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UNIVERSITÉ FELIX HOUPHOUET BOIGNY

Licence 1 Sciences du Langage

ACQUISITION DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE

Prof Jean-Martial KOUAME

Maître de Conférences
Département des Sciences du langage

jeanmartial.kouame@gmail.com
PLAN

1. L’implantation du français en Côte d’Ivoire

2. Les différents modes d’acquisition du français

3. Les différentes variétés de français en Côte d’Ivoire


1. L’implantation du français en Côte d’Ivoire

10 mars 1893 : création de la colonie de Côte d’Ivoire

Langue française médium exigé pour toutes les interactions


langagières entre Français et populations locales

Raison : le français présentée comme le ciment de l'unité des


différentes populations

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Politique linguistique française dans les colonies en parfaite
harmonie avec l’idéologie colonialiste

« La colonisation, telle que nous l’avons toujours comprise n’est que la


plus haute expression de la civilisation. À des peuples arriérés ou
demeurés à l’écart des évolutions modernes, ignorant parfois les
formes du bien-être le plus élémentaire, nous apportons le progrès,
l’hygiène, la culture morale et intellectuelle, nous les aidons à
s’élever sur l’échelle de l’humanité. Cette mission civilisatrice, nous
l’avons toujours remplie à l’avant-garde de toutes les nations et elle
est un de nos plus beaux titres de gloire»

(Maréchal Lyautey Résident général de France au Maroc, Cité par Boutin 2002: 29)

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L’école : instrument de civilisation

« Au cours des différentes tournées que j’ai eu l’occasion de faire (…)


c’est à peine dans les chefs lieux de cercle qu’on rencontre un
certain nombre d’élèves assidus à suivre les cours, et si parmi ceux-
là quelques-uns ont appris de rares mots de français. Il y a là une
situation à laquelle il importe de remédier le plus tôt possible (…)
l’école est en effet, le moyen d’action le plus sûr qu’une nation
civilisatrice ait d’acquérir à ses idées les populations encore
primitives et de les élever graduellement jusqu’à elle…»

(E. Chaudié, Gouverneur général de l’A.O.F, Circulaire de 1896 citée par D.


Turcotte 1983: 33)

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L’école : canal de l’implantation du français

«L’école est en un mot, l’élément de progrès par excellence. C’est


aussi l’élément de propagande de la cause et de la langue française
le plus certain dont le gouvernement puisse disposer. Ce ne sont
pas, en effet, les vieillards imbus des préjugés anciens, ce ne sont
pas même les hommes faits pliés déjà à d’autres coutumes, que
nous pouvons espérer convertir à nos principes de morale, à nos
règles de droit, à nos usages nationaux. Pour accomplir avec
succès cette œuvre de transformation, c’est aux jeunes qu’il faut
s’adresser, c’est l’esprit de la jeunesse qu’il faut pénétrer et c’est
par l’école, et l’école seule, que nous y arriverons ».

(Circulaire du 22 juin 1897 du Gouverneur général E. Chaudié, relative au


fonctionnement des écoles des pays de protectorat, Turcotte 1983 : 1).

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Usage exclusif du français à l’école coloniale

« Le but de l’enseignement élémentaire est la diffusion parmi les


indigènes du français parlé [...]. La langue française est seule
en usage dans les écoles. Il est interdit aux maîtres de se
servir avec leurs élèves des idiomes du pays ».
(William Ponty, Gouverneur général de l’AOF, Arrêté n°1633 du 2 novembre 1912 réorganisant
l’Enseignement en AOF, Turcotte1983 : 65).

« La langue française doit être la seule employée. Les dialectes


locaux sont rigoureusement interdits ».

