaux.
Echantillons
La première série comporte un matériau de référence, pour lequel la charge employée est une silice
hautement dispersible. La formulation comprend alors un agent de couplage polysulfure afin
d’obtenir une interface charge matrice liante.
La seconde série comprend quatre matériaux préparés avec des aérogels de basse surface spécifique
de MFC et de CNC. Outre l’interface nue de la cellulose obtenue à l’issue du séchage (M-BS et C-BS),
pour les cas des MFC, deux autres matériaux sont préparés après avoir modifié le substrat par voie
gaz avec un agent de recouvrement hydrophobe, le chlorure de palmitoyle, (M-BS-AR), et avec un
agent de couplage (M-BS-AC).
La troisième série comprend trois matériaux avec des aérogels de haute surface spécifique de MFC,
correspondant à trois interfaces. Nous distinguons l’interface nue (M-HS), l’interface avec un agent
de recouvrement (M-HS-AR) et l’interface avec un agent de couplage (M-HS-AC).
La quatrième série comprend trois matériaux avec cette fois des aérogels de haute surface
spécifique de CNC, correspondant aux trois interfaces. Nous distinguons à nouveau l’interface nue
171
Partie III – Matériaux nanocomposites
(C-HS), l’interface avec un agent de recouvrement (C-HS-AR) et l’interface avec un agent de couplage
(M-HS-AC).
Caractérisations
Nous récapitulons tout d’abord les caractéristiques (valeurs de surface spécifique et de taux de
greffage) des différentes charges obtenues, afin de qualifier leur morphologie, structure et interface.
Nous réalisons ensuite un suivi de l’étape de réticulation de la matrice par rhéologie dynamique
linéaire, et nous caractérisons l’état de dispersion de la charge au sein de la matrice par microscopie
électronique en transmission (MET).
Finalement, nous nous intéressons aux propriétés mécaniques des matériaux, et plus
particulièrement au renforcement et aux comportements non linéaires associés aux charges
employées. Nous étudions ainsi successivement les résultats de tests de traction uniaxiale, et de
balayage en déformation par spectrométrie mécanique dynamique.
172
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
2. Résultats
La silice employée pour le matériau témoin présente une surface spécifique de 320 m²/cm3. Sa
surface est polaire et compte approximativement 5 fonctions silanols par nm². Lors de la préparation
du matériau, un agent de couplage est ajouté afin de réaliser le greffage d’environ une liaison par
nm². Cette modification contribue à réduire la polarité de la surface et à permettre la formation de
liaisons covalentes charge-matrice.
Pour la série de matériaux avec des aérogels de basse surface spécifique, nous considérons les
surfaces spécifiques moyennes obtenues lors de l’étude de leur préparation (cf. partie I chapitre 2 et
3). Dans le cas du dépôt d’un agent de couplage à l’interface (M-BS-AC), nous considérons la surface
de l’aérogel saturée en greffon, en accord avec notre étude préalable sur la topochimie de cette
réaction (cf. partie II chapitre 5). Pour le dépôt de l’agent de recouvrement, le niveau de greffage
obtenu est supérieur à la saturation de la surface.
Pour les aérogels de haute surface spécifique de MFC, nous considérons les surfaces spécifiques
moyennes obtenues lors de l’étude de leur méthode de préparation (cf. partie I chapitre 2). Elles sont
5 à 7 fois plus élevées que celles des aérogels de basse surface spécifique. Dans le cas du dépôt d’un
agent de couplage (M-HS-AC) ou d’un agent de recouvrement (M-HS-AR) par voie gaz, les taux de
greffage obtenus sont conformes à l’obtention d’une surface d’aérogel saturée en réactif (cf. partie II
chapitre 5). Après purification l’aérogel modifié est séché, et nous effectuons une nouvelle mesure
de surface spécifique (Ssp produit). Les valeurs obtenues sont inférieures d’environ 30 et 50%
respectivement pour AC et AR, par rapport aux valeurs mesurées avant greffage. Cette réduction est
attribuée aux forces capillaires associées à l’évaporation du solvant de purification, provoquant
l’agrégation partielle des surfaces fonctionnalisées.
173
Partie III – Matériaux nanocomposites
Pour les aérogels de haute surface spécifique de CNC, le matériau avec une interface nue (C-HS)
présente une surface spécifique cinq fois plus grande que les aérogels de basse surface spécifique.
Toutefois cette valeur n’est que la moitié de celle attendue et obtenue pour les autres interfaces (C-
HS-AC et C-HS-AR), en raison de difficultés lors du protocole de préparation (cf. partie I chapitre 3).
Le niveau de greffage de l’aérogel traité par voie gaz avec un agent de couplage (C-HS-AC) est
supérieur à celui d’une surface saturée traduisant un excès attribué à des réactions secondaires. Le
taux de greffage de l’aérogel traité avec un agent de recouvrement est identique (M-HS-AR) et donc
supérieur à la saturation de la surface. Les surfaces spécifiques de ces aérogels modifiés ne
représentent plus que 50 et 5% de la valeur initiale respectivement pour AC et AR. Cette baisse est à
nouveau liée à l’évaporation du solvant de purification et aux forces capillaires associées qui peuvent
provoquer l’agrégation du substrat.
Conclusion
Les différents aérogels de cellulose obtenus vont permettre d’étudier l’impact sur les matériaux de la
morphologie, de la surface spécifique et de l’interface de la charge. Toutefois, la caractérisation des
charges permet d’observer la présence de certains biais par rapport à ces variables: réduction de la
surface spécifique après greffage et purification (notamment pour AR), excès de réactif au sein de la
charge (AR) ou à sa surface (AC), et fluctuation des valeurs de surface spécifique dans le cas de C-HS.
Référence
Pour le matériau témoin Si-AC, cette mesure permet de distinguer les différentes étapes de la
réaction. Initialement le module est stable. Cette première étape est appelée phase retard, et
correspond à la décomposition des accélérateurs permettant la formation d’un complexe catalysant
la réaction de vulcanisation. Après 7 min, nous observons une augmentation rapide du module. Cette
étape est associée à la réaction, c'est-à-dire à la formation de ponts soufrés entre les chaines de la
matrice, ce qui conduit à une augmentation de la masse molaire et donc de la viscosité du matériau.
Enfin, à partir de 20 min, nous observons une valeur plateau et le module n’évolue plus
significativement. L’intégralité du soufre présent au sein du matériau a alors été consommé dans la
formation des ponts inter-chaîne, et la réaction s’arrête.
174
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
G' (MPa) a
5,0
3,0
2,0
1,0
t (min)
0,0
0 20 40 60 80 100 120
G' (MPa) b
5,0
3,0
2,0
1,0
t (min)
0,0
0 20 40 60 80 100 120
G' (MPa) c
5,0
4,0
C-HS C-HS-AR Si-AC C-HS-AC
3,0
2,0
1,0
t (min)
0,0
0 20 40 60 80 100 120
Figure 1: Cinétique de cuisson des séries d’échantillons M-BS (a), M-HS (b) et C-HS (c) avec différentes interfaces et avec le
matériau de référence à base de silice (Si-AC)
175
Partie III – Matériaux nanocomposites
Pour la série de matériaux avec des aérogels MFC basse surface spécifique (Figure 1a), les matériaux
avec une charge présentant un traitement de surface (M-BS-AR et M-BS-AC) ont un comportement
similaire au témoin Si-AC, avec une phase retard, une rapide augmentation du module, puis
l’établissement d’un plateau. En revanche, pour l’interface nue (M-BS), la phase retard a disparu et la
montée en pont est immédiate, pour atteindre une valeur plateau à partir de 10 minutes de cuisson.
Cette perturbation signifie que la réaction de décomposition des accélérateurs de vulcanisation a été
accélérée. Ce phénomène est observé dans le cas de silice sans traitement de surface, et est attribué
au caractère polaire de la surface de la charge.
Pour les matériaux de la série avec des aérogels de MFC de haute surface spécifique (Figure 1b),
aucune des trois interfaces étudiées ne permet l’observation de la phase retard. Cela suggère
également une décomposition quasi immédiate des accélérateurs, pouvant être attribuée au
caractère polaire de la cellulose, qui apparaît indépendamment du traitement de surface. De plus,
pour M-HS-AR et M-HS-AC, la montée en pont est plus lente et nous n’observons plus une valeur
plateau, mais une asymptote avec une croissance lente au dessus de 30 minutes. Ce phénomène
peut avoir plusieurs origines. La vulcanisation, perturbée par la présence de la charge qui peut
adsorber une fraction des accélérateurs, peut conduire à la formation de ponts longs, susceptibles de
se réorganiser progressivement en ponts courts. D’autre part, la cellulose, en fonction de sa diffusion
au sein de la matrice, est susceptible de floculer et de former des structures rigides.
Les différents matériaux de la série avec des aérogels de CNC de haute surface spécifique (Figure 1c)
ne présentent pas non plus de phase retard. Alors que l’interface nue et l’interface avec agent de
recouvrement conduisent à l’obtention d’un plateau après une montée en pont rapide, l’interface
agent de couplage conduit à une montée plus lente pour atteindre une asymptote avec une
croissance lente. Les phénomènes précédemment cités, évolution de la longueur de pont et
floculation des charges, sont susceptibles d’expliquer ce comportement.
Discussion
Par rapport au déroulement observé sur un matériau de référence chargé en silice, la cinétique de
vulcanisation des matériaux réalisés avec des aérogels de cellulose montrent deux types de
perturbations, la disparition de la phase retard, et une montée en pont ralentie suivie d’une
croissance lente du module.
Le premier phénomène est attribué à la surface polaire de la cellulose qui accélère la décomposition
des accélérateurs. Ceci est en accord avec le fait que seuls les aérogels avec une faible surface
spécifique et un traitement de surface (M-BS-AR et M-BS-AC) ne présentent pas ce problème. Dans la
littérature un phénomène similaire est reporté avec la silice, un meilleur recouvrement de la surface
polaire de la charge conduisant à une plus faible perturbation de la phase retard (Ramier 2004).
L’auteur propose que la distribution des jonctions soit perturbée dans le cas d’une décomposition
des accélérateurs à la surface des charges non recouvertes (Figure 2).
176
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
Figure 2: Schéma de la distribution des jonctions en fonction de l’interface pour un matériau SBR silice (Ramier 2004)
Le second phénomène peut provenir d’une réorganisation des ponts ou de la floculation des charges.
Les différents échantillons montrent que son apparition est favorisée dans le cas de haute surface
spécifique et d’un agent de surface (M-HS-AR, M-HS-AC, et C-HS-AC). Dans la littérature, des travaux
sur des matériaux SBR silice ont observé une augmentation du module moins forte lors d’une
cinétique de cuisson, lorsque la charge est recouverte d’un agent de couplage ou d’un agent de
recouvrement (St ckelhuber, Svistkov et al. 2011). Ce phénomène est attribué à une moindre
floculation des charges polaires après un traitement de surface. Des observations similaires ont été
réalisées pour des matériaux non vulcanisés (Robertson, Lin et al. 2011).
Dans nos conditions d’observations, le contraste observé au sein du matériau est essentiellement
attribué à une différence de densité électronique entre la charge et la matrice. Selon la qualité de la
préparation, la coupe à observer peut avoir une épaisseur variable. Ceci peut conduire à l’obtention
de larges zones avec des différences de contrastes moyens, toutefois plus faibles que le contraste
charge-matrice.
Par ailleurs, cette technique donne accès à une projection en deux dimensions du volume de la
coupe de matériaux. Les dimensions, les formes et la concentration de la phase dispersée observée
sont alors dépendantes de la dispersion en trois dimensions et du volume sondé. Ainsi, dans le cas de
renforts sphériques comme la silice, nous observons en MET des disques de diamètre inférieur ou
177
Partie III – Matériaux nanocomposites
égal à celui de la charge. Pour des charges fibrillaires comme la nanocellulose, selon leur orientation,
nous observons en TEM des bâtonnets, des ellipses ou des disques.
Référence
Le matériau de référence Si-AC présente, à faible grossissement (Figure 3a), une distribution
régulière de la charge avec parfois des zones surconcentrées de quelques microns. A plus fort
grossissement (Figure 3b), nous pouvons distinguer la structure secondaire de la silice sous forme
d’agrégat fractal mesurant près de 100 nm. La distribution de cette structure au sein de la surface
observée est plutôt homogène, avec seulement quelques veines non chargées de largeur inférieure à
200 nm.
Cette phase dispersée correspond essentiellement à de la silice, toutefois tous les matériaux
comportent une faible fraction de noir de carbone dans la formulation, dont la structure locale est
similaire à celle de la silice. Ce composé va pouvoir jouer le rôle de témoin de dispersion pour les
matériaux préparés avec des aérogels de cellulose. Nous présentons ainsi les clichés obtenus sur un
matériau ne contenant que la faible fraction de noir de carbone (Figure 3c, 3d). De manière similaire
à la silice, mais à une concentration plus faible, nous observons une répartition homogène de la
charge à faible grossissement. A fort grossissement, nous distinguons la structure secondaire sous
forme d’agrégat fractal.
178
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
Figure 3: Si-AC X2750 (a) et X6600 (b), témoin non chargé X2750 (c) et X6600 (d)
Dans le cas des différents matériaux préparés avec des aérogels de faible surface spécifique,
l’observation est qualitativement similaire selon la nature de l’interface. A faible grossissement
(Figure 4 a, c, e, g), nous distinguons des agrégats anisotropes dont la longueur et la largeur sont
respectivement supérieures au micron et à 100 nm. Leur distribution est aléatoire au sein de la
surface observée et leur concentration faible. Pour ce même grossissement, nous distinguons le noir
de carbone sous forme de points discrets distribués de manière homogène au sein de la surface
observée.
