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EXERCICES DE STYLE
Récriture de deux anecdotes aux contraintes grammaticales à
la façon de Raymond Queneau
Notre « langue belle » comme l’a appelée Yves Duteil, est teintée de
nombreuses subtilités qui controversent beaucoup de gens. Marc Wilmet est l’une
de ces personnes qui a décidé de publier ses idées sur bon nombre de
problématiques linguistiques dans un ouvrage intitulé Grammaire critique du
français. C’est donc en nous référant de manière fréquente et explicite à cet
ouvrage, ainsi qu’en nous basant sur deux mêmes anecdotes récrites, que nous
allons tenter d’observer les règles de quantifiants aux mystérieux noms de
bipolaires et de caractérisants personnels…
2
I. Les quantifiants bipolaires
I. 1. Avant-propos
3
I.3. Observation des quantifiants bipolaires parsemés dans l’anecdote
[1] [...] un peintre nommé André rafraîchit les couleurs de la façade d’une
habitation [...]
[2] Le pinceau à la main [...]
[3] [...], il rythme par un sifflement les va-et-vient des poils [...]
[4] [...] fait choir le pot dans les airs.
[5] [...] un homme [...] lève la tête et aperçoit l’objet en chute libre.
[6] Voulant échapper à la catastrophe [...]
[7] [...] il s’élance avec courage d’un coup sur le lieu de la tragédie prochaine
[...]
[8] [...] les yeux braqués sur son journal.
[9] Le pot arrive à vive allure [...]
[10] [...] termine sa course entre les mains du nouveau héros.
[11] [...] ce n’étaient que les tartines du peintre qu’il avait secourues.
[12] L’être humain étonnera toujours.
4
C’est ce que Marc Wilmet appelle « l’extensivité extensive 1=1 » (§ 142).
Illustrons ceci par la phrase [9] : l’ensemble ne comprend au total qu’un seul pot
de peinture ; c’est un objet unique, un singleton. Le rapport par conséquent de
l’ensemble – l’extension – et de la quantité qu’il contient – l’extensité – définit
une extensivité 1=1.
C’est ici que se démarque la phrase [12]. Puisque pour chacune des
illustrations précédentes il existe un rapport de 1 à 1, il n’en existe qu’un de t à t
dans la phrase « L’être humain étonnera toujours ». En effet, l’ensemble des êtres
humains comprend plus qu’un seul élément puisque nous ne sommes pas seuls sur
terre. Il détient donc autant d’éléments qu’il existe d’hommes, c’est-à-dire un
nombre t. Ainsi, nous avons affaire à « une extensivité extensive t = t » comme
l’explique le paragraphe 142 de la Grammaire critique.
Ceci dit, nous pouvons toutefois affirmer que chacune de ces formes
possède un nombre de caractéristiques communes qui définissent ce type de
quantifiant bipolaire et qui, de fait, les opposent aux autres. Marc Wilmet les
compte au nombre de deux (§ 154) et opère une nouvelle dichotomie : bien que
tous ces quantifiants aient une extensivité extensive, nous l’avons vu, il sépare le-
la de les. La phrase [1] (« les couleurs ») a sa restitution « discontinue » alors que
la phrase [2] (« le pinceau ») l’a « continue ». En effet, « […] le singulier et le
pluriel confrontent une vision d’un seul tenant ou continue et une vision morcelée
ou discontinue » (§ 57).
5
écrire un pot au lieu de le pot (phrase 5) si toutefois il n’y avait pas de différence
exprimée. Mais tel n’est pas le cas ; change la référence à l’ensemble. Un pot se
réfère aux autres pots de peinture, le pot se réfère, lui, aux autres objets qui
entourent le peintre (tant un pinceau que son échafaudage ou autre chose encore).
La phrase [10] illustre en revanche parfaitement l’incommutativité occasionnelle.
