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LA FÉMINISATION
La féminisation des noms de métiers dans le secteur de
l’audiovisuel
Pour tenter de répondre à cette question, nous avons axé l’exercice sur
l’observation d’un corpus dans un premier temps, et sur une perspective
sociologique dans un deuxième temps. Nous nous sommes aussi demandée si les
conclusions tirées du corpus trouvaient un écho dans la réalité sociale du secteur.
Parmi les noms de professions médiatiques, nous avons observé ceux qui étaient
sujets à une féminisation. Le corpus ainsi constitué réunit divers types de sources,
sans avoir recours à la presse ou à des documents officiels. La deuxième partie du
travail porte sur les aspects sociologiques que recouvre le problème du genre dans
l’audiovisuel. Ces considérations ont été inférées de l’observation du corpus et de
la lecture d’ouvrages de sociologie des médias. Dans l’ensemble du travail, nous
n’avons pas opéré de distinction entre la Belgique et la France, car les secteurs
audiovisuels des deux pays se ressemblent fort et les noms de profession sont
identiques.
2
1. Constitution d’un corpus
1.1. Les sources utilisées
3
1.2. La sélection des éléments du corpus
- actrice
- accessoiriste
- animatrice
- assistante
- assistante de production
-attachée de presse
- bruiteuse
- cadreuse
- cameraman (employé avec elle)
- cinéaste
1
Pour avoir une idée du nombre de témoignages féminins par rapports aux masculins, nous avons
calculé la proportion des deux. Dans Les métiers de l’audiovisuel (1987) : 9% ; dans Les métiers
de l’audiovisuel (2006) : 24% ; dans Les métiers du journalisme (2003) : 28 % des
professionnels interrogés sont ds femmes.
4
- chargée de communication,
- chargée de production
- chargée de réalisation
- chef de l’agence (employé avec elle)
- chroniqueuse
- conseillère artistique
- correspondante de presse
- costumière
- directrice associée
- directrice de la photographie
- directrice de production
- directrice générale, directrice déléguée,
- documentaliste
- doubleuse
- éclairagiste
- figurante
- habilleuse
- ingénieure
- journaliste
- journaliste-femme
- journaliste reportère d’images, ou journaliste reporter d’images-femme
- maquilleuse
- monteuse
- opératrice
- perchiste
- preneuse de son
- productrice
- présentatrice
- réalisatrice
- rédactrice
- rédactrice en chef, rédactrice en chef-adjointe
5
- régisseuse
- femme-reporter ou reportère
- scripte ou script-girl
- scénariste
-speakerine
-standardiste
-secrétaire de production
- secrétaire de rédaction
- technicienne
6
1.4. Observations et remarques sur le corpus
* reporter : Nous l’avons trouvé plusieurs fois au féminin, mais l’usage manquait
de cohérence au sein même de l’ouvrage.
« il y a de plus en plus de femmes grandes reportères », « à propos de
femmes reporters », « elle devient reporter et journaliste »3.
2
Sabine fosseux, Marie-Lorène giniès, et Laetitia Person, Les métiers de l’audiovisuel : cinéma,
télévision, radio, s.l., Studyrama, 2006, p. 81.
3
Évelyne Serdjénian et al. (dir.), Femmes et médias, Actes du XVè Congrès de l’union
professionnelle féminine (Toulon, 4-8 octobre 1995) , Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 34, 102, 75.
7
1.4.2. Les formes doubles
Ce sont les métiers majoritairement exercés par des femmes. Dans ce cas-
ci, même lorsque le sujet n’est pas précisé, nous n’avons relevé que des formes
féminines.
* la secrétaire de production, de direction
* l’assistante de production6
Dans le cas de « scripte », la profession semble n’être exercée que par des
femmes. De plus, le –e s’impose pour éviter la confusion avec « script », mot qui
désigne habituellement le scénario à la télévision ou au cinéma.
4
Céline Van Rompaye, Les métiers du cinéma, Bruxelles, publication du S.I.E.P., 2002, p.99.
5
Ibidem, p. 111.
6
L’emploi du féminin est justifié par des propos comme : « il y a des métiers qu’on décline au
féminin,[…]celui-ci est plutôt déserté par les hommes. ». Dans Sabine Fosseux, Marie-Lorène
Giniès, et Laetitia Person, op.cit., p.79.
8
1.4.5. Les noms de profession en anglais
7
Les mots « cadreuse » et « preneuse de son » apparaissent dans le Guide de féminisation des
noms de métier, fonction, grade ou titre, p.22, car il recommande de féminiser à partir de la
forme française. Ces mêmes mots restent systématiquement au masculin dans toutes les autres
sources consultées. On y trouve « cameraman » ou « cadreur » à propos d’une femme.
