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INSERM
Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

"SANTÉ PUBLIQUE - ÉPIDÉMIOLOGIE - REPRODUCTION HUMAINE" U 292

PORNOGRAPHIE ET PREV ENTION DU


VIH

ÉTUDE EXPLORATOIRE

RAPPORT A LA DIRECTION GENERALE DE LA SANTE (DIVISION SIDA)


JANVIER 1995

Référence pour citation


GIAMI, A. : Pornographie et prévention du vih-Étude exploratoire. Rapport de fin de
contrat à la Direction Générale de la Santé. Paris, Janvier 1995 . 70 pages avec
Patrick de Colomby-MSH , Florence Paterson-OSC.

Alain GIAMI
Hôpital de Bicêtre
82, rue du Général Leclerc
94276 LE KREMLIN-BICETRE Cedex
Tél. : 01.45.21.22.89
Télécopie : 01.45.21.20.75
Adresse électronique : giami@vjf.inserm.fr

Équipe de recherche :
Patrick de Colomby - MSH
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Florence Paterson - OSC

PREAMBULE

Le projet d'explorer les possibilités d'utiliser la pornographie pour la prévention du


VIH fait suite aux constats suivants :
- Les résultats de l' ACSF (Analyse des Comportements Sexuels en France) ont montré
que 47,4 % des hommes et 19,3 % des femmes déclarent avoir lu un journal
pornographique , parfois (Spira, Bajos, ACSF, 1993, p. 130). En outre, une forte
proportion de ces lecteurs considère que le préservatif peut constituer un jeu érotique .
- On se trouve en présence d'un groupe important de la population générale qui,
pourrait être accessible à des messages de prévention spécifiques, au travers de la
presse pornographique et de la culture pornographique ou érotique.
- La lecture de magazines de charme nous a permis de constater qu'il existe des
motivations dans le milieu de la pornographie pour aborder les thèmes du sida et de la
prévention du VIH, de manière spécifique. Notre attention a été attirée par la
publication par le magazine "Sexy Mag" (Mars 93) d'un dossier intitulé: "Comment
prolonger votre plaisir. Découvrez les nouvelles techniques à l'époque du sida". Ce dossier a
été réalisé , sans l'intervention préalable d'acteurs de santé publique. D'autres
réalisations moins spectaculaires ont déjà été tentées dans d'autres magazines.

On se trouve, à première vue, confrontés à des messages publics traitant de manière


originale de la prévention du VIH, ainsi qu'à un lectorat important et accessible à ce
type de messages. Il nous a donc semblé important d'explorer le cadre et le contexte
de cette forme de communication sociale, qui pourrait contribuer au renouvellement
de la communication et à l'extension vers certains groupes de la population générale,
peu connus, du discours de la prévention contre le VIH.

L'ORIGINE ET L'EVOLUTION DE NOTRE DEMARCHE :


Ce projet est né de la rencontre avec Annabel Faust, rédacteur en chef du magazine
Sexy-Mag que nous avons rencontrée suite à la parution du numéro de Mars 1993 de
ce magazine contenant le dossier : "Comment prolonger votre plaisir. Découvrez les
nouvelles techniques à l'époque du sida ". Nous avons entrepris d'explorer la possibilité de
tenter une expérience de communication dans un "magazine de charme" qui intègre
une dimension de prévention - explicite ou implicite - dans des messages à contenu
sexuel ou érotique explicite.
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Le projet initial a abouti à la réalisation d'un dossier, dans le numéro de Sexy-Mag de


Décembre 1993, financé par l'AFLS. A cette occasion, Annabel Faust nous a mis en
contact avec quelques acteurs du Porno (comédiens et modèles; directeurs de
magazine; producteurs de films vidéo X, photographes) que nous avons longuement
interviewés.

Dans le cadre de ces différents contacts, notre travail a suivi l'évolution suivante:
- nous avons repéré les apports à la prévention, le style de communication spécifique,
déjà réalisés par des "magazines de charme", sur leur propre initiative.
- nous avons rencontré des directeurs de magazine et exploré avec eux la possibilité de
susciter et de développer la conception et la diffusion de messages de prévention
contre le VIH, à caractère spécifique.
- nous avons réalisé quelques entretiens avec des acteurs et des modèles du X portant
sur leur expérience du Porno et leur activité professionnelle et sociale dans ce milieu.

L'objectif initial de ces contacts avec les professionnels du X était de bénéficier de leur
expérience pour approfondir notre connaissance de l'imaginaire érotique et pour
concevoir, ultérieurement, de nouveaux messages de prévention à contenu érotique.
Or nous avons pu constater, lors de ces contacts, que d'une part, les pratiques de
protection contre le VIH étaient loin d'être répandues dans le milieu du X, alors même
que les acteurs ont une conscience aiguë du risque et d'autre part, que ce groupe de
professionnels (comédiens, modèles, réalisateurs, producteurs, photographes) est
particulièrement exposé au risque d'infection.
Les propos qui nous ont été rapportés lors de ces contacts nous ont permis de
supposer que les pratiques de protection contre l'infection à VIH n'étaient pas mises en
oeuvre fréquemment. Cette situation pose d'autant plus problème qu'il s'agit d'un
milieu dans lequel la fréquence des activités sexuelles insertives et la circulation des
partenaires sont importantes. Deux critères qui peuvent permettre d'affirmer que ce
groupe est très exposé au risque d'infection.
En outre, ce "milieu" apparaît comme loin d'être cloisonné. On peut supposer des
ramifications avec le milieu des échangistes qui est estimé à 100.000 personnes
(Welzer-Lang, 1994) et qui est fréquenté par une partie des acteurs du Porno; de
nombreux "amateurs", souvent des couples échangistes, font une brève carrière dans le
milieu de la production vidéo X ou de la photo de charme.

Il est donc apparu que si l'on souhaitait collaborer avec ce milieu pour produire des
messages de prévention à destination du public concerné, il était aussi nécessaire et
urgent de renforcer la prise de conscience du risque - déjà importante - parmi les
acteurs et les modèles et leurs entourages directs et indirects, et de comprendre les
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raisons de la non-utilisation fréquente de préservatifs lors de la réalisation de pratiques


insertives. Contrairement à d'autres membres des groupes à risque tels que les
homosexuels masculins, notamment, les acteurs du X ne semblent pas avoir modifié
leurs pratiques sexuelles plus que la moyenne de la population générale. Il est
cependant difficile de mesurer précisément le degré d'exposition au risque de ce
groupe dans la mesure où l'on ne connaît pas la probabilité de rencontrer un
partenaire séropositif, dans un milieu aux contours mal connus.
L'étude des représentations des acteurs du X nous a semblé importante à double titre.
Elle permet de comprendre certains éléments de fonctionnement de ce milieu
concernant l'activité sexuelle à l'époque du VIH. Par ailleurs, ces représentations
constituent un miroir grossissant permettant de mieux percevoir certains processus
psycho-sociaux présents dans la population générale concernant l'adoption de
pratiques à moindre risque ou les résistances à celles-ci. En d'autres termes, l'analyse
des représentations d'une population marginale peut permettre de comprendre de
manière indirecte celles de certains segments la population générale.

Ainsi alors que notre projet initial visait à explorer comment le milieu du X pouvait
contribuer efficacement à la prévention du VIH auprès d'un public ciblé, il apparaît, au
terme de ce travail d'exploration, que ce milieu est particulièrement exposé au risque et
qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre des stratégies de réduction du risque efficaces
et compatibles avec les règles, les usages et les représentations des acteurs. Par ailleurs,
on peut aussi supposer que si l'on arrive à développer la prise de conscience du risque
et la mise en oeuvre de pratiques à moindre risque auprès de ce groupe de
professionnels, cette action peut avoir de répercussions auprès des destinataires de
leurs messages.

PROBLEMATIQUE

Utiliser la pornographie dans le cadre de la prévention du VIH pose un certain nombre


de problèmes aux plans scientifique, technique, éthique et politique que nous avons
tenté d'expliciter.

QUESTIONS DE DEFINITION :
La définition de la pornographie fait l'objet de débats intenses et passionnés. La
définition du terme est relativement fluctuante selon les époques et les cultures.
Comme l'a déjà si bien dit A. Robbe-Grillet : "La pornographie, c'est l'érotisme des
autres". La définition du terme renseigne au moins autant sur l'objet "pornographie"
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que sur ceux qui en énoncent une définition. Tenter une définition ou une histoire de
la pornographie revient, dans certains cas, à faire une histoire de la censure (Stora-
Lamarre, 1990), de la liberté d'expression (Hunt, 1993) de la mafia et de la police
(Faligot, Laufer, 1987) ou des représentations sociales de la sexualité. (Gagnon, Simon,
1973).
Le champ de la pornographie est en outre connoté par une série de termes qui
concourent à sa définition. Certains associent la pornographie à l'obscénité, d'autres la
pornographie à l'érotisme ou à l'art, d'autres encore la pornographie à l'illicite, au
socialement dangereux ou à la pathologie mentale. Enfin, certains considèrent que
l'éducation sexuelle, lorsqu'elle propose des représentations explicites des actes sexuels
et des organes génitaux, constitue une forme de pornographie qui doit être traitée
légalement comme telle.
La majorité des professionnels que nous avons rencontrés et qui oeuvrent dans le
champ de la pornographie licite n'emploient pas le terme de pornographie pour
désigner leur production. Certains l'utilisent pour désigner la production - souvent
similaire à nos yeux - de la concurrence, pour la traiter de "vulgaire" et de "pas
artistique", et pour mieux distinguer leurs propres productions qui ne relèvent pas de
ces critères. Le terme le plus fréquemment employé est celui d'érotisme. Les directeurs
de magazines utilisent l'expression "magazines de charme". Dans le milieu du cinéma
et de la vidéo on utilise souvent l'expression "milieu du X" en référence à la Loi du 31
Octobre 1975 (Millard, 1981) qui a spécifié et stigmatisé ce type de production
cinématographique ou "hard" qui désigne plus particulièrement les représentations
d'actes sexuels non-simulés par opposition au "soft" qui se limite à des actes simulés et
suggérés. Enfin, le découpage entre ce qui est montrable et ce qui ne l'est pas, qui
participe de la définition du porno et qui témoigne du climat social, a beaucoup évolué
au cours des 30 dernières années (Boyer, 1985).
Dans cette situation, nous avons suivi le choix de Robert Stoller en adoptant le terme
de "Porno" : "Porno désigne les produits de l'industrie du "X" : des photos, des films et
des cassettes vidéo d'hommes et de femmes adultes qui réalisent effectivement - et ne
simulent pas - des actes érotiques." 1 (Stoller, 1991). Nous avons traduit le terme
américain de "Porn" par son équivalent - "familier" - consacré par l'usage en français:
"Porno". Cette définition ne comporte pas de jugement de valeur sur la qualité morale
ou esthétique de ces productions, contrairement à la définition du "Petit Robert" :
"Représentation (par écrits, dessins, peintures, photos) de choses obscènes destinées à
être communiquées au public." (1979). La définition de Stoller est certainement
incomplète car elle exclut du champ, la réalisation "d'actes érotiques" avec des enfants,

1 "Porn refers to the products of the X-rated Industry : photographs, movies, and videotapes of
adult men and women performing, not stimulating, erotic acts." (Stoller, 1991).
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des animaux ou des matières qui constituent, justement, le domaine de la


pornographie qui tombe sous le coup des interdits les plus stricts, en France. Elle
attribue de fait une qualité objectivement "érotique" à des actes qui peuvent ne pas être
perçus comme tels par tout le monde. L'usage de cette définition a cependant facilité
notre travail, dans la mesure où elle nous a évité de prendre parti dans le débat en
n'adoptant pas l'un ou l'autre des termes utilisés par les professionnels que nous avons
rencontrés.

LA LIAISON HISTORIQUE ENTRE LA PORNOGRAPHIE ET L'EDUCATION SEXUELLE :


Sous l'effet de la censure qui porte sur la représentation explicite des organes génitaux
et des actes sexuels, les revues et les films pornographiques ont souvent pris, dans le
passé, le prétexte et l'alibi de l'éducation sexuelle pour diffuser des images à caractère
sexuel explicite. Depuis les années trente, les Sexploitation movies et les Hygiene pictures
, par exemple, montraient les méfaits de la sexualité non-conjugale et constituaient
ainsi les seuls films où l'on pouvait voir des organes génitaux. Plus récemment, on se
souvient de la série de films allemands d'éducation sexuelle : Helga: la vie intime d'une
jeune fille (1967 de Erich F. Bender). Ces films traduisent une évolution des
préoccupations : ils ont tout d'abord abordé la prévention des maladies vénériennes,
ensuite, l'éducation à la procréation et enfin, dans les années 70 en pleine "révolution
sexuelle", l'éducation aux rapports sexuels satisfaisants. Par contre, il est étonnant de
constater que le sida n'a pas (encore) provoqué de nouvelle flambée de ces Hygiene
pictures (Bouyxou, 1994).
L'éducation sexuelle, pour sa part, a été souvent accusée par les milieux conservateurs
d'être une forme de pornographie qui augmenterait la fréquence de l'activité sexuelle
et contribuerait à abaisser l'âge des premiers rapports sexuels. Ce débat occupe les
médias et les esprits depuis l'avènement de la contraception orale et de l'éducation
sexuelle à la maîtrise de la fertilité (Giami, 1978). Actuellement, la question de la
distribution de préservatifs à des adolescents suscite les mêmes controverses. Plus
récemment, des documents de prévention contre le VIH destinés à des mineurs ont fait
l'objet de poursuites en vertu de l'article L. 227-24 du Nouveau Code Pénal (La Lettre
de Fernay, 1994).
Dans l'esprit de certains, les différences entre la pornographie et l'éducation sexuelle
apparaissent bien faibles.
Dans le milieu du Porno, dont les productions visent à susciter l'excitation sexuelle, le
safer sex et l'utilisation du préservatif semblent poser un problème difficile. C. Lemes
rapporte qu'elle a eu le sentiment de "transgresser un tabou" pour parvenir à publier
dans Play-Boy (Brésil) une enquête scientifique sur le comportement sexuel de
l'homme brésilien, accompagnée de recommandations sur l'usage du préservatif
(Lemes, 1994).
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LE DILEMME DE L'UTILISATION DE LA PORNOGRAPHIE POUR LA PREVENTION DU


SIDA.
La littérature existant en ce domaine semble avoir accordé une place importante à
l'analyse des réactions des consommateurs à l'exposition "naturelle" ou expérimentale
à des messages pornographiques (cf. Journal of Social Issues, 1973, Vol. 29, n° 3 :
Pornography : attitudes, use and effect ).
Les principales études portant sur les effets de l'exposition à la pornographie sont
sous-tendues par deux paradigmes de recherche : l'apprentissage : "l'exposition à la
pornographie, dans des conditions expérimentales peut conduire les sujets à
commettre des agressions sexuelles; les gens imitent ce qu'ils voient ou, au moins,
deviennent moins sensibles à la violence sexuelle contre les femmes" - et la catharsis :
"réduction des pulsions agressives à travers l'expérience de systèmes symboliques tels
que l'art par exemple" (McCormack, 1988). Cet auteur met, en outre, en évidence le fait
selon lequel les résultats des recherches sur l'exposition à la pornographie confirment
souvent les biais idéologiques et les préjugés préalables (positifs et négatifs) des
chercheurs à l'égard de la pornographie.
Dans cette perspective, si l'on souscrit aux orientations libérales selon lesquelles la
pornographie produirait principalement des effets d'ordre cathartique, son utilité pour
la prévention du sida, c'est à dire pour l'incitation à la modification des comportements
sexuels à risque peut apparaître, à première vue limitée. Mais la complexité des
facteurs à l'oeuvre dans l'organisation et la structuration de l'activité sexuelle et les
résultats des recherches entreprises depuis l'apparition du sida laissent à penser que
les changements de pratiques sexuelles ne peuvent résulter que de changements plus
"profonds" et notamment de transformations de l'imaginaire. C'est en sens que la
transformation de l'imaginaire social de la sexualité dont la pornographie est l'une des
expressions peut contribuer à long terme à l'évolution des pratiques sexuelles. Si, par
ailleurs, on souscrit aux orientations plus conservatrices qui considèrent que
l'exposition à des messages pornographiques produirait des effets - "négatifs" - sur le
comportement sexuel, et à celles de certaines féministes américaines qui considèrent
que la pornographie renforce les tendances à la violence sexuelle contre les femmes
(Pornography is the theory, rape is the practice : Dworkin, 1981) alors, il faut se poser la
question morale suscitée par le soutien implicite à des entreprises qui produisent de
tels effets, même si une partie de ces effets peut aller dans le sens de la prévention du
VIH.
Il faut noter que récemment, la position des féministes à évolué. Certaines s'interrogent
désormais sur les aspects positifs des représentations pornographiques pour
l'affirmation de l'identité sexuelle des femmes (Segal, McIntosh, 1992).
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Dans ce contexte, la pornographie homosexuelle qui est quantitativement moins


importante et de diffusion plus récente (Hawkins, Zimring, 1988) que la pornographie
hétérosexuelle ne bénéficie pas du même statut. Aux États-Unis, Cindy Patton
considère légitime la pornographie homosexuelle, dans la mesure où elle contribue à
l'affirmation et au renforcement de l'identité gay et où elle peut constituer "l'acte de
résistance d'une communauté confrontée aux effets destructeurs aux plans politique,
social, et psychologique, de l'épidémie de VIH" (Patton, 1991).