A fort grossissement (Figure 4 b,d,f,h), nous distinguons la structure du noir de carbone sous forme
d’agrégats fractals distribués de manière homogène. La cellulose n’apparaît en revanche qu’au sein
des larges agrégats observés à faible grossissement.
Ainsi, l’emploi d’un aérogel basse surface spécifique ne permet pas d’obtenir une dispersion
homogène d’objets inférieure à 100 nm, et ce indépendamment de la nature, de l’interface, et du
type de charge employé.
179
Partie III – Matériaux nanocomposites
Figure 4: M-BS X2750 (a) et X6600 (b), M-BS-AR X2750 (c) et X6600 (d), M-BS-AC X2750 (e) et X6600 (f), C-BS X2750 (g) et
X6600 (h)
180
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
Pour la série M-HS, les trois interfaces conduisent à des états de dispersion qualitativement
différents. L’interface nue (M-HS), (Figure 5 a, b) conduit à un état de dispersion semblable à celui
observé pour des aérogels avec une faible surface spécifique. A faible grossissement, nous
distinguons quelques agrégats anisotropes de dimensions supérieures au micromètre distribués de
manière aléatoire. Localement, seule la structure du noir de carbone apparaît, la cellulose étant
piégée au sein d’agrégats.
En présence d’un agent de recouvrement (M-HS-AR) et à faible grossissement (Figure 5 c), nous
observons une distribution homogène et concentrée d’agrégats anisotropes et circulaires. La
majorité sont de taille réduite, et certains ont des dimensions caractéristiques supérieures au
micron. A plus fort grossissement (Figure 5 d), nous observons des objets fibrillaires de diamètre
inférieur à 100 nm coexistant avec le noir de carbone.
Dans le cas d’une interface liante (M-HS-AC), nous observons à faible grossissement (Figure 5 e), une
distribution homogène d’objets anisotropes submicroniques et plusieurs agrégats circulaires de plus
d’un micron. A fort grossissement (Figure 5 f), nous observons des objets anisotropes de diamètre
inférieur à 100 nm, coexistant avec le noir de carbone.
Ainsi l’emploi d’aérogel de MFC de haute surface spécifique avec un traitement de surface conduit à
une distribution homogène et concentrée des charges à faible grossissement, et à l’apparition de
structures fibrillaires de diamètre inférieur à 100 nm localement.
Pour la série C-HS, l’interface nue (Figure 5 a) conduit à une distribution homogène d’agrégats
circulaires mesurant de un à plusieurs microns et d’objets anisotropes submicroniques. Localement
(Figure 5 b), coexistant avec le noir de carbone, nous distinguons quelques agrégats de plus de 200
nm de dimensions.
Pour C-HS-AR (Figure 5 c,d), à faible grossissement, nous observons une dispersion régulière d’objets
de taille inférieure au micron aux contours diffus. Cela peut venir d’un taux de greffage trop
important (Ng=0,45), qui en affectant la structure de la charge, et réduit le contraste qui lui est
imparti. A fort grossissement nous ne distinguons alors nettement que le noir de carbone.
En présence d’agent de couplage (C-HS-AC), nous observons une distribution régulière et concentrée
d’agrégats submicroniques pour la plupart anisotropes (Figure 5 e,f). Localement, nous observons
une dispersion homogène de bâtonnets et de disques de diamètres inférieurs à 50 nm, coexistant
avec des agrégats cellulosiques de l’ordre de 100 nm et avec les agrégats fractals de noir de carbone.
181
Partie III – Matériaux nanocomposites
Figure 5: M-HS X2750 (a) et X6600 (b), M-HS-AR X2750 (c) et X6600 (d), M-HS-AC X2750 (e) et X6600 (f)
182
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
Figure 6: C-HS X2750 (a) et X6600 (b), C-HS-AR X2750 (c) et X6600 (d), C-HS-AC X2750 (e) et X6600 (f),
183
Partie III – Matériaux nanocomposites
Discussion
Les caractéristiques des différentes charges employées permettent d’interpréter plusieurs des
observations précédentes. La surface spécifique, ou le degré d’agrégation de l’aérogel (sa structure
tertiaire cf. partie I) déterminé par le protocole de préparation de la charge, semble conservé ou
amplifié au sein du matériau. Ceci explique l’absence, pour les aérogels de basse surface spécifique,
d’objets nanométriques à fort grossissement, et les faibles concentrations en agrégats à faible
grossissement. Ainsi, malgré la viscosité du milieu et l’énergie mécanique apportée durant le
mélangeage, les liaisons charge-charge formées lors de la préparation de l’aérogel ne semblent pas
détruites lors de la dispersion.
Dans le cas d’aérogels de haute surface spécifique, la nature hydrophobe de l’interface (AR ou AC)
des aérogels fonctionnalisés, conduit à une augmentation de la concentration en objets et de
l’homogénéité de la dispersion à faible grossissement, ainsi qu’à l’apparition locale d’objets
cellulosiques de dimensions nanométriques. Ces résultats reflètent la thermodynamique du mélange.
En effet, la forte composante polaire de l’énergie de surface de la cellulose favorable à des
phénomènes d’agrégation charge-charge durant le mélange pour les aérogels avec l’interface nue,
est fortement inhibée par la présence d’un greffon hydrophobe. Dans ce cas, les liaisons charge-
charge entre surfaces fonctionnalisées formées à l’issue du séchage post-purification (cf. 2.1) ne
semblent pas perturber la redispersion.
Par rapport à notre matériau de référence à base de silice, caractérisé par une distribution
homogène d’agrégats fractals, nous observons que les charges cellulosiques avec une haute surface
spécifique et un traitement de surface, permettent d’obtenir un matériau caractérisé par l’apparition
localement d’objets nanométriques circulaires et anisotropes.
184
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
Figure 7: Test de traction uniaxiale des séries d’échantillons M-BS (a), M-HS (b) et C-HS (c)
185
Partie III – Matériaux nanocomposites
Le matériau de référence à base de silice présente un niveau initial de module de 6,5 MPa, qui croît
rapidement avec la déformation, pour atteindre un point de rupture vers 200%.
Pour les matériaux basse surface spécifique (Figure 7a), la courbe de l’échantillon M-BS se distingue
par un module initial élevé (20 MPa) et une rupture précoce. Les autres matériaux sont caractérisés
par des modules initiaux compris entre 4,8 et 7,9 MPa, et une déformation à la rupture supérieure à
400%. Toutefois, alors que la courbe ne présente pas de redressement avec la déformation pour
l’interface agent de recouvrement (M-BS-AR), une légère croissance du module est observée pour
une interface de cellulose nue (C-BS), ce phénomène étant plus important pour l’interface agent de
couplage (M-BS-AC).
Pour les matériaux MFC de haute surface spécifique (Figure 7b), l’interface nue (M-HS) conduit à
nouveau à l’obtention d’un matériau avec un module initial élevé et une rupture précoce. Lorsqu’un
traitement de surface est réalisé sur cette charge, les modules initiaux sont d’environ 10 MPa et la
déformation à la rupture approche 400 %. Toutefois, alors que le module est décroissant avec la
déformation dans le cas d’un agent de recouvrement (M-HS-AR), il est croissant avec un agent de
couplage (M-BS-AC).
Pour les matériaux CNC de haute surface spécifique (Figure 7c), nous distinguons la courbe de
l’interface agent de couplage, avec un module initial de 7,8 MPa qui croît rapidement jusqu’à une
déformation à la rupture proche de 300%. Pour les interfaces nue (C-HS) et agent de recouvrement
(C-HS-AR), les modules initiaux sont plus faibles, respectivement de 4,1 et 5,4 MPa, et les
déformations à la rupture sont alors supérieures à 600%. Toutefois, alors que le que l’interface nue
(C-HS) conduit à une légère croissance avec la déformation, l’interface agent de recouvrement (C-HS-
AR) a une évolution décroissante.
Discussion
L’incorporation d’une charge au sein d’une matrice élastomère va induire plusieurs types de
modification des propriétés mécaniques du matériau. En premier lieu, la présence d’une phase rigide
va élever le niveau de module du matériau par rapport à celui de la matrice. Ensuite, la formation
d’un éventuel réseau de charge au sein du matériau peut apporter une contribution additionnelle de
renfort au module du matériau. Selon la nature des interactions à l’origine de ce réseau, son
186
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
haute surface spécifique, l’augmentation du renforcement est ainsi plus importante (M-BS-AC<M-HS-
AC).
Enfin, le matériau de référence avec la silice, est caractérisé par un renfort modéré du module initial
et une augmentation rapide de sa valeur avec la déformation. L’emploi d’aérogels de cellulose avec
une haute surface spécifique et une interface avec un agent de couplage, permet d’obtenir un
comportement similaire. Toutefois, le module initial est alors plus élevé, et son augmentation avec la
déformation est plus lente.
Le matériau référence à base de silice est caractérisé par une faible décroissance de son module
élastique avec la déformation, qui commence dès 1% de déformation. Le module visqueux, stable
aux petites déformations passe par un maxima aux alentours de 10% de déformation, puis décroît
ensuite.
Pour les matériaux à faible surface spécifique (Figure 8 a, d), nous distinguons l’interface nue (M-BS)
avec un module élastique initial élevé (> 5MPa) qui décroit de près de 50%, dès 0,1% de déformation.
L’évolution du module visqueux passe par un maxima à 1% avant de décroitre avec la déformation.
Cette évolution est commune aux différents matériaux de cette série. Toutefois, lorsque l’aérogel
présente un traitement de surface (M-BS-AR, M-BS-AC), les modules élastiques initiaux, l’amplitude
de leur décroissance, et les niveaux de module visqueux sont alors plus faibles que pour l’interface
nue (M-BS). Cette réduction des valeurs et des amplitudes est encore plus importante dans le cas de
CNC basse surface spécifique (C-BS).
Pour les matériaux MFC à forte surface spécifique (Figure 8 b, e), dans le cas de l’interface nue (M-
HS), l’évolution du module élastique et visqueux est identique aux observations précédentes à basse
surface spécifique (M-BS), avec une décroissance de 50% de G’ à partir de 0,1%, accompagné d’un
188
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
maxima de G’’ à 1%. En présence d’une interface modifiée, le comportement est cette fois similaire à
l’interface nue. Toutefois, avec l’agent de recouvrement (M-HS-AR), le module élastique initial (7,2
MPa) et son amplitude de décroissance normalisée (0,64) sont supérieures. Enfin, indépendamment
de l’interface, les valeurs de G’50 sont proches, de 2,6 à 2,7 MPa.
Figure 8: Mesure des module élastiques (G’) et visqueux (G’’) en fonction de la déformation par spectrométrie dynamique
mécanique pour les échantillons M-BS (a, d), M-HS (b, e) et C-HS (c, f)
189
Partie III – Matériaux nanocomposites
Pour les matériaux CNC de haute surface spécifique (Figure 8 c, f), dans le cas de l’interface nue (C-
HS), nous observons une décroissance du module élastique dès 0,1% de déformation de près de 40%
de sa valeur, le module visqueux passant par un maxima à environ 2% de déformation. En présence
d’une interface modifiée, le comportement est similaire. Toutefois, avec l’agent de recouvrement (C-
HS-AR), le module élastique initial et son amplitude de décroissance (56%) sont supérieures. Pour ces
deux échantillons, les valeurs de G’50 sont proches, environ 2,5 MPa, et équivalentes aux valeurs
obtenues pour les aérogels MFC haute surface spécifique.
Discussion
L’introduction de charges au sein d’une matrice élastomère va modifier les propriétés observées en
spectrométrie dynamique mécanique. Alors que la matrice non chargée a un comportement linéaire,
le matériau composite présente un module supérieur, et devient non linéaire dès 1% de
déformation, avec une décroissance du module élastique en fonction de la déformation, et le
passage par un maximum de module visqueux. Ce comportement, appelé effet Payne, est
généralement interprété en considérant la microstructure du matériau et son évolution avec la
déformation. Il est fonction de l’état de dispersion, et sa compréhension repose notamment sur les
liaisons charge-matrice à l’interface, et/ou les interactions charge-charge au sein d’un réseau de
charge. Ainsi, les différents comportements mécaniques observés peuvent être reliés aux
caractéristiques des charges employées (interface, morphologie, et structure).
Pour les aérogels de haute surface spécifique, nous distinguons l’impact de l’interface. Par rapport à
l’interface nue et polaire de la cellulose (M-HS, C-HS), la présence d’un agent de recouvrement va
être plus favorable à la dispersion locale de la charge. La microstructure obtenue présentera alors
une plus grande quantité de liaison charge-charge, et de liaisons charge-matrice. Toutefois, ces
liaisons sont non covalentes et moins fortes que dans le cas de la surface polaire de la cellulose. Ainsi
le module initial est plus élevé, et cette microstructure va rapidement évoluer sous l’effet de la
déformation avec une décroissance plus importante de G’ (M-HS-AR, C-HS-AR). Dans le cas d’un
agent de couplage, la modification de l’interface va également être plus favorable à la dispersion de
la charge, et cette fois les interactions charge matrice sont covalentes. Le renfort du module initial et
sa décroissance reste alors proche de l’interface polaire (M-HS-AC, C-HS-AC). Dans la littérature,
l’effet de l’interface a été étudié pour des systèmes SBR silice parfaitement dispersé (Lapra 1999;
Gauthier, Reynaud et al. 2004; Ramier 2004; Stockelhuber, Svistkov et al. 2011). Dans ce cas,
l’ajout d’un agent de couplage ou d’un agent de recouvrement s’accompagne d’une réduction de
l’amplitude de l’effet Payne.