S’il est tout à fait correct de parler des mains de quelqu’un, dans cet exemple-ci, la
sémantique de la phrase exige qu’il n’y ait qu’un quantifiant extensif discontinu
qui puisse prendre place devant le nom « mains ». En effet,
sont totalement proscrits au niveau du sens. Toutefois ces quantifiants sont admis
dans d’autres phrases, telles :
[13] Dans une rue passante à une heure où beaucoup de gens circulent [...]
[14] [...] un peintre nommé André rafraîchit les couleurs de la façade d’une
habitation, [...]
[15] [...] perché sur un échafaudage.
[16] [...] il rythme par un sifflement les va-et-vient des poils [...]
[17] [...] quand soudain un geste un peu plus gauche
[18] [...] car un homme n’est pas toujours adroit [...]
[19] En bas, un homme qui fume du tabac lève la tête [...]
[20] [...] il s’élance avec courage d’un coup sur le lieu de la tragédie
prochaine [...]
[21] [...] renverse au passage la plupart des passants, notamment une vieille
tenant un chien en laisse, ainsi qu’un fonctionnaire [...]
[22] Le pot arrive à vive allure et, non sans avoir manqué de déverser son
contenu sur une maman et son fils [...]
Notons que nous avons délibérément omis tous les petits mots des sur
lesquels nous reviendrons ultérieurement. Les quantifiants restants sont eux aussi
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unis par des caractéristiques, allant au nombre de trois : tous sont partitifs,
numératifs et enfin continus. Observons ces trois aspects plus en détail.
S’ils sont effectivement partitifs, cela signifie que chacun de ces articles
expriment une notion de quantité, non globale mais partielle. « Le partitif
numératif continu un (une) annonce un résidu d’extension […], lui ouvre à tout le
moins carrière […] » nous révèle Marc Wilmet au paragraphe 158. Prenons pour
exemple la phrase 13 : « Dans une rue passante à une heure où beaucoup de gens
circulent [...] », il s’agit bien d’une seule rue, bien que cette dernière suggère une
extension plus large : un ensemble d’autres rues. Le quantifiant ci-dessus est donc
caractérisé par une extensivité partitive : une rue (extensité individuelle) se
détache d’un lot de rues qui constitue « l’extension collective » (§ 142). Nous
rejoignons ainsi Marc Wilmet sur ce qu’il énonce au paragraphe 154 et pouvons
définir le quantifiant un comme étant un article partitif.
Marc Wilmet ajoute à ce même passage que les quantifiants un-une sont
par ailleurs numératifs. Nous en avons déjà eu un avant-goût en détaillant la
partitivité, concept étroitement lié à celui-ci. Si l’on se réfère à l’article 152 de la
Grammaire critique, nous comprenons que le numératif s’oppose au massif d’une
chose. La phrase 14 « [...] un peintre nommé André rafraîchit les couleurs de la
façade d’une habitation, [...] » illustre bien le propos ; un-une isole les éléments
concernés, à savoir respectivement un peintre et une habitation.
Enfin, il est question de continuité. Ce concept n’est plus à détailler
puisque nous l’avons déjà abordé préalablement. Il suffit de se reporter à la
section des quantifiants le-la.
7
l’extensivité était partitive, il s’agit dans la présente de la formule suivante :
« 1 × n => t », que Marc Wilmet traduit peu après par « multipli[cation de]
l’extensité individuelle de [homme] autant de fois que nécessaire pour accéder à
l’extensité collective maximale » (§ 143). Autrement dit, ne change dans cette
phrase que le nombre d’éléments pris : alors que nous n’en isolions qu’un seul
précédemment, nous les dissocions maintenant tous un à un.
Pour chacun de ces trois exemples, l’on constate que l’extensité n > 1
exprimée par les adverbes introducteurs se répercute automatiquement sur
l’extensité du nom qu’ils accompagnent. Ainsi, l’on obtient la formule
« ( 1 + 1 + 1 + 1 + … = n < t ) » (§ 158, 163) qui montre explicitement
l’augmentation de l’extensivité subie.
