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INSERM
Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
ÉTUDE EXPLORATOIRE
Alain GIAMI
Hôpital de Bicêtre
82, rue du Général Leclerc
94276 LE KREMLIN-BICETRE Cedex
Tél. : 01.45.21.22.89
Télécopie : 01.45.21.20.75
Adresse électronique : giami@vjf.inserm.fr
Équipe de recherche :
Patrick de Colomby - MSH
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PREAMBULE
Dans le cadre de ces différents contacts, notre travail a suivi l'évolution suivante:
- nous avons repéré les apports à la prévention, le style de communication spécifique,
déjà réalisés par des "magazines de charme", sur leur propre initiative.
- nous avons rencontré des directeurs de magazine et exploré avec eux la possibilité de
susciter et de développer la conception et la diffusion de messages de prévention
contre le VIH, à caractère spécifique.
- nous avons réalisé quelques entretiens avec des acteurs et des modèles du X portant
sur leur expérience du Porno et leur activité professionnelle et sociale dans ce milieu.
L'objectif initial de ces contacts avec les professionnels du X était de bénéficier de leur
expérience pour approfondir notre connaissance de l'imaginaire érotique et pour
concevoir, ultérieurement, de nouveaux messages de prévention à contenu érotique.
Or nous avons pu constater, lors de ces contacts, que d'une part, les pratiques de
protection contre le VIH étaient loin d'être répandues dans le milieu du X, alors même
que les acteurs ont une conscience aiguë du risque et d'autre part, que ce groupe de
professionnels (comédiens, modèles, réalisateurs, producteurs, photographes) est
particulièrement exposé au risque d'infection.
Les propos qui nous ont été rapportés lors de ces contacts nous ont permis de
supposer que les pratiques de protection contre l'infection à VIH n'étaient pas mises en
oeuvre fréquemment. Cette situation pose d'autant plus problème qu'il s'agit d'un
milieu dans lequel la fréquence des activités sexuelles insertives et la circulation des
partenaires sont importantes. Deux critères qui peuvent permettre d'affirmer que ce
groupe est très exposé au risque d'infection.
En outre, ce "milieu" apparaît comme loin d'être cloisonné. On peut supposer des
ramifications avec le milieu des échangistes qui est estimé à 100.000 personnes
(Welzer-Lang, 1994) et qui est fréquenté par une partie des acteurs du Porno; de
nombreux "amateurs", souvent des couples échangistes, font une brève carrière dans le
milieu de la production vidéo X ou de la photo de charme.
Il est donc apparu que si l'on souhaitait collaborer avec ce milieu pour produire des
messages de prévention à destination du public concerné, il était aussi nécessaire et
urgent de renforcer la prise de conscience du risque - déjà importante - parmi les
acteurs et les modèles et leurs entourages directs et indirects, et de comprendre les
4
Ainsi alors que notre projet initial visait à explorer comment le milieu du X pouvait
contribuer efficacement à la prévention du VIH auprès d'un public ciblé, il apparaît, au
terme de ce travail d'exploration, que ce milieu est particulièrement exposé au risque et
qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre des stratégies de réduction du risque efficaces
et compatibles avec les règles, les usages et les représentations des acteurs. Par ailleurs,
on peut aussi supposer que si l'on arrive à développer la prise de conscience du risque
et la mise en oeuvre de pratiques à moindre risque auprès de ce groupe de
professionnels, cette action peut avoir de répercussions auprès des destinataires de
leurs messages.
PROBLEMATIQUE
QUESTIONS DE DEFINITION :
La définition de la pornographie fait l'objet de débats intenses et passionnés. La
définition du terme est relativement fluctuante selon les époques et les cultures.
Comme l'a déjà si bien dit A. Robbe-Grillet : "La pornographie, c'est l'érotisme des
autres". La définition du terme renseigne au moins autant sur l'objet "pornographie"
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que sur ceux qui en énoncent une définition. Tenter une définition ou une histoire de
la pornographie revient, dans certains cas, à faire une histoire de la censure (Stora-
Lamarre, 1990), de la liberté d'expression (Hunt, 1993) de la mafia et de la police
(Faligot, Laufer, 1987) ou des représentations sociales de la sexualité. (Gagnon, Simon,
1973).
Le champ de la pornographie est en outre connoté par une série de termes qui
concourent à sa définition. Certains associent la pornographie à l'obscénité, d'autres la
pornographie à l'érotisme ou à l'art, d'autres encore la pornographie à l'illicite, au
socialement dangereux ou à la pathologie mentale. Enfin, certains considèrent que
l'éducation sexuelle, lorsqu'elle propose des représentations explicites des actes sexuels
et des organes génitaux, constitue une forme de pornographie qui doit être traitée
légalement comme telle.
La majorité des professionnels que nous avons rencontrés et qui oeuvrent dans le
champ de la pornographie licite n'emploient pas le terme de pornographie pour
désigner leur production. Certains l'utilisent pour désigner la production - souvent
similaire à nos yeux - de la concurrence, pour la traiter de "vulgaire" et de "pas
artistique", et pour mieux distinguer leurs propres productions qui ne relèvent pas de
ces critères. Le terme le plus fréquemment employé est celui d'érotisme. Les directeurs
de magazines utilisent l'expression "magazines de charme". Dans le milieu du cinéma
et de la vidéo on utilise souvent l'expression "milieu du X" en référence à la Loi du 31
Octobre 1975 (Millard, 1981) qui a spécifié et stigmatisé ce type de production
cinématographique ou "hard" qui désigne plus particulièrement les représentations
d'actes sexuels non-simulés par opposition au "soft" qui se limite à des actes simulés et
suggérés. Enfin, le découpage entre ce qui est montrable et ce qui ne l'est pas, qui
participe de la définition du porno et qui témoigne du climat social, a beaucoup évolué
au cours des 30 dernières années (Boyer, 1985).
Dans cette situation, nous avons suivi le choix de Robert Stoller en adoptant le terme
de "Porno" : "Porno désigne les produits de l'industrie du "X" : des photos, des films et
des cassettes vidéo d'hommes et de femmes adultes qui réalisent effectivement - et ne
simulent pas - des actes érotiques." 1 (Stoller, 1991). Nous avons traduit le terme
américain de "Porn" par son équivalent - "familier" - consacré par l'usage en français:
"Porno". Cette définition ne comporte pas de jugement de valeur sur la qualité morale
ou esthétique de ces productions, contrairement à la définition du "Petit Robert" :
"Représentation (par écrits, dessins, peintures, photos) de choses obscènes destinées à
être communiquées au public." (1979). La définition de Stoller est certainement
incomplète car elle exclut du champ, la réalisation "d'actes érotiques" avec des enfants,
1 "Porn refers to the products of the X-rated Industry : photographs, movies, and videotapes of
adult men and women performing, not stimulating, erotic acts." (Stoller, 1991).
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Ainsi, l'analyse de la pornographie prend-elle place dans nos travaux sur les
représentations de la sexualité. Nous faisons l'hypothèse que la pornographie constitue
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donner une vision plus précise des caractéristiques des consommateurs de matériels
pornographiques ainsi que de la structure de leurs répertoires de pratiques sexuelles,
de leurs fantasmes et de leurs attitudes par rapport à la sexualité.
Ces analyses sont de toute première importance pour comprendre la contribution
potentielle des messages pornographiques à la communication de la prévention du
VIH. La consommation de matériels pornographiques est-elle une activité sexuelle en
soi et dans ce cas, peu importe la nature et la qualité des messages perçus au regard
des critères du risque, dans la mesure où regarder des images n'est pas une pratique à
risque, au regard du VIH. Par contre si la consommation de matériels
pornographiques est supposée avoir des effets sur l'activité sexuelle partenariale, alors
il faudra se poser la question du type d'effets produits sur les consommateurs.
L'analyse que nous avons réalisée à partir des données de l'ACSF constitue une
première approche de l'influence de la pornographie ou plutôt de la place occupée par
la pornographie dans ces différents répertoires. Elle nous confirme cependant que les
consommateurs de "magazines pornographiques" sont en grande majorité des hommes
et que les hommes de moins de 40 ans y sont légèrement sur représentés.
METHODOLOGIE
QUESTIONS DE DEPART
S'agissant d'une étude exploratoire nous n'avons pas formulé d'hypothèses de
recherche. Nous avons tenté, à l'aide d'une approche plurielle qui a associé différentes
méthodes d'investigation et d'analyse, d'apporter des éléments de réponses aux
questions suivantes :
- Quel est le statut du préservatif dans le système de représentation pornographique de
la sexualité ?
- Est-il possible d'érotiser les messages d'incitation à l'utilisation des préservatifs au
travers des magazines érotiques ?
- Est-il possible d'érotiser le préservatif et son utilisation ?
- Quels sont les obstacles - psychologiques, culturels, politiques, économiques à cette
érotisation ?
- La pornographie peut-elle contribuer - ou non - à l'évolution des pratiques sexuelles
des hétérosexuels vers le "safer sex" ?
AXES DE RECHERCHE
Cette étude s'est déroulée sur deux plans distincts.
Nous avons procédé à une analyse secondaire de la base de données ACSF en utilisant
comme variable indépendante la question concernant la "lecture de journaux
pornographiques". Les résultats de ces analyses sont présentés dans la première partie
du rapport.
L'enquête ACSF (Spira, Bajos, ACSF, 1993), , est à ce jour la base de données la plus
complète qui permet d'analyser en profondeur les pratiques sexuelles, les normes ainsi
que les dispositions psychosociologiques et les représentations concernant la sexualité
des personnes résidant en France. Cette enquête associait un questionnaire sommaire,
adressé à plus de 20.000 personnes, et un questionnaire approfondi, réservé à la
fraction des individus de cet ensemble qui ont déclaré avoir un comportement "à
risque", auxquels était ajouté un groupe témoin afin de rétablir la représentativité de
l'échantillon ainsi obtenu (4820 personnes au total) par rapport à l'ensemble de la
population résidant en France. Les questions portant sur la lecture de journaux
pornographique n'étaient présentes que dans le "questionnaire long".
Partant de ces données nous avons effectué une analyse du groupe que constituent les
lecteurs de journaux pornographiques en cherchant à identifier les caractéristiques
socio-démographiques de ce groupe ainsi que certaines des dimensions plus
spécifiquement sociologiques, psychologiques et sexologiques.
