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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de philosophie et lettres


Langues et littératures françaises et romanes

LA FEMINISATION
Vue par Hubertine Auclert, Benoîte Groult et Anne-Marie
Houdebine-Gravaud

GENSTERBLUM Marie Travail réalisé dans le cadre du cours :


NOTEBOOM Melissa Grammaire descriptive II
(Roma-B-304)

ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008


1. Introduction
Le débat sur la féminisation des noms a traversé l’histoire par
l’intermédiaire des voix de grammairiens, de linguistes. Cependant, il s’agit
essentiellement d’une revendication de femmes. C’est à des époques différentes,
avec des moyens différents, que des femmes, de la linguiste à l’écrivaine, ont
œuvré pour une reconnaissance de leur statut dans la langue.

Dans ce travail, nous allons nous focaliser sur les personnages que sont
Hubertine Auclert, Benoîte Groult et Anne-Marie Houdebine-Gravaud. Nous
tenterons de mettre en évidence leur intérêt pour ce débat, ainsi que leurs actions
afin de souligner ce qui les rapproche et ce qui les éloigne les unes des autres.

2
2. Hubertine Auclert
2.1. Biographie

Hubertine Auclert est née le 10 avril 1848 dans une famille dont les
valeurs étaient fondées sur celles des Lumières et de la République. Son milieu
familial éclairé lui a permis de devenir une féministe active dans un siècle où le
rôle des femmes était essentiellement celui de maîtresse de maison (Auba, 2007)1.
« Elle a été une des premières, des plus actives et des plus originales féministes»
(Auba, 2007).

En 1872, elle s’installe à Paris où elle rencontre les dirigeants de


l’Association pour les droits des femmes : Maria Deraismes et Léon Richer. Son
action fut déclenchée la même année par le premier grand meeting pour
l’émancipation des femmes françaises à Paris (Auba, 2007).

Hubertine Auclert a fondé le journal « La Citoyenne », qui parut pour la


première fois le 13 février 1881 et qui fut édité jusqu’en 1891. Dans ce journal,
elle plaide la cause des femmes. Elle est assistée par d’autres importantes
féministes de l’époque telles que Marie Bashkirtseff et Séverine (Daix, 23 janvier
2007).

L’essentiel, pour Hubertine Auclert, est d’obtenir le droit de vote pour les
femmes. En effet, elle estime que la détention de ce droit est la condition
indispensable pour résoudre les problèmes des femmes. Elle réclame également
que la moitié des sièges à la Chambre soit réservée aux femmes, car « aussi
longtemps qu’elles [les femmes] seront absentes de la législature, malheur à elles,
malheur aux femmes : elles seront sacrifiées » (Auclert, 8 mai 1881, cité par
Taïeb, 1982 : 115).

1
Les références des sites web sont notées au sein du texte sous la forme : nom de l'auteur et date
de la mise à jour. Les références complètes se trouvent dans la bibliographie, afin d'alléger la
mise en page et de faciliter la lecture.

3
Pour faire valoir les droits des femmes, elle a créé plusieurs sociétés: « La
société du droit des femmes » en 1876, qui prendra finalement le nom de
«Suffrage des femmes » en 1883, ainsi que « Le secrétariat des femmes » en 1892
(Auba, 2007).

Elle lutte quotidiennement pour améliorer la condition des femmes (Auba,


2007). Ainsi, elle demande le développement de l’instruction des filles (loi votée
par les Chambres), le régime de la séparation des biens (en 1883, la loi a autorisé
le divorce), l’obligation de mettre des sièges à disposition des vendeuses (adoptée
par le Parlement en 1900), le droit à la retraite pour les ménagères et le droit pour
les femmes d’élire les conseillers prud’hommes (ce qu’elle obtient en 1907 et en
1908 les femmes devinrent éligibles à ce conseil) (Auba, 2007). En 1910, elle se
présente illégalement aux élections législatives et recueille 590 voix sur 10 000
votants (Auba, 2007).

Elle meurt en 1914 sans avoir vu l’aboutissement de toutes ses luttes : la


loi autorisant les femmes à voter, à l’égal des hommes. « Jusqu’au bout elle aura
lutté pour que la femme soit élevée à la dignité de citoyenne » (Auba, 2007).

