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Particules élémentaires

et interactions fondamentales

par Jean-Claude MONTRET


Professeur des Universités
Directeur du Laboratoire de Physique corpusculaire
de l’Université Blaise-Pascal (Clermont II)

1. Constitution de la matière .................................................................... A 1 136 - 2


1.1 Historique ..................................................................................................... — 2
1.2 Classification des particules ....................................................................... — 3
1.2.1 Spin...................................................................................................... — 3
1.2.2 Masse. Durée de vie ........................................................................... — 3
1.3 Modèle des quarks ...................................................................................... — 4
1.3.1 Symétries discrètes ............................................................................ — 4
1.3.2 Nombres quantiques.......................................................................... — 6
1.4 Modèle de l’octet ......................................................................................... — 7
1.5 Généralisation aux quarks lourds .............................................................. — 8
1.6 États liés c c (charmonium) et b b (bottonium) ..................................... — 9
1.7 Familles ........................................................................................................ — 9
1.7.1 Leptons ................................................................................................ — 9
1.7.2 Quarks.................................................................................................. — 9
2. Interactions fondamentales .................................................................. — 10
2.1 Les quatre interactions fondamentales ..................................................... — 10
2.2 Propriétés élémentaires des quatre interactions fondamentales............ — 10
2.2.1 Intensité ou constante d’interaction.................................................. — 10
2.2.2 Portée des interactions....................................................................... — 11
2.3 Formalisme : théorie quantique relativiste................................................ — 11
2.4 Relation portée-masse de la particule échangée ...................................... — 11
2.5 Identité champ-particule ............................................................................. — 12
2.6 Champs en interaction : apparition des particules virtuelles................... — 12
2.7 Théorie complète de l’interaction électromagnétique :
l’électrodynamique...................................................................................... — 12
2.7.1 Électrodynamique classique.............................................................. — 13
2.7.2 Jauge ................................................................................................... — 13
2.7.3 Invariance de jauge de l’interaction électromagnétique ................. — 13
2.7.4 Électrodynamique quantique ............................................................ — 13
2.7.5 Interaction électron-photon ............................................................... — 13
2.8 Interaction faible .......................................................................................... — 13
2.8.1 Existence ............................................................................................. — 13
2.8.2 Théorie de l’interaction faible : modèle de Fermi ............................ — 13
2.9 Unification des interactions électromagnétiques et faibles..................... — 14
2.9.1 Hypothèse ........................................................................................... — 14
8 - 1995

2.9.2 Propagateur du boson W ................................................................... — 14


2.9.3 Invariance de jauge. Ses conséquences ........................................... — 15
2.10 Modèle de Weinberg-Salam ...................................................................... — 15
2.11 Couleur des quarks. Chromodynamique quantique................................. — 15
2.12 Conclusion.................................................................................................... — 16
3. Point de vue expérimental : nécessité de l’énergie ....................... — 16
A 1 136

3.1 Expérience : ALEPH ..................................................................................... — 17


3.2 Nombre de familles de neutrinos............................................................... — 18
3.3 Au-delà du modèle standard ...................................................................... — 18
Références bibliographiques ......................................................................... — 19

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PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ET INTERACTIONS FONDAMENTALES ______________________________________________________________________________

e but de cet article est de permettre au lecteur d’acquérir ou de préciser des


L connaissances générales sur les constituants élémentaires de la matière et
sur leurs interactions fondamentales.
La notion de particules élémentaires, constituants universels de la nature, est
un concept plus simple et plus ancien que celui de particules vecteurs des
interactions. La démarche proposée, qui consiste à présenter en premier lieu la
constitution de la matière puis les interactions fondamentales, a le mérite de
lier les aspects historiques et didactiques de cette discipline.
L’articulation entre les deux parties se fait par l’utilisation de principes fonda-
mentaux de la Mécanique quantique relativiste, dont on rappelle quelques points
essentiels et indispensables pour la compréhension du texte. Tout lecteur inté-
ressé plus particulièrement, et qui souhaite approfondir ses connaissances,
pourra lire l’article sur la Mécanique quantique [A 196] du même traité et les
ouvrages notés en références bibliographiques.

Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Désignation Symbole Désignation

B nombre quantique baryonique r portée


b beauté r coordonnées d’espace
C opérateur conjugaison de charge S étrangeté
c vitesse de la lumière (c = 299 792 458 m · s –1) s nombre quantique de spin ou quark étrange
ou quark charmé (charme)
T opérateur renversement du temps
d quark down
t temps ou quark top (toponium)
E énergie
u quark up
e charge élémentaire
W +, W – W 0 bosons intermédiaires
e+ positron
Y hypercharge
e– électron
Γ largeur de transition (incertitude sur l’énergie
G constante de gravitation au repos d’une particule)
GF constante de Fermi µ –, µ + muons
h hélicité ν neutrino
, constante réduite de Planck π pion ou méson π
– 34
( , = h ⁄ 2π = 1,054 572 66 × 10 J⋅s) τ vie moyenne ou lepton τ
I nombre quantique d’isospin
I3 projection du spin isotopique
J spin 1. Constitution de la matière
K méson
k quadrivecteur énergie - impulsion
d’une particule
1.1 Historique
M masse d’une particule La physique des particules élémentaires a deux buts intimement
me masse de l’électron (m e = 9,109 389 7 × 10–31 kg corrélés.
= 0,510 999 06 MeV/c 2) D’abord, elle recherche les constituants ultimes de la matière afin
mp masse du proton (m p = 1,672 623 1 × 10–27 kg de répondre à la question : de quoi le monde est-il fait ? Ensuite,
elle s’interroge sur les mécanismes qui régissent les interactions
= 938,272 31MeV/c 2)
entre ses constituants. Ces questions, bien qu’anciennes, sont tou-
N nucléon jours en vigueur et sont à la base d’une démarche scientifique dont
n neutron la physique des particules (encore appelée physique des hautes
énergies) constitue l’avancée extrême.
P opérateur parité ou quantité de mouvement
■ La recherche des éléments
p proton
Dès l’Antiquité, les philosophes grecs, suivant les idées de
q charge électrique Démocrite, postulent que les objets naturels sont construits à partir

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d’un nombre restreint d’éléments dont l’agencement et les propor- ■ Hélicité


tions variables définissent les propriétés. Cette idée séduisante est La projection du spin sur une direction fixe de l’espace n’est pas
encore d’actualité dans notre recherche des éléments fondamentaux conservée, sauf sur la direction du mouvement de la particule. Cette
constituant l’Univers.
À la fin du XIX e siècle, les chimistes identifient et classent projection h porte le nom d’hélicité et revêt un intérêt particulier
(Mendeleïev) les éléments dont toute substance est composée. Cette dans le cas des particules de masses nulles. En effet, pour ces
classification, qui permet de prédire les propriétés des substances, dernières, le spin est la valeur absolue de leur hélicité. Donc,
appelle à simplification pour réduire le nombre des éléments qui la contrairement à une particule massive de spin s qui possède 2s + 1
composent. états de spin, une particule de masse nulle n’en possède qu’un seul.
C’est le cas du neutrino, qui a une hélicité gauche (la projection de
Ce sont les physiciens qui, succédant aux chimistes, percent le
son spin est opposée à sa quantité de mouvement) alors que l’anti-
secret de la structure des édifices atomiques et moléculaires. Ainsi,
neutrino a une hélicité droite (projection du spin dans le sens de
dans les années trente, la situation s’est considérablement simpli-
la quantité de mouvement).
fiée. L’électron apparaît comme constituant universel de la matière
et, avec le proton et le neutron, particules lourdes formant le noyau En revanche, le photon, parce qu’il conserve la parité et qu’il est
atomique, on est capable de reconstruire la totalité de la classification à lui-même son antiparticule, possède deux états d’hélicité, + 1 et
de Mendeleïev. À cette connaissance des constituants s’ajoute celle – 1, qui correspondent par ailleurs aux deux états de polarisation
des quatre interactions régissant les lois de l’Univers : la gravitation, de la lumière.
l’électromagnétisme, l’interaction faible responsable de la désin-
tégration β des noyaux et l’interaction forte qui lie les protons et les
neutrons dans les noyaux. Les théories quantiques nous enseignent 1.2.2 Masse. Durée de vie
que chacune de ces interactions doit être véhiculée par une particule,
quantum du champ qu’elle représente, et l’on connaît à cette époque La première idée, et la plus simple que l’on puisse avoir, est de
le photon, porteur de la force électromagnétique. Par analogie, classer les particules suivant la valeur de leur masse. On distingue
Yukawa propose une théorie de l’interaction forte prédisant l’exis- ainsi les particules légères ou leptons, les particules lourdes ou
tence d’une particule de masse environ 100 MeV/c 2 (cf. note § 1.2.2), baryons et, entre les deux, des particules de masses intermédiaires
le méson π. ou mésons. À cette hiérarchie on peut adjoindre la nature de l’inter-
La recherche de ce dernier, à l’aide du rayonnement cosmique, action en remarquant que les leptons n’interagissent que par inter-
seule source de particules énergétiques à l’époque, conduit à la action électromagnétique ou faible et que les mésons et les baryons
découverte d’une particule de masse convenable mais dont l’inter- possèdent en plus la possibilité d’interagir par interaction forte : ce
action avec les protons et neutrons est du type de celle de l’élec- sont les hadrons.
tron. Baptisé muon, il appartient, comme l’électron, à la famille des La connaissance de la masse est liée à la durée de vie τ de la par-
leptons (§ 1.7). ticule. En effet, l’énergie au repos d’une particule est, dans son réfé-
Le méson π est découvert en 1947, mais, quelques années plus rentiel propre, connue avec une incertitude Γ telle que Γ τ = , . Dans
tard, la construction des accélérateurs de particules ouvre la voie le cas extrême de durée de vie de l’ordre de 10 –23 s, temps mis par
à des expériences où le nombre de nouvelles particules créées ne une particule animée de la vitesse de la lumière pour parcourir une
cesse d’augmenter. Dans les années soixante, avec la découverte distance de 1 fermi (10 –15 m), Γ est de l’ordre de 100 MeV/c 2. Ces
des particules à temps de vie très court de 10 –23 à 10 –24 s, les réso- particules, à vie très brève, sont appelées résonances.
nances, le nombre dépasse rapidement la centaine. S’imposent
alors les nécessités d’une classification et d’une simplification. ■ Remarque : une particule peut se désintégrer suivant plusieurs
modes différents, chaque état final représentant une voie de désin-
■ Définitions tégration particulière. On appelle rapport de branchement d’une
● On appelle particule tout objet dont les caractéristiques, masse, voie donnée, la probabilité (ou pourcentage) que la particule a de se
spin, durée de vie, charge électrique, spin isotopique, parité, étran- désintégrer en cet état final.
geté, etc., sont déterminées et dont la dimension est inférieure, voire Si l’on note α i la probabilité d’atteindre la voie i, on appelle lar-
de l’ordre d’un fermi, soit 10 –13 cm. geur partielle de cette voie i la quantité Γi = α i Γ , les quantités Γi
● On appelle particule élémentaire tout objet dont les caractéris- obéissant à la relation :
tiques précédentes sont déterminées mais qui, de plus, ne peut pas
être un état composé d’autres objets. Γ = ∑ Γi
i

