LA CHAIR
ET L’INFINI
J.F.Lyotard et Merleau-Ponty
par Jean-Loup Thébaud
«On retrouverait sans doute le concept d'histoire dans
son vrai sens si l'on s’habituait a le former sur Uexem-
ple des arts et du langage » (Merleau-Ponty, S, 91).
«Ce qui est en cause aujourd'hui dans le langage
artistique, c‘est Vexpérimentation » (J.F. Lyotard, Au
Jjuste!, 23).
ET exergue voudrait pouvoir circonscrire le terrain d'une confronta-
tion entre Ia réflexion de Merleau-Ponty et celle de Lyotard,
confrontation qui impose a plusieurs reprises dans oeuvre de
J.F.Lyotard, et plus particuligrement au début de Discours, figure (Klinck-
sieck, 1971). Mais il Ie dessine comme a lenvers et lindique plutot comme
tune absence que d’une maniére positive. Il ya en effet une étonnante dispa-
rate entre le rapport que J.F. Lyotard entretient de maniére déclarée avec
Merieau-Ponty, en se bornant & marquer des oppositions ou des convergen-
ces locales, et 'aimantation secréte qu'il dissimule.
Les deux propositions citées peuvent cependant servir a repérer & coup
sir un point d'ancrage: T'interrogation philosophique est indissociable
«une réflexion sur Phistoire et cette réflexion, pour se libérer des axiomes
métaphysiques, doit s‘exiler dans la réflexion sur l'art. L’art en effet semble
capable de défaire une philosophie de Phistoire qui serait assurée d'un sujet
totalisant susceptible d'imposer le rejet d'un point de vue privilégié. Mer-
leau-Ponty va traquer ce privilege indu tout d’abord du cété d’une percep-
tion qui interdit tout centre et toute cloture, puis dans une ontologie de la
chair décevant la tentation de transformer le corps ou T’eil en un nouveau
sujet. Pour Lyotard il n'est pas question d'« admettre que toutes les actions
qui forment histoire, y compris celles des ceuvres, trouvent leur sens final
dans l'accomplissement d'un sujet universel» et il ajoute: «C'est Pidée
un tel sujet que les artistes modernes refusent » (4u juste, 23). Mais cette
déclaration, laquelle Merleau-Ponty pourrait souscrire — car s'il y a une
unité de l'art pour lui, elle n’est pas assurée par le pouvoir d’un sujet univer-
sel, mais par ranonymat « intime de toute expression a toute expression »
(S..91) — prend sa justification d'une tout autre maniére, par le primat
reconnu a expérimentation. On suggérera peut-étre que cette différence
TIF Byotard, Au juste, Christian Bourgis.
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