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GÉOGRAPHIE MÉDICALE

D’ALGER
ET DE SES ENVIRONS,

PAR M. BONNAFONT

Docteur en médecine; Chirurgien aide-major de l’armée d’Afrique;


Professeur d’anatomie à l’ex-hôpital d’instruction d’Alger ; Chirur-
gien en chef d’ambulance aux expéditions de Constantine, de la Tafna,
de Stora, de Sétif, etc. ; Chevalier de l’ordre royal de la Légion d’Hon-
neur ; Membre correspondant de l’Académie royale de Médecine de
Paris ; de la Société royale de Médecine de Marseille, etc.

ALGER,
BRACHET ET BASTIDE, LIBRAIRES,
PLACE DU GOUVERNEMENT.

1839
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
spenatto@club-internet.fr

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—I—

INTRODUCTION

Le devoir d’un médecin qui arrive dans une contrée


qui lui est inconnue, est de jeter un coup d’œil général
sur sa position géographique et d’étudier immédia-
tement les influences climatériques : la connaissance
des lieux et du climat doit précéder toutes recherches
ultérieures de sa part, et, pour y arriver, rien ne lui pa-
raîtra difficile ni minutieux, car, en médecine comme
en physique, les grands résultats dérivent souvent des
causes les plus simples et les plus légères en appa-
rence.

Ainsi donc, indiquer les causes simples ou com-


pliquées, qui peuvent porter atteinte à la santé, sous
tel climat, puis donner les moyens de détruire les ef-
fets de ces mêmes causes, en posant le remède à côté
— II —

du mal, deviendront nécessairement la base des ob-


servations et du travail du médecin observateur qui
comprendra son double ministère.

C’est dans l’espoir et le désir d’être utile à la po-


pulation qui, depuis neuf ans que la France occupe
ce pays, s’accroit de jour en jour, et surtout à l’armée
d’occupation, que nous avons recueilli des notes re-
lativement aux points habitables, plus ou moins salu-
bres, que présente Alger et ses environs.

Il nous a semblé que, dans un moment où les es-


prits paraissent plus que jamais attentifs aux progrès
de la colonisation, il était de l’intérêt de tous de mettre
à jour, sous son véritable point de vue, une question
d’hygiène et de salubrité assez mal comprise jusqu’à
ce jour, et dont la solution aurait dû être depuis long-
temps encouragée, faite et donnée.

Et, en effet, pour peu qu’on y réfléchisse, on com-


prendra que ces sortes de questions marchant, pour
ainsi dire, à la suite de la conquête, leur solution de-
vrait être le point de mire du fondateur et du législa-
teur, puisque c’est sur elles et sur leurs conséquences
que repose l’édifice naissant de la colonie.

Nous le répétons, c’est dans l’espoir et le désir


d’être utile que nous apportons notre pierre au monu-
— III —

ment. Nous serons compris de tous, parce que nous


sommes vrai ; nous obtiendrons grâce aux yeux de
beaucoup, parce que nous produisons les résultats de
travaux consciencieux, dont nous n’avons pas tou-
jours cueilli les fruits sans danger, sans peine et sans
fatigue.

A ceux qui ignorent complètement ce pays et


surtout son climat, nous dirons : voilà des documents
pris sur les lieux mêmes : apprenez, examinez, et
basez votre jugement. A ceux qui ont habité ou qui
habitent encore la ville d’Alger ou ses environs, et
qui, par conséquent, ont été à même déjà d’asseoir
leurs opinions et de saisir la grande question de salu-
brité avec plus ou moins de justesse, à ceux-là nous
dirons aussi : lisez-nous avec quelque attention; no-
tre labeur n’a rien de nouveau pour vous; mais si
nous parvenons à redresser des préjugés, si nous
vous donnons des détails propres à éclairer quelques
points obscurs de vos observations, si nous pouvons
par conviction et par étude, corroborer votre opinion,
étendre et préciser vos études, ajoutez donc foi à des
faits que nous avons vus et dont nous ne donnons que
l’historique. — Dans les deux cas, notre tâche sera
remplie : instruire les premiers qui ignorent, éclairer
les autres qui savent.

Du reste, disons-le, c’est particulièrement aux


— IV —

personnes qui, éloignées d’Alger, jugent sur des on


dit ou sur des faits peut être mal observés et mal ren-
dus, c’est particulièrement et principalement à celles-
là que nous nous adressons ; c’est pour leur épargner
désormais la peine de tirer des conclusions erronées
sur un pays qu’elles ne connaissent pas, conclusions
d’autant plus fâcheuses, qu’émanant d’hommes haut
placés, elles trouvent plus d’écho dans la société, c’est
pour les hommes de bonne volonté et de bonne foi que
nous écrivons : toute prétention d’écrivain a fait place
à la pensée de l’utile, du juste, du vrai surtout.