Nous remarquons par ailleurs que ces trois adverbes de quantités ont un
impact important sur le quantifiant qui les succède, du moins pour deux des trois.
Bien que nous ne nous attarderons pas longuement sur le sujet – car ils relèvent
majoritairement des quantifiants stricts et non bipolaires – il nous semble légitime
d’observer ce phénomène qui nous mènera à considérer d’autres bipolaires par la
8
suite. Si l’on reprend ces mêmes phrases sans leur indicateur de quantité, nous
obtenons :
Pour les énoncés 26 et 28, les quantifiants de sont devenus des. Il s’est
produit un phénomène « d’alternance de la quantification de + ф et de la
quantification de + le, la, les » (Wilmet, § 188), où de + ф associe une préposition
et un article zéro, et de + le, la, les deux articles (§ 186). Cette observation
justifie le des survenus dans ces deux cas. Mais qu’en est-il alors de la phrase 27 ?
Il s’est aussi produit un changement, même s’il ne paraît pas. Dans la plupart des,
des provient de la contraction de de + les, où de a la nature de préposition. En
revanche, celui de l’énoncé 27 n’est autre que la contraction de les avec l’article
de. Ainsi, deux nouveaux principes se dégagent, à savoir d’une part l’association
de deux bipolaires entre eux, et d’autre part la distinction qu’il faut opérer entre de
préposition et article (§ 165-170).
9
Soulignons toutefois que la préposition de n’entre pas en ligne de compte, car il
ne s’agit non plus d’une combinaison mais d’une simple contraction, voire même
d’une élision, avec un article, comme le prouve ces exemples :
où André a une extensité et une extension qui valent toutes deux 1, « d’où la
constante 1/1 = 1 (extensité extensive) » (§ 173). Par conséquent, toute rupture
tant au niveau de l’extensité que de l’extension mais encore de l’extensivité
1/1 = 1, entrainera l’apparition d’un quantifiant, puisque l’équilibre sera rompu.
Marc Wilmet nous en donne la preuve dans sa Grammaire critique aux
paragraphes 174 à 176.
10
[33] [...] il s’élance avec courage [...]
[34] [...] ainsi qu’un fonctionnaire qui ne se rend pas compte de
l’événement [...]
S’il est vrai que de prime abord ils n’ont de commun que le premier terme
de leur appellation – quantifiants –, leur ressemblance s’étend bien au-delà. En
effet, eux aussi sont le fruit d’une combinaison entre deux termes : un
caractérisant + le quantifiant le (la). Dans l’énoncé « une maman et son fils »,
énoncé repris à l’anecdote susmentionnée, son provient de l’association des
quantifiants son et le. À supposer que ceci soit correct, il serait alors possible de
trouver une phrase dans laquelle s’associeraient son et la. N’est-ce pas ce que
nous obtenons dans « [le pot] termine sa course entre les mains du nouveau
héros » ? L’hypothèse qu’il existe bel et bien des « quantifiants bipolaires à
caractérisation personnelle » semble être justifiée, et c’est pourquoi nous ne
pouvions les taire dans le présent travail.
1
Les seules que nous puissions trouver dans la Grammaire critique sont « sémantiquement
parlant, les "possessifs atones" […] associent un article LE à une caractérisation personnelle […] »
(§ 274) et cette phrase qui commence le paragraphe 276 : « Mon, ton, son, etc. sont des
déterminants extensifs (i.e. d’extensivité extensive […] ».
11
est un extensif continu, les en revanche est un extensif discontinu ; si un est un
partitif numératif continu, de n’est qu’un partitif massif. La richesse de ces
quantifiants provient de la variabilité de leur extensivité et de leur éventuelle
combinaison entre de et un autre quantifiant bipolaire, dont nous trouvons échos
chez les quantifiants-caractérisants personnels.
