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22 Pace Duguesclin
22100 Dinan
Monsieur le Maire,
une nouvelle rue va voir le jour entre l’école de la Garaye et le parc du Comte de
la Garaye.
Je vous propose de l’appeler « Rue Marie Dagorne », avec le
mention « directrice de l’école maternelle de Dinan de 1903 à 1923 ».
En juin 1904, l’Inspecteur vient voir le travail de Mlle Dagorne dans sa classe et en tant que
directrice (Dossier personnel. Archives départementales). Il écrit : « 175 élèves… la discipline
est douce et familiale […] Les résultats obtenus sont très satisfaisants, je serais même tenté
de dire trop satisfaisants au point de vue enseignement s’entend parce que tous les élèves de
la classe lisent, écrivent très convenablement…Mlle Dagorne a fait un effort considérable
pour « s’acclimater » et on peut dire qu’elle a réussi et que le temps aidant, elle deviendra
une directrice d’école maternelle remarquable. »
Un peu plus loin, une autre remarque : « Le petit jardinet est bien tenu ». Dans sa conclusion,
l’Inspecteur dresse le bilan de cette première année de Mlle Dagorne :
« Laïcisée en septembre 1903, et dans des circonstances difficiles, l’école maternelle
compte aujourd’hui 175 élèves. Ce chiffre est éloquent. Ce succès dit assez combien Mlle
Dagorne a su inspirer de confiance aux familles. Par ses qualités et personnelles et
professionnelles, cette directrice a vite gagné la sympathie de la population dinannaise et
on peut dire qu’elle a réussi à faire oublier « Sœur Marie ». Tous mes compliments. »
Les 27 et 28 janvier 1914, l’Inspecteur vient évaluer le travail de Mlle Dagorne : « Mlle Dagorne est
une institutrice très dévouée et très consciencieuse. Elle dirige avec beaucoup d’autorité une
importante école et elle s’y fait aimer de tous. Son action continue et l’autorité dont elle fait preuve
sont dignes d’éloges. » (Dossier personnel M.Dagorne. Archives départementales).
Les rapports se suivent et se ressemblent….
Le rôle de Mlle Dagorne pendant la Première Guerre mondiale
Le début de la Grande Guerre
La guerre 1914-1918 est déclenchée et dès le début du conflit (9-08-1914 U.L), les institutrices de la
Garaye et des autres écoles du département, reçoivent les conseils de l’Inspecteur d’académie. Il
souhaite qu’elles offrent leur concours aux autorités civiles et militaires, qu’elles sacrifient leurs
vacances, qu’elles donnent un exemple de sang froid et de zèle patriotique. L’inspecteur termine
d’ailleurs par la formule : « Que chacun fasse son devoir et haut les cœurs ! »
Le conseil municipal prend de son côté des mesures pour les enfants au début de ce mois d’août:
création d’une crèche pour les enfants de moins de 10 ans « dont les pères sont partis à la guerre et
dont les mères iront aider à faire la moisson dans les campagnes ». La direction en sera assurée par le
docteur Ollivier. D’autre part, il y aura une distribution de lait par les soins du bureau de bienfaisance.
La solidarité
Les écoles sont donc impliquées dans ce conflit avec les moyens qui sont les leurs.
L’Inspecteur d’Académie adresse en cette fin d’année une « petite lettre aux écoliers des Côtes du
Nord pour les inviter à souscrire à l’emprunt national ».
Depuis un an, les volontaires donnent, déjà chaque mois, un sou. C’est le sou des écoliers des Côtes du
Nord. Mais il faut faire plus. « L’emprunt national » est lancé : « Pour soulager des misères nées de la
guerre, qui ont frappé des enfants comme vous, de pauvres orphelins, petits êtres, hier florissants, qui
avaient comme vous leurs papas et qui ne les ont plus…Une société s’est formée, très noble, très
ambitieuse dans son ardeur de faire le bien, celle de l’œuvre des pupilles de l’École Publique… »
Les enseignants et les enfants participent activement à la recherche de fonds nécessaires à son activité.
L’école maternelle verse un total de 30 francs pour l’emprunt National qui est enregistré à l’inspection
académique au mois de décembre.
L’association des pupilles va avoir un rôle important pendant cette guerre mais bien après aussi.
En mars 1923, l’Inspecteur écrit : « Elle a conservé l’activité de sa jeunesse, veille à tout et
dirige tout. Même les jours où elle n’est pas de service, elle ne peut s’empêcher de s’occuper
de son petit monde et tout le souci de la cantine et des repas lui incombe parce qu’elle tient à
ce qu’il en soit ainsi et cela n’a pas de fin… ».