On peut dresser un premier tableau synthétique (tableau 1) des


1.2 Classification des particules particules suivant les valeurs de leur spin, de leur masse, et suivant
leurs modes d’interaction. Ce tableau donne un premier aperçu de
la classification des particules. Cependant, à l’intérieur de chaque
1.2.1 Spin catégorie, et en particulier dans celle des hadrons, la mise en évi-
dence d’états liés, à vie très brève, en nombre important (  100 ),
Une particule au repos possède un moment cinétique intrinsèque composés d’autres particules, laisse à penser que l’on est dans une
de valeur s, où s est le nombre quantique de spin [2]. Comme pour situation comparable à celle de la classification de Mendeleïev et
le moment cinétique, les valeurs possibles de s sont soit entières qu’une explication à la fois simplificatrice et descriptive de ces
objets doit être trouvée. (0)
 
1 3
(0, 1, 2, etc.), soit demi-entières --- , --- ... . Dans le premier cas, les
2 2 ■ Note : l’usage en physique nucléaire et des particules est
particules répondent à la statistique de Bose-Einstein et sont appe- d’exprimer la masse à partir de l’énergie relativiste équivalente
lées bosons, dans le second à la statistique de Fermi-Dirac et sont
E = Mc 2.
appelées fermions. Dans ce dernier cas, elles doivent de plus satis-
faire le principe d’exclusion de Pauli, qui implique à deux fermions
de ne pouvoir se trouver dans le même état quantique.
Les particules constituants de la matière font partie de la famille
des fermions, celles qui portent les interactions de la famille des
bosons.

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Tableau 1 – Classification des particules


Particules Spin Interactions
(Classées par entier 1/2 entier électro- électro-
ordre croissant ou ou magnétique magnétique
de masse) boson fermion + faible + faible
+ forte
Photons
Leptons
Mésons
Hadrons
Baryons
Les parties tramées correspondent aux propriétés des particules.

Figure 1 – Parité
1.3 Modèle des quarks

L’hypothèse selon laquelle les hadrons peuvent être construits


avec un nombre réduit de constituants, les quarks, a été énoncée
dès 1961 par le physicien américain M. Gell-Mann. Fondée sur des
propriétés mathématiques, cette hypothèse, confirmée aujourd’hui,
s’est révélée d’une remarquable prédictivité.

1.3.1 Symétries discrètes


1.3.1.1 Parité et conjugaison de charge
1.3.1.1.1 Parité
La parité est l’opération qui, dans un système physique, change
les coordonnées d’espace r en – r .
Soit P l’opérateur parité et ψ ( – r , t ) > la fonction d’onde du
système physique.
Nous avons : Figure 2 – Parité intrinsèque
P ψ (r , t ) > = ψ (– r , t ) >
La connaissance de ces deux parités permet de déterminer pour
Si l’on applique la parité au système ψ ( – r , t ) > , on revient au tous les systèmes en interaction forte ou électromagnétique la
système initial : parité des divers constituants en utilisant la règle selon laquelle la
parité d’un système à deux particules est le produit des parités
2
P ψ (– r , t ) > = P ψ (r , t ) > = ψ (r , t ) > intrinsèques des deux particules par la parité orbitale.
De plus, la parité d’un boson est identique à celle de l’antiboson
d’où P2 = I soit P = ± 1
correspondant, celle d’un fermion et de l’antifermion sont opposées.
Appliquée deux fois, la parité est l’opérateur d’identité. ● Remarque
Géométriquement, la parité est la symétrie par rapport à un Pour une particule de spin J et de parité P, on note par J P l’état
point fixe O, pris comme origine des coordonnées (figure 1). de cette particule. On distingue ainsi :
Cette opération est aussi le produit de la symétrie par rapport à — les bosons scalaires (0 +), les bosons pseudoscalaires (0 –) ;
un plan (par exemple xOy ) suivie d’une rotation d’angle de 180o — les bosons de spin 1, qui sont des vecteurs, axiaux pour ceux
de parité paire, polaires pour ceux de parité impaire, etc.
autour de Oz perpendiculaire au plan xOy. La rotation étant une
opération qui conserve tout système physique, la conservation de ■ Violation de la parité
la parité se réduit à la conservation du système dans la symétrie
Comme nous l’avons vu précédemment (§ 1.2.1), le neutrino µ
par rapport au plan, soit l’identité avec son image dans un miroir.
n’existe que dans l’état d’hélicité – 1 et l’antineutrino dans l’état
■ Parité intrinsèque d’hélicité + 1.
Soit une particule au repos dont la mesure du spin suivant la Si l’on regarde un neutrino arrivant sur un miroir, le vecteur quan-
direction (∆) quelconque est s, (figure 2). tité de mouvement de ce dernier, qui est un vecteur polaire, change
L’image de cette particule dans un miroir est identique à de sens, alors que l’hélicité Sν , projection d’un vecteur axial, le spin,
elle-même, car la mesure du spin suivant (∆’) image de (∆) est encore ne change pas de sens dans cette réflexion d’espace (figure 3).
s, . Cet état est donc un état propre de l’opérateur parité. Cette carac-
téristique attachée à la particule est appelée parité intrinsèque. Par L’image d’un neutrino dans un miroir représente une situation
convention, on attribue une parité intrinsèque au proton et au neu- interdite et ainsi il viole la parité. Le neutrino étant une particule qui
tron égale à + 1. n’interagit dans la nature que par interaction faible, on conclut que
l’interaction faible viole la parité.

