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Suites et séries de fonctions

Grégory Berhuy
Table des matières

Motivations 5
Chapitre I. Convergence uniforme d’une suite de fonctions 11
I.1. Borne supérieure 11
I.2. Convergence simple et uniforme des suites de fonctions 14
Chapitre II. Suites et séries de fonctions 25
II.1. Suites de fonctions : théorèmes généraux 25
II.2. Rappels sur les séries numériques 30
II.3. Séries de fonctions 34
Chapitre III. Séries entières 43
III.1. Rayon de convergence d’une série entière 43
III.2. Propriétés des séries entières, applications 50
Chapitre IV. Séries de Fourier 63
IV.1. Fonctions C i par morceaux. 63
IV.2. Séries de Fourier et produit scalaire hermitien 68
IV.3. Les théorèmes de convergence 73

3
Motivations

Les séries de fonctions trouvent leur utilité dans la résolution d’équations


différentielles, ou d’équations aux dérivées partielles. Bien souvent, ces
équations n’ont pas de solution évidente exprimable à l’aide de fonc-
tions usuelles. L’idée est donc de chercher des solutions sous forme de
séries. Donnons un exemple.
On considère une barre d’un matériau homogène de longueur finie L
(non nulle !), la température initiale (au temps t = 0) étant donnée par
une fonction ϕ : [0, L] → R, x 7→ ϕ(x). On suppose que la température
est nulle aux extrémités de la barre. Si D est le coefficient de diffusion,
l’équation régissant la température T (x, t) en chaque point à un instant
t > 0 est donnée par
∂T ∂ 2T
=D 2.
∂t ∂x
Oublions d’abord la condition T (x, 0) = ϕ(x). Autrement dit, on cherche
les solutions vérifiant seulement les conditions au bord T (0, t) = T (L, t) =
0.
Cherchons d’abord une solution non nulle de la forme T (x, t) = f (x)g(t)
(avec f et g vérifiant des hypothèses convenables). On a alors
f (x)g ′ (t) = Df ′′ (x)g(t),
soit
f ′′ (x) g ′ (t)
= .
f (x) Dg(t)
Comme x et t sont deux variables indépendantes, cela implique qu’il
existe α ∈ R tel que
f ′′ (x) g ′ (t)
= = α.
f (x) Dg(t)
Ainsi, on a
f ′′ (x) − αf (x) = 0 et g ′ (t) − Dαg(t) = 0.
On a donc g(t) = λeDαt pour λ ∈ R, et donc g(t) 6= 0 pour tout t ≥ 0
(car on cherche T non identiquement nulle). La contrainte T (0, t) =
T (L, t) = 0 entraı̂ne alors f (0) = f (L) = 0.
Si α = 0, on a f ′′ (x) = 0, et donc f (x) = ax + b. Les conditions
f (0) = f (L) = 0 imposent alors facilement f (x) = 0 pour tout x, ce
qui est à exclure par hypothèse sur T .
5
6 MOTIVATIONS

Si α > 0, on pose α = ω 2 . Alors f est de la forme f (x) = ach(ωx) +


bsh(ωx), a, b ∈ R. Puisque f (0) = 0, on a a = 0. Puisque f (L) = 0, on
a bsh(L) = 0. Comme sh(L) 6= 0 puisque L 6= 0, on a b = 0 et donc f
est identiquement nulle, ce qui est à exclure.
On a donc α < 0, et donc α = −ω 2 . Mais alors on a
f (x) = a cos(ωx) + b sin(ωx), a, b, ∈ R.
Puisque f (0) = 0, on a a = 0, et puisque f (L) = 0 on a b sin(ωL) = 0.
Puisque l’on cherche T non nulle, on a b 6= 0 et donc sin(ωL) = 0.
Ainsi ωL = πn pour n ≥ 0, et donc pour chaque n, on a une solution
de la forme
nπ π 2 n2
bn sin( x)e− L2 Dt ,
L
où bn ∈ R.
Autrement dit, on a
∂ nπ π 2 n2 ∂2 nπ π 2 n2
(bn sin( x)e− L2 Dt ) = D 2 (bn sin( x)e− L2 Dt ).
∂t L ∂x L
On remarque facilement que la somme d’un nombre fini de solutions
(encore une fois si on oublie la première condition) est encore une so-
lution. Pour résoudre l’équation initiale, avec toutes les conditions au
bord, l’idée est de prendre une somme infinie de telles solutions. Au-
trement dit, on cherche une solution de la forme

X nπ π 2 n2
T (x, t) = bn sin( x)e− L2 Dt .
n≥1
L

A priori, une telle fonction est solution. En effet, on a


∂T X ∂ nπ π 2 n2
= (bn sin( x)e− L2 Dt )
∂t n≥1
∂t L
X ∂2 nπ π 2 n2
= D 2 (bn sin( x)e− L2 Dt )
n≥1
∂x L
2
∂ T
= D 2
∂x
Oui,
X mais...dans ce calcul, on a échangéX sans vergogne dérivation et
. A priori, rien ne le justifie, car est une série de fonctions, donc
n≥1 n≥1
en fait la limite de la suite de fonctions (Sn ), avec
n
X kπ π 2 k2
Sn = bk sin( x)e− L2 Dt .
k=1
L
En fait, en général, l’interversion de la dérivation et de la limite est
illicite.
MOTIVATIONS 7

sin(nx)
Par exemple, soit fn : R → R, x 7→ . Clairement, pour tout
n
x ∈ R, on a fn (x) → 0 lorsque n → +∞. Ainsi, on a

(limfn )′ (0) = 0.

Par contre, on a fn′ (x) = cos(nx) et donc lim(fn′ )(0) = 1.


Pire, la limite de fonctions dérivables (même infiniment dérivables) peut
même ne pas être continue !
Par exemple, soit fn : [0, 1] → R, x 7→ xn . Alors pour tout x 6= 1, on a
fn (x) → 0 et fn (1) → 1 lorsque n → +∞. D’où la question suivante :
Question 1. Sous quelles conditions une suite de fonctions (fn ) conti-
nues/dérivables converge-t-elle vers une fonction continue/dérivable ?
Mais laissons pour l’instant ces récriminations matheuses.
Pour avoir l’existence d’une solution vérifiant T (x, 0) = ϕ(x), on doit
nécessairement avoir
X nπ
ϕ(x) = bn sin( x) pour tout x ∈ [0, L].
n≥1
L

La question naturelle est donc : quelles sont les fonctions ϕ qui peuvent
se décomposer de la manière précédente ?
Remarquons que le membre de droite est une fonction 2L-périodique
impaire. Pour avoir une chance d’obtenir l’égalité, il est naturel de
prolonger ϕ en une fonction ψ : R → R 2L-périodique impaire de la
façon suivante. On pose

ψ(x) = −ϕ(−x) pour tout x ∈] − L, 0],

et on prolonge ψ à R tout entier par périodicité. La question revient


donc à savoir si on peut décomposer le signal périodique ψ en série de
sinus.
Plus généralement, peut-on décomposer un signal f : R → C T -
pérodique sous la forme
a0 X 2nπ 2nπ
f (x) = + an cos( x) + bn sin( x),
2 n≥1
T T

avec an , bn ∈ C ?
En utilisant les formules d’Euler, cela revient à savoir si on peut écrire
2inπ 2inπ 2ikπ
X X
f (x) = c0 + c−n e− T x + cn e T x = ck e T x .
n≥1 k∈Z
8 MOTIVATIONS

Si n ∈ Z, on a donc
2inπ
X 2i(k−n)π
f (x)e− T
x
= ck e T
x
.
k∈Z

On a alors
Z T Z T
2i(k−n)π
− 2inπ
X
x x
f (x)e T dx = ck e T dx.
0 k∈Z 0

Or, un simple calcul montre que , pour m ∈ Z, on a


Z T 
2imπ
x T si m = 0
e T dx =
0
0 sinon
T
1
Z
2inπ
On obtient alors que cn = f (x)e− T
x
dx. On note cette dernière
T 0
intégrale par cn (f ).
Remarquons que, là encore, rien ne justifie que l’on puisse échanger
somme infinie et intégrale. Encore une fois, il y a des contre-exemples.
2nx
Par exemple, soit fn : [0, 1] → R, x 7→ . Clairement, pour tout
1 + n2 x 4
x ∈ [0, 1], on a fn (x) → 0 lorsque n → +∞.
On a donc Z 1
lim fn (x)dx = 0.
0 n

En revanche, on a
Z 1
π
fn (x)dx = Arctan(n) → lorsque n → +∞.
0 2
Question 2. Si (fn ) est une suite de fonctions intégrables sur [a, b]
convergeant vers f , sous quelles conditions a-ton l’égalité
Z b Z b
lim fn (x)dx = lim fn (x)dx?
n a a n

Modulo ce point technique, on aboutit donc à la question suivante :


Question 3. Si f : R → C est un signal T -périodique, a-t-on
2inπ
X
f (x) = cn (f )e T x ?
n∈Z

La série de droite est appelée série de Fourier associée à f .


On vérifie facilement qu’elle est aussi égale à
a0 (f ) X 2nπ 2nπ
+ an (f ) cos( ) + bn (f ) sin( ),
2 n≥1
T T
MOTIVATIONS 9

où on a
2 T 2nπ
Z
an (f ) = f (x) cos( x)dx, n ≥ 0
T 0 T
2 T 2nπ
Z
bn (f ) = f (x) sin( x)dx, n ≥ 1.
T 0 T
Ce problème a aussi un intérêt propre, en dehors du contexte de l’équation
de la chaleur, puisqu’il pose la question de savoir si on peut reconstituer
un signal périodique à partir de ses harmoniques.
L’équation de la chaleur est un cas particulier d’une équation de diffu-
sion, qui peut modéliser bien d’autres phénomènes. La diffusion est le
processus par lequel, lorsque vous laissez tomber un morceau de sucre
dans un verre d’eau, le sucre se répartit graduellement par l’eau, ou
lorsqu’un polluant se propage dans l’air, ou lorsque n’importe quelle
substance dissoute se répand dans n’importe quel fluide.
L’étude des séries de Fourier intervient dès que l’on a des phénomènes
ondulatoires. Par exemple en astrophysique, l’étude spectrale de la
lumière émise par une étoile permet de déterminer sa composition.
Le but de ce cours est de répondre aux questions précédentes.
Chapitre I

Convergence uniforme d’une suite de fonctions

Dans ce chapitre, on introduit la notion de convergence uniforme, qui


nous permettra dans le chapitre suivant de donner des conditions suf-
fisantes sur une suite/série de fonctions (fn ) pour que les diverses pro-
priétés de régularité des fonctions soient préservées par passage à la
limite, et pour que l’on puisse échanger limite et dérivation/intégrale.
Pour cela, on doit introduire la notion de borne supérieure d’un en-
semble de réels.

I.1. Borne supérieure

Dans la suite, A désignera une partie non vide de R.


Définition I.1.1. On dit que M ∈ R est un majorant de A si pour
tout a′ ∈ A, on a a′ ≤ M .
On dit que m ∈ R est un minorant de A si pour tout a′ ∈ A, on a
a′ ≥ m.
On dit que a ∈ A est un plus grand élément (ou un maximum) de A si
pour tout a′ ∈ A, on a a′ ≤ a.
On dit que a ∈ A est un plus petit élément (ou un minimum) de A si
pour tout a′ ∈ A, on a a′ ≥ a.
Autrement dit, un plus grand élément (resp. un plus petit élément) de
A est un majorant (resp. un minorant) de A qui est aussi un élément
de A.
Exemple I.1.2. Si A = [a, b], avec a, b ∈ R, a < b, alors b est un maxi-
mum de A, et a est un minimum de A (cela provient des définitions).
Remarques I.1.3.
(1) Si A possède un maximum (resp. un minimum), celui-ci est
unique.
En effet, si a1 et a2 sont deux maxima de A, alors par définition,
on a a2 ≤ a1 (puisque a2 ∈ A), mais aussi a1 ≤ a2 (puisque
a1 ∈ A), et donc a1 = a2 .
La démonstration pour l’unicité d’un minimum est semblable.
(2) Si A possède un maximum (resp. un minimum), alors A est
majorée (resp. minorée).
11
12 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

Achtung ! ! ! Une partie majorée (resp. minorée) de R ne possède pas


nécessairement de maximum (resp. de minimum).
Exemple I.1.4. Soit A = [0, 1[. Alors A est majorée par 1, mais ne
possède pas de maximum.
Supposons le contraire, et soit a ∈ A un maximum de A. Alors 0 ≤
a+1
a < 1. Posons a′ = . On a facilement 0 ≤ a < a′ < 1. Ainsi,
2
a′ ∈ A, mais a′ > a, ce qui contredit la définition d’un maximum, d’où
une contradiction.

Notation. On note respectivement max A et min A le maximum et le


minimum de A, lorsqu’ils existent.
On va maintenant introduire la notion de borne supérieure.
Définition I.1.5. On dit que s ∈ R est une borne supérieure de A si
c’est un élément minimum de l’ensemble des majorants de A. Autre-
ment dit, s ∈ R est une borne supérieure de A si les deux conditions
suivantes sont vérifiées :
(i) Pour tout a ∈ A, on a a ≤ s ;
(ii) Pour tout M ∈ R, on a (pour tout a ∈ A, a ≤ M ) ⇒ s ≤ M .
Par définition, si une borne supérieure existe, elle est unique (puisque
c’est le minimum d’un ensemble particulier). On la note sup(A).
Remarque I.1.6 (Remarque clef). Soit M ∈ R. Alors sup(A) ≤
M ⇐⇒ pour tout a ∈ A, on a a ≤ M .
En effet, cela provient de la définition. On peut aussi refaire le raison-
nement ad hoc : supposons que sup(A) ≤ M , et soit a ∈ A. Puisque
sup(A) est un majorant de A, on a
a ≤ sup(A) ≤ M.
Inversement, supposons que pour tout a ∈ A, on a a ≤ M . Alors M
est un majorant de A, et comme sup(A) est le plus petit des majorants
de A, on a sup(A) ≤ M .

Le résultat de cette remarque est à connaı̂tre, et à savoir redémontrer


les yeux fermés ! ! !
Théorème I.1.7 (Admis). Toute partie non vide de R possède une
borne supérieure si et seulement si elle est majorée.
Remarque I.1.8. Évidemment, la partie la plus intéressante de ce
résultat est l’implication réciproque : toute partie non vide majorée de
R possède une borne supérieure.

Convention. Si A n’est pas majorée, on pose sup(A) = +∞.


En guise d’entraı̂nement, voici quelques exercices.
I.1. BORNE SUPÉRIEURE 13

Exercice. Si A possède un maximum, alors A possède une borne


supérieure et on a sup(A) = max(A).
Exercice. Soit A = [a, b[, a < b, a, b ∈ R. Alors, sup(A) = b. (Exer-
cice)
Exercice. Si A et B sont deux parties non vides et majorées de R,
alors A ∪ B possède une borne supérieure, et on a sup(A ∪ B) =
max(sup(A), sup(B)).
Exercice. Si B est une partie non vide et majorée de R, alors pour
tout A non vide, A ⊂ B, A possède une borne supérieure, et on a
sup(A) ≤ sup(B).
La proposition suivante est très pratique pour déterminer la borne
supérieure d’une partie de A.
Proposition I.1.9. Soit A une partie non vide et majorée de R, et
soit s ∈ R. Alors s = sup(A) si et seulement si les deux conditions
suivantes sont vérifiées :
(i) s est un majorant de A ;
(ii) il existe une suite d’éléments de A qui converge vers s.

Démonstration. Soit s = sup(A), et soit n ≥ 1. Par construction, s


est un majorant de A. De plus, puisque s − 1/n < s, alors s − 1/n
n’est pas un majorant de A (sinon s ne serait pas le plus petit des
majorants, ce qui contredirait sa définition). Ainsi, il existe an ∈ A tel
que an > s − 1/n. Puisque an ∈ A et que s est un majorant de A, on
a an ≤ s. Ainsi, on a
s − 1/n < an ≤ s pour tout n ≥ 1.
On en déduit facilement que (an )n≥1 converge vers s.
Réciproquement, soit s ∈ R vérifiant les conditions (i) et (ii). Par (i), s
est un majorant de A. Il reste donc à vérifier que c’est le plus petit. Soit
M ∈ R un majorant de A. Par (ii), il existe une suite (an )n≥1 d’éléments
de A qui converge vers s. Puisque an ∈ A, on a donc an ≤ M pour
tout n ≥ 1. Par passage à la limite, on obtient s ≤ M , ce qu’il fallait
vérifier. Ceci achève la démonstration. ✷
Dans la pratique, on s’intéressera surtout au calcul (ou à l’estimation)
de la borne supérieure d’un ensemble A de la forme A = {h(x), x ∈ I},
où h : I → R est une fonction continue, voire dérivable sur un intervalle
I. Dans ce cas, on la note plutôt sup h(x), ou sup h.
x∈I I

Il y a deux situations où il est facile de déterminer sup h(x) :


x∈I

(a) la fonction h possède un maximum global en un point x0 ∈ I. Dans


ce cas, sup h(x) = max h(x) = h(x0 ).
x∈I x∈I
14 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

C’est par exemple le cas lorsque I = [a, b] et h est continue sur I.


(b) la fonction h est croissante sur I. Soit b = sup(I) (on peut avoir
b = +∞ si I n’est pas un intervalle borné).
Premier cas : I est un intervalle fermé et borné à droite, i.e. b ∈ I et
I est fermé en b.
Dans ce cas, comme h est croissante, h possède un maximum global en
b, et ce maximum vaut h(b). Par (a), sup h(x) = h(b).
x∈I

Second cas : I est un intervalle ouvert à droite (pas nécessairement


borné), i.e. I est ouvert en b, avec b ∈ R ∪ {+∞} .
Soit ℓ = lim− h(x) ∈ R ∪ {+∞} (ℓ existe toujours car h est croissante).
x→b
Alors sup h(x) = ℓ.
x∈I

En effet, si ℓ = +∞, l’ensemble {h(x), x ∈ I} n’est pas majoré, et le


résultat est clair. Supposons maintenant que ℓ < +∞.
Soit x ∈ I. Puisque h est croissante, on a h(x) ≤ h(t) pour tout x ≤
t < b. Par passage à la limite, on a h(x) ≤ ℓ. Ainsi, ℓ est un majorant
de {h(x), x ∈ I}. Soit n ≥ 1. Par définition de ℓ, il existe α > 0 tel que
pour tout x ∈ I∩]b−α, b[, on a |h(x)−ℓ| ≤ 1/n. Choisissons un élément
xn ∈ I∩]b−α, b[ (c’est toujours possible. Voyez-vous pourquoi ?).
Alors pour tout n ≥ 1, on a h(xn ) ∈ {h(x), x ∈ I} et (h(xn ))n≥1
converge vers ℓ, puisque pour tout n ≥ 1, on a |h(xn ) − ℓ| < 1/n. On
utilise la proposition précédente pour conclure.✷

I.2. Convergence simple et uniforme des suites de fonctions

Dans la suite, I désignera un intervalle de R, et K désignera indifféremment


R ou C. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions fn : I → K, et soit
f : I → K.
Définition I.2.1. On dit que (fn )n≥0 converge simplement vers f sur
I si pour tout x ∈ I, la suite (fn (x))n≥0 converge vers f (x). On le note
CS
fn −→ f .
I

On dit qu’une suite de fonctions (fn )n≥0 converge simplement sur I si


pour tout x ∈ I, la suite (fn (x))n≥0 converge. Dans ce cas, si on pose
CS
f (x) = lim fn (x) pour tout x ∈ I, alors fn −→ f .
n I

Remarque I.2.2. Si (fn )n≥0 converge simplement, alors sa limite est


unique. En effet, si (fn )n≥0 converge simplement vers f et g, alors pour
tout x ∈ I, on a
0 ≤ |f (x) − g(x)| ≤ |f (x) − fn (x)| + |fn (x) − g(x)| pour tout n ≥ 0.
I.2. CONVERGENCE SIMPLE ET UNIFORME DES SUITES DE FONCTIONS 15

En passant à la limite, on obtient |f (x) − g(x)| = 0 pour tout x ∈ I,


et on obtient donc f = g.
Exemple I.2.3. Pour tout n ≥ 0, on considère la fonction fn : [0, 1] →
CS
R, x 7→ xn . Alors, fn −→ f , où f est définie par
I

0 si 0 ≤ x < 1
f (x) =
1 si x = 1

Cet exemple montre la limite d’une suite de fonctions continues n’est


pas forcément continue. Pour pouvoir assurer la continuité de la limite,
nous allons introduire une notion de convergence plus forte. Introdui-
sons tout d’abord une notation.
Notation. Si h : I → K, on pose
||h||I = sup |h(x)|,
x∈I

où | | désigne la valeur absolue si K = R, et le module si K = C.


Remarque I.2.4. On a ||h||I < +∞ si et seulement si h est bornée.
En effet, si ||h||I < +∞, alors on a |h(x)| ≤ sup |h(x)| pour tout x ∈ I,
x∈I
par la remarque I.1.6. Ainsi, on a donc
|h(x)| ≤ ||h||I pour tout x ∈ I,
et h est donc bornée. Inversement, si h est bornée, il existe M ≥ 0 tel
que
|h(x)| ≤ M pour tout x ∈ I.
Par la remarque I.1.6, on obtient donc ||h||I ≤ M < +∞.
Lemme I.2.5. Pour toutes fonctions bornées f, g : I → K, et tout
λ ∈ K, on a :
(i) ||f ||I ≥ 0 ;
(ii) ||f ||I = 0 ⇐⇒ f = 0 ;
(iii) ||f + g||I ≤ ||f ||I + ||g||I ;
(iv) ||λf ||I = |λ| · ||f ||I .

Démonstration.
(i) Soit x0 ∈ I. Par définition de la borne supérieure, on a en particulier
0 ≤ |f (x0 )| ≤ sup |f (x)|, et donc ||f ||I ≥ 0.
x∈I

(ii) On a clairement ||0||I = 0. Inversement, supposons que ||f ||I = 0.


