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LA FÉMINISATION
Vue par Marina Yaguello
Le premier est un essai sociolinguistique qui analyse les relations entre les
femmes et le langage, et souligne les incohérences marquantes que l’on peut
trouver dans notre manière de parler, et dans l’importance que l’on accorde à la
femme dans nos mécanismes langagiers. Nous ne nous attarderons pas sur la
première partie de l’ouvrage, qui nous a semblé être en dehors de la question de la
féminisation, et être plutôt centrée sur le langage des femmes et les coutumes des
différents peuples du monde en ce domaine.
1
Se reporter à la bibliographie pour de plus amples informations.
2
2. La question du genre
D’un point de vue strictement grammatical, le genre constitue un système
de classification des noms2.
De plus, l’auteure pose la question de savoir si ce sont les valeurs que nous
attachons à certains mots ou à certaines métaphores qui les rendent féminines, ou
bien s’ils sont féminins parce que leur genre grammatical le veut. Ainsi, est-ce
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 111
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 111 et suivantes
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 120
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 20
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que des mots comme lune, aurore6 ou mort7 sont féminins parce que le hasard les
a dotés du genre féminin, ou parce qu’ils véhiculent certaines valeurs culturelles
ou symboliques ?
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 31
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 118
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 132
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Jean Markale, La femme celte, Paris, Payot ; rééd. « Petite Bibliothèque Payot », 2001
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 138
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 140
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3. Formation des féminins
Les locuteurs d’une langue à genre, comme le français, sont constamment
confrontés aux difficultés de l’accord grammatical12.
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 143
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 145
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 148
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 151 et suivantes
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 31
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 134
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 156
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o –eur/-euse en alternance : charmeresse donne charmeuse,
venderesse donne vendeuse, etc… Cette règle de formation est la
plus utilisée pour les noms en –eur, bien qu’elle ne fasse pas
l’unanimité. En effet, si l’on trouve chanteuse et balayeuse, les
mots docteuse, ingénieuse ou professeuse ne sont pas admis dans le
langage. Des théories ont été émises pour expliquer ce phénomène,
comme celle selon laquelle les noms d’agent féminins sont déjà
utilisés pour désigner des machines ou des outils, ou encore celle
qui veut que, lors des changements de genre, le féminin est
assimilé à ce qui est inanimé. Cependant, elles ne conviennent pas
à Marina Yaguello, qui les juge peu convaincantes.
· Les noms en –er, formant leur féminin en –ère : ce sont les mots du type
boulanger/boulangère. Cependant, nous constatons qu’il existe encore des
blocages dans la langue : cuisinier donne cuisinière, qui fait plutôt
référence à l’appareil de cuisine, plutôt qu’à la profession (le titre de
« chef-cuisinière » est d’ailleurs tout à fait exclu de la langue) ; chevalier
donne chevalière19, mot utilisé pour désigner une bague, plutôt que le
titre ; le mot policière est peu usité, on lui préfère souvent femme-flic,
fliquesse ou flicette, tous des termes dépréciatifs. Là encore, la langue se
révèle être truffée de contradictions ou de blocages inexplicables, et de
mécanismes de valorisation du masculin par rapport au féminin.
· Les noms en –ien formant leur féminin en –ienne : les mots de type
chien/chienne. Bien que cela ne pose pas de problème pour des mots
comme gardien/gardienne, diététicien/diététicienne, on ne trouve pas de
chirurgienne20, puisqu’on préférera dire femme-chirurgien ou « Madame
X est chirurgien ». Par contre, pharmacienne est communément utilisé,
étant de statut moins élevé.
· Les noms en –in, -aine, qui forment leurs féminins en –ine ou –aine :
lapin/lapine ou sacristain/sacristine ou sacristaine ne posent pas de
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 49
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 157
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problème, mais l’usage du mot écrivaine comme féminin d’écrivain est
peu établi.
· Les mots en –an formant leur féminin en –ane : pour korrigan/korrigane21
ou courtisan/courtisane, la féminisation se fait sans encombre, alors que
pour partisan/partisane22, les locuteurs semblent faire un blocage, qui est
d’ailleurs d’ordre social, puisque le mot partisane est fréquemment utilisé
comme adjectif.
