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Master 2 FLE 

: Cours Francophonie, francophonies

LE FRANÇAIS : SON HISTOIRE ET SON DEVELOPPEMENT EN


FRANCE ET AILLEURS

PLAN

INTRODUCTION
/ A / DU LATIN AU FRANÇAIS
/ B / INSTALLATION DU FRANÇAIS SUR LE TERRITOIRE

INTRODUCTION

Nous pratiquons la langue française. Celle-ci n’est pas seulement pour nous notre instrument
naturel de communication. C’est aussi notre moyen de vivre.

Francis Ponge

Toute langue concerne chacun d’entre nous en tant que locuteur et non pas simplement les
linguistes, didacticiens des langues, traducteurs ou autres, car tout simplement elle implique
tous les aspects de notre vie au quotidien.
La langue et plus spécifiquement le français est à la fois un processus et un phénomène qui
implique aussi bien la géographie, l’histoire, la psychologie, la création que la technique, la
politique et la diplomatie.
Il y a toujours plusieurs variétés de langues dans la même, ce que les sociolinguistes ont
appelé la variation.  Pour la langue française celle de la période enfantine avec la langue que
l’on dit maternelle ou 1ere, celle de l’Académie, du rap, d’Aimé Césaire, de Samuel Beckett
des Droits de l’Homme, du sport, de la cuisine et des nouvelles technologies de l’information
et communication.
La langue française est particulièrement riche de sa longue histoire qui couvre plus de 800
années mais aujourd’hui elle fait face à des interrogations emblématiques de ce 21 e s
comme la question de la reconnaissance des langues régionales, l’orthographe et sa réforme,
les noms de métiers à féminiser etc.
De plus, elle est soumise à une concurrence sévère induite par la mondialisation de
l’économie, bien qu’elle ait longtemps dominé en tant que langue d’un point de vue
international. Il faut donc qu’elle s’adapte à cette nouvelle situation notamment celle de
pouvoir s’étendre en terme d’usage sur la vaste toile du réseau internet.

Dans la petite visite de l’histoire de la langue française que nous ferons au travers de ce cours
nous essaierons de comprendre et d’analyser la vitalité de cette langue, son dynamisme au
travers de sa cohabitation avec les autres langues qui se traduit notamment par sa grande
capacité à produire des débats passionnés depuis le début de son histoire (comme nous
allons le voir) mais aussi des polémiques toujours latentes même aujourd’hui.

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Il s’agit donc bien là d’une langue qui reste très vivante même si certains la voient
perpétuellement menacée de divers phénomènes depuis le franglais jusqu’au « parler
djeun ».

Si le français est une des plus grandes et ancienne langue nationale, elle n’assure pas le même
rôle auprés de ses usagers. En effet, il y a ceux dont elle est la langue 1ere et qui la vivent à
chaque moment de leur quotidien puisque elle est la langue dominante de leur paysage
linguistique , elle leur permet donc de faire quasiment tout avec elle comme c’est le cas
pour les citoyens Français, et beaucoup de Wallons et de Suisses.
Quand on va du côté des Amériques, les Québecquois ont du lutter pour que le français
québecquois puisse être utilisé dans tout l’espace public afin qu’il ne soit pas uniquement
réservé aux usages inter et intra familiaux, comme c’est le cas pour le français de Louisiane
avec le peuplement acadien.
Pour d’autres le français n’est pas la langue 1ere mais la langue seconde, c'est-à-dire celle
de l’école et de l’administration comme par exemple au Maghreb et dans l’Afrique
subsaharienne ou bien au Moyen-Orient comme au Liban.

Ainsi, la diffusion du français comme pour toutes les grandes langues de communication,
prend diverses formes et il reste difficile de réellement recenser les francophones, on ne
peut avoir que des estimations car se pose très vite la question de savoir : ce qu’est un
francophone ?
Une personne pour laquelle le français est la langue maternelle (ou 1ere), ou qui vit dans un
Etat dont c’est la langue officielle, ou bien c’est celle qui a appris le français à l’école, ou
encore qui a des activités  culturelles dans une communauté francophone.
En fait, le chiffre sur lequel tout le monde s’accorde est celui d’une communauté qui
comprendrait environ 100 millions avec pour l’estimation la plus optimale actuellement et
celle pour le 21es en cours de pouvoir peut-être parvenir à 500 millions.
Car il ne faut pas oublier que le français est une des rares langues à être présente sur les
l’ensemble du globe depuis le pacifique, en passant par la caraibe, l’atlantique, l’Europe etc ;
Cependant, dans l’analyse de la situation francophone, la plupart des spécialistes de la
francophonie s’accordent sur certains points que voici.
D’abord sur le fait qu’en termes absolus le français progresse, c'est-à-dire qu’il y a chaque
année plus de locuteurs dans le monde pour qui elle est la langue 1ere ou seconde. Les
statistiques sur ce point font état d’une progression de plus de 70% sur les 3 dernières
décennies. Sauf qu’en termes relatifs le français recule à savoir que le pourcentage de ceux
qui le pratiquent dans le monde diminue toujours car dans ces mêmes 30 ans on serait passé
de 2,4% de pratiquants à 2,1%.
De plus ce recul risque de s’accentuer dans l’avenir car la plupart des francophones donc ceux
qui soutiennent la langue française de par leur usage sont des séniors. Ce qui veut dire que la
relève est absente car elle est en train de suivre des cours d’anglais. D’où la mise en place de
programmes obligatoires d’enseignement du français pour les petites classes dans beaucoup
de pays du monde.
Enfin, la régression du français est plus visible encore si on parle en terme d’indice, c’est-à
dire au-delà du nombre brut de locuteurs, si on ne retient que le taux d’alphabétisation où la
langue se pratique associée au produit intérieur brut du pays on obtient un indice mesurant
l’importance d’une langue dans le monde.
Pour le français il est de 33 pour l’allemand de 42, le japonais 32 et l’espagnol 31 alors que
pour l’anglais il est de 100.
Ceci est du à la concurrence des langues qui est encore plus forte aujourd’hui que par le passé
bien que ce soit cette même concurrence qui avait assuré par le passé (comme nous le

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verrons) au français son « universalité». En effet, dans le monde d’aujourd’hui où la mobilité
des personnes et des biens est de mise, cette mobilité d’un point de vue linguistique profite
largement à l’anglais. De plus aujourd’hui nous consommons beaucoup de biens
immatériels : textes, images, sons, et la plupart sont en anglais.
D’où la mesure adoptée par l’Union Européenne de prendre en compte « l’exception
française » en matière de culture.

