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Pathologie athéroscléreuse des troncs


supra-aortiques
C. Laurian, V. Marteau, C. Saliou

La pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques est dominée aujourd’hui par les sténoses
carotides. L’impact des explorations non invasives échographie-doppler, imagerie par résonance
magnétique (IRM), explique leur large dépistage. L’évolution des techniques anesthésiques, la
reproductivité des techniques chirurgicales ont permis d’en améliorer les résultats. Les progrès des
techniques endovasculaires ont permis leur positionnement dans le traitement des lésions proximales, en
revanche le bénéfice à long terme de ces procédures dans le traitement des lésions carotides est mal
connu. Les indications des corrections des lésions occlusives sous-clavières et vertébrales sont devenues
mieux ciblées.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Artère carotide ; Troncs supra-aortiques ; Athérosclérose ; Chirurgie endovasculaire

Plan ■ Lésions anatomiques


¶ Introduction 1 Les lésions athéroscléreuses des TSA ne répondent pas à une
distribution anatomique homogène.
¶ Lésions anatomiques 1 Les lésions ostiales proximales (tronc artériel brachiocéphali-
¶ Lésions athéroscléreuses de l’artère carotide interne 1 que, artère carotide primitive gauche, artère sous-clavière
Risques 1 gauche) représentent souvent l’extension des lésions athérosclé-
Clinique 2 reuses de la convexité de la crosse aortique.
Degré de sténose. Explorations non invasives 2 L’artère sous-clavière proximale, et l’origine de l’artère
¶ Données épidémiologiques 3 vertébrale sont précocement affectées par les lésions athérosclé-
reuses, mais le risque d’infarctus cérébral associé à ces lésions est
¶ Traitement 4
considéré comme faible. Les possibilités de suppléance par
Traitement médical 4
l’artère vertébrale controlatérale ou les anastomoses cervicales
Traitement chirurgical 5
expliqueraient la bénignité de ces sténoses proximales par
Chirurgie 6
opposition aux lésions occlusives de l’artère vertébrale
Procédures endovasculaires 7
intracrânienne.
¶ Lésions proximales athéroscléreuses des troncs supra-aortiques 7 Dans le territoire carotidien, la distribution de l’athérosclérose
Lésions occlusives du tronc artériel brachiocéphalique 7 n’est pas plus homogène. Le siège le plus fréquent en est
Lésions occlusives de l’artère carotide commune gauche 7 l’origine de l’ACI, s’étendant sur les 2 à 3 cm du bulbe caroti-
Lésions occlusives des artères sous-clavières 8 dien. La deuxième localisation en est le siphon carotidien. Dans
Lésions occlusives des artères vertébrales 8 ce cadre, les occlusions carotidiennes sont plus souvent en
¶ Conclusion 9 rapport avec une thrombose occlusive d’une sténose de l’ACI
proximale, plus que la conséquence de la propagation d’un
thrombus rétrograde à partir d’une sténose du siphon carotide.
Enfin, le retentissement hémodynamique intracrânien en est
■ Introduction variable, en fonction de la disposition anatomique du cercle de
Willis.
L’intérêt des lésions athéroscléreuses des troncs supra-
aortiques (TSA) est aujourd’hui centré sur les lésions occlusives
de l’artère carotide interne (ACI) pour trois raisons : ■ Lésions athéroscléreuses
• la place croissante des explorations non invasives ;
• l’apport de l’anesthésie locorégionale dans cette chirurgie ;
de l’artère carotide interne
• l’émergence des techniques endovasculaires en compétition
avec la chirurgie conventionnelle.
Risques
Les lésions proximales des TSA, plus rarement symptomati- Ces sténoses comportent un double risque :
ques, relèvent plus largement de techniques endovasculaires. Les • un risque local d’infarctus cérébral homolatéral à la sténose
indications thérapeutiques sur les lésions occlusives des artères rendant compte de 10 % de l’ensemble des infarctus céré-
sous-clavière et vertébrale sont mieux identifiées. La chirurgie braux ;
conventionnelle garde une place dominante, les procédures • un risque général d’infarctus du myocarde ou de décès de
endovasculaires, malgré un risque faible de complications, sont cause vasculaire. Elles représentent un marqueur de la
le siège de fréquentes resténoses. dissémination de la maladie athéroscléreuse.