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Figure 3 – Violation de parité


Figure 4 – Invariance sous CP

Cette situation se retrouve dans les désintégrations, via le pro-


Nous poserons ainsi :
cessus faible, de certaines particules.
Par exemple, le méson K+ de parité – 1 se désintègre en π+ π+ K s ( s pour short ) = α K 0 + β K 0 avec
2 2
α +β = 1
π –, système de parité (– 1) mais également en π + π 0 système de parité
(+ 1). 2 2
K  (  pour long ) = γ K 0 + δ K 0 avec γ +δ =1
1.3.1.1.2 Conjugaison de charge Le K s se désintègre en deux π : soit π + π – ou π 0 π 0 et cet état est
La résolution de l’équation de Dirac, équation fondamentale de un état propre de CP avec la valeur propre + 1 :
la mécanique quantique relativiste, introduit de manière naturelle
la notion d’antiparticule. Prédit par Dirac dès 1928, le positron, qui CP |π + π – > = |π + π – >
a les mêmes caractéristiques que l’électron (sauf la charge qui est Or CP change |K 0 > en – K 0 > et réciproquement.
changée de signe), a été observé quelques années plus tard, en 1933,
par Anderson. Viendront ensuite les observations de l’antiproton, CP K 0 > = – K 0 >
l’antineutron, etc., l’existence de l’antiparticule d’une particule
n’ayant jamais été mise en défaut. Si l’on applique CP à K s , on obtient – αK 0 – β K 0 d’où l’on tire
Pour formaliser cette notion, si l’on note C l’opérateur conjugaison α = – β = 1⁄ 2 .
de charge :
K s est une superposition de K 0 et K 0 et s’écrit :
C | Système de particules > = | Système antiparticules >
K s = (K 0 – K 0) ⁄ 2
Comme la parité, l’opérateur conjugaison de charge est conservé
dans les processus d’interactions forte et électromagnétique, il est Le K  se désintègre en trois π : π+ π–
π 0 ou π 0 π 0 π 0.
violé dans les processus d’interaction faible.
Or CP |π π π > = – |π π π > et c’est un état propre de CP
+ – 0 + – 0
■ Cas du neutrino avec la valeur propre – 1.
Revenons à la non-conservation de la parité par le neutrino et Un raisonnement analogue au précédent nous conduit à :
appliquons, après l’opérateur parité, l’opérateur conjugaison de
charge. Schématiquement, l’opération totale peut être représentée K = ( K 0 + K 0 ) / 2
par la figure 4.
En aucun cas, s’il y a conservation de CP, un K  ne peut se
On voit que le produit CP transforme un neutrino de quantité de
désintégrer en deux mésons π. Or, expérimentalement, on a
mouvement P ν en un antineutrino de quantité de mouvement observé la désintégration du K  en deux mésons π, ce qui, bien
opposée à P ν . Ainsi, le système physique que constitue le neu- que le taux soit faible (≈ 10–3), indique une violation de CP.
trino est invariant sous le produit CP. Notons que ce produit est Actuellement, l’origine de cette violation n’est pas encore connue,
indépendant de l’ordre des opérateurs P et C. mais on la retrouve dans la désintégration de mésons plus lourds.

1.3.1.2 Non-conservation de CP dans l’interaction faible : 1.3.1.2.2 Renversement du temps


désintégration des mésons K neutres L’opération renversement du temps t consiste à changer le signe
de t dans les fonctions impaires de t. C’est le cas de la vitesse, donc
1.3.1.2.1 Mode de désintégration en deux pions de la quantité de mouvement, du moment cinétique, du courant, etc.
On suppose les interactions invariantes sous CP. Lorsque l’on Si l’on désigne par T l’opérateur renversement du temps, nous
regarde la désintégration d’un ensemble de K 0 et de K 0 (antipar- avons :
ticule), on observe deux lots de désintégrations distinctes, avec des T ψ (r , t )  = ψ (r , – t ) 
temps de vie différents. Le premier a un temps de vie de
0,9 × 10 –10 s et se désintègre en deux pions chargés ou neutres. Le On dit que le système remonte le temps.
second a une durée de vie de 5,4 × 10 –8 s et se désintègre en trois
pions. La différence des durées de vie interdit que l’un des lots soit 1.3.1.2.3 Théorème CPT
des K 0 , l’autre des K 0 , particules et antiparticules devant avoir À partir des principes fondamentaux de la mécanique quantique,
même temps de vie. Ainsi, on suppose que l’un et l’autre sont des on peut démontrer que tous les systèmes physiques sont inva-
mélanges de K 0 et de K 0 . riants sous le produit des trois opérateurs C, P, T.

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D’après ce qui précède, nous pouvons conclure que si C et P les interactions. Ce nombre quantique leptonique est caractéris-
sont des symétries exactes des interactions fortes et électromagné- tique de chaque famille de leptons.
tiques, T l’est également. En revanche, si le produit CP est violé En fait, les leptons sont les particules qui interagissent par inter-
dans l’interaction faible, T l’est également, et de la même quantité. action électrofaible et certaines, bien que de masse relativement éle-
Le théorème CPT a pour conséquence l’égalité des masses et vée, restent rangées dans les leptons. On connaît actuellement trois
des durées de vie d’une particule et de son antiparticule. familles de leptons, ce nombre ayant été mesuré au Centre Européen
de Recherche Nucléaire (CERN) en étudiant la désintégration du
boson Z 0 (§ 3.2).
1.3.2 Nombres quantiques Les trois leptons, chargés négativement, portent le nombre
quantique leptonique + 1 et à chacun d’eux est associé un neu-
1.3.2.1 Charge électrique trino, particule légère et sans charge, de nombre quantique lepto-
nique lui aussi égal à + 1.
La charge électrique d’un système physique est une grandeur
mesurable à l’échelle macroscopique. Cette grandeur se retrouve à Le tableau des leptons, de nombre quantique leptonique + 1,
l’échelon microscopique, portée par les particules qui composent peut se présenter comme suit : (0)
le système physique. Ainsi, l’électron a une charge négative de
– 1,6 × 10 –19 C et le proton une charge positive de + 1,6 × 10 –19 C.
Par convention, on attribue à la charge de l’électron le nombre
charge électrique –1 e µ τ
quantique de charge – 1. Ainsi, pour le proton, ce nombre quantique charge électrique 0 νe νµ ντ
vaut + 1, et est nul pour une particule neutre.
Ce nombre quantique est un nombre quantique additif, conservé
Comme pour les baryons, à chaque lepton est associé un anti-
dans toutes les interactions. Il explique la stabilité de l’électron qui,
lepton de nombre quantique leptonique – 1, de charge positive pour
particule la plus légère de toutes, ne peut se désintégrer en un sys-
les trois leptons chargés et de charge nulle pour les trois neutrinos.
tème moins lourd qu’elle. Cette conservation traduit en fait la conser-
vation de la charge électrique dans l’Univers qui est, et reste,
globalement neutre. 1.3.2.5 Étrangeté
Ce nombre quantique, né de l’observation expérimentale de la
1.3.2.2 Charge baryonique création ou de la disparition de certaines particules, a été introduit
par M. Gell-Mann dans les années cinquante. Pour expliquer le para-
Lorsque l’on regarde les particules lourdes, constituants de l’Uni-
doxe de la production associée du méson K et du baryon Λ dans
vers, on constate que le neutron, à l’état libre, se désintègre avec
l’interaction pion-proton (π – + p → K 0 + Λ 0) et une durée de vie
une vie moyenne de 15 minutes environ en un proton, un électron
longue laissant supposer une désintégration par interaction faible
et un antineutrino :
du méson K 0 en une paire π + π –, M. Gell-Mann introduit une qua-

n → p + e + νe trième charge appelée étrangeté.
Cette charge, caractérisée par le nombre quantique d’étrangeté,
En revanche, le proton reste stable avec une durée de vie
33 est conservée dans les interactions fortes et électromagnétiques et
τ p  10 ans , laissant supposer que sa désintégration violerait la n’est pas conservée par l’interaction faible.
conservation d’un nombre quantique spécifique.
Par convention, on attribue un nombre quantique baryonique ou 1.3.2.6 Isospin
charge baryonique + 1 au proton et, grâce à lui, on peut déterminer L’indépendance de charge des forces nucléaires (interaction
le nombre quantique baryonique de toutes les particules. p – p = interaction p – n = interaction n – n ) a conduit à considérer
Ainsi, comme le proton, le neutron possède un nombre quantique proton et neutron comme deux états différents d’une même parti-
baryonique égal à + 1, les leptons et les mésons des nombres quan- cule, le nucléon. Pour les différencier, on utilise un formalisme iden-
tiques baryoniques égaux à 0. tique à celui du spin. Ainsi, en attribuant un nombre quantique
1
d’isospin I = ---- au nucléon, nous avons deux possibilités pour la
1.3.2.3 Antibaryon 2
Comme vu précédemment (§ 1.3.1.1.2), l’équation de Dirac, asso- 1
projection I 3 de ce nombre quantique, à savoir I 3 = + ---- et
ciant à toute particule une antiparticule, est encore vraie pour les 2
baryons. Ainsi, symétriquement au proton et au neutron, il existe 1
un antiproton et un antineutron ayant pour nombre quantique I 3 = – ---- .
2
baryonique (– 1). La règle de conservation du nombre quantique 1 1
baryonique explique pourquoi la réaction de création d’antiprotons On choisit I 3 = + ---- pour le proton et I 3 = – ---- pour le neutron.
2 2
dans une collision proton-proton nécessite des protons de 5,6 GeV,
la réaction fondamentale s’écrivant : 1.3.2.7 Résonance
p+p→p+p+p+p Dans les années soixante, la mise en fonctionnement de nouveaux
accélérateurs d’énergie supérieure à 1 GeV, les progrès sur les détec-
nombre quantique baryonique 1 + 1 = 1 + 1 + 1 – 1
teurs de particules et les possibilités d’analyses plus fines ont permis
Comme le montre l’écriture de la réaction, le proton incident doit, de mettre en évidence de nouvelles particules : les résonances.
dans le système du centre de masse de la réaction, apporter une Ces dernières sont des états instables dont la durée de vie est de
énergie égale à la somme des masses de la paire proton-antiproton l’ordre de 10 –23 à 10 –24 s. Indétectables directement car leurs par-
créée, soit 2 m p c 2, ce qui correspond, dans le système du labora- cours sont trop faibles, c’est par la reconnaissance de leurs produits
toire, aux 5,6 GeV précédemment cités. de désintégration qu’elles sont repérées et que toutes leurs carac-
téristiques sont mesurées. Cependant, il convient de noter que la
relation d’incertitude d’Heisenberg ∆E∆ τ ≈ , conduit à une incer-
1.3.2.4 Nombre quantique leptonique titude sur la valeur de la masse d’environ 100 MeV/c 2.
Comme pour les baryons, les particules légères, ou leptons, sont
caractérisées par un nombre quantique leptonique, conservé dans