Voyons au travers de cet article  de Simon Kuper publié le 12 juin 2013 dans le journal Le
Financial Times, « Pourquoi faut-il défendre l’exception culturelle française ? » qui fait
également référence aux biens immatériels produits par la culture, ce qu’il en est un peu plus
précisément

FRANCE Pourquoi il faut défendre l’exception culturelle ?

Sans le système actuel de subventions, la culture française disparaîtrait. Ce qui serait une
perte pour le monde entier, explique un chroniqueur du Financial Times.

La plus grande zone de libre-échange

Les Etats-Unis et l’Union européenne souhaitent dynamiser la croissance en créant la plus


grande zone de libre-échange au monde. Les deux blocs représentent environ la moitié (47 %)
de la production de richesse mondiale et près d’un tiers du commerce mondial. Deux ans de
négociations entre le gouvernement américain et la Commission européenne sont prévus pour
aboutir à un accord de commerce et d’investissement transatlantique. Le coup d’envoi devrait
être donné à Washington le mois prochain.

Revoilà la polémique autour de la fameuse exception culturelle* française, dispositif


combinant subventions, quotas et allégements fiscaux pour soutenir le cinéma, la télévision et
la musique.

Paris menace de faire avorter le projet d’accord commercial entre les Etats-Unis et l’Union
européenne si celui-ci ne lui permet pas de maintenir cette exception. Comme toujours, ses
détracteurs raillent la France, sa haine de la culture anglo-saxonne et ses illusions de
grandeur. Ils se trompent : la France accueille à bras ouverts les produits culturels étrangers,
et les arguments en faveur de cette exception culturelle sont mesurés et raisonnables. Puisque
la barrière de la langue semble empêcher les Français de plaider eux-mêmes leur cause en
anglais, je me sens l’obligation, moi qui suis Parisien depuis 2002, de le faire pour eux.

Il y a cinquante ans, quand les Français ont commencé à protéger leurs produits culturels,
l’esprit anti-anglo-saxon a joué un rôle. Mais cette hostilité a disparu. A partir des années
1990, quand Internet a chassé son précurseur français, le Minitel, les Français ont commencé
à admettre qu’ils vivaient dans un monde anglophone – et la transition est en cours, souvent
avec bonheur. Aujourd’hui, à Paris, la culture américaine est omniprésente.

La récente exposition des peintures d’Edward Hopper a été un triomphe. J’ai vu des foules
parisiennes en délire accueillir Andre Agassi à Roland-Garros. J’ai vu aussi des intellectuels
français assister à un cours de Bruce Ackerman, professeur de droit à Yale, s’imprégnant de

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sa sagesse en anglais. Le mois dernier, l’Assemblée nationale a voté une loi visant à
promouvoir l’usage de l’anglais dans les universités françaises. Les quatre films ayant le plus
rapporté ces derniers temps en France ont été produits à Hollywood, et ce malgré la taxe de
soutien au cinéma français prélevée sur tous les billets. L’exception culturelle* n’est en rien
un blocus des produits culturels américains ; ce n’est d’ailleurs pas son objectif. Un rapport
officiel des autorités françaises [le rapport Lescure] rappelait récemment que cette politique
n’est pas “l’expression d’une conception défensive de la culture”.

Il faut en effet voir dans l’exception française un outil positif, pensé pour préserver une niche
qui puisse accueillir certains produits culturels français. La France accepte parfaitement que
l’essentiel du marché mondial du cinéma et de la télévision soit en anglais. L’exception
culturelle* entend simplement faire en sorte que la culture française obtienne elle aussi des
financements. Car ce n’est pas la main invisible du marché qui s’en chargera. Etant donné la
mort du français comme grande langue mondiale et le désintérêt des étrangers pour une
France qui soit autre chose qu’une destination touristique et gastronomique, les cinéphiles
étrangers sont de plus en plus rares à suivre le septième art hexagonal. Le dernier grand
succès français au cinéma, The Artist, récompensé en 2012 par cinq oscars, était un film
muet, délesté donc du handicap linguistique.

A cela s’ajoute la surproduction cinématographique mondiale. Il y a cinquante ans, très peu


de pays avaient produit ne serait-ce qu’un seul film ; aujourd’hui, tous les gamins qui ont un
iPhone en sont capables. D’où une concurrence d’une ampleur inédite. Si Jean Renoir avait
réalisé sa Grande Illusion aujourd’hui, et non en 1937, son public à l’étranger se serait
résumé aux dix-sept cinéphiles d’une salle d’art et d’essai de Greenwich Village.

C’est pourquoi l’Etat français donne un coup de pouce à ses artistes. Les taxes imposées aux
chaînes de télévision, aux films et aux fournisseurs d’accès Internet font beaucoup ricaner à
l’étranger. Pourtant, de très nombreux autres pays subventionnent leurs arts. Les exemptions
fiscales accordées par les Etats-Unis aux mécènes ne sont pas autre chose. En avril, Leonard
Lauder, héritier de l’empire cosmétique Estée Lauder, a fait don au Metropolitan Museum de
New York de tableaux cubistes d’une valeur dépassant le milliard de dollars. A elle seule,
cette somme est pratiquement équivalente au milliard d’euros de subventions que la France
accorde chaque année à son cinéma.

Caricatures. Certains des films français subventionnés sont des navets, certes ; mais d’autres
sont de petits bijoux. Ils viennent enrichir non seulement la culture française, mais aussi la
culture mondiale. Il est de charmants petits films français des années 1990, comme Le
bonheur est dans le pré ou Western, qui continuent de me trotter dans la tête. Ces productions
ne pouvaient espérer se lancer à l’international et décrocher le jackpot, contrairement à leurs
équivalents britanniques, comme ce fut le cas de Quatre mariages et un enterrement. Il n’en
reste pas moins que la disparition de la culture française serait une perte pour le monde
entier.