Cardiologie 1
11-640-A-10 ¶ Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques

Ces sténoses sont aisément décelables par les explorations Il existe une table de correspondance validée entre les deux
non invasives, et accessibles à un traitement (médical toujours, méthodes.
chirurgical parfois) susceptible d’empêcher la survenue de Cette appréciation est aujourd’hui remplacée par les métho-
complications. des non invasives dont les résultats ne sont pas complètement
Le traitement chirurgical a fait l’objet d’études randomisées valides : ultrasons, angiographie par résonance magnétique
qui ont permis de mieux connaître l’histoire naturelle de ces (ARM) ou angioscanner avec reconstruction.
sténoses, ce qui autorise une prise de décision basée sur des
preuves. Échographie-doppler
Ces études ont montré que les deux déterminants principaux Le doppler continu mesure les vitesses circulatoires sur l’axe
du risque d’infarctus cérébral homolatéral à la sténose sont le carotidien, sa sensibilité permet de dépister une sténose supé-
caractère symptomatique ou non de la sténose et son degré. rieure à 60 % sans préjuger de sa nature. Il n’existe pas d’étude
La structure de la plaque athéroscléreuse pourrait être aussi (hormis les centres experts) ayant comparé les vitesses à d’autres
un élément déterminant du risque vasculaire. explorations, notamment artériographiques. Il n’y a pas de seuil
de vitesse validé permettant d’affirmer l’existence d’une sténose
et de la quantifier.
L’échographie-doppler pulsé permet la visualisation des parois

“ Points forts
vasculaires. L’utilisation du codage couleur du flux circulant
permet de coupler l’image échographique à l’information
dynamique du flux sanguin.
Les déterminants du risque d’infarctus cérébral sont le Le doppler énergie est performant pour l’appréciation des
sténoses serrées ou pour le diagnostic de sténose préocclusive.
caractère symptomatique de la sténose et le degré de la
Les limites de l’exploration en échographie-doppler sont :
sténose. • l’existence de calcifications conduisant à sous-estimer la
sténose ;
• les bifurcations carotides hautes, difficiles à analyser ;
• le fait qu’il n’existe pas de critères vélocimétriques admis
pour mesurer le degré de sténose. Cependant, l’utilisation des
Clinique rapports de vitesse entre carotide interne et carotide com-
mune, plus qu’un seuil de vitesse, permet de pallier ces
La définition du caractère symptomatique d’une sténose est
difficultés.
purement clinique ne tenant pas compte des infarctus silen-
Il n’est pas possible d’évaluer le degré précis d’une sténose
cieux découverts sur l’étude du parenchyme cérébral.
carotide sur la seule exploration ultrasonore.
Une sténose carotide est symptomatique lorsqu’elle s’accom-
L’échographie-doppler reste cependant l’examen reconnu de
pagne de symptômes dans le territoire carotidien homolatéral.
dépistage, de surveillance et de contrôle postopératoire des
Ils peuvent être :
lésions carotides.
• hémisphériques : hémiplégie souvent brachiofaciale, troubles
sensitifs unilatéraux avec prédominance brachiofaciale, ou
aphasie ;
• rétiniens : cécité mono-oculaire transitoire totale ou partielle
généralement altitudinale ; parfois des symptômes oculaires
plus atypiques sont possibles. “ Points forts
Les symptômes vertébrobasilaires ne sont pas des signes
d’ischémie du territoire carotidien. L’échographie-doppler :
L’accident ischémique peut être transitoire (AIT) ou consti- • est une bonne méthode de détection (sensibilité) ;
tué : • ne comporte pas de critères admis pour mesurer le
• accident ischémique transitoire : déficit neurologique focal degré de sténose ;
durant moins de 24 heures ; • est une exploration opérateur-dépendante.
• accident ischémique constitué : déficit neurologique focal
durant plus de 24 heures, classé selon sa gravité en :
C accident rapidement régressif sans séquelle à 1 mois ;
C accident mineur avec séquelles minimes au-delà de 1 mois ;
C accident majeur avec un handicap fonctionnel moyen ou
Résonance magnétique nucléaire
sévère. L’objectif de cette exploration est d’étudier le parenchyme
cérébral, d’apprécier les suppléances intracrâniennes (cercle de
Willis) et d’évaluer le degré de sténose.
L’examen se déroule en trois phases.