Comme déjà vu précédemment, on a
0 ≤ |f (x)| ≤ sup |f (x)| pour tout x ∈ I.
x∈I
16 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

Or, la quantité de droite est nulle par hypothèse, et donc |f (x)| = 0


pour tout x ∈ I. On obtient alors que f = 0.
(iii) Pour tout x ∈ I, on a
|f (x) + g(x)| ≤ |f (x)| + |g(x)| ≤ sup |f (x)| + sup |g(x)|.
x∈I x∈I

Ainsi, on a
|f (x) + g(x)| ≤ ||f ||I + ||g||I pour tout x ∈ I.
Par la remarque I.1.6, on obtient ||f + g||I ≤ ||f ||I + ||g||I .
(iv) Si λ = 0, le résultat est clair, donc on peut supposer que λ 6= 0.
Pour tout x ∈ I, on a
|λf (x)| = |λ| · |f (x)| ≤ |λ| · ||f ||I ,
et donc ||λf ||I ≤ |λ| · ||f ||I . En remplaçant λ par λ−1 et f par λf , on
obtient
||f ||I ≤ |λ−1 | · ||λf ||I .
En multipliant cette inégalité par |λ|, on obtient |λ| · ||f ||I ≤ ||λf ||I ,
d’où le résultat.✷
Définition I.2.6. On dit que (fn )n≥0 converge uniformément vers f
CU
sur I si ||fn − f ||I −→ 0. On le note fn −→ f .
n→+∞ I

Retraduisons les deux notions de convergence pour bien comprendre la


différence.
Convergence simple : (fn )n≥0 converge simplement vers f sur I si pour
tout x ∈ I, pour tout ε > 0, il existe N ≥ 0 tel que pour tout n ≥ N,
on a |fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Les deux premiers quantificateurs peuvent être permutés, donc on peut
aussi réécrire que (fn )n≥0 converge simplement vers f sur I si pour tout
ε > 0, pour tout x ∈ I, il existe N ≥ 0 tel que pour tout n ≥ N, on a
|fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Le N dépend ici de x et de ε.
Convergence uniforme : La remarque clef I.1.6 nous dit que ||fn −f ||I ≤
ε ⇐⇒ ∀ x ∈ I, |fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Ainsi, (fn )n≥0 converge uniformément vers f sur I si pour tout ε > 0,
il existe N ≥ 0 tel que pour tout n ≥ N, et pour tout x ∈ I, on a
|fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Le N ne dépend ici que de ε, et pas de x !
La seule différence entre les deux définitions est la place du ’pour tout
x ∈ I’, mais elle est loin d’être anodine.
Interprétation graphique. Pour simplifier, supposons que K = R,
et fixons un ε > 0.
I.2. CONVERGENCE SIMPLE ET UNIFORME DES SUITES DE FONCTIONS 17

CU
Lorsque fn −→ f , pour n assez grand, toutes les courbes fn vont rentrer
I
dans un tube de diamètre 2ε autour de f . Autrement dit, les valeurs
fn (x) vont rentrer dans un tube de diamètre 2ε autour de f , pour n
assez grand ’à la même vitesse pour toutes les valeurs de x’ (voir figure
CS
1). En revanche, lorsque fn −→ f , les valeurs fn (x) vont rentrer dans
I
un tube de diamètre 2ε autour de f , pour n assez grand, mais pas
nécessairement ’à la même vitesse’ si la convergence n’est pas uniforme
(voir figure 2).
Exemple I.2.7. Soit fn (x) = [x2 (1 − x2 )]n , x ∈ [−1, 1].
Lorsque x = 0, ±1, on a fn (x) = 0 pour tout n ≥ 1, et donc fn (x) → 0
lorsque n → +∞. Lorsque −1 < x < 1, x 6= 0, on vérifie rapidement
que 0 ≤ x2 (1 − x2 ) < 1, et donc fn (x) → 0 lorsque n → +∞.
CS
Ainsi, fn −→ 0. Nous allons maintenant calculer ||fn − f ||[−1,1] , et
[−1,1]
vérifier qu’il tend vers 0.
Ici, f = 0. De plus, comme fn est à valeurs positives (facile), alors on
a |fn (x) − f (x)| = fn (x). On doit donc calculer sup fn (x). On a
x∈[−1,1]

fn′ (x) 3 2
= n(2x − 4x )(x (1 − x )) 2 n−1
= 2nx(1 − 2x2 )(x2 (1 − x2 ))n−1 .
1
On a donc fn′ (x) = 0 ⇐⇒ x = 0, ± √ , ±1. Une simple étude des
2
1
variations de fn montre que fn possède un maximum global en √ .
2
1
Ainsi, sup fn (x) = fn ( √ ) = 1/4n . On a donc
x∈[−1,1] 2
||fn − f ||[−1,1] = 1/4n → 0 quand n → +∞.
CU
Par conséquent, fn −→ 0.
[−1,1]

Remarque I.2.8. L’astuce suivante permet parfois de simplifier les


calculs. Si u : I → K et g : K → K, alors
sup |(g(u(x))| = sup |g(t)|.
x∈I t∈u(I)

Autrement dit, ||g ◦ u||I = ||g||u(I) .


En effet, lorsque x décrit I, u(x) décrit u(I), et on a donc
{|g(u(x))|, x ∈ I} = {|g(t)|, t ∈ u(I)},
d’où le résultat.
Reprenons l’exemple précédent. Lorsque x décrit I = [−1, 1], x2 décrit
[0, 1], et ainsi supx∈[−1,1] fn (x) = supt∈[0,1] [t(1 − t)]n , ce qui simplifie (un
peu) les calculs.
18 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

Exemple I.2.9. Soit fn (x) = nxe−nx , x ∈ [0, +∞[.


Lorque x = 0, on a fn (x) = 0 pour tout n ≥ 1, et donc fn (x) → 0
lorsque n → +∞. Lorsque x > 0, nx → +∞ lorsque n → ∞, et donc
lim fn (x) = lim ue−u = 0.
n u→+∞
CS
Ainsi, fn −→ 0. Montrons que la convergence n’est pas uniforme sur
[0,+∞[
R. Dans ce cas ci, on peut encore calculer ||fn − f ||R . Ici, f = 0 et
fn ≥ 0, donc ||fn − f ||[0,+∞[ = sup fn (x).
x∈[0,+∞[

Une simple étude de fonctions montre fn possède un maximum global


en 1/n. Ainsi, sup fn (x) = fn (1/n) = 1/e. On a donc
x∈R

||fn − f ||= 1/e 6→ 0 quand n → +∞.


La convergence n’est donc pas uniforme sur [0, +∞[.
2nx CS
Exemple I.2.10. Soit fn (x) = 2 4
, x ∈ [0, 1]. Alors fn −→ 0.
1+n x [0,1]
Comme fn ≥ 0,, on a ||fn − f ||[0,1] = supx∈[0,1] fn (x).
Encore une fois, une simple étude de fonctions montre que fn √possède
1 1/4 33/4 n
un maximum global en ( 2 ) . Ainsi, supx∈[0,1] fn (x) = . On
3n 2
a donc
||fn − f ||[0,1] → +∞ quand n → +∞.
La convergence n’est donc pas uniforme sur [0, 1].
Exemple I.2.11. Soit fn (x) = sin(x)(cos(x))n , x ∈ [0, π/2]. Si x = 0,
on a fn (0) = 0 pour tout n ≥ 0, et donc fn (0) → 0 lorsque n → +∞.
Si x > 0, on a 0 ≤ cos(x) < 1, et donc on a encore fn (x) → 0 lorsque
CS
n → +∞. Ainsi, fn −→ 0.
[0,π/2]

Étudions la convergence uniforme. Comme dans les exemples précédents,


on a ||fn − f ||[0,π/2] = supx∈[0,π/2] fn (x).
On a fn′ (x) = cos(x)n−1 (cos(x)2 − n sin(x)2 ). On remarque que le maxi-
mum global ne se situe pas en x = π/2, puisque fn ≥ 0 et fn (π/2) = 0.
On a donc
n
fn′ (x) = 0 ⇐⇒ cos(x)2 − n sin(x)2 = 0 ⇐⇒ cos(x)2 = .
n+1
n 1/2
Ceci équivaut = cos(x) = ( ) , puisque cos(x) ≥ 0 sur [0, π/2].
n+1
Comme on a aussi sin(x) ≥ 0 sur [0, π/2], on obtient alors que sin(x) =
1 1/2
( ) (pour un x tel que fn′ (x), bien sûr). En faisant un tableau
n+1
de variations, on obtient qu’un tel x correspond à un maximum global
I.2. CONVERGENCE SIMPLE ET UNIFORME DES SUITES DE FONCTIONS 19

de fn . On obtient alors que


1 1/2 n n/2 1 1/2
||fn − f ||[0,π/2] = ( ) ·( ) =( ) · ((1 + 1/n)n )−1/2 .
n+1 n+1 n+1
Le second facteur converge vers e−1/2 et le premier vers 0, donc finale-
ment
||fn − f ||[0,π/2] → 0 quand n → +∞.
La convergence est donc uniforme sur [0, π/2].
Lemme I.2.12. Si (fn )n≥0 converge uniformément vers f sur I, alors
(fn )n≥0 converge simplement vers f sur I.

Démonstration. Soit x ∈ I. Alors, on a


0 ≤ |fn (x) − f (x)| ≤ ||fn − f ||I .
En utilisant l’hypothèse et le théorème des gendarmes, on en déduit
que fn (x) − f (x) → 0 quand n → +∞, c’est-à-dire lim fn (x) = f (x),
n
d’où la conclusion.✷
Remarque I.2.13. En particulier, si (fn )n≥0 converge uniformément
vers f , la fonction f est unique.

Il n’est pas toujours possible de calculer précisément ||fn − f ||I . La


proposition suivante donne un moyen de contourner cette difficulté.
CU
Proposition I.2.14. On a fn −→ f si et seulement s’il existe une
I
suite de réels (an )n≥0 indépendante de x vérifiant les deux conditions
suivantes :
(i) lim an = 0.
n

(ii) Pour tout n ≥ 0, et pour tout x ∈ I, on a |fn (x) − f (x)| ≤ an .

Démonstration. Supposons que (fn )n≥0 converge uniformément vers


f sur I, et posons an = ||fn − f ||I . Par hypothèse, lim an = 0. Soit
n
n ≥ 0. Puisque supx∈I |fn (x) − f (x)| est un majorant de l’ensemble
{|fn (x) − f (x)|, x ∈ I}, on a donc
|fn (x) − f (x)| ≤ an pour tout x ∈ I.
Inversement, supposons qu’il existe une suite (an )n≥0 vérifiant les condi-
tions de la proposition. Soit n ≥ 0. La condition (ii) se réécrit
sup |fn (x) − f (x)| ≤ an ,
x∈I
par la remarque I.1.6. Pour tout n ≥ 0, on a donc
0 ≤ ||fn − f ||I ≤ an ,
Par passage à la limite, et en utilisant (i), on obtient que lim ||fn −f ||I =
n
0, d’où la conclusion.✷
20 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

Remarque I.2.15. Le résultat reste valable si la condition (ii) est


vérifiée pour n suffisamment grand.
sin(nx2 + e−x )
Exemple I.2.16. Soit fn : R → R, x 7→ (n ≥ 1). Alors
n
CU
fn −→ 0.
R

sin(nx2 + e−x ) 1
En effet, pour tout n ≥ 1, on a | | ≤ pour tout x ∈ R.
n n
1
On applique la proposition précédente avec an = .
n
p
Exemple I.2.17. Soit fn : R → R, x 7→ x2 + 1/n (n ≥ 1). Alors fn
converge uniformément sur R vers f : x ∈ R 7→ |x| ∈ R.
En effet, pour tout n ≥ 1, et tout x ∈ R, on a
1/n 1/n √
|fn (x) − f (x)| = p ≤ √ = 1/ n.
x2 + 1/n + |x| 1/ n
1
On applique la proposition précédente avec an = √ .
n
Démontrer qu’il n’y a pas convergence uniforme peut-être parfois ardu.
La méthode suivante fonctionne souvent : pour chaque n ≥ 0, on choisit
un élément xn ∈ I. On a alors
||fn − f ||I ≥ |fn (xn ) − f (xn )| pour tout n ≥ 0.
Supposons que l’on puisse choisir la suite (xn ) de telle sorte que fn (xn )−
f (xn ) 6→ 0 lorsque n → +∞. Alors ||fn − f ||I 6→ 0 lorsque n → ∞, et
la convergence n’est pas uniforme.
En effet, si on avait ||fn − f ||I → 0, puisque
0 ≤ |fn (xn ) − f (xn )| ≤ ||fn − f ||I ,
on aurait fn (xn ) − f (xn ) → 0 par le théorème des gendarmes, d’où une
contradiction.
Il faut comprendre et savoir refaire ce raisonnement au cas par cas.
Exemple I.2.18. Soit fn (x) = nxe−nx , x ∈ I = [0, +∞[. On a déjà vu
que (fn )n≥0 convergeait simplement vers la fonction nulle, mais pas uni-
formément. On se propose de retrouver ce fait en utilisant la méthode
précédente.
En effet, posons xn = 1/n ∈ I. Alors fn (xn ) − f (xn ) = 1/e. Par
définition de la borne supérieure, on a
||fn − f ||I ≥ |fn (xn )) − f (xn )| = 1/e pour tout n ≥ 0.
Ainsi, ||fn − f ||I ≥ 1/e pour tout n ≥ 0. En particulier, ||fn − f ||I ne
peut pas tendre vers 0 lorsque n → +∞ (sinon, par passage à la limite,
on obtiendrait 0 ≥ 1/e, ce qui est absurde).
I.2. CONVERGENCE SIMPLE ET UNIFORME DES SUITES DE FONCTIONS 21

2nx
Exemple I.2.19. Soit fn (x) = , x ∈ I = [0, 1]. On sait que
1 + n2 x 4
(fn )n≥0 converge vers f = 0 simplement, mais pas uniformément. Po-
1
sons xn = √ ∈ I. Par définition de la borne supérieure, on a
n

||fn − f ||[0,1] ≥ |fn (xn ) − f (xn )| = fn (xn ) = n pour tout n ≥ 0.
Par passage à la limite, on en déduit que ||fn − f ||[0,1] → +∞ quand
n → +∞, et on retrouve le fait que la convergence n’est pas uniforme
sur [0, 1].

Nous terminons ce chapitre en donnant des critères théoriques de conver-


gence simple et uniforme, qui nous seront utiles pour la suite. Rappelons
tout d’abord une définition.
Définition I.2.20. Une suite de réels ou de complexes (un )n≥0 est une
suite de Cauchy si
pour tout ε > 0, il existe N ≥ 0 tel que, pour tous n, m ≥ N, |un −um | ≤ ε.

On rappelle alors que l’on a le théorème suivant.


Théorème I.2.21. Une suite de réels ou de complexes (un )n≥0 converge
si et seulement si c’est une suite de Cauchy.

En appliquant ce résultat à une suite de fonctions, on obtient le résultat


suivant.
Corollaire I.2.22. Une suite de fonctions (fn )n≥0 converge simple-
ment sur I si et seulement si pour tout ε > 0, pour tout x ∈ I il existe un entier N ≥
0 tel que
pour tous n, m ≥ N, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε.

On va maintenant démontrer le résultat suivant.


Théorème I.2.23 (Critère de Cauchy uniforme). Une suite de fonc-
tions (fn )n≥0 converge uniformément sur I (vers une fonction f ) si et
seulement si pour tout ε > 0, il existe N ≥ 0 tel que
pour tous n, m ≥ N, pour tout x ∈ I, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε.

Démonstration. Supposons que (fn )n≥0 converge uniformément sur I


vers une fonction f . Alors, la suite de réels (||fn − f ||I )n≥0 converge
vers 0. Soit ε > 0. Alors il existe N ≥ 0 tel que , pour tout n ≥ N , on
a |||fn − f ||I ≤ ε/2.
Pour tous n, m ≥ N , on a alors
||fn − fm ||I ≤ ||fn − f ||I + ||f − fm ||I ≤ ε/2 + ε/2 = ε.
En utilisant la remarque I.1.6, on obtient que
pour tous n, m ≥ N, pour tout x ∈ I, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε.
22 I. CONVERGENCE UNIFORME D’UNE SUITE DE FONCTIONS

Inversement, supposons que la condition du théorème soit vérifiée.


Cette condition montre en particulier que pour tout x ∈ I, la suite
(fn (x))n≥0 est de Cauchy, donc convergente par le théorème I.2.21. No-
tons f (x) sa limite. Ainsi, on obtient une fonction f : I → K. Par
définition de f , (fn )n≥0 converge simplement vers f sur I. Nous allons
montrer qu’en fait la convergence est uniforme.
Soit ε ≥ 0. Par hypothèse, il existe N ≥ 0 tel que
pour tous n, m ≥ N, pour tout x ∈ I, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε/2.
Soit n ≥ N , et soit x ∈ I. Par définition de f (x), il existe N ′ ≥ 0 tel
que pour tout k ≥ N ′ , on a |fk (x) − f (x)| ≤ ε/2. Choisissons un entier
m vérifiant m ≥ max(N, N ′ ). On a alors
|fn (x) − f (x)| ≤ |fn (x) − fm (x)| + |fm (x) − f (x)|.
Puisque m ≥ N , on a |fn (x) − fm (x)| ≤ ε/2, et puisque m ≥ N ′ , on a
|fm (x) − f (x)| ≤ ε/2. On a donc montré que
pour tout n ≥ N, pour tout x ∈ I, |fn (x) − f (x)| ≤ ε.
Par la remarque I.1.6, cela se réécrit
pour tout n ≥ N, ||fn − f ||I ≤ ε.
Autrement dit, ||fn − f ||I → 0 lorsque n → +∞.✷
I.2. CONVERGENCE SIMPLE ET UNIFORME DES SUITES DE FONCTIONS 23

0.3

0.25

0.2

0.15

0.1

0.05

-1 -0.5 0 0.5 1
x

-0.05

Figure 1. Une convergence uniforme

0.4

0.3

0.2

0.1

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4


x

Figure 2. Une convergence non uniforme


Chapitre II

Suites et séries de fonctions

II.1. Suites de fonctions : théorèmes généraux

On garde les notations du chapitre précédent. On commence par un


théorème d’interversion de limites.
Théorème II.1.1. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions fn : I → K (I
intervalle de R, K = R ou C), et soit a ∈ I ou une extrémité de I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) (fn )n≥0 converge uniformément sur I vers une fonction f : I → K ;
(ii) Pour tout n ≥ 0, lim fn (x) existe et est finie.
x→a

Alors, la suite (lim fn (x))n≥0 est convergente, lim f (x) existe, et on a


x→a x→a

lim f (x) = lim(lim fn (x)).


x→a n x→a

Autrement dit, on a
lim (lim fn (x)) = lim(lim fn (x)).
x→a n n x→a

Démonstration. Pour tout n ≥ 0, on pose ℓn = lim fn (x). On va


x→a
montrer que (ℓn )n≥0 est de Cauchy.
CU
Soit ε > 0. Puisque fn −→ f , (fn )n≥0 satisfait le critère de Cauchy
I
uniforme par le théorème I.2.23. Il existe donc N tel que
pour tous n, m ≥ N, pour tout x ∈ I, |fn (x) − fm (x)| ≤ ε/3 (1) .

Soit n ≥ 0. Par définition de la suite (ℓn )n≥0 , il existe αn > 0 tel que
pour tout x ∈ I, |x − a| < αn , on a |fn (x) − ℓn | ≤ ε/3 (2) .
Fixons n, m ≥ N , et choisissons un x ∈ I tel que |x−a| < min(αn , αm ).
On a alors

|ℓn −ℓm | ≤ |ℓn −fn (x)|+|fn (x)−fm (x)|+|fm (x)−ℓm | ≤ ε/3+ε/3+ε/3 = ε.


Ainsi, pour tout ε > 0, il existe N tel que pour tout n, m ≥ N , on a
|ℓn − ℓm | ≤ ε. Autrement dit, (ℓn )n≥0 est une suite de Cauchy. Par le
théorème I.2.21, elle est donc convergente vers une limite ℓ ∈ K.
25
26 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

Il reste à montrer que lim f (x) existe et vaut ℓ. Conservons les notations
x→a
précédentes. Puisque (ℓn )n≥0 converge vers ℓ, il existe N ′ ≥ 0 tel que
pour tout n ≥ N ′ , on a |ℓn − ℓ| ≤ ε/3 (3) .

Choisissons un entier m ≥ max(N, N ′ ), et posons α = αm .


Pour tout x ∈ I, |x − a| < α, on a alors
|f (x) − ℓ| ≤ |f (x) − fm (x)| + |fm (x) − ℓm | + |ℓm − ℓ|.
En faisant tendre n vers +∞ dans (1), par continuité de la valeur
absolue/du module, on obtient par passage à la limite que
pour tout m ≥ N, pour tout x ∈ I, |f (x) − fm (x)| ≤ ε/3.

Puisque m ≥ N , on a |f (x) − fm (x)| ≤ ε/3. Puisque m ≥ N ′ , on a


aussi |ℓm − ℓ| ≤ ε/3 par (3). Puisque |x − a| < α = αm , on a enfin
|fm (x) − ℓm | ≤ ε/3 par (2). Ainsi, on a démontré que
pour tout ε > 0, pour tout x ∈ I tel que |x−a| < α, on a |f (x)−ℓ| ≤ ε,
ce qu’il fallait démontrer.✷
Remarque II.1.2. Ce théorème reste vrai si la condition (ii) est vérifiée
pour tout n suffisamment grand. Il reste également vrai si on remplace
lim par lim+ , lim− , lim ou lim (si cela a un sens).
x→a x→a x→a x→+∞ x→−∞

Corollaire II.1.3. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions fn : I → K (I


intervalle de R, K = R ou C), et soit a ∈ I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) (fn )n≥0 converge uniformément sur I vers une fonction f : I → K ;
(ii) Pour tout n ≥ 0, fn est continue en a.
Alors, f est continue en a. En particulier, si fn est continue sur I pour
tout n ≥ 0, alors f est continue sur I.

Démonstration. Gardons les notations du théorème précédent. Puisque


fn est continue en a, on a lim fn (x) = fn (a). La conclusion du théorème
x→a
s’écrit alors
lim f (x) = lim fn (a) = f (a),
x→a n
et donc f est continue en a.✷
Remarque II.1.4. Encore une fois, ce résultat est vrai si fn est conti-
nue en a (resp. continue sur I) pour n assez grand. Il reste aussi vrai si
on remplace ’continue’ par ’continue à gauche’ ou ’continue à droite’.