· Les mots en –ouin formant leur féminin en –ouine : ici, c’est le mot
témouine23 qui pose problème. Il pourrait, en effet, être formé de la même
manière que pingouine, mais on lui trouve une consonance trop proche des
mots gouine, fouine et babouine. Nous avons donc affaire ici à un blocage
morphologique, et non social, comme nous l’avons vu plus haut.
· Les mots en –ant et –ent, qui forment leur féminin en –ante et –ente : là
où le passage se fait sans problème pour étudiant/étudiante,
patient/patiente, le féminin de tenant, tenante24, ne se dit pas. De la même
manière, on dit« Cette femme est savante », mais « Marie Curie est un
grand savant ».
· Les mots en –f formant leur féminin en –ve : cette méthode est peu
productive aujourd’hui, elle concernait notamment les termes serf/serve25,
que l’on n’emploie plus de nos jours.
· Les mots en –re formant leur féminin en –resse : remarquons que pour le
mot maîtresse26, on trouve l’expression « Je suis maître de décider », mais
pas « Je suis maîtresse de décider ». De même, on ne dit pas maîtresse à
penser, maîtresse d’œuvre ou maîtresse de chapelle. On trouve également
le mot peintresse, féminin de peintre, qui a cependant une nuance
péjorative.
21
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 97
22
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 159
25
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 160
26
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 160
7
· Les mots auxquels on adjoint un e muet final, comme dans les
terminaisons –et/ète, -at/-ate, -d/-de ou -ot/-ote : l’un des procédés de
féminisation les plus utilisés, on trouve quelques termes sujets à
remarques. Le mot avocate, féminin d’avocat, semble bien ancré dans les
mœurs langagières, mais il est plus souvent employé comme nom commun
que comme titre ; les mots clocharde, poivrote27 et avortonne28 trouvent
leur place sans difficulté et, comme le souligne Marina Yaguello, nous ne
manquerons pas de remarquer leur connotation péjorative ; galante,
féminin de galant, prend une autre acception en changeant de genre,
puisqu’il désigne une femme de mœurs légères au féminin, et un homme
empressé auprès des femmes au masculin29.
· Les mots en –(t)eur formant leur féminin en –(t)euse ou –trice : comme
nous l’avons vu auparavant, le mot ingénieuse30 n’est pas attesté,
probablement pour éviter une confusion avec l’adjectif. Professeuse n’a
pas trouvé sa place dans la langue, pas plus que procureuse, chauffeuse ou
metteuse en scène. Et, bien qu’aviateur donne aviatrice, et qu’électrice31
et ambassadrice32 se soient imposés sans encombre, docteur ne peut
donner doctrice, et facteur ne peut donner factrice, auquel on préférera
femme-facteur33.
· Les mots épicènes terminés par un e muet, qui restent identiques au
féminin : psychologue, ethnologue, élève34, etc.
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 161
28
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 35
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 81
30
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 162
31
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 67
32
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 27
33
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 163
34
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 165
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· Il existe un modèle d’alternance parfaitement productif (eur/-euse ; -teur/-
trice ; -ier/ière, etc.). La forme féminine disponible est néanmoins rejetée
dans certains cas, pour des raisons sociales.
· Épicènes absolus : aucun problème sinon qu’on se croit obligés de leur
adjoindre femme-.
· Finales en e muet ;ces mots devraient théoriquement être épicènes. En
pratique, ils se répartissent entre le masculin et le féminin en fonction de
la division des rôles dans la société35.
35
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 169
9
4. Féminin et discrimination
On dit une fille ou une femme facile, mais pas un homme facile, une
femme de petite vertu, mais pas un homme de petite vertu ; on dit une femme de
mauvaise vie, mais on dit un Don Juan. On dit une faible femme, mais pas un
faible homme. Un homme faible est un homme trop indulgent.