(Arrêté du 7 mai 1913, réorganisant l’École normale d’instituteurs de l’AOF)

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Durcissement de la politique de francisation

En 1924 : réaffirmation de la politique linguistique

«La langue française est la seule qui doive nous occuper et que
nous ayons à propager. Cette diffusion du français est une
nécessité. Nos lois et règlements sont diffusés en français.
C’est en français que les jugements des tribunaux sont
rendus. L’indigène n’est admis à présenter ses requêtes
qu’en français. Notre politique d’association l’appelle de plus
en plus à siéger dans nos conseils et assemblées à la
condition qu’il sache parler français…»

(Arrêté du Gouverneur général de l’AOF, 1.4.1924)


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La circulaire jointe à l’arrêté ci-dessus précise :

« Le français doit être imposé au plus grand nombre d’indigènes


et servir de langue véhiculaire dans toute l’étendue de l’Ouest
africain français... Son étude est rendue obligatoire pour les
futurs chefs […]. Mais notre contact ne s’arrête pas au chef. Il
pénètre plus loin dans la masse […]. Il faut donc répandre en
surface le français parlé. Il faut pouvoir rencontrer dans les
villages les plus éloignés, avec le chef, au moins quelques
indigènes comprenant notre langue et pouvant s’exprimer en
français sans prétention académique. Avec les tirailleurs libérés
et rendus au village, ce but peut être atteint aisément et
rapidement. Multipliez donc les écoles préparatoires, appelez-y
le plus d’enfants possible et apprenez-leur à parler français ».

(Circulaire du gouverneur général de l'AOF, 1.4.1924).


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→ Période coloniale : développement d’un enseignement
monolingue qui ignore la réalité sociolinguistique du milieu

De toutes ces considérations

Émergence de représentations négatives à l’égard des langues


locales considérées comme inaptes à véhiculer les savoirs
scolaires et à être utilisées dans le monde moderne

Ancrage et expansion de la langue française au sein de la


société ivoirienne

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Maintien du rôle officiel du français

07 aout 1960 : indépendance de la Côte d’Ivoire

Constitution du 3 novembre 1960

Art.1 L'État de Côte d'Ivoire est une République indépendante et


souveraine (…) La langue officielle est le français.

Les raisons
- important morcellement linguistique de la Côte d’Ivoire
- coopération intense et privilégiée avec la France

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Le français
 langue de l’administration
 langue de l’institution scolaire (médium et matière
d'enseignement dans tous les cycles)
 véhicule de l’information écrite et audiovisuelle
 langue de la promotion sociale
 langue de travail dans le secteur privé

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Fonction véhiculaire (aucune langue locale ne joue ce rôle)

Fonction vernaculaire (langue première pour une partie de la population


urbaine)

Dynamisme du français en Côte d'Ivoire fait émerger une pluralité


de formes

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2. Les différents modes d’acquisition du français en
Côte d’Ivoire

L’acquisition du français en Afrique de façon générale et


en Côte d’Ivoire de façon particulière se fait de
différentes :

 L’acquisition dès le jeune âge en milieu familial

 L’acquisition en milieu scolaire

 L’acquisition dans la rue


L’acquisition du français en famille

Cette forme d’acquisition du français se fait au contact direct


avec les membres de la famille.

Elle se généralise depuis un certain nombre d’année dans les


foyers.

Nombreux sont, en effet, des jeunes enfants des familles des


scolarisés habitant surtout les villes et les centres semi-
urbanisés qui acquièrent le français comme leur première
langue en famille ou comme l’une des premières langues de
communication.
Ce phénomène est la conséquence d’un certain nombre
de facteurs :
 Le niveau de scolarisation des parents
 Le contexte de la ville
 La connaissance et la pratique du français par les deux
parents
 La mixité des mariages
 L’environnement médiatique francophone avec des
stations de radio, des chaînes de télévision
L’acquisition du français en milieu scolaire

Cette forme d’acquisition était autrefois la plus importante.

Elle est aujourd’hui due à la prolifération des écoles maternelles


et primaires qui fonctionnent exclusivement en français.

Les parents visent une acquisition rapide et facile du français


pour leurs enfants.

Cette forme d’acquisition du français est un des facteurs


essentiels d’expansion et d’implantation du français.
A la maternelle c’est en français et par le français que l’éducatrice
dialogue et organise la plupart des activités d’éveil des petits
enfants.

Au cycle primaire, le français est à la fois matière et véhicule


d’enseignement.

En tant que matière enseignée, le français est l’une des principales


disciplines du cursus scolaire à côté des mathématiques à raison de
4 heures par semaine en 1ère année et 7 heures par semaine de la
2ème à la 6ème année. L’échec en français entraîne souvent un
redoublement de l’année d’études par l’élève.