“ Points forts
Étude du parenchyme cérébral
Elle recherche un accident ischémique (Fig. 1) :
• un accident ancien ou récent apparaît en hypersignal sur
La détection des sténoses carotides repose sur la clinique, acquisitions axiales séquences T2 et FLAIR (fluid attenuated
l’exploration ultrasonique. inversion recovery) ;
• en cas d’accident récent, l’acquisition sagittale avec des
séquences en T1 peut montrer un remaniement hémorragi-
que en hypersignal ;
• l’imagerie de diffusion permet de dater l’ischémie, en hyper-
Degré de sténose. signal si accident récent (1re semaine), en hyposignal à la
phase séquellaire.
Explorations non invasives
Étude du polygone de Willis (séquence en temps de vol
Dans les études randomisées, la quantification du degré de
sténose a été réalisée sur les données de l’artériographie. [TOF])
La méthode américaine est appliquée dans les études NAS- Technique sensible aux flux de vitesse élevée, elle visualise les
CET [1] et ACAS, [2] la méthode européenne dans l’étude siphons carotidiens, le tronc basilaire, les artères cérébrales
ECST. [3] proximales et surtout les communicantes (présence – calibre).

2 Cardiologie
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Figure 1. IRM cérébrale. Accident vasculaire ischémique sylvien profond gauche récent.
A. Hypersignal sur les séquences pondérées T2 FLAIR et Spin Echo.
B. Isosignal en T1.
C. Le caractère récent est documenté par : l’hypersignal sur la séquence de diffusion, la prise de contraste avec gadolinium.
D. L’ARM en TOF (séquence en temps de vol) montre un flux réduit dans la sylvienne gauche.

Étude des troncs supra-aortiques Les progrès des techniques non invasives, la morbidité du
Elle visualise les troncs supra-aortiques proximaux jusqu’au cathétérisme artériel, bien que faible, son coût plus élevé, la
polygone de Willis avec injection de gadolinium en bolus font réserver à des indications bien ciblées (Fig. 4).
(ARM) (Fig. 2). Ces indications en seraient :
Le post-traitement en 3D MIP permet de dégager les ostia, les • l’échec technique des méthodes non invasives ;
bifurcations et de classer les sténoses (bas grade < 30 % - grade • la discordance de deux techniques non invasives ;
intermédiaire 30-70 % - haut grade > 70 %). • un doute sur une lésion associée du siphon carotidien ;
L’ARM avec gadolinium n’est pas artefactée par l’os et offre • en cas de doute entre sténose serrée ou occlusion de l’artère
une bonne visualisation du système vertébrobasilaire. [4] carotide interne, elle reste la méthode la plus performante
montrant la persistance d’une lumière circulante en bas débit,
Angioscanner (ASC) spirale multicoupes s’opacifiant tardivement.
Il permet d’imager en coupes ultrafines un volume du dôme
aortique à l’encéphale, lors d’une injection de produit de
contraste iodé en bolus.
L’examen comprend deux temps d’exploration :
• l’étude du parenchyme cérébral intéressant en cas d’accident
“ Points forts
ischémique récent. Elle peut montrer un foyer hémorragique
hyperdense spontanément, et/ou une prise de contraste L’évaluation d’une sténose carotide demande deux
témoignant de la rupture de la barrière hématoencéphalique ; méthodes non invasives concordantes.
• l’étude des vaisseaux à destinée cérébrale (Fig. 3). En cas de discordance, ou de circonstances bien ciblées,
Les reconstructions bidimensionnelles offrent les mesures les l’artériographie numérisée est justifiée.
plus fiables dans l’évaluation du degré de sténose de la carotide.
Le scanner permet d’apprécier la densité de la plaque hypo-
dense ou calcifiée.
En revanche, l’étude des artères vertébrales est plus difficile.
L’efficacité de chacune des méthodes non invasives pour
■ Données épidémiologiques
l’évaluation du degré de sténose de l’artère carotide interne Elles peuvent se résumer à des données simples, communes
proximale est bonne, comparativement à l’artériographie aux différentes études réalisées sur ce sujet.
(sensibilité > 80 % - spécificité > 80 %). Les facteurs de risque de sténose carotide sont :
Cependant, les résultats de ces deux techniques d’angiogra- • l’âge élevé ;
phie non invasive sont étroitement dépendants de la qualité de • le sexe masculin ;
l’équipement, de la qualité du post-traitement opérateur- • l’hypertension artérielle (HTA), le tabagisme, la dyslipidémie,
dépendant, enfin de la qualité de l’acquisition. [5] le diabète ;
• l’atteinte clinique de l’athérosclérose sur un autre site.
Artériographie numérisée « conventionnelle » Les déterminants du risque d’infarctus cérébral homolatéral
Elle fut la méthode diagnostique de référence pour l’évalua- sont :
tion des sténoses carotidiennes (études NASCET, ECST, ACAS). • la sténose symptomatique ;