PORNOGRAPHIE ET REPRESENTATIONS DE LA SEXUALITE


Notre projet ne vise pas à évaluer les effets de l'exposition à des messages
pornographiques. Il vise, pour l'instant à explorer la place et le statut du préservatif et
du safer sex dans le système de représentation que constitue la pornographie et à
repérer certaines des représentations de la sexualité qui sous-tendent les productions
pornographiques.
Différents travaux ont traité de la pornographie comme système de représentations.
Pour Gagnon et Simon (1973) la pornographie constitue un script social de la sexualité
dont les contours sont dessinés par ce qui est considéré comme illicite dans la société.
Pour ces auteurs, les représentations pornographiques ne mettent en scène des actes
sexuels licites - des relations conjugales - que s' ils se déroulent dans des contextes
"illicites" ou inhabituels. Inversement, ces représentations mettent plus souvent en
scène des actes sexuels illicites ou inhabituels ou considérés comme déviants.
L'analyse de la pornographie comme système de représentation peut donc permettre
de décrypter les systèmes d'opposition qui régissent les représentations de la sexualité
et les thèmes et les aspects de l'activité sexuelle qui sont considérés - construits -
comme source d'excitation. En outre, l'étude de l'évolution historique et sociale de la
pornographie permet de comprendre les significations de l'activité sexuelle dans une
culture donnée (Arcand, 1991).
L'étude des représentations des acteurs du X n'a pas fait l'objet de nombreux travaux.
Les travaux de Robert Stoller, fondés sur l'écoute psychanalytique attentive d'un
groupe d'acteurs du X et notamment du "S&M" (sado-masochisme entre adultes
consentants) permettent de comprendre le rôle que jouent certaines représentations
sexuelles dans la genèse de l'excitation et de l'identité sexuelles (Stoller, 1991a et b;
Stoller, Levine, 1993). L'analyse des entretiens réalisés auprès de quelques acteurs du
X doit nous permettre de mieux comprendre les représentations de la sexualité à
l'oeuvre dans les conduites sexuelles et notamment dans l'adoption ou la non-adoption
des préservatifs.

Ainsi, l'analyse de la pornographie prend-elle place dans nos travaux sur les
représentations de la sexualité. Nous faisons l'hypothèse que la pornographie constitue
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un miroir grossissant permettant de comprendre les représentations de la sexualité, au


niveau de la culture.
Notre travail porte principalement sur la pornographie destinée, a priori, aux
hétérosexuels. Il est cependant difficile d'affirmer que ce milieu n'a pas de contacts
avec les milieux de la pornographie et de l'érotisme homosexuels. On sait que
certaines entreprises réalisent des produits destinés aussi bien aux hétérosexuels
qu'aux homosexuels ("Défi" par exemple). On sait aussi que les magazines et les films
vidéos destinés aux hétérosexuels proposent des représentations mettant en scène des
"lesbiennes" (Vidéo Stars, 1993). On sait que certains modèles masculins posent dans
des supports destinés aux homosexuels et aux hétérosexuels. On connaît beaucoup
moins bien les pratiques du lectorat par rapport aux différents types de supports
médiatiques et en fonction du critère de leur orientation sexuelle explicite ou
fantasmatique. Ces remarques nous permettent de rappeler que nous considérons
l'érotisme et la pornographie comme des représentations voire même, dans certains
cas, comme des simulacres de l'activité sexuelle. Ces représentations réalisées par des
artistes et des professionnels de la communication ne peuvent en aucun cas donner
d'indications certaines sur l'orientation sexuelle actuelle ou fantasmatique de ces
personnes. Pour ce faire, Stoller a longuement écouté les acteurs du X.

LES CONSOMMATEURS DE PORNOGRAPHIE :


Les consommateurs de pornographie ont fait l'objet de nombreuses enquêtes,
notamment aux États-Unis dans le cadre des "Commissions d'enquête" de 1970
(Johnson) et 1986 (Meese) (cf. Hawkins, Zimring, 1988). Ces auteurs ont constaté
l'imprécision des données disponibles qui portent principalement sur les
caractéristiques socio-démographiques des consommateurs. Les principales enquêtes
s'accordent cependant pour affirmer que les consommateurs sont, en majorité, des
hommes jeunes. Il est plus difficile de connaître la proportion de consommateurs de
matériels pornographiques dans la population générale. La majorité des enquêtes
nationales sur le comportement sexuel ne posent pas de question sur ce thème. Le
rapport Simon (1972) avait posé une question sur "la lecture de livres érotiques" (au
cours de la vie ou depuis un an) ainsi que sur les attitudes à l'égard de la libre
diffusion des "livres érotiques". Ces résultats sont difficilement comparables avec ceux
de l'ACSF du fait du choix du terme d'érotisme plutôt que celui de pornographie pour
désigner ces productions. En outre, il est aussi difficile de considérer que l'on peut
mettre sur le même plan des "livres", des "magazines" ou des "films".
Actuellement, dans les enquêtes nationales sur le comportement sexuel réalisées
depuis l'apparition du sida, seules l'ACSF, les enquêtes nationales américaine, belge,
hollandaise et finlandaise ont inclus des questions sur la consommation de matériels
pornographiques. L'analyse comparative de ces différents résultats permettra de
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donner une vision plus précise des caractéristiques des consommateurs de matériels
pornographiques ainsi que de la structure de leurs répertoires de pratiques sexuelles,
de leurs fantasmes et de leurs attitudes par rapport à la sexualité.
Ces analyses sont de toute première importance pour comprendre la contribution
potentielle des messages pornographiques à la communication de la prévention du
VIH. La consommation de matériels pornographiques est-elle une activité sexuelle en
soi et dans ce cas, peu importe la nature et la qualité des messages perçus au regard
des critères du risque, dans la mesure où regarder des images n'est pas une pratique à
risque, au regard du VIH. Par contre si la consommation de matériels
pornographiques est supposée avoir des effets sur l'activité sexuelle partenariale, alors
il faudra se poser la question du type d'effets produits sur les consommateurs.
L'analyse que nous avons réalisée à partir des données de l'ACSF constitue une
première approche de l'influence de la pornographie ou plutôt de la place occupée par
la pornographie dans ces différents répertoires. Elle nous confirme cependant que les
consommateurs de "magazines pornographiques" sont en grande majorité des hommes
et que les hommes de moins de 40 ans y sont légèrement sur représentés.

METHODOLOGIE

QUESTIONS DE DEPART
S'agissant d'une étude exploratoire nous n'avons pas formulé d'hypothèses de
recherche. Nous avons tenté, à l'aide d'une approche plurielle qui a associé différentes
méthodes d'investigation et d'analyse, d'apporter des éléments de réponses aux
questions suivantes :
- Quel est le statut du préservatif dans le système de représentation pornographique de
la sexualité ?
- Est-il possible d'érotiser les messages d'incitation à l'utilisation des préservatifs au
travers des magazines érotiques ?
- Est-il possible d'érotiser le préservatif et son utilisation ?
- Quels sont les obstacles - psychologiques, culturels, politiques, économiques à cette
érotisation ?
- La pornographie peut-elle contribuer - ou non - à l'évolution des pratiques sexuelles
des hétérosexuels vers le "safer sex" ?

AXES DE RECHERCHE
Cette étude s'est déroulée sur deux plans distincts.

Les consommateurs de magazines pornographiques :


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Nous avons procédé à une analyse secondaire de la base de données ACSF en utilisant
comme variable indépendante la question concernant la "lecture de journaux
pornographiques". Les résultats de ces analyses sont présentés dans la première partie
du rapport.

L'enquête dans le milieu de la pornographie :


Cette enquête qui a pris la forme d'une recherche-action a été menée auprès de
quelques directeurs de magazines et de quelques comédiens du X (notamment ceux
qui avaient accepté de poser dans le sujet photo du numéro de Sexy-Mag de Décembre
1993).
Par ailleurs, nous avons réalisé une analyse de contenu qualitative sur un échantillon
de "magazines de charme" français diffusés dans des kiosques afin de mettre en
évidence les modes d'apparition des thèmes du sida et du préservatif dans quelques-
uns de ces magazines. Les résultats de ces analyses constituent la deuxième partie du
rapport.
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LES LECTEURS DE JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES EN


FRANCE : DONNEES DE L'ACSF

L'enquête ACSF (Spira, Bajos, ACSF, 1993), , est à ce jour la base de données la plus
complète qui permet d'analyser en profondeur les pratiques sexuelles, les normes ainsi
que les dispositions psychosociologiques et les représentations concernant la sexualité
des personnes résidant en France. Cette enquête associait un questionnaire sommaire,
adressé à plus de 20.000 personnes, et un questionnaire approfondi, réservé à la
fraction des individus de cet ensemble qui ont déclaré avoir un comportement "à
risque", auxquels était ajouté un groupe témoin afin de rétablir la représentativité de
l'échantillon ainsi obtenu (4820 personnes au total) par rapport à l'ensemble de la
population résidant en France. Les questions portant sur la lecture de journaux
pornographique n'étaient présentes que dans le "questionnaire long".
Partant de ces données nous avons effectué une analyse du groupe que constituent les
lecteurs de journaux pornographiques en cherchant à identifier les caractéristiques
socio-démographiques de ce groupe ainsi que certaines des dimensions plus
spécifiquement sociologiques, psychologiques et sexologiques.

Les lecteurs de journaux pornographiques sont surtout des hommes.


47,4 % des hommes et 19,3 % des femmes déclarent avoir lu un journal pornographique ,
"souvent et parfois".
Le traitement des données disponibles dans le fichier de l'ACSF a cependant porté sur
les 5,7 % des hommes qui ont déclaré avoir souvent lu un journal pornographique . Ce
choix repose sur l'intérêt de traiter un échantillon contrasté. Les femmes n'étant que
1,5 % à entrer dans cette catégorie, n'ont pas été prises en compte dans cette analyse.
Un traitement ultérieur portant sur les 19,3% de femmes ayant déclaré avoir lu un
journal pornographique "parfois" est envisagé.

1 - SOCIO-DEMOGRAPHIE DES LECTEURS DE JOURNAUX


PORNOGRAPHIQUES :

LES LECTEURS DE JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES SONT PLUS JEUNES QUE


L'ENSEMBLE DES HOMMES.
Bien que l'on ne puisse parler d'un réel effet d'âge (cf. tableau 1), on constate une légère
sur-représentation des moins de 50 ans chez les lecteurs de journaux pornographiques
par rapport à l'ensemble de la population masculine ; cette sur-représentation est plus
marquée dans la tranche d'âge "18-29 ans". Alors que les 50-69 ans sont sous-
représentés.
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Tableau 1 : Comparaison des structures par âge entre la population des lecteurs de
journaux pornographiques et l'ensemble de la population masculine.

lecteurs ensemble de la différence


population masculine
18/29 32,0 27,9 4,1
30/39 25,1 22,7 2,4
40/49 21,9 20,5 1,4
50/59 11,3 15,1 -3,8
60/69 9,7 13,7 -3,9
total 100,0 100,0

MILIEU D'HABITAT ET TAILLE D'AGGLOMERATION :


Le lectorat masculin de la presse érotique est majoritairement urbain avec une forte
sous-représentation des communes rurales ou de moins de cinq mille habitants
(-11,5 points).

VIE EN COUPLE :
Le fait de "vivre en couple " est faiblement corrélé avec la lecture de journaux
pornographiques (les hommes déclarant vivre en couple représentent 64,2 % des
lecteurs, contre 71,5 % de la population masculine générale, (cf. tableau 2). On peut y
lire un effet d'âge - les lecteurs sont tendantiellement plus jeunes que l'ensemble de la
population et donc plus facilement au sein de ménages d'une personne. Les 18-29 ans
représentent en effet 32 % de l'ensemble des lecteurs de porno et ne sont que 44,3 % à
déclarer vivre en couple, contre 64,1 % de l'ensemble de la population masculine de la
même tranche d'âge.

Tableau 2 : Comparaison des structures de vie en couple entre la population des


lecteurs de journaux pornographiques et l'ensemble de la population masculine ( %)

ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
vivent en couple 64,2 71,5 -7,3

CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES:
Si l'on considère la répartition de la population des lecteurs de revues
pornographiques selon leur C.S.P., nous pouvons constater une forte sous-
représentation des "cadres et professions intermédiaires ", au profit des couches plus
"populaires ", les " employés et ouvriers " qui sont légèrement sur-représentés ainsi que
les étudiants (cf. tableau 3).
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Tableau 3 : Population des lecteurs de journaux pornographiques et l'ensemble de la


population masculine ( %)

lecteurs ensemble de la différence


population masculine
paysans 0,6 2,9 -2,2
indépendants 6,3 6,1 0,2
cadres sup. 9,0 15,5 -6,5
prof. intermédiaires 11,0 19,0 -8,0
employés 23,3 14,9 8,4
ouvriers 38,0 31,3 6,8
étudiants 10,2 7,7 2,5
inactifs / Sans 1,0 1,4 -0,4
profession
total 100,0 100,0

INFLUENCE DE LA RELIGION
Les "sans religion " et ceux qui ne lui accordent "aucune importance " sont sur-
représentés, au détriment de ceux pour qui la religion représente une certaine
importance.

LES LECTEURS DE JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES ET LA PRESSE EN GENERAL:


Les lecteurs de journaux pornographiques sont proportionnellement plus nombreux (+
5,5 points) que l'ensemble de la population masculine à déclarer lire régulièrement un
quotidien.

2 - LES NORMES ET LES OPINIONS EN MATIERE DE SEXUALITE

SENTIMENT AMOUREUX, AVENTURES ET FIDELITE :


Les lecteurs de journaux pornographiques sont plus nombreux que l'ensemble de la
population masculine à dissocier l'acte sexuel du sentiment amoureux: près de 40 %
d'entre eux pensent que "l'on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu'un sans l'aimer ",
contre un peu moins de 30 % pour l'ensemble de la population masculine. Ils sont
aussi un peu plus nombreux à considérer que "dans un couple l'amour peut exister sans
désir sexuel réciproque " (22,5% contre 20,9%).
Ils sont cependant plus nombreux à déclarer qu'un rapport sexuel "est plus satisfaisant
quand on s'aime " (cf. tab. 4). Mais, bien que la fidélité est considérée comme "essentielle
au bonheur du couple " par près des deux tiers des lecteurs interrogés, l'infidélité semble
malgré tout légèrement plus valorisée, dans la mesure où plus de 30 % d'entre eux
considèrent "qu'il peut y avoir amour sans fidélité " (contre 18 %). Ils sont, en outre près
de 20 % à penser que "des infidélités passagères renforcent l'amour ", alors que cette
15

opinion ne recueille que moins de 10 % de réponses positives dans l'ensemble de la


population. Ils sont de même légèrement plus nombreux à trouver tout à fait acceptable
"qu'au cours de son mariage, un homme puisse avoir quelques aventures avec quelqu'un
d'autre " (14,1 % contre 8,4 %), quoique cette tolérance ne s'étende pas à l'infidélité
féminine : si 7 % des lecteurs la considère comme tout-à-fait acceptable , et 27 % plutôt
acceptable , ces proportions sont respectivement de 8,3 % et 30,9 % pour les hommes en
général. Il faut donc nuancer le premier constat selon lequel les lecteurs sont plus
nombreux à dissocier l'acte sexuel de l'amour. On peut plutôt faire l'hypothèse que ces
hommes disposent de répertoires de représentations de la sexualité et des
significations et sentiments qui accompagnent l'activité sexuelle plus variés que les
autres hommes; ce qui leur permet de dissocier des situations à contenu différent.

Tableau 4 : opinions sur le sentiment amoureux, la fidélité et le désir sexuel


( % de réponses "tout-à-fait d'accord »)

ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
l'attirance sexuelle conduit forcément à faire l'amour 28,7 29,0 -0,3
dans un couple l'amour peut exister sans désir sexuel réciproque 22,5 20,9 1,6
un rapport sexuel est plus satisfaisant quand on s'aime 84,2 74,9 9,3
on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu'un sans l'aimer 39,4 29,6 9,8
faire l'amour c'est faire un avec l'autre 63,0 60,4 2,6
il peut y avoir amour sans fidélité 31,6 17,6 14,0
les infidélités passagères renforcent l'amour 19,6 9,7 9,9
la fidélité est essentielle pour le bonheur du couple 62,3 59,8 2,5
dans la société actuelle on provoque trop les désirs sexuels 39,8 39,4 0,5

Notons enfin que si l'homosexualité masculine n'est pas vraiment mieux tolérée par les
lecteurs de revues pornographiques que par l'ensemble de la population masculine
(12,2 % contre 11,7 %) , ce n'est pas le cas de celle des femmes : en effet, si le quart des
lecteurs déclarent la trouver tout-à-fait acceptable , cette opinion ne recueille qu'un peu
plus de 13 % d'opinions favorables pour l'ensemble des hommes.

PLAISIR ET "BESOINS" SEXUELS


Les lecteurs sont plus nombreux à considérer que l'absence de pénétration peut être
frustrante pour une femme (+ 7 %) (cf. tableau 5). L'absence d'orgasme est ressentie par
les lecteurs comme une source de déplaisir, et ce d'autant plus que l'on parle des
femmes. Par ailleurs, ils sont près de 30 % à déclarer qu'un homme peut tout-à-fait jouir
16

sans éjaculer alors que cette opinion n'est partagée que par moins de 20 % de
l'ensemble des hommes.

Tableau 5: opinions sur le plaisir sexuel ( % de réponses "tout-à-fait d'accord »)

ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
un rapport sexuel sans pénétration peut être frustrant pour un
28,1 29,4 -1,3
homme
un rapport sexuel sans pénétration peut être frustrant pour une
32,9 25,8 7,1
femme
un rapport sexuel sans orgasme peut être frustrant pour un
50,3 44,6 4,7
homme
un rapport sexuel sans orgasme peut être frustrant pour une
56,5 47,0 9,5
femme
un homme peut jouir sans éjaculer
26,5 17,5 9,0

Les lecteurs de journaux pornographiques déclarent des "besoins sexuels" plus


importants que la moyenne des hommes interrogés. Près du tiers des lecteurs, contre
moins du quart de l'ensemble des hommes déclarent que "pour se sentir bien, un homme
doit avoir un rapport sexuel au moins une fois par jour ". Il sont 33,9% contre 21,7 % pour
l'ensemble des hommes à attribuer la même quantité de "besoins sexuels" aux femmes.

ATTITUDES VIS-A-VIS DU SIDA


Les lecteurs déclarent se sentir plus concernés par le sida que la moyenne des hommes :
10 % pensent en effet courir plus de risque d'être contaminé contre moitié moins pour
l'ensemble des hommes; 14,5 % déclarent n'en courir aucun, contre 23,5 %. De même,
66 % d'entre eux se posent "très souvent ou souvent " la question de savoir s'ils sont déjà
contaminés, ce pourcentage étant inférieur à 50 % dans la population masculine
générale.