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Citons, à titre d’exemple, le baryon N *, état excité du nucléon et


qui se désintègre en N + π de masse M = 1 520 MeV/c 2 et de largeur
Γ = 125 MeV/c 2, et le triplet mésonique ρ, ω, φ de nombres quantiques
identiques et aux caractéristiques suivantes :
M (en MeV/c 2) Γ (en MeV/c 2)
ρ → ππ 770 153
ω → ρπ 782 8,5
φ → KK 1 019 4,4
Le nombre particulièrement important de résonances découvertes
(quelques centaines) ne permet plus d’envisager une classification
simple des particules et c’est l’utilisation des nombres quantiques
définis précédemment qui va induire la solution.

1.3.2.8 Hypercharge
On introduit un nombre quantique supplémentaire, appelé hyper-
charge Y et valant la somme des nombres quantiques baryoniques
B et d’étrangeté S :
Y=B+S
Ce nombre quantique est lié à la charge électrique q et à la
Y
projection du spin isotopique I 3 par la relation : q = I 3 + ---- .
2

1.3.2.9 Spectre de masse des hadrons


Les particules de même spin-parité se regroupent en familles de
masses voisines appelées supermultiplets d’isospin. À l’intérieur
d’un supermultiplet apparaissent des regroupements de masses très
voisines appelées multiplets d’isospin.
Les figures 5 et 6 représentent des supermultiplets dans le
plan Y, I 3 et les multiplets d’isospin des baryons de spin-parité
1+ 3+
---- et ---- .
2 2

Figure 5 – Supermultiplets d’isospin

1.4 Modèle de l’octet

La représentation des supermultiplets dans le plan (Y, I 3) de la


figure 5 regroupe les particules suivant des figures aux propriétés
géométriques remarquables.
À partir de ces dernières, M. Gell-Mann établit un modèle théo-
rique fondé sur la théorie des groupes, appelé SU (3) (Spécial
Unitaire d’ordre 3).
La représentation irréductible de ce groupe de symétrie, qui
donne le plus petit nombre d’éléments du groupe permettant de
construire tous les éléments du groupe, correspond à un triplet de
trois particules appelées quarks et notées u (up ), d (down ) et
s (strange ). Ces particules sont de charges fractionnaires :


2
3   1
3  
1

u + --- e , d – --- e et s – --- e (figure 7) et, conformément à la
3
théorie de Dirac, chacune d’elles est doublée par son antiparticule,
de même caractéristique quantique et de charge opposée.
Ainsi les hadrons apparaissent comme des combinaisons de
quarks et d’antiquarks.
Les baryons sont des systèmes de trois quarks, symboliquement
|qqq > et les mésons des systèmes quark-antiquark, symboli-
quement q q > .
Exemple : le proton est un état |uud >, le neutron un état |udd >.
Le méson π + est un état ud > , le méson π – un état u d > , le
méson π 0 un état uu + dd > . Figure 6 – Multiplets des baryons
■ Remarque
Le succès du modèle des quarks a été conforté par ses possibilités le Ω – de masse 1 672 MeV/c 2 et d’étrangeté – 3 (état |sss >) a été
3+ prédit avec ses caractéristiques quantiques avant d’être découvert
prédictives. Ainsi, dans le doublet des baryons de spin-parité --- , en 1964.
2

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Figure 7 – Représentation irréductible de SU (3)

1.5 Généralisation aux quarks lourds


Figure 8 – Multiplets des mésons de spin 0
■ Le charme
L’observation en 1974, de manière quasi simultanée à Stanford
et Brookhaven aux États-Unis, d’une nouvelle particule lourde, le
méson J / ψ , de masse 3,1 GeV / c 2 et de largeur très étroite
(Γ = 0,068 MeV/c 2), donc de temps de vie long, met en évidence un
nouvel état de la matière.
En suivant un raisonnement analogue à celui fait pour les parti-
cules étranges, les propriétés du méson J / ψ , premier élément
d’une famille dont les récurrences vont jusqu’à des masses
de 4,115 GeV/c 2, s’expliquent en introduisant un nouveau nombre
quantique, le charme, porté par un nouveau quark lourd charmé,
de symbolique c. Le méson J / ψ apparaît lui-même comme un état
lié c c > .
Dotés de quatre quarks u, d, s, c, nous pouvons généraliser SU (3)
et représenter dans l’espace, le quark c introduisant un nouvel axe,
les hadrons que nous pouvons former.
Les figures 8 et 9 représentent, à titre d’exemple, les multiplets
3
des mésons de spin 0 et des baryons de spin --- .
2
■ La beauté
Avec les accélérateurs de plus en plus haute énergie, la recherche
de nouveaux états de la matière se poursuit et, en 1977, la découverte
du méson Y permet, en suivant toujours la même logique, de mettre 3
Figure 9 – Multiplets des baryons de spin ---
en évidence le quark b et de prédire ainsi tous les états que l’on 2
peut construire avec les cinq quarks u, d, s, c, b. Il n’y a pas de
représentation schématique simple de ces états car l’introduction de
ce nouveau nombre quantique nécessite un espace à quatre la parité sont applicables. Chaque niveau d’énergie est décomposé
dimensions. en sous-niveau de nombres quantiques J PC avec J moment angu-
laire total ( J = L + S ) des quarks constituants, P et C les nombres
quantiques de parité et de conjugaison de charge.
1.6 États liés cc (charmonium)
Les états du charmonium et du bottonium sont représentés sur
et bb (bottonium) les figures 10 et 11.

Parmi tous les états pouvant être construits avec les quarks c et
b, deux ont des caractéristiques remarquables. Ce sont le charmo- 1.7 Familles
nium, état lié cc > et le bottonium, état lié bb > .
Le fait essentiel réside dans la grande masse de ces quarks qui 1.7.1 Leptons
permet d’utiliser une approximation non relativiste et donc de faire
des calculs à l’aide de l’équation de Schrödinger. Ainsi, tous les états Nous avons vu précédemment (§ 1.3.2.4) que l’on décompte
sont repérables par les nombres quantiques traditionnels (principal actuellement trois leptons (e, µ, τ ) auxquels on associe trois neu-
n, orbital  ) et la notation spectroscopique est utilisable. On retrouve trinos (νe , ν µ , ν τ ). Chacun des couples (e, νe ), (µ, ν µ ), (τ, ν τ )
pour n = 1,  = 1 l’état 1P, n = 2,  = 0 l’état 2S, etc. constitue une famille que l’on représente schématiquement de la
Les niveaux d’énergie ont permis de déterminer les caractéris- manière suivante :
e µ τ
tiques du potentiel d’interaction unique pour les états cc > et bb > .
Ces états, comme les états excités atomiques, se désintègrent radia-
   
νe
,
νµ
,
ντ

tivement et les règles de sélection sur les moments angulaires et

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Rien a priori ne bornait le nombre de familles à trois, mais un


résultat majeur d’expériences réalisées au CERN à Genève, en
1979, a contraint le nombre de neutrinos différents à trois et donc
le nombre de familles au même nombre.