Cardiologie 3
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Figure 2. ARM des troncs supra-aortiques


– Sténose A. Carotide interne gauche.
A, B. ARM après injection de gadolinium. Re-
construction en 3D MIP (A), en volume rende-
ring (B).
C. ARM en séquence en temps de vol (TOF) :
reconstruction en 3D MIP des vaisseaux intra-
crâniens.

• le degré de sténose. Ces phénomènes justifient le recours aux traitements


Le risque dominant d’une sténose carotide est : antithrombotiques.
• l’infarctus cérébral homolatéral en cas de sténose symptoma-
tique ; Prévention à court terme
• la mortalité coronaire en cas de sténose asymptomatique.
Il n’existe pas d’étude de prévalence de sténose carotide À la phase aiguë de l’infarctus cérébral, l’aspirine, à une dose
asymptomatique : de 160 à 300 mg/j, diminue le risque de récidive d’infarctus
• dans la population générale ; cérébral ou de décès.
• dans la population à haut risque (autre localisation de la Les essais effectués avec les anticoagulants n’ont pas montré
maladie athéroscléreuse). un tel bénéfice.
Cependant, en pratique, l’héparine à dose isocoagulante est
utilisée associée à l’aspirine en cas de sténose carotide avec AIT
■ Traitement ou accident constitué mineur avant la chirurgie.

Traitement médical Prévention à long terme


Pour les sténoses carotides asymptomatiques
Justifications
Une seule étude non concluante a été consacrée à ce sujet.
Il n’y a pas d’antinomie mais complémentarité entre le
Cependant, le risque coronaire associé à ces sténoses, le bénéfice
traitement médical et le traitement chirurgical des sténoses
prouvé de l’aspirine en prévention primaire de l’infarctus du
carotides.
myocarde fait qu’il existe un consensus en faveur de ce traite-
Aucun essai thérapeutique contrôle n’a été spécifiquement
consacré à l’évaluation des traitements médicaux. ment dans les sténoses carotides asymptomatiques.
Pour les localisations de la maladie athéroscléreuse, il est Pour les sténoses carotides symptomatiques
logique d’appliquer aux sténoses carotides les traitements
préventifs des manifestations thrombotiques de l’athérosclérose, L’attitude est celle utilisée dans la prévention secondaire des
c’est-à-dire le traitement des facteurs de risque vasculaire et les accidents ischémiques cérébraux liés à l’athérosclérose, dans
antiplaquettaires. lesquels le bénéfice de l’aspirine, du clopidogrel et de l’associa-
La plupart des infarctus cérébraux dus aux sténoses carotides tion aspirine-dipyridamole est démontré.
sont consécutifs soit à la rupture de la plaque athéroscléreuse Il n’est pas possible de déterminer l’antiagrégant plaquettaire
(formation de thrombus mural, source d’embolies distales), soit le plus efficace, ni de préciser l’amplitude du bénéfice thérapeu-
à la majoration de la sténose. tique dans cette catégorie de patients.

4 Cardiologie
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Figure 3. Angioscanner – Sténose A. Carotide interne gauche.


A. Reconstruction 2D dans l’axe de l’artère extracrânienne.
B. Coupe perpendiculaire à l’axe artériel : sténose avec une plaque hypodense et calcifiée.
C, D, E. Reconstructions tridimensionnelles en volume rendering.
C. La soustraction des calcifications rend compte de la lumière résiduelle.
D. Superposition des structures osseuses.
E. Exploration des vaisseaux intracrâniens.