Tableau 1 : Comparaison des structures par âge entre la population des lecteurs de
journaux pornographiques et l'ensemble de la population masculine.
VIE EN COUPLE :
Le fait de "vivre en couple " est faiblement corrélé avec la lecture de journaux
pornographiques (les hommes déclarant vivre en couple représentent 64,2 % des
lecteurs, contre 71,5 % de la population masculine générale, (cf. tableau 2). On peut y
lire un effet d'âge - les lecteurs sont tendantiellement plus jeunes que l'ensemble de la
population et donc plus facilement au sein de ménages d'une personne. Les 18-29 ans
représentent en effet 32 % de l'ensemble des lecteurs de porno et ne sont que 44,3 % à
déclarer vivre en couple, contre 64,1 % de l'ensemble de la population masculine de la
même tranche d'âge.
ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
vivent en couple 64,2 71,5 -7,3
CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES:
Si l'on considère la répartition de la population des lecteurs de revues
pornographiques selon leur C.S.P., nous pouvons constater une forte sous-
représentation des "cadres et professions intermédiaires ", au profit des couches plus
"populaires ", les " employés et ouvriers " qui sont légèrement sur-représentés ainsi que
les étudiants (cf. tableau 3).
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INFLUENCE DE LA RELIGION
Les "sans religion " et ceux qui ne lui accordent "aucune importance " sont sur-
représentés, au détriment de ceux pour qui la religion représente une certaine
importance.
ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
l'attirance sexuelle conduit forcément à faire l'amour 28,7 29,0 -0,3
dans un couple l'amour peut exister sans désir sexuel réciproque 22,5 20,9 1,6
un rapport sexuel est plus satisfaisant quand on s'aime 84,2 74,9 9,3
on peut avoir des rapports sexuels avec quelqu'un sans l'aimer 39,4 29,6 9,8
faire l'amour c'est faire un avec l'autre 63,0 60,4 2,6
il peut y avoir amour sans fidélité 31,6 17,6 14,0
les infidélités passagères renforcent l'amour 19,6 9,7 9,9
la fidélité est essentielle pour le bonheur du couple 62,3 59,8 2,5
dans la société actuelle on provoque trop les désirs sexuels 39,8 39,4 0,5
Notons enfin que si l'homosexualité masculine n'est pas vraiment mieux tolérée par les
lecteurs de revues pornographiques que par l'ensemble de la population masculine
(12,2 % contre 11,7 %) , ce n'est pas le cas de celle des femmes : en effet, si le quart des
lecteurs déclarent la trouver tout-à-fait acceptable , cette opinion ne recueille qu'un peu
plus de 13 % d'opinions favorables pour l'ensemble des hommes.
sans éjaculer alors que cette opinion n'est partagée que par moins de 20 % de
l'ensemble des hommes.
ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
un rapport sexuel sans pénétration peut être frustrant pour un
28,1 29,4 -1,3
homme
un rapport sexuel sans pénétration peut être frustrant pour une
32,9 25,8 7,1
femme
un rapport sexuel sans orgasme peut être frustrant pour un
50,3 44,6 4,7
homme
un rapport sexuel sans orgasme peut être frustrant pour une
56,5 47,0 9,5
femme
un homme peut jouir sans éjaculer
26,5 17,5 9,0
jeu érotique " (+ 12,7 points), et qu'il "permet de faire durer le plaisir " (+ 9,9 points) voire
"de l'augmenter "(+ 2,8 points).
ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
le préservatif, c'est compliqué à utiliser 5,5 8,4 -2,9
le préservatif, ça tue le romantisme 30,2 21,8 8,4
le préservatif, ça crée des doutes sur le partenaire 14,1 19,0 -4,9
le préservatif ça peut couper le désir chez une femme 18,3 13,4 4,9
le préservatif ça peut couper le désir chez un homme 31,5 20,9 10,5
le préservatif , ça empêche de vraiment sentir le corps de
42,5 29,0 13,4
l'autre
3 - ACTIVITE SEXUELLE :
Tableau 7 : Activité sexuelle dans la vie et dans les 12 derniers mois (%)
ensemble de la
déjà fait l'amour dans la vie lecteurs
population masculine
18/25 ans 100.0 92.9
26/39 ans 98.7 99.7
40 ans et plus 100.0 99.3
ensemble 99.6 98.2
18
Tableau 7bis : fait l'amour dans les 12 derniers mois (si oui dans la vie)
MULTIPARTENARIAT :
De même que les lecteurs ont eu plus de rapports sexuels dans le mois précédant
l'enquête que l'ensemble des hommes, ils sont davantage multipartenaires au cours des
douze derniers mois (cf. tab. 9) et, parmi ces derniers, les lecteurs ont en moyenne plus
de partenaires que leurs homologues masculins (cf. tab. 9 bis).
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RECOURS A LA PROSTITUTION :
Quoique minoritaire, le recours à la prostitution semble davantage concerner les
lecteurs que la population générale. Ils sont en effet deux fois plus nombreux à
déclarer avoir fréquenté une prostituée au cours des 5 années précédant l'enquête
(6,6 % contre 3,2 %) et au cours des 12 derniers mois (1,8 % contre 0.9 %).
HOMO ET BISEXUALITE
Alors que les lecteurs ne semblent pas plus tolérants à l'égard de l'homosexualité
masculine que l'ensemble des hommes interrogés, ils sont deux fois plus nombreux
que ces derniers à déclarer avoir été sexuellement attirés par des hommes, et deux fois
plus nombreux également à déclarer avoir connu au moins une expérience
homosexuelle au cours de leur vie (cf. tab. 10 et 11).
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Masturbation
Plus de la moitié de l'échantillon des lecteurs déclare se masturber souvent et considère
cette pratique comme tout-à-fait acceptable . A l'inverse, si 35 % de l'ensemble de
l'échantillon masculin tolère tout à fait cette pratique, 17 % seulement déclare se
masturber souvent (cf. tableau 12).
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ensemble de la
ensemble lecteurs différence
population masculine
se masturber 25 ans et moins 55,4 16,9 38,5
26-39 ans 57,1 16,2 40,9
40 et plus 52,6 10,0 42,6
total 54,8 13,3 41,5
ensemble de la
personnes ayant déjà fait l'amour lecteurs différence
population masculine
être masturbé par sa partenaire 25 ans et moins 34,8 19,4 15,3
26-39 ans 62,3 25,0 37,3
40 et plus 43,4 11,4 32,0
total 48,0 17,2 30,8
masturber sa partenaire 25 ans et moins 57,0 30,7 26,3
26-39 ans 67,4 34,0 33,5
40 et plus 57,0 19,4 37,7
total 60,6 26,1 34,5
fellation 25 ans et moins 40,3 23,4 16,9
26-39 ans 61,3 28,8 32,5
40 et plus 53,9 16,4 37,5
total 53,4 21,6 31,8
la partenaire a avalé le sperme 25 ans et moins 24,6 4,2 20,4
26-39 ans 19,1 6,7 12,4
40 et plus 21,8 4,5 17,3
total 21,5 5,1 16,4
cunnilingus 25 ans et moins 51,3 25,6 25,7
26-39 ans 63,6 35,3 28,3
40 et plus 54,1 22,1 32,0
total 59,7 26,9 32,8
22
Pour toutes ces pratiques, les lecteurs de magazines sont toujours plus nombreux à
déclarer les avoir pratiquées souvent que l'ensemble des hommes.
En ce qui concerne la pénétration anale, les lecteurs de plus de 40 ans sont dix fois plus
nombreux à déclarer l'avoir pratiquée au cours de leur vie.
Ces résultats, sur les pratiques sexuelles réalisées au cours de la vie, sont confirmés par
l'analyse des rapports sexuels les plus récents que l'enquête ACSF demandait de
décrire en détail (cf. tab. 14).
23
ensemble de la
lecteurs différence
population masculine
être masturbé par sa partenaire 25 ans et moins 53,5 38,6 15,0
26-39 ans 51,3 37,5 13,8
40 et plus 60,1 30,0 30,1
total 55,7 34,0 21,7
masturber sa partenaire 25 ans et moins 74,5 58,0 16,6
26-39 ans 76,3 60,9 15,4
40 et plus 67,4 48,0 19,4
total 72,0 54,0 18,0
la partenaire s'est masturbée 25 ans et moins 22,1 12,2 9,9
26-39 ans 31,5 13,6 17,9
40 et plus 26,3 9,0 17,3
total 27,1 11,1 16,0
ego s'est masturbé 25 ans et moins 5,0 5,9 -0,9
26-39 ans 16,2 7,4 8,8
40 et plus 26,8 4,1 22,7
total 18,4 5,5 12,9
fellation 25 ans et moins 38,8 38,6 0,2
26-39 ans 48,0 37,6 10,5
40 et plus 44,6 22,5 22,1
total 44,4 30,3 14,1
cunnilingus 25 ans et moins 50,2 40,7 9,4
26-39 ans 45,0 40,4 4,7
40 et plus 42,1 22,8 19,3
total 44,9 31,7 13,1
pénétration anale 25 ans et moins 7,3 7,2 0,1
26-39 ans 4,1 5,7 -1,6
40 et plus 13,7 3,6 10,1
total 9,1 4,9 4,1
utilisation de préservatifs 25 ans et moins 24,4 22,3 2,1
26-39 ans 11,4 9,0 2,4
40 et plus 9,9 3,9 6,0
total 13,7 8,9 4,8
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Notons enfin que les lecteurs sont nettement moins nombreux à assimiler un rapport
sexuel à la pénétration : près de la moitié d'entre eux ne considèrent en effet pas "qu'un
rapport sexuel ça veut dire qu'il y a une pénétration ", contre 40 % de l'ensemble de la
population masculine. De même si près de 95 % des premiers déclarent aimer faire durer
les préliminaires amoureux, cette proportion n'est que de 87 % en général.
ensemble de la
personnes ayant déjà fait l'amour lecteurs différence
population masculine
fait l'amour a plusieurs 25 ans et moins 1,5 0,3 1,2
26-39 ans 1,1 0,5 0,5
40 et plus 5,2 0,4 4,9
total 3,0 0,4 2,5
échangisme 25 ans et moins 1,6 0,3 1,3
26-39 ans 0,7 0,4 0,4
40 et plus 1,9 0,1 1,8
total 1,4 0,2 1,2
utiliser un objet 25 ans et moins 8,6 1,2 7,4
26-39 ans 9,9 0,9 9,0
40 et plus 4,0 0,4 3,6
total 7,1 0,7 6,3
UTILISATION DE PRESERVATIFS :
Quelque soit la tranche d'âge considérée, plus de 80 % des lecteurs déclarent avoir déjà
utilisé des préservatifs au cours de leur vie sexuelle (alors que cette proportion n'est
que de 69,1 % pour l'ensemble des hommes, et qu'elle décroît régulièrement avec l'âge
chez ces derniers). De même l'utilisation de préservatifs dans les 12 mois précédant
l'enquête reste supérieure chez les lecteurs par rapport à l'ensemble des hommes,
25
même si le recours à ce moyen de protection diminue sensiblement avec l'âge, dans les
deux populations.