1.7.2 Quarks
On connaissait cinq quarks (§ 1.5), ce qui permettait de construire
toutes les particules connues. En 1994, un sixième quark, le quark
top ou toponium t, a été mis en évidence et cette découverte a été
confirmée en 1995. Sa grande masse comprise entre 175 et
200 GeV/c 2, nécessitant des expériences dites de hautes énergies,
explique sa découverte tardive. Les six quarks se regroupent, comme
les leptons, en trois familles que l’on représente en doublets :
u c t
d , s , b  Figure 10 – États du charmonium

Ainsi, toute la matière connue actuellement se construit à l’aide


de ces six quarks, qui en sont les briques élémentaires auxquelles
il convient d’ajouter les leptons. Notons qu’à ces trois doublets de
quarks et de leptons correspondent trois doublets d’antiquarks et
d’antileptons.
La constitution de la matière, grâce à un nombre restreint de
constituants, est cependant insuffisante pour décrire le monde qui
nous entoure. Afin d’en comprendre les propriétés, nous devons
également tenir compte de la nature des interactions qui lient nos
briques élémentaires.
Le tableau 2 regroupe les caractéristiques des particules
élémentaires. (0)

Figure 11 – États du bottonium

Tableau 2 – Particules élémentaires


Masse Vie moyenne Principaux modes
Particules Spin Charge (MeV/c 2) (s) de désintégration
1
e ---- –1 0,511 stable
2
1
νe ----
2
0 0 stable
1
µ e – ν e νµ
Leptons

----
2
–1 105,65 (2,191 03 ± 0,000 04) 10–6
1
νµ ----
2
0 < 0,77
1 0
τ ----
2
–1 1 777,1 (295,6 ± 3,1) 10–15 µ – ν µ ντ , e – ν e ντ , π – π ντ
1
ντ ----
2
0 < 31
Fermions

Masse
Particules Spin Charge Étrangeté Charme Beauté Top I I3
(MeV/c 2)
1 2 1 1
u ---- + ---- 2<M<8 0 0 0 0 ---- ----
2 3 2 2
1 1 1 1
d ---- – ---- 5 < M < 15 0 0 0 0 ---- – ----
2 3 2 2
1 1
Quarks

s ---- – ---- 100 < M < 300 –1 0 0 0 0 0


2 3
1 2
c ----
2
----
3
103 < M < 40 × 103 0 +1 0 0 0 0
1 1
b ----
2
– ----
3
4 × 103 < M < 4,1 × 103 0 0 –1 0 0 0
1 2
t ----
2
----
3
174 × 103 < M < 195 × 103 0 0 0 +1 0 0

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2. Interactions fondamentales Pour les différentes interactions, les valeurs de la portée sont :
— interactions de gravitation et électromagnétique : r 0 → ∞ ;
— interaction forte : r 0 ≈ 1 fm = 10 –13 cm ;
2.1 Les quatre interactions fondamentales — interaction faible (depuis la découverte du boson W et du
boson Z ) : r 0 < 10 –16 cm.
Dans la nature, toute interaction entre deux particules peut être ■ Remarque
ramenée à une des quatre interactions suivantes.
Un point important, qui représente une des principales préoccu-
■ Interaction de gravitation pations des physiciens des particules élémentaires, est de savoir si,
Connue depuis très longtemps, elle est responsable du mouve- partant de ces différences fondamentales, 10 –39 < C < 15 et la por-
ment des planètes et, plus proche de nous, de la pesanteur. Elle se tée variant de 10 –16 cm à l’infini, il est possible d’unifier ces quatre
manifeste chaque fois que des masses sont en jeu. interactions.

■ Interaction faible
Elle se manifeste lors de la désintégration β des noyaux et
souvent lors de la désintégration de particules.
2.3 Formalisme : théorie quantique
relativiste
■ Interaction électromagnétique
C’est elle qui assure l’existence des atomes en liant les électrons,
chargés négativement, au noyau, chargé positivement. Elle se Le monde de l’atome, du noyau et des particules n’obéit pas aux
manifeste chaque fois que des charges électriques sont en jeu. lois de la mécanique classique mais à celles d’une nouvelle méca-
nique, quantique et relativiste. Cette théorie permet d’expliquer la
■ Interaction forte création et l’annihilation des particules selon la règle de conservation
Elle est responsable de la cohésion nucléaire et lie les protons et globale matière-énergie d’Einstein. La théorie quantique a de plus
les neutrons dans les noyaux. Elle est la manifestation d’une force la vertu d’expliquer comment une force peut s’exercer à distance
plus forte qui lie les quarks entre eux dans les hadrons. entre deux objets. Selon elle, le champ de forces entre deux parti-
cules en interaction est matérialisé par un quantum d’énergie.
Dans le cas de la force électromagnétique, c’est le photon qui
2.2 Propriétés élémentaires quantifie le champ. Il est bien connu des physiciens car présent dans
tous les phénomènes lumineux, rayonnements X et γ , ondes
des quatre interactions fondamentales hertziennes, ainsi que dans les interactions entre particules chargées
(figure 12 et § 2.6).
Ces quatre interactions ont des propriétés très différentes que
Pour la force de gravitation, on parle de graviton encore difficile
l’on peut caractériser, en premier lieu, par leur intensité comparée,
aujourd’hui à intégrer complètement dans les théories quantiques.
encore appelée constante d’interaction.
Pour l’interaction nucléaire, la force fondamentale s’exerce entre
les quarks composant les hadrons, les quanta du champ fort étant
2.2.1 Intensité ou constante d’interaction appelés gluons.
Enfin, l’interaction faible a livré ces dernières années (1983) son
C’est un nombre sans dimension attaché à la force de l’interaction. secret. Elle est véhiculée par un boson dit boson intermédiaire,
L’échelle des grandeurs des constantes de couplage, entre la gra- existant sous les trois états chargés : W +, W –, Z 0 (figure 13).
vitation et l’interaction forte, s’établit comme suit :
2
Gm p
C g = --------------
,c
≈ 6 × 10 – 39

Cf = GF mp
2
≈ 10 – 5

e2 1
C e = ------- = ---------- (constante de structure fine)
,c 137
Figure 12 – Interaction entre deux électrons par échange
2 d’un photon virtuel

C F = -------- = 15

avec  constante du potentiel de Yukawa.

2.2.2 Portée des interactions

Parallèlement à la constante de couplage, la portée d’une inter-


action est également une de ses caractéristiques.
La portée de chaque interaction peut être définie à partir d’un
Figure 13 – Désintégration faible du muon par échange d’un boson W –
exp ( – µ r )
potentiel équivalent de type C ---------------------------- où C est la constante
r
de couplage définie précédemment (§ 2.2.1), ce qui conduit à une
1
portée r 0 = ---- .
µ

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Le tableau 3 résume les forces fondamentales, les quanta de Ainsi ϕ ( x ) , annihile une particule ou crée une antiparticule,
champ qui en sont les vecteurs et les particules qui leur sont +
ϕ ( x ) , son conjugué hermitique, crée une particule ou
sensibles. (0) annihile une antiparticule.

Tableau 3 – Forces fondamentales, quanta de champ


et particules sensibles 2.6 Champs en interaction :
Électro- apparition des particules virtuelles
Force Forte Faible Gravitation
magnétique
Quanta ..................... gluons photon bosons graviton La théorie des champs permet la description des interactions par
W +, W –, Z 0 un hamiltonien d’interaction, s’ajoutant à l’hamiltonien du système
libre.
quarks,
Particules sensibles quarks, particules leptons, toutes Ainsi, par exemple, aux deux diagrammes de la figure 15, on asso-
gluons chargées les particules cie les termes de l’hamiltonien suivants.
W +, W –, Z 0
■ Figure 15 a
— création particule (A ) ⇒ A +
2.4 Relation portée-masse — création particule (ϕ ) ⇒ ϕ +
de la particule échangée — annihilation particule (ϕ ) ⇒ ϕ
le terme de l’hamiltonien est g ϕϕ + A + avec g constante de
couplage de l’interaction de ϕ et de A.
Rappel des relations d’incertitude d’Heisenberg.
Lorsqu’une particule de masse M émet une particule de mass µ ■ Figure 15 b
(figure 14), la violation du principe de conservation de l’impulsion — création particule (ϕ ) ⇒ ϕ +
énergie n’est pas détectable à condition que le phénomène dure un — annihilation particule (ϕ ) ⇒ ϕ
temps inférieur à ∆t max tel que :
— annihilation particule (A ) ⇒ A
∆t max µ c
2
≈, le terme de l’hamiltonien est alors gA ϕϕ +.
, Ainsi les deux processus représentés sont condensés dans un
soit : ∆t max = ----------2- hamiltonien H int que l’on peut écrire :
µc
Le parcours de cette particule, définissant sa portée d’inter-
action, est alors au plus égal à c ∆t max :
H int = g  4
d x [ ϕϕ
+ + +
A + A ϕϕ ]