Traitement chirurgical Traitement chirurgical


Essais randomisés Le bénéfice de la chirurgie est fonction du rapport entre le
risque spontané d’infarctus cérébral homolatéral et le risque
Dans les sténoses asymptomatiques, l’essai ACAS [2] a seul, la chirurgical. De nombreux facteurs interviennent avec : le
puissance suffisante. Il a été interrompu après 2,7 années de patient, les techniques anesthésiques, les techniques chirurgica-
suivi en raison d’une diminution significative d’infarctus les (expérience du chirurgien).
cérébral homolatéral du côté de la sténose opérée. En projection
à 5 ans, le risque calculé d’infarctus cérébral et de décès Facteurs liés aux patients
périopératoire était de 11 % dans le groupe médical, contre
Deux éléments sont retrouvés significatifs : un événement
5,1 % dans le groupe chirurgical, soit une réduction du risque
relatif à 53 %. qualifiant cérébral plutôt que rétinien, et une occlusion carotide
Dans les sténoses symptomatiques, deux grands essais (NAS- controlatérale.
CET en Amérique du Nord, [6] ESCT en Europe [7] ) ont été Procédures anesthésiques
réalisés. Ces études ont montré le bénéfice de la chirurgie pour
les sténoses > 70 % (NASCET), > à 90 % (ECST). Le bénéfice de Dans les essais thérapeutiques, seule l’anesthésie générale
la chirurgie fut moins important dans le groupe des sténoses (AG) fut utilisée. L’anesthésie locorégionale (ALR) possède
entre 50 et 70 %. Cependant, la généralisation de ces résultats plusieurs avantages qui se traduisent par une moindre morbidité
est difficile et demande quelques restrictions. neurologique et coronaire (dans les études monocentriques).

Cardiologie 5
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Figure 4. Artériographie numérisée des troncs supra-


aortiques.
A. Vue globale de 4 troncs à destinée encéphalique.
B. Sélective (non indispensable) de la carotide commune.
Suspicion de thrombus en aval de la sténose carotide
interne.

Cette technique permet : carotide commune au décours du doppler transcrânien (étude


• une surveillance directe de la tolérance neurologique au hémodynamique) ou au décours de l’artériographie (étude
clampage ; anatomique).
• le moindre recours au shunt carotidien ; Sous ALR, c’est de toute façon l’état neurologique qui guide
• une réduction des complications coronaires en raison d’un la mise en place d’un shunt.
meilleur équilibre tensionnel (absence de preuve). Sous AG, la tolérance neurologique est incomplètement
L’ALR associe : appréciée, l’utilisation de shunt peut être systématique ou il
• un bloc du plexus cervical profond et du plexus cervical peut être mis en place sur des critères cliniques ou anatomiques
superficiel par un mélange de lidocaïne (Xylocaïne®) et de incomplètement validés.
bupivacaïne (Marcaïne®) ;
• un bloc de la branche maxillaire du V.
Techniques chirurgicales
Technique anesthésique de choix, l’ALR ne dispense pas de la
surveillance habituelle et nécessite la présence constante d’un Pour la technique proprement dite, il existe différentes
médecin-anesthésiste. modalités techniques chirurgicales, ces techniques sont
aujourd’hui bien réglées, validées, elles n’apparaissent pas être
les facteurs dominants de morbidité (Fig. 5).
Chirurgie
Endartériectomie conventionnelle
Un traitement antiagrégant plaquettaire par Aspégic® est la
règle en préopératoire. Un traitement par clopidogrel est Elle est réalisée par décollement de la plaque au contact du
toujours arrêté. plan externe de la média. L’artériotomie est fermée à l’aide
La chirurgie comporte trois volets : d’une angioplastie étroite faite par un patch de veine saphène
• l’exposition artérielle ; ou de matériel prothétique.
• la tolérance au clampage ; Endartériectomie par éversion
• la technique proprement dite.
Elle est réalisée après section de l’ACI à son origine. Le
Exposition décollement de la plaque se fait par retournement de l’ACI
jusqu’à la jonction de la plaque et de l’intima saine. Le contrôle
L’exposition peut être de difficulté variable en fonction de la de l’intima distale est plus difficile. La reproductibilité en est
hauteur de la bifurcation. Elle permet de : moins fiable. L’ACI est ensuite réimplantée sur la bifurcation
• préserver les nerfs crâniens (nerf hypoglosse, nerf pneumo- carotide après une endartériectomie limitée.
gastrique) ;
• d’exposer la bifurcation et de clamper les artères en zone Endartériectomie avec transposition de l’ACI
saine.
Elle est réalisée à ciel ouvert après section de l’ACI à son
L’ALR n’en est pas un caractère limitant.
origine, prolongée par un refend sur le bulbe. Après l’endarté-
riectomie, la transposition de l’ACI est faite sur une artériotomie
Tolérance au clampage remontant de la bifurcation sur l’artère carotide externe. Elle
Elle peut être appréciée en préopératoire (rarement réalisée) permet un contrôle réglé de l’endartériectomie et l’ouverture de
en simulant le clampage carotidien par compression de l’artère l’ostium de l’artère carotide externe.