L’objectif pédagogique pour l’enseignement du français est de préparer


le passage éventuel de l’élève à l’enseignement secondaire.
Cette acquisition doit tenir compte du fait que les enfants qui
apprennent le F comme LS ont des langues d’origine qui diffèrent
sur plusieurs points de la langue française.

La précocité de cette acquisition doit retenir l’attention de tous les


acteurs (des enfants de 4, 5, 6 ans sont confrontés à une langue
qu'ils ne connaissent pas et qu'ils doivent comprendre pour
pouvoir suivre les cours de mathématiques, histoire, géographie,
etc. )

Cela impose une vigilance de tous les instants car l’enfant a besoin
d'un accompagnement constant .

L’enfant est en général en situation de pluralité des langues et le


plus souvent sa société est marquée par la tradition de l’oralité (il
est exceptionnellement confrontés à l’écrit).
L’acquisition dans la rue

C’est celle qui se fait en dehors du cadre familial et de


l’école.

Elle se fait au contact des locuteurs qui ont une


connaissance plus ou moins bonne de la langue
française.
3. Les variétés de français en Côte d’Ivoire

(Kouadio, 1998 ; Lafage, 2002 ; Boutin, 2002 ; Kouamé, 2007, Aboa, )

Le dynamisme du français en Côte d'Ivoire se traduit par la


pluralité de formes, preuve de l'usage constant qu'en font les
locuteurs. Ces différentes variétés de français coexistent, se
concurrencent, s’interpénètrent très souvent.

le français standard (étudiants droit/lettres modernes)


le français populaire ivoirien (variété pop pidginisée)
le français ivoirien (variété locale)
le nouchi (parler des jeunes)
Le français standard
Il s’agit du « français des élites ». Celui des diplômés de
l’enseignement supérieur et des personnes occupant des fonctions de
statut social élevé).

Ce français diffère peu de celui de l’hexagone.

Plus le nombre d’Ivoiriens qui ont fait localement leurs études


supérieures s’accroit, ce français est marqué par un accent
spécifiquement ivoirien.

La langue châtiée locale, admet désormais en matière de lexique un


certain nombre d’ « ivoirismes », d’emprunts de nécessité, de créations
ou glissements sémantiques correspondant à l’expression d’un univers
de pensée africain vidéo
Le français populaire ivoirien

C’est la première et la plus ancienne variété de français


local implanté en Côte d’Ivoire par les colons.

Variété de français autochtone la plus ancienne du pays

Il s'est développé en milieu urbain pour des besoins de


communication entre Français et Africains.

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A l'origine, c'est une sorte de sabir utilisé par les
militaires, les administrateurs ou les négociants pour
communiquer avec leurs auxiliaires africains.

Son expansion est vraisemblablement le fait des


militaires soudanais (ceux que l'on appelle alors, à tort,
les "tirailleurs sénégalais" enrôlés dans les troupes
coloniales.
Son implantation va s'accélérer avec le retour au pays des
anciens combattants de 14-18, puis de 39-45.

Il s’étendra enfin grâce au "miracle ivoirien" qui suit


l'indépendance, par l’accélération de l'exode rural et
l’accroissement de l'immigration étrangère.

Né de stratégies de communications par contacts directs, de


stratégies d'apprentissage non guidé, développé par le
besoin d'intercommunication intense dans l'hétérogénéité
urbaine, accru par l'extrême mobilité des populations, par un
brassage ethnique qui touche même le plus petit village.
Elle est l'apanage d'une classe socialement relativement
homogène quoique linguistiquement hétérogène, celle
des masses non scolarisées persuadés que toute
promotion sociale passe par l'acquisition du français, fût-il
des plus imparfaits (Lafage, 2002).

Le FPI concrétise aussi le désir d'intégration locale des


immigrés de toutes origines par l’apprentissage sur le
tas, du parler estimé le plus utile.
Dès les années 60, beaucoup d'enfants des quartiers
populaires, parfois avant même la scolarisation, possèdent le
FPI comme langue de la rue, parallèlement à la langue
africaine familiale.