, L’hamiltonien d’interaction doit posséder toutes les propriétés


c∆t max = -------
µc d’invariance, ce qui implique, entre autres, la conservation de
, l’énergie-impulsion.
avec ------- longueur d’onde Compton de la particule.
µc La réunion des deux graphes de la figure 15, émission puis
Ainsi, pour le photon, sa masse nulle µ γ = 0 conduit à une portée absorption de A par ϕ, permet de représenter l’interaction entre
infinie pour l’interaction électromagnétique, en accord avec ce que deux particules ϕ par l’échange d’une particule A.
nous avons vu précédemment (§ 2.2). Ainsi, la particule A, vecteur de l’interaction, est échangée entre
deux particules réelles. Reprenons le cas où les deux particules de
quadrivecteur p 1 et p 2 sont des électrons et A un photon
(figure 16).
2.5 Identité champ-particule

Les processus de particules en interactions, de création ou d’anni-


hilation de ces dernières, sont décrits dans le cadre général de la
théorie quantique des champs [4] [5] [6].
Nous allons en donner un bref aperçu permettant de comprendre
le cheminement qui a permis d’unifier les interactions faible et
électromagnétique.
Figure 14 – Émission d’une particule de masse  par une particule
En fait, à chaque espèce de particules (e –, π ...) on associe un
de masse M
champ défini en tout point ( r , t ) de l’espace temps :

ϕ (r , t ) = ϕ (x)

Ce champ est solution d’une équation d’onde relativiste, de type


Klein-Gordon ou Dirac [4] [5] [6], la fonction ϕ ( x ) obtenue décri-
vant à la fois les particules et les antiparticules. La base du forma-
lisme de la seconde quantification consiste à utiliser ϕ ( x ) comme
un opérateur agissant dans l’espace des états physiques en créant
ou en annihilant les particules.
Figure 15 – (a ) Émission particule A par particule 
(b ) Absorption particule A par particule 

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Au sens relativiste, ρ et j sont les composantes J µ d’un qua-


µ
drivecteur courant J = { ρ , j } et la relation précédente devient
µ
∂µ J = 0.

2.7.2 Jauge

Les équations de Maxwell imposent l’existence d’un potentiel


Figure 16 – Diffusion de deux électrons scalaire V ( r , t ) et d’un potentiel vecteur A ( r , t ) tels que :

Pour ces particules, la norme du quadrivecteur impulsion-éner-  B = rot A


gie, qui est égale à l’énergie de masse au carré, s’écrit : 

 E = – grad V – ∂---------
A
-
p 1 = p 1′ = p 2 = p 2′
2 2 2 2 2 4
= me c  ∂t
µ
Le quadrivecteur V = {V, A } constitue une jauge.
Pour la particule A échangée, dans ce cas un photon, la masse
a pour valeur :
2 2 2 4 2.7.3 Invariance de jauge de l’interaction
k = ( p 1 – p 1′ ) = 2m e c – 2 p 1 p 1′
électromagnétique
2 4
Avec mec petit (cas des e –),
Un champ électromagnétique { E , B } peut être décrit par une
θ angle entre p 1 et p 1′ ,
infinité de jauges différentes à condition que la jauge {V ′, A ′}
k
2
≈ – 2 E1 E 1′ ( 1 – cos θ ) < 0 soit liée à la jauge {V, A } par les formules de transformation de
jauge suivantes :
Le quantum de champ est un photon de masse négative appelé
photon virtuel.  A ′ = A + grad χ ( r , t )


 V ′ = V – ∂χ
-------- ( r , t )
 ∂t
2.7 Théorie complète de l’interaction
électromagnétique : l’électrodynamique {V, A } et {V ′, A ′} sont deux jauges équivalentes.
Il est clair que, pour la mécanique classique, la force faisant
L’électrodynamique peut et doit servir de base à la théorie de l’uni- intervenir les champs et non les potentiels, à deux jauges équiva-
fication des interactions car c’est la théorie la mieux définie : lentes correspondent les mêmes conséquences physiques.
— on en connaît une théorie classique et sa manifestation dans Il en est de même en mécanique quantique des interactions élec-
les phénomènes macroscopiques est visible couramment ; tromagnétiques qui régissent les interactions entre les photons et
— le quantum de champ électromagnétique est observable : c’est les électrons, et plus généralement entre les photons et les leptons.
le photon ;
— pas trop intense, elle joue cependant un rôle fondamental au
niveau microscopique (atomique). 2.7.4 Électrodynamique quantique

■ Les électrons
2.7.1 Électrodynamique classique Les électrons sont décrits par un champ complexe obéissant à
l’équation de Dirac [4] [5] [6]. Ce champ, à quatre composantes
■ Équations de Maxwell indépendantes ψ, correspond aux deux états possibles de spin
Les composantes du champ électrique E et du champ magné- pour la particule e –, l’électron, et son antiparticule, e +, le positron.
tique B doivent vérifier les quatre équations suivantes :
■ Les photons
Ils sont décrits par un champ quantique A, qui est en fait le quadri-
 ρ potentiel A µ.
 div E = ----
ε
-
 0

 ∂B 2.7.5 Interaction électron-photon
 rot E = – ---------
 ∂t
Comme déjà vu (§ 2.6), les termes d’interaction sont représentés
avec ρ ( r , t ) densité volumique de charge, par un hamiltonien d’interaction lié aux graphes représentés
figure 15.
 div B = 0 L’hamiltonien d’interaction s’écrit :



∂E
 rot B = µ j + ε µ --------
- µ
 0 0 0
∂t H int = e
2 4
d x [ j (x ) Aµ (x )]
avec j ( r , t ) densité de courant. µ µ
avec j = ψγ ψ courant électromagnétique,
■ Conservation locale de la charge ψ champ conjugué de ψ,

La relation div j + ------- = 0 impose la conservation de la charge.
dt

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γµ matrices de Dirac, Le développement sous le signe 


fait apparaître des courants
ayant des structures semblables aux courants électromagnétiques :
H int = e
2
 4 µ
d x [ ψ γ ψ Aµ ]
 µ µ
 V e = ψ e ( x ) γ ψ νe ( x )
Ce cadre mathématique, que nous venons de présenter et qui 
permet une description complète de l’interaction électromagnétique,  A eµ = ψ e ( x ) γ µ γ 5 ψ νe ( x )
est le guide fondamental servant de base à la description de l’inter- 
action faible et, de manière plus générale, à toute théorie quantique
 µ µ
de champ.  V µ = ψ µ γ ψ νµ

 A µµ = ψ µ γ µ γ 5 ψ ν
 µ

2.8 Interaction faible


On peut réécrire l’hamiltonien sous la forme :


2.8.1 Existence
H int = G F d 4 x [ V eµ – A eµ ] [ V µµ – A µµ ]
+
L’existence de l’interaction faible date de la découverte de la
radioactivité β – des noyaux qui n’est autre que la manifestation de Cet hamiltonien est à la base d’une théorie de l’interaction faible
la désintégration du neutron suivant le schéma : n → p + e – + ν e . appelée théorie V – A :
À l’instar du neutron, beaucoup de particules se désintègrent par • V comme vecteur : les parties des courants V eµ et V µµ se trans-
interaction faible. forment dans une inversion d’espace comme un vecteur ;
Exemple : • A comme axial : les parties des courants A eµ et A µµ se trans-
forment dans une inversion d’espace comme un vecteur axial.
— muon µ – → e – + ν e + ν µ
— méson π – → µ – + ν µ Lorsque l’on fait les produits des courants, il apparaît des pro-
duits VA ou AV qui violent la symétrie d’espace et conduisent à la
— méson K 0 → π + + π –
non-conservation de la parité de l’interaction faible (§ 1.3.1.1.1).
De plus, ces courants sont des courants chargés car ils contiennent
2.8.2 Théorie de l’interaction faible : dans leur produit des termes chargés et non chargés (par exemple
modèle de Fermi ψ e et ψ νe pour V eµ ), ce qui signifie que l’on passe d’une particule
chargée à une particule non chargée.
Considérons la réaction de désintégration du muon, à savoir :
■ Généralisation de la théorie V – A
µ– → e– + ν e + νµ L’hamiltonien d’interaction peut s’écrire comme le produit de deux
courants, soit :


On peut, de manière la plus simple possible, supposer l’inter-
action ponctuelle et représenter cette désintégration (figure 17). H int = G F d 4 x [ J µ ( x ) J +µ ( x ) ]
En accord avec ce qui a été dit précédemment (§ 2.6), ce graphe
conduit à un hamiltonien d’interaction qui contient :

— l’annihilation du muon µ → ψ µ
— la création du neutrino ν µ → ψ νµ 2.9 Unification des interactions
— la création de l’électron e → ψ e
– électromagnétiques et faibles
— la création de l’antineutrino ν e → ψ νe
La théorie courant-courant, développée ci-avant (§ 2.8.2), ne satis-
La forme générale de l’hamiltonien d’interaction s’écrit :
fait pas à deux données essentielles de la théorie des champs :