On aime les petites femmes, mais on admire les grands hommes. Les petits
hommes n’existent que chez Gulliver et les grandes femmes ont du mal à
s’habiller en confection. Une femme peut être jolie, belle, mignonne, ravissante,
laide ou moche, un homme n’est que beau ou laid36.
36
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 179
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Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 178
38
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 179
39
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 64
40
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 64
41
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 70
42
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 73
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5. Les insultes au féminin
Marina Yaguello a souligné maintes fois le côté négatif qui est souvent
associé au féminin, alors que le masculin est neutre ou positif. Cette tendance se
vérifie également dans les insultes, et dans leur genre. Ainsi, nous trouvons une
kyrielle de mots dépréciatifs de genre féminin : andouille43, arsouille44, canaille45
crapule46, et fripouille47, se référant tous le plus souvent à des individus de sexe
masculin, bien qu’ils aient un genre féminin ; avortonne48 ; carne49 ; harpie50 et
mégère51, auxquels on ne trouve pas d’équivalent masculin ; lopette52 et
tantouze53, tous les deux doublement féminins, à la fois par le sens et par le
suffixe en –ouze ; nouille54 ; nunuche55, quia pris un sens péjoratif par l’adjonction
du suffixe féminin dépréciatif –uche ; pétasse56 et pouffiasse57 ; sorcière58 , qui a
une connotation négative que l’on ne retrouve pas dans le mot sorcier ; etc.
43
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 29
44
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 30
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 44
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 58
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 80
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 35
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 46
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 87
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 113
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 101
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 149
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 120
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 121
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 121
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 133
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 144
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 49
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 52
61
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 53
11
guenon62, pour lequel il faut souligner la différence entre le fait d’être « laide
comme une guenon », alors qu’on est « malin comme un singe » ; mante
religieuse63 ; oie64, servant à désigner une fille bête et naïve ; rosse65 ; etc.
62
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 85
63
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 110
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 123
65
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 140
66
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 40
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 47
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Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 145
69
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 99
70
Marina Yaguello, Le sexe des mots, Belfond, 1989, p. 133
12
Lorsqu’elle accouche, elle casse son œuf, elle chie un môme, elle pond, elle pisse
son os ou sa côtelette, elle chatonne, etc.71
71
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 193
13
6. Conlusion
À travers ces quelques points, nous avons essayé de montrer l’intérêt de
Marina Yaguello pour la cause des femmes, et l’image qui transparaît d’elles dans
le langage. Notre étude n’est bien évidemment pas exhaustive, et est loin
d’englober toute la pensée de Yaguello. Nous avons voulu montrer quelques
tendances marquantes que l’on retrouvait dans ses ouvrages, et la manière dont
elle pointait du doigt des mécanismes illogiques de la langue, ou des idées sexistes
véhiculées par le langage.
14
Remarquons tout de même, en notre qualité de néophyte, une propension
au féminisme chez Marina Yaguello, que l’on sent dans la lecture, et qui fait
parfois perdre de sa crédibilité à certaines remarques de ses ouvrages. Elle a
parfois tendance à « oublier » de citer certains cas de figure qui désavantageraient
le genre masculin, ou les hommes, et adopte une écriture souvent ironique, parfois
mordante, à l’égard de tout ce qui touche aux prérogatives masculines. Toutefois,
elle a rédigé son œuvre à une époque où l’égalité entre hommes et femmes était
bien moins assurée que maintenant, et où le féminisme était largement présent.
Ceci explique le ton quelque peu vindicatif que l’on peut trouver dans ce travail,
et la qualité des exemples émis.
72
Marina Yaguello, Les mots et les femmes, Éditions Payot & Rivages, 2002, p. 245
15
Bibliographie
Annick Englebert, Grammaire descriptive du français moderne II, Bruxelles,
Presses Universitaires de Bruxelles, 2007, 109 p.
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Table des matières
1. Introduction..........................................................................................................2
2. La question du genre ............................................................................................3
3. Formation des féminins........................................................................................5
4. Féminin et discrimination ..................................................................................10
5. Les insultes au féminin ......................................................................................11
6. Conlusion ...........................................................................................................14
Bibliographie..........................................................................................................16
Table des matières..................................................................................................17
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