L’influence de la morphologie de la charge est observable par comparaison des séries de matériaux
avec des MFC et des CNC de haute surface spécifique. Les aérogels de MFC, caractérisés par une
structure en réseau et un facteur de forme élevé, sont favorables à l’obtention d’une microstructure
avec une quantité plus importante de liaisons charge-charge. Les matériaux obtenus ont alors des
modules initiaux et des décroissances avec la déformation plus élevées.
Cette distinction n’est pas observée pour les MFC nues (M-HS, M-BS), la morphologie et l’interface de
la charge étant favorable à l’établissement d’un réseau rigide et fragile dominant alors la réponse
mécanique du matériau. En revanche, dans le cas des aérogels de MFC avec interface modifiés,
l’augmentation de la surface spécifique conduit à nouveau à l’obtention d’interactions charge-charge
et charge-matrice supplémentaires. Les matériaux obtenus (M-HS-AR, M-HS-AC) sont ainsi
caractérisés par une élévation de la valeur de module initial et de sa décroissance avec la
déformation, par rapport aux basses surfaces spécifiques (M-BS-AR, M-BS-AC).
Finalement le matériau référence avec la silice est caractérisé par un module initial renforcé et une
faible décroissance avec la déformation. Dans le cas d’aérogels de cellulose avec une haute surface
spécifique, le comportement est similaire mais les valeurs de module et l’amplitude de décroissance
sont supérieures et varient alors selon l’interface et la morphologie de la charge.
191
Partie III – Matériaux nanocomposites
3. Discussion
Nous avons préparé plusieurs matériaux en employant comme charges renforçantes des aérogels de
cellulose avec différentes structures, interfaces et morphologies. Les résultats obtenus ont permis
d’évaluer la microstructure du matériau à partir du suivi de la vulcanisation, et de l’observation de
l’état de dispersion de la charge dans le matériau. Nous avons également évalué les propriétés
mécaniques de ces matériaux sur une large gamme de déformation en nous intéressant au niveau de
renfort et aux comportements non linéaires. Afin de synthétiser ces résultats, nous définissons trois
cas frontières de microstructure du matériau auxquels nous associons les observations précédentes
pour les différents matériaux étudiés.
Microcomposite
Nous regroupons dans cette famille les matériaux avec des MFC de basse surface spécifique avec un
traitement de surface (M-BS-AR, M-BS-AC) et les matériaux avec des CNC ayant une interface nue (C-
BS et C-HS). La préparation de ces matériaux conduit à la dispersion de domaines de charge discrets,
sous forme d’agrégats mesurant plusieurs microns. Localement, nous ne distinguons pas de structure
nanométrique dispersée au sein du matériau. Le niveau de renforcement initial (2,3-3,7 MPa) et la
décroissance avec la déformation (30-40%) mesurés par spectrométrie mécanique dynamique sont
faibles, et l’élongation à la rupture élevée (> 400%).
L’interface charge matrice est réduite et la vulcanisation n’apparaît pas perturbée (sauf pour C-HS).
L’évolution du module aux grandes déformations est alors modérément influencée par la nature des
liaisons mises en jeu. L’agent de recouvrement conduit à une baisse du module avec la déformation,
alors que l’agent de couplage permet une croissance légère.
Ces matériaux sont proches des microcomposites traditionnels. L’interface au sein du matériau étant
faible, la contribution d’interactions charge-charge et charge-matrice est négligeable et le
comportement non linéaire reste relativement proche de celui de la matrice.
Réseau rigide
Nous regroupons dans cette famille les matériaux avec des MFC non modifiées (M-HS, M-BS). La
préparation de ces matériaux conduit à la formation de larges agrégats, et localement nous ne
distinguons pas de structure nanométrique dispersée. Par spectrométrie mécanique dynamique le
niveau de renforcement initial (5,2 MPa) et l’amplitude de décroissance avec la déformation (50%)
sont plus élevés que pour la famille des micrcocomposites. En traction, les modules mesurés sont
importants (15-20 MPa) et les matériaux ont une déformation à la rupture faible (<150%).
Ces matériaux sont proches des composites à fibres longues, où la charge forme une structure
continue au sein du volume du matériau. Les propriétés mécaniques sont alors dominées par le
comportement de ce réseau rigide et fragile.
Nous regroupons ici les matériaux avec des charges de haute surface spécifique et un traitement de
surface (M-HS-AR, M-HS-AC, C-HS-AR, C-HS-AC). La préparation de ces matériaux conduit à une
dispersion relativement homogène des charges à faible grossissement. Par spectrométrie mécanique
192
Chapitre 2 : MATERIAUX « preuve de concept » RENFORCES PAR DES CHARGES CELLULOSIQUES
dynamique les modules initiaux (4,5-7,2 MPa) et leur décroissance (44-64%) sont intermédiaires et
dépendent de la morphologie de la charge (MFC>CNC). En traction les déformations à la rupture sont
supérieures à 300%.
L’interface charge-matrice obtenue pour ces matériaux est importante, et la vulcanisation apparaît
perturbée, particulièrement en présence d’un agent de couplage. Cette interface importante permet
la création de nombreuses interactions charge-matrice et charge-charge qui vont influencer les
comportements non linéaires du matériau. Pour l’agent de couplage, nous observons ainsi une
croissance du module pour les taux de déformation élevés. Pour l’agent de recouvrement, nous
observons également une décroissance plus importante du module aux faibles déformations.
Les propriétés mécaniques de ces matériaux s’apparentent à celle de nanocomposites. La charge n’a
alors plus seulement un rôle renforçant dépendant de ses propriétés mécaniques. Ses dimensions
réduites et sa morphologie vont permettre l’obtention d’une quantité importante d’interactions
charge-charge et charge-matrice conduisant à la formation d’un réseau mixte au sein du volume de
l’échantillon. Cette structure mésoscopique va induire un renforcement additionnel du module et
favoriser l’apparition de comportements non linéaires par sa réorganisation.
Le matériau référence employé pour cette étude est représentatif des élastomères chargés
traditionnellement employés pour les bandes de roulement de pneumatiques. Sa microstructure est
caractérisée par une dispersion homogène d’agrégat de 100 nm avec des interactions covalentes
charge matrice. Les propriétés mécaniques obtenues montrent un module renforcé, une faible
décroissance liée à l’effet Payne, et une rapide augmentation du module aux grandes déformations.
Les matériaux à base de cellulose avec une haute surface spécifique et un traitement de surface
permettent d’obtenir le même type de dispersion, et le module G’50 est alors proche de celui du
matériau de référence à base de silice. Toutefois, la non linéarité initiale est de plus grande
amplitude, et dans le cas d’un agent de couplage, l’augmentation du module avec la déformation est
plus faible.
Ces différences de comportements avec la silice ont potentiellement deux origines. Premièrement,
les charges de cellulose ont des caractéristiques spécifiques, dont la morphologie anisotrope, qui
peut influencer la réponse mécanique de manière non triviale. Deuxièmement, la formulation et la
mise en œuvre des matériaux sont optimisées pour la silice et doivent être ajustées pour la cellulose.
193
Partie III – Matériaux nanocomposites
4. Conclusion
Cette étude sur le renforcement d’élastomères avec des aérogels de cellulose se distingue de la
plupart des travaux précédents sur les nanocomposites avec nanocellulose. En effet, nous travaillons
avec des fortes fractions volumiques de charges (≈17%) et des matrices élastomères réticulées. De
plus, le matériau est obtenu par mélangeage en phase solide à partir d’une charge sous forme sèche
et donc sans emploi de solvant. Enfin, l’état de dispersion final au sein du matériau a été visualisé en
MET, et le comportement non linéaire en spectrométrie mécanique dynamique est caractérisé. Ainsi,
ces résultats sont difficilement comparables avec des données de la littérature sur l’emploi de
nanocellulose. Les données disponibles concernant les élastomères chargés avec la silice, concernent
systématiquement des systèmes optimisés en termes d’état de dispersion et de formulation, ce qui
rend également la comparaison avec nos résultats difficile.
En première analyse, nous avons proposé trois catégories afin de classifier les matériaux obtenus
selon les caractéristiques de la charge employée (morphologie, structure et interface). La première
correspond à des matériaux de type microcomposite déformable et avec un faible renforcement. La
seconde correspond à un matériau de type réseau rigide, avec un module élevé et une faible
élongation à la rupture. La troisième correspond à des matériaux obtenus pour une charge avec une
haute surface spécifique et un traitement de surface. La dispersion de la charge est alors plutôt
homogène et le matériau présente un renforcement attribué à la formation d’un réseau mixte, tout
en restant déformable jusqu’à plus de 300%. Au sein de cette dernière catégorie, la
fonctionnalisation avec AC conduit à un compromis de propriétés inédit pour la cellulose,
renforcement du module initial, non linéarité modérée aux petites déformations, et fort
redressement aux grandes déformations pour atteindre des points de rupture élevés. Ces propriétés
s’apparentent alors à celles obtenues pour des élastomères chargés en silice.
Des travaux supplémentaires devront permettre d’optimiser ces performances, en raison des marges
de progression relatives à la préparation de la charge, à la formulation et la mise en œuvre du
matériau. Il sera nécessaire de s’assurer que la dispersion de la charge est complète et qu’il ne
persiste pas d’agrégats de grandes dimensions.
L’obtention d’un matériau modèle pourra alors permettre d’approfondir la compréhension des
performances obtenues en incluant une description de la microstructure du matériau, et en tenant
compte des caractéristiques intrinsèques des nanocelluloses. En effet, la nanocellulose se distingue
de la silice principalement par sa morphologie anisotrope. Dès lors, la description de la formation
d’un réseau de charge par contact direct, de la distribution des distances charge-charge ne va pas
être équivalente au cas d’une dispersion de sphères. La mise en évidence de ces spécificités passera
également par une meilleure description du réseau de charge dont la description est limitée par
l’étude en TEM de coupe fines de matériaux.
194
Chapitre 3 : Relations structure propriété matériaux
cibles
Les matériaux sont préparés avec le même protocole qu’au premier chapitre, basé sur une première
étape de mélange en voie solide de la charge, de la matrice et du système de vulcanisation, suivi de
la réticulation du matériau, réalisée sous presse et en température.
La formulation employée reprend la même matrice (SBR) et le même système de vulcanisation avec
un rapport CBS/soufre dit efficace. Le système de vulcanisation n’est pas complété par de la DPG, qui
joue le rôle d’accélérateur et peut permettre d’éviter l’adsorption du CBS à la surface des charges.
Les variables étudiées sont la morphologie de la charge et sa fraction volumique, au travers de deux
séries de matériaux.
La première série de matériaux est réalisée avec des aérogels de haute surface spécifique de MFC à
la surface desquels est greffé un agent de couplage. Cinq matériaux sont préparés avec une fraction
volumique de charge respectivement de 1, 5, 10, 15 et 20%. La seconde série est similaire, avec cette
fois des aérogels de CNC. Nous réalisons également un matériau témoin sans ajout de cellulose.
Caractérisations
Les résultats sont présentés de manière similaire au chapitre 2. Nous rappelons en premier lieu les
caractéristiques des charges employées (valeur de surface spécifique et de taux de greffage), afin de
qualifier leur structure et interface. Nous réalisons ensuite un suivi de la cinétique de vulcanisation
de la matrice. Nous évaluons également l’état de dispersion de la charge dans le matériau par MET.
Nous nous intéressons enfin aux propriétés mécaniques des matériaux, évaluées en traction
uniaxiale et en balayage en déformation par spectrométrie mécanique dynamique.
195
Partie III – Matériaux nanocomposites
2. Résultats
Les aérogels de MFC employés présentent une surface spécifique élevée, correspondant aux valeurs
les plus hautes obtenues par notre protocole (cf. partie I chapitre 2). La modification de leur interface
avec l’agent de couplage atteint un taux de modification proche de la saturation d’après la valeur
théorique de DSsurface. A l’issue du greffage, le séchage post purification conduit à une réduction de la
surface spécifique du produit de 40%, reflétant la formation d’interactions additionnelles entre
surfaces fonctionnalisées.
Pour les aérogels de CNC, le niveau de surface spécifique atteint correspond également aux valeurs
les plus hautes obtenues avec notre protocole (cf. partie I chapitre 3). La modification de l’interface
conduit à des niveaux de greffage légèrement supérieurs à la saturation de l’interface, suggérant de
possibles réactions secondaires et un léger excès d’agent de couplage à la surface de la charge. La
surface spécifique du produit est également réduite de plus de 50% en raison du séchage post
purification.
Les charges de MFC et de CNC employées pour l’étude matériaux ont des caractéristiques similaires,
avec des surfaces spécifiques élevées, une interface saturée en agent de couplage, et la formation
d’interactions entre surfaces fonctionnalisées à l’issue de la purification post greffage.
196
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
Soufre
AC (pce)
3
M C
2,5
2
Soufre libre
1,5
0,5
ф
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2
Figure 1: Quantité de soufre provenant de l’agent de couplage exprimée en pourcentage massique équivalent de matrice
(pce) en fonction du taux de charge du matériau
La quantité apportée par l’agent de couplage augmente avec la fraction volumique de charge jusqu’à
devenir supérieure à la quantité introduite par le système de vulcanisation qui est fixe. Cet apport est
supérieur pour les CNC en raison de leur taux de greffage supérieur.
Le matériau non chargé montre une évolution en trois étapes successives. Durant la première étape,
qui dure environ 10 minutes, le module du matériau est stable en raison de la décomposition de
l’accélérateur du système de vulcanisation (CBS). Ensuite à une augmentation rapide du module du
matériau est observé et correspond à la réaction de vulcanisation. Enfin, lors de la troisième étape,
l’intégralité du soufre a été consommée par la réaction et le module se stabilise. Sa valeur est alors
faible en raison de l’absence de charges renforçantes.