Aujourd’hui, alors que les produits culturels ont colonisé Internet, la France planche sur les
moyens de taxer aussi ce mode de diffusion. Le gouvernement envisage ainsi une taxe de 1 %
sur les smartphones et les tablettes connectées, ce que l’on interprète inévitablement à
l’étranger comme un refus de la France de vivre au XXIe siècle. Mais il faut plutôt y voir le
prolongement logique de l’exception culturelle*, politique mesurée qui a fait ses preuves.
Rien d’étonnant, dès lors, à ce que treize autres pays de l’UE aient apporté leur soutien à la
position française en matière de culture dans une lettre à la Commission.

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La querelle illustre en fait un problème plus vaste : quel que soit le sujet, les arguments de la
France sont systématiquement caricaturés. Le monde ne parlant pas le français, il entend
rarement ce que disent les Français. De ce fait, c’est le discours anglo-saxon qui prévaut,
selon lequel la France est toujours l’adversaire irrationnel du progrès. Nous l’avons vu
durant l’escalade qui a conduit à la guerre en Irak – et rebelote aujourd’hui dans les
négociations commerciales transatlantiques. Les Français doivent apprendre à mieux plaider
leur cause dans la langue de Shakespeare. Car, pour peu que l’on entende correctement leurs
arguments à l’étranger, tout le monde se dira qu’après tout ils ne sont peut-être pas si
arriérés.

Ainsi le francophone s’il veut continuer d’assurer un avenir expansif à sa langue devra
s’investir, défendre, utiliser et créer encore plus dans et avec la langue française.

Fin de l’article

Mais avant de parler d’avenir, revenons au passé en s’intéressant aux grandes étapes de
l’histoire du français.

/ A / DU LATIN AU FRANÇAIS

Cette langue : le français, que nous recevons en héritage de la part de notre famille ou
entourage, a connu une histoire aussi tumultueuse qu'ancienne.
Nous ne pourrions pas parler d’histoire de la langue française, sans parler d’histoire de France
tout court, car les deux sont indissociables sur bien des évènements.
De plus on ne peut pas comprendre le présent et sans doute l’avenir de cette langue sans en
connaître son histoire.
A partir du 1er millénaire avant J.C., des tribus Celtes venues principalement de l'ancienne
Germanie franchirent le Rhin et fondèrent la Gaulle. Ils parlaient le gaulois qui comme le latin
appartenait à la grande famille des langues indo-européennes.
Voici 2 tableaux : Tableau des langues indo-européennes actuelles et Les langues indo-
européennes (passé et présent) qui rassemblent la totalité des langues issues de l’indo-
européen présentes et passées.

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Tableau des langues indo-européennes actuelles

Les langues indo-européennes (passé et présent)

A - EN EUROPE

Langues (†= langue aujourd'hui


Super-familles Familles  
disparue, sans descendance)
CELTIQUES
1   celtibère †
gaulois †
2  
breton
gallois
cornique †

6
3   irlandais
mannois (manx)

1   illyrien †, venète †
ombrien †, osque †

portugais
espagnol, judéo-espagnol
ITALIQUES catalan
occitan
2 - LATIN  
français
italien
rhéto-roman (ladin)
dalmate †
roumain
1 - GERMANIQUES DE
  gotique †, burgonde †
L'EST
1 allemand, yiddish
néerlandais (flamand, hollandais,
2
afrikaans)
2 - WESTIQUES

3 frison
anglais
GERMANIQUES
suédois
1
danois
dano-norvégien
3 - NORDIQUES  

2 norvégien
féroéien
islandais

   
GREC ANCIEN grec moderne

    tosque
ALBANAISES guègue

1
BALTO-SLAVES vieux prussien †

BALTE
2 lituanien
letton

SLAVE DU SUD 1 bulgare


macédonien
2
serbo-croate

7
slovène

polonais
  slovaque
SLAVE DE L'OUEST
tchèque
serbe de Lusace

russe (grand russe)


 
SLAVE DE L'EST ukrainien (petit russe)
biélo-russe (blanc russe)

Toutes les langues parlées en Europe sont des langues indo-européennes, à l'exception
du basque, du finnois, du hongrois, de l'estonien, du turc et de quelques autres langues
parlées en Russie.

B - EN ASIE

Langues (†= langue aujourd'hui


Super-familles Familles  
disparue, sans descendance)

pali
1
goudjerati
marathe

pendjabi
2
INDIEN > népalais
sanskrit, prakrits hindi-ourdou

bengali
3
bihari, oriya, assamais
singhalais

4
INDO-IRANIENNES tsigane

1 vieux-perse
avestique

pehlevi, parthe
2
sogdien
IRANIEN persan (farsi)
3 kurde

4
afghan (pachto)

5
ossète
<------------------------ <--------------------
<> arménien
-------> ----------->

8
 
<------------------------ <--------------------
<>
-------> ----------->
thrace †
 
<------------------------ <--------------------
<>
-------> ----------->
phrygien †

    lydien †
ASIATIQUES lycien †

hittite †
   
ANATOLIENNES louvite †
palaïte †
 
<------------------------ <--------------------
<> tokharien †
-------> ----------->

Puis conquise, par les Romains vers le milieu du 1er siècle avant J. C., la Gaulle
adoptera le latin. Mais pas le latin classique de l'écrit des auteurs tels que Tite-live, Virgile
etc..., mais le latin vulgaire de la vie quotidienne qui donnera naissance aux langues romanes.
Ce latin mettra quatre siècles pour s'imposer. D'autres envahisseurs germaniques les Francs
s'approprièrent aussi ce latin en le transformant peu à peu. C'est ainsi que les Gallo-Romains à
savoir à savoir "les Gaulois ayant accepté la civilisation romaine et la langue latine, se sont
réveillés un beau matin en parlant picard, normand, poitevin,... et non plus le latin" (Walter, p.
55) .

En fait, ils parlent tous la lingua romana rustica qui pioche aussi bien dans le latin rustique
que dans les langues germaniques du nord telles que celle des Wisigoths, Burgondes, des
Francs etc... Ce sont les Francs qui marqueront le plus le paysage linguistique par des siècles
de présence. Leur roi le plus connu est Clovis.
La lingua romana rustica parlée notamment France avec le parler francien fût à la source du
français.

En effet, à la fin des invasions, on avait à peu près la division dialectale de la Gaulle en trois
zones :
- la zone des dialectes d'oïl au nord
- la zone des dialectes d'oc au sud
et entre les deux à l'est la zone du franco-provençal.