Mais bien des scolarisés en conservent au delà de l'école,


l'usage occasionnel dans la vie quotidienne, comme un mode
d'expression parallèle au "gros français" de l'administration,
de la politique et des circonstances formelles.
Il n'existe sous sa forme pidginisée des années 70 que
chez les peu ou non scolarisés les plus âgés ou dans
les zones rurales.

Video

Avec l'extension de la scolarisation sa place tend à se


réduire. On peut néanmoins en retrouver l'influence
profonde dans les nouvelles formes de français.
Sur le nom même de ce parler, il y a eu variation.

On l’a appelé successivement

1. « petit-nègre » ( Delafosse, 1904)


2. « petit-français »
3. « français de Treichville » (nom de l’une des premières communes de la
ville d’Abidjan)
4. « français de Moussa » (nom d’un personnage d’une chronique publiée
dans un hebdomadaire ivoirien, Ivoire Dimanche)
5. « français populaire d’Abidjan (FPA) »
6. « français populaire ivoirien » (FPI), appellation qui rend compte de la
réalité sociologique et géographique de ce parler.

A l’échelle du continent on appelle « français tirailleur »

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Les critères fondamentaux de spécificité du FPI sont d’ordre morpho-
syntaxique :

 effacement des marques de genre, des morphèmes marqueurs en


particulier les déterminants du nom

 restructuration sur le modèle des langues sources (dioula ou baoulé)

 non respect de la flexion verbale avec généralisation pour tous les verbes
de la forme du participe passé des verbes du premier groupe.

Exemples: je parlé, je voulé, je défendé, tu prené pour je parle, je veux, je


défends, tu prends

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 disparition du morphème ne dans la négation: il parti pas pour
il n’est pas parti.

 disparition de la catégorie du genre (son maison) et du


nombre (mon zenfants)

 réfection du système d’actualisation des noms, l’article ne


fonctionnant plus comme en français (il arrive qu’il se combine
avec un possessif: son la-maison = sa maison), d’autres
marques d’actualisation apparaissent telles que le - là
postposé aux noms et qui a une valeur de défini-déictique:
camion-là

 usage abondant des expressions comme “y a”, “y en a”, “na


ka”
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Exemples:

« Mainnant, yé suis là bien atuellement, au village » (Maintenant, je suis au village et je


suis bien)

« On arrose, on pompe, on fait tout avec la machine ça là » (Nous arrosons les plantes,
nous pompons l’eau, nous faisons tout avec cette machine)

« Je content toi bien » (Je t’aime bien).

« Femme là elle peut me tuer » (Je suis fou amoureux de cette fille).

« Ti crois ti moyen moi ? » (Tu crois que tu peux me vaincre).

«nenfant là i moyen avoir 15 ans » (Cet enfant a environ 15 ans).

« Matin bonne heure ti lever parti travailler » (Le matin, de bonne heure, on se lève pour
aller travailler).

« Les gens son zhabit » (Les vêtements des gens ).

« Ils sont mourri oh » (Beaucoup de personnes sont décédées )


Caractéristiques phonétiques
problèmes pour la réalisation quelques consonnes [,] : [fo ty va
travaje pur sɛrse larzɑ] . «Il faut (que) tu ailles travailler pour
gagner (de) l’argent »
méconnaissance des frontières du mot : éclatements [trap t
kr] «Attrape ton coeur : calme toi !» ; amalgames : [nɑfɑ]
«l’enfant», [s dyri] « son riz ».
modifications rythmiques dues soit à l’adjonction de voyelles
épenthétiques reconstituant la structure syllabique usuelle des
langues sources : [takisi] «taxi», soit à la suppression de groupes
consonantiques dans certains léxèmes longs : [kdivwar] «Côte
d’Ivoire», [kadɑte] « carte d’identité ».
vidéo
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Le français ivoirien

Cette forme de français, est fortement marquée par le


français central mais aussi par le FPI, la structure des
vernaculaires ivoiriens et le mode de conceptualisation
propre à une civilisation de l'oralité. (Simard, 1994: 25)

C’est la variété centrale de français de Côte d'Ivoire qui


traduit bien l’appropriation du français par des
locuteurs africains.
Vidéo

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Le français ivoirien est également dénommée « français
local ».