En présence de MFC, plusieurs modifications sont observées. Pour M-5, M-10, puis M-15 la phase
retard est réduite progressivement à 5 minutes, et elle n’est plus discernable pour M-20. Pour ce
dernier échantillon, nous observons également que l’augmentation du module est plus lente durant
la montée en pont. Enfin, le module atteint une valeur plateau augmentant avec le taux de charge.
Pour M-15 et M-20, nous observons plutôt une croissance lente lors de cette dernière étape.
En présence de CNC, pour C-5, la phase retard est inférieure à 5 minutes, et elle n’est pas observable
pour les autres échantillons. L’augmentation du module est alors rapide pour les différents
échantillons et permet d’atteindre une valeur plateau. Pour C-15 et C-20, nous observons également
une croissance lente lors de cette dernière étape.
197
Partie III – Matériaux nanocomposites
5,0
G' (MPa) a
4,0
3,0
1,0
t (min)
0,0
0 20 40 60 80 100 120
4,0
2,0
1,0
0,0
t (min)
0 20 40 60 80 100 120
Figure 2: Cinétiques de cuisson des séries de matériaux avec MFC (a) et avec CNC (b)
Discussion
Par rapport au matériau témoin non chargé, l’incorporation d’aérogels de cellulose se traduit par
différentes perturbations de la cinétique de vulcanisation. La phase retard est réduite ou disparait et
dans certains cas, le module suit une croissance lente, plutôt qu’une stabilisation après la réaction.
La première perturbation traduit une décomposition rapide de l’accélérateur CBS. Cela a été
observée précédemment et attribué à la polarité de la cellulose (cf. partie III chapitre 2). Pour les
CNC, la présence d’un excès d’agent de couplage à l’interface, dont une partie pourrait être convertie
198
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
en fonctions thiols, peut être à l’origine de la réduction plus rapide de la phase retard, que pour les
MFC.
La seconde perturbation, croissance lente du module après la réaction, peut avoir deux origines. Soit
il y a réorganisation des ponts sulfures entre les chaînes élastomères, soit la charge tend à floculer au
sein du matériau, formant des structures rigides.
Pour rappel, cette technique nous donne accès à une projection en deux dimensions du volume de la
coupe de matériaux. Ainsi, pour des charges fibrillaires, selon leur orientation, nous observons en
MET des bâtonnets, des ellipses ou des disques.
Le matériau témoin ne contient pas de charges cellulosiques, mais la formulation comprend une
faible fraction de noir de carbone (Figure 3). A faible grossissement, nous observons une distribution
homogène de cette charge. A fort grossissement, nous distinguons la structure caractéristique de ce
type de charge sous forme d’agrégat fractal de sphères mesurant environ 100 nm.
199
Partie III – Matériaux nanocomposites
a b
c d
e f
g h
Figure 4: C-5 X2750 (a) et X6600 (b), C-10 X2750 (c) et X6600 (d), C-15 X2750 (e) et X6600 (f), C-20 X2750 (g) et X6600 (h)
200
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
a b
c d
e f
g h
Figure 5: M-5 X2750 (a) et X6600 (b), M-10 X2750 (c) et X6600 (d), M-15 X2750 (e) et X6600 (f), M-20 X2750 (g) et X6600 (h)
201
Partie III – Matériaux nanocomposites
Pour les matériaux à base de CNC, à faible grossissement (Figure 4 a, c, e, g), nous observons une
distribution homogène d’agrégats anisotropes dont la majorité ont des dimensions caractéristiques
inférieures au micron. La concentration de ces objets croît avec le taux de charge. A partir de C-10,
apparaît également une population d’agrégats de taille supérieure au micron et quelques zones sur-
concentrées, dont la fraction augmente légèrement avec le taux de charge. A plus fort grossissement
(Figure 4 b, d, f, h), nous distinguons principalement la présence de bâtonnets, avec une largeur
inférieure à 50 nm, et une longueur comprise entre 200 et 300 nm. Leur concentration augmente
avec le taux de charge, les veines de matrice non chargée diminuant alors de taille. Pour C-20, la
densité en objet est forte, réduisant la gamme de contraste du cliché et rendant difficile
l’observation des agrégats de noir de carbone.
Pour les matériaux à base de MFC, à faible grossissement (Figure 5 a, c, e, g), outre quelques
particules anisotropes de dimensions inférieures au micron, nous distinguons cette fois la présence
d’agrégats massifs de plusieurs microns. La quantité de ces objets croît avec le taux de charge, et dès
M-10, nous observons également des zones surconcentrées. Localement (Figure 5 b, d, f, h), nous
observons principalement le noir de carbone. Nous distinguons également quelques objets de
dimensions proches de 200 nm et de morphologies variables, dont la concentration augmente avec
le taux de charge. Toutefois, les veines de matrice non chargées restent plus importantes que dans le
cas précédent, une partie de la charge cellulosique pouvant alors être piégée au sein des larges
agrégats précédemment identifiés.
Discussion
Ces observations montrent que la répartition de la charge au sein de la matrice diffère selon la
morphologie de la charge. Pour les CNC, les matériaux présentent une dispersion homogène avec la
présence locale de bâtonnets de dimensions latérales inférieures à 50 nm. En revanche, pour les
MFC, nous observons de larges agrégats et en comparaison moins d’objets nanométriques dispersés
localement.
Compte tenu des valeurs proches de surface spécifique et de taux de greffage obtenues pour ces
deux charges (cf. 2.1), cette différence d’état de dispersion peut être associée à la morphologie de la
charge. Les MFC initiales sont constituées de fibrilles de dimensions nanométriques avec une fraction
d’agrégats de dimension latérale élevée en raison de la défibrillation partielle (cf. partie I chap 2), et
ont une structure en réseau intrinsèque. En revanche les CNC ont des dimensions elles aussi
nanométriques, mais finies et plus régulières, ainsi qu’un facteur de forme réduit. Après greffage et
dispersion, les CNC permettent d’obtenir une distribution régulière de bâtonnets de dimensions
réduites au sein de la matrice, alors que les agrégats initialement présents dans les MFC sont
conservés. Les résultats obtenus dans le précédent chapitre (cf. partie III chapitre 2), avec le même
type de charge mais ayant des caractéristiques différentes (surface spécifique et taux de greffage),
indiquait également une dispersion plus régulière des CNC, et la présence d’agrégats dans le cas des
MFC. Une étude approfondie de la préparation des objets initiaux, des matériaux et des états de
dispersion associés devra toutefois permettre de mieux comprendre et maitriser l’impact des
caractéristiques intrinsèques de la charge (morphologie, interface, structure), mais aussi des
paramètres de mélangeage (temps, température, cisaillement).
202
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
Le suivi de l’état de dispersion de nanocomposites en fonction du taux de charge, peut être employé
pour mettre en évidence un seuil de connectivité au sein du matériau, à partir duquel les charges
forment un réseau continu. Pour les matériaux avec CNC, qui présentent une dispersion homogène
de bâtonnets, nous n’observons pas l’apparition d’un seuil de connectivité avec l’augmentation du
taux de charge. Toutefois, compte tenu de la morphologie fibrillaire des charges et de la faible
épaisseur de la coupe analysée (inférieure à 100 nm), un réseau continu de charge peut être présent
au sein du matériau sans être observable par cette technique. Ce type de structure peut également
exister pour les MFC entre les agrégats observés. Bien que son observation directe soit également
difficile, sa présence pourra être étudiée par l’évolution des propriétés mécaniques. En effet dans le
cas de systèmes modèles silice polystyrène, l’apparition d’un seuil de connectivité a pu être détectée
par MET et par diffusion de rayonnement (Jouault 2009; Jouault, Dalmas et al. 2012). Cette transition
morphologique s’accompagne alors d’une divergence dans l’évolution des valeurs de module linéaire
du matériau avec le taux de charge.
E'sv (MPa) a
25
M-20
20
M-15
15 M-10
M-5
10
M-1
5
Témoin
Def (%)
0
0 100 200 300 400 500 600
E'sv (MPa) b
25
C-20
20 C-15
C-10
15
C-5
10
C-1
5 Témoin
Def (%)
0
0 100 200 300 400 500 600
Figure 6: Courbes de traction des séries de matériaux avec MFC (a) et avec CNC (b)
203
Partie III – Matériaux nanocomposites
Le matériau de référence ne contenant pas de cellulose présente un module initial inférieur à 2 MPa.
La déformation à la rupture est alors de près de 400% et s’accompagne d’une légère augmentation
du module.
Les matériaux contenant des MFC montrent un renforcement du module initial et une augmentation
plus rapide de sa valeur avec le taux de déformation par rapport au matériau référence. L’amplitude
de ces deux phénomènes augmente avec le taux de charge. Concernant la déformation à la rupture,
elle croît avec le taux de charge de M-1 à M-5, avant de décroître pour M-10, M-15, puis M-20.
Les matériaux contenant des CNC montrent également un renforcement du module initial et une
augmentation plus rapide de sa valeur avec le taux de déformation par rapport au matériau
référence. L’amplitude de ces deux phénomènes augmente avec le taux de charge. Concernant la
déformation à la rupture, elle est proche de la référence de C-1 à C-10, avant de décroitre pour C-15
puis C-20, les valeurs obtenues étant proches des matériaux homologues avec MFC.
Ainsi, l’augmentation du taux de charge, se traduit par une évolution similaire, pour les MFC et les
CNC, de la courbe de module sécant vrai en fonction de la déformation. Les matériaux étudiés
présentent tous une augmentation du module initial avec le taux de charge, et une augmentation de
sa valeur avec le taux de déformation d’autant plus rapide que le taux de charge est élevé. Il apparait
toutefois, que pour un même taux de charge, E’50 est plus élevé pour les MFC, alors que la pente αE’
est supérieure pour les CNC.
Cette évolution des courbes de traction avec le taux de charge est similaire à celle observée pour un
systèmes SBR silice (Lapra 1999). Elle a également été observée pour des matériaux à base de
caoutchouc naturel renforcé avec du graphène (Potts, Shankar et al. 2012) et des nanotubes de
carbones (Deng, Ito et al. 2011). Dans ce dernier cas, cette évolution avec la déformation est
modélisée en considérant l’orientation progressive des charges et l’augmentation de leur longueur
effective renforçante avec la déformation.
Discussion
Le renforcement des matrices par des charges cellulosiques s’accompagnent de deux effets
principaux, l’augmentation du module initial et sa croissance avec le niveau de déformation.
204
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
Le renforcement du module initial peut avoir plusieurs origines. La charge, en raison de son
caractère rigide, va induire un renfort hydrodynamique qui va dépendre de la fraction volumique et
du facteur de forme. Selon la microstructure du matériau, une contribution liée à la formation d’un
réseau de charge ou à la présence d’interactions fortes à l’interface peut également être ajoutée.
L’étude de l’évolution du module en fonction du taux de charge est alors susceptible de nous
renseigner sur le type de renforcement observé (Figure 7).
E'50
(MPa)
18
16 M
14
C
12
10
0 ф
0 0,05 0,1 0,15 0,2
Pour des charges anisotropes, nous obtenons un facteur de forme apparent. L’ajustement avec les
données expérimentales permet d’obtenir une valeur de 9,9 pour la série M contre 8,1 pour la série
C. Ces valeurs sont proches pour les deux séries de matériaux et du même ordre de grandeur que le
facteur de forme considéré pour des CNC de coton qui est d’environ 10 (cf. partie I chapitre 1).
L’augmentation du module avec la déformation observée pour nos matériaux peut également avoir
plusieurs origines. Sous l’effet de la déformation, le transfert de contrainte de la matrice vers la
charge peut être amélioré, et/ou l’évolution du réseau de charge permet de maximiser le renfort
dans la direction de sollicitation. Indépendamment du mécanisme mis en jeu, la nature et la quantité
des interactions charge-matrice à l’interface sont considérées comme des paramètres clefs.
L’observation de nos données expérimentales montre une évolution linéaire de la pente de la courbe
de module sécant vrai avec le taux de charge (Figure 8a). Les valeurs sont plus élevées pour les CNC
que pour les MFC. Toutefois, la quantité d’agent de couplage introduit diffère légèrement entre les
deux séries (cf. 2.1) et nous évaluons les valeurs de αE’ en fonction de la quantité d’agent de
couplage introduit au sein du matériau S-AC (Figure 8b). Les deux séries se retrouvent alors sur une
même courbe maitresse.
205
Partie III – Matériaux nanocomposites
a b
αE' αE'
6 6
M C M
5 5
4 4
C
3 3
2 2
1 1
S-AC (pce)
0 ф 0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,0 1,0 2,0 3,0
Figure 8: Evolution de αE’ pour les matériaux en fonction du taux de charge ф (a) et de la quantité de soufre introduit par
l’agent de couplage S-AC (b)
Cette analyse souligne le rôle central des liaisons charge-matrice crées via l’agent de couplage sur le
redressement du module avec la déformation. De plus, elle suggère que quelque soit le mécanisme à
l’origine de ce phénomène, il est identique pour les deux séries, malgré les différences de
morphologie de la charge et les différences d’état de dispersion dans le matériau.
206
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
Figure 9: Balayage en déformation par spectrométrie dynamique mécanique. Séries M (a, b) et C (c, d)
Le matériau référence est caractérisé par des valeurs de modules élastique et visqueux constantes
sur la plage de déformation évaluée.
Les matériaux avec MFC et CNC montrent une augmentation des modules élastiques et visqueux par
rapport au témoin non chargé (Figure 9). Ils sont non linéaires, G’ diminuant progressivement avec la
déformation. L’amplitude de ces deux phénomènes augmente alors avec le taux de charge. Pour ces
matériaux, la décroissance des modules élastiques et visqueux est continue, dès le début de la
mesure à 1% de déformation. L’absence de données pour des déformations plus faibles ne permet
pas de confirmer l’existence d’un plateau initial de G’, et d’un maximum de G’’. Les mesures réalisées
dans le chapitre précédent avaient permis d’observer ce comportement (cf. partie III chapitre 2).