6 Cardiologie
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Figure 5. Aspects peropératoires de lésions athéroscléreuses de l’artère carotide interne.


A. Hématome sous-intimal sur plaque.
B, C. Sténose serrée sur une plaque athéromateuse à la pointe du bulbe de l’ACI.

Pontages entre ACP et ACI ■ Lésions proximales


Ils ne sont qu’une technique d’exception dans les lésions
athéroscléreuses primaires.
athéroscléreuses des troncs
Lors des gestes difficiles, l’artériographie ou l’échographie supra-aortiques
peropératoire permettent le contrôle de la qualité du geste
effectué. Les lésions occlusives du tronc artériel brachiocéphalique
Un traitement par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) (TABC) et de l’artère carotide commune sont des lésions peu
et un antiagrégant plaquettaire est institué en postopératoire. fréquentes. À l’inverse, les lésions occlusives sous-clavières,
La surveillance en salle de réveil de 6 à 12 h semble suffisante. notamment de l’artère sous-clavière gauche, sont fréquentes
La durée moyenne de séjour postopératoire est de 4 à 5 jours. mais rarement symptomatiques.

Procédures endovasculaires Lésions occlusives du tronc artériel


L’angioplastie par ballonnet et surtout le stent carotidien
brachiocéphalique
apparaissent comme une alternative possible à la chirurgie Lésions peu fréquentes, elles pourraient représenter soit une
carotide. Dans les études monocentriques, le pourcentage de extension de lésions athéroscléreuses de la crosse (topographie
succès technique, au voisinage de 90-95 %, sans mortalité juxtaostiale), soit une lésion isolée sur la partie moyenne du
neurologique est une donnée acquise (Fig. 6). Cependant, la TABC.
pérennité du stent dans cette topographie laisse persister des La lésion ulcérée peut être responsable d’accident embolique
interrogations pour lesquelles aucune étude ne peut aujourd’hui oculaire ou hémisphérique.
répondre. Les études randomisées en cours ne concernent que La lésion occlusive peut se manifester par des troubles
les sténoses symptomatiques dans lesquelles le bénéfice de la témoins d’une ischémie vertébrobasilaire transitoire.
chirurgie est établi et important. Les résultats ne seront connus Les explorations non invasives en permettent facilement le
que dans 3 à 5 ans. [8, 9] diagnostic.
Les procédures endovasculaires (stent) ont pris une place dans
le traitement de certaines lésions (lésion tronculaire) en raison
de la moindre morbidité.
Cependant, la chirurgie (pontage entre l’aorte ascendante et
“ Points forts la partie distale du TABC) garde une place dans les lésions
ostiales.
L’anesthésie locorégionale est souhaitable en l’absence de
contre-indication.
Lésions occlusives de l’artère carotide
La chirurgie carotide par endartériectomie est le commune gauche
traitement de référence. Lésions juxtaostiales le plus souvent, elles représentent
Le stent carotidien doit être réservé à des indications l’extension d’un athérome de la crosse aortique. Habituellement
particulières. peu symptomatiques, elles sont diagnostiquées lors du bilan des
lésions de la bifurcation carotidienne.

Cardiologie 7
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Figure 6. Procédure endovasculaire


sur une sténose de l’artère carotide
interne (ACI).
A. Sténose de la pointe du bulbe avec
une ulcération.
B. Mise en place de la protection dans
l’ACI distale (ballon) et du stent. Figure 7. Sténose athéroscléreuse de l’artère carotide commune. En-
C. Contrôle après largage du stent. dartériectomie chirurgicale - Pièce opératoire.