C’est la variété courante du français de Côte d’Ivoire.

Il s’agit du français utilisé d’une façon propre à la Côte


d’Ivoire, aujourd’hui acquis et maîtrisé par la très grande
majorité des personnes vivant en Côte d’Ivoire, au point
de constituer le véhiculaire ivoirien par excellence.
vidéo
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C’est cette variété de français que Kouamé (2007)
nomme « français langue ivoirienne », désignation
reprise par Adopo en 2009 dans un article scientifique.

Cette variété de français présente, selon Adopo, le


visage d’un français acclimaté auquel les Ivoiriens ont
su donner forme et contenu. Il la définit comme une
langue parlée et comprise par la quasi-totalité des
Ivoiriens.

C’est le français made in Côte d’Ivoire vidéo


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Le « français local » reste, comme le français populaire
ivoirien, tributaire de la morphosyntaxe et des modes
d’énonciation et de conceptualisation dans les langues
ivoiriennes.

Des phénomènes comme l’allongement vocalique, les


emplois onomatopéiques, l’utilisation de particules dicto-
modales illustrent le fonctionnement phonético-
phonologique de cette variété, la réduplication de mot, la
désémantisation-résémantisation, les emprunts et
xénismes en sont les particularités lexico-sémantiques.

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Procédés formels

 l’allongement vocalique

Ex : J’ai travaillé jusqu’en en en j’ai eu 10.


Ex : C’est depuiiiiis le début de l’année.
Ex : Quand je pense à ça j’ai peur eur eur.

 l’emploi de particules dicto-modales

Ex : Je me connais ô, quand je mets ma tête sur quelque chose,


ça se gâte.
Ex : Poulet est doux dê !
EX: Je t’attends faut venir kê !
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 l’emploi onomatopéique

Ex : Elle a commencé à balayer viaa viaa pour verser sur moi


Ex : Pourquoi il marche vlougba, vlougba comme ça même ?
Ex : Tonnerre c’est comment? C’est gbiaye !

Ex : J’ai tapé kôkôkô kôkôkô ils n’ont pas entendu


Ex : Quand il a plu là j’ai glissé fiououou, je suis tombé kpô
Ex: Elle l’a giflé kpanhoun

Vidéo
Procédés lexico-sémantiques
la réduplication du mot
liée aux notions de pluralité et d’intensité
Ex : Mon corps me pique pique
Ex: La fille là quand elle marche elle se casse casse
Ex : Tu es fâché comment comment il va te faire rire
Ex: C’est vrai vrai !

la désémantisation / resémantisation
Ex : serrer sa figure / attraper son cœur / couper igname avec
qqn / prendre affaire pour déposer sur sa tête
Les calques
Ex: C’est mal doux !
EX: Ma tête me fait mal
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Les xénismes et emprunts
qui prennent en compte le milieu physique et le milieu socio-
culturel pour désigner des réalités ivoiriennes)
Attiéké , aloco, foufou, foutou, placali, gnamakoudji…

Expressions idiomatiques ou la traduction de la


pensée africaine

Quand je vais fermer mes yeux et les ouvrir je veux te voir ici
Tu montes tu descends, je ne laisse pas affaire là

vidéo vidéo 1 vidéo 2


LES PROVERBES
«on ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille
des arachides » = « on ne muselle pas le boeuf qui foule
le grain ».

« En même temps est mieux » et « hésitation égale à


blessure » = « Il faut battre le fer quand qu’il est chaud».

« petit marteau casse gros caillou » = « les apparences


sont trompeuses »

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« si tu te comportes comme un crabe tu seras mangé
avec bruit » ; « si tu empruntes le chemin de Je-m'en-
fous, tu te retrouveras au village de Si je savais »
=
« Qui sème le vent récolte la tempête ».
« Si tu dors, c’est pour toi qui s’en va » =
« l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt »

« Fer coupe fer » =


« on trouve toujours plus fort que soi »
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« Je t’aime mais je me préfère » =
« La charité bien ordonnée commence par soi-même »

« Beaucoup de viande ne gâte pas la sauce » =


« abondance de biens ne nuit pas ».