Cette augmentation du renfort et de la non linéarité avec le taux de charge est similaire à celle
observée pour des matériaux SBR silice (Lapra 1999). Elle a également été mise en évidence dans le
cas du caoutchouc naturel renforcé par du graphène (Potts, Shankar et al. 2012).
La non linéarité observée par balayage en déformation, ou effet Payne, est fonction de plusieurs
paramètres (taux de charge, interface, état de dispersion), et sa compréhension repose sur les
liaisons charge-matrice à l’interface, et/ou les interactions charge-charge au sein d’un réseau de
charge (cf. partie III chapitre 1).
207
Partie III – Matériaux nanocomposites
Afin d’évaluer l’ampleur de la non linéarité, nous comparons l’amplitude de chute du module
élastique normalisée par sa valeur à faible déformation (ΔG’/ G’1) pour les deux séries de matériaux.
(Figure 10).
ΔG'/G'1
0,6
0,5
M
C
0,4
0,3
0,2
0,1
0 ф
0 0,05 0,1 0,15 0,2
Figure 10: Evolution de la décroissance normalisée du module élastique avec la déformation en fonction du taux de charge
Pour les matériaux MFC et CNC, nous observons une augmentation de ces deux valeurs avec le taux
de charge. Cette variation est progressive et similaire pour les deux séries. Cette augmentation peut
être attribuée à l’augmentation des liaisons charge-charge et/ou charge-matrice rendu possible par
la quantité croissante de charge introduite. Toutefois, nous ne distinguons pas de valeur seuil, type
percolation, à partir de laquelle se formerait un réseau continu qui induirait une modification brutale
des propriétés mécaniques. Ceci est cohérent avec le procédé de préparation, le cisaillement généré
dans le mélangeur tendant à détruire ce type de structure (Favier 1995).
Si la non linéarité est liée à la présence de liaisons instables à l’interface susceptible d’être détruite
sous l’effet de la déformation, alors la chute de module élastique doit être proportionnelle à la
quantité d’interface au sein du matériau qui varie selon ф/(1-ф) (Lapra 1999). Nous traçons
l’amplitude de chute du module élastique en fonction de cette grandeur pour les deux séries de
matériau (Figure 11).
ΔG
(MPa)
3,5
3 M
2,5
C
2
1,5
0,5
ф/(1-ф)
0
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30
Figure 11: Evolution de la décroissance du module élastique avec la déformation en fonction de la quantité d’interface dans
le matériau qui est une fonction de ф/(1-ф)
208
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
Nous observons que cette évolution n’est pas linéaire, similairement à des observations antérieures
pour un système SBR silice (Lapra 1999). L’hypothèse des liaisons instables à l’interface n’apparaît
donc pas satisfaisante. La seconde hypothèse généralement considérée pour la réduction du module
élastique avec la déformation repose sur la rupture d’interactions charge-charge. Une expression
permet d’évaluer la variation de cette grandeur en fonction de la fraction volumique dans le cas
d’une dispersion de sphères (Lapra 1999), toutefois nous ne disposons pas d’une telle expression
pour une dispersion de bâtonnets.
L’évolution des valeurs de modules avec le taux de charge est également susceptible de nous
renseigner sur le type de renforcement mise en œuvre.
G'1 a G'50 b
(MPa) (MPa)
6 6
5 M 5
M
4 4
C C
3 3
2 2
1 1
0 ф 0 ф
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0 0,05 0,1 0,15 0,2
Figure 12: Evolution du module élastique initial G’1% (a) et final G’50% (b) en fonction du taux de charge pour les matériaux
avec des MFC (série M) et avec des CNC (série C)
L’évolution des valeurs de modules G’1 (Figure 12a) et de G’50 (Figure 12b) peut être décrite par une
loi polynomiale pour les deux séries de matériaux. Il est donc possible d’employer le modèle de
renforcement hydrodynamique ajusté en fonction d’un facteur de forme apparent de la charge.
L’ensemble des valeurs obtenues par ce modèle sont regroupées ci dessous (Table 4).
Pour les deux séries de matériaux les facteurs de forme obtenus sont proches, entre 8 et 9. Cette
valeur est du même ordre de grandeur que le facteur de forme mesuré sur les suspensions de CNC
de coton qui est de l’ordre de 10 (cf. partie I chapitre I). Pour les valeurs de G’50 à l’issue du
balayage en déformation, le facteur de forme obtenu est plus faible (proche de 6) pour les deux
séries. Cette diminution du facteur de forme efficace est alors probablement liée à une évolution de
la microstructure du matériau sous l’effet de la déformation.
Pour les élastomères chargés avec de la silice, les modèles hydrodynamiques sont souvent utilisés
pour l’évolution de G’50 (Lapra 1999). En effet, il est considéré que pour cette mesure, la
209
Partie III – Matériaux nanocomposites
Afin d’évaluer cette hypothèse, l’amplification volumique est définie comme le rapport entre la
déformation locale moyenne et la déformation macroscopique, équivalente à 1/(1-φ). L’amplification
de la densité de jonctions est obtenue en effectuant le rapport entre la quantité de soufre totale
introduite et la quantité provenant du système de vulcanisation. Le produit de ces deux grandeurs
donne un facteur d’amplification (S&V) dépendant de la formulation. Nous le comparons avec les
valeurs expérimentales de facteur d’amplification obtenues en faisant le rapport entre la valeur de
G’50 du composite et de G’50 de la matrice non chargé, pour les deux séries de matériaux (Figure
13). La différence entre la valeur expérimentale et la valeur estimée est également présentée.
a b
FA MFC FA CNC
4 4
1,5 1,5
1 1
0,5
ф
0,5
ф
0 0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0 0,05 0,1 0,15 0,2
Figure 13: Facteurs d’amplification(FA) du module à partir de l’amplification volumique et de jonctions (S&V) et
expérimentaux à partir des mesures en spectroscopie dynamique mécanique linéaire (G’50 (ф)/G’50(0) pour la série de
matériaux avec MFC (a) et avec CNC (b)
Les valeurs estimées permettent d’expliquer un part importante du renforcement de nos matériaux
notamment pour les faibles taux de charge. L’écart entre les valeurs estimées et expérimentales est
plus faible dans le cas des matériaux avec des CNC.
Les écarts observés peuvent être liés à de nombreux phénomènes dont on ne tient pas compte dans
le cadre de cette évaluation, à commencer par l’effet hydrodynamique qui rend l’expression de
l’amplification volumique plus complexe. En outre, le soufre issu de l’agent de couplage et celui issu
du système de vulcanisation n’ont pas nécessairement la même efficacité en vue de la formation de
jonctions au sein de la matrice. De plus, en présence de la charge, la vulcanisation est perturbée, et
une partie des jonctions vont être confinée à la surface des charges, leur distribution spatiale étant
alors régie par l’état de dispersion. Ceci va certainement modifier la distribution en taille des
segments élastiques du réseau et donc sa réponse mécanique.
210
Chapitre 3 : RELATIONS STRUCTURES PROPRIETES MATERIAUX CIBLES
3. Conclusion
L’analyse des propriétés mécaniques a permis de mettre en évidence le comportement des
matériaux élastomères renforcés avec des nanocelluloses en fonction du taux de charge. Nous avons
ainsi observé, à l’aide des tests de traction, que le module initial et son augmentation avec la
déformation augmentait avec le taux de charge. De plus, lors d’un balayage en déformation par
spectrométrie mécanique dynamique, le module initial et l’amplitude de chute sont croissants avec
l’augmentation du taux de charge. Ces comportements sont caractéristiques d’une charge
renforçante de matrice élastomère.
L’origine de ces comportements a alors été discutée. Concernant le redressement du module avec le
taux de déformation mesurée en traction, la comparaison des deux séries de matériaux a permis de
déterminer que le mécanisme mis en jeu devait être identique, et dépendait principalement de la
quantité de liaisons charge-matrice à l’interface, formée via l’agent de couplage.
Concernant le renforcement du module, les évolutions observées avec le taux de charge peuvent
être décrites par un modèle de renforcement hydrodynamique. Nous observons alors, à l’issue de
l’effet Payne, une évolution du facteur de forme associé, qui traduit probablement la disparition
d’une contribution associée à la microstructure du matériau. Pour les conditions de mesures où
l’influence de la microstructure est jugée minime (G’50), nous observons que le renforcement du
module peut en partie être expliqué en considérant le volume exclus formé par la charge, et les
jonctions additionnelles du réseau introduites par l’agent de couplage.
Concernant la non linéarité associée à l’effet Payne, nous avons observé qu’elle augmente de
manière progressive avec le taux de charge, cette évolution étant similaire pour les deux séries de
matériaux. Il n’a pas été observé de seuil critique au dessus duquel la réponse mécanique serait
divergente. Une première analyse basée sur la présence de liaisons instables à l’interface charge-
matrice ne permet pas de rendre compte de cette évolution.
Cette analyse des comportements de nos matériaux est limitée par la connaissance que nous avons
de la microstructure du matériau. Nous avons pour l’instant identifié une perturbation de la
vulcanisation associée à la présence de nos charges, mais nous ne connaissons pas son influence
précise sur le réseau de polymère formé à l’issue de la réaction. De plus, l’état de dispersion observé
en MET ne permet pas de faire état d’un seuil de connectivité, et montre un comportement différent
pour les deux séries de matériaux. Toutefois, l’interprétation de ces données est limitée en raison de
l’épaisseur des coupes analysées et du caractère bidimensionnel de l’observation. Enfin, nous
n’avons pour l’instant aucune caractérisation de l’évolution de la microstructure avec la déformation.
211
Partie III – Matériaux nanocomposites
Ainsi, afin d’affiner la compréhension de ces systèmes, et de développer des relations structures
propriétés, plusieurs axes d’investigation peuvent être envisagés. En premier lieu, il est nécessaire
d’optimiser la formulation et la préparation du matériau, en s’assurant que la mise en œuvre permet
un état de dispersion sans larges agrégats, et que la vulcanisation n’est pas perturbée par la présence
de la charge. Sur ce type de système, il sera intéressant de faire à nouveau varier le taux de charge,
mais aussi le taux de recouvrement, et la morphologie de la charge. Parallèlement, il est nécessaire
de développer des outils expérimentaux et théoriques permettant de qualifier de manière précise la
microstructure du matériau, son évolution avec la déformation, et le comportement mécanique
associé.
212
Conclusion générale
213
214
L’objectif initial du projet était la démonstration de la faisabilité du renforcement d’élastomères
par des charges cellulosiques, puis l’étude des relations structure propriétés de ces matériaux.
L’état de l’art sur le renforcement des élastomères a permis de définir les caractéristiques que
devaient présenter les charges de cellulose afin d’être employées comme renfort. Il était donc
nécessaire d’obtenir une charge sèche avec une surface spécifique élevée (supérieure à 200 m²/cm3),
qui puisse être dispersible au sein du matériau, et qui permette d’établir au moins une liaison
covalente avec la matrice par nm² de surface.
Une stratégie tenant compte des spécificités de la cellulose, et permettant de travailler sur des lots
conséquents a été adoptée. Elle repose sur l’emploi de nanocellulose provenant de matières
premières abondantes et obtenue avec des procédés connus. Nous avons ainsi utilisé des
microfibrilles de cellulose (MFC) préparées par traitement mécanique de pâte de bois, et des
nanocristaux de cellulose (CNC) préparées par hydrolyse acide de linters de coton. Les formes sèches
de ces suspensions sont ensuite obtenues par lyophilisation. Pour modifier l’interface de ces
particules, nous avons choisi la réaction d’estérification réalisée par voie gaz afin de pouvoir travailler
directement sur les aérogels, et de pouvoir s’affranchir de la faible réactivité dans l’eau sans
employer de solvants organiques. Enfin, les matériaux obtenus sont préparés par mélange en phase
solide, de la charge et de la matrice. L’état de dispersion a été évalué par microscopie en
transmission (MET), et les réponses mécaniques en traction uniaxiale et en spectrométrie mécanique
dynamique dans le cas d’un balayage en déformation sont étudiées.
L’étude de la préparation des aérogels a permis d’obtenir des aérogels avec des surfaces spécifiques
supérieures à 200 m²/cm3 et 250 m²/cm3, respectivement pour les MFC et les CNC. Le protocole mis
au point permet ainsi de préserver la structure fibrillaire de la charge en suspension, sans former
d’agrégats liés à la croissance de cristaux de glace lors de la solidification de la suspension.
L’étude du procédé de modification par voie gaz a permis de modifier les aérogels de manière
contrôlée pour obtenir une interface saturée en greffon, ce qui équivaut à une densité surfacique de
5 liaisons par nm². Cette méthode a été employée pour introduire un agent de recouvrement avec
une chaine aliphatique et un agent de couplage avec une fonction disulfure.
L’étude de l’état de dispersion de la charge au sein des matériaux a permis de constater que seule
des charges de haute surface spécifique avec un traitement de surface permettent d’observer des
objets de dimensions nanométriques localement.
L’étude des propriétés mécaniques des matériaux a montré que lorsque la nanocellulose présente
une haute surface spécifique et une interface avec un agent de couplage, elle se comporte comme
une charge renforçante pour les élastomères, de manière similaire à la silice.
charge. De plus, les surfaces spécifiques obtenues semblent limitées par la taille des objets obtenus
en suspension. Une optimisation des protocoles devrait permettre d’atteindre des surfaces de l’ordre
de 500 m²/cm3.