Voir le document additif : Les grandes zones dialectales en France (source : M. Cohen)
qui vous aidera à mieux comprendre la situation linguistique de cette époque.

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/ B / INSTALLATION DU FRANÇAIS SUR LE TERRITOIRE.

Elle ne se fera pas vite, ni sans douleurs. Pour retracer ce parcours nous nous
appuierons sur quelques évènements historiques marquants.
D'abord le Concile de Tours en 813 qui autorise le clergé "à prêcher en langue courante" à la
place du latin si nécessaire.
Puis en 987 avec Hugues Capet le premier roi qui parle le français et non plus le germanique,
ce qui contribuera à donner au français une assise politique en faveur de son expansion.
Grâce à la victoire de Guillaume le Conquérant à Hasting en 1066, le français va s'imposer à
la cour d'Angleterre comme langue officielle à la fois pour l'aristocratie, les tribunaux et le
parlement, ceci, jusqu'aux environs du 15e siècle.
Le 16e siècle avec le règne de François 1er va définitivement parachever la prédominance du
français sur les autres dialectes et patois. Il éditera en 1539 l'ordonnance de Villers-Cotterêts
qui prescrit l'emploi du français dans tout le royaume au lieu du latin. Le français devra aussi
être utilisé dans les ordonnances et les jugements des tribunaux. On peut considérer que cette
décision politique confère à ce dialecte francien, un vrai statut de langue officielle pour
l'ensemble du royaume de France.
Mais le latin va résister soutenu par ses lettres de noblesse (en tant que langue de la poésie et
de la littérature) que lui confèrent les puristes face à la vulgarité du dialecte francien. Il va
rivaliser pendant plusieurs dizaines d'années avec le francien pour s’imposer petit comme
langue de la littérature et de la poésie. Il sera soutenu par les écrivains humanistes et ceux de
la pléiade.
Ainsi Villers-Cotterêts a aussi assuré au français, le statut de langue du pouvoir central, grâce
à cette volonté de l’imposer comme langue véhiculaire. Dans les régions où vivent plusieurs
communautés linguistiques différentes, une des langues de la région peut-être utilisée d'une
manière privilégiée pour l'intercommunication. On dit alors que la langue est véhiculaire ou
supra locale... (extrait de la définition du dictionnaire de linguistique de Dubois, p507)Une
langue officielle est aussi une langue véhiculaire si les locuteurs ont également des dialectes
ou des langues différentes : ainsi le français, langue commune des Corses, des Bretons,
d'Alsaciens et de Flamands, est, d'une certaine manière une langue véhiculaire ou une langue
commune pour l'ensemble du royaume cette situation ira à s'accentuant jusqu'à la Révolution
de 1789.
Les idées et les décisions républicaines avaient besoin d'être partagées et pour cela il fallait
qu'elles soient comprises par l'ensemble des citoyens, en raison de la grande fragmentation
dialectale de la France et de la menace des langues régionales toujours parlées à cette époque.
En 1790, l'Abbé Grégoire évêque de Blois soucieux de répondre à la demande de la
Convention de régler le sort des langues locales qui rappelaient trop l'ancien régime lance
une enquête composée de 43 questions à faire remplir par l'ensemble des communes de la
République.

On peut dire que c'est l'une des premières enquêtes de type sociolinguistique sur le français
connue à ce jour. Les questions posées étaient du genre :
- _"L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée ?
- y-parle-t-on un ou plusieurs patois ?

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- le parle-t-on dans les villes ? (sous-entendu le patois).
- Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement
ce patois ? " ...

Les conclusions de l'Abbé Grégoire en 1791 à propos de cette enquête sont intéressantes
mais à prendre avec beaucoup de précautions car on ne sait pas quels étaient les paramètres
retenus dans l'analyse de ces résultats.
On apprend (selon les travaux de Braudel sur cette enquête parus dans : l'identité - réf 18 - c -
II p. 161) que sur les 25 millions d'habitants en France, environ 12 sur 100 parlaient
convenablement le français et que moins d'un sur quatre le comprenait.
Suite à ce rapport présenté par Talleyrand à l'Assemblée Constituante la décision sera
prise de généraliser l'enseignement primaire (le mot date de 1791) ouvrant une école dans
chaque commune où l'enseignement serait français. Dans la foulée, face à la pénurie
d'instituteurs pour assurer cet enseignement, on crée les écoles normales (se référant au
français de la norme) pour former ces maîtres d'école. Voici un extrait de ce rapport (source
Walter, p. 116) cité par Charles Bruneau dans son Histoire de la langue française, tome IX,
livre I, ch. II, p. 13-14,
"L'école primaire contre les dialectes.
Les écoles primaires vont mettre fin à cette étrange inégalité : la langue de la
Constitution et des lois y sera enseignée à tous et cette foule de dialectes
corrompus, dernier reste de la féodalité, sera contrainte de disparaître : la force des
choses le commande."
On retrouve la même sévérité et véhémence à l'encontre des langues régionales, dans le projet
d'uniformisation linguistique présenté par l'abbé Grégoire, qui est une vraie déclaration de
guerre ouverte contre les patois et les dialectes :
_"... On peut uniformiser la langue d'une grande nation de manière que tous les
citoyens qui la composent puissent sans obstacle communiquer leurs pensées.
Cette entreprise, qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du
peuple français, qui centralise toutes les branches de l'organisation sociale, et qui
doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République unie et indivisible,
l'usage unique et invariable de la langue de la liberté."

Le 27 janvier 1794, le député Bertrand Barrere s’exprime violemment à la tribune de la


Convention montagnarde contre les patois les dialectes, l'histoire a retenu ces extraits : "Le
fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l'émigration et la haine de la République
parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. Cassons ces
instruments de dommage et d’erreur ".
Des professeurs de français seront dépêchés en Bretagne, en Alsace, en Corse et aux
frontières espagnoles et italiennes.
Pourquoi tant d'acharnement ?
Dans l'esprit des révolutionnaires de cette époque, l'unité linguistique de la toute nouvelle
république démocratique française demeurait la condition sine qua non pour garantir l'unité
nationale française.
Mais il faudra qu'ils attendent encore un siècle environ pour atteindre cet objectif car avant les
lois de 1880-82 sur l'enseignement laïque obligatoire, moins de 20% des citoyens français
parlaient la langue française.