4 - FANTASMES ET ORGASMES
LES FANTASMES
Trois séries de questions sur les fantasmes ont été exploitées :
- les fantasmes sur les pratiques sexuelles;
- les personnes qui apparaissent dans ces fantasmes;
- les sentiments concernant les personnes qui apparaissent dans ces fantasmes.
A quasiment toutes ces séries de questions, les lecteurs de magazines pornographiques
ont été plus nombreux à répondre "souvent " que la population masculine prise dans
son ensemble (cf. tab. 16, 17, 18). Une seule exception est à noter : les lecteurs de
journaux pornographiques ont été un peu moins nombreux à déclarer imaginer souvent
, punir ou blesser leur partenaire que l'ensemble de la population masculine. La
différence de 0,8% exprime un écart peu important, mais il est surprenant de constater
qu'il s'agit de la seule question à laquelle les lecteurs ont obtenu un score négatif par
rapport à l'ensemble des hommes. Les lecteurs de magazines pornographiques
n'auraient donc pas plus de fantasmes agressifs que les autres hommes, ils en auraient
peut-être un peu moins. Ce résultat vient remettre en question les hypothèses avancées
par un certain nombre de travaux d'inspiration conservatrice ou féministe qui
établissent une corrélation entre l'utilisation de la pornographie hétérosexuelle et la
violence sexuelle à l'égard des femmes. Par contre, les lecteurs imaginent bien plus
souvent que les autres hommes que les partenaires qui apparaissent dans leurs
fantasmes manifestent une sexualité débordante et qu'il s'agit bien plus souvent de
personnages imaginaires ou de vedettes. Ils expriment aussi bien plus souvent des
fantasmes de domination passive ou de pénétration anale réceptive.
26
ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
regarder les autres faire l'amour 27,5 7,3 20,2
être regardé alors que vous faites l'amour 8,3 2,3 6,0
caresser le sexe du partenaire avec la bouche 44,9 15,2 29,7
un partenaire vous caresse le sexe avec la bouche 61,6 24,1 37,5
un partenaire vous lèche l'anus 10,6 2,7 7,9
pénétration vaginale 79,6 55,0 24,5
vous pénétrez l'anus d'un partenaire 30,4 6,8 23,6
un partenaire pénètre votre anus 3,0 0,8 2,2
vous avez le sentiment de ne faire qu'un avec votre partenaire 38,8 25,1 13,7
vous punissez ou blessez votre partenaire 0,5 1,3 -0,8
vous êtes puni ou blessé par un partenaire 1,9 1,2 0,7
vous avez des rapports sexuels avec un partenaire qui est
2,2 1,8 0,4
attaché
vous avez des rapports sexuels en étant attaché 7,6 0,7 6,8
vous vous trouvez vous même très désirable 15,3 9,5 5,9
vous vous sentez de l'autre sexe 5,3 3,7 1,6
vous faites l'amour avec plusieurs hommes 1,0 0,3 0,6
vous faites l'amour avec plusieurs femmes 29,8 10,4 19,3
ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
quelqu'un d'imaginaire 45,3 35,1 10,2
un(e) ami(e) avec qui vous n'avez jamais fait l'amour 34,4 37,0 -2,6
une ex-relation sexuelle 27,4 25,6 1,8
votre partenaire actuel 22,4 34,5 -12,1
une vedette / quelqu'un de connu 19,0 11,1 7,9
27
ensemble de la
lecteurs différence
population
masculine
personnes amoureuses 44,3 43,4 0,9
personnes tendres 51,0 45,1 5,8
personnes ayant une sexualité débordante 62,5 33,0 29,5
personnes dures et cruelles 4,3 3,5 0,8
personnes indifférentes 10,2 5,9 4,3
ORGASMES
Les lecteurs de journaux pornographiques sont bien plus nombreux à déclarer "arriver
toujours à l'orgasme " (cf. tab. 19), et ce quelle que soit la situation qui leur était
proposée. De plus, les deux tiers d'entre eux affirment atteindre "toujours " l'orgasme
en même temps que leur partenaire, contre la moitié seulement de l'ensemble de la
population masculine.
ensemble de la ensemble de la
lecteurs lecteurs
population masculine population masculine
COMMENTAIRES :
Les lecteurs de magazines pornographiques ont déclaré, dans cette enquête nationale,
une activité sexuelle plus fréquente et plus diversifiée que la moyenne des hommes.
Ils ont déclaré un nombre de partenaires plus élevé et ont exprimé des répertoires de
sentiments à l'égard de ces partenaires, des attitudes plus diversifiées à l'égard de la
sexualité et des fantasmes plus nombreux. Ils ont enfin exprimé, et c'est quasiment la
seule surprise de notre travail, moins de fantasmes agressifs à l'égard de leurs
partenaires que les autres hommes.
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En l'état actuel de notre analyse, il est difficile de voir une corrélation entre la
consommation de journaux pornographiques et les autres aspects de l'activité sexuelle
de ces hommes. Il sera nécessaire d'explorer plus en détail les différences entre le
sous-groupe des consommateurs de magazines âgés de 26 à 39 ans qui n'ont pas eu de
rapports sexuels au cours des 12 derniers mois et qui tranche avec le reste du groupe
des consommateurs qui a eu une fréquence plus élevée de rapports sexuels et un
nombre plus élevé de partenaires que le reste de la population masculine. Cette
analyse pourra aider à comprendre les différentes fonctions que peut remplir l'usage
de la pornographie : substitut ou complément à l'activité sexuelle partenariale.
LE DEROULEMENT DE LA RECHERCHE-ACTION
Par ailleurs, la publication de ce dossier n'a pas exclu la présence de textes et de photos
mettant en scène des actes de pénétration sans préservatif. Il faut donc tenir compte de
la diversité des messages qui peuvent avoir un contenu contradictoire. On assiste ainsi
à une construction qui associe des éléments du discours hygiéniste de la prévention
(éléments d'information surtout) et du discours érotique. La stratégie adoptée par le
magazine lors de la réalisation de ce numéro a visé d'une part, à donner une
information précise sur le sida et la prévention du VIH (un spécialiste avait été
consulté), d'autre part, à tenter de faire apparaître les bénéfices érotiques engendrés
par la situation nouvelle sur deux aspects : utilisation du préservatif et développement
de pratiques sexuelles qui trouvent ainsi une légitimité du fait de l'absence de risque
d'infection. Nous avions cependant critiqué le style des photos publiées dans ce
numéro qui renvoyaient beaucoup à une esthétique de l'éducation sexuelle qu'à
l'esthétique habituelle des photos publiées dans le magazine.
Suite à la parution de ce numéro, nous avons pris contact avec Annabel Faust
rédacteur en chef du magazine et principal auteur du dossier.
30
Nos discussions ont abouti à l'élaboration d'un projet de numéro du magazine centré
sur la prévention du sida. Ce projet a été soumis à l'AFLS qui en a accepté le principe
et qui l'a financé.
Le projet financé a abouti à la conception d'un numéro de Sexy-Mag qui parut en
Décembre 1993 et comprenant (cf. annexe 2):
* Un document photographique montrant explicitement un homme et une femme
dans un contexte érotique avec des gros plans sur le pénis revêtu d'un préservatif.
* Un préservatif offert par une pin-up et encarté dans le magazine.
* Un questionnaire destiné aux lecteurs sur les pratiques sexuelles et l'usage de
préservatifs.
* Une interview du chanteur français Pierre Vassiliu sur le sida.
Notre idée commune était de produire des documents d'allure non-scientifique et non-
hygiéniste contenant des messages indirects de prévention. En outre concernant le
sujet photo, nous souhaitions que les photos publiés soient porteuses de la même
esthétique que les autres photos publiées dans ce magazine (et dans l'ensemble de la
presse de charme). Il est important de noter que cette expérience est restée quasiment
unique. Aucun autre magazine, à l'exception de "Union" qui avait publié un sujet
photo mettant en scène l'usage de préservatifs, dans le numéro 60 de Septembre 1993,
et dont nous n'avons eu connaissance qu'après-coup, n'a publié de photos mettant en
scène des préservatifs lors d'une relation sexuelle.
Dans le cas des directeurs de magazine et de quelques comédiens, ces entretiens ont
été suivis de propositions d'actions spécifiques de leur part.
Les deux comédiens qui ont assuré la réalisation du sujet photographique publié dans
Sexy-Mag de Mars 1993 nous ont sollicité, par la suite, pour les aider à monter des
spectacles de boite de nuit lors desquels ils ont distribué des préservatifs au public
présent; pour élaborer un scénario de film X intégrant des messages préventifs.
Lors de notre rencontre avec le directeur du magazine "Penthouse" celui-ci nous a
demandé des suggestions originales. Quelques mois plus tard, le magazine publiait en
quatrième de couverture l'un des slogans de l'AFLS accompagné de la signature de cet
organisme. Plus tard, lorsque l'AFLS a fermé ses portes, le magazine a continué à
publier les mêmes slogans en signant : "Penthouse lutte contre le sida". Par la suite, les
4° de couverture occupées par un message de prévention contre le VIH se sont
développées dans plusieurs magazines.
