Ştefan Bolea
http://egophobia.ro/revista/?p=471
"... car ils ne savent pas ce qu’ils font." (Luc, 23, 34)
Dans l'opinion des auteurs, le dialogue entre la théologie et la science devrait sans doute
être de type Gestapo et un témoin silencieux. En d'autres termes, la science, si elle n’accepte
pas un rôle auxiliaire, elle doit réciter un poème appris par cœur, sinon, elle sera sévèrement
punie.
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exemple de peur: nous nous battons, mais nous ne rendons pas. Quel est le cauchemar de
l’Eglise Orthodoxe ? Un monologue "intra-scientifique», pour reprendre la lourde expression
des auteurs. Quel est son projet? Son rêve ? Un monologue théologique. (Sur les 10 auteurs
du volume, 5 sont des prêtres, un diacre et es autres quatre sont des scientifiques obscures.)
"Les Saints Pères affirment que l’homme n'est appelé à vivre pleinement la révélation
que par l’intermédiaire de Jésus Christ et de l’expérience ecclésiale " – nous disent les
« auteurs ». Je pense sincèrement que la vérité fait partie de la quête du travail scientifique. En
termes de l’herméneutique des Saints Pères (il me semble quelque peu étrange de prendre les
Saints Pères comme la référence majeure du 21e siècle), la science a accès seulement à une
micro-vérité, qu’elle ferait bien de la garder pour son usage exclusif.
Une note du Père Staniloaie, établie d'une manière Zeitgeist d’avant la période des
Lumières, nous apprend quid est veritas: ". Nous savons que ceux qui tiennent le monde
comme ultime vérité et prennent les ténèbres d’une culture athée pour la lumière vivent dans
l’illusion." Cet oxymoron ne dit pas grand-chose sur la vérité, mais il prêche l’intolérance à
l'égard de l'athéisme, destiné à l'obscurité éternelle.
Nous apprenons aussi que «la raison humaine s'arrête aux frontières ou aux limites de la
connaissance discursive», en nous expliquant que l'arrêt signifie ici, en premier lieu, de
reconnaître ses propres limites en toute honnêteté et de respecter le mystère et la Parole de
Dieu, et non pas non pas de risquer l’aventure des spéculations, avec une audace excessive,
sur ce qui dépasse les possibilités de compréhension, comme, par exemple, le mystère de la
Trinité dans la théologie, le mystère de la création du monde à partir du rien, ou l'origine du
monde dans la cosmologie, le début de la vie en matière de bioéthique, ou le secret du siècle à
venir ".
2
Arrêtons-nous donc et jetons à la poubelle, avec grandiloquence et d’une manière
pédante, la physique, la biologie et la philosophie, car - n’est-ce pas ? - c’est ainsi que nous
dicte de faire "la raison humaine".
Basarab Nicolescu, dans son livre sur Böhme3, a fait remarquer qu'il a été considéré par
certains comme "hérétique". Pour l’Église Orthodoxe les siècles ne se sont pas écoulés et "le
dialogue entre la théologie orthodoxe et la science ne peut pas être porté sur le contexte d'un
mode de pensée hérétique». Probablement un Galilée, né aujourd'hui dans l'espace roumain,
aurait le destin d’un Julien l’Apostate. Probablement même Bosch serait aujourd'hui
hérétique, et ses œuvres seraient éliminés du Prado.
3
Basarab Nicolescu, L'homme et le sens de l'Univers - Essai sur Jakob Boehme, Le Félin - Philippe Lebaud,
3
Même si l’on ironise la calomnie opérée par les auteurs, elle a un soubassement
confus, acide et insidieux. "Le manque de discernement théologique, tentative
d’empoisonnement, « théologie déchue » - nous disent les « auteurs ». Il manque encore
d’affirmer que Böhme était un sataniste… Les auteurs suggèrent toutefois, par une vague
allusion à un livre d’Alain Besançon4, que Böhme a été pré-léniniste, pré-Lumières et a voulu
«instaurer le Reich» (je ne peux même pas concevoir comment comprendre cette référence).