2.2. La féminisation

Dans le cadre de ses réclamations féministes, Hubertine Auclert appelle à


des changements dans la langue pour que la femme devienne, dans ce domaine
aussi, l’égale de l’homme. Ainsi elle estime que « la féminisation des noms de
notre langue importe plus que la réforme de l’orthographe » (Niedzwiecki, 2000 :
47). Elle ne se plaint pas uniquement du fait que les noms ne possèdent pas de
forme féminine, elle proteste aussi contre cette tradition qui veut que les femmes
portent le nom de leur mari et elle s’insurge contre « cette ridicule distinction
entre madame et mademoiselle» (Auba, 2007).

4
Hubertine Auclert exprime à travers ses articles le fait que
« l’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée» (Auclert, 18 avril
1898, cité par Taïeb, 1982 : 16). En effet, « la féminisation de la langue est
urgente, puisque pour exprimer la qualité que quelques droits conquis donnent à la
femme, il n’y a pas de mots» (Auclert, 18 avril 1898, cité par Taïeb, 1982 : 16).
Les mœurs évoluent de telle manière que les fonctions, jusque là exercées par des
hommes, deviennent accessibles aux femmes, et il n’existe pas de mot pour les
désigner. « On ne sait pas si l’on doit dire : "une témoin ? Une électeure ou une
électrice ? Une avocat ou une avocate ? […]" En mettant au point la langue, on
rectifierait les usages, dans le sens de l’égalité des deux sexes» (Auclert, 18 avril
1898, cité par Taïeb 1982 : 17).

Elle invite les usagers à adopter la forme de leur choix pour féminiser un
mot qui n’avait, jusqu’alors, pas de féminin, pour l’ancrer dans la langue à force
de répétitions (Auclert, 18 avril 1898, cité par Taïeb, 1982 : 16).

Quand on lui propose de créer une Académie française des femmes,


Hubertine Auclert réplique que « mieux vaut pour les femmes forcer les portes de
l’Académie masculine que de créer une Académie rivale» (Auclert, 18 avril 1898,
cité par Taïeb, 1982 : 15).

« Une élite féminine pourrait […] constituer une Assemblée pour féminiser les
mots de notre langue, rectifier et compléter le dictionnaire, faire enfin que le
genre masculin ne soit plus regardé, dans la grammaire, comme le genre le plus
noble »
(Auclert 18 avril 1898, cité par Taïeb 1982 : 16).

Étant donné que son combat est essentiellement axé sur les droits des
femmes, elle s’élève contre l’emploi essentiel du masculin dans le dictionnaire
parce que « l’omission du féminin dans le dictionnaire contribue plus qu’on ne
croit à l’omission du féminin dans le code (côté des droits)» (Auclert, 18 avril
1898, cité par Taïeb, 1982 : 16).

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Nous remarquons ainsi que cette féministe de la fin du XIXe siècle fut une
des premières à proposer la féminisation de la langue avec, pour but, l’égalité des
sexes. Ses propositions et réclamations quant à la féminisation ne seront étudiées
qu’à partir de 1960 par des linguistes féministes (Niedzwiecki, 2000 : 74).

2.3. Concrètement

Hubertine Auclert a proposé de nouveaux mots, soit pour mettre hommes


et femmes sur un pied d’égalité, soit pour accuser la domination masculine. Elle
invente le mot gunéphage, créé sur antropophage : les hommes sont des mangeurs
de femmes (Auba 2007) et le terme composé « hommes-filles », désignant les
hommes qui occupent dans la société un métier qu’une femme pourrait exercer
(Auclert, 06 août, 3 septembre 1882, cité par Taïeb, 1982 : 53).

6
3. Benoîte Groult

3.1. Biographie

Née à Paris en 1920, Benoîte Groult grandit dans un milieu bourgeois et


artistique : ses parents fréquentent des peintres et des écrivains tels que Picasso,
ou Paul Morand. Après des études classiques puis une Licence ès Lettres, latin,
grec et philologie, elle enseigne pendant trois ans avant de se tourner vers le
journalisme (ELLE, Marie-Claire) et l’écriture. En 1958, elle publie son premier
roman (Journal à quatre mains publié chez Grasset) en collaboration avec sa sœur
Flora (Annuaire au féminin mai 2007).