8
Les deux mot anglais on été trouvés dans Caroline Bironne et Yael Wolmark, Les métiers de
l’audiovisuel: radio, télévision, cinéma, Paris, Bordas, 1987. C’est la seule source où l’on trouve
ce terme. Le dictionnaire du cinéma préconise quant à lui l’abandon du terme « script-girl ».
Jean-Loup Passek (dir.), Dictionnaire du cinéma, Paris, Larousse, 2000, vol.2, s.v. scripte.
9
1.5. Interprétation du corpus
9
Exemple : « les invités passent par la loge de la maquilleuse [..] c’est un moment de détente et de
bavardage. C’est le syndrome de la coiffeuse : entre les mains d’une femme on se laisse aller
aux confidences. » Dans Sabine Fosseux, Marie-Lorène Giniès, et Laetitia Person, op.cit.,
p.110.
10
Ainsi, « ingénieur » reste au masculin : « On commence à voir des femmes dans les postes
techniques[…]elles sont ingénieurs ». Dans « Le centenaire du cinéma : l’épopée des femmes
dans le septième art en Europe » , Les cahiers de femmes d’Europe n°43,mars 1996,p.13. Il
n’apparaît féminisé que dans le guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou
titre, p.22.
11
« directrice de la photographie », « chef-monteuse ». Dans« Le centenaire du cinéma […] »
p.21.
10
professions décrites sont accessibles autant aux femmes qu’aux hommes12, ce qui
laisse à penser que les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler dans
ces secteurs.
Pourtant, ces métiers n’incarnent pas une position de prestige comme c’est
le cas pour « avocat » ou « médecin », réputés résistants à la féminisation malgré
un nombre important de femmes dans la profession. Dans ce cas-ci, la rareté de
la féminisation des noms de professions serait plutôt due à l’action combinée du
nombre restreint de professionnelles dans le secteur, et d’une résistance davantage
idéologique que linguistique, qui s’incarne dans plusieurs clichés13. Nous allons
brièvement nous attarder sur ce point dans la deuxième partie.
12
Parfois, cette information est présente en guise d’avertissement, ce qui permet aussi d’épargner
l’usage de formes féminines dans toutes les descriptions de métiers. Dans Sandra Caltagirone et
Fabienne Heirwegh, Les métiers du journalisme, Bruxelles, publication du S.I.E.P. , 2003, p.33
13
Un exemple relevé parmi d’autres : « On l’a longtemps appelée la script-girl […] toujours
discrète, penchée sur son relevé, un stylo à la main, elle est facile à repérer. A priori, elle n’a
rien à dire sur l’aspect artistique. » Dans Sabine Fosseux, Marie-Lorène Giniès, et Laetitia
Person, op.cit., p.93.
11
2. Perspective sociologique
2.1. Liens avec le problème du genre
14
Par exemple, un avertissement en début d’ouvrage : « …égalité des chances entre les filles et
les garçons, tous les métiers […] s’adressent aussi bien aux femmes qu’aux hommes ». Sandra
Caltagirone et Fabienne Heirwegh, op.cit., p. 33.
15
Benoîte Groult, « Le féminin entre crochets » dans Évelyne Serdjénian et al. (dir.), op.cit,
p.103-108.
12
2.2. Situation des femmes dans l’audiovisuel
16
L’article « De l’absence des femmes dans les J.T. européens parle d’ « hypoféminisation des
télévisions » pour qualifier cette situation. Tina Penolidis « De l’absence des femmes dans les
J.T. européens » , Études de radio-télévision, N° 37, 1987, p.107.
17
Monique Rémy, Comment les femmes sont vues : images et statuts des femmes dans les médias,
s.l., Groupe d’études et de recherche Femmes et société, Université Libre de Bruxelles, 1994,
p.59. Rémy Rieffel, Sociologie des médias, Paris, Ellipses 2005, p. 120, parle d’un « secteur
misogyne ».
18
Au début des années 1990 (1993), environ 30% de femmes travaillent comme présentatrices ou
journalistes. Á la fin des années 1990 (1999), la proportion est montée jusqu’à 40-45%.
(Belgique et France confondues). Rémy Rieffel, op.cit., p.121.
19
Environ 4 à 6 % de ces professions sont exercées par de femmes. Ididem,, p. 121.
20
Ce paradoxe d’un métier de prestige aisément féminisé s’explique notamment par le fait que les
premières réalisatrices apparurent dans les années 1950-60, en même temps que les importants
mouvements féministes. Elles ont souvent inclus dans leurs films une revendication de type
féministe pour ensuite, une fois reconnues, se tourner vers d’autres propos. Dans« Le centenaire
du cinéma […] » p.13.