Près de 40 % des lecteurs, contre 19 % de l'ensemble des hommes, déclarent avoir


"changé de comportement sexuel depuis l'apparition du Sida ".

OPINIONS SUR LE PRESERVATIF


L'image du préservatif apparaît plus positive et les opinions le concernant plus
tranchées chez les lecteurs de journaux pornographiques que dans l'ensemble de la
population masculine (cf. tab. 6). En effet, si le préservatif est davantage perçu comme
"peu romantique" (+ 8,4 points) ainsi que comme "une gêne pour sentir le corps du
partenaire " (+ 13,4 points) et qu'il "peut couper le désir d'une femme " (+ 4,9 points), et
encore plus celui d'un homme (+ 10,5 points), les lecteurs le trouvent "encore moins
compliqué à utiliser" que l'ensemble des hommes, et affirment qu'il "peut constituer un
17

jeu érotique " (+ 12,7 points), et qu'il "permet de faire durer le plaisir " (+ 9,9 points) voire
"de l'augmenter "(+ 2,8 points).

Tableau 6: opinions sur le préservatif ( % de réponses "tout-à-fait d'accord »)

ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
le préservatif, c'est compliqué à utiliser 5,5 8,4 -2,9
le préservatif, ça tue le romantisme 30,2 21,8 8,4
le préservatif, ça crée des doutes sur le partenaire 14,1 19,0 -4,9
le préservatif ça peut couper le désir chez une femme 18,3 13,4 4,9
le préservatif ça peut couper le désir chez un homme 31,5 20,9 10,5
le préservatif , ça empêche de vraiment sentir le corps de
42,5 29,0 13,4
l'autre

mettre un préservatif, ça peut être un jeu érotique 30,1 17,4 12,7


le préservatif, ça augmente le plaisir sexuel 4,0 1,2 2,8
le préservatif, ça permet de faire durer le plaisir 15,0 5,0 9,9

3 - ACTIVITE SEXUELLE :

ACTIVITE SEXUELLE GENERALE :


La quasi-totalité des lecteurs de journaux pornographiques ont déjà fait l'amour au
cours de leur vie et ce sensiblement plus que la moyenne des hommes (99,6 %, contre
98,1 % pour l'ensemble des hommes); ce fait étant particulièrement remarquable chez
les plus jeunes. Il n'en reste pas moins que l'on trouve plus de vierges (et
d'abstinents) sur les 12 mois précédant l'enquête, dans la tranche d'âge des 26 à 39 ans,
qui est pourtant celle de la plus grande fréquence d'activité sexuelle pour l'ensemble
des hommes, alors que les lecteurs plus âgés semblent être de nouveau plus
"sexuellement actifs" que la moyenne (cf. tab. 7). Cette constatation est également
valable si on ne s'intéresse qu'à la période qui couvre les douze mois précédant
l'enquête (cf. tab. 7bis).

Tableau 7 : Activité sexuelle dans la vie et dans les 12 derniers mois (%)

ensemble de la
déjà fait l'amour dans la vie lecteurs
population masculine
18/25 ans 100.0 92.9
26/39 ans 98.7 99.7
40 ans et plus 100.0 99.3
ensemble 99.6 98.2
18

Tableau 7bis : fait l'amour dans les 12 derniers mois (si oui dans la vie)

18/25 ans 97.8 96.2


26/39 ans 93.0 97.4
40 ans et plus 99.2 96.1
ensemble 96.7 96.5

Il faudra certainement s'interroger plus en profondeur sur ce groupe de lecteurs âgés


de 26 à 39 ans qui déclarent ne pas avoir eu de rapports sexuels au cours des douze
derniers mois, dans la mesure où il contraste avec l'ensemble de nos données qui
témoignent d'une fréquence plus élevée de l'activité sexuelle parmi les lecteurs de
magazines pornographiques.

NOMBRE MOYEN DE RAPPORTS SEXUELS :


Les lecteurs déclarent un nombre moyen de rapports sexuels au cours du dernier mois
plus élevé que l'ensemble de la population masculine et ce, quelle que soit la tranche
d'âge à laquelle ils appartiennent (cf. tab. 8).

Tableau 8 : nombre moyen de rapports sexuels dans le mois précédant l'enquête


selon l'âge

lecteurs ensemble de la différence


population masculine
18/25 ans 8,7 7,2 1,5
26/39 ans 11,7 9,2 2,5
40 ans et plus 7,6 7,0 0,6
ensemble 9,3 7,2 2,1

MULTIPARTENARIAT :
De même que les lecteurs ont eu plus de rapports sexuels dans le mois précédant
l'enquête que l'ensemble des hommes, ils sont davantage multipartenaires au cours des
douze derniers mois (cf. tab. 9) et, parmi ces derniers, les lecteurs ont en moyenne plus
de partenaires que leurs homologues masculins (cf. tab. 9 bis).
19

Tableau 9 : mono/multipartenariat dans l'année précédant l'enquête selon l'âge


(population sexuellement active sur la vie, %)

lecteurs ensemble de la population masculine


pas de partenaires 1 seul partenaire plusieurs pas de partenaires 1 seul partenaire plusieurs
déclarés déclaré partenaires déclarés déclaré partenaires
déclarés déclarés
18/25 ans 2,2 67,2 30,6 3,8 70,2 26,0
26/39 ans 7,0 74,1 18,9 2,6 84,4 13,0
40 ans et 0,8 83,1 16,0 3,9 86,9 9,2
plus
ensemble 3,3 76,5 20,3 3,5 83,1 13,5

Tableau 9 bis : nombre moyen de partenaires dans l'année précédant l'enquête


(multipartenaires uniquement, %)

lecteurs ensemble de la différence


population
masculine
12 mois 5,6 3,1 2,5
dont nouveaux 3,6 1,8 1,8

RECOURS A LA PROSTITUTION :
Quoique minoritaire, le recours à la prostitution semble davantage concerner les
lecteurs que la population générale. Ils sont en effet deux fois plus nombreux à
déclarer avoir fréquenté une prostituée au cours des 5 années précédant l'enquête
(6,6 % contre 3,2 %) et au cours des 12 derniers mois (1,8 % contre 0.9 %).

HOMO ET BISEXUALITE
Alors que les lecteurs ne semblent pas plus tolérants à l'égard de l'homosexualité
masculine que l'ensemble des hommes interrogés, ils sont deux fois plus nombreux
que ces derniers à déclarer avoir été sexuellement attirés par des hommes, et deux fois
plus nombreux également à déclarer avoir connu au moins une expérience
homosexuelle au cours de leur vie (cf. tab. 10 et 11).
20

Tableau 10 : attirance sexuelle au cours de la vie

hétéro bi. homo nr total total bi+homo


25 ans et moins lecteurs 93,3 6,5 0,0 0,3 100,0 6,5
ensemble de la population
95,9 4,0 0,1 0,0 100,0 4,1
masculine
26-39 ans lecteurs 89,3 9,9 0,8 0,0 100,0 10,7
ensemble de la population
93,9 5,9 0,3 0,0 100,0 6,1
masculine
40 et plus lecteurs 91,2 8,0 0,8 0,0 100,0 8,8
ensemble de la population
95,9 3,6 0,1 0,4 100,0 3,7
masculine
total lecteurs 91,0 8,4 0,6 0,1 100,0 9,0
ensemble de la population
95,3 4,4 0,2 0,2 100,0 4,6
masculine

Tableau 11: personnes déclarant avoir eu au moins une expérience homosexuelle au


cours de leur vie (personnes ayant déjà eu 1 rapport sexuel)

oui non nr total


25 ans et moins lecteurs 7.9 91.8 0.3 100.0
ensemble de la population 2.5 95.7 1.8 100.0
masculine
26-39 ans lecteurs 11.0 89.1 0.0 100.0
ensemble de la population 4.1 94.0 1.9 100.0
masculine
40 et plus lecteurs 7.3 92.7 0.0 100.0
ensemble de la population 4.3 92.7 3.1 100.0
masculine
total lecteurs 8.7 91.2 0.1 100.0
ensemble de la population 3.9 93.64 2.49 100.0
masculine

PRATIQUES SEXUELLES AU COURS DE LA VIE

Masturbation
Plus de la moitié de l'échantillon des lecteurs déclare se masturber souvent et considère
cette pratique comme tout-à-fait acceptable . A l'inverse, si 35 % de l'ensemble de
l'échantillon masculin tolère tout à fait cette pratique, 17 % seulement déclare se
masturber souvent (cf. tableau 12).
21

Tableau 12 : pratique de la masturbation selon l'âge


(ensemble de la population, % de réponses souvent)

ensemble de la
ensemble lecteurs différence
population masculine
se masturber 25 ans et moins 55,4 16,9 38,5
26-39 ans 57,1 16,2 40,9
40 et plus 52,6 10,0 42,6
total 54,8 13,3 41,5

PRATIQUES SEXUELLES AU COURS DE LA VIE:


Les lecteurs de revues pornographiques ont un répertoire de pratiques sexuelles plus
diversifié que les hommes pris dans leur ensemble, y compris pour des pratiques
largement minoritaires dans la population générale (cf. tab. 13) .

Tableau 13: pratiques hétérosexuelles au cours de la vie (% de réponses souvent)

ensemble de la
personnes ayant déjà fait l'amour lecteurs différence
population masculine
être masturbé par sa partenaire 25 ans et moins 34,8 19,4 15,3
26-39 ans 62,3 25,0 37,3
40 et plus 43,4 11,4 32,0
total 48,0 17,2 30,8
masturber sa partenaire 25 ans et moins 57,0 30,7 26,3
26-39 ans 67,4 34,0 33,5
40 et plus 57,0 19,4 37,7
total 60,6 26,1 34,5
fellation 25 ans et moins 40,3 23,4 16,9
26-39 ans 61,3 28,8 32,5
40 et plus 53,9 16,4 37,5
total 53,4 21,6 31,8
la partenaire a avalé le sperme 25 ans et moins 24,6 4,2 20,4
26-39 ans 19,1 6,7 12,4
40 et plus 21,8 4,5 17,3
total 21,5 5,1 16,4
cunnilingus 25 ans et moins 51,3 25,6 25,7
26-39 ans 63,6 35,3 28,3
40 et plus 54,1 22,1 32,0
total 59,7 26,9 32,8
22

"soixante-neuf" 25 ans et moins 30,2 13,1 17,1


26-39 ans 60,6 23,3 37,3
40 et plus 37,6 11,4 26,2
total 43,8 15,5 28,3
lécher l'anus de sa partenaire 25 ans et moins 6,5 3,0 3,5
26-39 ans 18,1 5,7 12,5
40 et plus 10,1 3,1 7,0
total 12,1 3,9 8,2
s'être fait lécher l'anus 25 ans et moins 4,5 2,2 2,3
26-39 ans 9,1 2,5 6,6
40 et plus 11,9 2,2 9,6
total 9,3 2,3 7,0
pénétration anale 25 ans et moins 12,3 4,9 7,4
26-39 ans 8,4 2,8 5,5
40 et plus 25,8 2,9 22,9
total 16,8 3,2 13,6

Pour toutes ces pratiques, les lecteurs de magazines sont toujours plus nombreux à
déclarer les avoir pratiquées souvent que l'ensemble des hommes.
En ce qui concerne la pénétration anale, les lecteurs de plus de 40 ans sont dix fois plus
nombreux à déclarer l'avoir pratiquée au cours de leur vie.

Ces résultats, sur les pratiques sexuelles réalisées au cours de la vie, sont confirmés par
l'analyse des rapports sexuels les plus récents que l'enquête ACSF demandait de
décrire en détail (cf. tab. 14).
23

Tableau 14 : pratiques hétérosexuelles au cours d'un ou des deux derniers rapports


sexuels décrits (personnes ayant décrit au moins un rapport, % de réponses
positives)

ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
être masturbé par sa partenaire 25 ans et moins 53,5 38,6 15,0
26-39 ans 51,3 37,5 13,8
40 et plus 60,1 30,0 30,1
total 55,7 34,0 21,7
masturber sa partenaire 25 ans et moins 74,5 58,0 16,6
26-39 ans 76,3 60,9 15,4
40 et plus 67,4 48,0 19,4
total 72,0 54,0 18,0
la partenaire s'est masturbée 25 ans et moins 22,1 12,2 9,9
26-39 ans 31,5 13,6 17,9
40 et plus 26,3 9,0 17,3
total 27,1 11,1 16,0
ego s'est masturbé 25 ans et moins 5,0 5,9 -0,9
26-39 ans 16,2 7,4 8,8
40 et plus 26,8 4,1 22,7
total 18,4 5,5 12,9
fellation 25 ans et moins 38,8 38,6 0,2
26-39 ans 48,0 37,6 10,5
40 et plus 44,6 22,5 22,1
total 44,4 30,3 14,1
cunnilingus 25 ans et moins 50,2 40,7 9,4
26-39 ans 45,0 40,4 4,7
40 et plus 42,1 22,8 19,3
total 44,9 31,7 13,1
pénétration anale 25 ans et moins 7,3 7,2 0,1
26-39 ans 4,1 5,7 -1,6
40 et plus 13,7 3,6 10,1
total 9,1 4,9 4,1
utilisation de préservatifs 25 ans et moins 24,4 22,3 2,1
26-39 ans 11,4 9,0 2,4
40 et plus 9,9 3,9 6,0
total 13,7 8,9 4,8
24

Notons enfin que les lecteurs sont nettement moins nombreux à assimiler un rapport
sexuel à la pénétration : près de la moitié d'entre eux ne considèrent en effet pas "qu'un
rapport sexuel ça veut dire qu'il y a une pénétration ", contre 40 % de l'ensemble de la
population masculine. De même si près de 95 % des premiers déclarent aimer faire durer
les préliminaires amoureux, cette proportion n'est que de 87 % en général.

Rapports sexuels en groupe, échangisme, utilisation d'un objet


Quoique minoritaires, tant dans l'ensemble de la population masculine que chez les
seuls lecteurs de revues pornographiques, des pratiques telles que les partouzes ,
l'échangisme et l'utilisation d'un objet pour obtenir une excitation sexuelle sont d'avantage
déclarées par ces derniers. Le plus fort pourcentage de lecteurs ayant souvent fait
l'amour à plusieurs concerne les hommes âgés de 40 ans et plus (5% contre 0,4%); en
outre, 1,5 % des hommes de 25 ans et moins déclarent également cette activité souvent,
soit cinq fois plus que l'ensemble des hommes du même âge.

Tableau 15 : Rapports sexuels en groupe, échangisme, et utilisation d'un objet


(personnes ayant déjà fait l'amour, % de réponses souvent)

ensemble de la
personnes ayant déjà fait l'amour lecteurs différence
population masculine
fait l'amour a plusieurs 25 ans et moins 1,5 0,3 1,2
26-39 ans 1,1 0,5 0,5
40 et plus 5,2 0,4 4,9
total 3,0 0,4 2,5
échangisme 25 ans et moins 1,6 0,3 1,3
26-39 ans 0,7 0,4 0,4
40 et plus 1,9 0,1 1,8
total 1,4 0,2 1,2
utiliser un objet 25 ans et moins 8,6 1,2 7,4
26-39 ans 9,9 0,9 9,0
40 et plus 4,0 0,4 3,6
total 7,1 0,7 6,3

UTILISATION DE PRESERVATIFS :
Quelque soit la tranche d'âge considérée, plus de 80 % des lecteurs déclarent avoir déjà
utilisé des préservatifs au cours de leur vie sexuelle (alors que cette proportion n'est
que de 69,1 % pour l'ensemble des hommes, et qu'elle décroît régulièrement avec l'âge
chez ces derniers). De même l'utilisation de préservatifs dans les 12 mois précédant
l'enquête reste supérieure chez les lecteurs par rapport à l'ensemble des hommes,
25

même si le recours à ce moyen de protection diminue sensiblement avec l'âge, dans les
deux populations.

4 - FANTASMES ET ORGASMES
LES FANTASMES
Trois séries de questions sur les fantasmes ont été exploitées :
- les fantasmes sur les pratiques sexuelles;
- les personnes qui apparaissent dans ces fantasmes;
- les sentiments concernant les personnes qui apparaissent dans ces fantasmes.
A quasiment toutes ces séries de questions, les lecteurs de magazines pornographiques
ont été plus nombreux à répondre "souvent " que la population masculine prise dans
son ensemble (cf. tab. 16, 17, 18). Une seule exception est à noter : les lecteurs de
journaux pornographiques ont été un peu moins nombreux à déclarer imaginer souvent
, punir ou blesser leur partenaire que l'ensemble de la population masculine. La
différence de 0,8% exprime un écart peu important, mais il est surprenant de constater
qu'il s'agit de la seule question à laquelle les lecteurs ont obtenu un score négatif par
rapport à l'ensemble des hommes. Les lecteurs de magazines pornographiques
n'auraient donc pas plus de fantasmes agressifs que les autres hommes, ils en auraient
peut-être un peu moins. Ce résultat vient remettre en question les hypothèses avancées
par un certain nombre de travaux d'inspiration conservatrice ou féministe qui
établissent une corrélation entre l'utilisation de la pornographie hétérosexuelle et la
violence sexuelle à l'égard des femmes. Par contre, les lecteurs imaginent bien plus
souvent que les autres hommes que les partenaires qui apparaissent dans leurs
fantasmes manifestent une sexualité débordante et qu'il s'agit bien plus souvent de
personnages imaginaires ou de vedettes. Ils expriment aussi bien plus souvent des
fantasmes de domination passive ou de pénétration anale réceptive.
26

Tableau 16: fantasmes de pratiques sexuelles (% de réponses souvent)

ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
regarder les autres faire l'amour 27,5 7,3 20,2
être regardé alors que vous faites l'amour 8,3 2,3 6,0
caresser le sexe du partenaire avec la bouche 44,9 15,2 29,7
un partenaire vous caresse le sexe avec la bouche 61,6 24,1 37,5
un partenaire vous lèche l'anus 10,6 2,7 7,9
pénétration vaginale 79,6 55,0 24,5
vous pénétrez l'anus d'un partenaire 30,4 6,8 23,6
un partenaire pénètre votre anus 3,0 0,8 2,2
vous avez le sentiment de ne faire qu'un avec votre partenaire 38,8 25,1 13,7
vous punissez ou blessez votre partenaire 0,5 1,3 -0,8
vous êtes puni ou blessé par un partenaire 1,9 1,2 0,7
vous avez des rapports sexuels avec un partenaire qui est
2,2 1,8 0,4
attaché
vous avez des rapports sexuels en étant attaché 7,6 0,7 6,8
vous vous trouvez vous même très désirable 15,3 9,5 5,9
vous vous sentez de l'autre sexe 5,3 3,7 1,6
vous faites l'amour avec plusieurs hommes 1,0 0,3 0,6
vous faites l'amour avec plusieurs femmes 29,8 10,4 19,3

Tableau 17: personnes apparaissant dans les fantasmes (% de réponses oui,


plusieurs réponses possibles)

ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
quelqu'un d'imaginaire 45,3 35,1 10,2
un(e) ami(e) avec qui vous n'avez jamais fait l'amour 34,4 37,0 -2,6
une ex-relation sexuelle 27,4 25,6 1,8
votre partenaire actuel 22,4 34,5 -12,1
une vedette / quelqu'un de connu 19,0 11,1 7,9
27

Tableau 18 : sentiments apparaissant dans les fantasmes (% de réponses souvent)

ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
personnes amoureuses 44,3 43,4 0,9
personnes tendres 51,0 45,1 5,8
personnes ayant une sexualité débordante 62,5 33,0 29,5
personnes dures et cruelles 4,3 3,5 0,8
personnes indifférentes 10,2 5,9 4,3

ORGASMES
Les lecteurs de journaux pornographiques sont bien plus nombreux à déclarer "arriver
toujours à l'orgasme " (cf. tab. 19), et ce quelle que soit la situation qui leur était
proposée. De plus, les deux tiers d'entre eux affirment atteindre "toujours " l'orgasme
en même temps que leur partenaire, contre la moitié seulement de l'ensemble de la
population masculine.