Curieusement, l’Inspecteur revient quelques mois plus tard. Le rapport est daté du 28
novembre 1923, très peu de temps avant sa mort. Elle a 58 ans et 37 années de service. Ce
jour-là , 38 enfants sont présents pour 57 inscrits : « L’école voit son effectif remonter assez
rapidement ; elle comptait plus de 250 élèves en 1914 ; il y a un an, elle n’en comptait pas la
moitié. Actuellement elle atteint 150 et tout permet de penser qu’après Pâques on aura un
certain nombre de nouveaux.[…] Les inspectrices générales d’école maternelle viennent
régulièrement visiter l’école et depuis fort longtemps, la directrice par son zèle, sa volonté de
bien faire, son souci d’assimiler les directions données a toujours mérité et obtenu leurs
félicitations.
La cantine fonctionne régulièrement. Une cinquantaine d’enfants y mangent chaque jour une
bonne soupe chaude et des repas complets. La directrice en assure toute la charge avec le
concours des femmes de service payées un peu sommairement par la municipalité. Elle
surveille tout et suffit à tout. La tenue matérielle de l’établissement est irréprochable , l’ordre
et la propreté règnent partout. Les soins hygiéniques ne sont point négligés : chaque enfant a
son mouchoir, sa serviette et sa gamelle. Les passages aux lavabos et aux privés sont bien
surveillés.[…] La directrice garde pour elle une soixantaine de petits et, on ne peut dire
encore de quelle extraordinaire activité elle fait preuve et de combien elle s’en fait aimer.[…]
L’éducation physique, intellectuelle et morale est l’ouvre de tous les instants : mouvements,
jeux, évolutions, rondes, chants, exercices montessoriens, manipulations d’objets variés,
collections d’images dont on tire parti etc… Pas une minute de gaspillée, c’est de l’activité
continue ».
Enfin pour les rubriques « Moralité et tenue de l’institutrice » l’inspecteur a noté
« excellente », « rapports avec les autorités et les familles » : excellent et « considération dont
elle jouit » : excellente.
En conclusion : « Mlle Dagorne est toujours aussi active, aussi consciencieuse et dévouée que
par le passé…Elle continue à se tourner toute entière à sa tâche, à bien y réussir et à être
digne de tous les éloges. » ( Archives départementales).
L’inspecteur d’académie a même ajouté ses félicitations en bas du rapport à l’encre
rouge.
Documents
Courrier du 21 septembre
1903 adressée par la
nouvelle directrice, Mlle
Dagorne, à l’Inspecteur
d’Académie.
(Archives départementales.)
Cette dernière mention sur le décès permet de poursuivre les recherches car par les services de
l’état civil de la mairie de Plérin on peut obtenir le nom des héritiers. Les archives de la ville
de Dinan livrent eux aussi des éléments. En 1911, madame Dagorne mère habite avec sa fille
Marie, institutrice dans le logement de fonction de la Garaye. (Source : dossier des archives
de Dinan, Population, recensement 1911 n° 881)
Du côté de l’état civil de Dinan, on découvre qu’en fait ce n’est pas Mlle Marie Dagorne
qui a adopté Marie Briand. Mlle Dagorne a effectivement recueilli cette enfant qui a
vécu avec elle, et madame Dagorne mère, dans le logement de fonction de l’école de la
Garaye. Par contre, aucune démarche officielle d’adoption n’a été faite dans les années qui
suivent la guerre 14-18.
En 1921, on constate que 4 personnes vivent dans ce logement de l’école : Dagorne Marie
(institutrice), Briand Marie (née à Dinan, enfant adoptée, écolière), Dagorne Caroline (mère),
et Julie Bouland (née en 1872 à Vénérolles, amie réfugiée, employée dans une école).
Source : dossier des archives de Dinan, Population, recensement 1921, n° 880.
Le 21 décembre 1923, Mlle Dagorne meurt brutalement alors que la petite Marie Briand n’a
que 10 ans.
C’est donc madame Dagorne mère qui adopte l’enfant quelques années plus tard en 1928,
assurant ainsi Marie Briand de pouvoir hériter de certains biens. Madame Dagorne décède
trois ans plus tard le 20 mars 1931. Elle a pris avant cela de sages précautions comme cet
héritage ou l’assurance d’une concession perpétuelle pour la tombe où elle repose avec sa fille
au cimetière de Dinan
Les personnes mentionnées ci-dessus pourraient être associés à l’inauguration d’une rue
Marie Dagorne.
Richard Fortat