Après une interview avec un photographe, nous avons été contacté par les
organisateurs du Salon Érotica (Printemps 94) qui souhaitaient réaliser une action de
prévention sur leur salon en proposant que l'AFLS occupe un stand. La participation
de l'AFLS n'a pas été possible dans le cadre de ce salon. Par contre nous avons proposé
aux organisateurs d'organiser un débat public avec des acteurs et des producteurs de X
sur le thème du sida. Deux débats publics autour du thème "sida et érotisme" ont
finalement eu lieu. Ils ont permis de mettre en évidence certaines des contradictions
internes au milieu du X - notamment entre les hommes et les femmes et entre les
producteurs et les acteurs à propos de la prévention et notamment de l'usage de
préservatifs parmi les acteurs. Ces débats ont fait l'objet de comptes-rendus dans
plusieurs magazines (cf. annexe 3).
L'opération fut répétée au cours du Salon Érotica suivant qui se tint à l'Automne 94.
Les acteurs et producteurs n'ont pas accepté de venir discuter de ce problème sur la
scène à l'exception du directeur d'un magazine de petites annonces échangistes qui
avait déjà participé aux premiers débats. Cette absence de participation des acteurs et
producteurs présents est en partie, le reflet du climat tendu qui a régné sur ce salon
entre certains exposants mécontents des conditions d'achat des emplacements
d'exposition et les organisateurs. Par ailleurs, lors d'une conversation privée avec l'un
de ces exposants, directeur de production (magazines et cassettes) qui avait pourtant
participé au premier débat en disant publiquement sa difficulté personnelle à utiliser
des préservatifs, celui nous dit sous l'empire de la colère qu'il "en avait marre du sida,
que les gens venaient au salon pour se distraire et qu'on leur enfonçait une aiguille
dans le crâne en leur parlant de ça".
Le déroulement de ce débat à deux voix a pris finalement une tournure différente. J'ai
été considéré comme le représentant de la connaissance scientifique du sida, l'expert en
32
prévention et le représentant des pouvoirs publics. De ce fait, j'ai été pris à partie pour
assumer la "démission" des pouvoirs publics pas présents sur le Salon. En tant,
qu'expert", j'ai eu à répondre aux questions sur les modes de contamination du virus et
sur les données de la prévalence de l'infection en France et dans le monde.
Le déroulement de ces débats illustre les contradictions et les rivalités à l'intérieur du
milieu de la pornographie et la complexité, et la diversité des motivations à l'oeuvre
par rapport à la prévention du sida.
Les actrices connues revendiquent le droit à se protéger du VIH, pour préserver leur
santé et leur fertilité. Quelques rares acteurs et actrices investissent dans la prévention
dans le cadre de leur stratégie de carrière. Les producteurs se montrent soucieux des
attentes du public et se montrent réticents à mettre en scène des préservatifs dans le
cadre de leurs productions courantes.
Toutes ces éléments rendent difficile la production de messages spécifiques. Une partie
de ces acteurs envisage de se faire les relais de messages élaborés par d'autres en
reprenant les messages classiques de la prévention. Une faible partie peut envisager
de produire des messages érotiques qui contiennent - de manière indirecte - des
messages de prévention. Cette situation montre bien combien l'usage de préservatifs,
en particulier, n'est pas encore entré dans l'imaginaire érotique de la population. La
mise en scène de pratiques sexuelles non-insertives est déjà monnaie courante dans la
pornographie et tend par ailleurs à se développer.
Nous développerons ce point plus loin lors de l'analyse des interviews des acteurs.
Il est bien évidemment difficile de considérer qu'il existe une relation de cause à effet
entre nos contacts, visant principalement à recueillir une information et les actions
développées ultérieurement par ces acteurs, avec ou sans notre participation au
demeurant très limitée. Cependant, notre expérience de la recherche clinique en
psychologie, auprès d'autres milieux, nous a appris que le "simple" recueil
d'informations, à l'aide d'entretiens semi-directifs, pouvait produire des effets auprès
des sujets rencontrés : effets psychologiques de l'ordre de l'élucidation ; effets concrets
de changements sur les pratiques ou les organisations collectives (Giami, 1984, 1986a,
1986b, 1989).
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte des effets d'incitation et d'imitation qui ont pu se
développer en dehors de nos interventions. D'autres magazines, dont nous n'avions
pas rencontré les rédacteurs en chef, ont développé, pour leur part, des actions de
communication spécifiques. Nos interventions semblent être arrivées, à point nommé,
dans le Zeitgeist, à un moment où le milieu de la pornographie était peut-être "mûr"
pour aborder explicitement le thème du sida et peut-être avec d'autres objectifs que la
prévention du sida.
33
Il faut, en effet, tenir compte d'un élément de la situation sociale et politique qui peut
avoir joué un rôle. La mise en application du Nouveau Code Pénal le 1° Avril 1994 et
notamment de l'article L. 227-24 a obligé les "magazines de charme" à paraître en
kiosque sous une fine couverture de plastique pour éviter qu'ils "soient perçus par des
mineurs". Certains magazines, ont utilisé cette contrainte pour exprimer le fait qu'ils
"sortaient couverts" et ont consacré leur 4° de couverture à des messages de
prévention. Cette évolution est cependant à mettre en relation avec la mise en
application du Nouveau Code Pénal. En effet, selon l'un des directeurs de magazine
que nous avons rencontré, il nous a été rapporté que les annonceurs ne souhaitaient
plus acheter les 4° de couverture en raison du risque encouru. Par ailleurs, cette
situation nous a aidé à formuler l'hypothèse selon laquelle la contribution à la
prévention dans le milieu du Porno présentait un intérêt, pour ce milieu, dans la
mesure où elle fait l'objet d'une grande visibilité.
Dans un tel contexte, on peut supposer que les directeurs de ces magazines ont cherché
une légitimité sociale en intégrant la prévention du VIH dans leurs publications. On
avait effectivement assisté à un précédent lors de la tentative d'interdiction de "Gai
Pied Hebdo" par le Ministre de l'Intérieur de la "première cohabitation". Ce projet
avait suscité une levée de boucliers dans la mesure où ce magazine était considéré, à
raison, comme l'un des principaux vecteurs de la prévention en milieu homosexuel.
Ce n'est donc pas avec des bons sentiments - uniquement - que l'on fait de la
prévention du VIH. Cette situation renvoie à nos interrogations éthiques du début.
Peut-on, au nom de la prévention du VIH, soutenir des activités considérées comme à
la limite de la légalité, ce qui implique nécessairement de prendre clairement parti
dans le débat sur les valeurs morales. Il s'agit aussi d'une question politique dans
laquelle la morale n'a pas grand-chose à voir.
34
Nous avons réalisé une analyse de contenu qualitative de l'apparition des thèmes du
sida et du préservatif dans les principaux magazines érotiques français mensuels,
distribués en kiosque : Hot Vidéo, Penthouse, Sexy-Mag, Union, Vidéo-Exclusive ainsi
que d'autres magazines à publication irrégulière : Paris-Las Vegas, Défi, etc... Cette
analyse couvre la période de Décembre 1993 à Juillet 1994.
Cette analyse exploratoire avait pour objectif de faire apparaître d'une part,
l'importance attribuée au thème du sida et d'autre part, l'identification de quelques
modalités de communication spécifiques aux magazines de charme concernant le sida.
En outre nous souhaitions repérer les modes de communication utilisés pour tenter
"d'érotiser le préservatif". Nous devons préciser qu'il s'agit principalement des
stratégies élaborées par les rédacteurs de ces magazines eux-mêmes à l'exclusion de
toute intervention d'acteurs de santé publique.
Nous avons regroupé les modalités de cette forme de communication spécifique
autour des cinq thèmes principaux suivants.
Il s'agit là d'un mode de communication mixte qui associe des informations de type
scientifique ou technique et des documents spécifiques au magazine que l'on retrouve
dans d'autres publications. Ce type de messages peut apparaître sous les formes
suivantes :
Editorial :
"Avec la fellation le risque est faible, mais il existe", (signé Dr. Isabelle de Vincenzi,
Centre Européen pour la Surveillance Epidémiologique du Sida). Informations
épidémiologiques sur ce mode de transmission ; infos sur virus et salive, lésions
buccales, groupes à risque (toxicomanes, transfusés), difficulté de tirer des
conclusions à partir des rares cas répertoriés. La fellation "présente moins de risques
que des rapports anaux protégés " (Union, n° 68, Mai 1994) .
CONSEILS SEXOLOGIQUES :
A l'occasion de conseils de type sexologique (concernant les pratiques sexuelles
notamment), on aborde la question de la prévention (utilisation de préservatifs ou
safer sex). C'est aussi l'occasion de rappeler qu'il existe d'autres MST.
Dossier "L'initiation anale" (entre p.50-51) : conseil sur "cinq conditions à remplir pour
éviter le fiasco" (sensibiliser l'anus, érection, lubrifier, préservatif, position) (Union , n°
64, Janvier 1994 ).
Rubrique "Sexologie" : Dr. Zwang à propos de "la toute première fois", (p.64) : "Faut-il
se protéger, même pour un premier rapport ?", information des jeunes sur les MST
(chlamydiae), "Le préservatif est donc très utile, même s'il faut reconnaître, que tout à
l'anxiété d'un premier rapport, sa pose n'est pas un acte contribuant à la détente. (...) le
fait que les préservatifs soient pré-lubrifiés est un gros avantage lors d'un premier
rapport (...)." (Union, n° 67, Avril 1994).
Rubrique "Conseils" :
Réponse à une femme qui n'aime pas avaler le sperme de son mari : "l'autre solution
est de recouvrir son pénis d'un préservatif (...) Arriver au cours de la fellation, à
enfiler avec discrétion un préservatif . C'est un jeu très érotique." (Union, n° 69, Juin
1994).
La fellation n'est pas sans risque de contamination par les MST (gonocoques,
chlamydiae), le risque de contamination par le sida est faible (il existe surtout lorsqu'il
y a des petites lésions dans la bouche). "Mais même au risque de heurter les puristes,
et en sachant très bien tout ce cela contient de "désérotisant", je conseillerais volontiers
l'utilisation du préservatif. A madame d'apprendre à le mettre du bout des lèvres..." ;
"Pipe de A à Z - P-Préservatifs : bien sûr ça n'a pas la même saveur. Mais relisez SEXY
- MAG numéro 31 (mars 93) pour trouver la recette du capotin. Ou l'art de mettre un
préservatif en pipant. (...) V-Virus : Attention, le sperme peut véhiculer des particules
bactériennes, voire virales. Et bien sûr, si Madame a quelques blessures, même légères
(gingivite ou petites lésions) dans la bouche, une éjaculation peut entraîner la
contamination. En cas de doute tant pis pour la totale !" (Sexy Mag, n°34, Septembre
1993).