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Ce sera par le biais de l'école que l'offensive sera la plus spectaculaire et sans doute la plus
efficace, avec l'école de Jules Ferry qui parachève l'œuvre d'unification entreprise au
lendemain de la Révolution.
Voici un document qui présente le contexte politico-linguistique de l’époque et détaille ces
lois scolaires de Jules Ferry

Archives du Sénat (site internet : http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/index.html )

Dossier d'histoire : Les lois scolaires de Jules Ferry

 Dans l'esprit des républicains des années 1880, la consolidation du régime politique né en
1875 passe par l'instruction publique. En laïcisant l'école, ils veulent affranchir les
consciences de l'emprise de l'Eglise et fortifier la patrie en formant les citoyens, toutes classes
confondues, sur les mêmes bancs. Cette réorganisation de l'enseignement exige une réforme
en deux temps.

Tout d'abord, pour libérer l'enseignement de l'influence des religieux, le gouvernement crée
des écoles normales, dans chaque département, pour assurer la formation d'instituteurs laïcs
destinés à remplacer le personnel congréganiste (loi du 9 août 1879 sur l'établissement des
écoles normales primaires). Parallèlement, les personnalités étrangères à l'enseignement, et
notamment les représentants de l'Eglise, sont exclus du Conseil supérieur de l'instruction
publique (loi du 27 février 1880 relative au Conseil supérieur de l'instruction publique et aux
conseils académiques). Enfin, l'article 7 de la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de
l'enseignement supérieur cherche à empêcher les membres des congrégations non autorisées
à participer à l'enseignement, qu'il soit public ou libre, primaire, secondaire ou supérieur.
Cependant, cette disposition est rejetée par le Sénat, puis par la Chambre des députés.

Cette première phase passée, les républicains poursuivent la mise en place d'une école laïque
mais, pour diviser les résistances, ils fractionnent la réforme en deux temps. Ils commencent
par prononcer la gratuité de l'école publique (loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité
absolue de l'enseignement primaire dans les écoles publiques) et exigent que les instituteurs
obtiennent un brevet de capacité pour pouvoir enseigner dans les écoles élémentaires (loi du
16 juin 1881 relative aux titres de capacité de l'enseignement primaire). Ils affirment ensuite
l'obligation, pour les enfants des deux sexes, de fréquenter l'école de 6 à 13 ans (loi du 28
mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire). Dans l'immédiat, les lois scolaires de
Jules Ferry apportent peu de changements. Le caractère obligatoire de l'enseignement ne fait
qu'entériner un mouvement de scolarisation de masse déjà commencé. La véritable plus-value
de ces textes porte sur la scolarisation des filles et des enfants des campagnes, que les parents
sont obligés d'envoyer à l'école alors qu'ils préféraient les voir participer aux tâches
ménagères ou travailler dans les champs. La loi Camille Sée du 21 décembre 1880 avait déjà
fait un pas en ce sens en organisant l'enseignement secondaire des jeunes filles. Quant aux
religieux, ils restent en fonction dans les écoles élémentaires après l'obtention du brevet de
capacité. C'est la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire qui les
en écarte en ordonnant la laïcisation progressive du personnel des écoles publiques. Dans ce
dossier, les différentes lois sont présentées à la lumière de leur examen par le Sénat.

sources
Dossier réalisé à partir des fonds d'archives des services de la Bibliothèque et des Archives, 
archives@senat.fr

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Menu - Les lois scolaires de Jules Ferry
 Le Sénat devient républicain (1876-1885)
 Historique de l'enseignement primaire
 La loi du 9 août 1879 sur l'établissement des écoles normales primaires
 La loi du 27 février 1880 relative au Conseil supérieur de l'instruction publique et aux
conseils académiques
 La loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l'enseignement supérieur
 La loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l'enseignement primaire dans
les écoles publiques
 La loi du 16 juin 1881 relative aux titres de capacité exigés pour l'enseignement
primaire
 La loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire
 La loi du 21 décembre 1880 sur l'enseignement secondaire des jeunes filles
 La loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire
 Retour aux dossiers d'histoire

Comme on le voit il faudra pas moins de 8 lois pour arriver à une organisation pérenne et
productive de l’enseignement scolaire en français en France.

Ainsi le dialecte francien parlé par les rois Capétiens fixés à Paris au XIe siècle aura mis
prés de huit siècles à s'imposer irrévocablement comme langue nationale unique, c'est à dire
comme un ensemble homogène, clos sur lui-même et identifiable en tant que tel.

A ce stade de notre progression, il nous paraît opportun de faire un rappel de définition sur les
notions de dialecte et patois en opposition à la langue. Nous reprenons cette mise en miroir
avec un extrait du texte de Marina Yaguello : "Le multiple dans l'unique" (p. 34-35 du
Catalogue des idées reçues sur la langue) qui pose la question de façon très intéressante.

Dictionnaire de linguistique (Dubois et auteurs)

Dialecte :
"... Employé couramment pour dialecte régional par opposition à "la langue", le
dialecte est un système de signes et de règles combinatoires de même origine
qu'un autre système considéré comme la langue, mais n'ayant pas acquis le statut
culturel et social de cette langue indépendamment de laquelle il s'est
développé....."

Nous n'avons retenu de la longue définition présentée par le dictionnaire que cet extrait qui
livre l'ensemble des facteurs importants pour une définition à la fois minimale et complète.
Le texte de Marina Yaguello apportera une dimension socio-politique à cette première
définition.

Patois :
"On appelle patois ou parler patois, un dialecte social réduit à certains signes (faits
phonétiques ou règles de combinaison), utilisé seulement sur une aire réduite et
dans une communauté déterminée rurale généralement. Les patois dérivent d'un
dialecte régional ou de changements subis par la langue officielle...".

13
Il faut savoir que depuis longtemps les linguistes essaient de ne pas employer ce terme à la
connotation encore péjorative et lui préfèrent largement le terme de parler vernaculaire. C'est
à dire de diffusion limitée à ses locuteurs natifs, c'est le cas des dialectes non standardisés et
des langues très minoritaires. Exemple du "vernaculaire noir-américain". (Voir à ce sujet les
travaux de L. J. Calvet et de Labov cités dans les cours précédents).