12
II. Les quantifiants-caractérisants personnels
P
SN
SN SP
Dét GN P SN
N Adj Dét GN
N SP
P N
Une rue passante à son heure d' affluence
2
Cette récriture vise uniquement la facilité du commentaire qui s’ensuivra.
13
P1
SN *P2 SV
Dét N SN V SP SN
Dét GN P SN Dét GN
N SP Dét N N SP
Prép Pron P SN
Dét N
Un peintre un cousin à moi ravive sur son échafaudage les couleurs d' une façade
P1 C P2
SN SV SV
Pr V S Adj V SP
Adj SN SP SN
N SN P SN Dét SN
N SP Dét N N SP
P SN P N
Dét N
Il émet quelques sons témoins de sa gaieté et tapote d(es) (d)es pieds ses planches de métal
P1 C
S Adv SN SV
Adv Dét N V SN
Dét GN
N Adj
Soudain notre peintre exécute un mouvement gauche et
14
P2
SV
SV SN SP
Pr. réflexif V Dét N Prép SN SR
N SP R S adv SV
P N Adv V SP
P SN
Dét N
se cogne le coude au pot de peinture qui immédiatement vole dans les airs
P1
SP SN SV
P SN Dét GN V SN
Dét N Adj N SN SP
Dét N P SN
Dét N
Sur le trottoir un jeune homme prend ses jambes à son cou
C P2 P3
SV SV
V V SP SN
P SN SN C SN
Dét N Dét N Dét N
et s'élance écarte de son chemin une grand-mère et son chien
15
P4
SV
V SN
SN SP
Dét N Prép SN
N S Adj
Adj SP
Prép SN
Dét N
renverse un individu au visage dissimulé derrière son journal
P1 C P2
SN SV SV
Dét N V SP SN V
Prép SN Pr
Dét N
Le héros bondit sur sa proie et l' attrape
P3
SV
SV S Adv SP
V Adv Prép SN
N SP
Prép SN
SN C SP
Dét N Prép SN
Dét N
a volé entretemps au secours d' une dame et de son enfant
16
P4
Nég. SN C S Adv SN
Dét N Adv Pron. SP
Prép SN
Dét N
- non le sien mais bien celui de la dame -
P5 C P6
SV S adj SV
V SN Adj SP V SP SN
Dét N Prép N Prép SN Dét GN
Dét GN N SP
Adj N Prép N
achève sa course jonché au sol mais tient de ses dix doigts le pot de peinture
P1 C P2
SN SV SV
Dét N V SN SP V SP
Dét N Prép SN Prép SN
Dét N Dét N
Le sauveur jette un œil sur sa prise et s'étonne de son contenu
17
P
SN
Dét GN
N SP
Prép N
le casse-croûte du peintre
18
aux langues germaniques » (§ 274, rem., 2). Ainsi, « son » se rapporte à « heure »
et a pour possesseur le terme « rue ». Subsiste toutefois une difficulté : bien que
« heure » soit féminin, « son » est pourtant de genre masculin. En effet, au
féminin singulier, on emploie mon, ton, son devant une voyelle ou un h muet ;
Marc Wilmet ne s’y attarde pas.
19
l’association réajustée entre un et mien, « un mien cousin » (§ 276) n’étant pas
français.
P1
SN *P2
Dét N SN
Dét GN
N SP
Prép Pron
« Ravive sur son échafaudage » : « son » (son + le) détermine cette fois le
nom « échafaudage » et marque à priori l’appartenance de la structure au peintre.