"Union" qui est le plus lié aux milieux sexologiques (plusieurs médecins sexologues
publient dans ce magazine) est le magazine qui intègre le plus le sida dans la
sexologie.
Nous avons intégré dans cette catégorie les énoncés qui reprennent certains aspects de
l'information scientifique. A ce titre, les magazines peuvent donc apparaître comme
des relais de ce type d'information.
"La sexualité made in sida" : texte signé Ron Davis, illustration : 4 photos de grande
taille d'une jeune fille asiatique en bas et bottes de cuir à talons hauts, sexe et fesses en
gros plan, sur décor de mobilier S.M. (croix en bois, fauteuil de cuir clouté avec
anneaux). Les paragraphes sont séparés par des coeurs. Sous titre : ""Sun-My Song",
"La Thaï" vit aujourd'hui à Amsterdam depuis quatre ans. Elle vous parle de son
problème, qui peut aussi être le vôtre !!!", le sida, "fléau que l'on ne peut passer sous
silence", "ravages" ; médias et mise en accusation des homosexuels et toxicomanes,
tout le monde est concerné, la recherche, maladie "atroce", "souffrance", "mort".
"Positiver" par la prévention, les conseils ; "personne n'est à l'abri" ; préservatif
"preuve d'amour" ; "Vos jeux pourront être ce qu'il étaient jadis" ; "pas encore assez, ni
assez vite, la peur de contracter le sida à modifié les comportements sexuels des gens"
; "une mauvaise habitude à changer obligatoirement" ; "Mieux même, avant que les
décideurs ne se magnent (si peu), des films X montraient en gros plans des pénis
munis de préservatifs pour relations démontrent à part refouler les malades atteints
du virus". (Paris- Las Vegas, n° 51 , non daté).
RUBRIQUE "SOCIETE":
"France - Le fond, la forme et les risques ?" : (pp.108-110), dossier sur la promulgation
du nouveau code pénal (violence et pornographie), mentionne l'inquiétude des
associations contre le sida face à une loi qui pourrait empêcher toute campagne de
prévention expliquant la manière d'utiliser un préservatif. (Hot - Vidéo, n° 54, Mai
1994).
"Vidéo sélection" :
- (p.112) : "Tequila Beach", "La crainte du sida s'estompant quelque peu, les acteurs
porno n'hésitent pas à jouir dans la bouche de leurs collègues féminines et pratiquent
la sodomie la plupart du temps sans capuchon."
La critique d'un film X prend appui sur les nouveaux usages sexuels qui ne sont pas
montrés dans le film dont il est question. Le safer-sex devient ici une norme à l'aune de
laquelle on évalue les pratiques sexuelles montrées dans un film.
Ce mode de communication vise à affirmer les avantages secondaires de l'épidémie de
sida notamment sur le développement de pratiques sexuelles plus "raffinées".
TEXTES EROTIQUES :
Il s'agit principalement de témoignages vécus, ou récits de fantasmes avec utilisation
de préservatifs au moment voulu "dans le feu de l'action". Dans ce mode de
communication l'utilisation du préservatif est intégrée à un scénario sexuel sans
38
Rubrique "Vécu. Jeux de club" échangiste (p.38-42) , "Il introduit sa queue dans le
préservatif, elle résiste. Lorsqu'il fait à haute voix allusion à l'humour nécessaire pour
traiter avec ces matières modernes, le gros gland accepte de gagner l'habitacle (...)".
(Union).
"Échangisme" : Récit d'une sortie dans un pub échangiste (p.22) propos grivois (tenus
par un homme et une femme) "On l'aura compris, au Pub, on ne met pas de gants -
bien qu'on mette tout de même des capotes" ; (p.23) : "Je sens que l'on encapuchonne
mon sexe d'une pellicule destinée à contrecarrer l'oeuvre divine de procréation."
(Sexy-Mag, n°3, H.S., Mai 1993).
En avion, une hôtesse de l'air fait des avances à un homme : "Prestement, elle baissa
mon pantalon, s'accroupit malgré l'exiguïté de l'endroit et me coula une capote sur le
noeud si vite que je m'en rendis à peine compte. Elle m'engloutit alors avidement
dans sa bouche, m'aspira très fort à tel point que j'éjaculais au bout de quelques
secondes." (Sexy Mag, n°34, Septembre 1993).
Rubrique "Vécu" (p.27) : Une femme dans une cabine d'essayage avec un vendeur aux
marché aux puces (essai d'un body en résille). "J'implore : "Prends-moi, prends-moi...
là tout de suite". Il ne se fait pas prier, et m'exhibe fébrilement un dard de belle taille
qu'il enrobe de latex. Je m'empale dessus (...)." (Sexy Mag, H.S. n°7, 3° trimestre 1993).
Rubrique "Vécu", (p.37) : Fin de soirée, deux amis jouent au poker avec une jeune fille.
Elle propose l'enjeu, le gagnant "aurait le côté pile (préliminaires et libre accès au
vagin) , celui qui perdrait se contenterait d'une pénétration anale, sans plus." "C'est
elle qui, une fois de plus, prit l'initiative, releva Bruno, lui tendit un préservatif et se
mit bien en position, cuisses relevées, (...) Enduisant mes doigts de salive, je lubrifiai
son anus puis enfilais à mon tour un préservatif avant de diriger mon gland vers son
trou élastique." (Sexy Mag, n°38, Juin 1994).
Dossier "L'été sera chaud" : "Tous les "trucs" pour prolonger l'érection", "Entre les
anneaux et les préservatifs, les baiseurs d'élite vont devoir se trimballer avec un
attaché-baise !" (Sexy Mag , Août 1994) .
"20% des anglais reprochent au préservatif d'être trop petit" : enquête auprès de 300
personnes par un médecin anglais, préservatif selon les normes anglaises trop étroit.
(Vidéo-Exclusive, n°2, Mars 1994 ).
"Dilatée et sodomisée chez le gynéco", "Un bon point également pour l'usage
systématique et néanmoins excitant de préservatifs durant l'amour." (Penthouse,
Novembre 1993, n°106, p.116).
39
A propos du film "La ravageuse" de Richard Mailer : "Il prend April en levrette contre
une table basse, la sodomise, puis jette nonchalamment sa capote trempée sur le dos
de la belle." (Sexy Mag, n°34, Septembre 1993).
COMMENTAIRES
Il faut souligner que la majorité de ces messages sont des messages écrits. A l'exception
de deux reportages photographiques (dont l'un réalisé à notre demande par Sexy-Mag
cf. infra) on ne trouve pas de représentation visuelle de l'utilisation de préservatifs par
des acteurs.
Il faut cependant noter que la représentation photographique d'actes sexuels
hétérosexuels ne constitue pas la majorité des reportages photographiques. Ceux-ci
sont principalement consacrés à la présentation de modèles féminins (seules ou à
plusieurs) qui utilisent, dans certains cas, des objets de forme pénienne (godemichés).
En outre, de nombreux reportages qui incluent des modèles masculins représentent
des scènes dans lesquelles la pénétration est absente (sado-masochisme "soft",
domination, exhibition, "charme"). La représentation visuelle de l'utilisation de
préservatifs semble donc rencontrer un obstacle dans la presse destinée aux
hétérosexuels masculins. En effet, la représentation visuelle du pénis n'y est pas
centrale contrairement aux films vidéo où "l'éjac" (éjaculation en dehors des organes
génitaux de la partenaire) constitue souvent le "clou du spectacle (Hirt, 1984); la
focalisation est plus centrée sur l'image de la femme que sur celle de l'homme.
La lecture de ces différents magazines a fait apparaître des types de messages très
différents mais qui, en dernière analyse relèvent de deux catégories principales : d'une
40
Dans cette dernière partie nous avons traité le discours des acteurs et des actrices du X
sur le sida la prévention, à partir de deux types de matériel :
- des entretiens publiés dans les magazines;
- des entretiens recueillis auprès des acteurs dans le cadre de notre enquête.
Lors de notre lecture des magazines de charme, les interviews des actrices du X nous
sont apparues comme le point d'articulation entre différents aspects du porno : les
magazines et le cinéma-vidéo. Les actrices parlent beaucoup du milieu de la vidéo X;
elles racontent ce qui s'y passe; elles dévoilent les coulisses de ce type de cinéma. Dans
ce contexte, la réalisation des pratiques sexuelles est abondamment discutée.
Le "genre" de l'interview de la star du X est très répandu dans la presse de charme. Ces
interviews permettent au lecteur d'entrevoir la vie de la star au delà de ce qu'elle
donne à montrer à l'écran, notamment ses sentiments et réflexions par rapport à son
activité, ses ragots sur les uns et les autres, ses projets professionnels et éventuellement
quelques aspects de sa vie privée. Paradoxalement, alors que dans la presse dite
"People", on s'attache surtout à faire état des histoires sentimentales et sexuelles des
"grands de ce monde", les aspects non-sexuels de l'existence de ces actrices sont
souvent mis en avant.
Le thème du sida est désormais souvent abordé d'une façon ou d'une autre dans ces
interviews. Cependant, comme dans toute situation d'interview où l'interviewer "dit
pour faire dire" (Blanchet, 1992), il faut considérer que l'entretien journalistique est très
construit par l'interviewer en ceci qu'il exprime au moins autant la ligne éditoriale d'un
journal que l'opinion de celui qui est interviewé. Ce type d'interview reflète donc au
moins autant les questions que le journaliste se pose que celles que se pose la personne
interviewée. C'est en ce sens que l'on peut dire que ces interviews reflètent les
préoccupations de l'ensemble du milieu.