Tableau 19: orgasme dans différentes situation (% de réponses toujours et jamais)

ensemble de la ensemble de la
lecteurs lecteurs
population masculine population masculine

toujours toujours différence jamais jamais différence


masturbation 38,5 24,4 14,0 2,9 10,9 -8,0
masturbation par le partenaire 34,6 21,9 12,7 2,3 7,1 -4,9
fellation 38,2 21,9 16,3 1,8 12,3 -10,5
pénétration vaginale 56,9 45,3 11,5 0,7 1,0 -0,3
orgasme simultané 67,9 52,0 15,9 0,15 1.3 -1,2

COMMENTAIRES :
Les lecteurs de magazines pornographiques ont déclaré, dans cette enquête nationale,
une activité sexuelle plus fréquente et plus diversifiée que la moyenne des hommes.
Ils ont déclaré un nombre de partenaires plus élevé et ont exprimé des répertoires de
sentiments à l'égard de ces partenaires, des attitudes plus diversifiées à l'égard de la
sexualité et des fantasmes plus nombreux. Ils ont enfin exprimé, et c'est quasiment la
seule surprise de notre travail, moins de fantasmes agressifs à l'égard de leurs
partenaires que les autres hommes.
28

En l'état actuel de notre analyse, il est difficile de voir une corrélation entre la
consommation de journaux pornographiques et les autres aspects de l'activité sexuelle
de ces hommes. Il sera nécessaire d'explorer plus en détail les différences entre le
sous-groupe des consommateurs de magazines âgés de 26 à 39 ans qui n'ont pas eu de
rapports sexuels au cours des 12 derniers mois et qui tranche avec le reste du groupe
des consommateurs qui a eu une fréquence plus élevée de rapports sexuels et un
nombre plus élevé de partenaires que le reste de la population masculine. Cette
analyse pourra aider à comprendre les différentes fonctions que peut remplir l'usage
de la pornographie : substitut ou complément à l'activité sexuelle partenariale.

Les consommateurs de journaux pornographiques sont plus nombreux à se sentir


concernés par le risque de contamination par le VIH, à déclarer avoir changé de
comportement depuis l'apparition du sida et plus nombreux à déclarer utiliser le
préservatif.
En tout état de cause, le fait que 40% des lecteurs (contre 20% des hommes dans la
population générale) aient déclaré avoir changé de comportement sexuel depuis l'apparition
du sida constitue un indicateur dont il faut tenir compte sur la potentialité de
changement de cette population qui relève peut-être de la diversité et la flexibilité des
répertoires sexuels.
S'il est cependant difficile d'affirmer que c'est au moyen de l'insertion de messages de
prévention ciblés, dans la presse pornographique, que l'on pourra contribuer à
renforcer l'utilisation de préservatifs, on peut néanmoins affirmer que cette population
y est sensible. Ce qui va dans le sens de la proposition de ces deux auteurs selon
laquelle: "En ce qui concerne l'utilisation des préservatifs, on pourrait mettre l'accent
sur le fait qu'un rapport sexuel protégé peut être satisfaisant et ne pas se contenter du
message : "mettez un préservatif et il vous protégera". (Ducot, Spira, 1993). On peut
aussi formuler l'hypothèse selon laquelle, des individus plus expérimentés dans leur
activité sexuelle sont plus en mesure d'exercer un contrôle sur celle-ci que des hommes
qui le sont moins.
29

LE DEROULEMENT DE LA RECHERCHE-ACTION

LES ETAPES DE LA RECHERCHE-ACTION

En Mars 1993, le magazine Sexy-Mag a publié un dossier intitulé : "Comment prolonger


votre plaisir. Découvrez les nouvelles techniques à l'époque du sida " qui a attiré notre
attention.
Ce dossier a représenté une forme originale de communication dans le milieu
hétérosexuel dans la mesure où il mettait l'accent sur l'aspect érotique du préservatif et
sur les avantages érotiques liés à l'utilisation du préservatif et aux pratiques de safer-
sex. Il comprenait (cf. annexe 1) :
- une présentation technique et humoristique du préservatif et de son mode d'emploi;
- des informations sur l'épidémie du sida;
- des informations sur l'utilisation des préservatifs parmi les acteurs du X.
- des informations sur les risques associés aux différentes pratiques sexuelles;
- des propositions de pratiques sexuelles sans risque : jeux sexuels sans pénétration,
caresses, masturbations réciproques, pratiques Sado-Masochistes "soft"; pose du
préservatif par la partenaire (avec la bouche par ex.) etc..

Par ailleurs, la publication de ce dossier n'a pas exclu la présence de textes et de photos
mettant en scène des actes de pénétration sans préservatif. Il faut donc tenir compte de
la diversité des messages qui peuvent avoir un contenu contradictoire. On assiste ainsi
à une construction qui associe des éléments du discours hygiéniste de la prévention
(éléments d'information surtout) et du discours érotique. La stratégie adoptée par le
magazine lors de la réalisation de ce numéro a visé d'une part, à donner une
information précise sur le sida et la prévention du VIH (un spécialiste avait été
consulté), d'autre part, à tenter de faire apparaître les bénéfices érotiques engendrés
par la situation nouvelle sur deux aspects : utilisation du préservatif et développement
de pratiques sexuelles qui trouvent ainsi une légitimité du fait de l'absence de risque
d'infection. Nous avions cependant critiqué le style des photos publiées dans ce
numéro qui renvoyaient beaucoup à une esthétique de l'éducation sexuelle qu'à
l'esthétique habituelle des photos publiées dans le magazine.

Suite à la parution de ce numéro, nous avons pris contact avec Annabel Faust
rédacteur en chef du magazine et principal auteur du dossier.
30

Nos discussions ont abouti à l'élaboration d'un projet de numéro du magazine centré
sur la prévention du sida. Ce projet a été soumis à l'AFLS qui en a accepté le principe
et qui l'a financé.
Le projet financé a abouti à la conception d'un numéro de Sexy-Mag qui parut en
Décembre 1993 et comprenant (cf. annexe 2):
* Un document photographique montrant explicitement un homme et une femme
dans un contexte érotique avec des gros plans sur le pénis revêtu d'un préservatif.
* Un préservatif offert par une pin-up et encarté dans le magazine.
* Un questionnaire destiné aux lecteurs sur les pratiques sexuelles et l'usage de
préservatifs.
* Une interview du chanteur français Pierre Vassiliu sur le sida.

Notre idée commune était de produire des documents d'allure non-scientifique et non-
hygiéniste contenant des messages indirects de prévention. En outre concernant le
sujet photo, nous souhaitions que les photos publiés soient porteuses de la même
esthétique que les autres photos publiées dans ce magazine (et dans l'ensemble de la
presse de charme). Il est important de noter que cette expérience est restée quasiment
unique. Aucun autre magazine, à l'exception de "Union" qui avait publié un sujet
photo mettant en scène l'usage de préservatifs, dans le numéro 60 de Septembre 1993,
et dont nous n'avons eu connaissance qu'après-coup, n'a publié de photos mettant en
scène des préservatifs lors d'une relation sexuelle.

Le questionnaire publié dans le numéro n'a suscité qu'une cinquantaine de réponses de


lecteurs. Face à ce petit nombre de réponses, qui rendait les résultats peu fiables, nous
avons décidé de ne pas l'exploiter.

La publication de ce document nous a permis de rencontrer des directeurs de


magazines érotiques intéressés par l'expérience et susceptibles de la reproduire dans
leurs magazines, des comédiens et des modèles, des photographes.
Ces contacts ont débouché sur des invitations à assister à des spectacles érotiques dans
des boites de nuit réalisés par le comédiens du numéro spécial (distribution de
préservatifs au public); sur la participation au Salon Erotica à Paris et sur des
discussions informelles avec des directeurs de clubs échangistes présents sur le Salon.
Il nous a semblé approprié d'employer le terme de recherche-action pour désigner cet
aspect de notre travail. En effet, nos contacts avec les acteurs du milieu du X
(comédiens, modèles, animateurs, photographes, directeurs de publication) ont pris la
forme d'une réflexion en commun sur les possibilités et les difficultés d'intégrer le
thème du sida et de la prévention dans le cadre des productions pornographiques.
31

Dans le cas des directeurs de magazine et de quelques comédiens, ces entretiens ont
été suivis de propositions d'actions spécifiques de leur part.
Les deux comédiens qui ont assuré la réalisation du sujet photographique publié dans
Sexy-Mag de Mars 1993 nous ont sollicité, par la suite, pour les aider à monter des
spectacles de boite de nuit lors desquels ils ont distribué des préservatifs au public
présent; pour élaborer un scénario de film X intégrant des messages préventifs.
Lors de notre rencontre avec le directeur du magazine "Penthouse" celui-ci nous a
demandé des suggestions originales. Quelques mois plus tard, le magazine publiait en
quatrième de couverture l'un des slogans de l'AFLS accompagné de la signature de cet
organisme. Plus tard, lorsque l'AFLS a fermé ses portes, le magazine a continué à
publier les mêmes slogans en signant : "Penthouse lutte contre le sida". Par la suite, les
4° de couverture occupées par un message de prévention contre le VIH se sont
développées dans plusieurs magazines.
Après une interview avec un photographe, nous avons été contacté par les
organisateurs du Salon Érotica (Printemps 94) qui souhaitaient réaliser une action de
prévention sur leur salon en proposant que l'AFLS occupe un stand. La participation
de l'AFLS n'a pas été possible dans le cadre de ce salon. Par contre nous avons proposé
aux organisateurs d'organiser un débat public avec des acteurs et des producteurs de X
sur le thème du sida. Deux débats publics autour du thème "sida et érotisme" ont
finalement eu lieu. Ils ont permis de mettre en évidence certaines des contradictions
internes au milieu du X - notamment entre les hommes et les femmes et entre les
producteurs et les acteurs à propos de la prévention et notamment de l'usage de
préservatifs parmi les acteurs. Ces débats ont fait l'objet de comptes-rendus dans
plusieurs magazines (cf. annexe 3).

L'opération fut répétée au cours du Salon Érotica suivant qui se tint à l'Automne 94.
Les acteurs et producteurs n'ont pas accepté de venir discuter de ce problème sur la
scène à l'exception du directeur d'un magazine de petites annonces échangistes qui
avait déjà participé aux premiers débats. Cette absence de participation des acteurs et
producteurs présents est en partie, le reflet du climat tendu qui a régné sur ce salon
entre certains exposants mécontents des conditions d'achat des emplacements
d'exposition et les organisateurs. Par ailleurs, lors d'une conversation privée avec l'un
de ces exposants, directeur de production (magazines et cassettes) qui avait pourtant
participé au premier débat en disant publiquement sa difficulté personnelle à utiliser
des préservatifs, celui nous dit sous l'empire de la colère qu'il "en avait marre du sida,
que les gens venaient au salon pour se distraire et qu'on leur enfonçait une aiguille
dans le crâne en leur parlant de ça".
Le déroulement de ce débat à deux voix a pris finalement une tournure différente. J'ai
été considéré comme le représentant de la connaissance scientifique du sida, l'expert en
32

prévention et le représentant des pouvoirs publics. De ce fait, j'ai été pris à partie pour
assumer la "démission" des pouvoirs publics pas présents sur le Salon. En tant,
qu'expert", j'ai eu à répondre aux questions sur les modes de contamination du virus et
sur les données de la prévalence de l'infection en France et dans le monde.
Le déroulement de ces débats illustre les contradictions et les rivalités à l'intérieur du
milieu de la pornographie et la complexité, et la diversité des motivations à l'oeuvre
par rapport à la prévention du sida.
Les actrices connues revendiquent le droit à se protéger du VIH, pour préserver leur
santé et leur fertilité. Quelques rares acteurs et actrices investissent dans la prévention
dans le cadre de leur stratégie de carrière. Les producteurs se montrent soucieux des
attentes du public et se montrent réticents à mettre en scène des préservatifs dans le
cadre de leurs productions courantes.
Toutes ces éléments rendent difficile la production de messages spécifiques. Une partie
de ces acteurs envisage de se faire les relais de messages élaborés par d'autres en
reprenant les messages classiques de la prévention. Une faible partie peut envisager
de produire des messages érotiques qui contiennent - de manière indirecte - des
messages de prévention. Cette situation montre bien combien l'usage de préservatifs,
en particulier, n'est pas encore entré dans l'imaginaire érotique de la population. La
mise en scène de pratiques sexuelles non-insertives est déjà monnaie courante dans la
pornographie et tend par ailleurs à se développer.
Nous développerons ce point plus loin lors de l'analyse des interviews des acteurs.

Il est bien évidemment difficile de considérer qu'il existe une relation de cause à effet
entre nos contacts, visant principalement à recueillir une information et les actions
développées ultérieurement par ces acteurs, avec ou sans notre participation au
demeurant très limitée. Cependant, notre expérience de la recherche clinique en
psychologie, auprès d'autres milieux, nous a appris que le "simple" recueil
d'informations, à l'aide d'entretiens semi-directifs, pouvait produire des effets auprès
des sujets rencontrés : effets psychologiques de l'ordre de l'élucidation ; effets concrets
de changements sur les pratiques ou les organisations collectives (Giami, 1984, 1986a,
1986b, 1989).
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte des effets d'incitation et d'imitation qui ont pu se
développer en dehors de nos interventions. D'autres magazines, dont nous n'avions
pas rencontré les rédacteurs en chef, ont développé, pour leur part, des actions de
communication spécifiques. Nos interventions semblent être arrivées, à point nommé,
dans le Zeitgeist, à un moment où le milieu de la pornographie était peut-être "mûr"
pour aborder explicitement le thème du sida et peut-être avec d'autres objectifs que la
prévention du sida.
33

Il faut, en effet, tenir compte d'un élément de la situation sociale et politique qui peut
avoir joué un rôle. La mise en application du Nouveau Code Pénal le 1° Avril 1994 et
notamment de l'article L. 227-24 a obligé les "magazines de charme" à paraître en
kiosque sous une fine couverture de plastique pour éviter qu'ils "soient perçus par des
mineurs". Certains magazines, ont utilisé cette contrainte pour exprimer le fait qu'ils
"sortaient couverts" et ont consacré leur 4° de couverture à des messages de
prévention. Cette évolution est cependant à mettre en relation avec la mise en
application du Nouveau Code Pénal. En effet, selon l'un des directeurs de magazine
que nous avons rencontré, il nous a été rapporté que les annonceurs ne souhaitaient
plus acheter les 4° de couverture en raison du risque encouru. Par ailleurs, cette
situation nous a aidé à formuler l'hypothèse selon laquelle la contribution à la
prévention dans le milieu du Porno présentait un intérêt, pour ce milieu, dans la
mesure où elle fait l'objet d'une grande visibilité.
Dans un tel contexte, on peut supposer que les directeurs de ces magazines ont cherché
une légitimité sociale en intégrant la prévention du VIH dans leurs publications. On
avait effectivement assisté à un précédent lors de la tentative d'interdiction de "Gai
Pied Hebdo" par le Ministre de l'Intérieur de la "première cohabitation". Ce projet
avait suscité une levée de boucliers dans la mesure où ce magazine était considéré, à
raison, comme l'un des principaux vecteurs de la prévention en milieu homosexuel.
Ce n'est donc pas avec des bons sentiments - uniquement - que l'on fait de la
prévention du VIH. Cette situation renvoie à nos interrogations éthiques du début.
Peut-on, au nom de la prévention du VIH, soutenir des activités considérées comme à
la limite de la légalité, ce qui implique nécessairement de prendre clairement parti
dans le débat sur les valeurs morales. Il s'agit aussi d'une question politique dans
laquelle la morale n'a pas grand-chose à voir.
34

ANALYSE DE LA THEMATIQUE DU SIDA ET DES


PRESERVATIFS DANS QUELQUES MAGAZINES EROTIQUES
HETEROSEXUELS FRANÇAIS

Nous avons réalisé une analyse de contenu qualitative de l'apparition des thèmes du
sida et du préservatif dans les principaux magazines érotiques français mensuels,
distribués en kiosque : Hot Vidéo, Penthouse, Sexy-Mag, Union, Vidéo-Exclusive ainsi
que d'autres magazines à publication irrégulière : Paris-Las Vegas, Défi, etc... Cette
analyse couvre la période de Décembre 1993 à Juillet 1994.
Cette analyse exploratoire avait pour objectif de faire apparaître d'une part,
l'importance attribuée au thème du sida et d'autre part, l'identification de quelques
modalités de communication spécifiques aux magazines de charme concernant le sida.
En outre nous souhaitions repérer les modes de communication utilisés pour tenter
"d'érotiser le préservatif". Nous devons préciser qu'il s'agit principalement des
stratégies élaborées par les rédacteurs de ces magazines eux-mêmes à l'exclusion de
toute intervention d'acteurs de santé publique.
Nous avons regroupé les modalités de cette forme de communication spécifique
autour des cinq thèmes principaux suivants.