Dernière polémique en date concernant la question de la langue française et la République


française face à l’Europe  avec la Charte européenne des langues régionales minoritaires
ratifiée en 1992 et entrée en vigueur le 1er mars 1998.
En voici les principaux extraits :

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires


Strasbourg, 5.XI.1992

Préambule

Les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires de la présente Charte,

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite
entre ses membres, notamment afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les
principes qui sont leur patrimoine commun;

Considérant que la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de


l'Europe, dont certaines risquent, au fil du temps, de disparaître, contribue à
maintenir et à développer les traditions et la richesse culturelles de l'Europe;

Considérant que le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie
privée et publique constitue un droit imprescriptible, conformément aux principes
contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations
Unies, et conformément à l'esprit de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe;

Prenant en compte le travail réalisé dans le cadre de la CSCE, et en particulier l'Acte


final d'Helsinki de 1975 et le document de la réunion de Copenhague de 1990;

Soulignant la valeur de l'interculturel et du plurilinguisme, et considérant que la


protection et l'encouragement des langues régionales ou minoritaires ne devraient pas
se faire au détriment des langues officielles et de la nécessité de les apprendre;

Conscients du fait que la protection et la promotion des langues régionales ou


minoritaires dans les différents pays et régions d'Europe représentent une
contribution importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de la
démocratie et de la diversité culturelle, dans le cadre de la souveraineté nationale et
de l'intégrité territoriale;

Compte tenu des conditions spécifiques et des traditions historiques propres à chaque
région des pays d'Europe,

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Sont convenus de ce qui suit:

Partie I – Dispositions générales

Article 1 – Définitions

Au sens de la présente Charte:

a. par l'expression «langues régionales ou minoritaires», on entend les langues:


i. pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un Etat par des
ressortissants de cet Etat qui constituent un groupe numériquement
inférieur au reste de la population de l'Etat; et
ii. différentes de la (des) langue(s) officielle(s) de cet Etat;

elle n'inclut ni les dialectes de la (des) langue(s) officielle(s) de l'Etat ni les


langues des migrants;

b. par «territoire dans lequel une langue régionale ou minoritaire est pratiquée»,
on entend l'aire géographique dans laquelle cette langue est le mode
d'expression d'un nombre de personnes justifiant l'adoption des différentes
mesures de protection et de promotion prévues par la présente Charte;
c. par «langues dépourvues de territoire», on entend les langues pratiquées par
des ressortissants de l'Etat qui sont différentes de la (des) langue(s)
pratiquée(s) par le reste de la population de l'Etat, mais qui, bien que
traditionnellement pratiquées sur le territoire de l'Etat, ne peuvent pas être
rattachées à une aire géographique particulière de celui-ci.

Article 2 – Engagements

1. Chaque Partie s'engage à appliquer les dispositions de la partie II à


l'ensemble des langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son
territoire, qui répondent aux définitions de l'article 1.
2. En ce qui concerne toute langue indiquée au moment de la ratification, de
l'acceptation ou de l'approbation, conformément à l'article 3, chaque Partie
s'engage à appliquer un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas
choisis parmi les dispositions de la partie III de la présente Charte, dont au
moins trois choisis dans chacun des articles 8 et 12 et un dans chacun des
articles 9, 10, 11 et 13.

Article 3 – Modalités

1. Chaque Etat contractant doit spécifier dans son instrument de ratification,


d'acceptation ou d'approbation chaque langue régionale ou minoritaire, ou
chaque langue officielle moins répandue sur l'ensemble ou une partie de son
territoire, à laquelle s'appliquent les paragraphes choisis conformément au
paragraphe 2 de l'article 2.
2. Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général
qu'elle accepte les obligations découlant des dispositions de tout autre
paragraphe de la Charte qui n'avait pas été spécifié dans son instrument de
ratification, d'acceptation ou d'approbation, ou qu'elle appliquera le

15
paragraphe 1 du présent article à d'autres langues régionales ou minoritaires,
ou à d'autres langues officielles moins répandues sur l'ensemble ou une partie
de son territoire.
3. Les engagements prévus au paragraphe précédent seront réputés partie
intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation et porteront
les mêmes effets dès la date de leur notification.

Article 4 – Statuts de protection existants

1. Aucune des dispositions de la présente Charte ne peut être interprétée comme


limitant ou dérogeant aux droits garantis par la Convention européenne des
Droits de l'Homme.
2. Les dispositions de la présente Charte ne portent pas atteinte aux dispositions
plus favorables régissant la situation des langues régionales ou minoritaires,
ou le statut juridique des personnes appartenant à des minorités, qui existent
déjà dans une Partie ou sont prévues par des accords internationaux
bilatéraux ou multilatéraux pertinents.

Article 5 – Obligations existantes

Rien dans la présente Charte ne pourra être interprété comme impliquant le droit
d'engager une quelconque activité ou d'accomplir une quelconque action contrevenant
aux buts de la Charte des Nations Unies ou à d'autres obligations du droit
international, y compris le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des
Etats.

Article 6 – Information

Les Parties s'engagent à veiller à ce que les autorités, organisations et personnes


concernées soient informées des droits et devoirs établis par la présente Charte.

Partie II – Objectifs et principes poursuivis conformément au paragraphe 1 de l'article 2

Article 7 – Objectifs et principes

1. En matière de langues régionales ou minoritaires, dans les territoires dans


lesquels ces langues sont pratiquées et selon la situation de chaque langue, les
Parties fondent leur politique, leur législation et leur pratique sur les objectifs
et principes suivants:
a. la reconnaissance des langues régionales ou minoritaires en tant
qu'expression de la richesse culturelle;
b. le respect de l'aire géographique de chaque langue régionale ou
minoritaire, en faisant en sorte que les divisions administratives
existant déjà ou nouvelles ne constituent pas un obstacle à la
promotion de cette langue régionale ou minoritaire;
c. la nécessité d'une action résolue de promotion des langues régionales
ou minoritaires, afin de les sauvegarder;
d. la facilitation et/ou l'encouragement de l'usage oral et écrit des langues
régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée;