La modification de l’interface des charges de nanocellulose est contrôlée par les paramètres du
procédé et par la structure du réactif employé. Nous obtenons alors des surfaces dites saturées en
greffon. En raison des méthodes de caractérisation employées et des niveaux de greffage atteints, il
est toutefois difficile de réaliser une analyse plus approfondie pour étudier des taux de
recouvrement intermédiaires de la surface, la régiosélectivité de la réaction, ou encore la nature du
greffon dans le cas des réactifs bifonctionnels. Ce type d’analyse pourrait être facilité en employant
des aérogels avec des surfaces spécifiques plus élevées, pour lesquels la fraction de fonction à
l’interface est supérieure. Par ailleurs des analyses par RMN sur des substrats enrichis en 13C
pourraient permettre de distinguer les sites de modification. Enfin, la mesure d’isotherme
d’adsorption aux faibles pressions relatives peut permettre d‘étudier la distribution en énergie de la
surface.
La microstructure des matériaux a pour l’instant été évaluée par MET. L’interprétation de ces
données est délicate en raison de l’obtention d’une image 2D correspondant à la projection en 3D
d’une dispersion de bâtonnets. De plus l’épaisseur de la coupe analysée, environ 100 nm, apparaît
faible par rapport aux dimensions longitudinales des charges, et l’analyse est limitée à un volume
d’échantillon réduit. La tomographie ou la diffusion de rayonnement pourraient permettre, sur des
matériaux avec un état de dispersion optimal, d’obtenir des informations supplémentaires, tel que la
distribution des distances entre particules et l’apparition d’un éventuel seuil de connectivité en
fonction du taux de charge. Une fois déterminé la microstructure initiale, il sera également
intéressant d’étudier son évolution avec la déformation.
La modélisation des propriétés mécaniques dans cette étude a été limitée à l’emploi des formules
de renforcement hydrodynamique pour déterminer un facteur de forme efficace. En considérant
l’apport en soufre lié à l’agent de couplage, nous avons également mis en évidence un lien entre ce
paramètre et l’évolution du module en fonction de la déformation, et un lien avec la valeur du
module lorsque l’impact de la microstructure est jugée minime. Toutefois, les outils théoriques dont
nous disposons ne nous permettent pas de tenir compte de nombreux paramètres susceptibles
d’influencer le comportement des matériaux, dont l’anisotropie des propriétés mécaniques des
216
charges, le facteur de forme réelle et la distribution d’orientation des charges, le seuil de formation
d’un réseau continu et la distribution de distances surface à surface.
Ainsi nous avons obtenu des matériaux nouveaux qui par certains aspects sont semblables aux
élastomères chargés traditionnels, et pour d’autres très différents. Les nombreuses études réalisées
sur l’optimisation des systèmes avec du noir de carbone puis de la silice manquent cruellement afin
de faciliter l’analyse de nos résultats et la mise en œuvre des points d’amélioration cités ci-dessus,
tout en considérant les spécificités des nanocelluloses, et en premier lieu leur morphologie
anisotrope. A cette fin, il pourra être intéressant de développer un système modèle avec une
dispersion et une interface contrôlée. Grâce à la structure cristalline de la charge, l’évolution de la
distribution d’orientation des charges et le transfert de contrainte de la matrice vers la charge en
fonction de la déformation peuvent être accessibles via la diffraction de rayon X. L’exploitation de
ces données peut alors être source de caractérisations nouvelles et originales de la microstructure du
matériau et de son évolution avec la déformation.
217
218
Annexe
Matériels et méthodes
219
220
Cette partie contient les protocoles de préparation et de caractérisation des échantillons étudiés
dans le cadre de ce projet. Nous présentons successivement les données relatives aux trois parties de
résultats du manuscrit, correspondant respectivement aux suspensions et aérogels de nanocellulose,
à la modification de ces substrats, et à leur emploi comme charges renforçantes de matrices
élastomères.
1.1. Protocoles
La matière première employée est composée de fibres de cellulose jamais séchées ou pâte de bois. Il
s’agit du grade HDP, utilisé pour la fabrication de produits absorbants et fourni par la société
TEMBEC. C'est une pâte non traitée 100% pin maritime réalisée à partir de délignures. La mesure de
l’indice R18 selon la norme ISO 692, donne une valeur de 90%, indiquant que le produit comporte
environ 10% d’hémicellulose. La mesure en sucre neutre réalisée auparavant donne ainsi la
composition suivante : 87% de glucose, 3,6% de xylose, 3,2 % de mannose et des traces d’arabinose
et de galactose (Berlioz 2007).
Equipements employés
Les équipements nécessaires à la réalisation des protocoles sont un fibrillateur de type « Pile Valley »
pour une première déstructuration des fibres de cellulose, un homogénéisateur Manton Gaulin pour
la déstructuration mécanique des fibres en MFC, une centrifugeuse (6K15 de Sigma avec un rotor
12256) pour la concentration de suspensions de MFC, et un homogénéiseur disperseur (Ultraturrax
T25 Ika) pour obtenir des suspensions homogènes de MFC.
Nous préparons une dilution dans l’eau de la pâte de bois à une concentration de 25-30% (p/p).
Cette suspension est alors raffinée au fibrillateur pendant six heures, en appliquant un poids de 10
kg. A l’issue du traitement, nous obtenons une suspension à une concentration d’environ 2% (p/p).
1,5 litre de suspension est ensuite traitée par l’homogénéisateur Manton Gaulin durant 45 minutes
221
Annexe : Matériels et méthodes
sous une pression de 5*107 Pa (500 kg/cm²). La suspension finale est stockée et la concentration est
déterminée par mesure de la siccité.
Selon les expériences, nous avons parfois dilué la suspension par ajout d’eau distillée suivie d’une
homogénéisation dispersion, ou concentré la suspension initiale par centrifugation 30 minutes à
11200 rotation par minutes (rpm) à température ambiante et élimination du surnageant.
Pour certaines suspensions nous avons également ajouté un additif, XG ou CMC, à différentes
concentrations (0,1 g/g de cellulose ou 1 g/g de cellulose), puis réalisé une homogénéisation
dispersion.
La suspension initiale est centrifugée (30 min, 11200 rpm), puis le culot est redispersé et
homogénéisé avec 150 ml de tert-butanol par gramme de cellulose. La suspension obtenue est à
nouveau centrifugée (30 min à 11200 rpm à 30°C). Après élimination du surnageant, le culot est
redispersé et homogénéisé à 1,25% p/p dans le ter-butanol.
Au dessus de 50 ml de suspension de MFC dans l’eau à 1,25% p/p, nous déposons 50 ml de tert-
butanol. Cette phase de solvant est ensuite renouvelée régulièrement durant une semaine. La
suspension finale obtenue dans le tert-butanol est ensuite homogénéisée avec un disperseur.
Selon les expériences, certaines étapes supplémentaires peuvent ensuite intervenir afin d’ajuster la
composition de la suspension. Nous préparons également des suspensions dans le DMF et le tert-
butanol.
La matière première employée est composée de fibres courtes de coton appelées linters, de type
6N30, fournit par la société Buckeye. Le fournisseur indique un taux d’alpha cellulose de 98,5%.
222
Equipements
La réalisation des protocoles nécessite une centrifugeuse (6K15 de Sigma avec un rotor 12256), une
membrane de dialyse en acétate de cellulose avec un seuil de coupure de 14 kDa (Karl Roth), un
sonicateur (Sonicator UIltrasonic Liquid Processor XL2020, Misonix), une cartouche de filtration sous
air comprimée (SM162 49 Sartorius) avec des membranes en nitrate de cellulose de 5 et 1 µm
(Whatman), et un homogénéiseur disperseur (Ultraturrax T25 Ika).
840 ml d’une solution d’acide sulfurique à 64% sont préparés et thermostatés à 60°C dans un ballon
de 5 L. Nous introduisons ensuite sous agitation mécanique (500 rpm) 60 g de linters de coton. Après
30 min de réaction, nous arrêtons le chauffage, et ajoutons 450g de glace au milieu réactionnel.
Ce mélange est alors centrifugé 30 minutes à 5°C et 11200 rpm. Le surnageant est éliminé puis nous
redispersons les culots dans un litre d’eau. Deux cycles supplémentaires de centrifugation sont
réalisés, avant une redispersion finale dans 2 L d’eau. La suspension est alors introduite dans la
membrane de dialyse, puis l’eau du bain est changée régulièrement jusqu’à atteindre la conductivité
de l’eau distillée. La suspension est ensuite traitée par sonication à 20 kHz, 10 min à 50% de la
puissance de l’équipement, par volume de 200 ml, avant de réaliser une filtration sur membrane de
nitrate de cellulose de 5 puis 1 µm.
Finalement nous mesurons la siccité de la suspension avant son stockage avec quelques gouttes de
chloroforme.
Selon les expériences, nous avons parfois dilué la suspension par ajout d’eau distillée puis
homogénéisation dispersion, ou concentré la suspension initiale par dialyse dans une solution de
PEG à 40% p/p dans l’eau.
Dans certains cas, la suspension initialement acide en raison des groupements sulfates a été
neutralisée à pH 7 avec une solution de soude ou de TBAOH.
Enfin, la composition du solvant peut être ajustée par dilution avec du tert-butanol de suspensions
concentrées.
La suspension initiale de CNC dans l’eau est neutralisée à pH 7 avec une solution de soude. 150ml de
tert-butanol par gramme de cellulose sont ensuite ajoutées au milieu. Après homogénéisation, le
mélange est centrifugé 30 min, à 11200 rpm, et à 30°C. Le surnageant est éliminé puis les culots sont
redispersés à 1% p/p dans le tert-butanol avec un homogénéiseur disperseur.
200ml d’acétone sont ajoutés à 50 ml d’une suspension de CNC dans l’eau. Le mélange est centrifugé
30 min à 11200 rpm et à 5°C. Après élimination du surnageant, le culot est redispersé dans 100 ml
223
Annexe : Matériels et méthodes
Equipements
Les équipements nécessaires à la réalisation des protocoles sont un lyophilisateur (Freezemobile 6ES
ou Hetosicc) et un broyeur (Ika A11 Basic).
Protocole
100 ml de suspension sont introduits dans un ballon de 500 ml puis solidifiés par tempe dans l’azote
liquide. Cette solidification peut également être réalisée, soit en stockant la suspension dans un
congélateur à environ -20°C, soit en projetant à l’aide d’un pistolet à air comprimé la suspension sur
une plaque en cuivre trempant dans l’azote liquide. Une fois la suspension solide, le ballon est
connecté au lyophilisateur sous vide. Après 48h, nous récupérons le substrat sec sous forme de blocs
puis le broyons pour obtenir une poudre. Ce produit est ensuite stocké dans un dessiccateur
contenant un gel de silice fourni par Aldrich.
Pour les aérogels, nous nous intéressons à leur morphologie par microscopie, et à leur surface
spécifique mesurée par adsorption d’azote.
Protocole de mesure
Nous préparons un volume de suspension contenant environ exactement 100 mg de CNC avec
agitation magnétique et l’électrode de conductimétrie. Une solution de soude est additionnée
progressivement à l’aide d’une burette. Le volume équivalent est ensuite déterminé graphiquement
224
par le tracé de la conductivité corrigée en fonction du volume additionné. Le taux de soufre est
finalement obtenu à l’aide du calcul ci-dessous.
Exploitation
A l'équivalence, nous avons une relation ente le volume équivalent de soude, Veq, la concentration
de soude, Csoude, le nombre de moles de cellulose, n cellulose,,et le degré de substitution, c'est-à-
dire le nombre d'atomes de soufre par unité de glucose d s :
τs = (32xd s) / (M moy )
Avec 32g/mol, la masse molaire du soufre
Principe de la mesure
Le principe de la mesure repose sur l’illumination par un faisceau laser monochromatique d’une
suspension de particules soumises au mouvement brownien. Dans ce régime, le déplacement des
particules, et la fluctuation temporelle de l’intensité du signal qu’elles diffusent (diffusion élastique
de Rayleigh), est alors fonction de leur taille. Cette fluctuation temporelle d’intensité est enregistrée
à l’aide d’un capteur, de préférence en rétrodiffusion pour limiter le bruit lié au signal transmis. Un
traitement mathématique de ce signal est réalisé à l’aide d’une fonction d’autocorrélation. Cette
225
Annexe : Matériels et méthodes
fonction décroissante est alors modélisée afin d’obtenir un temps de relaxation. L'inverse de ce
temps caractéristique 1/τ est lié au coefficient de diffusion, D, des particules et au vecteur d’onde Q.
L'équation de Stokes-Einstein permet alors d'obtenir le diamètre hydrodynamique des particules DH,
kB étant la constante de Boltzmann et ηS la viscosité du solvant.
Protocole de mesure
La suspension de CNC est diluée à 0,1% p/p puis introduite soit dans une cuvette en plastique (eau,
tert-butanol) ou en quartz (DMF, toluène). Les paramètres de la suspension (solvant, indice de
réfraction, viscosité…) sont à préciser pour permettre le traitement.
Principe de la mesure
En MET, l’image est formée par un faisceau d’électrons fortement accélérés (typiquement 80-200
keV) traversent un spécimen très mince (quelques centaines de nm d'épaisseur au maximum). Un
système de lentilles électromagnétiques permet de contrôler la trajectoire des électrons et de
former sur un écran fluorescent une image très agrandie du volume projeté de l'échantillon. Cette
image peut être enregistrée sur une plaque photo ou numérisée au moyen d'une caméra CCD.
Les charges de cellulose et les élastomères étant composés d'atomes légers, ils n'engendrent qu'un
faible contraste de diffusion. Le contraste de phase et le contraste de diffraction (nos charges étant
cristallines) jouent donc un rôle très important. Toutefois, durant l'observation et l'enregistrement
des images, du fait de leur grande sensibilité, leur cristallinité diminue rapidement sous irradiation et
le contraste associé est alors perdu.