INFORMATIONS SIDA ET PREVENTION


Il s'agit des énoncés qui se présentent sous une forme d'information concernant le sida
et la prévention et qui reprennent certains aspects des informations que l'on peut
retrouver dans d'autres supports :

PUBLICATION D'UN DOSSIER SUR LA PREVENTION DU VIH SUR PLUSIEURS


PAGES, ACCOMPAGNE D'UN DISCOURS REPRENANT LES VALEURS EROTIQUES
DU MAGAZINE.

"Dossier : L'amour au temps du sida" : (p.36 à 41) En introduction (gros caractères) le


préservatif comme assurance contre les MST et le sida ; la France détient le record des
cas de sida en Europe (chiffres de malades et séropositifs en France) ; c'est aussi le
pays où les préservatifs sont les moins utilisés (% d'utilisation dans différents pays); le
sida concerne tout le monde (pas seulement les homosexuels et les toxicomanes ; si
dans les films X les acteurs n'utilisent pas de préservatifs, ils prennent des précautions
(tests obligatoires, éjaculation hors du corps, produits spermicides). Le préservatif
doit être utilisé, il peut être un objet érotique. Article : (p.37-38) descriptif du
préservatif (sous forme d'interview du préservatif) (matière, taille, odeur, couleur,
fiabilité, peut aider à maintenir l'érection, etc.) ; (p.38) "mode d'emploi" : prévoir
l'achat, ouverture de l'emballage, pose et retrait du préservatif). (p.39-40) les risques
des fellations, cunnilingus, pénétrations vaginales et anales, d'accessoires, S.M.,
urologie et coprologie, prostitution ; risques d'utilisation des rasoirs et brosses à dents.
(p.40-41) Propositions de pratiques de "safer-sex" : jeux sexuels sans pénétration :
caresses, masturbation, S.M. "soft" ; pose du préservatif par la partenaire (avec la
bouche par ex.) ; (p.40) test de connaissance sur le sida (signification du sigle,
campagnes, personnages connus, mode d'action du virus, etc.). (Sexy - Mag, n° 31,
Mars 1993) . (Ce dossier est présenté en annexe).
35

Il s'agit là d'un mode de communication mixte qui associe des informations de type
scientifique ou technique et des documents spécifiques au magazine que l'on retrouve
dans d'autres publications. Ce type de messages peut apparaître sous les formes
suivantes :

Editorial :
"Avec la fellation le risque est faible, mais il existe", (signé Dr. Isabelle de Vincenzi,
Centre Européen pour la Surveillance Epidémiologique du Sida). Informations
épidémiologiques sur ce mode de transmission ; infos sur virus et salive, lésions
buccales, groupes à risque (toxicomanes, transfusés), difficulté de tirer des
conclusions à partir des rares cas répertoriés. La fellation "présente moins de risques
que des rapports anaux protégés " (Union, n° 68, Mai 1994) .

Dossier "L'érotisme oriental" :


"Thaïlande : le tourisme sexuel interdit aux français". Une convention a été signée
entre la France et la Thaïlande "interdisant aux touristes français de s'adonner au
"tourisme sexuel." Ceci afin d'enrayer l'épidémie de sida et l'exploitation des mineurs
des deux sexes." Cinq millions de touristes se rendent en Thaïlande chaque année. "le
résultat : 400.000 prostituées sont séropositives". (Sexy Mag, H.S., n°10, Mai 1994 ).

INFORMATIONS DE TYPE PRATIQUE : LE DEPISTAGE :

"Test de dépistage du sida" : "Centres de dépistages anonymes et gratuits" -


"Comment faire le test ?" - "Si on ne veut pas savoir ?" - "Où sont les centres de
dépistage anonymes et gratuits ?" Adresses. (Sexy Mag, n° 34, Septembre 1993).

CONSEILS SEXOLOGIQUES :
A l'occasion de conseils de type sexologique (concernant les pratiques sexuelles
notamment), on aborde la question de la prévention (utilisation de préservatifs ou
safer sex). C'est aussi l'occasion de rappeler qu'il existe d'autres MST.

Dossier "L'initiation anale" (entre p.50-51) : conseil sur "cinq conditions à remplir pour
éviter le fiasco" (sensibiliser l'anus, érection, lubrifier, préservatif, position) (Union , n°
64, Janvier 1994 ).

"L'anxiété sexuelle de l'homme" (témoignages et réponse d'un sexologue) :


témoignage d'une femme "le préservatif, pour moi, c'est un peu un test : ceux qui en
mettent sont souvent les moins susceptibles de connaître une panne." (Union , n° 64,
Janvier 1994 ).

Rubrique "Sexologie" : Dr. Zwang à propos de "la toute première fois", (p.64) : "Faut-il
se protéger, même pour un premier rapport ?", information des jeunes sur les MST
(chlamydiae), "Le préservatif est donc très utile, même s'il faut reconnaître, que tout à
l'anxiété d'un premier rapport, sa pose n'est pas un acte contribuant à la détente. (...) le
fait que les préservatifs soient pré-lubrifiés est un gros avantage lors d'un premier
rapport (...)." (Union, n° 67, Avril 1994).

Rubrique "Conseils" :
Réponse à une femme qui n'aime pas avaler le sperme de son mari : "l'autre solution
est de recouvrir son pénis d'un préservatif (...) Arriver au cours de la fellation, à
enfiler avec discrétion un préservatif . C'est un jeu très érotique." (Union, n° 69, Juin
1994).

"Dossier spécial fellation" :


36

La fellation n'est pas sans risque de contamination par les MST (gonocoques,
chlamydiae), le risque de contamination par le sida est faible (il existe surtout lorsqu'il
y a des petites lésions dans la bouche). "Mais même au risque de heurter les puristes,
et en sachant très bien tout ce cela contient de "désérotisant", je conseillerais volontiers
l'utilisation du préservatif. A madame d'apprendre à le mettre du bout des lèvres..." ;
"Pipe de A à Z - P-Préservatifs : bien sûr ça n'a pas la même saveur. Mais relisez SEXY
- MAG numéro 31 (mars 93) pour trouver la recette du capotin. Ou l'art de mettre un
préservatif en pipant. (...) V-Virus : Attention, le sperme peut véhiculer des particules
bactériennes, voire virales. Et bien sûr, si Madame a quelques blessures, même légères
(gingivite ou petites lésions) dans la bouche, une éjaculation peut entraîner la
contamination. En cas de doute tant pis pour la totale !" (Sexy Mag, n°34, Septembre
1993).

"Union" qui est le plus lié aux milieux sexologiques (plusieurs médecins sexologues
publient dans ce magazine) est le magazine qui intègre le plus le sida dans la
sexologie.
Nous avons intégré dans cette catégorie les énoncés qui reprennent certains aspects de
l'information scientifique. A ce titre, les magazines peuvent donc apparaître comme
des relais de ce type d'information.

LE THEME DU SIDA EST INTEGRE AU DISCOURS DU MAGAZINE

Le sida oblige à se reposer la question de la liberté sexuelle "chèrement acquise contre


les conservatismes de tous genres". La problématique-sida est donc réinterprétée avec
les valeurs des magazines.

ÉDITORIAL : REAFFIRMATION DES LIBERTES EROTIQUES DANS LE CONTEXTE DU


SIDA:
"Car à l'heure où le spectre du SIDA devrait logiquement empoisonner le fantasme
sexuel et le mettre à mort, jamais on en a autant parlé, à haute et intelligible voix (...).
Un peu comme si, face à la grande peur engendrée par cette "maladie du sexe", Mère
Nature dictait au pornographe enfoui plus ou moins profondément en chacun de
nous, que le sexe est vital et conserve ses droits indéniables." (Vidéo Exclusive, n° 1,
Février 1994 ).

"La sexualité made in sida" : texte signé Ron Davis, illustration : 4 photos de grande
taille d'une jeune fille asiatique en bas et bottes de cuir à talons hauts, sexe et fesses en
gros plan, sur décor de mobilier S.M. (croix en bois, fauteuil de cuir clouté avec
anneaux). Les paragraphes sont séparés par des coeurs. Sous titre : ""Sun-My Song",
"La Thaï" vit aujourd'hui à Amsterdam depuis quatre ans. Elle vous parle de son
problème, qui peut aussi être le vôtre !!!", le sida, "fléau que l'on ne peut passer sous
silence", "ravages" ; médias et mise en accusation des homosexuels et toxicomanes,
tout le monde est concerné, la recherche, maladie "atroce", "souffrance", "mort".
"Positiver" par la prévention, les conseils ; "personne n'est à l'abri" ; préservatif
"preuve d'amour" ; "Vos jeux pourront être ce qu'il étaient jadis" ; "pas encore assez, ni
assez vite, la peur de contracter le sida à modifié les comportements sexuels des gens"
; "une mauvaise habitude à changer obligatoirement" ; "Mieux même, avant que les
décideurs ne se magnent (si peu), des films X montraient en gros plans des pénis
munis de préservatifs pour relations démontrent à part refouler les malades atteints
du virus". (Paris- Las Vegas, n° 51 , non daté).

INTERVIEWS DE PERSONNALITES DU MONDE DU X:


37

Michel Ricaud (réalisateur porno) :


Question posée sur sa "position par rapport au phénomène du Sida", M.R. : le sida est
un "don du ciel, car cela va un peu freiner le côté bestial du défoulement sexuel des
individus", "Les gens vont vouloir revenir à de vraies valeurs et à rechercher la qualité
dans leurs rapports", le sida est favorable aux films pornos, qui sont des oeuvres de
salubrité, il vaut mieux regarder un film que prendre des risques (avec des
prostituées, dans les clubs échangistes). (Hot - Vidéo, n°18, Février 1991).

"Les cahiers secrets de Penthouse", interview de Gérard Kikoïne (réalisateur X),


"Capotes - Penthouse : Pensez vous que les films X doivent militer pour le safe-sex ?",
G.K. : "ce n'est la fonction de personne de s'occuper de safe-sex. Mais c'est un parti-
pris, il faut dédramatiser le préservatif. (Penthouse, n°110, Mars 1994).

Interview de Brigitte Lahaye, :


Penthouse : Pensez-vous que le sida a profondément modifié les pratiques sexuelles ,
B.L. : sida succède à une période de liberté ; épidémie comme régulateur "écologique";
On peut faire l'amour avec infiniment de créativité, sans prendre le moindre risque.
(ex.: masturbation). (Penthouse, n° 107, Décembre 1993 ).

RUBRIQUE "SOCIETE":
"France - Le fond, la forme et les risques ?" : (pp.108-110), dossier sur la promulgation
du nouveau code pénal (violence et pornographie), mentionne l'inquiétude des
associations contre le sida face à une loi qui pourrait empêcher toute campagne de
prévention expliquant la manière d'utiliser un préservatif. (Hot - Vidéo, n° 54, Mai
1994).

CRITIQUES DE FILMS VIDEO:

"Vidéo sélection" :
- (p.112) : "Tequila Beach", "La crainte du sida s'estompant quelque peu, les acteurs
porno n'hésitent pas à jouir dans la bouche de leurs collègues féminines et pratiquent
la sodomie la plupart du temps sans capuchon."

La critique d'un film X prend appui sur les nouveaux usages sexuels qui ne sont pas
montrés dans le film dont il est question. Le safer-sex devient ici une norme à l'aune de
laquelle on évalue les pratiques sexuelles montrées dans un film.
Ce mode de communication vise à affirmer les avantages secondaires de l'épidémie de
sida notamment sur le développement de pratiques sexuelles plus "raffinées".

LE THEME DU PRESERVATIF EST ABORDE SANS


REFERENCE EXPLICITE AU SIDA ET S'INTEGRE DANS LE
DISCOURS SPECIFIQUE DES MAGAZINES :

TEXTES EROTIQUES :
Il s'agit principalement de témoignages vécus, ou récits de fantasmes avec utilisation
de préservatifs au moment voulu "dans le feu de l'action". Dans ce mode de
communication l'utilisation du préservatif est intégrée à un scénario sexuel sans
38

rupture de style. L'usage du préservatif apparaît comme intégré au déroulement


"normal" des relations sexuelles. Le "sida" reste dans l'implicite.

Rubrique "Vécu. Jeux de club" échangiste (p.38-42) , "Il introduit sa queue dans le
préservatif, elle résiste. Lorsqu'il fait à haute voix allusion à l'humour nécessaire pour
traiter avec ces matières modernes, le gros gland accepte de gagner l'habitacle (...)".
(Union).

"Échangisme" : Récit d'une sortie dans un pub échangiste (p.22) propos grivois (tenus
par un homme et une femme) "On l'aura compris, au Pub, on ne met pas de gants -
bien qu'on mette tout de même des capotes" ; (p.23) : "Je sens que l'on encapuchonne
mon sexe d'une pellicule destinée à contrecarrer l'oeuvre divine de procréation."
(Sexy-Mag, n°3, H.S., Mai 1993).

En avion, une hôtesse de l'air fait des avances à un homme : "Prestement, elle baissa
mon pantalon, s'accroupit malgré l'exiguïté de l'endroit et me coula une capote sur le
noeud si vite que je m'en rendis à peine compte. Elle m'engloutit alors avidement
dans sa bouche, m'aspira très fort à tel point que j'éjaculais au bout de quelques
secondes." (Sexy Mag, n°34, Septembre 1993).

Rubrique "Vécu" (p.27) : Une femme dans une cabine d'essayage avec un vendeur aux
marché aux puces (essai d'un body en résille). "J'implore : "Prends-moi, prends-moi...
là tout de suite". Il ne se fait pas prier, et m'exhibe fébrilement un dard de belle taille
qu'il enrobe de latex. Je m'empale dessus (...)." (Sexy Mag, H.S. n°7, 3° trimestre 1993).

Rubrique "Vécu", (p.37) : Fin de soirée, deux amis jouent au poker avec une jeune fille.
Elle propose l'enjeu, le gagnant "aurait le côté pile (préliminaires et libre accès au
vagin) , celui qui perdrait se contenterait d'une pénétration anale, sans plus." "C'est
elle qui, une fois de plus, prit l'initiative, releva Bruno, lui tendit un préservatif et se
mit bien en position, cuisses relevées, (...) Enduisant mes doigts de salive, je lubrifiai
son anus puis enfilais à mon tour un préservatif avant de diriger mon gland vers son
trou élastique." (Sexy Mag, n°38, Juin 1994).

CONSEILS DE PREVENTION SUR UN MODE HUMORISTIQUE :

Dossier "L'été sera chaud" : "Tous les "trucs" pour prolonger l'érection", "Entre les
anneaux et les préservatifs, les baiseurs d'élite vont devoir se trimballer avec un
attaché-baise !" (Sexy Mag , Août 1994) .

"20% des anglais reprochent au préservatif d'être trop petit" : enquête auprès de 300
personnes par un médecin anglais, préservatif selon les normes anglaises trop étroit.
(Vidéo-Exclusive, n°2, Mars 1994 ).

PETITES ANNONCES DES LECTEURS QUI EXIGENT QUE LES PARTENAIRES


UTILISENT DES PRESERVATIFS OU BIEN UNE "HYGIENE ABSOLUE"

Petites annonces : (p.128) "(...) Hygiène, sérieux et discrétion assurés" ; "recherche


pour première expérience homo des jeune homme ou homme (...) pour les sucer, les
masturber et éventuellement les sodomiser (je fournis les préservatifs). (...)" ; (p.129)
"(...) fellations complètes, sodomie, cunnilingus, hygiène et discrétion. (...)" ; (p.130)
"(...) rapports protégés et respect mutuel." , "(...) Fantasme, discrétion et hygiène
demandée. (...)" (Vidéo Exclusive, n°4, Mai 1994).
CRITIQUES DE FILMS :

"Dilatée et sodomisée chez le gynéco", "Un bon point également pour l'usage
systématique et néanmoins excitant de préservatifs durant l'amour." (Penthouse,
Novembre 1993, n°106, p.116).
39

A propos du film "La ravageuse" de Richard Mailer : "Il prend April en levrette contre
une table basse, la sodomise, puis jette nonchalamment sa capote trempée sur le dos
de la belle." (Sexy Mag, n°34, Septembre 1993).

DOSSIER CONSACRE AUX PRESERVATIFS :


Ces dossiers peuvent prendre différentes formes : conseils au consommateur (Union,
Penthouse); histoire illustrée du préservatif; publicités pour des préservatifs de
différentes couleurs ou matières qui renforcent l'érection.

LE THEME DU SIDA APPARAIT SOUS LA "SIGNATURE"


D'UN MESSAGE IMPLICITE OU EXPLICITE SUR LA
PREVENTION.

- Insertion d'une page de publicité d'un organisme de prévention avec un message


métaphorique : (ex. "Aujourd'hui tout le monde dit oui" qui est à la fois un titre de
film porno et un slogan adopté dans une campagne publique de prévention; Hot Vidéo
et Penthouse, cf. infra).
- Insertion d'un Logo : "Pas d'Union sans préservatifs" (dans le magazine Union).