Ce corollaire permet parfois de décider que la convergence d’une suite


de fonctions n’est pas uniforme.
II.1. SUITES DE FONCTIONS : THÉORÈMES GÉNÉRAUX 27

Exemple II.1.5. Pour tout n ≥ 0, on considère la fonction fn : [0, 1] →


CS
R, x 7→ xn . Alors, fn −→ f , où f est définie par
I


0 si 0 ≤ x < 1
f (x) =
1 si x = 1

Puisque fn est continue pour tout n, et que f n’est pas continue, on en


déduit que la convergence n’est pas uniforme.

Exercice. Retrouver le fait que la convergence n’est pas uniforme en


calculant ||fn − f ||[0,1] , et en étudiant sa limite lorsque n → +∞.
Théorème II.1.6. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions fn : [a, b] → K.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) pour tout n ≥ 0, fn est continue ;
(ii) (fn )n≥0 converge uniformément sur [a, b] vers une fonction f :
Z b
[a, b] → K. Alors, f est continue sur [a, b], lim fn (x)dx existe, et
n a
on a
Z b Z b
f (x)dx = lim fn (x)dx.
a n a
Autrement dit, on a
Z b Z b
lim fn (x)dx = lim fn (x)dx.
a n n a

Démonstration. Par le corollaire précédent, f est continue, donc intégrable.


Soit n ≥ 0. On a
Z b Z b Z b Z b
0≤| fn (x)dx− f (x)dx| = | (fn (x)−f (x))dx| ≤ |fn (x)−f (x)|dx.
a a a a

Or, pour tout x ∈ [a, b], on a 0 ≤ |fn (x) − f (x)| ≤ ||fn − f ||[a,b] . En
intégrant ces inégalités, on obtient
Z b
|fn (x) − f (x)|dx ≤ (b − a)||fn − f ||[a,b] .
a

Ainsi, pour tout n ≥ 0, on a


Z b Z b
0≤| fn (x)dx − f (x)dx| ≤ (b − a)||fn − f ||[a,b] .
a a

On conclue par passage à la limite.


Ce théorème permet d’étudier des limites de suites d’intégrales sans
calculs.
28 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS
r
1
Exemple II.1.7. Soit fn : R → R, x 7→ x2 + (n ≥ 1). On a déjà vu
n
que (fn )n≥1 converge uniformément sur R vers f : x ∈ R 7→ |x| ∈ R,
donc la convergence est aussi uniforme sur [0, 1] (Voyez-vous pour-
quoi ?). D’après le théorème précédent, on en déduit que
Z 1r Z 1
1
x2 + dx → |x|dx = 1/2.
0 n n→+∞ 0

Encore une fois, ce théorème peut permettre parfois de montrer que la


convergence n’est pas uniforme.
2nx CS
Exemple II.1.8. Soit fn (x) = 2 x4
, x ∈ I = [0, 1]. Alors fn −→ 0,
Z 1 1 + n Z 1
[0,1]

et donc lim fn (x)dx = 0. En revanche, on a vu que lim fn (x)dx =


0 n n 0
π
. La convergence n’est donc pas uniforme sur [0, 1].
2
Théorème II.1.9. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions continues fn :
I → K. Pour tout n ≥ 0, on se fixe une primitive Fn de fn sur I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) il existe un x0 ∈ I tel que (Fn (x0 ))n≥0 possède une limite finie y0 ;
(ii) (fn )n≥0 converge uniformément sur I vers une fonction f : I → K.
Enfin, soit F : I → K l’unique primitive de f sur I telle que F (x0 ) = y0
Alors (Fn )n≥0 converge simplement vers F sur I, et converge uni-
formément sur tout invervalle fermé borné inclus dans I.

Démonstration. Par définition, pour tout x ∈ I, on a


Z x Z x
F (x) = y0 + f (t)dt, et Fn (x) = Fn (x0 ) + fn (t)dt.
x0 x0

On a donc
Z x
Fn (x) − F (x) = (Fn (x0 ) − y0 ) + (fn (t) − f (t))dt.
x0

Pour tout n ≥ 0, et pour tout x ∈ I, on a alors


Z x
|Fn (x) − F (x)| ≤ |Fn (x0 ) − y0 | + | (fn (t) − f (t))dt|.
x0

On a donc
Z x
0 ≤ |Fn (x) − F (x)| ≤ |Fn (x0 ) − y0 | + | fn (t) − f (t)dt|,
x0

pour tout x ∈ I et tout n ≥ 0.


II.1. SUITES DE FONCTIONS : THÉORÈMES GÉNÉRAUX 29

Si x ≥ x0 , on a comme dans la démonstration précédente l’inégalité


Z x
| fn (t) − f (t)dt| ≤ (x − x0 )||fn − f ||I .
x0
En revanche, si x ≤ x0 , on a
Z x Z x0 Z x0
| fn (t)−f (t)dt| = |− fn (t)−f (t)dt| = | fn (t)−f (t)dt| ≤ (x0 −x)||fn −f ||I ,
x0 x x
et donc pour tout x ∈ I, on a
Z x
| fn (t) − f (t)dt| ≤ |x − x0 | · ||fn − f ||I .
x0
On a finalement
0 ≤ |Fn (x) − F (x)| ≤ |Fn (x0 ) − y0 | + |x − x0 | · ||fn − f ||I ,
pour tout x ∈ I et tout n ≥ 0. Par passage à la limite, on en déduit
que (Fn )n≥0 converge simplement vers F sur I.
Soit maintenant [a, b] ⊂ I, et soit L = max(b, x0 ) − min(a, x0 ). Alors,
pour tout x ∈ [a, b], on a |x − x0 | ≤ L (faites un dessin !). Ainsi, pour
tout n ≥ 0 et tout x ∈ [a, b], on a
0 ≤ |Fn (x) − F (x)| ≤ |Fn (x0 ) − y0 | + L||fn − f ||I .
Par la remarque I.1.6, cela se réécrit
0 ≤ ||Fn − F ||[a,b] ≤ |Fn (x0 ) − y0 | + L||fn − f ||I .
On conclue en passant à la limite.✷
Enfin, on a aussi un théorème de dérivation terme à terme.
Théorème II.1.10. Soit (fn )n≥0 une suite de fonctions fn : I → K.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) pour tout n ≥ 0, fn est de classe C 1 sur I ;
(ii) (fn )n≥0 converge simplement sur I vers une fonction f : I → K.
(iii) (fn′ )n≥0 converge uniformément sur I vers une fonction g : I → K.
Alors, f est de classe C 1 sur I, et on a f ′ = g. Autrement dit,
(lim fn )′ = lim fn′ .
n n

Démonstration. Pour tout n ≥ 0, fn est une primitive de fn′ sur I. Soit


x0 ∈ I. La suite (fn (x0 ))n≥0 converge vers f (x0 ), puisque fn converge
simplement vers f sur I. De plus, fn′ est continue pour tout n ≥ 0,
et converge uniformément vers g sur I. Par le théorème précédent,
(fn )n≥0 converge simplement sur I vers l’unique primitive G de g telle
que G(x0 ) = f (x0 ). Mais la limite simple d’une suite de fonctions étant
unique, on a f = G, et donc f ′ = G′ = g. Enfin, par hypothèse fn′ est
continue pour tout n ≥ 0, et donc g est continue par le corollaire II.1.3.
Ainsi, f est C 1 . ✷
30 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

Remarque II.1.11. Les trois résultats précédents sont encore vrais si


on remplace la condition ’pour tout n ≥ 0’ par ’pour n assez grand’.

Tous les résultats précédents restent valables pour des suites


de fonctions à plusieurs variables définies sur un même sous-
ensemble de Rn .
Commentaire général. Bien souvent, on n’a pas convergence uni-
forme sur tout I, mais seulement sur une famille de sous-intervalles qui
recouvrent I (i.e. dont la réunion est égale à I), par exemple sur tout in-
tervalle fermé borné inclus dans I. Cela suffit pour avoir les conclusions
des théorèmes précédents.
Par exemple, supposons que fn : I → K soit continue sur I pour tout
n ≥ 0, et que (fn )n≥0 converge uniformément vers f : I → K sur tout
intervalle fermé borné inclus dans I. Soit x0 ∈ I. Alors, x0 est contenu
dans un intervalle fermé borné J inclus dans I (si x1 > x0 ∈ I, alors
[x0 , x1 ] ⊂ I et contient x0 ). En appliquant le corollaire au théorème
II.1.1, on obtient que f est continue sur tout l’intervalle J, donc en
particulier, f est continue en x0 . Comme c’est vrai pour tout x0 ∈ I,
alors f est continue sur I.
Il faut comprendre et savoir refaire ce genre de raisonnement.
Mis à part le théorème II.1.6, qui permet de trouver la limite d’une suite
d’intégrales sans avoir besoin de les calculer, on peut se demander quel
est l’intérêt de tous ces résultats. En général, étant donné une suite de
fonctions, on peut calculer la limite f , et voir directement si elle est
continue ou C 1 . En fait, tout l’intérêt des théorèmes précédents se révèle
dans l’étude des séries de fonctions, où l’on sait en général démontrer
l’existence de la somme d’une série sans pouvoir la calculer. Ainsi, ces
théorèmes vont permettre donner des propriétés de la fonction somme,
sans la connaı̂tre explicitement.

II.2. Rappels sur les séries numériques

Dans tout ce qui suit, (un )n≥0 est une suite de réels ou de complexes.
Définition II.2.1. On appelle suite des sommes partielles de (un )n≥0 ,
la suite (Sn )n≥0 , avec
Xn
Sn = uk .
k=0

On dit que la série de terme général un converge si la suite des sommes


partielles (Sn )n≥0 converge. Sinon, on dit qu’elle diverge.
X
Notation. La série de terme général un se note un .
II.2. RAPPELS SUR LES SÉRIES NUMÉRIQUES 31

Dans le cas où la série de terme général un converge, la limite, notée


S, de la suite (Sn )n≥0 est appelée somme de la série et on note
X∞ X
S= un ou un .
n=0 n≥0

Le reste d’ordre n de la série est alors noté Rn et vaut


X
Rn = S − Sn = uk .
k≥n+1
P
Remarque II.2.2. Si un est CV, alors limn un = 0, la réciproque
étant fausse.
P
Définition
P II.2.3. On dit que un est
P absolument convergente (ACV)
si P |un | est convergente. On dit que un est semi-convergente (SCV)
si un est convergente, mais pas absolument convergente.

On rappelle quelques théorèmes de convergence de série, sans démonstration.


P
Théorème II.2.4. Toute série un absolument convergente est conver-
gente.

Théorème II.2.5 (Comparaison série-intégrale). Soit f : [0, +∞[→


R +∞ R
P
une fonction positive décroissante. Alors f (n) CV ⇐⇒ f (x)dx
CV.

X 1
Théorème II.2.6 (Critère de Riemann). Soit α ∈ R. La série
n≥1

converge si et seulement si α > 1.

Théorème II.2.7 (Critère de Bertrand). Soient α, β ∈ R. La série


X 1
converge si et seulement si une des deux conditions sui-
n≥1
n (lnn)β
α

vantes est vérifiée :


(1) α > 1
(2) α = 1 et β > 1.
Elle diverge dans tous les autres cas.

On rappelle les définitions suivantes.


Définition II.2.8. Soient (un ) et (vn ) deux suites d’éléments de K(
K = R ou C). On dit que (vn ) est négligeable devant (un ) si on a
vn = εn un , lim εn = 0 pour n assez grand.
n

On le note vn = o(un ).
32 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

On dit que (un ) et (vn ) sont équivalentes si on a


vn = εn un , lim εn = 1 pour n assez grand.
n

On le note un ∼ vn .
Théorème II.2.9. Soient (un ) et (vn ) deux suites d’éléments de K
(K = R ou C).
P
(i) On suppose queP pour tout n assez grand, on a |u n | ≤ |v n |. Si vn
est ACV, alors un est ACV.
P P
(ii) Si |vn | = o(|un |), et si un est ACV, alors vn est ACV.
P P
(iii) Si |un | ∼ |vn |, alors un ACV ⇐⇒ vn ACV.
Remarque II.2.10. Si un = o(vn ), resp. un ∼ vn , on a |un | = o(|vn |),
resp. |un | ∼ |vn | (la réciproque étant fausse). Il suffit en effet de passer
au module dans la définition.
On peut donc appliquer les points (ii) et (iii) du théorème précédent en
enlevant la valeur absolue ou le module (ce qui est parfois plus simple
pour montrer la négligeabilité ou calculer les équivalents).
Théorème II.2.11 (Critère de Cauchy). On suppose que (|un |1/n )n≥0
admet une limite ℓ finie ou infinie.
P
(a) Si ℓ < 1, alors un est ACV.
P
(b) Si ℓ > 1, alors un est DV.

Théorème II.2.12 (Critère de d’Alembert). On suppose que un 6= 0


|un+1 |
pour tout n suffisamment grand, et que ( )n≥0 admet une limite ℓ
|un |
finie ou infinie.
P
(a) Si ℓ < 1, alors un est ACV.
P
(b) Si ℓ > 1, alors un est DV.

Théorème II.2.13 (Critère des séries alternées). Soit (an )n≥0 une suite
de réels décroissante et convergeant vers 0. Alors :
X
(1) (−1)n an est CV ;
n≥0

(2) pour tout n ≥ 0, Rn est du signe de (−1)n+1 , et on a |Rn | ≤ an+1 .

On passe maintenant à la transformation d’Abel.


Lemme II.2.14 (Transformation d’Abel). Soient (an )n≥0 et (bn )n≥0
deux suites réelles ou complexes. On note (Bn )n≥0 la suite de sommes
II.2. RAPPELS SUR LES SÉRIES NUMÉRIQUES 33

partielles associées à la suite (bn )n≥0 . Alors, pour tout n ≥ 0, on a


n
X n−1
X
ak b k = an B n − (ak+1 − ak )Bk .
k=0 k=0

On en déduit immédiatement le résultat suivant.


Théorème II.2.15 (Critère d’Abel). Soient (an )n≥0 et (bn )n≥0 deux
suites réelles ou complexes. On suppose que les propriétés suivantes
sont vérifiées :
(i) la suite des sommes partielles associées à la suite (bn )n≥0 est bornée
par un réel M ≥ 0;
P
(ii) la série |an+1 − an | est convergente ;
(iii) la suite (an )n≥0 converge vers 0.
P
Alors la série an bn est convergente. De plus, on a
X X
| an b n | ≤ M |an+1 − an |.
n≥0 n≥0

Corollaire II.2.16. Soit (an )n≥0 une suite de réels décroissante et


convergeant vers 0, et soit une suite (bn )n≥0 de réels ou de complexes
dont la suite
P des sommes partielles est bornée par un réel M ≥ 0. Alors
la série an bn est convergente, et on a
X
| an b n | ≤ M a0 .
n≥0

Démonstration. Puisque (an )n≥0 est décroissante, on a |an+1 − an | =


an − an+1 pour tout n ≥ 0. On a alors
n
X n
X
|ak+1 − ak | = (ak − ak+1 ) = a0 − an+1 .
k=0 k=0
P
Mais puisque (an )n≥0 converge vers 0, la série |an+1 − an | est conver-
gente et on a
X
|an+1 − an | = a0 .
n≥0

On applique alors le théorème précédent pour conclure.


Remarque II.2.17. Si les suites commencent à n0 , les résultats précédents
sont vrais mais il faut remplacer 0 par n0 dans les énoncés.
X cos(n)
Exercice : Montrer que la série √ converge.
n≥1
n
34 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS
X X
Théorème II.2.18. Si un et vn sont ACV, alors les séries
n≥0 n≥0
XX n X
( uk vn−k ) et (un + vn ) sont ACV, et on a
n≥0 k=0 n≥0

X n
X X X X X X
( uk vn−k ) = ( un )( vn ) et (un + vn ) = un + vn .
n≥0 k=0 n≥0 n≥0 n≥0 n≥0 n≥0
X
De plus, pour tout λ ∈ K non nul, λun est ACV (resp. DV) si
n≥0
X X
seulement si un est ACV (resp. DV). Si un est ACV, on a
n≥0 n≥0
X X
λun = λ un .
n≥0 n≥0

II.3. Séries de fonctions

Nous allons maintenant traduire les définitions et résultats du para-


graphe précédent dans le cadre des séries de fonctions. Soit (un )n≥0
une suite de fonctions un : I → K (K = R ou C, I intervalle de R).
X
On dira que la série de fonctions un converge simplement (resp.
n≥0
uniformément) sur I si la suite des sommes partielles
n
X
Sn : I → K, x 7→ un (x).
k=0

converge simplement (resp. uniformément) sur I.


Retraduisons un peu ces définitions.
X
La série de fonctions un converge simplement sur I si et seulement
n≥0
X
si pour tout x ∈ I, la série un (x) est convergente. Dans ce cas, on
n≥0
note S : I → K la fonction définie par
X
S(x) = un (x), x ∈ I.
n≥0
X
On la note aussi un .
n≥0

Par définition, on a
X
S(x) − Sn (x) = Rn (x) = uk (x).
k≥n+1
II.3. SÉRIES DE FONCTIONS 35
X
Ainsi, la série de fonctions un converge uniformément sur I si et
n≥0
X
seulement si ||Rn ||I = sup | uk (x)| converge vers 0 lorsque n →
x∈I
k≥n+1
+∞.
Théorème II.3.1. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions un : I → K (I
intervalle de R, K = R ou C), et soit a ∈ I ou une extrémité de I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
X
(i) un converge uniformément sur I (en particulier, elle converge
n≥0
simplement sur I) ;
(ii) Pour tout n ≥ 0, lim un (x) existe et est finie.
x→a
X X
Alors, lim un (x) est convergente, lim un (x) existe et est finie,
x→a x→a
n≥0 n≥0
et on a X X
lim un (x) = lim un (x).
x→a x→a
n≥0 n≥0

Démonstration. Il suffit de remarquer que la suite des sommes partielles


vérifie les hypothèses du théorème II.1.1.✷
Remarque II.3.2. Ce théorème reste vrai si la suite (et donc la série)
est définie à partir d’un entier n0 . Il reste également vrai si on remplace
lim par lim+ , lim− , lim ou lim (si cela a un sens).
x→a x→a x→a x→+∞ x→−∞

Corollaire II.3.3. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions fn : I → K


(I intervalle de R, K = R ou C), et soit a ∈ I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
X
(i) S = un converge uniformément sur I ;
n≥0

(ii) Pour tout n ≥ 0, un est continue en a.


X
Alors, S = un est continue en a. En particulier, si un est continue
n≥0
X
sur I pour tout n ≥ 0, alors S = un est continue sur I.
n≥0

Remarque II.3.4. Encore une fois, ce résultat est vrai si la série com-
mence à n0 . Il reste aussi vrai si on remplace ’continue’ par ’continue
à gauche’ ou ’continue à droite’.
X 1
Exemple II.3.5. La série de fonctions S(x) = converge sur
n≥1
nx
I =]1, +∞[.
36 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

En revanche, la convergence n’est pas uniforme sur I. En effet, suppo-


1
sons le contraire. Comme un : I → R, x 7→ x a une limite finie en
n
+
X 1
1 , égale à 1/n, alors le théorème II.3.1 nous assure que lim+ x =
x→1 n
n≥1
X1
converge. On obtient une contradiction, puisque cette dernière
n≥1
n
série numérique diverge.
Théorème II.3.6. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions un : [a, b] → K.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
(i) pour tout n ≥ 0, un est continue ;
X
(ii) S = un converge uniformément sur [a, b].
n≥0
XZ b
Alors, S est continue sur [a, b], un (x)dx est convergente, et on
n≥0 a
a Z b XZ b
S(x)dx = un (x)dx.
a n≥0 a

Autrement dit, on a
Z bX XZ b
un (x)dx = un (x)dx.
a n≥0 n≥0 a

Démonstration. Encore une fois, on applique le théorème II.1.6 à la


suite des sommes partielles. ✷
On retraduit maintenant le théorème de primitivation.
Théorème II.3.7. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions continues un :
I → K. Pour tout n ≥ 0, on se fixe une primitive Un de un sur I.
On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :
X
(i) il existe un x0 ∈ I tel que Un (x0 ) converge ;
n≥0
X
(ii) S = un converge uniformément sur I.
n≥0
X
Soit T l’unique primitive de S sur I telle que T (x0 ) = Un (x0 ).
n≥0
X
Alors Un converge simplement vers T sur I, et converge uniformément
n≥0
sur tout invervalle fermé borné inclus dans I.
Théorème II.3.8. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions un : I → K.
II.3. SÉRIES DE FONCTIONS 37

On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :


(i) pour tout n ≥ 0, un est de classe C 1 sur I ;
X
(ii) S = un converge simplement sur I ;
n≥0
X
(iii) u′n converge uniformément sur I.
n≥0
X
Alors, S est de classe C 1 sur I , et on a S ′ = u′n . Autrement dit,
n≥0
on a X X
( un ) ′ = u′n .
n≥0 n≥0

Il peut être très délicat d’établir la convergence uniforme d’une série de


fonctions, car la fonction Rn est plutôt difficile à étudier. Pour contour-
ner la difficulté, nous allons introduire une nouvele notion de conver-
gence spécifique aux séries.
X
Définition II.3.9. On dit que la série de fonctions un converge
n≥0
X
normalement sur I si ||un ||I converge.
n≥0

L’intérêt de cette notion est donnée par la proposition suivante.


X
Proposition II.3.10. Si un converge normalement sur I, alors elle
n≥0
converge uniformément sur I.