Nous présentons dans ce chapitre les principaux thèmes qui ont trait au rapport au
risque de ces actrices.
conscience du risque peut même apparaître avec une certaine acuité dramatique et
dévoiler ainsi de la peur:
"Sexy New" :
"Sida : Affolement aux États-Unis. On vient de découvrir qu'une starlette du porno
séropositive avait tourné plusieurs scènes de cul dans le dernier film d'Anthony
Spinelli. Du coup, presque tous les acteurs et actrices du hard du pays veulent
désormais que la capote soit obligatoire sur les tournages." (Sexy Mag, n°33, Juillet
1993, p.29).
Le risque peut aussi faire l'objet d'un déni de la part de certaines actrices:
On se trouve donc dans une situation qui semble marquée par une forte ambivalence.
On reconnaît l'existence du risque lié au sida dans le milieu du X; cependant, on
affirme que, les règles de fonctionnement qui organisent les relations entre les
différents partenaires protègent les acteurs du X de ce risque.
Nous avons ainsi pu observer d'une part, un discours sur le préservatif et son
utilisation éventuelle et d'autre part, un discours sur le réaménagement des relations
de partenariat qui existent entre les différents acteurs. C'est à l'intérieur de cette
organisation professionnelle et de ce réseau de partenaires que les stratégies de
protection prennent sens.
"Vidéo interview" de Julia Channel qui répond à une question sur les conseils à
donner à une actrice débutante : "Je lui dirais de travailler si possible uniquement avec
préservatif." (Penthouse, Avril 1994, n°111, p.129).
L'usage du préservatif apparaît ici beaucoup plus comme un idéal qu'il faudrait
pouvoir atteindre que comme une réalité déjà effective. Tabatha Cash énonce
cependant une nouvelle tendance du X : participer à des campagnes de prévention
contre le sida pour illustrer l'utilisation du préservatif. Le film de prévention "hard"
semble en passe de devenir un "genre" nouveau dans le champ du X la nouvelle forme
des "hygiene pictures". Ainsi le port du préservatif apparaît-il plus comme un
élément de discours que comme une pratique effective. La visibilité du préservatif
semble plus importante que son utilisation.
bordel, mais je pense qu'à l'avenir je serai intransigeante sur ce point. Quand on se dit
professionnel, ce genre d'exigence paraît de bon ton." (Vidéo stars, n°10, Septembre
1993, p.88 ).
Laetitia (réalisatrice X amateur) : "Il faut savoir qu'avant de tourner j'exige que les
amateurs aient leur test HIV. C'est bien souvent grâce à moi qu'ils effectuent cette
démarche pour la première fois. Je me sens très concernée par le problème du sida et
je crois que je dois montrer l'exemple." (Hot-Vidéo, n°45, Juillet-Août 1993, p.72).
Ils reconnaissent eux-mêmes que la pratique exclusive du test n'est pas la forme la plus
efficace de protection contre le virus : ce qui maintient une certaine anxiété chez
certains d'entre eux.
Interview de Beata (actrice X) :
Sexy Mag : Tu fais gaffe au sida ?
B. : "J'en ai très peur et je fais des tests tous les deux mois. Mais il y a toujours un
risque !" (Sexy Mag H.S., N° 4 Juin 1993, p.22 )
Sexy News :
45
"Karen Cheryl ne délire pas - Dans un récent magazine (...) elle se fait faire
régulièrement le test du Sida pour, dit-elle, "ne pas contaminer la chaîne". C'est son
pote Hugo qui doit délirer à ces réponses franches !" (Sexy-Mag, n°32, Mai 1993, p.5).
refuse de tourner avec des amateurs. Un dernier principe auquel elle déroge parfois,
puisqu'on la voit dans "Le Cul qui parle" (...)" (Sexy - Mag, n° 39, Août 1994, , p.53 ).
Ne pas accepter de jouer avec "n'importe qui" ne repose pas uniquement sur le critère
du statut sérologique. La sélection des partenaires professionnels repose aussi sur leur
notoriété dans le milieu. Ne jouer qu'avec des acteurs "connus" signifie surtout, jouer
avec des acteurs célèbres et cotés dans le milieu.
"Dossier spécial films lesbiens" " Aux États-Unis, la crainte du sida et autres MST est
telle que beaucoup d'actrices n'acceptent de tourner qu'avec leur compagnon ou dans
des scènes lesbiennes." (Vidéo Stars, n°10, Septembre 1993, p.64).
"Tech-sex", CD-X interactif : John B. Root, le réalisateur interviewé, dit avoir filmé
avec un godemiché attaché à sa ceinture.
"Penthouse : N'as-tu pas regretté de n'avoir tourné qu'avec des godes ?"
J.B.R. : "Si mais avec le sida, je ne voulais pas prendre de risques, cadence des
tournages pour les actrices, non validité des tests en raison de l'incubation de la
maladie, gode préféré au préservatif en raison des risques de non érection des acteurs
qui n'arrivent pas à mettre les capotes ; sida/ mort." (Penthouse, Mai 1994, n° 112,
p.36)
Cette tendance s'inscrit par ailleurs dans l'évolution générale des représentations de
l'activité sexuelle dans la pornographie qui après avoir été longtemps centrées sur le
coït hétérosexuel ont opéré un déplacement vers des pratiques non-génitales telles que
le sadomasochisme ou les différentes "perversions" (Williams, 1989). Le fait que
certaines pratiques considérées comme "très hard" ne soient pas à risque de
contamination permet ainsi à certaines actrices de renforcer leur notoriété de
"hardeuse" tout en prenant moins de risques.
La lecture de ces interviews laisse transparaître une certaine anxiété de la part des
actrices du X. Celles-ci sont partagées entre les nécessités du déroulement de leur
carrière, les exigences du public et la crainte du risque. Cependant, l'analyse des récits
47
Les interviews des stars du X nous proposent des types de message bien différenciés
de ceux que l'on trouve dans les autres sections des magazines. En effet, dans ces
autres sections, les conseils sont directement et explicitement destinés au public et on y
trouve une palette de thèmes relativement variée faisant une part importante aux
fantasmes et à l'imaginaire sexuel dans lesquels, le préservatif peut éventuellement
prendre place. Dans les interviews des actrices, le sida est présenté comme un risque
contre lequel il faut se protéger et contre lequel il est difficile de se protéger du fait des
conditions de l'exercice professionnel. L'usage du préservatif présenté, comme
problématique, ne s'y trouve pas érotisé. Il apparaît beaucoup plus comme une
contrainte face à laquelle on cherche à élaborer toutes les stratégies possibles et
imaginables pour y échapper.
2 L'enquête a Lyon a été réalisée par Christophe Gentaz. Les observations au Salon Erotica
(Mars 1994) ont été réalisées avec la collaboration de Rommel Mendès-Leite et de Neila
Christina Mendès-Lopès. Les entretiens ont fait l'objet d'une première analyse par Keila
Deslandes.
48
neige". Il s'agit là d'une première approche qualitative qui ne porte pas sur un
échantillon représentatif. Nos analyses sont fondées en outre sur des discussions
informelles non enregistrées lors de nos différents contacts. La majorité de ces
entretiens ont eu lieu à Paris. Une partie de l'enquête a été réalisée à Lyon auprès d'une
société de films vidéo-X amateurs (par Christophe Gentaz).
Au total, nous avons recueilli une dizaine d'entretiens individuels auprès d'acteurs,
d'actrices, de producteurs et directeurs de magazine, de producteurs de films vidéo X
et d'un photographe. En outre, les deux débats publics qui ont été organisés avec des
acteurs du X dans le cadre du Salon Érotica (Mars 1994) ont été enregistrés et
retranscrits et utilisés dans notre analyse.
HYPOTHESES
Ce mode de conduite des entretiens était fondé sur une hypothèse concernant les
représentations de la sexualité dans le contexte du sida.
Les représentations de la sexualité sont structurées par un clivage qui oppose "bonne"
et "mauvaise" sexualité. Ce clivage de la représentation de la sexualité a des effets sur
la représentation des partenaires qui participent à l'un ou l'autre de ces deux aspects
de l'activité sexuelle. C'est aussi dans ce cadre de signification que les pratiques
éventuelles de prévention peuvent trouver leur place, dans le contexte d'une "bonne"
ou d'une "mauvaise" sexualité. (Giami, 1993, Day, 1990, Gilman, 1985). Il apparaît ainsi
que le recours aux moyens de prévention contre le VIH est loin d'être systématique
pour tout rapport sexuel. Les individus éprouvent la nécessité de se protéger en
fonction de la signification qu'ils donnent à leur activité sexuelle. C'est en fonction de
cette hypothèse qu'il est nécessaire d'étudier les représentations de la sexualité (type
d'activité sexuelle et type de partenaire) et leurs liens avec les représentations du sida.
Enfin, ces représentations de la sexualité sont rendues plus complexes du fait de
l'activité et de la stratégie professionnelle. Au niveau de cette analyse, nous avons
tenté de replacer "l'activité sexuelle professionnelle" dans le cadre de la représentation
globale de la sexualité.
49
"Je fais une distinction entre ce qui est sain et l'amusement, c'est-à-dire que si je
couche avec trois nanas c'est pour l'amusement et pour le côté purement jouissif et il
se peut très bien que je termine la nuit avec uniquement ma partenaire et qu'avec elle
nous fassions l'amour très simplement. De toute manière il y a pas meilleure position
pour moi que celle papa-maman et voilà. " Serge (acteur)
"Parce que c’est vrai qu’on associe le préservatif à la mort, parce qu’on l’a tellement
ignoré qu’on est rendu à une limite où il faut l’associer à ça pour que les gens s’en
servent, que.. J’aime mieux la vie (donc, j’aime pas les préservatifs) bien et dire que oui
après avoir tourné des films pornos, je pourrai mettre au monde des enfants parce que
j’avais pas chopé n’importe quoi. (...) comme on veut le montrer aux adolescents, on
n’associerait plus le préservatif à la mort et on le verrait plus d’une façon qui casse pas
l’érotisme." Maria (actrice)
"Moi j'estime que quelqu'un qui est marié il a pas a utiliser de préservatifs parce que le
mariage c'est pas fait pour vivre à 3 ou vivre à 4... " Roger (producteur)
" Ce qui est intéressant avec le couple c'est qu'il n'y a pas une peur du
préservatif...donc là nous ça nous rassure parce qu'on se dit bon c'est un couple,
d'abord, à l'image voir si le couple est joli à regarder et surtout nous y a des
sécurités...normalement hein... moi, je suis marié, avec ma femme j'utilise pas le
préservatif hein...pourquoi?...parce que je suis marié, normalement, on doit pas
utiliser le préservatif si on est marié, voilà, c'est pour ça qu'on peut viser le couple
Roger (producteur).