COMMENTAIRES
Il faut souligner que la majorité de ces messages sont des messages écrits. A l'exception
de deux reportages photographiques (dont l'un réalisé à notre demande par Sexy-Mag
cf. infra) on ne trouve pas de représentation visuelle de l'utilisation de préservatifs par
des acteurs.
Il faut cependant noter que la représentation photographique d'actes sexuels
hétérosexuels ne constitue pas la majorité des reportages photographiques. Ceux-ci
sont principalement consacrés à la présentation de modèles féminins (seules ou à
plusieurs) qui utilisent, dans certains cas, des objets de forme pénienne (godemichés).
En outre, de nombreux reportages qui incluent des modèles masculins représentent
des scènes dans lesquelles la pénétration est absente (sado-masochisme "soft",
domination, exhibition, "charme"). La représentation visuelle de l'utilisation de
préservatifs semble donc rencontrer un obstacle dans la presse destinée aux
hétérosexuels masculins. En effet, la représentation visuelle du pénis n'y est pas
centrale contrairement aux films vidéo où "l'éjac" (éjaculation en dehors des organes
génitaux de la partenaire) constitue souvent le "clou du spectacle (Hirt, 1984); la
focalisation est plus centrée sur l'image de la femme que sur celle de l'homme.
La lecture de ces différents magazines a fait apparaître des types de messages très
différents mais qui, en dernière analyse relèvent de deux catégories principales : d'une
40

part l'intégration de l'information scientifique et des conseils de prévention contre le


VIH dans le contexte d'un discours qui affirme les valeurs du plaisir sexuel; d'autre
part, la reformulation des conseils de prévention dans le langage vernaculaire et en
dehors d'un discours de prévention(Patton, 1991) du Porno. Dans le premier cas, il faut
s'interroger sur les significations nouvelles ou sur les conditions d'acceptabilité que les
messages de type technique ou scientifique centrés sur la prévention du VIH revêtent
du fait qu'ils se trouvent placés dans le contexte du Porno. Dans le deuxième cas, c'est
sur les intentions et les possibilités des auteurs du X, à développer un type de
messages dégagé de la prévention du VIH et sur leur acceptabilité dans un contexte
plus large qu'il faut s'interroger.
Il faut cependant noter, en ce qui concerne le préservatif, que la forme principale de
communication retenue consiste en une intégration du thème de la prévention ou de
l'usage du préservatif dans un contexte spécifique. Par contre, nous n'avons observé,
qu'en de rares occasions une reformulation de l'usage du préservatif pour d'autres
raisons que pour des raisons liées au sida (par exemple comme jeu érotique en soi).
L'usage du préservatif est le plus souvent présenté comme une nécessité voire même
une contrainte liée à l'air du temps et à laquelle il faut s'accommoder tant bien que mal
en y trouvant éventuellement quelques bénéfices secondaires.
41

LES ACTEURS DU X ET LA PREVENTION DU SIDA

Dans cette dernière partie nous avons traité le discours des acteurs et des actrices du X
sur le sida la prévention, à partir de deux types de matériel :
- des entretiens publiés dans les magazines;
- des entretiens recueillis auprès des acteurs dans le cadre de notre enquête.

LES INTERVIEWS DES STARS DU X DANS LA PRESSE DE


CHARME

Lors de notre lecture des magazines de charme, les interviews des actrices du X nous
sont apparues comme le point d'articulation entre différents aspects du porno : les
magazines et le cinéma-vidéo. Les actrices parlent beaucoup du milieu de la vidéo X;
elles racontent ce qui s'y passe; elles dévoilent les coulisses de ce type de cinéma. Dans
ce contexte, la réalisation des pratiques sexuelles est abondamment discutée.

Le "genre" de l'interview de la star du X est très répandu dans la presse de charme. Ces
interviews permettent au lecteur d'entrevoir la vie de la star au delà de ce qu'elle
donne à montrer à l'écran, notamment ses sentiments et réflexions par rapport à son
activité, ses ragots sur les uns et les autres, ses projets professionnels et éventuellement
quelques aspects de sa vie privée. Paradoxalement, alors que dans la presse dite
"People", on s'attache surtout à faire état des histoires sentimentales et sexuelles des
"grands de ce monde", les aspects non-sexuels de l'existence de ces actrices sont
souvent mis en avant.
Le thème du sida est désormais souvent abordé d'une façon ou d'une autre dans ces
interviews. Cependant, comme dans toute situation d'interview où l'interviewer "dit
pour faire dire" (Blanchet, 1992), il faut considérer que l'entretien journalistique est très
construit par l'interviewer en ceci qu'il exprime au moins autant la ligne éditoriale d'un
journal que l'opinion de celui qui est interviewé. Ce type d'interview reflète donc au
moins autant les questions que le journaliste se pose que celles que se pose la personne
interviewée. C'est en ce sens que l'on peut dire que ces interviews reflètent les
préoccupations de l'ensemble du milieu.
Nous présentons dans ce chapitre les principaux thèmes qui ont trait au rapport au
risque de ces actrices.

LES ACTRICES DU X ONT CONSCIENCE DU RISQUE


La fréquence d'apparition du thème du sida et des préservatifs dans ces interviews
montre bien que les acteurs du milieu du X sont conscients du risque. La prise de
42

conscience du risque peut même apparaître avec une certaine acuité dramatique et
dévoiler ainsi de la peur:

"Sexy New" :
"Sida : Affolement aux États-Unis. On vient de découvrir qu'une starlette du porno
séropositive avait tourné plusieurs scènes de cul dans le dernier film d'Anthony
Spinelli. Du coup, presque tous les acteurs et actrices du hard du pays veulent
désormais que la capote soit obligatoire sur les tournages." (Sexy Mag, n°33, Juillet
1993, p.29).

"Vidéo " interview de Sylvia Rider :


Penthouse : "Qu'est ce qui vous ennuie dans le milieu du porno ?"
S.R. : "Pas grand chose. Peut-être la drogue qui circule beaucoup dans ce milieu.
J'avoue aussi que je redoute toujours un peu d'attraper une saloperie. Je sais que les
acteurs porno sont des gens exceptionnellement prudents en matière de sida : tout le
monde subit régulièrement des tests, et on sait exactement qui baise avec qui, même
en dehors des tournages. Mais n'empêche, ça fout quand même un peu les jetons."
Penthouse, n°114, Juillet 1994, p.91)

Le risque peut aussi faire l'objet d'un déni de la part de certaines actrices:

"Divan", interview de Zara Whites :


"Penthouse : En cas de besoin, vous préférez le X ou la prostitution ?"
Z.W. : "Le X pour des raisons de sécurité -et de plaisir, à tous les points de vue. La
prostitution est beaucoup trop dangereuse, notamment en ce qui concerne les risques
du sida. Je préfère le X, qui reste un milieu très protégé où tout le monde se connaît."
"Penthouse : Qu'est ce qui vous fait peur ?"
Z.W. : "La maladie, la douleur, le sida."
Penthouse : Le sida a-t-il fait des victimes dans le monde du X ?"
Z.W. : "Je n'en ai jamais entendu parler." (Penthouse, Janvier 1994, n° 108, p.48).

On se trouve donc dans une situation qui semble marquée par une forte ambivalence.
On reconnaît l'existence du risque lié au sida dans le milieu du X; cependant, on
affirme que, les règles de fonctionnement qui organisent les relations entre les
différents partenaires protègent les acteurs du X de ce risque.
Nous avons ainsi pu observer d'une part, un discours sur le préservatif et son
utilisation éventuelle et d'autre part, un discours sur le réaménagement des relations
de partenariat qui existent entre les différents acteurs. C'est à l'intérieur de cette
organisation professionnelle et de ce réseau de partenaires que les stratégies de
protection prennent sens.

LE PRESERVATIF COMME DISCOURS


Certains affirment qu'il "faudrait se protéger":

"Vidéo interview" de Julia Channel qui répond à une question sur les conseils à
donner à une actrice débutante : "Je lui dirais de travailler si possible uniquement avec
préservatif." (Penthouse, Avril 1994, n°111, p.129).

ou que le port du préservatif doit être rendu obligatoire par la loi:

Interview de Béatrice Valle : (actrice X)


43

Penthouse : "Que voudrais-tu révolutionner dans ton job ?"


B.V. "Je voudrais exiger le port du préservatif en Europe comme aux U.S.A."
(Penthouse, Décembre 1993, n° 107, p.102).

et que le milieu du X doit se faire l'avocat du préservatif en contribuant à son


érotisation :

"Les cahiers secrets de Penthouse" interview de Tabatha Cash (ex-actrice X) :


T.C. : "Je fermais les yeux en me disant, tu dois croire aux tests" (...) j'avais risqué ma
vie chaque jour de tournage (...) La dernière année, les tests ne suffisaient plus. C'était
des doublages, des préservatifs (...) je ne prenais plus les risques que j'avais pris
l'année précédente."
Commentaire sur le "clip Soft" avec préservatif. : "Tabatha se fait pédagogue et
militante. Pour le port du préservatif, elle participe à un clip pour prouver que le petit
bout de latex n'est pas un remède à l'amour." (Penthouse, n° 114, Juillet 1994).

L'usage du préservatif apparaît ici beaucoup plus comme un idéal qu'il faudrait
pouvoir atteindre que comme une réalité déjà effective. Tabatha Cash énonce
cependant une nouvelle tendance du X : participer à des campagnes de prévention
contre le sida pour illustrer l'utilisation du préservatif. Le film de prévention "hard"
semble en passe de devenir un "genre" nouveau dans le champ du X la nouvelle forme
des "hygiene pictures". Ainsi le port du préservatif apparaît-il plus comme un
élément de discours que comme une pratique effective. La visibilité du préservatif
semble plus importante que son utilisation.

LES CONDITIONS D'UTILISATION DU PRESERVATIF DANS LE MILIEU DU X


L'usage du préservatif ne fait pas l'unanimité dans le milieu du X. Certains y seraient
réticents. Cet usage ne serait possible que lorsqu'il pourrait être imposé par une star et
il serait difficile pour des acteurs qui n'ont pas encore atteint un statut leur permettant
d'imposer leurs exigences, de le faire admettre :

"Vidéo interview" de Keisha (actrice X) :


En sous-titre gras "Le plus grand changement, c'est que maintenant j'utilise des
préservatifs"
Penthouse: Pour une "ancienne" comme vous, beaucoup de choses ont-elles changé
dans le X depuis que vous avez débuté ?"
K.: Comme d' autres actrices, je me suis mise à exiger des préservatifs, quitte à perdre
des contrats." (Penthouse, Février 1994, n°109, p.99-101 )

"Interview" de Lene Hefner (actrice X) :


"HVS : Quels sont les avantages d'un contrat avec "Vivid" ?
L.H. : "C'est la liberté de pouvoir faire ses propres choix. Par exemple, je ne travaille
qu'avec des préservatifs et avec des partenaires que je choisis." (Vidéo Stars, n°10,
Septembre 1993, p.72).

Chloé des Lysses (actrice X) :


"HVS : Le sida, cela te préoccupe ?
C.D.L. : "Bien sûr, comme tout le monde. Je fais des tests régulièrement et j'en ai
toujours un sur moi. Ce qui est inquiétant c'est qu'on me le demande rarement sur les
tournages. Ça c'est regrettable. Comme je suis nouvelle, je n'ai pas osé mettre le
44

bordel, mais je pense qu'à l'avenir je serai intransigeante sur ce point. Quand on se dit
professionnel, ce genre d'exigence paraît de bon ton." (Vidéo stars, n°10, Septembre
1993, p.88 ).

L'usage de préservatifs témoigne d'un rapport de forces entre les acteurs et la


production. Il semble donc constituer un attribut des acteurs qui "n'acceptent pas
n'importe quoi" de la part des producteurs et qui peuvent imposer certaines conditions
lors des tournages.

LES PROTECTIONS IMAGINAIRES :


Face à la difficulté d'imposer l'utilisation systématique du préservatif pour le tournage
des scènes non-simulées, les acteurs mettent en oeuvre d'autres stratégies que l'on peut
qualifier d'imaginaires (Mendès-Leite, de Busscher,1997) en ceci qu'elles empruntent
certains de leurs éléments aux informations disponibles sur la prévention du VIH, tout
en étant construites et organisées pour aussi remplir d'autres fonctions. Celles-ci sont
multiples : rassurer les acteurs en servant de rationalisation et de justification à
certaines de leurs pratiques qu'ils considèrent eux-mêmes comme à risque; les faire
apparaître comme sensibilisés à un problème important qui est censé les concerner.
En outre, les stratégies de protection - dont les discours sont partie intégrante - sont à
comprendre autant comme des éléments qui participent de la gestion des relations
entre acteurs et de la gestion des carrières de ces derniers que comme une forme de
protection contre la contamination par le VIH.

LES TESTS DE DEPISTAGE:


De nombreux acteurs déclarent avoir recours au test de dépistage. La pratique du test
a plusieurs fonctions :
Tout d'abord, les acteurs réaffirment, à propos de la pratique des tests de dépistage
leur mission "d'exemple" par rapport à la prévention.

Laetitia (réalisatrice X amateur) : "Il faut savoir qu'avant de tourner j'exige que les
amateurs aient leur test HIV. C'est bien souvent grâce à moi qu'ils effectuent cette
démarche pour la première fois. Je me sens très concernée par le problème du sida et
je crois que je dois montrer l'exemple." (Hot-Vidéo, n°45, Juillet-Août 1993, p.72).

Ils reconnaissent eux-mêmes que la pratique exclusive du test n'est pas la forme la plus
efficace de protection contre le virus : ce qui maintient une certaine anxiété chez
certains d'entre eux.
Interview de Beata (actrice X) :
Sexy Mag : Tu fais gaffe au sida ?
B. : "J'en ai très peur et je fais des tests tous les deux mois. Mais il y a toujours un
risque !" (Sexy Mag H.S., N° 4 Juin 1993, p.22 )

Sexy News :
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"Karen Cheryl ne délire pas - Dans un récent magazine (...) elle se fait faire
régulièrement le test du Sida pour, dit-elle, "ne pas contaminer la chaîne". C'est son
pote Hugo qui doit délirer à ces réponses franches !" (Sexy-Mag, n°32, Mai 1993, p.5).

Interview de Pascale, (amatrice X ):


Après le récit de ses pratiques sexuelles (vidéo, échangisme, exhibitionnisme,
sodomie, fist-fucking, gang bang), "J'essaie seulement de prendre des précautions
maximum pour éviter les maladies en demandant des tests de moins de trois mois.
Même si ce n'est pas fiable à 100%, cela sécurise et permet de s'éclater sans peur."
(Sexy Mag, n°33, Juillet 1993, p.49).

"Interview" de Crystal Wilder (actrice X)


"S.M. Quelle est votre position vis à vis du Sida ?
C.W. "Ce serait bien que tout le monde en utilise. Je crois que c'est la responsabilité de
tous les acteurs, de toutes les actrices, et de toutes les personnes qui ont des scènes de
sexe ensemble de se présenter mutuellement les résultats des tests de dépistage du
Sida. Cela me semble indispensable. Seul le gouvernement peut statuer
définitivement sur ce problème. Au début de la polémique sur les préservatifs, j'avais
peur qu'on oblige les acteurs à en porter, ce qui aurait poussé les producteurs à
chercher des prostituées dans la rue pour leur faire tourner des films. Il n'y aurait pas
eu de véritable contrôle. C'est pour cette raison que le test est très important."
S.M. : Le sexe sans capote rapporte ?
C.W. "C'est vrai pour l'instant, ça marche. Mais moi j'exige des acteurs qu'ils me
présentent leur test. C'est la seule façon de rentrer chez soi après une journée de
travail en se sentant responsable. Terry et moi sommes très fermes, nous voulons
connaître les gens avec qui nous travaillons. Je ne peux pas croire que des filles
débarquent sur les plateaux sans savoir à qui elles ont affaire." (Sexy Mag, n°36
Janvier 1994, p.34-35 ).

La présentation du test de dépistage permet finalement de se donner bonne conscience


et de se rassurer par rapport au danger. Elle permet aussi à certaines actrices
d'exprimer des exigences qui sont compatibles avec les règles de fonctionnement
dominantes en leur permettant notamment de tourner des scènes de pénétration sans
préservatifs.

La sélection des partenaires :


La sélection des partenaires apparaît comme le corollaire du recours au test et de
l'évitement de l'usage du préservatif. La connaissance supposée du statut sérologique
des partenaires qu'il apporte aux acteurs justifie les stratégies qui consistent à
n'accepter de tourner qu'avec des partenaires que l'on "connaît" :

"Les cahiers secrets de Penthouse" : la vie amoureuse des acteurs X.


Kasha refuse de tourner avec "un autre partenaire que son fiancé", fidélité, hygiène
"puisque cette politique d'exclusivité la fit surnommer "la star anti-sida"." (Penthouse,
Mai 1994, n° 112)

"Tabatha Cash hardeuse fatale"


"Avant de partir aux USA, la jeune hardeuse a tourné un clip sous la direction de
Pierre Reinhard. Commandité par SOFT, une marque de préservatif, ce clip
encourage le public à se protéger contre le sida. Tabatha a pour mission de montrer
que la capote peut être un objet érotique, elle s'en acquitte avec maestria en l'enfilant
avec la bouche sur le sexe de son partenaire avant de le sucer jusqu'au sang. Le sida,
c'est une obsession de Tabatha : "Avant de tourner, dit-elle, je me mets tellement de
trucs à l'intérieur du vagin qu'il n'y a pratiquement plus de risques. Il n'empêche que
j'exige aussi de voir le certificat de séronégativité de tous mes partenaires et que je
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refuse de tourner avec des amateurs. Un dernier principe auquel elle déroge parfois,
puisqu'on la voit dans "Le Cul qui parle" (...)" (Sexy - Mag, n° 39, Août 1994, , p.53 ).

Ne pas accepter de jouer avec "n'importe qui" ne repose pas uniquement sur le critère
du statut sérologique. La sélection des partenaires professionnels repose aussi sur leur
notoriété dans le milieu. Ne jouer qu'avec des acteurs "connus" signifie surtout, jouer
avec des acteurs célèbres et cotés dans le milieu.

L'abandon des pratiques à risque :


Le changement des pratiques sexuelles et l'abandon des pratiques à risque est une
stratégie adoptée par de nombreuses actrices qui ont le recours de n'accepter de
tourner que dans des films lesbiens ou de développer des thèmes plus "hard" tels que
le sadomasochisme, ou l'insertion de godemichés :

Interview de Janine Lindemulder (actrice X)


"SM : Pour l'instant tu ne tournes qu'avec des femmes. Le contrat que tu viens de
signer avec Vivid Vidéo va-t-il changer les choses ? Est-ce que tu subis des pressions
pour accepter des scènes avec des hommes ?
J.L. : "Je ne sais pas trop quoi te dire sur le fait que je ne tourne pas avec des hommes.
Non vraiment, je ne sais pas... Disons que les gens de Vivid et moi n'avons rien décidé
étant donné que ne n'ai aucune certitude sur ce point précis. Mais il n'y a pas de
pression sur moi. Il n'y en aura jamais ! Je suis très contente du contrat passé avec
Vivid, l'une des seules sociétés qui encourage le port du préservatif dans leurs vidéos.
J'applaudis ce genre d'initiative, c'est merveilleux !" (Sexy-Mag, n° 34, Septembre 1993,
p.46).