Démonstration. On va montrer que la suite des sommes X partielles


vérifie le critère de Cauchy uniforme. Soit ε > 0. Puisque ||un ||I
X n≥0
converge, il existe N ≥ 0 tel que, pour tout n ≥ N , on a ||uk ||I ≤
k≥n+1
ε. Pour tous n, m ≥ N, m ≥ n, et pour tout x ∈ I, on a alors
m
X m
X Xm X
|Sn (x)−Sm (x)| = | uk (x)| ≤ |uk (x)| ≤ ||uk ||I ≤ ||uk ||I ≤ ε,
k=n+1 k=n+1 k=n+1 k≥n+1

d’où le résultat. ✷
X 1
Exemple II.3.11. On a déjà vu que la série x
converge simple-
n≥1
n
ment sur ]1, +∞[, mais pas uniformément (et donc pas normalement).
En revanche, elle converge uniformément sur [a, +∞[, pour tout a > 1.
Pour le voir, on va montrer qu’il y a en fait convergence normale sur
[a, +∞[.
38 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

1
Il n’est pas difficile de voir que un : x 7→ est décroissante sur ]1, +∞[,
nx
1 X
donc sur [a, +∞[. Ainsi, ||un ||[a,+∞[ = a . Comme ||un ||[a,+∞[ =
n n≥1
X 1
a
converge (puisque a > 1), on a convergence normale sur [a, +∞[.
n≥1
n
X 1
On peut alors en déduire que S : x 7→ est continue sur ]1, +∞[.
n≥1
nx
En effet, soit x0 ∈]1, +∞[, et soit 1 < a < x0 . Alors, S converge nor-
malement, donc uniformément sur [a, +∞[, et comme un est continue
sur [a, +∞[, on en déduit par le corollaire au théorème II.3.1 que S est
continue sur [a, +∞[. En particulier, S est continue en x0 , car x0 > a.
Comme ceci est vrai pour tout x0 ∈]1, +∞[, on en déduit le résultat.

Achtung ! ! ! La convergence normale implique la convergence uni-


forme, mais la réciproque est fausse.
X (−1)n
Exemple II.3.12. Considérons la série de fonctions S(x) = .
n≥1
n + x2
Le critère des séries alternées nous permet d’affirmer que cette série
converge simplement sur [0, +∞[. On vérifie facilement que
(−1)n 1
sup | 2
| = .
x∈[0,+∞[ n + x n
X1
Comme diverge, on n’a pas convergence normale. En revanche,
n≥1
n
la dernière partie du critère des séries alternées nous donne
1 1
pour tout x ∈ [0, +∞[, |Rn (x)| ≤ 2
≤ .
n+1+x n
Par la remarque I.1.6, on a ||Rn ||[0,+∞[ ≤ 1/n. On en déduit que
limn ||Rn ||[0,+∞[ = 0, d’où la convergence uniforme sur [0, +∞[.
Remarquons qu’en fait, on a convergence simple et uniforme sur R, car
pour tout n ≥ 0, le terme général est une fonction paire. On en déduit
que toutes les sommes partielles Sn sont paires, ainsi que S, et donc Rn
également. Par conséquent, on a kRn kR = kRn k[0,+∞[ , qui tend donc
vers 0 quand n → +∞.
X
Remarque II.3.13. Si la série de fonctions un converge normale-
n≥0
CU
ment sur I, alors un −→ 0.
I
X
En effet, par hypothèse, la série ||un ||I converge, et donc son terme
n≥0
général tend vers 0 lorsque n → +∞.
II.3. SÉRIES DE FONCTIONS 39

Cette remarque peut parfois servir pour montrer qu’il n’y a pas conver-
gence normale, dans les cas où ||un ||I n’est pas calculable de manière
exacte.

Pour finir, voici un critère établissant la convergence normale.


Proposition
X II.3.14. Soit (un )n≥0 une suite de fonctions un : I → K.
Alors, un converge normalement sur I si et seulement s’il existe
n≥0
une suite de réels positifs (an )n≥0 indépendante de x vérifiant les
deux conditions suivantes :
X
(i) an est convergente ;
n≥0

(ii) pour tout n ≥ 0, et pour tout x ∈ I, on a |un (x)| ≤ an .

Démonstration.
X
Supposons que un converge normalement sur I, et posons an =
n≥0
X
||un ||I . Par hypothèse, an est convergente. Par définition de la borne
n≥0
supérieure, la deuxième condition est aussi vérifiée.
Inversement, supposons qu’il existe une suite (an )n≥0 vérifiant les condi-
tions de la proposition. Par la remarque I.1.6, la condition (ii) se réécrit
||un ||I ≤ an ,
pour tout n X
≥ 0. Par le critère de comparaison, et en utilisant (i), on
obtient que ||un ||I converge, d’où la conclusion.✷
n≥0

Remarque II.3.15. Le résultat reste valable si la condition (ii) est


vérifiée pour n suffisamment grand.
Exemple II.3.16. Voici un exemple de question typique qu’il faut sa-
voir résoudre : étudier la convergence simple, uniforme et normale de la
X sin(nx2 )
série de fonctions , ainsi que la continuité et la dérivabilité
n≥0
n3
de la somme.
sin(nx2 ) 1 X 1
Pour tout x ∈ R, on a | | ≤ . La série est convergente.
n3 n3 n≥1
n 3

X sin(nx2 )
Par le critère précédent, la série de fonctions converge
n≥1
n3
normalement sur R, donc uniformément (et donc simplement) sur R.
sin(nx2 )
Comme la fonction un : x ∈ R 7→ ∈ R est continue sur R pour
n3
tout n ≥ 1, le corollaire II.3.3 entraı̂ne que la fonction
40 II. SUITES ET SÉRIES DE FONCTIONS

X sin(nx2 )
S : x ∈ R 7→ ∈R
n≥1
n3
est continue sur R.
Étudions la dérivabilité de S. Pour tout n ≥ 1, un est de classe C 1 sur
R, et on a
2x cos(nx2 )
u′n (x) = .
n2 P ′
Il faut maintenant la convergence uniforme de la série un sur R. Es-
sayons tout d’abord de voir s’il y a convergence normale. Intuitivement,
le x va empêcher la convergence normale puisque l’on peut le choisir
suffisamment grand, et que moralement on va pouvoir rendre |u′n (x)|
aussi grand que l’on veut. Pour le voir rigoureusement, on peut par
exemple raisonner comme suit : pour tout n ≥ 1, on a
√ √ √
||u′n ||R ≥ |u′n ( 2πn2 )| = 2 cos 2π(2πn5 ) = 2 2π.
En particuler, ||u′n ||R ne converge pas vers 0 lorsque n → +∞, et donc
||u′n ||R diverge.
P

Ainsi, on n’a pas convergence normale sur R.


Par contre, on peut essayer de voir s’il n’y a pas convergence normale
sur des familles d’intervalles qui recouvrent R. On va montrer que u′n
P
converge normalement sur [−a, a] pour tout a > 0.
Pour tout x ∈ [−a, a], on a
2a
|u′n (x)| ≤ .
n2
X 2a
u′n converge
P
Or la série converge. Par le critère précédent,
n≥1
n2
normalement donc uniformément sur [−a, a], et ceci pour tout a > 0.
De plus, S converge simplement sur R, donc en particulier sur [−a, a].
X
Ainsi, par le théorème II.3.8, on en déduit que S = un est C 1 sur
n≥1
[−a, a] pour tout a > 0, et sa dérivée est donnée par
X 2x cos(nx2 )

S (x) = .
n≥1
n2

Mais tout x ∈ R est contenu dans un intervalle de la forme [−a, a], a > 0
(on peut prendre [−x − 1, x + 1]). On en déduit que S est C 1 sur R
tout entier et que S ′ (x) est donnée par
X 2x cos(nx2 )
S ′ (x) = 2
pour tout x ∈ R.
n≥1
n
II.3. SÉRIES DE FONCTIONS 41
P ′
On peut démontrer par ailleurs que la série un ne converge pas uni-
formément sur R, mais c’est un peu plus délicat. Voici comment on y
arrive : on a

√ 2
X 2 2πn2 cos(2kπn4 ) √ X n2
||Rn ||R ≥ |Rn ( 2πn )| = | 2
| = |2 2π 2
|,
k≥n+1
k k≥n+1
k
soit
√ X 1 √ n2
||Rn ||R ≥ 2 2πn2 ≥ 2 2π .
k≥n+1
k2 (n + 1)2

Or, la quantité de droite converge vers 2 2π 6= 0. Par passage à la
limite, on voit queP||Rn ||R ne peut pas converger vers 0, donc la conver-
gence de la série u′n n’est pas uniforme sur R.

(−1)n
Exercice : Soit un : x ∈ R 7→ ∈ R.
nx
X
1. Montrer que un converge simplement sur ]0, +∞[.
n≥1

2. Calculer ||un ||]0,+∞[ et montrer qu’il n’y a pas convergence normale


sur ]0, +∞[.
3. Montrer qu’il n’y a pas convergence uniforme sur ]0, +∞[ (on pourra
utiliser le théorème II.3.1). Retrouver le fait qu’il n’y a pas convergence
normale.
X
4. Établir la continuité de S = un sur ]0, +∞[.
n≥1

5. Étudier la dérivabilité de S sur ]0, +∞[.


Tous les résultats précédents restent valables pour des séries
de fonctions à plusieurs variables définies sur un même sous-
ensemble de Rn .
Chapitre III

Séries entières

III.1. Rayon de convergence d’une série entière

Définition III.1.1. Une série entière est une série de fonctions de la


forme X
an x n ,
n≥0

où (an )n≥0 est une suite de réels ou de complexes.

Nous allons utiliser les résultats du chapitre précédent pour étudier


les séries entières. On va voir que ces séries ont des propriétés parti-
culièrement agréables.
On commence par un résultat fondamental.
Théorème III.1.2. Soit (an )n≥0 une suite de réels ou de complexes.
Alors, il existe un unique élément R de R+ ∪ {+∞} possédant les deux
propriétés suivantes :
X
(i) pour tout x ∈ R tel que |x| < R, la série an xn est ACV ;
n≥0
X
(ii) pour tout x ∈ R tel que |x| > R, la série an xn est DV.
n≥0

De plus, on a R = sup{r ≥ 0|(|an |rn )n≥0 est majorée }.

Démonstration. Montrons l’unicité d’un tel élément. Supposons que R


et R′ vérifient les deux conditions de l’énoncé. Supposons que R < R′

(ce qui implique que R Xest fini), et soit x ∈ R tel que R < |x| < R .
Alors, par choix de R, an xn diverge. Mais par choix de R′ , cette série
n≥0
est absolument convergente, donc convergente, d’où une contradiction.
Ainsi R ≥ R′ . En échangeant les rôles de R et R′ , on obtient R′ ≥ R,
et donc R = R′ .
Passons à l’existence, et posons
A = {r ≥ 0|(|an |rn )n≥0 est majorée }.
Remarquons que A est non vide, puisque 0 ∈ A. Posons R = sup(A)
(on rappelle que sup(A) = +∞ si A n’est pas majorée).
43
44 III. SÉRIES ENTIÈRES

Soit x ∈ R tel que |x| < R. Alors, il existe r ∈ A tel que |x| <
r. Sinon, pour tout r ∈ A, on a aurait r ≤ |x|. Ainsi, |x| serait un
majorant de A, et on aurait R ≤ |x|, d’où une contradiction. Mais
alors, (|an |rn )n≥0 est majorée. Soit M un majorant de cette suite (qui
est donc nécessairement positif). On a alors
|an | · |x|n = |x/r|n |an |rn ≤ M |x/r|n .
X
M |x/r|n converge, et donc |an | · |x|n
P
Comme |x/r| < 1, la série
X
converge également. Ainsi, an xn est ACV.
n≥0

Soit maintenant x ∈ R tel que |x| > R. Alors (|an | · |x|n )n n’est pas
majorée. Sinon on aurait |x| ∈ A, et donc |x| ≤ R par définition de la
borneX supérieure. En particulier, (an xn )n ne converge pas vers 0 et la
série an xn diverge.✷
n≥0

Définition III.1.3. L’élément R de R+ ∪{+∞} défini dans le théorème


X
précédent est appelé le rayon de convergence de la série entière an x n .
n≥0

Remarques III.1.4.
X
(1) Si x ∈ R est tel que an xn est CV, alors |x| ≤ R.
n≥0
X
En effet, dans le cas contraire, on aurait |x| > R et an x n
n≥0
serait divergente.
X
(2) Si x ∈ R est tel que an xn est DV, alors |x| ≥ R.
n≥0
X
En effet, dans le cas contraire, on aurait |x| < R et an x n
n≥0
serait ACV, donc convergente.
X
(3) Si x ∈ R est tel que an xn est SCV, alors |x| = R.
n≥0
En effet, puisqu’elle n’est pas DV, on a |x| ≤ R. Mais puis-
qu’elle n’est pas ACV, on a |x| ≥ R.
(4) Si x ∈ R est tel que (|an xn |)n≥0 est majorée, alors |x| ≤ R
(c’est par exemple le cas si (|an xn |)n≥0 est convergente).
En effet, dans ce cas, |x| ∈ {r ≥ 0|(|an |rn )n≥0 est majorée }.
Comme R est le sup de cet ensemble, on a la conclusion.
En particulier, si (|an |)n≥0 est majorée (par exemple, si elle
est convergente), alors R ≥ 1.
III.1. RAYON DE CONVERGENCE D’UNE SÉRIE ENTIÈRE 45

Il faut comprendre et savoir faire ce genre de raisonnement au cas par


cas.
Le lemme suivant est particulièrement utile pour le calcul de rayon de
convergence.
Lemme III.1.5. Soient (an )n≥0 P et (bn )n≥0 deux
P suites de complexes. On
suppose que |an | ∼ |bn |. Alors an xn et bn xn ont même rayon de
convergence.

Démonstration. L’hypothèse implique que pour tout x ∈ R, les suites


|an ||x|nPet |bn ||x|n sont équivalentes. Ainsi,P
on obtient que , pour tout
x ∈ R, an xn est ACV si et seulement si bn xn est ACV.
Soient R et R′ les rayons de convergence de an xn et bn xn res-
P P

pectivement. Si R < R , alors il existe x ∈ R tel que P R < |x| < R′ .
Mais
P alors, par définition du rayon de convergence, an xn est DV et
bn x est CV, ce qui contredit ce qui précède. Ainsi, R ≥ R′ . En
n

échangeant les rôles de an et bn , on obtient aussi R′ ≥ R, d’où R = R′ .


Remarque III.1.6. Si an ∼ bn , alors |an | ∼ |bn |, et on peut donc
appliquer le résultat précédent.

Méthodes de calculs du rayon de convergence.


(1) Utiliser les critères de d’Alembert ou de Cauchy et la définition.
(2) Utiliser les remarques précédentes.
(3) Utiliser le lemme III.1.5 (et la remarque qui suit).
(4) Utiliser la formule explicite.
Exemples III.1.7.

n3 xn . On a
P
(1) Considérons
(n + 1)3 xn+1
| | = (1 + 1/n)3 |x| → |x|.
n3 x n
Par le critère de d’Alembert, pour tout x ∈ R tel que |x| < 1, la
série est ACV, et pour tout x ∈ R tel que |x| > 1, la série est DV.
Par définition du rayon de convergence, on en déduit que R = 1.
(2) Considérons 2n x2n . C’est bien une série de la forme an xn
P P
(mais les termes de rang impair sont nuls). On a
|2n x2n |1/n = 2|x|2 → 2|x|2 .
Par le critère de Cauchy, pour tout x ∈ R tel que 2|x|2 < 1, la
série est ACV, et pour tout x ∈ R tel que 2|x|2 > 1,√la série est
DV. Autrement dit, pour tout x ∈ R tel que√|x| < 1/ 2, la série
est ACV, et pour tout x ∈ R tel que |x| > / 2, la série est DV.
46 III. SÉRIES ENTIÈRES

√Par définition du rayon de convergence, on en déduit que R =


1/ 2. Remarquons que le critère de d’Alembert marche très bien
également.
cos(n)xn . Si x = 1, la série est DV, puisque
P
(3) Considérons
cos(n) 6→ 0. Donc, 1 ≥ R par la remarque III.1.4 (2), soit R ≤ 1.
Remarquons maintenant que (| cos(n)|)n≥0 est majorée, et donc
R ≥ 1 par la remarque III.1.4 (4). Ainsi, R = 1.
Considérons cos( n1 )xn . On a cos( n1 ) ∼ 1 et ainsi, cos( n1 )xn
P P
(4)P
et xn ont même rayon de convergence. Or, le rayon de conver-
gence de la seconde série entière est 1. Donc R = 1.
1
(5) Considérons sin( n1 )xn . On a sin( n1 ) ∼ et ainsi, sin( n1 )xn
P P
n
P xn
et ont même rayon de convergence. Or, le rayon de conver-
n
gence de la seconde série entière est 1. Pour le voir, on peut soit
P (−1)n
utiliser d’Alembert, soit remarquer que la série est SCV,
n
et utiliser la remarque III.1.4 (3). Donc R = 1.
(6) Considérons (2 − (−1)n )−n xn . On a 2 − (−1)n = 1 ou 3,
P
et donc (2 − (−1)n )−n ≤ 1 pour tout n ≥ 0. Cette suite étant
majorée, on a R ≥ 1 par la remarque III.1.4 (4). De plus, la suite
(2−(−1)n )−n ne converge pas vers 0 (puisque les termes de la suite
sont égaux à 1 une fois sur deux). En particulier, (2−(−1)n )−n
P
diverge et on a 1 ≥ R par la remarque III.1.4 (2). D’où R = 1.

P (−1)n + n n
(7) Considérons ln( √ )x . On a
n+1
√ √
(−1)n + n n (−1)n
ln( √ ) = ln( √ (1 + √ )) → 0 lorsque n → +∞.
n+1 n+1 n
En particulier, cette suite est majorée et donc R ≥ 1 par la
remarque III.1.4 (4).

P (−1)n + n
On va maintenant montrer que ln( √ ) est DV, ce
n+1
qui prouvera que 1 ≥ R par la remarque III.1.4 (2). On a

(−1)n + n 1 (−1)n (−1)n 1 1
ln( √ ) = ln((1+ )−1/2 ·(1+ √ )) = ln(1+ √ )− ln(1+ ).
n+1 n n n 2 n
On vérifie alors aisément que l’on a

(−1)n + n (−1)n 1 (−1)n 1
ln( √ )= √ − + 3/2
+ o( 3/2 ).
n+1 n n 3n n
P (−1)n
Par le critère des séries alternées, √
n
CV. Par le critère de
P (−1)n
Riemann, 3n3/2
est ACV, donc CV. Par le critère de négligeabilité,
III.1. RAYON DE CONVERGENCE D’UNE SÉRIE ENTIÈRE 47

1
P
o( n3/2 ) est ACV, donc CV. Enfin, par le critère de Riemann,

P1 P (−1)n + n
n
est DV. On en déduit que ln( √ ) est DV. Fina-
n+1
lement, R = 1.
Remarques III.1.8.

(1) LorsqueX x = ±R, on ne peut a priori rien dire de la nature


de la série an xn . Tout peut arriver ! La série peut converger
R et −R, diverger en R et −R, converger en R et diverger en
−R...A titre d’exercice, le lecteur pourra trouver une série entière
correspondant à chaque cas.
(2) Le rayon de convergence peut être nul ou infini. Pour s’en
X X xn
convaincre, on pourra considérer les séries n!xn et .
n!
Exercice. Calculer le rayon de convergence des séries entières de la
P P (n) n P P (n) n
forme Q(n)
x et n!
x , où P et Q sont des polynômes (et Q ne
s’annule pas sur les entiers).
On continue par une proposition qui nous sera utile par la suite.
Proposition III.1.9. Les séries entières
X X X an−1
an x n , (n + 1)an+1 xn et xn
n≥0 n≥0 n≥1
n
ont même rayon de convergence.
X
Démonstration. Soit R le rayon de convergence de an xn , et soit
n≥0
X
′ n
R le rayon de convergence de (n + 1)an+1 x . Soit x ∈ R, |x| < R′ .
n≥0
Pour tout n ≥ 1, on a
|an xn | ≤ |nan xn−1 | · |x|/n ≤ |nan xn−1 ||x|.
X X
Comme |x| < R′ , la série (n + 1)an+1 xn = nan xn−1 est ACV,
n≥0 n≥1
X
n
donc la série an x est alors aussi ACV.
n≥0

Si on avait R′ > R, alors il existerait x ∈ R tel que R < |x| < R′ , ce


qui contredirait ce qui précède, puisque pour ce x, on aurait |x| < R′ ,
an x serait DV par définition de R. On a donc R′ ≤ R.
n
P
mais
SoitPmaintenant x ∈ R, |x| < R, et soit |x| < r < R. Par définition de
R, an rn est ACV. D’autre part, on a
n
n|an ||x|n−1 = |an |rn (|x|/r)n−1 .
r
48 III. SÉRIES ENTIÈRES

Or, nr (|x|/r)n−1 → 0 car |x|/r < 1, et donc nan xn−1 = o(an rn ). Ainsi,
nan xn−1 est ACV. Si on avait R > R′ , il existerait x ∈ R tel que
P

R < |x| < R, ce qui contredirait ce qui précède, puisque pour ce x, on
n−1
serait DV par définition de R′ . On a
P
aurait |x| < R, mais nan x

donc R ≤ R .
X an−1
Finalement, on obtient R = R′ . En appliquant ceci à la série xn ,
n≥1
n
on montre que le rayon de convergence de cette série est aussi égal à
R.✷
Pour finir, on s’intéresse au rayon de convergence d’une somme et d’un
produit.
X X
Proposition III.1.10. Soient an xn et bn xn deux séries entières,
n≥0 n≥0
de rayons de convergence respectifs R et R′ , et soit λ ∈ K non nul.
Alors :
X
(1) le rayon de convergence de λan xn est R. De plus, pour tout
n≥0
x ∈ R, |x| < R, on a
X X
λan xn = λ an x n .
n≥0 n≥0

XX n
(2) le rayon de convergence de ( ak bn−k )xn est ≥ min(R, R′ ). De
n≥0 k=0
plus, pour tout x ∈ R, |x| < min(R, R′ ), on a
XX X X
( ak bn−k )xn = ( an xn )( bn xn ).
n≥0 k=0 n≥0 n≥0
X
(3) le rayon de convergence de (an + bn )xn est ≥ min(R, R′ ), et on
n≥0
a égalité si R 6= R′ . De plus, pour tout x ∈ R, |x| < min(R, R′ ), on a
X X X
(an + bn )xn = an x n + bn xn .
n≥0 n≥0 n≥0

Démonstration.
Le point (1) provient directement du théorème II.2.18 et de la définition
XX n
du rayon de convergence. Soit R′′ le rayon de convergence de ( ak bn−k )xn .
n≥0 k=0
X X
n

Pour tout x ∈ R, |x| < min(R, R ), les séries an x et bn xn sont
n≥0 n≥0
XX n
ACV. On sait alors que ( ak bn−k )xn est ACV et que sa somme est
n≥0 k=0
III.1. RAYON DE CONVERGENCE D’UNE SÉRIE ENTIÈRE 49

celle annoncée par le théorème II.2.18. Si on avait min(R, R′ ) > R′′ ,


il existerait x ∈ R tel que R′′ < |x| < min(R, R′ ), ce qui contredi-
rait le fait précédent (comme dans la démonstration ci-dessus). Ainsi,
min(R, R′ ) ≤ R′′ .
Montrons le point (3). Notons cette fois R′′ le rayon de convergence de
X
(an + bn )xn . Un raisonnement identique au précédent montre que
n≥0
R′′ ≥ min(R, R′ ) et que l’on a l’égalité entre séries désirées. Supposons
maintenantXque R 6= R′ , par exemple ′
X R < R , et soit x ∈ R, R < |x| <
R′ . Alors bn xn est ACV. Si (an + bn )xn était ACV, puisque
n≥0
X Xn≥0 X
n
−bn x est aussi ACV, alors an x n = (an + bn − bn )xn le serait
n≥0 n≥0 n≥0
X
aussi, et on aurait |x| ≤ R, ce qui n’est pas le cas. Donc (an + bn )xn
n≥0
n’est pas ACV, ce qui implique que |x| ≥ R′′ .
Si on avait R′′ > R, il existerait x ∈ R tel que R < |x < |R′ et
|x| < R′′ , ce qui contredirait l’assertion précédente (il suffit de prendre
R < |x| < min(R′ , R′′ )).
Finalement, R′′ ≤ R = min(R, R′ ), d’où l’égalité R′′ = min(R, R′ ). ✷
Remarque III.1.11. Le théorème précédent
X est optimal.
X Par exemple,
n n
on peut trouver deux séries entières an x et bn x deux séries
n≥0 n≥0
XX n

entières, de rayons de convergence respectifs R et R , telles que ( ak bn−k )xn
n≥0 k=0

soit de rayon de convergence > min(R, R ).
OnXpeut trouver aussi des exemples tels que le rayon de convergence
de (an + bn )xn soit > R si R = R′
n≥0
X
Exemples III.1.12. (1) Si on considère les séries entières xn et
n≥0
X
n
−x , alors elles ont même rayon de convergence R = 1, mais la
n≥0
X
série (1 − 1)xn = 0 a un rayon de convergence infini.
n≥0

(2) Posons an = 1Xpour tout X


n ≥ 0, et b0 = 1, b1 = −1, bn = 0 pour
n
tout n ≥ 2. Alors an x = xn a un rayon de convergence R = 1,
n≥0 n≥0
X
n
et bn x = 1 − x a un rayon de convergence R′ = +∞. On a donc
n≥0
min(R, R′ ) = 1. Par contre, on vérifie aisément que nk=0 ak bn−k = 1
P
50 III. SÉRIES ENTIÈRES

XX n
si n = 0 et 0 si n ≥ 1. La série ( ak bn−k )xn est donc de rayon de
n≥0 k=0
convergence +∞ > 1.