Peu après la révolution de 68, où « chaque femme s’était mise à espérer


que l’égalité allait enfin s’inscrire au quotidien […] » (Groult, novembre 2007),
elle prend conscience de la situation de la femme. Elle publie alors, en 1975, Ainsi
soit-elle, un essai sur la condition féminine, qui rencontre un immense succès et
sera traduit dans plusieurs langues. Son engagement se manifeste également par la
co-fondation, en 1978, d’un magazine féministe : F-Magazine et par la rédaction
de deux ouvrages retraçant les vies des féministes Olympe de Gouge (1985) et
Pauline Roland (1990) (Annuaire au féminin, mai 2007).

3.2. La féminisation

Nous sommes en 1984, lorsque Yvette Roudy, alors ministre des Droits de
la Femme, crée une commission de Terminologie chargée de la féminisation des
noms de métier, de titres et de fonctions. Benoîte Groult en sera la présidente
jusque 1986 (Ministère, 1998).

7
Selon les termes du décret de 1984, cette commission a pour objectif, dans
le cadre de la féminisation, « d’apporter une légitimation des fonctions sociales et
des professions exercées par les femmes » (Ministère, 1998). La commission et
son travail furent vivement attaqués, notamment par l’Académie française, qui
empêcha l’adoption de ses recommandations (Dawes, 2003 : 197), mais aussi par
diverses personnalités de la vie culturelle. Il y eut ainsi des réactions telles que
celle de Dumézil, philologue et membre de l’Académie, s’exclamant : « à quand
Madame Mitterrande, Madame Fabia » (Le Nouvel Observateur, 7 septembre
1984, cité par Houdebine-Gravaud, 1999 : 45) ; ou plus récemment celle de
Beigbeder, écrivain et chroniqueur du magazine Lire, qui écrit « Je ne supporte
pas les "écrivaines", c'est physique. J'attrape une éruption cutanée dès que je lis ce
terme immonde qui envahit tranquillement toute la presse littéraire. » (Lire,
février 2005). En réponse à ces remarques, elle réplique :

On est consterné par l’ignorance ou la mauvaise foi de ceux (et celles) qui
feignent de croire que cette "commission de précieuses ridicules" créée par la
"cheftaine Roudy" (le Quotidien de Paris) pour "enjuponner le vocabulaire" (le
Figaro-Magazine) va faire assaut de "clitocartie" (France-Soir) et susciter des
mots absurdes tels que chefesse d’État,députrice ou majordame (Alain Gillot-
Pétré dans Libération)
(Groult, Réponse à quarante messieurs-dames, cité par Dawes, 2003 : 201).

Au niveau de la langue, Benoîte Groult espère un changement dans la


position qu’occupe le féminin, et surtout elle prône une évolution des mentalités,
en particulier celles des femmes elles-mêmes : « Aucune institution, aucune loi,
aucun homme n’aideront les femmes à changer l’état de fait actuel. C’est à
chacune de celles qui se sentent concernées d’oser dire "Je suis une
écrivaine…une juge…une avocate"» (Groult, avril 1984). À elle d’ajouter que le
blocage ne se trouve pas dans les mots mais dans la tête des femmes qui
« semblent avoir intégré la notion d’infériorité congénitale de leur sexe » et qui
refusent de ne pas féminiser leur titre « pour ne pas ternir le prestige de la
profession » (Audet, mars 2001).

D’un point de vue pratique, elle souligne son penchant pour des mots
phonétiquement proches du masculin (écrivain-écrivaine), ils auront en effet

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moins de chance d’être dénigrés : docteure et non docteuse ou doctoresse, ou
auteure et non auteuse ou autrice. Elle constate malheureusement la
« dévalorisation qui frappe systématiquement le féminin, en occurrence le suffixe
en –esse. Les mots en –esse sont vaguement ridicules » (Groult, avril 1984). Il en
est de même avec les suffixes en –euse qui ne sont pas non plus valorisants et
rappellent des mots comme menteuse ou voleuse.

Sur le plan de l’expression, Benoîte Groult estime que la féminisation


simplifie la syntaxe, « tout est facile quand on emploie le féminin » (Groult, 1997-
1998, cité par Guilloton, 2007).