"Dossier spécial films lesbiens" " Aux États-Unis, la crainte du sida et autres MST est
telle que beaucoup d'actrices n'acceptent de tourner qu'avec leur compagnon ou dans
des scènes lesbiennes." (Vidéo Stars, n°10, Septembre 1993, p.64).

"Tech-sex", CD-X interactif : John B. Root, le réalisateur interviewé, dit avoir filmé
avec un godemiché attaché à sa ceinture.
"Penthouse : N'as-tu pas regretté de n'avoir tourné qu'avec des godes ?"
J.B.R. : "Si mais avec le sida, je ne voulais pas prendre de risques, cadence des
tournages pour les actrices, non validité des tests en raison de l'incubation de la
maladie, gode préféré au préservatif en raison des risques de non érection des acteurs
qui n'arrivent pas à mettre les capotes ; sida/ mort." (Penthouse, Mai 1994, n° 112,
p.36)

Cette tendance s'inscrit par ailleurs dans l'évolution générale des représentations de
l'activité sexuelle dans la pornographie qui après avoir été longtemps centrées sur le
coït hétérosexuel ont opéré un déplacement vers des pratiques non-génitales telles que
le sadomasochisme ou les différentes "perversions" (Williams, 1989). Le fait que
certaines pratiques considérées comme "très hard" ne soient pas à risque de
contamination permet ainsi à certaines actrices de renforcer leur notoriété de
"hardeuse" tout en prenant moins de risques.

La lecture de ces interviews laisse transparaître une certaine anxiété de la part des
actrices du X. Celles-ci sont partagées entre les nécessités du déroulement de leur
carrière, les exigences du public et la crainte du risque. Cependant, l'analyse des récits
47

concernant les pratiques de prévention, et notamment, la présentation d'un test de


dépistage, la sélection des partenaires et le déplacement vers des pratiques "hard" et à
moindre risque, montre que celles-ci sont filtrées par les habitudes du milieu et les
stratégies de carrière des actrices. Ne pas tourner avec "n'importe qui" est un élément
d'une stratégie de carrière. L'abandon des pratiques à risque - la spécialisation dans
les films lesbiens - se situe aussi dans la même logique : les actrices peuvent ainsi
apparaître comme des "hardeuses" tout en évitant de prendre des risques. Et
l'évolution du marché va aussi dans ce sens.
Globalement, ces entretiens font apparaître que les acteurs sont à la recherche de toute
solution permettant de concilier les impératifs de leur carrière (qui passent en premier)
et la réduction des risques. Tabatha Cash raconte dans différentes interviews "avoir
pris des risques pendant 2 ans "sans y penser" avant de décider d'arrêter de tourner
pour des films "hard". L'usage du préservatif apparaît pour l'instant comme un
obstacle au développement d'une carrière qu'il faut contourner à l'aide de différentes
stratégies. Par contre, parler du sida et se montrer préoccupé par le développement de
l'épidémie ou la prévention ne semble pas contradictoire avec les objectifs
professionnels, bien au contraire.

Les interviews des stars du X nous proposent des types de message bien différenciés
de ceux que l'on trouve dans les autres sections des magazines. En effet, dans ces
autres sections, les conseils sont directement et explicitement destinés au public et on y
trouve une palette de thèmes relativement variée faisant une part importante aux
fantasmes et à l'imaginaire sexuel dans lesquels, le préservatif peut éventuellement
prendre place. Dans les interviews des actrices, le sida est présenté comme un risque
contre lequel il faut se protéger et contre lequel il est difficile de se protéger du fait des
conditions de l'exercice professionnel. L'usage du préservatif présenté, comme
problématique, ne s'y trouve pas érotisé. Il apparaît beaucoup plus comme une
contrainte face à laquelle on cherche à élaborer toutes les stratégies possibles et
imaginables pour y échapper.

L'ENQUETE AUPRES DES ACTEURS DU X 2

Comme nous l'avons déjà indiqué précédemment, notre participation à la réalisation


du magazine "Sexy-Mag" a favorisé quelques contacts avec des acteurs par "boule de

2 L'enquête a Lyon a été réalisée par Christophe Gentaz. Les observations au Salon Erotica
(Mars 1994) ont été réalisées avec la collaboration de Rommel Mendès-Leite et de Neila
Christina Mendès-Lopès. Les entretiens ont fait l'objet d'une première analyse par Keila
Deslandes.
48

neige". Il s'agit là d'une première approche qualitative qui ne porte pas sur un
échantillon représentatif. Nos analyses sont fondées en outre sur des discussions
informelles non enregistrées lors de nos différents contacts. La majorité de ces
entretiens ont eu lieu à Paris. Une partie de l'enquête a été réalisée à Lyon auprès d'une
société de films vidéo-X amateurs (par Christophe Gentaz).
Au total, nous avons recueilli une dizaine d'entretiens individuels auprès d'acteurs,
d'actrices, de producteurs et directeurs de magazine, de producteurs de films vidéo X
et d'un photographe. En outre, les deux débats publics qui ont été organisés avec des
acteurs du X dans le cadre du Salon Érotica (Mars 1994) ont été enregistrés et
retranscrits et utilisés dans notre analyse.

LA CONDUITE DES ENTRETIENS


Nos entretiens ont porté sur un tour d'horizon du champ de la pornographie et de la
sexualité. Nous avions souhaité n'introduire le thème du sida que de manière
marginale de façon à mieux saisir les significations de l'activité sexuelle dans le
contexte de l'activité professionnelle de ces acteurs. L' effet de contexte a bien
fonctionné et les personnes interrogées ont abordé spontanément le thème du sida et
de la prévention et notamment les pratiques sexuelles à l'intérieur du milieu du X
(surtout les comédiens) par rapport à certains aspects de leur vie professionnelle.

HYPOTHESES
Ce mode de conduite des entretiens était fondé sur une hypothèse concernant les
représentations de la sexualité dans le contexte du sida.
Les représentations de la sexualité sont structurées par un clivage qui oppose "bonne"
et "mauvaise" sexualité. Ce clivage de la représentation de la sexualité a des effets sur
la représentation des partenaires qui participent à l'un ou l'autre de ces deux aspects
de l'activité sexuelle. C'est aussi dans ce cadre de signification que les pratiques
éventuelles de prévention peuvent trouver leur place, dans le contexte d'une "bonne"
ou d'une "mauvaise" sexualité. (Giami, 1993, Day, 1990, Gilman, 1985). Il apparaît ainsi
que le recours aux moyens de prévention contre le VIH est loin d'être systématique
pour tout rapport sexuel. Les individus éprouvent la nécessité de se protéger en
fonction de la signification qu'ils donnent à leur activité sexuelle. C'est en fonction de
cette hypothèse qu'il est nécessaire d'étudier les représentations de la sexualité (type
d'activité sexuelle et type de partenaire) et leurs liens avec les représentations du sida.
Enfin, ces représentations de la sexualité sont rendues plus complexes du fait de
l'activité et de la stratégie professionnelle. Au niveau de cette analyse, nous avons
tenté de replacer "l'activité sexuelle professionnelle" dans le cadre de la représentation
globale de la sexualité.
49

1 - DISTINCTION ENTRE PORNOGRAPHIE ET EROTISME


La distinction entre "pornographie" et "érotisme", qui alimente les débats depuis la nuit
des temps, constitue une surface de projection permettant d'identifier ce qui est vécu et
construit par les acteurs comme "bonne" ou "mauvaise" sexualité. Le célèbre
aphorisme de Alain Robbe-Grillet : "la pornographie, c'est l'érotisme des autres"
retrouve toute son actualité dans cette analyse. On retrouve en effet cette distinction
chez les acteurs et les producteurs du Porno. "L'érotisme" renvoie au type d'activité
sexuelle et/ou de performance artistique qui est réalisé par le sujet lui-même et par
ceux qu'il considère comme "siens". Ce sont les "autres" qui font de la "pornographie".
Celle-ci est perçue comme "vulgaire", "laide" et "sale" alors que l'érotisme est perçu
comme "beau" et "artistique" et exprimant "l'amour de la vie". C'est au nom de cet
"amour de la vie et de l'amour" que certains acteurs justifient la nécessité de la
prévention du sida.

"Je fais une distinction entre ce qui est sain et l'amusement, c'est-à-dire que si je
couche avec trois nanas c'est pour l'amusement et pour le côté purement jouissif et il
se peut très bien que je termine la nuit avec uniquement ma partenaire et qu'avec elle
nous fassions l'amour très simplement. De toute manière il y a pas meilleure position
pour moi que celle papa-maman et voilà. " Serge (acteur)

"Parce que c’est vrai qu’on associe le préservatif à la mort, parce qu’on l’a tellement
ignoré qu’on est rendu à une limite où il faut l’associer à ça pour que les gens s’en
servent, que.. J’aime mieux la vie (donc, j’aime pas les préservatifs) bien et dire que oui
après avoir tourné des films pornos, je pourrai mettre au monde des enfants parce que
j’avais pas chopé n’importe quoi. (...) comme on veut le montrer aux adolescents, on
n’associerait plus le préservatif à la mort et on le verrait plus d’une façon qui casse pas
l’érotisme." Maria (actrice)

"Moi j'estime que quelqu'un qui est marié il a pas a utiliser de préservatifs parce que le
mariage c'est pas fait pour vivre à 3 ou vivre à 4... " Roger (producteur)

2 - SELECTION DES PARTENAIRES SEXUELS


Il s'agit de la stratégie de prévention contre le VIH la plus fréquemment mise en
oeuvre dans tous les groupes de la population générale (cf. Spira, Bajos, ACSF, 1993).
Les acteurs du porno construisent une hiérarchisation et une opposition entre
plusieurs types de partenaires. D'une part, on a pu relever l'opposition entre le
partenaire privé et les partenaires professionnels; et dans le cas des films "amateurs", le
partenaire privé peut aussi être le partenaire sur la scène.

" Ce qui est intéressant avec le couple c'est qu'il n'y a pas une peur du
préservatif...donc là nous ça nous rassure parce qu'on se dit bon c'est un couple,
d'abord, à l'image voir si le couple est joli à regarder et surtout nous y a des
sécurités...normalement hein... moi, je suis marié, avec ma femme j'utilise pas le
préservatif hein...pourquoi?...parce que je suis marié, normalement, on doit pas
utiliser le préservatif si on est marié, voilà, c'est pour ça qu'on peut viser le couple
Roger (producteur).

"On voit tout de suite quand c'est un mari, ou du moins quand c'est le partenaire
attitré parce que ce partenaire attitré on le verra sans préservatif... et tout autour on
50

verra du préservatif... alors ce qui est clair c'est que tous les gens qui portent des
préservatifs, c'est qu'ils ne se connaissent pas... la personne qu'on voit sans
préservatif, c'est qu'il est le partenaire intime de la fille, son mari ou son petit copain.
Roger (producteur).

Les films amateurs laissent aux acteurs (comédiens et producteurs) la ressource de


penser que jouer avec son partenaire permet en même temps d'éviter la prise de risque
et l'usage du préservatif.

D'autre part, et c'est l'opposition la plus répandue, les acteurs distinguent les
partenaires professionnels "connus" de ceux qu' ils "ne connaissent pas" et qui ne font
pas partie du réseau des "partenaires habituels".

" Le milieu de la pornographie c'est pas un milieu à risque, les acteurs connaissent
leurs partenaires et ceux qui ne veulent pas de capotes connaissent leurs partenaires.
Roger (producteur)

" Là je connais pas les gens, j'utilise beaucoup de préservatifs, beaucoup de


préservatifs dans ces coins là. (...) je mets toujours des préservatifs, parce que là je
connais pas, j'ai pas demandé là... (...) là je passe des préservatifs, parce que là, j'ai pas
le temps de faire connaissance, je vois la fille, on se touche un peu et puis..." Damien
(acteur)

Enfin, les partenaires qui sont perçus comme des "drogués" ou qui n'ont pas une
apparence "saine" font l'objet d'un certain rejet.

"Quand il y a une fille qui arrive amaigrie, qu’elle est maigre, ils (les acteurs de hard)
refusent de tourner avec une fille qui est maigre." Mireille (actrice)

Ainsi la sélection des partenaires a-t-elle deux effets : d'une part, elle oriente ou non
l'utilisation du préservatif en fonction du statut" qui est attribué au partenaire; d'autre
part, elle peut aussi orienter le refus de jouer avec tel ou telle partenaire qui apparaît
suspect, c'est-à-dire porteur des stigmates stéréotypés attribués aux séropositifs ou aux
sidéens.

3 – "PARTENAIRE SEXUEL" VS "PARTENAIRE PROFESSIONNEL"


Les hommes et les femmes ont exprimé des différences dans leurs conceptions de leurs
partenaires. Pour les femmes, les "partenaires professionnels" ne sont pas toujours
perçus comme des "partenaires sexuels" mais comme des "partenaires de travail" bien
différenciés de leurs partenaires privés.
"Dans ma vie personnelle, j'ai un problème personnel c'est que dès que je fréquente
un homme, je ne fais jamais de comparaison avec un acteur avec qui j'ai travaillé, mais
par contre les hommes se sentent en rivalité avec mon travail. Ils se sentent obligés de,
par exemple j'aime beaucoup la tendresse, j'aime beaucoup les préliminaires sexuels
mais je ne demande pas forcément de pénétration, je pense qu'on peut se caresser et
s'endormir sans se baiser, en parlant vulgairement." Mireille (actrice).
51

Alors que pour les hommes, le fait d'avoir des rapports sexuels avec des actrices du
porno constitue souvent l'une des motivations fortes à s'engager dans cette carrière
professionnelle.

"j'ai été naturellement attiré dans la rue Saint-Denis par ces lieux de débauche et je les
fréquentais assidûment en tant que spectateur. Le désir d'autonomie venant
également, je me suis dit il faudrait peut être que je me mette à bosser. Et en plus j'en
avais marre de voir des gens de l'autre côté de la glace prendre leur pied et se faire du
fric." Serge (acteur).

On peut ainsi noter une forte différence de motivation explicite entre les hommes et les
femmes. Les femmes ont exprimé une motivation qui se situe beaucoup plus souvent
sur le versant de l'exhibitionnisme.
"J'ai fait du top top-less, un jour on m'a proposé cette histoire qui était bien rémunérée
de faire un strip comme ça, mais gentil, de soulever ma jupe, j'ai pas eu l'impression
de faire un strip et puis après je me suis dit bin dans le fond j'ai pas eu peur de
soulever ma jupe devant les gens. Et puis ça m'a excitée quelque part. j'étais
persuadée que j'étais laide et ce métier m'a rassurée et m'a guérie parce que
franchement je me disais ouais j'ai un gros nez, j'ai un gros machin, je me trouvais pas
belle." (...) J'ai eu l'impression qu'il y avait au moins 3 000 personnes qui bandaient
pour moi et moi je suis guérie du coup. J'ai eu l'impression que c'était pas un mec qui
était excité pour moi, que c'était une foule qui était excitée, qui avait envie de moi, et
ça m'a rassurée, donc ce métier m'a énormément rassurée." Mireille (actrice).

4 - UTILISATION DE PRESERVATIFS
Les femmes sont plus nombreuses et plus décidées que les hommes à revendiquer
l'utilisation du préservatif :

"Plus tu vois quelque chose, si tu vois le film pornographique qui est fait et que la fille
elle met le préservatif et que l'homme ne débande pas, comme on dit nous au Canada,
c'est que si son érection continue, c'est que lui est capable à la télé, moi aussi je suis
capable, on répète souvent des positions, on répète des faits et des gestes qui sont faits
dans des films parce qu'on veut les faire dans notre vie privée, c'est souvent comme ça
qu'on apprend. Et après on dit "Oui ça va prendre des années, faut assimiler", faut
savoir que oui faut assimiler, mais la santé, on n'assimile pas notre santé, il faut savoir
la conserver. Et nous, quand on est des actrices et qu'on demande aux gens, {cette
personne-là, elle est pas ... }, si on veut pas tourner avec elle, oui, accepte qu'on veut
pas tourner avec lui, et quand on dit "On veut mettre des préservatifs pour l'anal
parce que... j'ai vu que vous savez très bien que anal, c'est beaucoup plus de risques
d'av... d'être séropositif que les autres.." Maria (actrice)

certaines d'entre elles affirment qu'elles courent beaucoup plus de risques que les
hommes.

Les obstacles à l'utilisation du préservatif sont principalement exprimés par les


hommes :
Certains expriment leurs difficultés, voire même leur impossibilité à les utiliser.
"Dans ma vie privée, je ne... je suis incapable de prendre un préservatif, c’est ma
génération, moi (...) pour moi c’est pas possible dans ma vie privée." Simon
(producteur)
52

Pour certains, ces difficultés seraient d'ordre technique ou esthétique :

" Les préservatifs qu'on trouve sur le marché sont beaucoup trop petits...Ils devraient
en fabriquer des plus gros...ça serait plus facile et plus marrant à enfiler. " Patrick
(photographe)

"J'ai remarqué beaucoup de garçons ne savent pas mettre un préservatif, ils essayent
tous de mettre un préservatif sur un sexe en semi érection et c'est là où ils se cassent
les dents, plus ils veulent mettre le préservatif, moins ils ont d'érection, donc j'ai
remarqué, beaucoup (de garçons) ne savaient pas mettre le préservatif, parce que moi
je pense qu'ils en mettent très peu... parce que là nous c'est flagrant, devant une
caméra, c'est là où on s'aperçoit que les jeunes, ou les moins jeunes, ne savent pas
mettre un préservatif, donc ça prouve que ils l'utilisent très rarement dans leur vie."
Maria (actrice)

"En tant que acteur et actrice on commence à demander le préservatif, mais on


travaille beaucoup moins bien. (...) Avec le préservatif, on est déjà limité, ouais, parce
que ils disent que c’est pas esthétique un préservatif. Alors il faudrait qu’il y ait
quelqu’un qui sorte un préservatif esthétique, alors je sais pas il faudrait trouver le
truc." Mireille (actrice)

Le préservatif aurait, aussi un effet négatif sur l' érection et l'excitation.