« Habitudes c’est comme poils quand on coupe ça


pousse» =
« Chassez le naturel, il revient au galop »,

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« Même souris saoulé connait carrefour de chat » =
« Chacun doit connaitre ses limites »

« Gros coeur ne mange pas du riz chaud » et «


Moustique n'aime pas amusement où on applaudit ».
« Chacun doit craindre ce qui peut le tuer »

« Moustique qui est sur le mur et celui qui est sur


testicules ne se tue pas de la même manière »
« Chaque problème à sa solution ».

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« La beauté d’un garçon, c’est le travail » =
« Pour s’épanouir les hommes doivent travailler »

« Joli tricot ne dure pas dans broad » =


« Une très belle fille a toujours un copain ».

« Dent pourrie est mieux que bouche vide » peut être


une remarque railleuse faite par un élève à un camarade
de classe ayant obtenu, à un devoir, une note pire que
la sienne.
 Vidéo Bassam
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Le nouchi
Le nouchi est né de la forte concentration de populations d’origines
ethnique et nationale diverses dans la ville Abidjan et de la précarité
extrême dans laquelle vit la jeunesse de cette population urbaine.

Au départ argot des petits délinquants des quartiers difficiles d’Abidjan,


il a vite séduit la jeune génération des villes pour qui il est devenu le
moyen d'affirmation de leur esprit créateur et de leur volonté de
liberté.

Il continue de se constituer en glanant des éléments de langues


diverses présentes ou non sur le terrain ivoirien.

L’usage du nouchi est attesté dans toutes les villes de la Côte d’Ivoire
et même chez les jeunes de Ouagadougou (capitale du Burkina
Faso).
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Cette variété de français peut être considérée comme le miroir
de la diversité linguistique de la Côte d’Ivoire car il puise ses
ressources dans plusieurs canaux linguistiques locaux et
internationaux.

Cette manière de voir est aussi celle d’Ahua (2008: 135) quand il
écrit: « le nouchi est un parler métissé; son vocabulaire est
caractérisé par des mots de diverses origines ».

Il est l’espace où fraternisent des langues ivoiriennes, africaines


et des langues européennes.
Vidéo 1
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Le nouchi puise ses ressources dans plusieurs langues
ivoiriennes et étrangères.
On a par exemple les emprunts des unités lexicales :
«cool, die, deal, disappear, jump, enjoy, free, fly, lass, love, luck,
mind, black, new, rice, school, speech, show, down, number,
way » à l’anglais

et « casa, chiquita, coche, como, comprendo, padre, madre » à


l’espagnol.

On note également la présence de certains termes comme


« atalakou, likolo, mbongo » issus du lingala, langue véhiculaire
du Congo, « chocoto , gba» issus du yorouba.
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Les emprunts aux langues ivoiriennes sont attestés par des
unités lexicales comme « babiê, bakrô, bara, bobra, bougô, bôrô,
bori, danga, dêbê, djabou, djêguê, djossi, fongnon, fohi, gban,
gbê, gnangami, kôrô, kouman, klwaklwa, môgô, songô, tassaba »
issues du dioula

« ahoko, blêblê, blô, djêtê, fangan, likéfi, nanwlê, souklou »


empruntées au baoulé,

«abi, awouli, gninrin, guedji, lalè, poignon, you » tirées du bété,

« boho » du guéré,

« bahi » du wobé,

« gbêlê » du sénoufo. Vidéo 2


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Dans ce parler hétérogène, on note l’usage de différents procédés de
création de mots, ce qui en fait l’originalité. Cette verve inventive est à
l’origine de son évolution très rapide qui s’observe à travers les différents
mots qui « entrent ou sortent » de son stock lexical. Vidéo 1 Vidéo 2

Le nouchi ne possède ni une syntaxe, ni une phonétique propres. Il est une


forme linguistique à base grammaticale et syntaxique française (S. Lafage,
1991: 98).

On relève néanmoins à ce niveau de la syntaxe, des particularités liées à


l’influence du français populaire ivoirien et des langues traditionnelles
locales. Tout en respectant en grande partie la syntaxe du français
standard, il recourt à de nombreux procédés formels comme la dérivation,
la troncation, la réduplication

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Fonctions et formes du nouchi

Le nouchi en Côte d’Ivoire a revêtu différentes fonctions au cours


de son évolution.