Ainsi, dans le cas de l’observation des suspensions, nous aurons recours à la technique de coloration
négative, qui consiste à ajouter une solution composée de molécule contenant des atomes lourds,
qui après séchage, vont former un film dense aux électrons autour de nos objets.
226
Protocole de préparation des échantillons
Une grille métallique avec un film de carbone est préparée par effluvage sur un équipement Easiglow
de PELCO. 50 µL de suspension à 0,001% sont ensuite déposés à la surface de la grille. Une partie de
la suspension est absorbée avec un papier filtre, puis 50µl d’une solution de colorant (acétate
d’uranyle) sont ajoutés. Après une minute, le solvant est évacué par dépôt de la grille sur un papier
filtre. La grille est ensuite observée en mode « low dose » à 80keV à l’aide d’un microscope Philips
CM200 'Cryo'. Les images ont été enregistrées sur des plaques photo Kodak SO163.
Principe
Les CNC sont anisotropes et présentent un indice de réfraction différent suivant la direction parallèle
et perpendiculaire à leur axe le plus long. La lumière se comportera de manière différente suivant sa
direction de polarisation, qui peut être entre autre parallèle ou perpendiculaire aux axes longs des
CNC. Ainsi des CNC en suspension entraîneront une biréfringence dans le milieu. Toutefois, à faible
concentration l’orientation des CNC est isotrope en raison du mouvement thermique et nous
n’observons pas de biréfringence. Par contre, lorsque la suspension est agitée, les CNC s’alignent
localement sous l’effet de l’écoulement du solvant, et des domaines d’orientation moyenne,
biréfringents et temporaires, peuvent être observés.
Protocole
Le test de biréfringence repose sur l’utilisation d’une binoculaire qui possède 2 polariseurs croisés
(polariseur et analyseur). Un échantillon contenu dans un pilulier est observé avec la binoculaire
après avoir fait l’extinction en plaçant les polariseurs à 90°. Si la suspension contient suffisamment de
CNC individuels, des zones lumineuses transitoires apparaissent sous l’effet de l’agitation.
Principe
En MEB, l’image est formée par un faisceau d’électrons qui est dirigé et focalisé sur la surface de
l’échantillon à l’aide de lentilles électromagnétiques. Le faisceau suit un trajet vertical dans la
colonne du microscope puis interagit avec la surface de l’échantillon soit par choc élastique donnant
des électrons rétrodiffusés, soit par absorption puis réémission sous forme d’électrons secondaires
de plus basse énergie. Le signal émis en chaque point de la surface de l'objet est capté et amplifié par
différents types de détecteurs. Les images contiennent des informations sur la topographie de la
surface ainsi que ses variations de composition. La surface de l’échantillon doit être conductrice pour
227
Annexe : Matériels et méthodes
permettre l’évacuation des électrons absorbés et ainsi empêcher la charge de la surface. Dans le cas
de substrat organique, la surface est ainsi recouverte d’une couche fine de matériau conducteur.
Protocole
Les aérogels sont déposés sur un plot métallique recouvert d’un scotch de carbone. Un dépôt d’une
fine couche d’un alliage or/palladium est alors réalisé avec un équipement JEOL JFC-1100. Pour
l’observation, le microscope utilisé est un MEB JSM6100 (JEOL) avec une tension d’accélération de
8kV. Pour améliorer la résolution, certains clichés ont été obtenus avec un microscope Zeiss Ultra 55
MEBFEG (CMTC-INPG, Grenoble) avec une tension de 2kV.
Principe
Selon les caractéristiques texturales de l’échantillon, différentes familles d’isothermes peuvent être
distingués (Figure 1 a). Le type I est observé pour un échantillon microporeux, caractérisé par une
forte adsorption aux faibles pressions relatives assimilée à des phénomènes de condensation
capillaire dans des micropores. Le type II est observé pour un échantillon macroporeux, caractérisé
par une évolution progressive de l’adsorption assimilée à une adsorption multicouche. Le type IV est
observé pour un échantillon mésoporeux, caractérisé par la même évolution progressive, mais
également par l’apparition d’un palier de saturation à forte pression relative et d’une hystérèse entre
la sorption et la désorption. Ce profil est assimilé à l’apparition de phénomènes de condensation
capillaire. Enfin les isothermes de type III, V et VI sont des cas spécifiques détaillés dans la littérature.
Une première analyse permet de déterminer si le profil de l’isotherme observé est compatible avec
l’emploi des différents modèles disponibles pour l’évaluation de la surface spécifique et de la taille
des pores. Un isotherme hybride type I+IV (Figure 1 b), permet ainsi de visualiser les différentes
étapes pouvant intervenir lors de l’adsorption : domaine des interactions spécifiques (A), remplissage
des micropores par condensation capillaire (B), adsorption monomoléculaire (C), adsorption
multimoléculaire puis condensation capillaire (D).
228
Figure 1 : Classification des isothermes (a) et étapes successives d’adsorption d’un isotherme (b) (Rouquerol, Rouquerol et
al. 2003)
Afin d’évaluer la surface spécifique, la méthode la plus courante consiste à modéliser l’isotherme aux
faibles pressions relatives par l’équation BET, basée sur le modèle d’adsorption multicouches (Figure
2&3).
3 3
Figure 2 : Equation BET avec Nm=quantité monocouche (cm /g,) Na= quantité adsorbée (cm /g), C=paramètre lié à l’énergie
d’adsorption
3 2
Figure 3 : calcul de la surface spécifique avec Nm=quantité monocouche (cm /g) σ=encombrement azote (nm )
A=surface du solide (m²) (Rouquerol, Rouquerol et al. 2003)
La mésoporosité peut être évaluée à l’aide du modèle BJH aux fortes pressions relatives, basé sur le
phénomène de condensation capillaire. L’équation de Kelvin (Figure 3) permet alors d’obtenir une
distribution des tailles de pores.
229
Annexe : Matériels et méthodes
Ce modèle n’est généralement employé que lorsque le profil de la boucle d’hystérése est de type H1
ou H2, avec un net palier de saturation (Figure 4). Les boucles H3 et H4 sont plutôt caractéristiques
de la formation d’agrégats ou de feuillets avec une texture non rigide et ne traduisent pas la
présence d’une mésoporosité définie. Dans ce cas l’hypothèse de pores sphériques employée dans le
modèle BJH ne semble pas justifiée.
Figure 5 : Différents type de boucle d’hystérèse entre la branche de sorption et de désorption (Rouquerol, Rouquerol et al.
2003)
Protocole de mesure
Environ 100 mg d’aérogel sont introduits au sein de la cellule de mesure d’un équipement
Microméritics Tristar 3000 avec un sytème de vide Microméritics VACPREP 061. Un dégazage de 5h à
50°C est réalisé sous pression réduite, avant la mesure de l’isotherme sur toute la gamme de
pression relative. Le modèle BET est ensuite appliquée entre 0,05<P/P0<0,17.
230
2. Modification chimique d’aérogels de nanocellulose
2.1. Protocoles
Nous nous intéressons ici aux protocoles de synthèse de l’agent de couplage, de greffage de
nanocellulose en suspension, et par voie gaz. Nous présentons également un protocole de
redispersion des substrats modifiées dans le toluène.
Protocole
Nous introduisons dans un ballon 100g de diacide et 4 équivalents molaires de chlorure de thionyle.
Le mélange est porté à reflux à 50°C pendant trois jours, sur un montage sous agitation magnétique.
Les résidus de chlorure de thionyle sont éliminés par traitement avec un évaporateur rotatif, et le
produit est récupéré, analysé
Les réactifs employés sont le chlorure de palmitoyle (C16), le chlorure de décanoyle (C10), le chlorure
de sebacoyle (C10di), l’anhydride succinique (2-Dodecen-1-yl) (ASA). Ils sont fournis par la société
Aldrich. Nous employons également l’agent de couplage préparé par synthèse au laboratoire.
Le greffage par voie gaz est réalisé sur une installation développée au laboratoire (Figure 5). Elle
comporte notamment un réacteur en verre rodage plan avec une double enveloppe reliée à un bain
d’huile régulé, une ligne d’admission en azote dont le débit est contrôlé par un régulateur, et une
ligne d’évacuation comportant successivement une jauge Pirani mesurant la pression, une vanne à
boisseau avec réglage fin, un piège froid trempant dans l’azote liquide, et une pompe à vide.
231
Annexe : Matériels et méthodes
Protocole
L’aérogel de nanocellulose vierge est initialement séché à l’étuve à 60°C au minimum 4h puis nous
mesurons sa masse sèche initiale. Nous pesons ensuite la quantité de réactif qui est introduite à la
base du réacteur dans une coupelle en verre. Le substrat est introduit dans un sac de toile à bluter
avec une taille de maille de 200µm, puis introduit dans le réacteur au dessus du réactif sans contact
direct avec celui-ci.
Le réacteur est alors refermé et nous contrôlons que la pression de travail est accessible. Dans le cas
contraire l’installation est démontée puis nettoyée, et le test et répétée jusqu’à pouvoir atteindre la
pression de travail. Nous revenons ensuite à pression atmosphérique et la circulation d’huile est mise
en route pour atteindre la température de travail. Nous ajustons ensuite la pression dans l’enceinte
et le débit d’azote en contrôlant leurs valeurs tout au long de la durée de réaction. A l’issue de la
réaction, nous retournons à pression atmosphérique et à température ambiante, puis nous
récupérons le produit brut et le reste de réactif, que nous pesons.
Le produit est ensuite purifié à l’aide d’un extracteur soxhlet, par reflux de 400 ml d’acétone durant
6h. Le produit purifié est ensuite séché à 60°C, et nous pesons la masse finale de produit.
NB : Dans le cas du greffage de CNC, la purification est réalisée par trois cycles de redispersion dans
l’acétone à raison de 100 ml par gramme de cellulose suivie d’une centrifugation à 11200 rpm
pendant 30 min avec évacuation des surnageants successifs.
232
2.1.3. Greffage par voie liquide
Certaines expériences de modification des CNC ont également été réalisées par voie liquide sur des
suspensions dans le DMF. Les réactifs employés sont le chlorure de palmitoyle (C16), la pyridine et le
4-Dimethylaminopyridine (DPAB), fournis par la société Aldrich.
Protocole
50 ml de suspension de CNC dans le DMF sont introduits dans un ballon installé sur un montage avec
bain d’huile régulé, agitation magnétique et réfrigérant. Le milieu est alors chauffé à la température
de travail sous un balayage d’azote durant 30 min. La pyridine et le DMAP sont ensuite pesés, pré-
mélangés et introduits dans le ballon à l’aide d’une seringue. Le réactif, C16 est pesé puis introduit
après 5 minutes, pour initier la réaction.
Une fois le temps de réaction écoulé, nous introduisons 50 ml d’acétone, puis réalisons une
centrifugation 60 min à 11200 rpm. Deux cycles supplémentaires de redispersion/centrifugation dans
l’acétone sont ensuite reproduits. Le produit obtenu après élimination du surnageant est finalement
séché à l’étuve.
Protocole d’extraction
Une quantité de produit correspondant à 100 mg de cellulose originelle est redispersée dans 7 ml de
toluène. Le mélange est traité par sonication 10 min à 20% de la puissance de l’équipement, soit 20
kHz. Le mélange est ensuite centrifugé 10 min à 4500 rpm. Le surnageant est séparé et conservé, et
le culot est séché à l’étuve à 60°C.
Protocole de redispersion
La redispersion dans le toluène est réalisée à une concentration en cellulose originelle de 2 % p/v. Le
mélange obtenu est traité par sonication jusqu’à ce que le milieu soit chaud (environ 50°C). Une
centrifugation de 30 min à 640g et à température ambiante est ensuite réalisée. Le sédiment est
alors éliminé et nous récupérons la suspension.
233
Annexe : Matériels et méthodes
2.2.2. Gravimétrie
Dans le cas de l’estérification d’aérogel par greffage en phase gaz, la modification chimique du
substrat s’accompagne d’une modification de sa masse. Dès lors, de simples pesées du substrat aux
différentes étapes de la modification permettent d’évaluer le déroulement du procédé. Pour faciliter
leur interprétation, ces quantités sont converties en ratio molaire par rapport à l’unité
anhydroglucose. De plus, l’avancement de la réaction ou DS, peut être comparé à une valeur
théorique, DSsurface, correspondant au greffage de la seule surface de l’aérogel. Enfin, en considérant
la densité surfacique théorique de fonctions hydroxyles du substrat, il est également possible
d’évaluer la densité de liaisons introduites.
Avancement de la réaction
Nous déterminons Neq la quantité de réactif introduite, Nvap la quantité de réactif évaporé, Ncond la
quantité condensée sur le substrat et DSg la quantité finalement greffée.
Avec mR I masse initiale de réactif, mR F masse finale de réactif, mcell I masse initiale de substrat, mcell
brut masse de produit non purifié, mcell F masse finale de produit, MM masse molaire du réactif, 162
Nous évaluons également le gain massique de greffon du substrat pour la formulation de la charge
dans le matériau, qui nous permet ensuite de déterminer la quantité de greffon en pourcentage
massique équivalent de caoutchouc (pce) introduit dans la formulation via le substrat modifié.