(3) On peut aussi trouver un exemple avec des rayons de convergence


finis. Soit a0 = 1, an = 2(−1)n , n X ≥ 1, et soit X
b0 = 1, bn = 2, n ≥ 1.
n
On vérifie que les séries entières an x et bn xn ont un rayon
n≥0 n≥0
n
X
de convergence égal à 1. Posons cn = ak bn−k . On va montrer que
X k=0
n
cn x a un rayon de convergence infini.
n≥0

En fait, on a c0 = a0 b0 = 1, et pour n ≥ 1, on a
n−1
X n−1
X
n
c n = an + b n + ak bn−k = 2(−1) + 2 + 4 (−1)k .
k=1 k=1
n−1
X
On vérifie aisément (par calcul direct ou par récurrence) que (−1)k
k=1
vaut 0 si n est
X impair et −1 si n est pair. On a alors cn = 0 pour tout
n ≥ 1. Donc cn xn = 1, et a donc un rayon de convergence infini.
n≥0

III.2. Propriétés des séries entières, applications

On commence par un lemme.


an xn une série
P
Lemme III.2.1. Soit P entière de rayon de convergence
R. Alors, pour tout 0 < r < R, an xn converge normalement sur
[−r, r].

Démonstration. Pour tout x ∈ [−r, r], on a


|an xn | ≤ |an |rn .
an rn est convergente. Par la proposition II.3.14, on
P
Puisque r < R,
a le résultat.
On peut alors démontrer le résultat suivant.
X
Théorème III.2.2. Soit an xn une série entière de rayon de conver-
n≥0
gence R non nul, et soit
X
f :] − R, R[→ K, x 7→ an x n .
n≥0

Alors :
III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 51

(1) f est infiniment dérivable sur ] − R, R[, et pour tout p ≥ 1, on a


X X
f (p) (x) = n(n−1) · · · (n−p+1)an xn−p = (n+1)(n+2) · · · (n+p)an+p xn ,
n≥p n≥0

pour tout x ∈] − R, R[.


f (p) (0)
De plus, pour tout p ≥ 0, on a ap = .
p!
(2) L’application
X an X an−1
F :] − R, R[→ K, x 7→ xn+1 = xn
n≥0
n + 1 n≥1
n
est l’unique primitive de f qui s’annule en 0.

Démonstration. Il suffit de montrer le résultat sur tout intervalle de


la forme [−r, r], avec 0 < r < R, puisque tout élément de ] − R, R[
appartient à un intervalle de cette forme (faire un dessin !).
Par le lemme III.2.1, la série définissant f converge normalement, donc
uniformément, sur [−r, r]. Comme x 7→ an xn est continue pour tout n,
on en déduit par le corollaire au théorème II.3.1 que f est continue sur
[−r, r]. De plus, on remarque que la série définissant F converge pour
x0 = 0, et vaut 0. On applique alors le théorème II.3.7 pour obtenir
(2).
X X
Par la proposition III.1.9, la série nan xn−1 = (n + 1)an+1 xn a
n≥1 n≥0
rayon de convergence R. Elle converge donc normalement, donc uni-
formément, sur [−r, r]. Comme x 7→ an xn est de classe C 1 sur [−r, r],
on peut appliquer le théorème II.3.8 pour obtenir que f est C 1 sur
[−r, r], et que
X
f ′ (x) = nan xn−1 , pour tout x ∈ [−r, r].
n≥1

En réitérant le raisonnement, on montre (par récurrence) le résultat


voulu.
La dernière partie du point (1) s’obtient en remplaçant x par 0 dans
l’égalité.✷
X X
Corollaire III.2.3. Soient deux séries entières an xn et bn xn .
n≥0 n≥0
On suppose qu’il existe un r > 0 tel que les deux séries entières convergent
sur ] − r, r[ et
X X
an x n = bn xn pour tout x ∈] − r, r[.
Alors, les deux séries entières ont un rayon de convergence non nul et
on a an = bn pour tout n ≥ 0.
52 III. SÉRIES ENTIÈRES
X
En particulier, si an xn est une série entière tel qu’il existe r > 0
n≥0
pour lequel on a
X
an xn = 0 pour tout x ∈] − r, r[,
alors an = 0 pour tout n ≥ 0.
X X
Démonstration. Soit x ∈] − r, r[. Par hypothèse, an xn et bn xn
n≥0 n≥0
convergent. Si R et R′ désignent leurs rayons de convergences respectifs,
la remarque III.1.4 (1) montre que |x| ≤ R et |x ≤ R′ . Si on avait r > R,
il existerait x ∈ R tel que R < |x| < r, ce qui contredit ce qui précède.
Donc r ≤ R, et de même r ≤ R′ . En particulier, R > 0 et R′ > 0.
X
Soient f :] − R, R[→ K, x 7→ an xn et g :] − R′ , R′ [→ K, x 7→
n≥0
X
n
bn x . Par le théorème précédent, pour tout p ≥ 0, on a
n≥0

f (p) (0) g (p) (0)


ap = et bp = .
p! p!
Mais f et g coı̈ncident sur ]−r, r[ (qui est bien inclus dans le domaine de
définition de f et de g car r ≤ R et r ≤ R′ ). Leurs dérivées successives
en 0 coı̈cident donc également, d’où la conclusion. Pour la deuxième
partie, il suffit de prendre bn = 0 pour tout n ≥ 0. ✷
Définition III.2.4. Une fonction f : I → K est dite Xdéveloppable en
série entière autour de 0 s’il existe une série entière an xn de rayon
n≥0
de convergence R > 0 et un réel 0 < r ≤ R tel que ] − r, r[⊂ I et
X
f (x) = an xn pour tout x ∈] − r, r[.
n≥0

X
D’après les résultats précédents, la série entière an xn est unique, et
n≥0
est appelé le développement en série entière (DSE) de f autour de 0.
Remarque III.2.5. Grâce au théorème précédent, on voit que si f
admet un DSE autour de 0, alors elle est de classe C ∞ autour de 0. La
réciproque est fausse ! ! ! On remarque aussi que si f admet un DSE,
c’est nécessairement
X f (n) (0)
f (x) = xn ,
n≥0
n!

pour tout x dans un voisinage de 0.


III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 53

Grâce à ces résultats, les séries entières permettent (parfois) de résoudre


des équations différentielles.
Exemple III.2.6. Considérons l’équation différentielle
x2 y ′′ + xy ′ + x2 y = 0, y(0) = 1.

Supposons qu’il Xy ait une solution f développable en série entière, c’est-


à-dire f (x) = an xn sur un intervalle ouvert centré en 0, où la série
n≥0
entière a un rayon de convergence R non nul.
Par le théorème précédent, on a
X X
f ′ (x) = nan xn−1 et f ′′ (x) = n(n − 1)an xn−2 ,
n≥1 n≥2

pour tout x ∈] − R, R[.


En remplaçant dans l’équation, on obtient, pour tout x ∈] − R, R[,
X X X
n(n − 1)an xn + nan xn + an xn+2 = 0.
n≥2 n≥1 n≥0

En faisant un changement d’indices dans la dernière somme, on obtient


X X X
n(n − 1)an xn + nan xn + an−2 xn = 0.
n≥2 n≥1 n≥2
On isole le terme en x, et on regroupe les autres termes, pour obtenir
X
a1 x + (n2 an + an−2 )xn = 0,
n≥2

pour tout x ∈] − R, R[. Puisque R est supposé non nul, le corollaire


précédent nous donne
a1 = 0, n2 an + an−2 = 0 pour tout n ≥ 2.
Enfin, la condition f (0) = 1 donne aussi a0 = 1.
Une récurrence facile, laissée au lecteur, montre alors que l’on a
(−1)m
a2m+1 = 0 et a2m = .
4m (m!)2
Ainsi, si f est une solution développable en série entière, alors on a
nécessairement
X (−1)m
f (x) = m (m!)2
x2m , x ∈] − R, R[.
m≥0
4

Il faut maintenant vérifier que le rayon de convergence est bien non nul.
On pourra ensuite remonter les calculs pour affirmer qu’effectivement
f est bien solution du problème.
54 III. SÉRIES ENTIÈRES

En utilisant le critère de d’Alembert, on voit que R = +∞, et donc


que f est solution de l’équation différentielle sur R tout entier.

La plupart des fonctions usuelles admettent un DSE autour de 0. Afin


de les trouver, on peut soit étudier le reste de la forme de Taylor, soit
essayer de l’obtenir par dérivation ou intégration d’un DSE connu, soit
montrer qu’une équation différentielle vérifiée par f admet une unique
solution posséfant un DSE.
Par exemple, la fonction exponentielle est l’unique solution de
y ′ − y = 0, y(0) = 1.
X xn
Or, on peut montrer comme précédemment que la série entière
n!
n≥0
est de rayon de convergence infini, et est aussi solution de l’équation.
Ainsi, on a

X xn
ex = , x ∈ R.
n≥0
n!

De même, on a pour tout x ∈ R :

+∞
X x2 n
cos x = (−1)n ,
n=0
(2 n)!
+∞
X x2 n+1
sin x = (−1)n .
n=0
(2 n + 1)!
En utilisant les opérations sur les séries entières, on a aussi, pour tout
x∈R:

+∞
X x2 n
ch x = ,
n=0
(2 n)!
+∞
X x2 n+1
sh x = .
n=0
(2 n + 1)!
De plus, on a :

+∞
1 X
pour tout x ∈] − 1, 1[, = xn .
1 − x n=0

À partir de ce développement, on peut trouver , en remplaçant x par


−x, x2 , −x2 (ce qui est légitime, car si x ∈] − 1, 1[, il en est de même
de −x, x2 , −x2 ), pour tout x ∈] − 1, 1[ :
III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 55

+∞
1 X
= (−1)n xn ,
1 + x n=0
+∞
1 X
= x2n ,
1 − x2 n=0

+∞
1 X
= (−1)n x2n .
1 + x2 n=0

En intégrant terme à terme, on a, pour x ∈] − 1, 1[ :

+∞
X xn+1
ln(1 − x) = − ,
n=0
n+1
+∞
X xn+1
ln(1 + x) = (−1)n ,
n=0
n+1
+∞
X x2 n+1
Argth x = ,
n=0
2 n + 1
+∞
X x2 n+1
Arctan x = (−1)n .
n=0
2n + 1

On peut aussi montrer que pour tout x ∈] − 1, 1[, et pour tout α ∈ R,


on a
+∞
α
X α (α − 1) . . . (α − n + 1) n
(1 + x) = 1 + x .
n=1
n!
Il faut connaı̂tre ces développements classiques ou savoir les retrouver
rapidement, soit pour les combiner pour développer en série entière de
nouvelles fonctions, soit pour calculer la somme de séries entières.
Donnons maintenant une application des séries entières à la combina-
toire.
Exemple III.2.7. On considère le problème suivant. Dans un village
de n habitants (n ≥ 1), chaque habitant reçoit une et seule lettre. Si le
courrier est distribué au hasard, quelle est la probabilité que personne
ne reçoive la lettre qui lui est destiné ?
Commençons par retraduire le problème en termes mathématiques. On
numérote les habitants de 1 à n, et on numérote également les lettres
correspondantes de 1 à n, de sorte que la lettre numéro i soit destinée
à la lettre numéro i. Une distribution de courrier correspond donc de
manière unique à une permutation de l’ensemble [|1, n|], c’est-à-dire à
56 III. SÉRIES ENTIÈRES

une bijection f : [|1, n|] → [|1, n|] (la lettre i est remise à l’habitant
f (i)). Rappelons qu’il y a n! bijections de [|1, n|] sur lui-même.
L’habitant i reçoit la lettre qui lui est destiné si et seulement si f (i) = i,
c’est-à-dire si et seulement si i est un point fixe de f . Ainsi, personne ne
recevra la lettre qui lui est destiné si et seulement si f est sans points
fixes. Si on note Dn l’ensemble des permutations de [|1, n|] sans point
fixe, on veut donc calculer la quantité
Dn
.
n!
On convient que D0 = 1.
Remarquons maintenant que l’on peut ranger les permutations de [|1, n|]
selon leur nombre de points fixes. Soit 0 ≤ k ≤ n. Pour définir une per-
mutation avec exactement k points fixes, il faut définir :
- l’ensemble E des k éléments de [|1, n|] qui seront fixes
- l’image des n − k éléments du complémentaire E ′ = [|1, n|] \ E.
Remarquons que l’image d’un élément de E ′ est un élément de E ′ : si
i ∈ E ′ est tel que f (i) ∈
/ E ′ , alors f (i) serait un point fixe de f , soit
f (f (i)) = f (i). Mais par bijectivité de f , on aurait f (i) = i, et donc
i ∈ E, ce qui est impossible car i ∈ E ′ .
De plus, un élément i ∈ E ′ vérifie nécessairement f (i) 6= i (par définition
de E ′ ).
Ainsi, la restriction de d à E ′ définit une permutation de E ′ sans points
fixes. Il y a donc nk choix pour E et Dn−k  choix pour l’image des
n
éléments du complémentaire. Il ya donc k Dn−k permutations avec
exactement k points fixes. Comme on peut ranger les permutations de
[|1, n|] selon leur nombre de points fixes, et qu’il y a k! permutations,
on obtient
n  
X n
n! = Dn−k pour tout n ≥ 0,
k=0
k
soit
n
X 1 Dn−k
= 1 pour tout n ≥ 0.
k=0
k! (n − k)!
Ceci ressemble furieusement au terme général du produit de deux séries
entières. Cela donne envie de poser
X Dn
f (x) = xn .
n≥0
n!
Remarquons que cette série entière a un rayon de convergence R ≥ 1.
En effet, par définition de Dn , on a Dn ≤ n! pour tout n ≥ 0, et donc
Dn
≤ 1 pour tout n ≥ 0.
n!
III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 57

On utilise alors par exemple la remarque III.1.4 (4).


X xn
De plus, la série a un rayon de convergence infini et vaut ex . La
n≥0
n!
proposition III.1.10 (2) montre que la série entière de terme général
n
X 1 Dn−k
a un rayon de convergence ≥ min(R, 1) = 1, donc
k=0
k! (n − k)!
converge en particulier pour x ∈] − 1, 1[, et on a
n X x n X Dn
XX 1 Dn−k
( )xn = ( )( xn ) = ex f (x) pour tout x ∈]−1, 1[.
n≥0 k=0
k! (n − k)! n≥0
n! n≥0
n!
n
X 1 Dn−k
Mais comme = 1 pour tout n ≥ 0, on obtient
k=0
k! (n − k)!
X 1
ex f (x) = xn = pour tout x ∈] − 1, 1[.
n≥0
1−x

Ainsi, on a
e−x
f (x) = pour tout x ∈] − 1, 1[.
1−x
X (−1)n xn
−x
En réutilisant le même théorème, et l’égalité e = , va-
n≥0
n!
lable pour tout x ∈ R, on obtient
n
X Dn
n
XX (−1)k n
f (x) = x = ( )x pour tout x ∈] − 1, 1[.
n≥0
n! n≥0 k=0
k!

Par unicité du DSE, on obtient


n
Dn X (−1)k
= pour tout n ≥ 0.
n! k=0
k!

Remarquons que cette série converge vers 1/e, et donc pour n assez
grand, la probabilité recherchée est environ égale à 1/e ≈ 0.368. Grâce
au critère des séries alternées, on peut même préciser de manière plus
fine : pour tout n ≥ 0, on a
Dn 1
| − 1/e| ≤ .
n! (n + 1)!
En particulier, si le village contient au moins 5 habitants, on a Dn!n =
0.37 à 10−2 près. Il y a donc 37 % de chances pour que personne ne
reçoive la bonne lettre dès qu’il y a au moins 5 habitants.

On finit ce chapitre en donnant une méthode de calcul systématique


de la somme de certaines séries entières. Commençons par les séries du
58 III. SÉRIES ENTIÈRES

type
X P (n)
xn ,
n≥0
n!

où P est un polynôme. On vérifie que le rayon de convergence est infini


(Exercice).
On commence par remarquer que si P est un polynôme de degré d,
alors il existe c0 , . . . , cd ∈ K uniques tels que

P (n) = cd n(n−1) · · · (n−d+1)+· · ·+c2 n(n−1)+c1 n+c0 pour tout n ≥ 0.

Pour trouver ces coefficients, on remplace successivement n par 0, 1, . . . , d.

Exemple III.2.8. Considérons P (n) = n2 + n + 1. On veut trouver


c0 , c1 , c2 ∈ C tels que

P (n) = c2 n(n − 1) + c1 n + c0 pour tout n ≥ 0.

On a P (0) = 1 = c0 . De plus, P (1) = 3 = c1 + c0 , d’où c1 = 2. Enfin,


P (2) = 7 = 2c2 + 2c1 + c0 , soit c2 = 1. Ainsi,

n2 + n + 1 = n(n − 1) + 2n + 1 pour tout n ≥ 0.

On est donc réduit à calculer la somme de la série entière

X n(n − 1) · · · (n − d + 1)
Sd (x) = xn .
n≥0
n!

Remarquons que les d − 1 premiers termes sont nuls. On a donc

X xn X xn−d X xn
Sd (x) = = xd = xd = xd e x .
n≥d
(n − d)! n≥d
(n − d)! n≥0
n!

Il ne faut pas apprendre ces résultats par coeur, mais comprendre la


méthode et savoir l’utiliser.
n2 +n+1 n
P
Exemple III.2.9. Calculons S(x) = n≥0 n!
x . On a

n2 + n + 1 = n(n − 1) + 2n + 1 pour tout n ≥ 0.


III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 59

Ainsi,
X n(n − 1) X 2n X 1
S(x) = xn + xn + xn
n≥0
n! n≥0
n! n≥0
n!
X n(n − 1) X n X 1
= xn + 2 xn + xn
n≥2
n! n≥1
n! n≥0
n!
X 1 X 1 X 1
= xn + 2 xn + xn
n≥2
(n − 2)! n≥1
(n − 1)! n≥0
n!
X 1 X 1 X 1
= x2 xn−2 + 2x xn−1 + xn
n≥2
(n − 2)! n≥1
(n − 1)! n≥0
n!
X 1
2 n
= (x + 2x + 1) x
n≥0
n!
= (x2 + 2x + 1)ex .