Mais est-ce vraiment le cas ? Après quelques instants plane comme un doute. Cet
échafaudage peut très bien appartenir à une firme dont le peintre est l’un des
employés. L’appartenance serait alors indirecte, voire inexistante. Cette notion de
possession est à prendre avec des pincettes, Marc Wilmet n’a pas manqué de le
souligner :
20
c’est-à-dire le peintre, il subsiste toutefois ici une particularité encore jamais
rencontrée dans le cadre de ce second exercice. En effet, contrairement à tous les
cas observés jusqu’à présent, le remplacement de « sa » par une voire la demeure
impossible. Nous aurions pu avoir :
« […] et tapote même des pieds […] ». Bien que n’ayant pas les
apparences d’un quantifiant-caractérisant personnel, « des » doit tout de même
faire l’objet d’une attention particulière. Marc Wilmet relève que les « parties du
corps [sont] suffisamment personnalisées par le contexte » et n’ont de fait besoin
que d’une « détermination non personnelle » (§ 274,1). Ceci explique la présence
du des et non d’un ses que nous pourrions tout de même surprendre chez l’un ou
l’autre locuteur distrait. Pourtant, « des » n’attend qu’un adjectif pour se changer
en ses. Observons : « […] et tapote même de son pied gauche […] ». « Seul un
adjectif, démultipliant le nom […], peut distendre le rapport "d’appartenance
inaliénable" » confirme Marc Wilmet 3 (§ 274,1). La détermination supplémentaire
3
A.-M. Spanoghe, La syntaxe de l’appartenance inaliénable en français, en espagnol et en
portugais, cité par Marc Wilmet, Grammaire critique du français moderne, 3ème édition,
Bruxelles, Duculot, 2003, p. 242.
21
qu’apporte « gauche » cible avec précision l’un des deux pieds et il devient alors
utile de mentionner le quantifiant-caractérisant, quoique « du pied gauche » est
également plausible.
P2
SV--- S Adv --- SV
V Adv SP
SP SN
P SN Dét SN
Dét N N SP
P N
22
« […] ses planches de métal […] » : le possessif « ses » résulte à nouveau
d’une combinaison – son + les –, et renvoie encore à ce même « il »,
pronominalisation du peintre. Que le déterminant soit de genre contraire au
pronom auquel il renvoie, ne nous étonne plus, et nous observons ici que cette
règle s’applique aussi au nombre.
« Sur le trottoir, un jeune homme prend ses jambes à son cou […] ». La
présence de ces deux quantifiants-caractérisants apparaît comme une contradiction
avec ce que nous avons observé auparavant. En réalité, ce cas n’est pas
entièrement similaire. « La repersonnalisation demande toujours "une bonne
raison" », écrit Marc Wilmet (§ 274,1). Il serait en effet impossible d’obtenir :
23
- *un jeune homme prend les jambes à le / au cou
ou encore
Cet énoncé ne prend donc du sens qu’en présence des deux quantifiants-
caractérisants personnels, même s’ils se réfèrent tous deux au même individu.
« […] écarte de son chemin une grand-mère et son chien ». Ces deux
adjectifs possessifs, parfaitement identiques en apparence, comportent néanmoins
une légère différence, au niveau des possesseurs. Alors que le premier « son »
renvoie au « jeune homme » mentionné peu avant, le second réfère à la « grand-
mère ». Dans cette phrase, chaque adjectif marque l’appartenance mais il n’y a
plus lieu de répéter que tel n’est pas toujours le cas (§ 275).
24
« […] a volé entretemps au secours d’une dame et de son enfant ». « Son
enfant » fait ici l’objet d’une ambiguïté sémantique : il pourrait aussi bien s’agir
de l’enfant de la « dame » que celui du « héros ». Il est impossible de tout à fait
trancher si l’auteur de l’anecdote ne nous donne plus d’indications à ce sujet ; le
lecteur ne peut que supposer. C’est ici qu’intervient « l’analyse en constituants
immédiats » (§ 41) qu’offre la récriture en boîtes de l’anecdote. Cette structure a
l’avantage d’analyser chacun des éléments constitutifs de la phrase.
Reproduisons-la par facilité.