16
e. le maintien et le développement de relations, dans les domaines
couverts par la présente Charte, entre les groupes pratiquant une
langue régionale ou minoritaire et d'autres groupes du même Etat
parlant une langue pratiquée sous une forme identique ou proche, ainsi
que l'établissement de relations culturelles avec d'autres groupes de
l'Etat pratiquant des langues différentes;
f. la mise à disposition de formes et de moyens adéquats d'enseignement
et d'étude des langues régionales ou minoritaires à tous les stades
appropriés;
g. la mise à disposition de moyens permettant aux non-locuteurs d'une
langue régionale ou minoritaire habitant l'aire où cette langue est
pratiquée de l'apprendre s'ils le souhaitent;
h. la promotion des études et de la recherche sur les langues régionales
ou minoritaires dans les universités ou les établissements équivalents;
i. la promotion des formes appropriées d'échanges transnationaux, dans
les domaines couverts par la présente Charte, pour les langues
régionales ou minoritaires pratiquées sous une forme identique ou
proche dans deux ou plusieurs Etats.
2. Les Parties s'engagent à éliminer, si elles ne l'ont pas encore fait, toute
distinction, exclusion, restriction ou préférence injustifiées portant sur la
pratique d'une langue régionale ou minoritaire et ayant pour but de
décourager ou de mettre en danger le maintien ou le développement de celle-
ci. L'adoption de mesures spéciales en faveur des langues régionales ou
minoritaires, destinées à promouvoir une égalité entre les locuteurs de ces
langues et le reste de la population ou visant à tenir compte de leurs situations
particulières, n'est pas considérée comme un acte de discrimination envers les
locuteurs des langues plus répandues.
3. Les Parties s'engagent à promouvoir, au moyen de mesures appropriées, la
compréhension mutuelle entre tous les groupes linguistiques du pays, en
faisant notamment en sorte que le respect, la compréhension et la tolérance à
l'égard des langues régionales ou minoritaires figurent parmi les objectifs de
l'éducation et de la formation dispensées dans le pays, et à encourager les
moyens de communication de masse à poursuivre le même objectif.
4. En définissant leur politique à l'égard des langues régionales ou minoritaires,
les Parties s'engagent à prendre en considération les besoins et les vœux
exprimés par les groupes pratiquant ces langues. Elles sont encouragées à
créer, si nécessaire, des organes chargés de conseiller les autorités sur toutes
les questions ayant trait aux langues régionales ou minoritaires.
5. Les Parties s'engagent à appliquer, mutatis mutandis, les principes énumérés
aux paragraphes 1 à 4 ci-dessus aux langues dépourvues de territoire.
Cependant, dans le cas de ces langues, la nature et la portée des mesures à
prendre pour donner effet à la présente Charte seront déterminées de manière
souple, en tenant compte des besoins et des vœux, et en respectant les
traditions et les caractéristiques des groupes qui pratiquent les langues en
question.

Partie III – Mesures en faveur de l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie
publique, à prendre en conformité avec les engagements souscrits en vertu du paragraphe 2
de l'article 2

17
Article 8 – Enseignement

1. En matière d'enseignement, les Parties s'engagent, en ce qui concerne le


territoire sur lequel ces langues sont pratiquées, selon la situation de chacune
de ces langues et sans préjudice de l'enseignement de la (des) langue(s)
officielle(s) de l'Etat:
a.  
i. à prévoir une éducation préscolaire assurée dans les langues
régionales ou minoritaires concernées; ou
ii. à prévoir qu'une partie substantielle de l'éducation préscolaire
soit assurée dans les langues régionales ou minoritaires
concernées; ou
iii. à appliquer l'une des mesures visées sous i et ii ci-dessus au
moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le
nombre est jugé suffisant; ou
iv. si les pouvoirs publics n'ont pas de compétence directe dans le
domaine de l'éducation préscolaire, à favoriser et/ou à
encourager l'application des mesures visées sous i à iii ci-
dessus;
b.  
i. à prévoir un enseignement primaire assuré dans les langues
régionales ou minoritaires concernées; ou
ii. à prévoir qu'une partie substantielle de l'enseignement primaire
soit assurée dans les langues régionales ou minoritaires
concernées; ou
iii. à prévoir, dans le cadre de l'éducation primaire, que
l'enseignement des langues régionales ou minoritaires
concernées fasse partie intégrante du curriculum; ou
iv. à appliquer l'une des mesures visées sous i à iii ci-dessus au
moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le
nombre est jugé suffisant;
c.  
i. à prévoir un enseignement secondaire assuré dans les langues
régionales ou minoritaires concernées; ou
ii. à prévoir qu'une partie substantielle de l'enseignement
secondaire soit assurée dans les langues régionales ou
minoritaires; ou
iii. à prévoir, dans le cadre de l'éducation secondaire,
l'enseignement des langues régionales ou minoritaires comme
partie intégrante du curriculum; ou
iv. à appliquer l'une des mesures visées sous i à iii ci-dessus au
moins aux élèves qui le souhaitent – ou, le cas échéant, dont les
familles le souhaitent – en nombre jugé suffisant;
d.  
i. à prévoir un enseignement technique et professionnel qui soit
assuré dans les langues régionales ou minoritaires concernées;
ou
ii. à prévoir qu'une partie substantielle de l'enseignement
technique et professionnel soit assurée dans les langues
régionales ou minoritaires concernées; ou