Pour les séries du type


X
P (n)xn ,
n≥0

où P est un polynôme, c’est à peine plus compliqué. Ici, le rayon de


convergence est 1 (Exercice). Pour les mêmes raisons que précédemment,
on est réduit à calculer
X
Sd (x) = n(n − 1) · · · (n − d + 1)xn .
n≥0

Encore une fois, les d − 1 premiers termes sont nuls, et on a donc


X X
Sd (x) = n(n−1) · · · (n−d+1)xn = xd n(n−1) · · · (n−d+1)xn−d .
n≥d n≥d

Or, on a
 (d)
X
n−d 1 d!
n(n − 1) · · · (n − d + 1)x = = .
n≥d
1−x (1 − x)d+1

Ainsi, on a
d! · xd
Sd = .
(1 − x)d+1
Encore une fois, il ne faut pas apprendre cela par coeur, mais connaı̂tre
la méthode et savoir l’appliquer.
X
Exemple III.2.10. Calculons S(x) = (n2 + n + 1)xn . Rappelons
n≥0
que l’on a
n2 + n + 1 = n(n − 1) + 2n + 1 pour tout n ≥ 0.
60 III. SÉRIES ENTIÈRES

Ainsi,
X X X
S(x) = n(n − 1)xn +
2nxn + xn
n≥0
X n≥0
X n≥0
X
n n
= n(n − 1)x + 2 nx + xn .
n≥2X n≥1 X n≥0 X
= x2 n(n − 1)xn−2 + 2x nxn−1 + xn
n≥0 n≥1 n≥0

1 X
Or, on sait que pour tout x ∈] − 1, 1[, on a = xn . En utilisant
1 − x n≥0
le théorème III.2.2 deux fois de suite, on obtient successivement
1 X
n−1 2 X
= nx et = n(n−1)xn−2 pour tout x ∈]−1, 1[.
(1 − x)2 n≥1
(1 − x) 3
n≥2

On a ainsi
2x2 2x 1
S(x) = 3
+ 2
+ pour tout x ∈] − 1, 1[.
(1 − x) (1 − x) 1−x

Tous les résultats de ce chapitre sont valables sur l’intervalle ouvert


]−R, R[. En particulier, le théorème III.2.2 nous dit qu’une série entière
est continue sur ]−R, R[. En général, il n’y a pas nécessairement conver-
gence en R ou −R (voir la remarque III.1.8 (1)). Lorsque c’est le cas,
on peut se demander légitimement s’il y a continuité ou non.
Le résultat suivant répond à la question.
X
Théorème III.2.11. Soit an xn une série entière de rayon de conver-
n≥0
gence 0 < R < +∞.
X
|an |Rn converge, alors n≥0 an xn converge normalement sur
P
(i) Si
n≥0
[−R, R], et sa somme est continue sur [−R, R].
X
an Rn converge, alors n≥0 an xn converge uniformément sur
P
(ii) Si
n≥0
[0, R]. En particulier, sa somme est continue en R.
X
an (−R)n converge , alors n≥0 an xn converge uniformément
P
(iii) Si
n≥0
sur [−R, 0]. En particulier, sa somme est continue en −R.

Démonstration.
X
(i) Supposons que |an |Rn converge. Pour tout x ∈ [−R, R] et tout
n≥0
X
n ≥ 0, on a |an x | ≤ |an |Rn . Comme la série
n
|an |Rn converge, on
n≥0
III.2. PROPRIÉTÉS DES SÉRIES ENTIÈRES, APPLICATIONS 61

a bien convergnce normale sur [−R, R] par la proposition II.3.14. En


particulier, il y a convergence uniforme sur [−R, R] par la proposition
II.3.10, d’où la continuité par le corollaire II.3.3.
X
(ii) Pour tout t ∈ [0, 1], on pose g(t) = an Rn tn . En effectuant le
n≥0
changement de variables t = x/R, on a
X X
sup | an xn | = sup | an Rn tn |.
x∈[0,R] n≥m+1 t∈[0,1] n≥m+1

Il faut et il suffit donc de montrer que g converge uniformément sur


[0, 1].
X
Soit ε > 0. Puisque an Rn converge, la suite des sommes partielles
n≥0
associées est une suite de Cauchy. Il existe donc N ≥ 0 tel que, pour
tous n ≥ m ≥ N, on a
Xn
| ak Rk | ≤ ε (1) .
k=m+1

En particulier, en faisant n → +∞, pour tout m ≥ N , on a


X
| ak Rk | ≤ ε (2) .
k≥m+1

Fixons m ≥ N. Supposons tout d’abord que 0 ≤ t < 1. Par (1), la


suite des sommes partielles associées à la suite (an Rn )n≥m+1 est donc
bornée par ε. Remarquons aussi que la suite (tn )n≥m+1 est décroissante
et converge vers 0. Par le corollaire II.2.16 et la remarque qui suit, on
a X
| an Rn tn | ≤ εtm+1 .
n≥m+1
Pour tout t ∈ [0, 1[, on a donc
X
| an Rn tn | ≤ ε.
n≥m+1

Ceci est encore vrai pour t = 1 par (2). Ainsi, pour tout m ≥ N , on
obtient X
sup | an Rn tn | ≤ ε.
t∈[0,1] n≥m+1

On a donc montré que pour tout ε > 0, il existe N ≥ 0 tel que, pour
tout m ≥ N , on a X
sup | an Rn tn | ≤ ε.
t∈[0,1] n≥m+1
X
Autrement, on a montré que supt∈[0,1] | an Rn tn | converge vers 0
n≥m+1
lorsque m → +∞. Autrement dit, g converge uniformément sur [0, 1],
62 III. SÉRIES ENTIÈRES
X
et donc an xn converge uniformément sur [0, R]. En particulier, elle
n≥0
est continue sur [0, R] par le corollaire II.3.3. La démonstration de (iii)
est identique à celle de (ii). ✷
Exemple III.2.12. On sait que pour tout x ∈] − 1, 1[, on a
X (−1)n
Arctan(x) = x2n+1 ,
n≥0
2n + 1
le rayon de convergence de la série entière étant égal à 1. La série
entière converge en x = 1, par le critère des séries alternées. Par le
théorème précédent, la somme de la série entière est continue en 1.
Comme la fonction Arctan est aussi continue en 1, on en déduit que
l’égalité précédente est vraie aussi pour x = 1, et on a donc
π X (−1)n
= .
4 n≥0
2n + 1
Chapitre IV

Séries de Fourier

IV.1. Fonctions C i par morceaux.

Rappelons qu’au début de cours, nous avons été amené à poser le


problème suivant :
si f : R → C est un signal T -périodique, peut-on décomposer f en série
d’harmoniques ?
Par exemple, si ϕ : [0, L] → C est continue, et si ψ : R → C est le
signal obtenu en prolongeant ϕ par imparité et par périodicité, peut-
on décomposer ψ en série de sinus ?
Le signal ψ, tout comme certains des signaux utilisés en électronique
ou en physique ne sont pas continus (par exemple la fonction créneau).
En revanche, ils sont continus par morceaux dans le sens suivant :

Définition IV.1.1. Une fonction f : [a, b] → C est dite continue par


morceaux, resp. C 1 par morceaux, s’il existe une subdivision a = a0 <
a1 < . . . < ap = b telle que , pour tout k = 1, . . . , p, les deux conditions
suivantes soient vérifiéss :
(i) f est continue, resp. C 1 , sur ]ak−1 , ak [
(ii) f se prolonge en une fonction fk : [ak−1 , ak ] → C continue, resp. C 1
sur [ak−1 , ak ].
La condition (ii) est équivalente à
(ii’) f (a+ − + ′ + − ′ −
k−1 ) et f (ak ) existent, resp. f (ak−1 ), f (ak−1 ), f (ak ), f (ak ) existent.
Le prolongement fk est d’ailleurs donné par

 f (a+k−1 ) si x = ak−1
fk (x) = f (x) si ak−1 < x < ak
f (a−
k) si x = ak

Si I est un intervalle de R, une fonction f : I → C est continue par


morceaux, resp. C 1 par morceaux si elle l’est sur tout [a, b] ⊂ I.

Exemples IV.1.2. Soit i = 0 ou 1.


(1) Toute fonction C i sur I est C i par morceaux.
(2) La fonction créneau est C 1 par morceaux sur R.
63
64 IV. SÉRIES DE FOURIER

(3) Une fonction f : R → C T -périodique est C i par morceaux si et


seulement si elle est C i par morceaux sur un intervalle fermé borné de
longueur T fixé.
(4) Si f et g sont C i par morceaux sur [a, b], et si λ ∈ C, f + λg et f g
sont C i par morceaux.
Remarques IV.1.3. On conserve les notations de la définition précédente.
(1) Une fonction f : [a, b] → C continue par morceaux est bornée,
puisque
pour tout x ∈ [a, b], |f (x)| ≤ max(||fk ||[ak−1 ,ak ] ).
k

(2) Si f : [a, b] → C est C 1 par morceaux, et si a = a0 < a1 < · · · <


ap = b est une subdivision adaptée, alors f ′ n’est pas nécessairement
définie aux points de la subdivision, mais se prolonge en une fonction
continue (f ′ )k sur [ak−1 , ak ] en posant
(f ′ )k (ak−1 ) = f ′ (a+ ′ ′ −
k−1 ), (f )k (ak ) = f (ak ).

En particulier, comme ci-dessus, elle est bornée sur [a, b] pour tout
m = 0, . . . , i.
(3) Si f : [a, b] → C est continue par morceaux, alors, pour tout x ∈
[a, b], f (x± ) existe (quand cela a un sens).
Si x n’est pas un point de la subdivision, alors x est contenu strictement
dans un intervalle ]ak−1 , ak [ sur lequel f est de classe C i . En particulier,
f (x± ) et vaut f (x). Si x = ak pour un certain k, l’hypothèse sur f
montre que f (x± ) = f (a± k ) existent.
(4) Cette définition est plus subtile qu’il n’y paraı̂t. Le fait que f soit
C 1 par morceaux ne veut pas dire que f admet une une dérivée à droite
et à gauche en tout point.
Par exemple, considérons la fonction f : [−1, 1] → R définie par

0 si −1 ≤ x < 0
f (x) =
1 si 0 ≤ x ≤ 1
Alors f n’a pas dérivée à gauche en 0. En effet, pour tout x < 0, on a
f (x) − f (0) 1
=− ,
x x
qui n’a pas de limite finie lorsque x → 0 . Par contre, f est C 1 par mor-

ceaux. En effet, f est C 1 sur ] − 1, 0[ et ]0, 1[, et f ′ (−1+ ), f ′ (0− ), f ′ (0+ )


et f ′ (1− ) existent, et sont égales à 0.

Passons maintenant à quelques considérations sur l’intégrale d’une fonc-


tion continue par morceaux. En fait, on va définir l’intégrale pour une
classe de fonctions un tout petit peu plus générale.
On commence par un lemme.
IV.1. FONCTIONS C i PAR MORCEAUX. 65

Lemme IV.1.4. Soit f :]a, b[→ C. On suppose que f est continue sur
]a, b[, et que f se prolonge par continuité en une fonction continue
f˜ : [a, b] → C (ce qui revient à dire que f (a+ ) et f (b− ) existent).
Alors pour toute primitive F :]a, b[→ C de f sur ]a, b[, F (a+ ) et F (b− )
existent, et on a
Z b
f˜(t)dt = F (b− ) − F (a+ ).
a

Démonstration. On commence par montrer qu’il existe une primitive


particulière F de f sur ]a, b[ qui vérifie le résultat.
Z x
L’application F̃ : [a, b] → C, x 7→ f˜(t)dt est une primitive de f˜ sur
a
[a, b]. En particulier, pour tout x ∈]a, b[, on a
F̃ ′ (x) = f˜(x) = f (x).
Notons F :]a, b[→ C la restriction de F̃ à ]a, b[. Alors, d’après ce qui
précède, F est une primitive de f sur ]a, b[.
De plus, comme F̃ est continue en a, on a
lim F (x) = lim+ F̃ (x) = F̃ (a),
x→a+ x→a

la première égalité provenant du fait que F̃ et F coı̈ncident sur ]a, b[.


Ainsi, F (a+ ) existe et vaut F̃ (a). De même, F (b− ) existe et vaut F̃ (b).
D’autre part, on a
Z b
f˜(t)dt = F̃ (b) − F̃ (a) = F (b− ) − F (a+ ).
a

Si maintenant G est une autre primitive de f sur ]a, b[, alors G = F +c,
pour c ∈ C. Puisque F (a+ ) et F (b− ) existent, il en est de même pour
G(a+ ) et G(b− ) et on a
G(a+ ) = F (a+ ) + c et G(b− ) = F (b− ) + c.
Z b
− + − +
En particulier, G(b ) − G(a ) = F (b ) − F (a ) = f˜(t)dt, d’où le
a
résultat. ✷
On peut maintenant définir l’intégrale des fonctions continues par mor-
ceaux
Définition IV.1.5. Soit g :]a, b[\{a1 , . . . , ap−1 } → C une fonction
définie sur un intervalle fermé borné [a, b] sauf a priori en un nombre
fini de points a0 = a, a1 , . . . , ap−1 , ap = b. On suppose que g est conti-
nue sur ]ak−1 , ak [ pour k = 1, . . . , p (avec a0 = a, ap = b) et se prolonge
par continuité en une fonction g̃k continue sur [ak−1 , ak ].
66 IV. SÉRIES DE FOURIER

On pose
Z b p Z ak
X
g(x)dx = g̃k (x)dx.
a k=1 ak−1

Autrement dit, vu le lemme précédent, on a


Z b p
X
g(x)dx = (Gk (a− +
k ) − Gk (ak−1 )),
a k=1

où Gk est une primitive de g sur ]ak−1 , ak [.


On vérifie que l’intégrale est linéaire, et vérifie la relation de Chasles
et l’inégalité triangulaire.
En particulier, si f : [a, b] → C est continue par morceaux, et si a0 =
a, a1 , . . . , ap−1 , ap = b est une subdivision associée, on peut appliquer
la construction précédente à la restriction de f à [a, b] \ {a1 , . . . , ap−1 }.
On vérifie que l’intégrale ne dépend pas de la subdivision choisie.
Deux fonctions continues par morceaux égales sur [a, b] sauf en un
nombre fini de points auront même intégrale.

Si f est C 1 par morceaux, alors par la remarque IV.1.3 (2), f ′ vérifie


les hypothèses nécessaires dans la définition précédente, et on peut
donc définir son intégrale. Il en est de même si on multiplie f ′ par une
fonction g vérifiant les mêmes hypothèses. L’énoncé suivant a donc un
sens.
Corollaire IV.1.6. Soient f, g : [a, b] → C deux fonctions continues
et C 1 par morceaux. Alors, on a
Z b Z b
′ b
f (t)g(t)dt = [f (t)g(t)]a − f (t)g ′ (t)dt.
a a

Démonstration. Soit une subdivision a0 = a, a1 , . . . , ap−1 , ap = b adaptée


à la fois à f et à g, donc aussi à f g, (f g)′ , f ′ g et f g ′ . Les fonctions (f g)′
et f ′ g + f g ′ sont égales sauf éventuellement en les points a0 , . . . , ap (où
elles peuvent même ne pas être définie).
On a alors
Z b Z b Z b Z b
′ ′ ′ ′
f (t)g(t)dt+ f (t)g (t)dt = (f (t)g(t)+f (t)g (t))dt = (f g)′ dt.
a a a a

D’autre part, f g est une primitive de (f g)′ sur ]ak−1 , ak [ et on a donc


Z b p
X
(f g)′ dt = (f (a− − + +
k )g(ak ) − f (ak−1 )g(ak−1 )).
a k=1
IV.1. FONCTIONS C i PAR MORCEAUX. 67

Mais f et g étant continues, on obtient


Z b p
X
(f g)′ dt = (f (ak )g(ak )−f (ak−1 )g(ak−1 )) = f (ap )g( ap )−f (a0 )g(a0 ) = f (b)g(b)−f (a)g(a),
a k=1
d’où le résultat.
La remarque IV.1.3 (1) montre que la définition suivante est cohérente.
Définition IV.1.7. Si f : R → C est continue par morceaux, on pose
f (x+ ) + f (x− )
vp(f )(x) = pour tout x ∈ R,
2
où f (x+ ) et f (x− ) désignent respectivement les limites de f à droite et
à gauche de x.
La fonction vp(f ) est appelée la valeur principale de f .

On a alors le résultat suivant.


Proposition IV.1.8. Soit f : R → C une fonction continue par mor-
ceaux. Alors on a les propriétés suivantes :

(1) vp(f ) coı̈ncide avec f sauf peut-être aux points de discon-


tinuité de f , et est continue par morceaux. De plus, pour tout
x ∈ R, on a
vp(f )(x+ ) = f (x+ ) et vp(f )(x− ) = f (x− ).
Enfin, si f est T -périodique, resp. C i par morceaux, il en est
de même de vp(f ).
(2) vp(vp(f )) = vp(f ).
Z b
(3) Si |f (x)|2 dx = 0, alors vp(f )(x) = 0 pour tout x ∈ [a, b].
a

Démonstration.
(1) Supposons f C i par morceaux. Soit [a, b] un intervalle fermé borné.
Par hypothèse sur f , il existe une subdivision a = a0 < a1 < . . . <
ap = b tels que f est de classe C i sur chaque intervalle ]ak−1 , ak [ , et
f (m) (a+ ), f (m) (a±
1 ), · · · , f
(m) ±
(am−1 ), f (m) (b− )
existent pour tout m = 0, . . . , i.
Pour tout k, f est de classe C i sur Ik =]ak−1 , ak [. En particulier,
vp(f )(x) = f (x) pour tout x ∈ Ik . On en déduit que vp(f ) est de
classe C i sur Ik et que vp(f )(m) (x) = f (m) (x) pour tout x ∈ Ik . On a
aussi vp(f )(x± ) = f (x± ) = f (x) pour tout x ∈ Ik .
Montrons que les limites
vp(f )(m) (a+ ), vp(f )(m) (a±
1 ), · · · , vp(f )
(m) ±
(am−1 ), vp(f )(m) (b− )
68 IV. SÉRIES DE FOURIER

existent pour tout m = 0, . . . , i. Le point précédent montre que vp(f )(m) (x) =
f (m) (x) pour tout x ∈ Ik . On en déduit le résultat voulu en utili-
sant l’hypothèse sur f et les points de la subdivision, et on a alors
vp(f )(m) (a+ ) = f (m) (a+ ), vp(f )(m) (a±
1) = f (a1 ), · · · , vp(f )(m) (a±
(m) ±
m−1 ) =
(m) ± (m) − (m) −
f (am−1 ), vp(f ) (b ) = f (am ). Ceci est en particulier vrai pour
m = 0.
Ainsi, vp(f ) est C i par morceaux sur [a, b] et on a vp(f )(x+ ) = f (x+ )
et vp(f )(x− ) = f (x− ) pour tout x ∈ [a, b]. Ceci étant vrai pour tout
[a, b], vp(f ) est C i par morceaux sur R et on a vp(f )(x+ ) = f (x+ ) et
vp(f )(x− ) = f (x− ) pour tout x ∈ R.
En particulier, le cas m = 0 nous donne que vp(f ) est continue par
morceaux.
f (x + t) − f (x − t)
On remarque que vp(f )(x) = lim+ . Supposons que
t→0 2
f est T -périodique. On a alors
f (x + T + t) − f (x + T − t) f (x + t) − f (x − t)
vp(f )(x+T ) = lim+ = lim+ = vp(f )(x),
t→0 2 t→0 2
d’où la T -périodicité de vp(f ).
(2) C’est une conséquence directe de (1).
(3) Soit [c, d] ⊆ [a, b] un intervalle sur lequel f est continue. On a
Z d Z b
2
0≤ |f (x)| dx ≤ |f (x)|2 dx,
c a
Rd
donc c
|f (x)|2 dx = 0 et par conséquent f (x) = 0 pour tout x ∈ [c, d].
Considérons une subdivision a = a0 < a1 < . . . < ap = b telle que f est
continue sur chaque intervalle ]ak−1 , ak [ , et
f (a+ ), f (a± ± −
1 ), · · · , f (am−1 ), f (b )

existent pour m = 0, . . . , i. Fixons k, et soit x0 ∈ [ak−1 , ak ]. Si x0 6=


ak−1 , ak , alors il existe c, d tels que x0 ∈ [c, d] ⊆]ak−1 , ak [. Comme f est
alors continue sur [c, d], on obtient vp(f )(x0 ) = f (x0 ) = 0.
Supposons que x0 = ak−1 ou ak . On sait que f est nulle sur [ak−1 +t, ak −
t] pour t > 0 suffisamment petit. On a donc f (ak−1 + t) = f (ak − t) = 0
et donc f (a+ − +
k−1 ) = f (ak ) = 0 en faisant tendre t vers 0 .

Comme c’est vrai pour tout k, on en déduit f (a±


k ) = 0 pour tout k,
et donc vp(f )(ak ) = 0 pour tout k. Ainsi vp(f )(x) = 0 pour tout
x ∈ [a, b], donc vp(f ) = 0.✷

IV.2. Séries de Fourier et produit scalaire hermitien

La question que l’on va tenter de résoudre est la suivante :


IV.2. SÉRIES DE FOURIER ET PRODUIT SCALAIRE HERMITIEN 69

peut-on décomposer une fonction f : R → C T -pérodique continue par


morceaux sur sous la forme
X 2nπ a0 X 2nπ 2nπ
f (x) = cn e i T x = + an cos( x) + bn sin( x),
n∈Z
2 n≥1
T T

avec an , bn , cn ∈ C ?
Comme on l’a vu, si c’est le cas, les coefficients cn (ou bien an et bn )
sont bien déterminés, du moins de manière heuristique.
Définition IV.2.1. Soit f : R → C une fonction T -périodique conti-
nue par morceaux. Les coefficients de Fourier de f sont les nombres
complexes

T
1
Z
2inπ
cn (f ) = f (x)e− T
x
dx, n ∈ Z
T 0
ou
T
2 2nπ
Z
an (f ) = f (x) cos( x)dx, n ≥ 0
T 0 T
T
2 2nπ
Z
bn (f ) = f (x) sin( x)dx, n ≥ 0.
T 0 T
La série de Fourier exponentielle de f est la série
2inπ 2inπ 2inπ
X X
cn (f )e T x (= c0 (f ) + c−n (f )e− T x + cn (f )e T x ).
n∈Z n≥1

On vérifie facilement qu’elle est aussi égale à


a0 (f ) X 2nπ 2nπ
+ an (f ) cos( ) + bn (f ) sin( ).
2 n≥1
T T

Cette dernière série s’appelle la série de Fourier trigonométrique.


Remarquons que l’on a toujours b0 (f ) = 0. Bien qu’inutile au final, il est
quand même pratique d’avoir cette définition de b0 (f ) pour harmoniser
certains calculs ou certaines formules.