H int = G F  4
d x [ ψ e ( x ) O ψ νe ] [ ψ ν µ ( x ) O ′ ψµ ( x ) ]
— la portée de l’interaction faible est prise strictement nulle ;
— le principe, que toute interaction est véhiculée par un quantum
de champ, n’est pas respecté.
En fait, O et O ’ sont des combinaisons de matrices de Dirac
introduites dans l’interaction électromagnétique. À partir des résul-
tats expérimentaux, en tenant compte que la création d’un ν e est 2.9.1 Hypothèse
équivalente à l’annihilation d’un νe :
Par similitude au photon qui transporte l’interaction électroma-
H int = G F  d 4 x [ ψ e ( x ) γ µ ( 1 – γ 5 ) ψ νe ( x ) ] [ ψ µ ( x ) γ µ ( 1 – γ 5 ) ψ νµ ] +
gnétique, il existe un boson qui transporte l’interaction faible.
Par exemple, pour la désintégration du muon µ – → e – + ν e + ν µ ,
le boson permet de passer du muon µ – à l’électron e – (figure 13).
À la différence du photon qui est neutre, ce boson W transporte
une charge + ou – suivant l’interaction envisagée.
En poussant l’analogie avec l’interaction électromagnétique,
l’hamiltonien d’interaction s’écrit comme le produit du courant faible
par le champ W.

Figure 17 – Désintégration du muon


H int = g  µ
d 4 x [ J faible ( x ) Wµ ( x ) ]

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2.9.2 Propagateur du boson W

À partir de l’hypothèse qui vient d’être formulée, le développe-


ment mathématique de la théorie des champs fait apparaître entre
les deux vertex d’un diagramme une fonction de propagation, ou
1
propagateur, proportionnelle à ----------------------- où M est la masse de la
M 2– k2
particule échangée et k sont quadrivecteur.
Ainsi, pour le boson W – échangé dans l’interaction d’un neutrino
1
et d’un quark d (figure 18), on a un terme g 2 -------------------------- . Figure 18 – Interaction neutrino-quark d
2
Mw – k2
L’égalité avec l’amplitude obtenue à partir du graphe de Fermi
(figure 17) conduit à :
GF 1
- = g 2 ---------------------------
--------
2
2 Mw – k2

ce qui, numériquement, amène à Mw ≈ 100 GeV/c 2.

2.9.3 Invariance de jauge. Ses conséquences

Afin de ne pas alourdir la présentation, nous allons seulement


citer deux points essentiels.

2.9.3.1 Invariance de jauge de première espèce


Les interactions conservent la charge électrique. Cela implique que
l’hamiltonien ne change pas dans les transformations de la forme :

ϕ ( x ) → ϕ ′ ( x ) = exp i q α ϕ ( x )

avec q charge associée au champ ϕ ( x ), Figure 19 – Potentiel à symétrie cylindrique


α constante réelle quelconque.
L’invariance de jauge de première espèce correspond à la conser-
vation de la charge électrique. Lorsqu’elle tombe dans le creux de potentiel, la symétrie est
spontanément brisée. Notons qu’il y a une infinité de solutions : on
dit que le vide est infiniment dégénéré.
2.9.3.2 Invariance de jauge de seconde espèce
La transformation de jauge de seconde espèce est celle où l’expo- ■ Théorème de Goldstone
sant α n’est plus une constante mais une fonction des coordonnées Toute brisure spontanée implique l’existence d’un méson de
masse nulle, appelé méson de Goldstone, et l’interaction immédiate
ϕ ( x ) → ϕ ′ ( x ) = exp i q α ( x ) ϕ ( x ) du méson de Goldstone et du boson W ± (de masse nulle pour l’ins-
tant) par l’intermédiaire d’un champ particulier, appelé champ de
L’hamiltonien n’est plus invariant sur une transformation de Higgs, confère une masse au boson W ±.
jauge de seconde espèce et, pour rétablir l’invariance de jauge, on
doit introduire un champ vectoriel A µ qui n’est rien d’autre que le
champ électromagnétique.
Enfin, cette invariance de jauge implique également que le pho- 2.10 Modèle de Weinberg-Salam
ton ait une masse nulle.
Les théories de jauge sont extrêmement importantes car elles L’existence des mésons chargés W + et W – et du méson Z 0 (neutre)
permettent des calculs sans divergence : elles sont dites renorma- conduit à construire une théorie de jauge possédant une loi de symé-
lisables. trie interne reliant ces mésons entre eux.
■ Cas de l’interaction faible Le choix s’est fait par analogie avec l’interaction forte et la
Pour l’interaction faible, le boson W, qui semble jouer le rôle du symétrie d’isospin, et donc le modèle est bâti sur le groupe de
photon pour les interactions électromagnétiques, est massif et donc, jauge SU (2) ⊗ U (1) (§ 1.4).
en principe, ne peut être une particule de jauge. Lorsque l’on impose l’invariance locale par rapport à ce groupe,
Pour que le boson W soit un boson de jauge, il faut briser l’inva- on doit introduire 4 mésons de jauge :
riance de jauge qui impose une particule de masse nulle. La pos- 2 chargés (chargés + et –)
sibilité pour ce faire est la brisure spontanée de la symétrie. 2 neutres
● Principe de la brisure de l’invariance Le mécanisme de Higgs, qui brise spontanément la symétrie,
Le lagrangien reste symétrique mais le vide, état fondamental du rend massifs trois de ces mésons : ce sont le W +, le W – et le Z 0.
système sur lequel on applique les opérateurs de champ pour créer Le quatrième reste de masse nulle, c’est le photon.
les particules, ne l’est pas. Cela n’a rien de mystérieux car, dans un
potentiel à symétrie cylindrique par exemple (figure 19), une par-
ticule à l’origine des coordonnées respecte la symétrie.

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Ce modèle contient un paramètre (l’angle de Weinberg θ w ) qui peut être étudié. De plus, elle ne rend compte du phénomène qu’à
lie les constantes de couplage au courant d’isospin faible et que haute énergie où les quarks peuvent être considérés comme libres
l’on mesure dans les expériences avec courants neutres : à l’intérieur des hadrons.
Néanmoins, la CDQ représente actuellement le meilleur guide
sin 2 θ w = 0,229 ± 0,010
théorique de l’interaction forte susceptible de développements pré-
Les masses des mésons W et Z 0 sont alors fixées et sont : dictifs intéressants dans les années à venir.
Les caractéristiques des bosons de jauge sont présentées dans le
M w2 tableau 4.
M Z2 = -----------------------
cos 2 θ w

πα 1 2.12 Conclusion
avec M w2 = ------------------------------------------ et α = ----------
2 G F sin 2 θ w 137

Les valeurs théoriques ainsi obtenues sont : Avec ce qui précède, on peut schématiser l’image de la matière,
par exemple l’atome de deutérium (figure 20).
Mw = 77,8 GeV/c 2

MZ = 88,6 GeV/c 2
Ces valeurs montrent la validité du modèle théorique lorsqu’on
les compare aux valeurs expérimentales :

Mw = 80,22 ± 0,4 GeV/c 2

MZ = 91,187 ± 0,007 GeV/c 2

2.11 Couleur des quarks.


Chromodynamique quantique

Dans une voie similaire à celle qui permet de décrire l’interaction


électrofaible, on construit une théorie de l’interaction forte ou chro-
modynamique quantique. Dans ce modèle, les quarks sont porteurs
d’une charge de couleur jouant le rôle de la charge électrique dans
l’interaction électromagnétique. Cette charge de couleur, conservée
par l’interaction forte, peut prendre trois valeurs différentes, bleu,
jaune et rouge. Ainsi, les hadrons sont des combinaisons de quarks
colorés conduisant à des états non colorés, seuls observables dans
la nature. Les quarks sont ainsi dit confinés car aucune expérience
n’a permis de les mettre en évidence à l’état libre.
Ces hadrons sans couleur ou blancs sont obtenus par addition des
trois couleurs dans les baryons, ou à l’aide d’une paire
couleur-anticouleur dans les mésons.
L’interaction forte entre les quarks est portée par un quantum du
champ fort, appelé gluon, porteur de deux couleurs. Ainsi l’inter-
action entre un quark bleu et un quark jaune est portée par un gluon
bleu-jaune. La mécanique quantique de la couleur ou chromodyna-
mique quantique (CDQ) est une théorie de jauge, comme l’inter-
Figure 20 – Atome de deutérium
action électrofaible et les gluons sont donc des particules de masses
nulles, au nombre de huit par respect aux trois couleurs.
Une des difficultés de la CDQ réside dans le fait que, comme les
quarks, les gluons n’existent pas à l’état libre et que, ainsi, aucun (0)
phénomène simple mettant en œuvre des quarks et des gluons ne