Ces estimations nécessitent de considérer la structure cristalline de l’allomorphe Iβ, le plus courant
parmi les structures de cellulose natives rencontrées (Nishiyama, Langan et al. 2002), avec un
monocristal de section carrée de dimension a. Les distances interchaînes latérales sont alors de 0,54
et 0,6 nm. Pour la suite du traitement, nous considérons une distance moyenne de 0,57 nm. De plus
234
deux unités anhydroglucose représentent une longueur de 1,038 nm pour 6 fonctions hydroxyles,
dont seulement la moitié est accessible à la surface de la structure cristalline. La densité surfacique
de fonctions hydroxyles peut alors être évaluée :
Ensuite, la dimension latérale caractéristique du substrat, est soit déterminé par microscopie, soit
estimé à partir de la valeur de surface spécifique de l’aérogel de nanocellulose en considérant une
fibre équivalente de section carrée. Dans ce dernier cas, nous avons la relation suivante :
Considérant que seule la moitié des 3 fonctions hydroxyles par unité anhydroglucose se présente à
l’extérieur de la structure cristalline, nous obtenons finalement :
Principe
La spectroscopie infrarouge exploite le fait que les molécules possèdent des fréquences spécifiques
pour lesquelles elles sont en rotation ou vibrent en correspondance avec des niveaux d'énergie
discrets (modes vibratoires). Le rayonnement infrarouge moyen, allant approximativement de 4000 à
400 cm-1, peut être utilisé pour étudier les vibrations fondamentales et la structure rovibrationnelle
associée. Ces fréquences de résonance sont considérées dans une première approche comme étant
fonction de la force d’une liaison et des masses atomiques des atomes associés. On distingue
notamment les vibrations d’étirement symétriques et antisymétriques, de cisaillement, de bascule,
235
Annexe : Matériels et méthodes
d’agitation hors du plan et de torsion. Ainsi la fréquence des vibrations peut être associée à une
liaison particulière.
Le spectre infrarouge d'un échantillon est établi en faisant passer un faisceau de lumière infrarouge
au travers d’un échantillon. L'examen de la lumière transmise indique la quantité d'énergie absorbée
à chaque longueur d'onde obtenue en réalisant une transformée de Fourier. On peut alors produire
les spectres en absorbance ou en transmittance, et indiquer les longueurs d'onde d'absorption.
Protocole
Les spectres infrarouge ont été enregistrés sur un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier
de type Perkin Elmer 1720X par transmission au moyen de pastille de bromure de potassium (KBr). 2
mg d’échantillon à étudier sont mélangés intimement avec 100 mg de KBr dans un mortier jusqu’à
obtention d’une poudre fine. Une pastille de ce mélange est ensuite préparée en utilisant une presse
hydraulique, puis placée sur un collimateur. Les spectres sont enregistrés en réalisant 8 acquisitions
entre 400 et 4000 cm-1. Ils sont finalement traités à l’aide du logiciel Spectrum 5.1 de Perkin Elmer,
afin de corriger la ligne de base et de mesurer les hauteurs de pics.
Principe
La spectroscopie RMN exploite le principe du même nom qui prévoit que les noyaux des atomes à
spin non nul (1H, 13C, 15N, 19F, 31P…) placé dans un champ magnétique statique de forte intensité (1-15 T)
soumis à un rayonnement électromagnétique (radiofréquence), peuvent absorber l'énergie du
rayonnement pour certaines valeurs discrètes puis la relâcher lors de la relaxation. Cette information
peut alors être convertie en déplacement chimique caractéristique de l’environnement des noyaux.
Dans le cas de l’analyse des solides, outre les liaisons chimiques, le déplacement chimique dépend
également de la structure.
A l’état solide, nous étudions les noyaux de 13C. Toutefois, cet isotope à spin non nul n’est présent
qu’en faible abondance. Il est donc nécessaire d’amplifier le signal obtenu par utilisation de la
séquence de polarisation croisée (CP). Cette méthode est basée sur le transfert de polarisation entre
les atomes d’hydrogène abondants et les atomes de carbone. Pour assurer un transfert complet, il
faudrait un temps de contact tendant vers l’infini. Cependant, l’aimantation du proton (et donc
l’aimantation potentiellement transférable au carbone) diminue avec le temps de contact.
L’obtention d’un signal maximum est un compromis entre ces deux phénomènes. En plus de
l’utilisation de la séquence de polarisation croisée, les spectres sont enregistrés en utilisant la
technique de l’angle magique (MAS). La rotation à l'angle magique (MAS) permet de moyenner
mécaniquement l'anisotropie de déplacement chimique par une rotation rapide de l'échantillon
selon un axe faisant avec le champ magnétique B0 un angle de 54,44°, ce qui a pour conséquence
d'affiner les raies de résonance (meilleure résolution). Pour des contions de transfert optimisées et
des molécules rigides, la technique CP-MAS est quantitative.
236
Protocole
Les mesures ont été réalisées sur un équipement Bruker Avance DSX 400 MHz à 100.6 MHz. Les
méthodes de polarisation croisée (CP, découplage haute puissance des protons et rotation à l’angle
magique (MAS) ont été employées. L’échantillon est introduit dans un rotor en zirconium et la vitesse
de rotation est fixée à 12000 Hz. Le champ radio-fréquence du proton est réglé pour obtenir un pulse
à 90° d’une durée de 2,5 μs. Le champ radio-fréquence du 13C est réglé pour remplir les conditions de
Hartman-Hahn à 60 kHz. Les spectres ont été enregistrés avec un temps d’acquisition (AQ) de 35 ms,
une largeur spectrale de 29400 Hz, un temps de contact de 2 ms et un délai entre chaque impulsion
de 2 s. 2000 passages au minimum ont été enregistrés pour chaque spectre. Les déplacements
chimiques ont été mesurés en accord avec le signal du carbonyle de la glycine fixé à 176,03 ppm. Les
spectres sont ensuite traités avec le logiciel MesReNova. Nous corrigeons alors la phase, la ligne de
base et mesurons les intégrales des différents pics.
237
Annexe : Matériels et méthodes
238
3. Matériaux
Matières premières
Equipements
Afin de préparer les matériaux, nous utilisons un mélangeur Brabender avec une cuve de 28 cm3,
équipée d’un moteur actionnant deux mobiles rotatifs à des vitesses comprises entre 15 et 123 rpm,
et relié à un bain d’huile régulé entre. Nous employons également un moule en laiton permettant la
mise en œuvre de plaque de dimensions 75*50*0,5 mm3 et une presse de marque Carver avec
plateaux chauffants régulés en température.
239
Annexe : Matériels et méthodes
Formulation
La fraction massique de charge est ajustée afin d’obtenir la fraction volumique désirée. La fraction
massique de l’agent de surface est fixée comme étant une fraction de la quantité de charge, et est
évaluée à partir des résultats gravimétriques du greffage.
Ces formulations sont alors converties en volume pour atteindre un taux de remplissage constant
équivalent à 72% du volume du mélangeur, puis en masse afin d’être pesées et employées pour la
préparation des matériaux.
Protocole
Le mélangeur est initialement préchauffé pour atteindre une température interne d’environ 100°C et
les mobiles tournent à 85 rpm.
Dans une première étape, nous introduisons la matrice, le noir de carbone et progressivement la
charge. Après 3 minutes de mélangeage, nous introduisons le 6PPD et le St, puis à 4 minutes le ZnO.
La température est alors contrôlée par un thermocouple, et un éventuel ajustement de la vitesse est
réalisé pour atteindre une température comprise entre 150°C et 180°C. A 5,5 minutes, nous arrêtons
le moteur, contrôlons la température, et récupérons le mélange dit cru.
Le mélangeur est refroidi pour atteindre une température interne d’environ 70°C et les mobiles
tournent à 20 rpm.
Pour la seconde étape, le mélange cru obtenu précédemment est introduit dans le mélangeur. Après
1 minute, nous ajoutons le CBS et le S. A 3 minutes, nous contrôlons la température et réalisons un
éventuel ajustement de la vitesse moteur pour avoir une température inférieure à 90°C. A 5,5
minutes, nous arrêtons le moteur, contrôlons la température, et récupérons le mélange.
240
Environ 5g de mélange so nt ensuite mis en forme avec le moule sous presse à 40°C par 5 cycles de
montée en pression à 170 bars. La cuisson du mélange préformé est ensuite réalisée dans le moule
1h à 170 bars et 150°C.
Les charges de cellulose et les élastomères étant composés d'atomes légers, ils n'engendrent qu'un
faible contraste de diffusion. Le contraste de phase et le contraste de diffraction (nos charges étant
cristallines) jouent donc un rôle très important. Toutefois, durant l'observation et l'enregistrement
des images, du fait de leur grande sensibilité, leur cristallinité diminue rapidement sous irradiation.
Dans le cas des matériaux, nous réaliserons nos observations à faible irradiation sur des coupes fines
afin de tirer profit principalement du contraste de diffusion et de diffraction provenant de nos
charges.
Protocole
Pour la préparation des coupes, nous avons utilisé un microtome Leica UC6 avec une enceinte cryo
Leica FC 7, un couteau cryotrim45° Diatome permettant la préparation de la surface de l’échantillon,
et un couteau avec cuve cryo 35° Diatome pour réaliser les coupes fines. Les températures de
l’enceinte et du bloc échantillon sont fixées à -100°C, celle du couteau à -35°C. Dans un premier
temps, une pyramide mesurant environ 200*100 µm est préparé avec le couteau cryotrim. La cuve
du couteau de diamant est ensuite remplie avec une solution aqueuse contenant 60% de
diméthylsulfoxyde (DMSO). Nous réalisons alors la coupe de l’échantillon à faible vitesse (1mm/s) et
avec une consigne d’épaisseur inférieure ou égale à 100 nm. Les coupes sont alors collectés sur des
grilles métalliques puis séchées.
Pour l’obtention des images, nous utilisons un microscope Philips CM200 'Cryo', fonctionnant à une
tension de 80 ou 120 keV. Les échantillons ont été observés sous faible illumination (ou "low dose")
afin de limiter les dégâts d'irradiation. Les images ont été enregistrées sur des plaques photo Kodak
SO163.
Principe
La spectrométrie mécanique permet l’étude des propriétés viscoélastiques d’un matériau par la
mesure de son module dynamique en fonction d’un balayage en température, en fréquence, en
temps ou en taux de déformation. L’échantillon est sollicité par l’application d’une contrainte σ (ou
d’une déformation ε) sinusoïdale.
241
Annexe : Matériels et méthodes
La réponse en régime linéaire est alors également sinusoïdale, et déphasée d’un angle δ par rapport
à la sollicitation.
Les mesures de non-linéarité (effet Payne) sont réalisées en cisaillement plan plan selon une
déformation axiale (Figure 6).
Axe de
Echantillon
déformation
242
Protocole
Les mesures sont ensuite réalisées sur un équipement Metravib VA4000 à température imposée
(23°C), à 10Hz, avec un balayage en déformation aller puis retour entre 0,1 et 50%. La valeur de la
contrainte en fonction du niveau de déformation est relevée après stabilisation du signal du
déplacement.
Pour le suivi du module linéaire du matériau nous travaillons avec une géométrie plan plan et un
cisaillement angulaire de l’échantillon (Figure 8). Le module du matériau va alors être calculé à partir
du couple mesuré, de la déformation angulaire appliquée, et des dimensions de l’échantillon.
La mesure est réalisée sur un rhéomètre ARES de TA instruments avec une géométrie de 1 cm de
diamètre. Nous travaillons avec une force normale d’au moins 1g, à 150°C, avec une déformation de
0.05%, une fréquence de 1.67 Hz, durant 90 minutes.
Principe
La déformation macroscopique est caractérisée par les taux d’extension dans les trois directions :
où lx, ly et lz sont les longueurs instantanées dans les direction x, y et z , lx0, ly0 et lz0 sont les longueurs
initiales dans les direction x, y et z. Si x est la direction de déformation, on observe une contraction
dans les deux autres directions : λy=λz=λx 0,5 en l’absence de variation de volume (coefficient de
poisson égal à 0,5 dans le cas des élastomères). Dans le cas d’une déformation uniaxiale, la
déformation nominale est utilisée.
243
Annexe : Matériels et méthodes
La contrainte (σ) est définie comme étant le rapport de la force appliquée sur la section de
l’éprouvette sollicitée. Nous distinguons alors la contrainte nominale obtenue à partir de la section
initiale S0, et la contrainte vraie obtenue en considérant la section réelle S dépendant de la
déformation. Cette grandeur peut alors être convertie en module sécant vrai.
Protocole de mesure
Des éprouvettes de type haltère de nos matériaux avec une longueur utile de 20 mm, et une largeur
de 4,5 mm, sont obtenues avec un emporte pièce.
Cet échantillon est ensuite installé entre les deux mors d’un banc de déformation Instron 4301. Un
déplacement de la traverse à 500 mm/min est ensuite appliqué, et l’évolution de la force est
mesurée. Nous testons au minimum trois éprouvettes par matériau
244
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Résumé
Mots clés : cellulose, nanoparticule, aérogel, surface spécifique, modification de surface, procédé par
voie gaz, topochimie, matériaux, nanocomposite, élastomère chargé, renforcement.
Abstract
Keywords : cellulose, nanoparticule, aerogel, specific surface, surface grafting, gas process,
topochemistry, material, nanocomposite, filled elastomer, reinforcement.
Filled elastomers are nanocomposites with specific properties that make them suitable for numerous
applications including tyre gum. They include a reinforcing filler, silica or carbon black, with features
like a high elastic modulus, a size in the nanometer range, and the ability to be dispersed and to
perform strong interactions with the matrix. Nanocellulose is an anisotropic nanoparticule with a
crystalline structure whose elastic modulus is estimated around 150 GPa. The goal of this project is to
study its ability to be a reinforcing filler. The work is divided into three parts dealing respectively with
high specific surface aerogel preparation, their surface modification, and their use as a filler. A
specific freeze drying protocol and a specially designed gas phase esterification process were used in
order to obtain fillers with a high specific surface and an interface that can be either covered by an
hydrophobic or a coupling graft. A special care has been devoted to the topochemistry, which has
been monitored all along the reaction thanks to solid state NMR. These fillers have then been
introduced in elastomers, the resulting materials being characterized by TEM and mechanical tests.
In the case of a high specific surface nanocellulose aerogel with an interface covered by coupling
agent, material features appeared then to be typical of filled elastomers.