Donnons maintenant quelques astuces pour calculer les coefficients de


Fourier. Rappelons les faits suivants : soit ϕ : R → C une fonction
T -périodique continue par morceaux. Alors :
1. Pour tout α ∈ R, on a
Z T Z α+T
ϕ(t)dt = ϕ(t)dt.
0 α

Autrement dit, tant que l’on calcule sur un intervalle d’intégration de


longueur T , le résultat ne change pas.
70 IV. SÉRIES DE FOURIER

2. Si ϕ est une fonction impaire, alors


Z T
ϕ(t)dt = 0.
0

3. Si ϕ est une fonction paire, alors


Z T Z T /2
ϕ(t)dt = 2 ϕ(t)dt.
0 0

Ces résultats (faciles à démontrer) ont les conséquences suivantes :


(i) Dans les définitions de an (f ), bn (f ) ou cn (f ), on peut remplacer l’in-
tervalle d’intégration [0, T ] par n’importe quel intervalle d’intégration
[α, α + T ] de longueur T , par T -périodicité.
(ii) Si f : R → C est paire, alors bn (f ) = 0 pour tout n ≥ 0 et
4 T /2 2nπt
Z
an (f ) = f (t) cos( )dt pour tout n ≥ 0.
T 0 T
(iii) Si f : R → C est impaire, alors an (f ) = 0 pour tout n ≥ 0 et
4 T /2 2nπt
Z
bn (f ) = f (t) sin( )dt pour tout n ≥ 0.
T 0 T
Remarquons aussi à tous fins utilies les relations
an (f ) − ibn (f ) an (f ) + ibn (f )
cn (f ) = et c−n (f ) = pour tout n ≥ 0.
2 2
Lorsque f est à valeurs réelles, cela montre que
an (f ) = 2Re(cn (f )) et bn (f ) = −2Im(cn (f )) pour tout n ≥ 0.

Donnons maintenant deux exemples.


Exemple IV.2.2. Soit f : R → C la fonction 2-périodique définie par

0 si 0 ≤ t < 1
f (t) =
1 si 1 ≤ t < 2
Calculons la série de Fourier trigonométrique de f . On peut, soit calcu-
ler an (f ) et bn (f ), soit calculer cn (f ), n ≥ 0, puis identifier les parties
réelles et imaginaires.
2 2
Z Z 2
On a a0 (f ) = f (t)dt = dt = 1. Pour tout n ≥ 1, on a de
2 0 1
même Z 2  2
sin(πnt)
an (f ) = cos(πnt)dt = = 0.
1 πn 1
Pour tout n ≥ 1, on a aussi
R2 h i2
− cos(πnt)
= 1
sin(πnt)dt = πn
bn (f ) 1
− cos(2nπ)+cos(nπ) (−1)n −1
= πn
= πn
.
IV.2. SÉRIES DE FOURIER ET PRODUIT SCALAIRE HERMITIEN 71

On a donc
2
b2m (f ) = 0 et b2m−1 (f ) = − pour tout m ≥ 1.
(2m − 1)π
1 2 X sin((2m − 1)πt)
Ainsi, on a S(f )(t) = − .
2 π m≥1 2m − 1

Exemple IV.2.3. Soit f : R → C l’unique fonction 2π-périodique


définie par f (t) = |t| si t ∈ [−π, π[.
On remarque que cette fonction est paire. On a donc bn (f ) = 0 pour
tout n ≥ 1. De plus, on a
1 2π 1 π 2 π
Z Z Z
an (f ) = f (t) cos(nt)dt = f (t) cos(nt)dt = f (t) cos(nt)dt.
π 0 π −π π 0
Ainsi, on a
π π
2 2
Z Z
a0 (f ) = f (t)dt = tdt = π.
π 0 π 0
Pour tout n ≥ 1, on a
π
2
Z
an (f ) = t cos(nt)dt.
π 0

On a donc
π Z π
2((−1)n − 1)

2 sin(nt) 2 2
an (f ) = t − sin(nt)dt = 2 [cos(nt)]π0 = .
π n 0 nπ 0 nπ n2 π
4
Par conséquent, a2m (f ) = 0 pour tout m ≥ 1, et a2m+1 (f ) = −
π(2m + 1)2
pour tout m ≥ 0. Ainsi, on a
π 4 X cos((2m + 1)t)
S(f )(t) = − pour tout t ∈ R.
2 π m≥0 (2m + 1)2

Remarque IV.2.4. Si f : R → C est T -périodique, continue par mor-


ceaux, alors cn (vp(f )) = cn (f ) pour tout n ∈ Z. En particulier, f et
vp(f ) ont même série de Fourier.
En effet, cela provient du fait que deux fonctions continues par mor-
ceaux sur [0, T ] égales sauf en un nombre fini de points ont même
intégrale.

Des questions naturelles se posent alors :


(1) La série de Fourier converge-t-elle ? Si oui, converge-t-elle vers f ?
(2) La convergence est-elle uniforme ?
(3) Sinon, il y a-t-il convergence vers f pour un autre type de conver-
gence ?
72 IV. SÉRIES DE FOURIER

Remarquons que si la convergence uniforme vers f ne peut se produire


si f n’est pas continue, le terme général de la série de Fourier étant une
fonction continue.
On va maintenant introduire un espace hermitien adéquat. On com-
mence par un lemme.
Lemme IV.2.5. L’ensemble
E(T ) = {f : R → C | f est T −périodique, continue par morceaux et f = vp(f )}
est un C-espace vectoriel, et l’application
T
1
Z
h , i : E(T ) × E(T ) → C, (f, g) 7→ f (x)g(x)dx
T 0

est un produit scalaire hermitien sur E(T ).

Démonstration. Il est clair d’après les définitions que si f et g sont


T -périodiques continues par morceaux, il en est de même pour af +
bg, a, b, ∈ C, et que vp(af + bg) = avp(f ) + bvp(g). On en déduit faci-
lement que E(T ) est un sous-espace vectoriel de l’espace des fonctions
réelles à valeurs complexes.
L’application h, i est clairement semi-linéaire hermitienne, et hf, f i ≥ 0
pour tout f ∈ E(T ). Si maintenant hf, f i = 0, la proposition IV.1.8
(3) montre que vp(|f |2 ) = 0 sur [0, T ], donc sur R par T -périodicité.
Or, par continuité du carré du module, on a |f |2 (x± ) = |f (x± )|2 . Ainsi,
pour tout x ∈ R, on a
|f (x+ )|2 + |f (x− )|2
= 0.
2
Cela implique facilement que f (x+ ) = f (x− ) = 0 pour tout x ∈ R, et
donc en particulier vp(f ) = 0. Comme f = vp(f ) par hypothèse, on a
le résultat voulu.
Remarque IV.2.6. Si f : R → C est T -périodique continue par mor-
ceaux, alors vp(f ) ∈ E(T ), par la proposition IV.1.8.

Dans la suite, nous exploiterons la théorie des espaces hermitiens pour


déduire des résultats sur la série de Fourier.
Si f : R → C T -périodique, continue par morceaux, pour tout n ≥ 0,
on pose
n
2ikπ
X
Sn (f )(x) = ck (f )e T x
k=−n
et
S0 (f )(x) + · · · + Sn−1 (f )(x)
S̃n (f )(x) = .
n
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 73

On considère le sous-espace vectoriel de E(T ) suivant :


n
2ikπ
X
t
Pn (T ) = { λk e T , λk ∈ C}.
k=−n

Lemme IV.2.7. Soit f : R → C T -périodique continue par morceaux.


Alors Sn (f ) est la projection orthogonale de vp(f ) ∈ E(T ) sur Pn (T ).
En particulier, Sn (f ) est l’élément de Pn (T ) le plus proche de vp(f )
pour la norme || ||2 (associée au produit scalaire hermitien).
2ikπ
Démonstration. Un simple calcul montre que les fonctions e T , −n ≤
k ≤ n forment une base orthonormée de Pn (T ). On a alors
n n
2ikπ 2ikπ 2ikπ
X X
pPn (T ) (vp(f )) = he T , vp(f )ie T = ck (vp(f ))e T .
k=−n k=−n

Or f et vp(f ) ont même coefficients de Fourier d’après la remarque


IV.2.4, et donc pPn (T ) (vp(f )) = Sn (f ). La deuxième partie provient
des propriétés de la projection orthogonale. ✷
En particulier, si f ∈ E(T ) (par exemple si f est continue), Sn (f ) est la
meilleure approximation de f par un élément de Pn (T ) (i.e. une somme
finie d’harmoniques).
Nous allons voir dans la suite que si la série de Fourier converge, alors
elle converge vers vp(f ). On ne peut donc espérer une convergence vers
f que si f ∈ E(T ).

IV.3. Les théorèmes de convergence

On va maintenant étudier les sommes partielles de la série de Fourier.


Lemme IV.3.1. Soit f : R → C une fonction T -périodique, continue
par morceaux. Alors on a
Z T
1 2 sin( (2n+1)π
T
t)
Sn (f )(x) = (f (x + t) + f (x − t)) πt dt
T 0 sin( T )
et
T
1 sin2 ( nπ t)
Z
2
T
S̃n (f )(x) = (f (x + t) + f (x − t)) 2 πt dt.
nT 0 sin ( T )

Démonstration. Par définition de cn (f ) et en utilisant la linéarité de


l’intégrale, on obtient
n
1 T
Z X 2π(x−t)
Sn (f )(x) = f (t) e T dt.
T 0 k=−n
74 IV. SÉRIES DE FOURIER

Pour tout ω ∈ R, ω 6= 2mπ, m ∈ Z, on a


n 2n
X X 1 − e(2n+1)iω
A := eikω = e−inω eikω = e−inω .
k=−n k=0
1 − eiω

On a donc
sin( (2n+1)ω
2n+1 2n+1 2n+1

−inω e
2 e− 2

−e 2

2
)
A=e iω iω = ω .
e2 e
−iω
2 −e2 sin( 2 )
Si ω = 2mπ, cette égalité est encore valable si on prolonge la fonction
sin( (2n+1)ω
2
)
ω par continuité en lui donnant la valeur 2n + 1.
sin( 2 )
2π(x − t)
En appliquant l’égalité précédente avec ω = , on obtient
T
1 T
sin( (2n+1)π(x−t) )
Z
T
Sn (f )(x) = f (t) dt.
T 0 sin( π(x−t)
T
)
Le changement de variables u = x − t donne (puisque du = −dt)

1 x sin( (2n+1)πu )
Z
T
Sn (f )(x) = f (x − u) πu du.
T x−T sin( T )
Puisque l’on intègre des fonctions T -périodiques sur un intervalle de
longueur T , on peut remplace l’intervalle [x − T, x] par n’importe quel
intervalle de longueur T . Ainsi
Z T
1 2 sin( (2n+1)πu
T
)
Sn (f ) = f (x − u) du.
T − T2 sin( πu
T
)
On a donc
T
1 0
sin( (2n+1)πu ) 1 sin( (2n+1)πu )
Z Z
2
T T
Sn (f ) = f (x−u) πu du+ f (x−u) πu du.
T − T2 sin( T ) T 0 sin( T )
En faisant le changement de variables u = −v dans la première intégrale,
on obtient la première égalité.
Pour obtenir la deuxième égalité, on remarque en utilisant le premier
point que l’on a
Z T n−1
1 2 X sin( (2k+1)π
T
t)
S̃n (f )(x) = (f (x + t) + f (x − t)) πt dt.
nT 0 k=0
sin( T
)

Pour tout ϕ ∈ R, on a
n−1
X n−1
X
sin((2k + 1)ϕ) = Im( e(2k+1)iϕ ).
k=0 k=0
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 75

Or
n−1 n−1
def
X
(2k+1)iϕ iϕ
X
2ikϕ iϕ 1− e2inϕ
B = e =e e =e .
k=0 k=0
1 − e2iϕ
Donc
einϕ sin(nϕ) inϕ sin(nϕ)
B = eiϕ = e .
eiϕ sin(ϕ) sin(ϕ)
On a ainsi
n−1
X sin2 (nϕ)
sin((2k + 1)ϕ) = .
k=0
sin(ϕ)

πt
En appliquant cette égalité à ϕ = , on obtient le résultat voulu.✷
T
Avant de continuer, il nous faut faire des rappels sur l’uniforme conti-
nuité.
Rappels : Une fonction f : I → C est dite uniformément continue
sur I si pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que, pour tous x, x′ ∈ I
vérifiant |x − x′ | < α, on a |f (x) − f (x′ )| < ε.
On a alors le résultat suivant.
Théorème de Heine. Soient a, b ∈ R, a < b. Toute fonction f :
[a, b] → C continue est uniformément continue sur [a, b].
Démonstration. Supposons que f n’est pas uniformément continue sur
[a, b]. Alors, il existe ε > 0 tel que, pour tout α > 0, il existe x, x′ ∈ [a, b]
vérifiant |x − x′ | < α et |f (x) − f (x′ )| ≥ ε.
En particulier, pour tout n ≥ 1, il existe xn , x′n ∈ [a, b] vérifiant
|xn − x′n | < 1/n et |f (xn ) − f (x′n )| ≥ ε.
Puisque xn ∈ [a, b], la suite (xn ) est bornée. Alors (xn ) possède une
sous-suite (xϕ(n) ) convergente vers un réel ℓ ∈ [a, b]. Puisque x′′n =
x′ϕ(n) ∈ [a, b], la suite (x′′n ) est bornée et elle possède une sous-suite
(x′′ψ(n) ) convergente vers un réel ℓ′ ∈ [a, b]. Autrement dit, la suite
(x′ϕ(ψ(n)) ) converge vers ℓ′ . Mais, la suite (xϕ(ψ(n)) ) converge vers ℓ,
puisque c’est une sous-suite de (xϕ(n) ), qui converge vers ℓ.
Posons ρ = ϕ ◦ ψ. C’est une fonction ρ : N → N strictement croissante,
puisque ϕ et ψ le sont. On a donc, pour tout n ≥ 1,
|xρ(n) − x′ρ(n) | < 1/ρ(n).
Comme 1/ρ(n) → 0 lorsque n → +∞ (puisque ρ est strictement crois-
sante), on en déduit par passage à la limite que |ℓ − ℓ′ | ≤ 0, soit ℓ = ℓ′ .
Mais on a aussi , pour tout n ≥ 1,
|f (xρ(n) ) − f (x′ρ(n) )| ≥ ε.
76 IV. SÉRIES DE FOURIER

Puisque ℓ ∈ [a, b] et que f est continue en ℓ, par passage à la limite, on


en déduit que
|f (ℓ) − f (ℓ)| = 0 ≥ ε,
ce qui est absurde, et achève la démonstration. ✷
On peut maintenant énoncer et démontrer le premier théorème de
convergence.
Théorème IV.3.2 (Féjer). Soit f : R → C une fonction T -périodique,
continue par morceaux. Alors S̃n (f ) converge simplement vers vp(f )
sur R. Si de plus f est continue, alors S̃n (f ) converge uniformément
vers f sur R.

Démonstration. Appliquons la deuxième égalité du lemme précédent


à la fonction constante 1. On a c0 (1) = 1 et cn (1) = 0 si n 6= 0. On a
donc Sn (1) = 1 pour tout n ∈ Z, et donc S̃n (1) = 1 pour tout n ∈ Z.
On obtient donc
Z T 2 nπ
2 2 sin ( t)
T
1= dt.
nT 0 sin2 ( πt T
)
On en déduit facilement que l’on a
Z T
1 2 sin2 ( nπ t)
S̃n (f )(x)−vp(f )(x) = (f (x+t)−f (x+ )+f (x−t)−f (x− )) T
2 πt dt.
nT 0 sin ( T )

T
Soit x ∈ R, et soit ε > 0. Il existe 0 < α < (dépendant de x) tel que
2
pour tout 0 < t ≤ α, on a
|f (x + t) − f (x+ )| ≤ ε et |f (x − t) − f (x− )| ≤ ε.

Alors on a
Z α 2 nπ
1 + − sin ( T t)
|S̃n (f )(x)−vp(f )(x)| ≤ | (f (x+t)−f (x )+f (x−t)−f (x )) dt|
nT 0 sin2 ( πt
T
)
Z T
1 2 sin2 ( nπ t)
+| (f (x + t) − f (x+ ) + f (x − t) − f (x− )) T
2 πt dt|
nT α sin ( T )
Z T
sin2 ( nπ
Z α
1 + − t) 1 2
≤ (|f (x+t)−f (x )|+|f (x−t)−f (x )|) T
dt+ (|f (x+t)|+|f (x+ )|
nT 0 sin2 ( πt
T
) nT α

sin2 ( nπ t)
+|f (x − t)| + |f (x− )|) T
2 πt dt.
sin ( T )
Pour tout 0 < t ≤ α, on a |f (x + t) − f (x+ )| + |f (x − t) − f (x− )| ≤ 2ε.
On a donc
sin2 ( nπ sin2 ( nπ
Z α Z α
1 + − T
t) 1 T
t)
(|f (x+t)−f (x )|+|f (x−t)−f (x )|) 2 πt dt ≤ 2ε· 2 πt dt
nT 0 sin ( T ) nT 0 sin ( T )
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 77
T
2 sin2 ( nπ t)
Z
2
T
≤ε· 2 πt dt = ε.
nT 0 sin ( T )

Puisque f est continue par morceaux sur [0, T ], elle est bornée sur
[0, T ], et par T -périodicité, elle est bornée sur R. Soit M = sup |f (t)|.
t∈R
On a
Z T Z T
1 2
+ − sin2 ( nπ
T
t) 4M 2 nπ
2 sin (
T
t)
(|f (x+t)|+|f (x )|+|f (x−t)|+|f (x )|) 2 πt dt ≤ 2 πt dt.
nT α sin ( T ) nT α sin ( T )

T πα πt π T
Puisque 0 < α < , on a 0 < ≤ ≤ pour tout t ∈ [α, ], et
2 T T 2 2
donc
πt πα T
sin( ) ≥ sin( ) pour tout t ∈ [α, ].
T T 2
On a donc
Z T Z T
1 2
+ − sin2 ( nπ
T
t) 4M 2 nπ
2 sin (
T
t)
(|f (x+t)|+|f (x )|+|f (x−t)|+|f (x )|) 2 πt dt ≤ 2 πα dt.
nT α sin ( T ) nT α sin ( T )

Ainsi
Z T
1 2
+ − sin2 ( nπ
T
t) 4M ( T2 − α) 2M
(|f (x+t)|+|f (x )|+|f (x−t)|+|f (x )|) 2 πt dt ≤ 2 πα ≤ ,
nT α sin ( T ) nT sin ( T ) n sin2 ( πα
T
)
puisque α > 0.
On a donc finalement
2M
|S̃n (f )(x) − vp(f )(x)| ≤ ε + .
n sin2 ( πα
T
)
2M
Pour tout n ≥ ε sin2 ( πα )
, on a donc |S̃n (f )(x) − vp(f )(x)| ≤ 2ε.
T

Montrons la dernière partie. Puisque f est continue, on a vp(f ) = f .


D’autre part, elle est continue sur [0, T ], donc uniformément continue
sur [0, T ]. Ainsi, il existe 0 < α < T /2 (indépendant de x, cette fois) tel
que, pour tous u, u′ ∈ [0, T /2] vérifiant |u−u′ | < α, on a |f (u)−f (u′ )| <
ε.
La majoration précédente est alors encore valable pour tout x ∈ R (il
suffit de reprendre les calculs), d’où la deuxième partie.
Le théorème de Césaro et le théorème de Fejer donne alors :
Corollaire IV.3.3. Si Sn (f ) converge simplement sur R, alors elle
converge vers vp(f ).

On va maintenant étudier les divers modes de convergence de la série


de Fourier. On commence par une définition et un résultat auxiliaire.
78 IV. SÉRIES DE FOURIER

Définition IV.3.4. [Un polynôme trigonométrique de période T


est un élément de Pn (T ), c’est-à-dire une fonction de la forme
n∈N

n
2ikπx
X
x ∈ R 7→ λk e T ∈ C,
k=−n

pour un n ≥ 0 et λk ∈ C.
Lemme IV.3.5. Soit f : R → C une fonction T -périodique, continue
par morceaux. Pour tout ε > 0, il existe un polynôme trigonométrique
P T -périodique tel que
||f − P ||2 ≤ ε.

Démonstration. Soit ϕ : [0, T ] → C une fonction continue telle que


ϕ(0) = ϕ(T ) et
s
1 T ε
Z
||f − ϕ||2 = |f (x) − ϕ(x)|2 dx ≤ .
T 0 2

Une telle fonction ϕ existe : on approche f autour d’un point de dis-


continuité, de 0 ou T par des morceaux de droites de pentes très raides.
Soit alors g : R → C l’unique fonction T -périodique prolongeant ϕ. Par
construction, g est continue (c’est pour cela que l’on a imposé en plus
ϕ(0) = ϕ(T )).
Par le théorème de Féjer, S̃n (g) converge uniformément vers g. Il existe
en particulier un entier n ≥ 0 tel que
ε
||g − S̃n (g)||R ≤ .
2
On en déduit alors facilement que
ε
||g − S̃n (g)||2 ≤ ||g − S̃n (g)||R ≤ .
2
Puisque g et ϕ coı̈ncident sur [0, T ] par définition de g, on a
ε
||f − g||2 ≤ ||f − ϕ||2 ≤ .
2
Mais alors, on a

||f − S̃n (g)||2 ≤ ||f − g||2 + ||g − S̃n (g)||2 ≤ ε.

On prend donc P = S̃n (g). ✷


Théorème IV.3.6 (Parseval). Soit f : R → C une fonction T -périodique,
continue par morceaux. Alors on a ||f − Sn (f )||2 → 0 quand n → +∞.
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 79
X X X
De plus, les séries |cn (f )|2 , |an (f )|2 , |bn (f )|2 sont conver-
n∈Z n≥1 n≥1
gentes, et on a
1 T
X Z
2
|cn (f )| = |f (x)|2 dx
n∈Z
T 0
|a0 (f )|2 1 X
= + |an (f )|2 + |bn (f )|2 (Egalités de Parseval)
4 2 n≥1

Démonstration. Démontrons que ||f − Sn (f )||2 → 0 lorsque n → +∞.


On sait que f et vp(f ) ont même coefficients de Fourier par la remarque
IV.2.4, et donc Sn (f ) = Sn (vp(f )). D’autre part f étant T -périodique
et continue par morceaux, vp(f ) aussi, par la proposition IV.1.8 (1). De
plus, f et vp(f ) sont égales sur [0, T ] sauf éventuellement aux points de
discontinuité de f contenus dans [0, T ] par cette même proposition, et
qui sont en nombre fini car f est continu par morceaux. Ainsi, f −Sn (f )
et vp(f ) − Sn (f ) sont égales sur [0, T ] sauf en un nombre fini de points.
On a donc
||f − Sn (f )||2 = ||vp(f ) − Sn (vp(f ))||2 .