Ce sont des graves allégations non prouvées, mais l'hérétique est condamné au silence, n’est-
ce pas?
Avec Jean-Yves Leloup5, qui, à la suite de Sartre, affirme que « si un homme est
condamné à être libre signifie qu'il est condamné à interpréter », nous nous trouverons, selon
les auteurs « ...dans l'obscurité du territoire de la justification d'un hérétique ». Notez le
langage mystérieux de roman policier de celui qui a trouvé depuis longtemps le coupable,
mais il feint de s’étonner. Leloup, qui milite pour «la possibilité du christianisme à devenir
adulte», ne savait pas que les auteurs ont fait le serment de rester dans l’état de minorité.
L’auteur français contemporain offre, selon les auteurs, " une approche maladive et
corruptrice". Donc, en relisant ses textes à nouveau, nous devons être conscients que nous
avons à faire au Marquis de Sade, et non pas à une personne ouverte et tolérante.
De la pluralité complexe et l’unité ouverte, deux des attributs de la transdisciplinarité,
on saute brusquement à la théorie popperienne de la vérité non-manifeste. Selon la citation de
Horia-Roman Patapievici6, cette théorie pourrait se résumer ainsi: « L’homme ne vit pas dans
un monde rempli de certitudes mais de doutes… ". Un principe de bon sens, qui peut être
empiriquement confirmé. Les auteurs pensent autrement: Nicolescu, Patapievici et Popper (la
compagnie est illustre, mais la connexion entre eux n’est pas très claire) seront tempérés par
des citations de l'Evangile. La théologie en dialogue est sourde et elle serait contente si
l'adversaire était muet.
Les auteurs nous offrent aussi des échantillons d'humour involontaire: « On rappelle
ici le fameux propos selon lequel ce serait la télévision qui aurait engendré le
postmodernisme… ». Ces propos sont si bien connus que personne ne les a entendus. Peut-
être il s’agit d’une blague interne, ecclésiale.
Enfin, nous apprenons que « l’option fait partie intégrante de l’être humain » (principe
d’ailleurs de l’existentialisme mais qui n’a aucun lien avec le postulat de « purification de
4
Alain Besançon, Les origines intellectuelles du léninisme, Gallimard, Collection Tel, Paris, 1996.
5
Jean – Yves Leloup, Les Profondeurs oubliées du christianisme – Entretiens avec Karin Andréa de Guise,
Editions du Relié, Gordes, France, 2007.
6
Directeur de l’Institut Culturel Roumain.
4
l’âme ») et que « Le psychique de l’homme rejette l’état de blocage en non-option, en doute
incessant ».
Quelles sont donc les options de ce dialogue entre la science et la religion, où la
science n’a pas à dire un mot sans être mise à sa place? Si vous croyez que ce que nous
disons, vous êtes un Taliban. Si non, un hérétique comme Böhme, Leloup et Nicolescu.
Difficile choix…
Le Taliban roumain trace la ligne de démarcation: « …les orthodoxes pensent qu’il y a
une seule Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, c'est-à-dire l'Église Orthodoxe. »
J'ai cru entendre Etienne-le-Grand (devenu, plus tard, Saint-) dans le film de Mircea Dragan
ou plus près de nous, Ceausescu.
Soyons stoïques et écoutons Saint Paissios quand il dit à propos de l’homme : « la
science le bouleverse autant sinon plus qu'elle n’aide … ». Si vous voulez des tranquillisants,
vous savez donc à qui faire appel.
En conclusion, soulignons que les dix auteurs plus le coordonnateur signent
l’introduction par l’expression ambiguë "auteurs". Il faudrait mieux la signer « La Légion
Spéciale ». Mon hypothèse neutre est que l'un des onze « auteurs » a reçu l’ordre d’improviser
l'exécution de type stalinien de la transdisciplinarité, et qui, après avoir rempli sa mission,
honteux et dans un excès de lâcheté, s’est caché sous un grégaire « auteurs », afin d'éviter
toute responsabilité.
Qui est le coupable? Les « auteurs ». Qui? Cela ne compte pas, car c’est écrit à 22
mains ...