Les lésions occlusives bilatérales peuvent s’accompagner d’une


ischémie vertébrobasilaire en fait rarement invalidante.
Les indications de correction de ces lésions sont aujourd’hui
peu fréquentes. La correction de la sténose sous-clavière gauche
peut être retenue si elle est symptomatique. Il n’y a pas
d’indication de correction sur les lésions peu ou pas symptoma-
tiques compte tenu du pronostic favorable spontané de ces
lésions. Une exception en est la correction d’une lésion sous-
clavière développée en amont d’une artère mammaire interne,
utilisée dans la revascularisation coronaire.
Si les procédures endovasculaires ont été retenues pour
corriger les lésions sténosantes, l’occlusion de la sous-clavière
relève plus souvent d’une chirurgie conventionnelle (transposi-
tion de l’ASC prévertébrale dans l’artère carotide primitive).

Les lésions sténosantes du segment cervical sont plus excep- Lésions occlusives des artères vertébrales
tionnelles (Fig. 7).
Les lésions des artères vertébrales sont fréquentes dans la
Les procédures endovasculaires ont aussi pris une place
pathologie athéroscléreuse mais la correction de ces lésions n’a
importante dans le traitement de ces lésions.
Elles sont le plus souvent traitées au cours de la chirurgie pas toujours fait la preuve de son utilité.
carotidienne par la mise en place d’un stent par la même Les lésions ostiales fréquentes sont considérées comme étant
incision cervicale. de pronostic favorable, à l’inverse des lésions distales qui
peuvent être responsables d’accident constitué vertébrobasilaire.
L’ischémie vertébrobasilaire est souvent la conséquence de
Lésions occlusives des artères sous-clavières lésions occlusives bilatérales ou associées à une hypoplasie de
l’une d’entre elles.
Leur localisation est assez homogène dans le segment pré- et
Les symptômes les plus fréquents en sont les troubles de
juxtavertébral de l’artère sous-clavière (ASC). L’atteinte du
segment médiastinal de l’ASC gauche est la plus précoce et est l’équilibre intermittents puis progressivement permanents et
souvent peu symptomatique. invalidants.
La symptomatologie clinique en est diverse. Les signes L’ischémie vertébrobasilaire est habituellement hémodynami-
d’ischémie du membre supérieur sont rares, le plus souvent c’est que, en rapport avec une démodulation des flux dans l’artère
une asymétrie tensionnelle qui conduit au diagnostic. vertébrale distale et le tronc basilaire, habituellement retrouvée
La pathologie embolique est rare mais grave, nécessitant une lorsqu’il n’existe pas de suppléance par le territoire antérieur
prise en charge rapide. carotidien.

8 Cardiologie
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques ¶ 11-640-A-10

Figure 8. Sténose de l’artère vertébrale proximale.


A. Sténose préocclusive. Le produit de contraste moule
un thrombus proximal.
B. Vue peropératoire d’une artère vertébrale à son
origine sur l’artère sous-clavière.

Le traitement des sténoses de l’ostium vertébral par les


procédures endovasculaires n’a pas fait la preuve de son
efficacité, malgré un risque faible de complications, les resténo-
ses sont fréquentes. [10]

“ Points forts
• Lésions proximales des TSA.
Procédures endovasculaires de 1re intervention pour
lésions TABC – A. Carotide C.
• Chirurgie de 1re intention pour lésions sous-clavières et
vertébrales.