P3
SV
SV S Adv SP
V Adv Prép SN
N SP
Prép SN
SN C SP
Dét N Prép SN
Dét N
a volé entretemps au secours d' une dame et de son enfant
P3
SV
SV S Adv SP
V Adv Prép SN
N SP
SP C SP
Prép SN Prép SN
Dét N Dét N
a volé entretemps au secours d' une dame et de son enfant
25
que coordonnés par « et » ; rien indique que cet enfant soit lié d’une manière ou
d’une autre à la dame.
Ce problème d’ambiguïté peut être résolu d’une autre façon, par une incise
par exemple telle « – non le sien mais bien celui de la dame – ». « Le sien » n’est
plus un déterminant mais un pronom possessif ; composé de deux termes, ce
pronom suscite des controverses. Warnant propose la décomposition de le sien en
le (pronom) et sien (adjectif), Marc Wilmet objecte : « le sien […] pronominalise
les deux parties constitutives du quantifiant-caractérisant personnel […] son […],
décomposable en article le (la, les) + caractérisant personnel […] sien […] »
(§ 320). Cette seconde hypothèse semble préférable puisqu’elle résout le
problème du pronom le en position sujet. – En effet, les bipolaires le, la, les ne
peuvent être pronominalisés et simultanément se trouver en position sujet (§ 304).
S’il était aisé d’ajouter une incise comme nous venons de le voir, l’on peut
être amené à se demander si la récriture en boîtes était tellement utile. Elle
recouvre en réalité un avantage dont ne dispose pas un texte linéaire : « [chacun
26
des] segments de l’énoncé […] entretiennent deux types de rapports, que mettent
en lumière (1) leur combinaison dans un plan horizontal et (2) leur commutation
dans un plan vertical » (§ 45). Marc Wilmet clarifie en expliquant que « (1)
horizontalement, [se créent] des rapports in praesentia ou syntagmatiques, à la
source des fonctions / (2) verticalement, [se génèrent] des rapports in absentia ou
paradigmatiques, à la source des natures. » (§ 45).
« […] mais tient de ses dix doigts le pot de peinture ». Alors qu’en
principe les « parties du corps » (§ 274) n’ont pas besoin d’adjectifs possessifs qui
les déterminent, ce cas apparaît comme un paradoxe, mais il ne constitue pas pour
autant une « exception ». « La repersonnalisation demande toujours une "bonne
raison" », écrit Marc Wilmet dans la Grammaire critique (§ 274,1). Il faut donc
chercher la raison de cette apparition soudaine du possessif. L’explication est
évidente : cette construction est tombée dans le domaine de l’expression française.
Elle revient à dire que le « héros » (le possesseur de « ses ») tient fermement le
pot de ses mains.
27
l’achèvement de sa quête. Par conséquent, la aurait été moins efficace pour
exprimer ce que nous venons de dire.
28
Conclusion
Ainsi, nous avons vu tant dans le domaine des quantifiants bipolaires que
dans celui des quantifiants-caractérisants personnels que le déterminant faisait
toujours l’objet d’un choix judicieux de la part de l’auteur, selon le message qu’il
tente de faire passer à son lecteur. Mais en final, il appartient – et appartiendra
toujours – à l’auteur d’un récit d’écrire ce que bon lui semble. S’il préfère des à
ses, ou la à sa, il est seul maître à bord et dirige son navire en bon capitaine. Marc
Wilmet semble en faire l’aveu : « les usagers conservent plus d’autonomie que les
grammairiens ne l’avouent » … (§ 274,1)
29
Bibliographie
- Id., Guide pour la présentation des travaux écrits, Bruxelles, PUB, 2006, 35 p.
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Table des matières
Introduction ........................................................................................................ 2
I. Les quantifiants bipolaires ............................................................................. 3
I.1. Avant-propos ................................................................................................. 3
I.2. Récriture de l’anecdote .................................................................................. 3
I.3. Observation des quantifiants bipolaires parsemés dans l’anecdote ............... 4
Conclusion ........................................................................................................... 29
Bibliographie ...................................................................................................... 30
Table des matières .............................................................................................. 31
31