Un peu plus de dix ans après la première circulaire datant de 1986, elle
constate qu’en dépit des travaux de la commission, il existe un certain désordre
dans la féminisation des noms notamment au niveau des journaux. Certains
acceptent cette féminisation, d’autres restent plus conservateurs (Houssin, 1er
février 1997). Elle relève dans le Petit Larousse de 1995, qu’apparaissent pour la
première fois les termes la juge, la ministre et la sculptrice mais cela reste tout de
même très prudent. Par exemple, à la fin de l’article du mot ministre, nous
pouvons lire entre crochets : « s’emploie parfois au féminin dans la langue
familière : la ministre » (Houssin, 1er février 1997).

3.3. Concrètement

Après avoir travaillé pour la commission de féminisation des noms de


métiers, titres et fonctions, Benoîte Groult continue son combat en faveur du
féminisme et de la féminisation. Elle a notamment rédigé les préfaces des œuvres
de plusieurs linguistes (dont Patricia Niedzwiecki) et a appliqué les règles parues
dans la circulaire de 1986 dans ses propres écrits. Ainsi, elle publia l’article « Je
suis une écrivaine » paru dans Médias et langages (no. 19/20, avril 1984)
(Laubier, 1990 : 106-107). De même, elle participe à des émissions

9
radiophoniques portant sur ce sujet (par exemple sur Radio-Canada, le 27
décembre 2006).

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4. Anne-Marie Houdebine-Gravaud

4.1. Biographie

Anne-Marie Houdebine-Gravaud, docteur ès Lettres et Sciences


Humaines, enseigne la linguistique générale et la sémiologie à l’Université Paris
Descartes, faculté des sciences humaines et sociales de la Sorbonne. Elle dirige
une équipe de recherche et un laboratoire. Elle anime donc un groupe d'une
quinzaine de doctorantes. Elle est également psychanalyste.2

C’est une des linguistes qui a travaillé en tant que telle pour la commission
de féminisation des noms de métiers, titres et fonctions avec Michèle Bourgoin,
Nina Catach, Edwige Khaznadar, André Martinet, Josette Rey-Debove et Jackie
Schön (Houdebine, 1998 : 12).

Elle est une des premières linguistes en France à s’être préoccupée de la


féminisation des noms de métiers (Houdebine, 1998 : 11). Cet intérêt pour la
féminisation a été déclenché lorsqu’en 1981 elle se voit adressée une carte où on
la nomme « professeure en visite », au Québec (Houdebine, 1992 : 153).

4.2. La féminisation

Avant de travailler pour la commission de féminisation des noms de


métiers, titres et fonctions, Anne-Marie Houdebine-Gravaud œuvrait déjà pour la
féminisation des noms du français. Elle proposait, pour conclure son rapport
d’une table ronde sur le sexisme et la langue (qui eut lieu le 6 mars 1983 à
Beaubourg), une stratégie de résistance à « l’occultation des femmes sous le genre
masculin » et de lutte contre « le sexisme des représentations véhiculées par les

2
Communication personnelle d’Anne-Marie Houdebine-Gravaud (courrier électronique)

11
images et les discours » : l’emploi du féminin générique (Houdebine, 1992 : 154).
Quelques mois plus tard, Yvette Roudy, présente lors de l’exposé de ce
rapport, créait la commission de féminisation des noms de métiers, titres et
fonctions qu’allait présider Benoîte Groult (Houdebine, 1992 : 154).

Cette linguiste estime que le français est une langue vivante et que, dès
lors, il doit s’adapter aux évolutions des mœurs. Le fait de féminiser des noms fait
partie de ce travail d’actualisation du français. « C’est un droit des femmes (qu’on
leur récuse), que celui de se faire désigner comme le permet la langue »
(Houdebine, février 1999 : 11).

Aux détracteurs de la commission, qui souvent prônent l’immuabilité du


français, Anne-Marie Houdebine-Gravaud répond que le français est une koïné : il
s’est construit sur différentes langues, par différents emprunts et il n’est dès lors
pas un bien intouchable, mais une matière en mouvement qui doit s’enrichir et se
développer en permanence (Houdebine, 1998 : 12).