13
d’administration, ou d’employées d’agences de publicité, ainsi que les métiers
cités plus haut. Elles sont également animatrices ou présentatrices, surtout dans
des émissions domestiques, culturelles ou de santé21. Quant aux journalistes, leur
nombre augmente (autant à la télévision qu’à la radio), mais la plupart d’entre
elles travaillent comme assistantes, et se voient rarement confier la direction d’une
équipe, ou d’un sujet de premier ordre. Leur intégration est quand même notable
puisqu’elles représentent environ un tiers des journalistes.
14
l’émotivité ou la sensibilité qui seraient typiquement féminines, et constituent une
entrave à une pratique journalistique objective. Ce deuxième argument engendre
beaucoup de stéréotypes plus propres au secteur audiovisuel (mauvaise maîtrise
des outils technologiques, de l’électronique, difficulté de résister à la pression
d’un horaire variable, à des conditions de tournage éprouvantes).
22
Monique Rémy, op. cit., p. 60-62.
23
La revue Femmes d’Europe, que nous avons utilisée, est une de ces initiatives, elle émane du
Conseil de l’Europe, et vise la promotion de l’activité professionnelle des femmes dans divers
pays.
24
Par exemple, la « Charte sur l’égalité des chances pour les femmes à la radio-télévision », 1995,
France. Dans Évelyne Serdjénian et al. (dir.), op.cit, p.153. Commande d’études sur la
répartition hommes/femmes du secteur par la C.E.E. Dans Monique Rémy, op.cit., p. 74.
Création d’un comité directeur « Femmes et télévision », chargé de planifier des décisions en
15
adressées au secteur de l’audiovisuel. L’entreprise de féminisation systématique
des noms de métier participe de ce mouvement vers davantage d’égalité. Comme
la dimension langagière est intimement liée à la représentation mentale, la
féminisation apparaît dès lors comme une étape indispensable25 du processus
visant à changer les aspects trop conservateurs de certains secteurs.
vue de changements dans les secteurs médiatiques. Dans « Les femmes et la télévision en
Europe », Les cahiers de femmes d’Europe, n°28, septembre 1988.
25
Un exemple de ce lien : l’étude Femmes et médias, inclut un article (celui de Benoîte Groult)
sans rapport apparent avec les professionnelles de l’audiovisuel, entièrement dédié à l’historique
de la féminisation.
16
Conclusion
Avec ce dernier point, nous constatons que les usages linguistiques sont
symptomatiques d’une réalité sociale. Les observations et interprétations du
corpus se trouvent corroborées par les faits exposés dans les ouvrages
scientifiques consultés dans la deuxième partie du travail. Dans une perspective
embrassant à la fois la réalité sociale et linguistique, nous remarquons que les
déductions au sujet d’un usage (la rare féminisation) ne constituent que le pan
d’un problème préoccupant, si l’on en croit le ton de certains ouvrages sur le sujet.
Ainsi, l’inégalité des sexes se révèle effective (nombre de femmes employées
moindre), symbolique (les stéréotypes), et linguistique (la volonté d’utiliser le
masculin même lorsqu’on évoque une femme).
17
Bibliographie
PENOLIDIS Tina, « De l’absence des femmes dans les J.T. européens » Études
de radio-télévision, N° 37, octobre 1987.
RÉMY Monique, Comment les femmes sont vues : images et statuts des femmes
dans les médias, Groupe d’études et de recherche Femmes et société,
Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1994, 101 p.
18
RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2è éd., Paris, Ellipses (coll.
« Infocom »), 2005, 223 p.
19
Table des matières
Introduction..............................................................................................................2
1.1. Les sources utilisées......................................................................................3
1.2. La sélection des éléments du corpus .............................................................4
1.3. Le corpus et les types de féminisation trouvés .............................................4
1.3.1. Le corpus................................................................................................4
1.3.2. Les types de formes féminisées rencontrées ..........................................6
1.4. Observations et remarques sur le corpus.......................................................7
1.4.1. Les féminisations hésitantes...................................................................7
1.4.2. Les formes doubles ................................................................................8
1.4.3. Les professions apparaissant spontanément au féminin ........................8
1.4.4. Les professions apparaissant systématiquement au féminin..................8
1.4.5. Les noms de profession en anglais.........................................................9
1.4.6. Les cas de contournement de la féminisation ........................................9
1.5. Interprétation du corpus ..............................................................................10
2. Perspective sociologique....................................................................................12
2.1. Liens avec le problème du genre.................................................................12
2.2. Situation des femmes dans l’audiovisuel ....................................................13
2. 3. Les mesures favorables à l’égalité dans le secteur.....................................15
Conclusion .............................................................................................................17
Bibliographie..........................................................................................................18
Table des matières..................................................................................................20
20