"Le simple fait de mettre le préservatif les fait débander, tu vois, donc les mecs ils font
leur scène sans capote, quoi." Serge (acteur).

" Une fois qu’on lui met le préservatif il (l’acteur de hard) débande." Mireille (actrice)

"Le préservatif entraîne un tellement manque de plaisir..." Serge (acteur)

Le préservatif peut aussi contribuer à donner une image négative de celui qui tient à
l'utiliser systématiquement :

"Ils croient que je suis séropositif et que je mets une capote pour pas contaminer les
autres..." Serge (acteur)

Cependant alors que nombreux sont les acteurs à demander l'usage systématique du
préservatif pour la réalisation de scènes impliquant des actes de pénétration, il
semblerait que cette pratique soit peu fréquente. L'utilisation du préservatif apparaît
d'autant plus difficile qu'une forte majorité d'acteurs - hommes et femmes - sont
supposés accepter de travailler sans préservatifs.

Parmi les obstacles à l'utilisation du préservatif, il faut aussi tenir compte de la


dimension commerciale : le préservatif ne serait pas considéré comme érotique par le
public.

"non mais il l'accepte dans un contexte de vidéo amateur, il l'acceptera peut-être pas...
mais vous verrez on en reparlera dans le... ils l'accepteront pas dans les vidéos
professionnels, pour plusieurs raisons, ça c'est clair le préservatif ne passe pas à
l'image." Roger (producteur)
53

" Moi, ça me dérange pas trop... en temps que voyeur, en temps que client potentiel
de la vidéo, je préfère sans préservatif. Avec le préservatif c'est moins naturel, c'est
tout que me gène un petit peu dans le préservatif... l'image du préservatif ne me gène
pas, c'est le préservatif en lui-même, au niveau esthétique, dans la vidéo, je trouve pas
ça très esthétique." William (vendeur en sex-shop-étudiant).

" Y a aucune envie de la part du client de voir de la vidéo avec préservatif." William (
vendeur en sex-shop-étudiant).

Les obstacles à l'utilisation du préservatif sont donc de différentes natures. D'une part,
certains acteurs redoutent l'effet qu'ils peuvent avoir sur leur aptitude à l'érection et
sur le vécu du plaisir. D'autre part, et cela a été surtout exprimé par des producteurs,
la clientèle ne serait pas désireuse de voir des préservatifs pour des raisons
esthétiques. Les femmes expriment beaucoup plus le souci de l'utilisation du
préservatif mais sont parfois inquiètes de la concurrence qui pourrait s'exercer, à leur
détriment du fait de celles qui accepteraient de jouer des scènes "hard" sans
préservatif.

5 - STRATEGIES DE PROTECTION
Les stratégies de protection empruntent le plus souvent, lorsque cela est à la portée de
l'acteur ou de l'actrice, la sélection ou éventuellement le refus de travailler avec un
partenaire "suspect" ou "peu connu".
Dans la majorité des cas, lorsque le préservatif n'est pas utilisé, les acteurs justifient le
non-usage à l'aide de la théorie suivante selon laquelle la pénétration sans éjaculation
à l'intérieur du corps du receveur n'est pas à risque de transmission.

" Vous fonctionnez disons avec comme règle qu’il y ait pas d’éjaculation en vous, à
l’intérieur. (...) dans un film porno on éjacule jamais dans une femme. Il y a jamais
d’éjaculation à l’intérieur et l’avantage de ne travailler qu’avec des professionnels
c’est qu’il y aura jamais d’erreur. Dans les films X on considère qu'à partir du moment
où il y a pas d'éjaculation à l'intérieur du corps, on peut pas attraper le Sida. Alors à
savoir, est-ce que dans le liquide séminal on peut déjà attraper le Sida avant
éjaculation? Alors tout le monde est en train de parler de ça, on en sait rien donc…"
Mireille (actrice)

Cette théorie repose sur une autre théorie sous-jacente selon laquelle les hommes
peuvent transmettre le virus mais ne peuvent le recevoir en ayant une pénétration. En
d'autres termes, les hommes et les femmes pensent que le risque majeur est pour celui
qui est pénétré par l'autre.

- Le recours au test de dépistage.


"Alors nous on demande le test du SIDA à chaque acteur, moi en général les acteurs
demandent un test de moins de six mois, personnellement je ne travaille qu’avec des
gens qui me montrent leur test de un mois au plus tard. Si les gens n’ont pas un test,
un test supérieur à un mois, je ne travaille pas avec eux." Mireille (actrice)
54

Celui-ci a deux fonctions : il procure une réassurance pour celui qui le fait pratiquer
sur lui; il sert de certificat de séronégativité pour les partenaires et les producteurs.
Cependant de nombreux acteurs ne sont pas dupes du caractère illusoire de ce
"certificat". Les acteurs savent bien, par ailleurs, que les tests anonymes peuvent être
utilisés comme certificat par une autre personne que celle sur laquelle il a été
effectivement pratiqué.

"Au niveau des laboratoires, je suis allée faire deux tests du Sida dans deux
laboratoires différents, et dans ces laboratoires on ne m'a pas demandé ma carte
d'identité, on m'a dit "Mademoiselle, votre nom? Est-ce que vous avez une
ordonnance?", j'ai dit non, on m'a dit "bon, on vous fera une feuille, comme ça si vous
voulez vous faire rembourser après". Donc j'ai donné un nom, je suis allée faire ma
prise de sang et je suis revenue chercher mes résultats. On ne m'a jamais demandé ma
carte d'identité. Ce qui fait qu'avec mon résultat et le nom, personnellement donc je
m'appelle Mireille j'aurais pu dire "Bonjour, je vous appelle… je m'appelle Isabelle
Minotaure, n'importe quoi"… Isabelle…c'est les influences grecques, Isabelle
Minotaure, je viens faire un test du Sida, j'aurais eu un test du Sida comme quoi
Isabelle Minotaure était négative. Bon, imaginez qu'il y ait quelqu'un qui dise, moi je
le ferai pas, mais vous savez beaucoup de gens tournent, imaginez qu'une actrice
Isabelle par exemple me dit, cette personne n'existe pas hein, Isabelle Minotaure me
dise "Nadine, j'ai des tournages, il me faut absolument mon test du Sida pour après-
demain sinon ils vont pas m'accepter sur le tournage, tu peux aller te faire piquer
pour moi, s'il te plaît allez tiens, je te file 500 balles, tu te fais piquer, ça te payera ta
demi-journée et tout". Bon, comme il y a des gens qui font du X pour de l'argent,
imaginez que je sois allée me faire piquer en me faisant passer pour elle…

N'importe qui peut se faire passer pour quelqu'un d'autre. Exemple, un couple qui
sait qu'il est condamné, un couple qui sait qu'il a le sida, qu'il est condamné et qui fait
du hard, il se dit "il y a pas de raison, je l'ai chopé forcément du hard, c'est une salope
ou un mec qui a été baisé, pourquoi, bin je vais leur faire payer". Non, mais vous
savez il y a des gens qui raisonnent comme ça, il y a des gens qui ont le sida et qui
veulent pas le transmettre aux autres, il y en a d'autres qui vont dire "forcément, je l'ai
attrapé dans le hard et tout, il y a pas de raison, qu'est-ce qu'on va faire, qu'est-ce
qu'on va devenir, ça fait rien, il faut qu'on gagne du fric, on le dira pas. Et puis de
toute façon on éjacule pas dans eux", avec ce raisonnement. N'importe qui peut aller
se faire piquer pour quelqu'un d'autre." Mireille (actrice).

Les propos tenus sur le dépistage des anticorps lors des entretiens individuels diffèrent
de ceux qui sont tenus lors des interviews publiées dans la presse. L'efficacité
supposée du test comme moyen de protection est beaucoup plus mise en question.

- Abandon de la pénétration et développement du safer sex:

"Peut-être qu'il faut une bonne complicité et par là il faudrait apprendre à mieux faire
l'amour, à avoir plus de temps et à ne pas, je me répète par rapport à la dernière fois,
ne pas voir comme objectif unique le pénétration. Faudrait peut-être entrer dans de
jeux, plus de caresses et peut-être ne pas faire de pénétration, peut-être y a des formes
de masturbation. (...) m'éjacule faciale, en se masturbant l'un sur l'autre..." Simon
(producteur)

On retrouve là l'une des stratégies déjà énoncées dans les interviews publiées dans les
magazines et permettant aux actrices de "faire du hard" non insertif.
55

6 - LES REVENDICATIONS DU MILIEU DU X


De nombreux acteurs et producteurs du X revendiquent de jouer un rôle dans la
prévention du sida, au nom de leur compétence dans le champ de la sexualité et
déplorent le fait qu'ils soient rejetés par les milieux "officiels" et "respectables".

"Euh, en fait, nous on a créé le Club X pas spécialement pour, pour nous mais pour
aussi les gens qui sont atteints du Sida. On a donc téléphoné au Sidaton et on s'est
carrément envoyé fait chier, quoi, on nous a balancé: "De toute façon, vous êtes des
actrices, ça nous intéresse pas; nous, ce qui nous intéresse, c'est les chanteurs, les gens
connus, vous vous êtes rien”. Voilà, c'est tout. Donc vous pouvez pas faire avancer la
recherche ni la prévention puisqu'on vous le refuse.... Non, non. On a proposé de faire
des shows. Actuellement on a fait, on a créé un show qui est basé sur le Sida. On a
proposé, parce que actuellement on va passer au Printemps de Bourges pour ce show,
on a proposé que les fonds reviennent donc au Sidaton, on nous a dit "Non, ça nous
intéresse pas", simplement, voilà...Maria (actrice).
56

CONCLUSIONS

LE PARADOXE DE LA PREVENTION EN MILIEU X

Le film intitulé "Aujourd'hui tout le monde dit oui" de Sandrine Ricaud, qui a fait
l'objet d'une forte promotion dans les magazines de charme et dans les magazines
spécialisés dans la vidéo, illustre parfaitement le paradoxe de la prévention en milieu
X. Le scénario repose sur une mise en scène des stratégies de sélection des partenaires
: les acteurs n'utilisent des préservatifs que lorsqu'ils ont des rapports de pénétration
avec des partenaires qui ne sont pas leur conjoint - à l'écran. Par contre, lors des
rapports de pénétration entre des partenaires qui sont définis comme conjoints - ou
partenaires stables - les préservatifs ne sont pas utilisés. Il s'agit d'une des stratégies de
prévention les plus utilisées dans la population générale - utiliser des préservatifs lors
de relations sexuelles avec des partenaires occasionnels. Le message est donc en
harmonie avec les pratiques du public. En outre, il reprend l'argument d'un message
de prévention de l'AFLS. Ce qui a constitué l'un des arguments promotionnels du film.

Interview de Sandrine Ricaud


"S.M. : Tu as tenu à faire certaines scènes avec préservatifs ?
S.R.: Oui, mais uniquement les scènes de tromperie. Dès qu'Éric Weiss batifole avec
d'autres nanas que sa femme (dans le film !), il a un préservatif. Je fais ça pour
banaliser l'usage des capotes. Quand mes enfants auront 17 ans, je voudrais que ça
devienne un geste automatique pour eux." (Sexy Mag, n°35, Novembre 1993, p.41 ).

Vidéo tournage - L'après Ricaud : "Aujourd'hui tout le monde dit oui", titre d'un film
dont la particularité est que tous les protagonistes disent oui au préservatif.
La réalisatrice : "Les comédiens du X se surveillent et sont très prudent, mais je
voudrais que tous les gens qui voient ce film se rendent compte qu'un préservatif est
un objet à la fois gai et érotique et qu'il peut leur sauver la vie." . (Penthouse,
Novembre 1993, n°106, p.102 ).

Le film du mois : "Oui, car signalons une chose importante et vitale : toutes les filles
du film ont droit à se faire déflorer l'anus par des bites capotées ; une façon simple et
efficace pour banaliser l'usage du préservatif (D'où le titre). En effet lorsqu'ils ne
couchent pas avec leurs partenaires respectifs, les protagonistes se protègent..." (Sexy-
Mag, H.S., n°9, Février 1994, p.63)

Cependant, et c'est là que le bât blesse, les acteurs qui jouent les conjoints ne sont pas
des "partenaires stables" dans "la vie réelle". Dans la mesure où les actes de pénétration
apparaissent comme non-simulés, on peut se poser la question de la prévention parmi
les acteurs du X eux-mêmes. L'argument de ce film repose principalement sur la
visibilité de certaines des scènes de pénétration qui sont filmées à l'aide de préservatifs
et qui sont destinées au public. Comme si, l'utilisation de préservatifs parmi les
acteurs ne se justifiait que par sa fonction externe et sa visibilité : la prévention à
l'égard du public. Comme si, l'utilisation du préservatif ne pouvait qu'être visible par
57

le spectateur dans un film X. Dans cette perspective, le film peut être considéré comme
venant contribuer à la prévention du public. Mais il laisse en suspens la question de la
prévention parmi les acteurs du X.

Le message "Aujourd'hui tout le monde dit oui " aura donc eu un destin original. Conçu
tout d'abord dans le cadre d'une campagne de l'AFLS, à destination du grand public, il
a été repris, dans un deuxième temps, par une réalisatrice du X comme titre d'un film.
Enfin, dans un troisième temps, il a été repris en quatrième de couverture dans
plusieurs magazines (Hot-Vidéo, n°51 Février 1994 et ultérieurement par Penthouse)
accompagné du Logo de l'AFLS. Au bout d'un certain temps, probablement au
moment de la fermeture de l'AFLS, Penthouse a continué à utiliser les messages de
l'AFLS en quatrième de couverture en transformant le logo de l'AFLS en "Penthouse
lutte contre le sida". On a pu donc assister à la migration d'un message a priori destiné
au grand public, mais suffisamment allusif et métaphorique pour pouvoir être repris,
dans le contexte du X, détaché dans un premier temps de son émetteur initial puis
restitué, dans un second temps, à son émetteur initial mais en ayant acquis entre temps
le contenu implicite de titre d'un film X. Enfin, au terme de sa migration, le message a
été réapproprié et repris à son compte par Penthouse.

UN RISQUE PEUT EN CACHER UN AUTRE


Francis Leroi, un réalisateur important du cinéma X semble avoir trouvé la solution
au problème du sida dans ce milieu :

Penthouse : "Etes-vous pour ou contre l'utilisation des préservatifs sur les tournages?"
F. Leroi : " Je suis pour. Dans la vie aussi d'ailleurs. Mais la pornographie touche
essentiellement le domaine de l'imaginaire et le public ne désire pas retrouver dans
les films ce qu'il vit dans la réalité. C'est pourquoi il faut adopter une façon de filmer
qui ne laisse pas deviner son utilisation. Dans "Rêves de cuir II", les comédiens
portaient souvent un condom mais je me suis arrangé pour que cela ne se voit pas."
(Penthouse, Novembre 1994, n°118, p. 73).

Ce réalisateur considère qu'il n'est pas dans la fonction du porno de participer à la


prévention du sida et qu'il importe de préserver l'imaginaire sexuel. Par contre, il
considère comme plus importante la protection des acteurs à l'égard de la
contamination par le virus. Ce faisant, il établit une différence très nette entre les
fictions pornographiques et la réalité des pratiques sexuelles - "protégées" des
comédiens dans ce cas précis. Le sida pourrait ainsi occasionner un retour à la
simulation de certaines pratiques sexuelles à risque et à un travail de montage
cinématographique plus rigoureux permettant de continuer à faire croire au
spectateur, au moment de "l'éjac", que le sexe de l'acteur était bien nu. Un tel choix
revient à redonner crédit à l'idée selon laquelle le porno est bien du registre de
58

l'imaginaire et pas de celui du "réel". Idée sans doute difficile à faire admettre aux
"hardeurs" masculins. En effet, lors d'entretiens privés, certains d'entre eux avouent
craindre que l'usage de préservatifs ne limite l'immédiateté et la vigueur de leurs
érections. Et c'est bien là le plus grand "risque du métier" que court un "hardeur" : être
confronté à son incapacité à se mettre en état d'érection. L'érection et "l'éjac" restent
peut-être les seules choses réelles et non-simulables dans le porno actuel. Les
comédiens masculins considèrent en outre, la réalisation d'actes sexuels dans le cadre
des tournages comme une partie de leur activité sexuelle.

LES CONTRAINTES INDIRECTES DE LA CENSURE


Il faut aussi tenir compte d'un autre risque que courent les publications à caractère
pornographique : la censure et l'interdiction. Le Nouveau Code Pénal et notamment
l'article L. 227-24. ont contraint les magazines distribués en kiosque à paraître à
l'intérieur d'une enveloppe de Cellophane pour éviter d'être accessibles aux mineurs et
tomber sous le coup de la loi. Participer de manière ostentatoire à "la lutte contre le
sida" peut certainement contribuer à donner une légitimité au porno qui rendrait plus
difficiles des interdictions abusives. Ainsi, dans le cas du porno, le sida a peut-être
pour fonction de protéger de risque de la censure.

L'EROTISATION DU PRESERVATIF ?
Nos différentes analyses ont fait apparaître que le préservatif et son utilisation sont
principalement connotés par le contexte du sida et de la prévention contre le risque
d'infection à VIH. Les tentatives d'intégrer le préservatif dans un "jeu érotique" restent
très minoritaires. L'usage du préservatif apparaît majoritairement comme une
contrainte liée au VIH qui conduit certaines actrices à dire préférer refuser de jouer
sans celui-ci et développer des "performances" sexuelles non-insertives après avoir
tenté de "sélectionner" leurs partenaires ou d'exiger la présentation d'un test de
dépistage négatif. On trouve cependant quelques réalisations - principalement
ludiques - qui n'associent pas explicitement l'usage du préservatif et le sida. C'est ce
type de production qu'il conviendra de soutenir.
59

BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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