Toujours dans le cadre de la commission, Anne-Marie Houdebine-


Gravaud a adopté une méthode à la fois synchronique et diachronique : elle a
étudié les pratiques des usagers ainsi que celles des dictionnaires de différentes
époques et de romans historiques (Houdebine, 1998 : 12).

« L’entreprise de la commission constituait donc moins une transgression


linguistique, qu’une prise en compte des usages et des possibilités du système de
la langue française ainsi que de l’état de la société »
(Houdebine, 1992 : 156).

Elle remarque que la féminisation est possible grâce à la structure même


du français qui possède deux genres porteurs du trait sexe pour les animés et que
cette féminisation a été pratiquée à d’autres époques (Houdebine janvier 1987) et

« puisque ces genres existent structuralement, et qu’ils fonctionnent pour les


animaux […], rien ne s’oppose […] à leur utilisation dans la féminisation des
noms de métiers, qui permettra de faire apparaître […] les nouvelles fonctions
des femmes […] dans la société contemporaine »
(Houdebine, janvier 1987).

12
La place des femmes dans la société contemporaine est un des facteurs qui
poussent Anne-Marie Houdebine-Gravaud à travailler pour la féminisation. Ainsi,
elle déclare :

Au lieu de les masquer sous le masculin, la féminisation des noms de


métiers fait apparaître les femmes comme êtres sociaux à part entière, et permet
aux petites filles (comme aux grandes) de rêver à de nouvelles professions en
entendant ces noms dans les paroles quotidiennes. Elle montre aussi que notre
langue peut témoigner dans ses règles, dans son système et dans ses usages, de
nouvelles réalités sociales. Et peut-être de nouvelles mentalités.
(Houdebine, 1998 : 15)

4.3. Concrètement

Les travaux de la commission ont finalement aboutis à une circulaire qui


parut en mars 1986, et non à un arrêté comme c’était prévu en février 1984. La
circulaire étant une proposition sans aucune réglementation juridique, les
linguistes n’ont fait qu’observer les changements dans l’usage sans contraindre les
usagers à les utiliser (Houdebine, 1998 : 25).

Anne-Marie Houdebine-Gravaud recommande d’éviter les formules telles


que « Madame le … » qui sont absurdes et propose, dans le cadre de la
commission, plusieurs règles (Houdebine, 1998 : 32).

On peut féminiser les noms de métiers :

· Règle 1 : De la manière la plus simple possible : en mettant l’article au


féminin devant le terme existant au masculin.
· Règle 2a : En utilisant un terme dérivé connu.
· Règle 2b : En utilisant un terme attesté.
· Règle 2c : En utilisant un terme aisément dérivable.
· Règle 2d : Pour les termes en –eur ou –teur : une féminisation minimale
avec usage du déterminant et forme stable,

13
· Règle 2e : Pour les termes en –eur ou –teur : l’emploi de la dérivation à
partir du verbe de base si elle existe ou est simple à effectuer ou
l’utilisation d’un affixe qui entre dans une série reconnaissable (-eur / -
euse, -teur / -trice, etc.).

Dix ans après, elle remarque que « on relève toujours dans les usages
comme dans les attitudes, les incertitudes des sujets parlants » (Houdebine, 1998 :
33). Cependant, « la féminisation est constamment majoritaire […] » et
« l’ensemble des témoins, tous âges et milieux sociaux confondus, favorisent
l’épicénie, c'est-à-dire la stabilité des formes (règles 1, 2a) un ou une ministre,
journaliste, professeur ou la féminisation attestée, ou attestable par dérivation
(conductrice, règle 2b, 2c) (Houdebine, 1998 : 33).

14
5. Conclusion
Après l’étude de ces trois figures importantes de la féminisation des noms,
on peut observer l’existence de liens entre elles. En effet, Hubertine Auclert est
citée par Benoîte Groult et par Anne-Marie Houdebine-Gravaud. Ces dernières
ont travaillé ensemble dans le cadre de la commission de féminisation des noms
de métiers, titres et fonctions.