Figure 9. Revascularisation d’une occlusion de l’artère vertébrale. Pon-


tage veineux sur l’artère vertébrale distale en C1-C2.
A. Occlusion de l’AV en C1-C2.
B. Revascularisation de l’AV en C1-C2 à partir d’une greffe veineuse
■ Conclusion
implantée sur l’artère sous-clavière. La prise en charge et le traitement des lésions carotides
dominent largement les lésions athéroscléreuses des TSA. Un
dépistage et une surveillance de meilleure qualité de ces lésions
Pour faire la preuve d’une telle ischémie, les explorations conduit à poser de nombreuses indications préventives. En effet,
doivent être précises et performantes : l’impact de l’anesthésie locorégionale, le caractère bien réglé de
• échographie-doppler cervicale et transcrânienne ; cette chirurgie en ont banalisé la réalisation. La chirurgie
carotide représente aujourd’hui la meilleure prévention des
• IRM afin d’explorer le parenchyme sus- et sous-tentoriel ; accidents ischémiques cérébraux, associée au traitement
• artériographie des TSA, indispensable pour faire un bilan médical.
lésionnel correct.
Le traitement en est chirurgical.
Deux types d’intervention peuvent être discutés en fonction
■ Références
du bilan lésionnel : [1] North American symptomatic carotid endarterectomy trial collabora-
• la revascularisation de l’artère vertébrale proximale. La tion. Beneficial effect of carotid endarterectomy in symptomatic
patients with high grade carotid stenosis. N Engl J Med 1991;325:
transposition de celle-ci dans l’artère carotide primitive est le
445-53.
geste de référence (Fig. 8) ; [2] ACAS study group. Endarterectomy for asymptomatic carotid artery
• la revascularisation de l’artère vertébrale distale. La revascula- stenosis. JAMA 1995;273:1421-8.
risation de l’artère vertébrale en C1-C2 est souvent retenue [3] European carotid surgery trialists collaboration group. Randomised
dans les occlusions vertébrales bilatérales. trial of endarterectomy for recently symptomatic carotid stenosis: final
results of the MRC european carotid surgery trial (ECST). Lancet 1998;
La revascularisation par un pontage avec du matériel veineux 351:1379-87.
est réalisée entre l’artère carotide primitive et l’artère vertébrale [4] Borisch I, Horn M, Butz B, Zorger N, Draganski B, Hoelscher T, et al.
dans l’espace C1-C2 abordé par une incision pré-sterno- Preoperative evaluation of carotid artery stenosis: comparison of
cléidomastoïdienne. Cette revascularisation a une bonne contrast-enhanced MR angiography and duplex sonography with
pérennité mais les indications en sont exceptionnelles dans digital subtraction angiography. AJNR Am J Neuroradiol 2003;24:
cette pathologie (Fig. 9). 1117-22.
[5] Alvarez-Linera J, Benito-Leon J, Escribano J, Campollo J, Gesto R.
La chirurgie associée carotide et vertébrale n’est plus que Prospective evaluation of carotid artery stenosis: elliptic centric
rarement pratiquée en raison de la morbidité neurologique contrast-enhanced MR angiography and spiral CT angiography
rapportée dans les gestes combinés (correspondant à une compared with digital subtraction angiography. AJNR Am
diffusion importante de la maladie athéroscléreuse). J Neuroradiol 2003;24:1012-9.

Cardiologie 9
11-640-A-10 ¶ Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques

[6] Alamovitch S, Eliasziw M, Algra A, Meldrum H, Barnett HJ, North [10] Sylvia study investigators. Stenting of symptomatic atherosclerotic
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Group. Risk, causes and prevention of ischaemic stroke in elderly
patients with symptomatic internal carotid stenosis. Lancet 2001;357: Pour en savoir plus
1154-60.
[7] Rothwell PM, Gutnikov SA, Warlow CP, European carotid surgery Long A, Lepoutre A, Corbillon E, Branchereau A. Critical review of non or
trialist’s collaboration. Reanalysis of the final results of the European minimally invasive methods (Duplex ultrasonography, MR – and CT
carotid surgery trial. Stroke 2003;34:514-23. Angiography) for evaluating stenosis of the proximal internal carotid
[8] Roubin GS, New G, Iyer SS, Vitek JJ, Al-Mubarak N, Liu MW, et al. artery. Eur J Vasc Endovasc Surg 2002;24:43-52.
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in the carotid and vertebral transluminal angioplasty study stenting for the treatment of vertebral origin stenosis. Neurosurgery
(CAVATAS). A randomised trial. Lancet 2001;357:1729-37. 2003;53:607-16.

C. Laurian.
Service de chirurgie vasculaire, Hôpital Saint Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France.
V. Marteau.
Service de radiologie, Hôpital Saint Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France.
C. Saliou.
Service de chirurgie vasculaire, Hôpital Saint-Brieuc, 22000 Saint Brieuc, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurian C., Marteau V., Saliou C. Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques. EMC (Elsevier
SAS, Paris), Cardiologie, 11-640-A-10, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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