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iii. à prévoir, dans le cadre de l'éducation technique et
professionnelle, l'enseignement des langues régionales ou
minoritaires concernées comme partie intégrante du
curriculum; ou
iv. à appliquer l'une des mesures visées sous i à iii ci-dessus au
moins aux élèves qui le souhaitent – ou, le cas échéant, dont les
familles le souhaitent – en nombre jugé suffisant;
e.  
i. à prévoir un enseignement universitaire et d'autres formes
d'enseignement supérieur dans les langues régionales ou
minoritaires; ou
ii. à prévoir l'étude de ces langues, comme disciplines de
l'enseignement universitaire et supérieur; ou
iii. si, en raison du rôle de l'Etat vis-à-vis des établissements
d'enseignement supérieur, les alinéas i et ii ne peuvent pas être
appliqués, à encourager et/ou à autoriser la mise en place d'un
enseignement universitaire ou d'autres formes d'enseignement
supérieur dans les langues régionales ou minoritaires, ou de
moyens permettant d'étudier ces langues à l'université ou dans
d'autres établissements d'enseignement supérieur;
f.  
i. à prendre des dispositions pour que soient donnés des cours
d'éducation des adultes ou d'éducation permanente assurés
principalement ou totalement dans les langues régionales ou
minoritaires; ou
ii. à proposer ces langues comme disciplines de l'éducation des
adultes et de l'éducation permanente; ou
iii. si les pouvoirs publics n'ont pas de compétence directe dans le
domaine de l'éducation des adultes, à favoriser et/ou à
encourager l'enseignement de ces langues dans le cadre de
l'éducation des adultes et de l'éducation permanente;
g. à prendre des dispositions pour assurer l'enseignement de l'histoire et
de la culture dont la langue régionale ou minoritaire est l'expression;
h. à assurer la formation initiale et permanente des enseignants
nécessaire à la mise en œuvre de ceux des paragraphes a à g acceptés
par la Partie;
i. à créer un ou plusieurs organe(s) de contrôle chargé(s) de suivre les
mesures prises et les progrès réalisés dans l'établissement ou le
développement de l'enseignement des langues régionales ou
minoritaires, et à établir sur ces points des rapports périodiques qui
seront rendus publics.
2. En matière d'enseignement et en ce qui concerne les territoires autres que ceux
sur lesquels les langues régionales ou minoritaires sont traditionnellement
pratiquées, les Parties s'engagent à autoriser, à encourager ou à mettre en
place, si le nombre des locuteurs d'une langue régionale ou minoritaire le
justifie, un enseignement dans ou de la langue régionale ou minoritaire aux
stades appropriés de l'enseignement.

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Ainsi en 1998 survient une vive polémique suscitée en France par le refus du Président de la
république alors mr Chirac, avec pour 1er Ministre Mr Jospin de ratifier pour la France
la Charte Européenne des langues minoritaires.
Le Président explique ce refus en se référant à l’article 2 de la Constitution française qui
affirme que la langue de la République est le français.
A ce propos nous trouvons très éclairant de vous proposer une partie du rapport rédigé par la
Délégation Générale à la Langue Française (DGLF) concernant cette polémique.
Le document intégral est disponible sur le site : http : // www. Culture.
FR/culture/dglf/politique-langue

Document additif : Bibliographie sur l’histoire de la langue française

En 2013 le débat sur la non ratification n’est toujours pas clos comme en témoigne cet
article paru sur le site : http://www.mouvementdemocrate.fr/article/la-france-se-doit-de-
ratifier-la-charte-europeenne-des-langues-regionales-et-minoritaires

"La France se doit de ratifier la Charte européenne des langues régionales et


minoritaires"

11 septembre 2013

Jean-Luc Bennahmias appelle l'Europe à relancer "les dispositifs d'aide au multilinguisme",


tout en déplorant que la France "persiste à refuser de ratifier la Charte européenne des
langues régionales et minoritaires".

Le responsable centriste a soutenu et approuvé le rapport de son collègue et ami, François


Alfonsi, sur l'urgence à "relancer concrètement les dispositifs d'aide au multilinguisme".
"Notre patrimoine culturel et linguistique est une richesse inestimable, et alors que de
nombreuses langues s'éteignent de par le monde, mais aussi en Europe, il est de notre
responsabilité d'inverser durablement la tendance", souligne l'eurodéputé.

"L'Europe, notamment depuis les années 2000, s'est profondément endormie. La mise en
sommeil de la plupart des programmes consacrés à la promotion des langues minoritaires fût
une faute considérable. Programmes culturels, mobilité étudiante type Erasmus, Fonds social
européen, FEDER : les leviers existent et des fléchages peuvent et doivent être ciblés sur cet
objectif commun, notamment vers les plus jeunes qui détiennent dans leurs mains les clés de
la diversité culturelle européenne", détaille-t-il.

"Alors que 16 États membres ont d'ores et déjà ratifié la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires du Conseil de l'Europe, il est une nouvelle fois très triste de
constater le silence des autorités françaises sur ce dossier en dépit des promesses tenues et
répétées dans le passé récent", ajoute-t-il.

Nous retrouvons bien ici, les batailles linguistiques franco-françaises qui n’ont eu de cesse
d’alimenter l’histoire de la langue française

Ainsi, en guise de synthèse rapide on peut dire que le francien peut se percevoir comme un
dialecte qui a réussi à s'imposer parmi les autres parlers d'oïl comme une langue nationale à

20
part entière en s'assurant à la faveur de conjonctures politico-économiques très favorables
l'autonomie et la standardisation qui lui étaient nécessaires.
Henriette Walter (Le français dans tous les sens) propose dix points de repère (qui sont autant
d'événements, à des époques différentes) pour mieux saisir l'importante évolution du français.
Il s'agira des documents 4 et 5 composé à la fois du tableau récapitulatif et des commentaires.
Nous avons complété ce balayage par une liste dates historiques, publiées dans le numéro du
Monde de l'Éducation de 1996 consacré au français, ce sera le document 6.

Nous finissons ce petit historique de l’histoire de la langue française par deux documents le
premier sur les « 17 bonnes raisons d’apprendre le français » qui est un argumentaire
proposé et diffusé par la Direction de la Coopération culturelle du français
et le second qui est un article de N.Koulayan paru dans la revue Diasporas en 2007 qui
analyse le français en lien avec sa vocation d’être une langue de « diasporas » au vu des
nombreuses diasporas francophones attestées à travers le monde depuis plusieurs siècles.

Document additif : 17 bonnes raisons d’apprendre le français 


Document additif : Le français, langue diasporique d’un genre spécifique

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BIBLIOGRAPHIE

ALLIÈRES. J. : La formation de la langue française, Paris, PUF, Collect . "Que Sais-je ?",
n° 1907, 1982.

COHEN. M. : Histoire d'une langue, le français, Paris, ED. Sociales, 1967.

CERQUIGLINI ; M : le français dans tous ses états, Paris, Flammarion, 2002

DENIAUX. X. : La Francophonie, PUF, Collect. "Que Sais-je ?", n° 2111, Paris, 1998.

HAGEGE. C. : Le français et les siècles, Paris, Odile Jacob, 1987.

YAGUELLO. M. : Catalogue des idées reçues sur la langue, Points, 1988.

WALTER. H. : Le français dans tous les sens, Paris, Robert Laffont,


Livre de poche, n° 16001, 1988.

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