De même, on a ||f ||2 = ||vp(f )||2 . Comme vp(vp(f )) = vp(f ) par la


proposition IV.1.8 (3), quitte à remplacer f par vp(f ), on peut donc
supposer que f ∈ E(T ) dans tout la démonstration.
Soit ε > 0. Soit P0 ∈ PN (T ) tel que ||f − P0 ||2 ≤ ε (un tel P0 existe
par le lemme précédent).
Puisque f = vp(f ), d’après le lemme IV.2.7, Sn (f ) est la projection
orthogonale de f sur Pn (T ). En particulier, pour tout P ∈ Pn (T ), on a
||f − Sn (f )||2 ≤ ||f − P ||2 . Or pour tout n ≥ N , on a PN (T ) ⊆ Pn (T ).
En particulier, pour tout n ≥ N , on a P0 ∈ Pn (T ) et donc
||f − Sn (f )||2 ≤ ||f − P0 ||2 ≤ ε pour tout n ≥ N,
d’où la première partie du théorème.
2ikπ
On a déjà vu que les fonctions e T x , −n ≤ k ≤ n formaient une base
orthornormée de Pn (T ). On a donc
n
X
||Sn (f )||22 = hSn (f ), Sn (f )i = |ck (f )|2 .
k=−n

Puisque Sn (f ) est la projection orthogonale de f sur Pn (T ), Sn (f ) et


f − Sn (f ) sont orthogonaux, et par le théorème de Pythagore, on a
||f ||22 = ||f − Sn (f ) + Sn (f )||22 = ||f − Sn (f )||22 + ||Sn (f )||22 .
En particulier, on a ||Sn (f )||22 ≤ ||f ||22 , c’est-à-dire
80 IV. SÉRIES DE FOURIER

n
X
|cn (f )|2 ≤ ||f ||22 .
k=−n
2
Ceci étant vrai pour tout
Xn, et puisque |cn (f )| ≥ 0, on en déduit la
convergence de la série |cn (f )|2 et
n∈Z
X
|cn (f )|2 ≤ ||f ||22 (Inégalité de Bessel)
n∈Z

De plus, on a
n
X
|cn (f )|2 = ||Sn (f )||22 = ||f ||22 − ||f − Sn (f )||22 .
k=−n

Par passage à la limite, le premier point donne


1 T
X Z
2 2
|cn (f )| = ||f ||2 = |f (x)|2 dx.
n∈Z
T 0

Maintenant, on a
a0 (f ) an (f ) − ibn (f ) an (f ) + ibn (f )
c0 (f ) = , cn (f ) = , c−n (f ) = pour tout n ≥ 1.
2 2 2
2
On a donc |c0 (f )|2 = |a0 (f4 )| . Pour alléger les notations, on écrit an et
bn , au lieu de an (f ) et bn (f ). On a alors

1
|cn |2 + |c−n |2 = a − ibn (an − ibn ) + 14 an + ibn (an + ibn )
4 n
1
= (a + ibn )(an − ibn ) + 14 (an − ibn )(an + ibn )
4 n
1
= (a a + bn bn )
2 n n
1
= 2
(|an |2 + |bn |2 )

On en déduit la convergence des séries de terme général |an |2 et |bn |2 ,


et la deuxième égalité de Parseval. Ceci termine la démonstration du
théorème. ✷
Exemple IV.3.7. Soit f : R → C la fonction 2-périodique définie par

0 si 0 ≤ t < 1
f (t) =
1 si 1 ≤ t < 2
Elle est C 1 par morceaux, donc continue par morceaux. On peut donc
appliquer le théorème de Parseval. Les calculs faits dans l’exemple
IV.2.2 montrent que l’on a
1 2 X 1 1 2 1
Z
+ 2 2
= |f (t)|2 dt = .
4 π m≥0 (2m + 1) 2 0 2
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 81

X 1 π2
On en déduit 2
= .
m≥0
(2m + 1) 8

Exemple IV.3.8. Soit f : R → C l’unique fonction 2π-périodique


définie par f (t) = |t| si t ∈ [−π, π[. Cette fonction est continue, donc
continue par morceaux. Les calculs faits dans l’exemple IV.2.3 montrent
que l’on a
Z π
π2 8 X 1 1 2 π2
+ 2 = |f (t)| dt = .
4 π m≥0 (2m + 1)4 2π −π 3
X 1 π4
On en déduit = .
m≥0
(2m + 1)2 96

Corollaire IV.3.9. On a |cn (f )| → 0 lorsque n → ±∞.


Remarque IV.3.10. La convergence de la série de Fourier vers f au
sens de la norme euclidienne n’implique aucunement la convergence
simple ! ! !
Corollaire IV.3.11. Soient f, g : R → C deux fonctions T -périodiques,
continues par morceaux. Si cn (f ) = cn (g) ( ou, de manière équivalente,
si an (f ) = an (g) et bn (f ) = bn (g)) pour tout n ∈ Z, alors vp(f ) =
vp(g).
En particulier, f et g sont égales sauf éventuellement en leurs points
de discontinuité.

Démonstration. L’hypothèse se réecrit : cn (f −g) = 0 pour tout n ∈ Z.


L’égalité de Parseval montre alors que l’on a
Z T
|f (x) − g(x)|2 dx = 0.
0

D’après la proposition IV.1.8 (3), cela implique que vp(f − g) = 0,


c’est-à-dire vp(f ) = vp(g).
On étudie maintenant la convergence simple de la série de Fourier de
f . On commence par un lemme technique.
Lemme IV.3.12. Soit f : R → C une fonction C 1 par morceaux. Alors,
pour tout x ∈ R, on a
f (x + t) − f (x+ ) ′ + f (x− ) − f (x − t)
lim+ = f (x ) et lim+ = f ′ (x− ).
t→0 t t→0 t

Démonstration. Soit x ∈ R, et soit [a, b] un intervalle contenant x. Soit


ε > 0. Comme f est C 1 par morceaux sur [a, b], on peut choisir t > 0
tel que f est C 1 en tout point de ]x, x + t] (puisque [a, b] ne contient
qu’un nombre fini de de discontinuités de f et f ′ par définition).
82 IV. SÉRIES DE FOURIER

De plus, il existe α > 0 tel que pour tout x′ ∈ [a, b] vérifiant 0 ≤


x′ − x ≤ α, on a |f ′ (x′ ) − f ′ (x+ )| ≤ ε. On choisit 0 ≤ t ≤ α.
f (x + tu)
Alors la fonction g :]0, 1[→ C, u 7→ vérifie g ′ (u) = f ′ (x + tu)
t
pour tout u ∈]0, 1[. On a alors
Z 1
f ((x + t)+ ) − f (x+ ) f (x + t) − f (x+ )
f ′ (x + tu)du = = ,
0 t t
car f est continue en x + t.
Comme 0 ≤ x + tu − x ≤ tu ≤ t ≤ α, on a
|f ′ (x + tu) − f ′ (x)| ≤ ε pour tout u ∈ [0, 1].
Pour tout 0 ≤ t ≤ α, on a donc
Z 1 Z 1 Z 1
′ ′ + ′ ′ +
| f (x+tu)du−f (x )| = | (f (x+tu)−f (x ))du| ≤ |f ′ (x+tu)−f ′ (x+ )|du ≤ ε.
0 0 0

On a donc la première égalité. La deuxième se montre de manière si-


milaire. ✷
On peut maintenant énoncer et démontrer le premier théorème de
convergence sur les séries de Fourier.
Théorème IV.3.13 (Dirichlet). Soit f : R → C une fonction T -
périodique C 1 par morceaux. Alors Sn (f ) converge simplement vers
vp(f ) sur R.

Démonstration. La première partie du lemme IV.3.1 appliquée à la


fonction constante 1 donne
Z T (2n+1)π
2 2 sin( t)
T
1= πt dt.
T 0 sin( T )
On en déduit
T
1 sin( (2n+1)π t)
Z
2
Sn (f )(x)−vp(f )(x) = (f (x+t)−f (x+ )+f (x−t)−f (x− )) T
πt dt.
T 0 sin( T )

Par le lemme IV.3.12, on a


f (x + t) − f (x+ ) f (x− ) − f (x − t)
lim+ = = f ′ (x+ ) et lim+ = = f ′ (x− ).
t→0 t t→0 t
Posons
+ +
ϕ(t) = f (x+t)−f (xsin(
)+f (x−t)−f (x )
= f (x+t)−f (x )+f (x−t)−f (x ) t
− −
πt
) t sin( πt
)
pour
T T
T T
t ∈]0, ]. On a ϕ(t) → (f ′ (x+ ) − f ′ (x− )) lorsque t → 0+ par le
2 π
lemme précédent.
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 83

T ′ +
On peut donc prolonger ϕ en 0 en posant ϕ(0) = (f (x ) − f ′ (x− )).
π
T
La fonction ϕ est alors continue par morceaux sur [0, ]. On étend ϕ
2
en une fonction ψ continue par morceaux sur [0, T [ en posant
si t ∈ [0, T2 ]

ϕ(t)
ψ(t) =
0 si t ∈] T2 , T [
On étend ensuite ψ en une fontion g : R → C T -périodique continue
par morceaux. Par définition de g, on a
Z T
1 T 1
Z
2
− 2inπ t 2inπ
cn (g) = ψ(t)e T dx = ϕ(t)e− T t dt.
T 0 T 0
En particulier, on a
Z T
c−(2n+1) (g) − c2n+1 (g) 1 2 (2n + 1)π
= ϕ(t) sin( t)dx = Sn (f )(x)−vp(f )(x).
2i T 0 T
Pour tout x ∈ R, on a ainsi
1
|Sn (f )(x) − vp(f )(x)| ≤ (|c−(2n+1) (g)| + |c2n+1 (g)|).
2
On conclue en appliquant le corollaire IV.3.9. ✷
Exemple IV.3.14. Soit f : R → C la fonction 2-périodique définie par

0 si 0 ≤ t < 1
f (t) =
1 si 1 ≤ t < 2
Cette fonction est C 1 par morceaux, donc le théorème de Dirichlet
s’applique. On a donc
1 2 X sin((2m − 1)πt)
vp(f )(t) = − pour tout t ∈ R.
2 π m≥1 2m − 1
La fonction f est continue en tout t ∈ R \ Z. De plus, pour tout t ∈ Z,
1 1
on a vp(f )(t) = . En particulier, pour t = , on obtient
2 2
m
1 2 X −(−1) )
0= − .
2 π m≥1 2m − 1
X −(−1)m ) X (−1)m ) π
On en déduit que − = = .
m≥1
2m − 1 m≥0
2m + 1 4

On finit ce chapitre par l’étude de la convergence normale de la série


de Fourier. On a le résultat suivant :
Théorème IV.3.15 (Convergence normale). Soit f : R → C une fonc-
tion T -périodique C 1 par morceaux et continue sur R. Alors Sn (f )
converge normalement (et donc uniformément et simplement) vers f
sur R.
84 IV. SÉRIES DE FOURIER

Démonstration. La série de Fourier exponentielle est donnée par


2inπ 2inπ
X
S(f )(x) = c0 (f ) + c−n (f )e− T x + cn (f )e T x .
n≥1

Or, on a clairement
2iπmx
||cm (f )e− T ||R = |cm (f )|
pour tout m ∈ Z. Il suffit donc de montrer que la série
X
(|cn (f )| + |c−n (f ))|
n≥1

est convergente, car


2inπ 2inπ
||c−n (f )e− T
x
+ cn (f )e x
||R ≤ |cn (f )| + |c−n (f ))|.
T

 1
−n
 .. 
 . 
 −1 
 
En appliquant l’inégalité de Cauchy-Schwarz aux vecteurs   et
 1 
 . 
 .. 
1
  n
−n|c−n (f )|
..
.
 
 
−|c (f )|
 
−1
, on obtient
 
 |c1 (f )| 

 .. 
 . 
n|cn (f )|
v v
n u n u n
X u X 1 uX
(|ck (f )| + |c−k (f ))| ≤ t2 2
·t k 2 (|ck (f )|2 + |c−k (f )|2 ).
k=1 k=1
k k=1

X 1
Or, on sait que est convergente. Si on montre que la série
n≥1
n2
X
n2 (|cn (f )|2 + |c−n (f )|2 )
n≥1

est convergente, alors on aura


Xn s
X 1 sX
|ck (f )| + |c−k (f )| ≤ 2 2
· n2 (|cn (f )|2 + |c−n (f )|2 )
k=1 n≥1
n n≥1

pour tout n ≥ 1, ce qui impliquera la convergence de la série qui nous


intéresse.
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 85
X
Cela revient au même de montrer que la série m2 |cm (f )|2 converge.
m∈Z
Remarquons maintenant que vp(f ′ ) est définie en tout point de R (ce
qui n’est pas forcément le cas de f ′ elle-même), car f étant C 1 par
morceaux, f ′ (x± ) existe pour tout x ∈ R. On peut donc calculer ses
coefficients de Fourier.
2iπm
On va montrer que cm (vp(f ′ )) = cm (f ) pour tout m ∈ Z.
T
2iπmt 2iπmt
Or, les fonctions t 7→ vp(f ′ )(t)e− T et t 7→ f ′ (t)e− T coı̈ncident sur
[0, T ] sauf en un nombre fini de points (où f ′ peut ne pas être définie,
ce qui n’est pas très grave, puisque l’intégrale existe quand même). On
a donc
1 T ′
Z
2iπmt

cm (vp(f )) = f (t)e− T dt.
T 0
2iπmt
Comme f et t 7→ e− T sont toutes deux continues et C 1 par morceaux
sur [0, T ], une intégration par parties (Corollaire IV.1.6) montre que
Z T Z T
′ − 2iπmt − 2iπmt T 2iπmt
f (t)e T dt = [f (t)e T ]0 + 2iπm f (t)e− T dt.
0 0

On obtient donc
1 2iπm
cm (vp(f ′ )) = (f (T ) − f (0)) + cm (f ).
T T
Comme f est T -périodique, on a f (T ) = f (0), d’où le résultat.
à vp(f ′ ) (qui est continue par
D’aprè le théorème de Parseval appliquéX
morceaux), on en déduit que la série m2 |cm (f )|2 converge. Ceci
m∈Z
achève la démonstration. ✷
Exemple IV.3.16. Soit f : R → C l’unique fonction π-périodique
définie par f (t) = |t| si t ∈ [−π, π[. Cette fonction est continue, C 1 par
morceaux. Le théorème de convergence normale nous dit alors que l’on
a
π 4 X cos((2m + 1)t)
f (t) = − pour tout t ∈ R.
2 π m≥0 (2m + 1)2
Remarquons que le théorème de convergence normale nous prédit sans
calculs que la série de de Fourier de f converge normalement sur R, ce
que l’on peut vérifier directement a posteriori.
L’égalité pour t = 0 s’écrit
π 4X 1
0= − ,
2 π m≥0 (2m + 1)2
86 IV. SÉRIES DE FOURIER

ce qui nous redonne


X 1 π2
= .
m≥0
(2m + 1)2 8

Nous revenons maintenant à l’équation de la chaleur. Rappelons que


l’on veut résoudre l’équation
∂T ∂ 2T
= D 2 , x ∈ [0, L], t > 0
∂t ∂x
avec les conditions aux bords
T (0, t) = T (L, t) = 0, T (x, 0) = ϕ(x) pour tout x ∈ [0, L], t ∈ R+ ,
où D > 0.
Remarquons que puisque une solution T admet une dérivée partielle
seconde en x, la deuxième condition implique que ϕ est C 1 sur ]0, L[,
et donc continue sur [0, L]. Remarquons aussi que l’on a
ϕ(0) = T (0, 0) = 0 et ϕ(L) = T (L, 0) = 0.

Nous allons montrer le théorème suivant.


Théorème IV.3.17. Soit ϕ : [0, L] → R une fonction C 1 sur ]0, L[
vérifiant ϕ(0) = ϕ(L) = 0. Alors l’équation de la chaleur
∂T ∂ 2T
= D 2 , x ∈ [0, L], t > 0
∂t ∂x
2
admet une unique solution T : [0, L] × R+ → R telle que ∂T , ∂ T soient
∂t ∂x2
continues sur [0, L] × R+∗ , et vérifiant les conditions au bord
T (0, t) = T (L, t) = 0, T (x, 0) = ϕ(x) pour tout x ∈ [0, L], t ∈ R+ .
Elle est donnée par
X nπ π 2 n2
T (x, t) = bn sin( x)e− L2 Dt ,
n≥1
L
L
2 nπ
Z
où bn = ϕ(x) sin( x)dx.
L 0 L

Démonstration. Soit f l’unique fonction f : R → R impaire 2L-


périodique vérifiant f|[0,L[ = ϕ. Les conditions sur ϕ impliquent facile-
ment que f est continue sur R, C 1 par morceaux, et que bn = bn (f ).
La série de Fourier de f converge donc normalement vers f . Comme

sup |bn sin( x)| = |bn |, cela signifie que la série
x∈R L
X
|bn |
n≥1

est convergente.
IV.3. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE 87

Posons
X nπ π 2 n2
T (x, t) = bn sin( x)e− L2 Dt ,
n≥1
L
π 2 n2
et vérifions que T est solution. Posons un (x, t) = bn sin( nπ
L
x)e− L2
Dt
.
Vérifions tout d’abord les conditions au bord.
X nπ
Pour tout x ∈ [0, L], on a T (x, 0) = bn sin( x) = f (x) = ϕ(x).
n≥1
L
De plus, T (0, t) = T (L, t) = 0 pour tout t > 0 d’après les propriétés
du sinus.
On va calculer maintenant les dérivées partielles de T .
∂un (x,t) 2 2 π 2 n2
On a ∂t
= −bn πLn2 D sin( nπ
L
x)e− L2
Dt
.
Remarquons que l’on a pour tout a > 0, on a
∂un (x, t) π 2 n2 π 2 n2
| | ≤ D 2 |bn |e− L2 Da pour tout x ∈ R, t ≥ a.
∂t L
2 2 π 2 n2
Or D πLn2 e− L2 Da → 0 lorsque n → +∞, et donc est majorée par 1
pour n suffisamment grand. Donc, pour n suffisament grand, et pour
a > 0, on a
∂un (x, t)
| | ≤ |bn | pour tout x ∈ R, t ≥ a.
∂t
Ceci implique que la série de terme général ∂un∂t(x,t) est normalement
convergente, donc uniformément convergente sur ce même ensemble.
Cette série converge donc uniformément sur [a, +∞[ pour a > 0 lors-
qu’elle est vue comme seule fonction de t.
Comme la série de terme général un (x, a) est convergente (de somme
π 2 n2
e− L2 Da ϕ(x)), on en déduit que pour x ∈ [0, L], t 7→ T (x, t) est C 1 sur
[a, +∞[ et on a
∂T (x, t) X ∂un (x, t) X π 2 n2 nπ π 2 n2
= =− bn 2 D sin( x)e− L2 Dt ,
∂t n≥1
∂t n≥1
L L

et ceci pour tout (x, t) ∈ [0, L] × [a, +∞[. Comme cette égalité est vraie
pour tout a > 0, c’est vrai sur [0, L] × R+∗ .
On a maintenant
∂un (x, t) nπ nπ π 2 n2
= bn cos( x)e− L2 Dt
∂x L L
et
∂ 2 un (x, t) n2 π 2 nπ 2 2
−π n Dt
= −b n sin( x)e L2 .
∂x2 L2 L
88 IV. SÉRIES DE FOURIER

Le même genre d’arguments montre que l’on a


∂ 2 T (x, t) X n2 π 2 nπ 2 2
−π n Dt 1 ∂T (x, t)
2
= − b n 2
sin( x)e L2 = ,
∂x n≥1
L L D ∂t
pour tout (x, t) ∈ [0, L] × R+∗ . On a donc bien le résultat voulu.
Montrons maintenant l’unicité de la solution. Pour cela, supposons que
l’on ait deux solutions du problème, disons T1 et T2 , et posons u =
T1 − T2 . Il est facile de vérifier que l’on a
∂u ∂ 2u
= D 2 , x ∈ [0, L], t ∈ R+ ,
∂t ∂x
∂u ∂ 2 u
que ∂t , ∂x2 sont continues, et que
u(0, t) = u(L, t) = u(x, 0) = 0 pour tout x ∈ [0, L], t ∈ R+ .
∂u
Remarquons que est une fonction continue. Posons
∂t
Z L
1
J(t) = u(x, t)2 dx.
2D 0
Nous allons montrer que J est identiquement nulle, ce qui montrera
que u(x, t) = 0 pour tout t > 0 et tout x ∈ [0, L], u étant une fonction
continue.
Par construction (et par hypothèse sur la régularité des solutions T1 , T2 ),
∂u(x,t) 2

∂t
est continue sur [0, L], t × R+∗ . Donc ∂u(x,t)
∂t
= 2u(x, t) ∂u(x,t)
∂t
est
+∗
aussi continue sur [0, L] × R .
On a donc
1 L
Z L
∂u(x, t) ∂ 2 u(x, t)
Z

J (t) = u(x, t) dx = u(x, t) dx.
D 0 ∂t 0 ∂x2
En intégrant par parties, il vient, en tenant compte des conditions aux
bords, 2
Z L
′ ∂u(x, t)
J (t) = − dx.
0 ∂x
On a donc J ′ (t) ≤ 0 pour tout t ≥ 0. Ainsi J est décroissante, et on a
J(t) ≤ J(0) pour tout t ≥ 0.
Or on a Z L
1
J(0) = u(x, 0)2 dx = 0,
2D 0
d’après les conditions au bord vérifiées par u. Ainsi, J(t) ≤ 0 pour tout
t ≥ 0. Mais J est l’intégrale d’une fonction positive ou nulle, et donc
on a aussi J(t) ≥ 0 pour tout t ≥ 0.
On en déduit que J = 0, et donc u(x, t) = 0 pour tout t > 0 et tout
x ∈ [0, L]. Comme on a aussi u(x, 0) = 0 pour tout x ∈ [0, L], u est
identiquement nulle, c’est-à-dire T1 = T2 .

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