Parmi celles-ci, on peut dégager trois fonctions principales à


savoir :
– une fonction cryptique plus ancienne, qui met en exergue les
activités répréhensibles des premiers locuteurs de ce parler

– une fonction identitaire caractéristique de la catégorie


générationnelle qui en fait le plus usage

– une fonction véhiculaire relevant de la proportion


grandissante de ses locuteurs

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Le nouchi ne possède ni une syntaxe, ni une phonétique
propres. Il est une forme linguistique à base syntaxique
française. On relève néanmoins à ce niveau, des particularités
liées à l’influence des langues locales.

Dans ce parler, on note l’usage de différents procédés


syntaxiques, morphologiques, sémantiques et lexicaux mais
surtout une forte et incessante activité néologique.

Vidéo 3
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Procédés morphologiques

La dérivation est attestée par la préfixation et la suffixation.

 La préfixation « krou » en nouchi (cacher, dissimuler).


Par l’ajout du préfixe français dé- on obtient le dérivé « dékrou » qui
prend le sens de (rendre ce qui était indûment possédé ou faire
apparaître ce qui était caché).

 La suffixation « enjaillé » de l’anglais (enjoy) qui peut prendre le


sens de (heureux) dans un énoncé comme « je suis enjaillé » ou
(amoureux) dans « je suis enjaillé de la go ».
Avec le suffixe -ment on a la forme « enjaillement » qui traduit (état de
joie immense).
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La troncation avec les procédés de l’aphérèse, de l’apocope et de la
syncope.
Par aphérèse le nominal « foutaise » devient « taise » ;
par apocope l’adjectif « malhonnête » devient « malo » ;
par syncope « Argent » devient « ahan ».

La réduplication la suite « fongnon fongnon ». Le terme « fongnon »


est emprunté au dioula où il désigne (le vent). En nouchi, il prend le
sens de (faire le beau). La forme rédupliquée « fongnon fongnon »
est une emphase sur le fait de (faire le fanfaron, prendre de grands
airs). Cette forme est plus proche de l’expression française « ne
plus se sentir pisser ».

Vidéo 4
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Procédés sémantiques

Métaphore, métonymie, euphémisme, hyperbole, antiphrase et emplois proverbiaux.

Métaphore « bois » et « pointeur » employés respectivement pour (la femme) et pour


(l’homme qui fait la cour à une femme ).

Métonymie « plomb » désigne la (pièce de 100 Fcfa) qui est de la même couleur.

Euphémisme « Toucher » peut prendre le sens de (ivre) dans « le gars est touché » ou de
(faire l’amour) dans une suite comme « il a touché la pétini go ».

Avec le même sens on a l’ hyperbole « il a tué la go ».

L’antiphrase « avoir un peu » (avoir beaucoup d’argent, être riche).

L’emploi proverbial
« gbè est mieux que drap », (il vaut mieux dire la vérité que d’être couvert de honte)
« dindinman n’a pas lock » (qui remet à demain trouvera malheur en chemin).

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Procédés lexicaux

Sur la base du français se greffent des mots issus des langues ivoiriennes, de
l’anglais et de l’espagnol.

 Emprunts aux langues ivoiriennes des unités lexicales comme « môgô,


kouman, kôrô, fohi » issues du dioula, « likéfi, blèblè, nanwlè »
empruntées au baoulé, « abi, lalé » tirées du bété.

 Emprunts aux langues européennes comme « number, way » de l’anglais


et « coche, padre » de l’espagnol

Le plus gros contingent de mots nouchi est d’origine inconnue avec des
néologismes comme :
« grigra, graya, kpatra, kpata, maplahou, douffe, baho, woyo » qui peuvent
s’interpréter respectivement comme suit : se débrouiller, nourriture, battre
ou être brûlé par les rayons ardents du soleil, éclatant, sorcier, mourir, tuer
qqn avec une arme à feu, taxi. 1 2 2B 3
jeanmartial.kouame@gmail.com
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