"On voit tout de suite quand c'est un mari, ou du moins quand c'est le partenaire
attitré parce que ce partenaire attitré on le verra sans préservatif... et tout autour on
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verra du préservatif... alors ce qui est clair c'est que tous les gens qui portent des
préservatifs, c'est qu'ils ne se connaissent pas... la personne qu'on voit sans
préservatif, c'est qu'il est le partenaire intime de la fille, son mari ou son petit copain.
Roger (producteur).
D'autre part, et c'est l'opposition la plus répandue, les acteurs distinguent les
partenaires professionnels "connus" de ceux qu' ils "ne connaissent pas" et qui ne font
pas partie du réseau des "partenaires habituels".
" Le milieu de la pornographie c'est pas un milieu à risque, les acteurs connaissent
leurs partenaires et ceux qui ne veulent pas de capotes connaissent leurs partenaires.
Roger (producteur)
Enfin, les partenaires qui sont perçus comme des "drogués" ou qui n'ont pas une
apparence "saine" font l'objet d'un certain rejet.
"Quand il y a une fille qui arrive amaigrie, qu’elle est maigre, ils (les acteurs de hard)
refusent de tourner avec une fille qui est maigre." Mireille (actrice)
Ainsi la sélection des partenaires a-t-elle deux effets : d'une part, elle oriente ou non
l'utilisation du préservatif en fonction du statut" qui est attribué au partenaire; d'autre
part, elle peut aussi orienter le refus de jouer avec tel ou telle partenaire qui apparaît
suspect, c'est-à-dire porteur des stigmates stéréotypés attribués aux séropositifs ou aux
sidéens.
Alors que pour les hommes, le fait d'avoir des rapports sexuels avec des actrices du
porno constitue souvent l'une des motivations fortes à s'engager dans cette carrière
professionnelle.
"j'ai été naturellement attiré dans la rue Saint-Denis par ces lieux de débauche et je les
fréquentais assidûment en tant que spectateur. Le désir d'autonomie venant
également, je me suis dit il faudrait peut être que je me mette à bosser. Et en plus j'en
avais marre de voir des gens de l'autre côté de la glace prendre leur pied et se faire du
fric." Serge (acteur).
On peut ainsi noter une forte différence de motivation explicite entre les hommes et les
femmes. Les femmes ont exprimé une motivation qui se situe beaucoup plus souvent
sur le versant de l'exhibitionnisme.
"J'ai fait du top top-less, un jour on m'a proposé cette histoire qui était bien rémunérée
de faire un strip comme ça, mais gentil, de soulever ma jupe, j'ai pas eu l'impression
de faire un strip et puis après je me suis dit bin dans le fond j'ai pas eu peur de
soulever ma jupe devant les gens. Et puis ça m'a excitée quelque part. j'étais
persuadée que j'étais laide et ce métier m'a rassurée et m'a guérie parce que
franchement je me disais ouais j'ai un gros nez, j'ai un gros machin, je me trouvais pas
belle." (...) J'ai eu l'impression qu'il y avait au moins 3 000 personnes qui bandaient
pour moi et moi je suis guérie du coup. J'ai eu l'impression que c'était pas un mec qui
était excité pour moi, que c'était une foule qui était excitée, qui avait envie de moi, et
ça m'a rassurée, donc ce métier m'a énormément rassurée." Mireille (actrice).
4 - UTILISATION DE PRESERVATIFS
Les femmes sont plus nombreuses et plus décidées que les hommes à revendiquer
l'utilisation du préservatif :
"Plus tu vois quelque chose, si tu vois le film pornographique qui est fait et que la fille
elle met le préservatif et que l'homme ne débande pas, comme on dit nous au Canada,
c'est que si son érection continue, c'est que lui est capable à la télé, moi aussi je suis
capable, on répète souvent des positions, on répète des faits et des gestes qui sont faits
dans des films parce qu'on veut les faire dans notre vie privée, c'est souvent comme ça
qu'on apprend. Et après on dit "Oui ça va prendre des années, faut assimiler", faut
savoir que oui faut assimiler, mais la santé, on n'assimile pas notre santé, il faut savoir
la conserver. Et nous, quand on est des actrices et qu'on demande aux gens, {cette
personne-là, elle est pas ... }, si on veut pas tourner avec elle, oui, accepte qu'on veut
pas tourner avec lui, et quand on dit "On veut mettre des préservatifs pour l'anal
parce que... j'ai vu que vous savez très bien que anal, c'est beaucoup plus de risques
d'av... d'être séropositif que les autres.." Maria (actrice)
certaines d'entre elles affirment qu'elles courent beaucoup plus de risques que les
hommes.
" Les préservatifs qu'on trouve sur le marché sont beaucoup trop petits...Ils devraient
en fabriquer des plus gros...ça serait plus facile et plus marrant à enfiler. " Patrick
(photographe)
"J'ai remarqué beaucoup de garçons ne savent pas mettre un préservatif, ils essayent
tous de mettre un préservatif sur un sexe en semi érection et c'est là où ils se cassent
les dents, plus ils veulent mettre le préservatif, moins ils ont d'érection, donc j'ai
remarqué, beaucoup (de garçons) ne savaient pas mettre le préservatif, parce que moi
je pense qu'ils en mettent très peu... parce que là nous c'est flagrant, devant une
caméra, c'est là où on s'aperçoit que les jeunes, ou les moins jeunes, ne savent pas
mettre un préservatif, donc ça prouve que ils l'utilisent très rarement dans leur vie."
Maria (actrice)
"Le simple fait de mettre le préservatif les fait débander, tu vois, donc les mecs ils font
leur scène sans capote, quoi." Serge (acteur).
" Une fois qu’on lui met le préservatif il (l’acteur de hard) débande." Mireille (actrice)
Le préservatif peut aussi contribuer à donner une image négative de celui qui tient à
l'utiliser systématiquement :
"Ils croient que je suis séropositif et que je mets une capote pour pas contaminer les
autres..." Serge (acteur)
Cependant alors que nombreux sont les acteurs à demander l'usage systématique du
préservatif pour la réalisation de scènes impliquant des actes de pénétration, il
semblerait que cette pratique soit peu fréquente. L'utilisation du préservatif apparaît
d'autant plus difficile qu'une forte majorité d'acteurs - hommes et femmes - sont
supposés accepter de travailler sans préservatifs.
"non mais il l'accepte dans un contexte de vidéo amateur, il l'acceptera peut-être pas...
mais vous verrez on en reparlera dans le... ils l'accepteront pas dans les vidéos
professionnels, pour plusieurs raisons, ça c'est clair le préservatif ne passe pas à
l'image." Roger (producteur)
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" Moi, ça me dérange pas trop... en temps que voyeur, en temps que client potentiel
de la vidéo, je préfère sans préservatif. Avec le préservatif c'est moins naturel, c'est
tout que me gène un petit peu dans le préservatif... l'image du préservatif ne me gène
pas, c'est le préservatif en lui-même, au niveau esthétique, dans la vidéo, je trouve pas
ça très esthétique." William (vendeur en sex-shop-étudiant).
" Y a aucune envie de la part du client de voir de la vidéo avec préservatif." William (
vendeur en sex-shop-étudiant).
Les obstacles à l'utilisation du préservatif sont donc de différentes natures. D'une part,
certains acteurs redoutent l'effet qu'ils peuvent avoir sur leur aptitude à l'érection et
sur le vécu du plaisir. D'autre part, et cela a été surtout exprimé par des producteurs,
la clientèle ne serait pas désireuse de voir des préservatifs pour des raisons
esthétiques. Les femmes expriment beaucoup plus le souci de l'utilisation du
préservatif mais sont parfois inquiètes de la concurrence qui pourrait s'exercer, à leur
détriment du fait de celles qui accepteraient de jouer des scènes "hard" sans
préservatif.
5 - STRATEGIES DE PROTECTION
Les stratégies de protection empruntent le plus souvent, lorsque cela est à la portée de
l'acteur ou de l'actrice, la sélection ou éventuellement le refus de travailler avec un
partenaire "suspect" ou "peu connu".
Dans la majorité des cas, lorsque le préservatif n'est pas utilisé, les acteurs justifient le
non-usage à l'aide de la théorie suivante selon laquelle la pénétration sans éjaculation
à l'intérieur du corps du receveur n'est pas à risque de transmission.
" Vous fonctionnez disons avec comme règle qu’il y ait pas d’éjaculation en vous, à
l’intérieur. (...) dans un film porno on éjacule jamais dans une femme. Il y a jamais
d’éjaculation à l’intérieur et l’avantage de ne travailler qu’avec des professionnels
c’est qu’il y aura jamais d’erreur. Dans les films X on considère qu'à partir du moment
où il y a pas d'éjaculation à l'intérieur du corps, on peut pas attraper le Sida. Alors à
savoir, est-ce que dans le liquide séminal on peut déjà attraper le Sida avant
éjaculation? Alors tout le monde est en train de parler de ça, on en sait rien donc…"
Mireille (actrice)
Cette théorie repose sur une autre théorie sous-jacente selon laquelle les hommes
peuvent transmettre le virus mais ne peuvent le recevoir en ayant une pénétration. En
d'autres termes, les hommes et les femmes pensent que le risque majeur est pour celui
qui est pénétré par l'autre.
Celui-ci a deux fonctions : il procure une réassurance pour celui qui le fait pratiquer
sur lui; il sert de certificat de séronégativité pour les partenaires et les producteurs.
Cependant de nombreux acteurs ne sont pas dupes du caractère illusoire de ce
"certificat". Les acteurs savent bien, par ailleurs, que les tests anonymes peuvent être
utilisés comme certificat par une autre personne que celle sur laquelle il a été
effectivement pratiqué.