Tableau 4 – Bosons de jauge

Masse Vie moyenne  Principaux modes


Particules Spin Charge Isospin (I )
(MeV/c 2) ou  (MeV/c 2) de désintégration

γ 1 ...................... 0 τ stable 0,1


W 1 ±1 80,22 × 10 3 2,08 × 10 3 MeV/c 2 hadron, e ν, µ ν
Bosons

Z 1 0 91,187 × 10 3 2,490 × 10 3 MeV/c 2 hadron, e +e –, µ +µ –, τ +τ –


g 1 ...................... 0 ................................. 0
(gluon)
graviton 2 ...................... < 10 –29

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3. Point de vue expérimental : Lorsqu’il est produit, le boson Z 0 se désintègre très rapidement,
soit en paires de leptons (Z 0 → e + e –, µ + µ – ou τ + τ –), soit en pai-
nécessité de l’énergie res de quarks-antiquarks ( Z 0 → uu , dd , s s , c c , bb ). Dans ce
dernier cas, les quarks, non visibles à l’état libre, se réhabillent
pour donner un état final hadronique composé de baryons et de
Ainsi que nous l’avons montré, l’unification des interactions élec-
tromagnétique et faible nécessite la création et l’étude de particules mésons. Ainsi, un boson Z 0 peut conduire à un état final allant de
de masse d’environ 100 GeV/c 2 : les bosons W ± et Z 0. Dans la théo- deux à plusieurs particules stables. Cela explique la complexité et
rie électrofaible, une paire électron-positron peut non seulement l’herméticité du détecteur qui doit détecter et identifier toutes les
s’annihiler en un photon, via l’interaction électromagnétique, mais particules produites, mesurer leur direction et leur énergie.
également en un boson neutre, le Z 0, via l’interaction faible. En par- La figure 22 montre le détecteur ALEPH, à géométrie cylindrique
ticulier, si l’énergie de la paire e + e – est de l’ordre de grandeur de et constitué de sous-détecteurs spécifiques imbriqués les uns dans
la masse du boson Z 0, les deux modes sont comparables. Ainsi, en les autres.
dirigeant face à face un électron et un positron ayant chacun une Il est construit autour d’un champ magnétique homogène
énergie de 50 GeV, leur annihilation par collision frontale se fait par de 1,5 tesla dont le but est de courber la trajectoire des particules
création de bosons Z 0, environ une fois sur deux. C’est ce qui est chargées. Les mesures de la courbure et du pas de l’hélice de cette
réalisé dans le plus grand accélérateur jamais construit au monde, trajectoire déterminent la quantité de mouvement et la direction de
le LEP (Large Electron Positron) au Centre Européen de Recherche la particule.
Nucléaire à Genève. Cet immense collisionneur est installé dans un
tunnel circulaire de 27 km de long pour une section droite de 3,8 m ■ Structure du détecteur
de diamètre. Il est enterré entre 50 et 170 m de profondeur dans le À partir de la ligne de vol des faisceaux, on rencontre successi-
pays de Gex, entre le lac Léman et les monts du Jura. vement les éléments suivants.
Les dimensions du LEP sont liées directement à la nature des par- ● À l’intérieur de la bobine supraconductrice :
ticules accélérées, électrons et positrons, ainsi qu’à l’énergie que l’on — le détecteur de vertex qui permet de reconstruire le point de
souhaite leur communiquer. Ces particules légères perdent, par désintégration des particules de très courte durée de vie ;
rayonnement synchroton, une partie de leur énergie dans les — la chambre interne à dérive (ITC : Intern track chamber ) : qui
aimants de déviation nécessaires à la courbure de la trajectoire. Le permet de reconstruire les premiers points de la trajectoire des
rayon de cette dernière doit alors être optimisé pour permettre particules chargées ;
d’atteindre l’énergie souhaitée. Le LEP, dans cette phase de produc- — la chambre à projection temporelle (TPC : Time project
tion du boson Z 0, peut être considéré comme une usine à produire chamber ) : soumise au champ magnétique, elle assure la mesure
cette particule. de l’impulsion des particules chargées par le rayon de courbure de
La vue aérienne présentée sur la figure 21 schématise l’ampleur la trajectoire ;
des installations. — le calorimètre électromagnétique (ECAL : Electromagnetic
calorimeter ) qui permet d’identifier les électrons et les photons par
la gerbe électromagnétique développée dans des plaques de
plomb constituant ce détecteur.
3.1 Expérience : ALEPH ● À l’extérieur de la bobine supraconductrice :
— le calorimètre hadronique (HCAL) permettant d’identifier des
ALEPH (Apparatus for LEP physics) est une des quatre grandes hadrons par la gerbe hadronique développée dans des plaques de
expériences conçues pour fonctionner auprès du LEP avec pour fer qui servent également au retour du champ magnétique ;
but de tester la théorie électrofaible, à un niveau de précision — les chambres à muons : ce sont des chambres à fils entourant
s’approchant de celui de l’électrodynamique quantique (≈ 10–9). le calorimètre hadronique et servant à l’identification des muons
qui, seuls, traversent tout le détecteur.
Grâce à des systèmes informatiques puissants, l’ensemble des
informations données par ces détecteurs est enregistré très rapide-
ment, avant que puisse se produire une nouvelle collision, soit dans
un temps inférieur à 20 microsecondes. Ces informations sont
ensuite analysées par les divers groupes de recherche collaborant
à l’expérience, afin d’obtenir les résultats physiques proprement dits.

3.2 Nombre de familles de neutrinos

Parmi les résultats les plus importants obtenus au LEP, en parti-


culier par l’expérience ALEPH, il convient de citer le nombre de
familles de neutrinos. Ce nombre est obtenu par une paramétrisation
théorique de la masse du boson Z 0 en fonction du nombre de neu-
trinos différents existant.
La courbe (figure 23) montre nettement que le nombre de neu-
trinos optimisant le résultat est trois, à savoir νe , νµ , ντ , et que le
nombre de familles de leptons est donc lui aussi de trois.
Si l’on suppose une symétrie parfaite de la nature, alors il doit
Figure 21 – Vue générale du LEP exister également trois doublets de quarks, ce qui est le nombre
connu actuellement. Ce résultat permet de borner à 6 leptons et
6 quarks le nombre des constituants de l’Univers.

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Figure 23 – Masse du boson Z 0 et nombre de familles de neutrinos


(expérience ALEPH)

3.3 Au-delà du modèle standard

On peut imaginer réunir la chromodynamique quantique et la


théorie électrofaible en une seule théorie, compte tenu du fait que
chacune est une théorie de jauge. Ces théories de grande unifica-
tion effacent la différence entre quarks et leptons en introduisant
de nouveaux bosons possédant les deux identités des quarks et
des leptons que ces théories feraient correspondre dans une symé-
trie de type nouveau. L’énergie élevée, à laquelle doit apparaître
cette unification (1015 GeV), n’autorise pas actuellement d’envisa-
ger une vérification expérimentale directe. Cependant, ces modèles
de grande unification prédisent une possibilité de désintégration
du proton avec violation du nombre quantique baryonique, dans la
voie p → e + + π 0. Aucun signal n’a été enregistré pour une telle
désintégration, repoussant la durée de vie du proton au-delà de
10 33 années.
Cependant, rien n’interdit de penser à une unification encore
plus radicale, liant les bosons des interactions γ, W ±, Z 0, gluons,
1
aux fermions de spin --- , leptons et quarks. Pour réaliser cette uni-
2
fication, les théories supersymétriques associent à toute particule
1
une particule supersymétrique dont le spin diffère de --- . Ainsi, au
2
1
photon de spin 1 est associé le photino de spin --- , à l’électron de
Figure 22 – Détecteur ALEPH 2
1
spin --- le sélectron de spin 0, etc.
2
La recherche de ces particules est restée vaine jusqu’à maintenant.
Elle reste un des enjeux de la physique de demain, dont l’ambition
est de décrire l’Univers avec un minimum de constituants et une
théorie unique des diverses interactions connues.

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Références
bibliographiques

Pour approfondir ce sujet, un lecteur


intéressé
peut consulter les ouvrages suivants

[1] GROSSETÊTE (B.) et VANNUCCI (F). – Interac-


tions et particules. Eyrolles. Paris (1991).
[2] NATAF (R). – Introduction à la physique des
particules. Masson. Paris (1988).
[3] GRIFFITHS (D). – Introduction to elementary
particles. John Wiley and Sons. New York
(1987).
[4] NASH (C). – Relativistic quantum fields. Aca-
demic Press. Londres (1978).
[5] PILKUHN (H.M.). – Relativistic particle phy-
sics. Springer-Verlag (1979).
[6] AITCHISON (I.J.R.). – Relativistic quantum
mechanics. McMillan Press (1972).

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