Chacune a œuvré avec les moyens de son époque dans le but commun
d’établir une égalité entre l’homme et la femme au niveau de la reconnaissance
sociale. Hubertine Auclert a traité de la féminisation au travers des journaux
féministes dans un siècle où la femme n’avait pas de pouvoir dans la société.
Benoîte Groult a travaillé sur ce sujet via ses romans féministes, puis à travers la
commission de féminisation en supportant les insultes proférées par les esprits
conservateurs du français. Anne-Marie Houdebine-Gravaud a également apporté
sa contribution au débat par la commission de féminisation et par divers ouvrages.

Leurs approches sont cependant différentes : tandis qu’Hubertine Auclert


et Benoîte Groult font clairement ressentir l’enjeu féministe de la féminisation des
noms, c'est à travers ses yeux de linguiste qu'Anne-Marie Houdebine-Gravaud
examine cette lacune du langage.

Aujourd’hui, la féminisation de la langue est toujours un sujet sensible


mais les usagers du français ne se laissent plus dicter leur façon de parler par les
institutions qui régissent la langue et on entend de plus en plus « Madame La
ministre » ou « une avocate ».

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Bibliographie

Sources primaires
Monographies
AUCLERT Hubertine, 1982 (dép. légal), La citoyenne 1848-1914, préf. et notes
d’Edith Taïeb, Paris, Syros (Coll. « Mémoire des femmes »), 134 p.

HOUDEBINE-GRAVAUD Anne-Marie, 1998, La féminisation des noms de métiers


en français et dans d'autres langues, Paris, L'Harmattan, 198 p.

NIEDZWIECKI Patricia, 2000, Le langage au féminin. Les mots pour la dire, préf.
de Benoîte Groult, Bruxelles, Labor, (Coll. « La Noria »), 189 p.

Articles
HOUDEBINE-GRAVAUD Anne-Marie, 1987, « Le français au féminin », La
linguistique, 23/1, p. 13-34.

HOUDEBINE-GRAVAUD Anne-Marie, 1992, « Sur la féminisation des noms de


métiers en français contemporain - Etat des lieux après la circulaire »,
Recherches Féministes, 5/1, p. 153-159.

HOUDEBINE-GRAVAUD Anne-Marie, 1999, « Sexisme et linguistique », Nouvelles


Questions féministes, février 1999, p. 23-52.

Sources secondaires
Monographie
LAUBIER Claire, 1990, The condition of woman in France, 1945 to the present. A
documentary anthology, London, J.E. Flower (Coll. Twentieth Century
French texts), 200 p.

16
Articles
BEIGBEDER Frédéric, 2005, « Mon premier article réac », Lire : Magazine des
livres, 332 (février 2005), p. 10.

DAWES Elizabeth, 2003, « La féminisation des titres et fonctions dans la


Francophonie, de la morphologie à l’idéologie », Ethnologies. Langue et
culture, 25/2, p. 195-207.

Sites web
COSSIGNEUL Brigitte, Benoîte Groult, écrivaine, mai 2007
http://www.annuaire-au-feminin.net/bioGROULTbenoite.html, consulté
le 16/12/2007.

AUBA Jean, Hubertine AUCLERT : Une féministe bourbonnaise, 2004,


http://canalacademie.com/Hubertine-Auclert-une-féministe.html,
consulté le 13/12/2007.

DAIX Elza, Femmes remarquables...Hubertine Auclert: Hubertine Auclert, une


suffragette française, 23/01/2007,
http://www.rosadoc.be/site/mainfr/nouveau/Pretacroquer/spot/auclert.ht
m, consulté le 13/12/2007.

GROULT Benoîte, 2007, Premiers chapitres : Ainsi soient-elles au XXIe siècle,


novembre 2007, http://www.edition-grasset.fr/chapitres/ch_groult.htm,
consulté le 16/12/2007.

GROULT Benoîte, Infolangue, hiver 1997-1998, cité par Noëlle Guilloton, « Ainsi
est-elle », Dossier linguistique - Entrevue avec Benoîte Groult, 2007,
http://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dossiers_linguistique
s/entrevues/groult_nguilloton.html, consulté le 16/12/2007.

Ministère de la culture et de la communication de la République française, 1998,


Le cadrage : esquisse historique et pratiques francophones, octobre
1998,
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/cogeter/feminisation/3cadrage.ht
ml, consulté le 14/12/2007

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