"Au niveau des laboratoires, je suis allée faire deux tests du Sida dans deux
laboratoires différents, et dans ces laboratoires on ne m'a pas demandé ma carte
d'identité, on m'a dit "Mademoiselle, votre nom? Est-ce que vous avez une
ordonnance?", j'ai dit non, on m'a dit "bon, on vous fera une feuille, comme ça si vous
voulez vous faire rembourser après". Donc j'ai donné un nom, je suis allée faire ma
prise de sang et je suis revenue chercher mes résultats. On ne m'a jamais demandé ma
carte d'identité. Ce qui fait qu'avec mon résultat et le nom, personnellement donc je
m'appelle Mireille j'aurais pu dire "Bonjour, je vous appelle… je m'appelle Isabelle
Minotaure, n'importe quoi"… Isabelle…c'est les influences grecques, Isabelle
Minotaure, je viens faire un test du Sida, j'aurais eu un test du Sida comme quoi
Isabelle Minotaure était négative. Bon, imaginez qu'il y ait quelqu'un qui dise, moi je
le ferai pas, mais vous savez beaucoup de gens tournent, imaginez qu'une actrice
Isabelle par exemple me dit, cette personne n'existe pas hein, Isabelle Minotaure me
dise "Nadine, j'ai des tournages, il me faut absolument mon test du Sida pour après-
demain sinon ils vont pas m'accepter sur le tournage, tu peux aller te faire piquer
pour moi, s'il te plaît allez tiens, je te file 500 balles, tu te fais piquer, ça te payera ta
demi-journée et tout". Bon, comme il y a des gens qui font du X pour de l'argent,
imaginez que je sois allée me faire piquer en me faisant passer pour elle…
N'importe qui peut se faire passer pour quelqu'un d'autre. Exemple, un couple qui
sait qu'il est condamné, un couple qui sait qu'il a le sida, qu'il est condamné et qui fait
du hard, il se dit "il y a pas de raison, je l'ai chopé forcément du hard, c'est une salope
ou un mec qui a été baisé, pourquoi, bin je vais leur faire payer". Non, mais vous
savez il y a des gens qui raisonnent comme ça, il y a des gens qui ont le sida et qui
veulent pas le transmettre aux autres, il y en a d'autres qui vont dire "forcément, je l'ai
attrapé dans le hard et tout, il y a pas de raison, qu'est-ce qu'on va faire, qu'est-ce
qu'on va devenir, ça fait rien, il faut qu'on gagne du fric, on le dira pas. Et puis de
toute façon on éjacule pas dans eux", avec ce raisonnement. N'importe qui peut aller
se faire piquer pour quelqu'un d'autre." Mireille (actrice).
Les propos tenus sur le dépistage des anticorps lors des entretiens individuels diffèrent
de ceux qui sont tenus lors des interviews publiées dans la presse. L'efficacité
supposée du test comme moyen de protection est beaucoup plus mise en question.
"Peut-être qu'il faut une bonne complicité et par là il faudrait apprendre à mieux faire
l'amour, à avoir plus de temps et à ne pas, je me répète par rapport à la dernière fois,
ne pas voir comme objectif unique le pénétration. Faudrait peut-être entrer dans de
jeux, plus de caresses et peut-être ne pas faire de pénétration, peut-être y a des formes
de masturbation. (...) m'éjacule faciale, en se masturbant l'un sur l'autre..." Simon
(producteur)
On retrouve là l'une des stratégies déjà énoncées dans les interviews publiées dans les
magazines et permettant aux actrices de "faire du hard" non insertif.
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"Euh, en fait, nous on a créé le Club X pas spécialement pour, pour nous mais pour
aussi les gens qui sont atteints du Sida. On a donc téléphoné au Sidaton et on s'est
carrément envoyé fait chier, quoi, on nous a balancé: "De toute façon, vous êtes des
actrices, ça nous intéresse pas; nous, ce qui nous intéresse, c'est les chanteurs, les gens
connus, vous vous êtes rien”. Voilà, c'est tout. Donc vous pouvez pas faire avancer la
recherche ni la prévention puisqu'on vous le refuse.... Non, non. On a proposé de faire
des shows. Actuellement on a fait, on a créé un show qui est basé sur le Sida. On a
proposé, parce que actuellement on va passer au Printemps de Bourges pour ce show,
on a proposé que les fonds reviennent donc au Sidaton, on nous a dit "Non, ça nous
intéresse pas", simplement, voilà...Maria (actrice).
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CONCLUSIONS
Le film intitulé "Aujourd'hui tout le monde dit oui" de Sandrine Ricaud, qui a fait
l'objet d'une forte promotion dans les magazines de charme et dans les magazines
spécialisés dans la vidéo, illustre parfaitement le paradoxe de la prévention en milieu
X. Le scénario repose sur une mise en scène des stratégies de sélection des partenaires
: les acteurs n'utilisent des préservatifs que lorsqu'ils ont des rapports de pénétration
avec des partenaires qui ne sont pas leur conjoint - à l'écran. Par contre, lors des
rapports de pénétration entre des partenaires qui sont définis comme conjoints - ou
partenaires stables - les préservatifs ne sont pas utilisés. Il s'agit d'une des stratégies de
prévention les plus utilisées dans la population générale - utiliser des préservatifs lors
de relations sexuelles avec des partenaires occasionnels. Le message est donc en
harmonie avec les pratiques du public. En outre, il reprend l'argument d'un message
de prévention de l'AFLS. Ce qui a constitué l'un des arguments promotionnels du film.
Vidéo tournage - L'après Ricaud : "Aujourd'hui tout le monde dit oui", titre d'un film
dont la particularité est que tous les protagonistes disent oui au préservatif.
La réalisatrice : "Les comédiens du X se surveillent et sont très prudent, mais je
voudrais que tous les gens qui voient ce film se rendent compte qu'un préservatif est
un objet à la fois gai et érotique et qu'il peut leur sauver la vie." . (Penthouse,
Novembre 1993, n°106, p.102 ).
Le film du mois : "Oui, car signalons une chose importante et vitale : toutes les filles
du film ont droit à se faire déflorer l'anus par des bites capotées ; une façon simple et
efficace pour banaliser l'usage du préservatif (D'où le titre). En effet lorsqu'ils ne
couchent pas avec leurs partenaires respectifs, les protagonistes se protègent..." (Sexy-
Mag, H.S., n°9, Février 1994, p.63)
Cependant, et c'est là que le bât blesse, les acteurs qui jouent les conjoints ne sont pas
des "partenaires stables" dans "la vie réelle". Dans la mesure où les actes de pénétration
apparaissent comme non-simulés, on peut se poser la question de la prévention parmi
les acteurs du X eux-mêmes. L'argument de ce film repose principalement sur la
visibilité de certaines des scènes de pénétration qui sont filmées à l'aide de préservatifs
et qui sont destinées au public. Comme si, l'utilisation de préservatifs parmi les
acteurs ne se justifiait que par sa fonction externe et sa visibilité : la prévention à
l'égard du public. Comme si, l'utilisation du préservatif ne pouvait qu'être visible par
57
le spectateur dans un film X. Dans cette perspective, le film peut être considéré comme
venant contribuer à la prévention du public. Mais il laisse en suspens la question de la
prévention parmi les acteurs du X.
Le message "Aujourd'hui tout le monde dit oui " aura donc eu un destin original. Conçu
tout d'abord dans le cadre d'une campagne de l'AFLS, à destination du grand public, il
a été repris, dans un deuxième temps, par une réalisatrice du X comme titre d'un film.
Enfin, dans un troisième temps, il a été repris en quatrième de couverture dans
plusieurs magazines (Hot-Vidéo, n°51 Février 1994 et ultérieurement par Penthouse)
accompagné du Logo de l'AFLS. Au bout d'un certain temps, probablement au
moment de la fermeture de l'AFLS, Penthouse a continué à utiliser les messages de
l'AFLS en quatrième de couverture en transformant le logo de l'AFLS en "Penthouse
lutte contre le sida". On a pu donc assister à la migration d'un message a priori destiné
au grand public, mais suffisamment allusif et métaphorique pour pouvoir être repris,
dans le contexte du X, détaché dans un premier temps de son émetteur initial puis
restitué, dans un second temps, à son émetteur initial mais en ayant acquis entre temps
le contenu implicite de titre d'un film X. Enfin, au terme de sa migration, le message a
été réapproprié et repris à son compte par Penthouse.
Penthouse : "Etes-vous pour ou contre l'utilisation des préservatifs sur les tournages?"
F. Leroi : " Je suis pour. Dans la vie aussi d'ailleurs. Mais la pornographie touche
essentiellement le domaine de l'imaginaire et le public ne désire pas retrouver dans
les films ce qu'il vit dans la réalité. C'est pourquoi il faut adopter une façon de filmer
qui ne laisse pas deviner son utilisation. Dans "Rêves de cuir II", les comédiens
portaient souvent un condom mais je me suis arrangé pour que cela ne se voit pas."
(Penthouse, Novembre 1994, n°118, p. 73).
l'imaginaire et pas de celui du "réel". Idée sans doute difficile à faire admettre aux
"hardeurs" masculins. En effet, lors d'entretiens privés, certains d'entre eux avouent
craindre que l'usage de préservatifs ne limite l'immédiateté et la vigueur de leurs
érections. Et c'est bien là le plus grand "risque du métier" que court un "hardeur" : être
confronté à son incapacité à se mettre en état d'érection. L'érection et "l'éjac" restent
peut-être les seules choses réelles et non-simulables dans le porno actuel. Les
comédiens masculins considèrent en outre, la réalisation d'actes sexuels dans le cadre
des tournages comme une partie de leur activité sexuelle.
L'EROTISATION DU PRESERVATIF ?
Nos différentes analyses ont fait apparaître que le préservatif et son utilisation sont
principalement connotés par le contexte du sida et de la prévention contre le risque
d'infection à VIH. Les tentatives d'intégrer le préservatif dans un "jeu érotique" restent
très minoritaires. L'usage du préservatif apparaît majoritairement comme une
contrainte liée au VIH qui conduit certaines actrices à dire préférer refuser de jouer
sans celui-ci et développer des "performances" sexuelles non-insertives après avoir
tenté de "sélectionner" leurs partenaires ou d'exiger la présentation d'un test de
dépistage négatif. On trouve cependant quelques réalisations - principalement
ludiques - qui n'associent pas explicitement l'usage du préservatif et le sida. C'est ce
type de production qu'il conviendra de soutenir.
59
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ANNEXES