Ceux qui ont vu, ceux qui n’ont pas vu, ceux qui
ne croient ni ne veulent croire, ceux qui désirent voir
et croire, tous pourront (nous l’espérons du moins)
se convaincre qu’Alger et ses environs sont aussi sa-
lubres aujourd’hui que la plupart des localités de la
France, car nous donnerons à tous des faits pour preu-
ves, des résultats pour appui, résultats obtenus par la
théorie et par la pratique.

Pour bien apprécier l’influence climatérique, on


n’a qu’à observer ce qui se passe sur le globe ; par-
tout on voit les innombrables variétés qui distinguent
les espèces soumises à des dispositions particulières
du climat ; partout on trouve l’homme, au physique
et au moral, placé sous l’influence de ces mêmes dis-
positions. C’est en vain qu’il voudrait se soustraire à
—V—

l’empire des causes locales ; il est forcé d’y céder, de


marcher avec elles ; en un mot, il est ce que l’a fait son
climat, il en porte l’empreinte ineffaçable. Le climat est
la base de tout pour l’homme : manière d’être indivi-
duelle, nature, législation, gouvernement, religion, le
climat est un cercle dans lequel le Créateur a enfermé
sa créature, et dont elle ne peut impunément franchir
la circonférence. Et qu’on ne s’y trompe pas, le cli-
mat est souvent la source d’où découlent les grandes
révolutions terrestres et politiques : ne pas se mettre
à l’unisson des influences qu’exerce sur l’individu en
général tel ou tel climat, s’y opposer rudement, sys-
tématiquement, c’est jeter le chaos dans les choses et
chez les peuples ; les étudier, les suivre d’un œil saga-
ce et pénétrant jusque dans leurs racines, en exprimer
toute la substance, surtout en appliquer le produit au
physique comme au moral, à la chose inerte comme
à l’être organisé, à la pierre comme à l’homme, tel
est l’écueil que doit franchir le législateur habile, ou,
pour dire plus clairement, la science que doit avoir le
fondateur d’une colonie, c’est de mouler l’homme sur
le climat, c’est d’encadrer l’être organisé, l’individu,
la famille, le peuple dans le cercle climatérique de
la colonie, et pour y arriver, le fondateur devra s’ap-
puyer d’un bras sur la législation qu’il respectera, de
l’autre sur la médecine dont il écoutera les conseils; à
droite, la loi qui gouverne, à gauche, la médecine qui
guérit.
— VI —

Que d’hommes engloutis dans les colonies, mois-


sonnés par un climat dévorant et par des maladies
auxquelles ils ne pouvaient se soustraire, parce que
les causes leur en étaient cachées, qui n’eussent point
succombé s’ils avaient été munis de connaissances lo-
cales suffisantes pour s’arracher eux-mêmes à des in-
fluences terribles ! combien de ces lieux jadis le tom-
beau de tous ceux qui les approchaient, sont devenus
habitables et riches par les bienfaits de la civilisation !
il tient souvent à si peu de chose de combattre, si non
avec un succès complet, du moins avec avantage, un
climat qu’on croyait mortel !...

Lorsqu’on veut fonder une colonie, il ne suffit


pas de choisir des rades propres à la navigation, des
positions avantageuses pour la défense en temps de
guerre, des points de centre ou d’arrivage favorables
au commerce en temps de paix ; il ne faut pas faire
d’une localité un entrepôt de spéculation purement,
uniquement, ou plutôt il faut faire toutes ces choses,
en tenant compte, d’abord, du plus ou du moins de
salubrité que présentent les lieux préjugés aptes à de-
venir ce qu’on veut qu’ils soient. La santé avant le
commerce, la santé avant la guerre, la santé avant la
paix, la santé des peuples, disons-le mille fois, avant
toutes autres considérations ultérieures. Quand un
peuple jouit bien de toutes ses facultés organiques, il
se défend, il travaille, il navigue, il commerce, il vit
— VII —

enfin, c’est un peuple, c’est une chose sur laquelle on


peut compter. Aussi combien n’avons-nous pas vu de
vastes projets qui ont dû être abandonnés, après avoir
coûté d’immenses sacrifices d’hommes et d’argent, et
qui n’ont dû être abandonnés que parce qu’ils man-
quaient de base, que parce qu’ils avaient, pour ainsi
dire, oublié de s’appuyer sur ce principe : le climat de
telle localité est-il ou peut-il être approprié à tel peu-
ple ? l’histoire des colonies nous fournirait de nom-
breux exemples de ce que nous avançons.

Abrégeons.
On arriverait à bonne fin si, avant de former un
établissement, on commençait par acquérir la connais-
sance topographique et hygiénique du point à exploi-
ter, des moyens d’assainir cette localité, si elle of-
frait quelque danger pour la santé, et surtout si l’on
s’enquérait avec soin des maladies qui y règnent, à
tel mois, sous tel degré de température, quand, com-
ment, pourquoi. Dès lors, prévenu de ce qu’il doit
craindre, de ce qu’il peut espérer, fort de ses études et
de ses observations, le fondateur, toujours prêt à faire
front à un ennemi qu’il redouterait moins parce qu’il
le connaîtrait mieux et qu’il aurait en main des ar-
mes pour le combattre et le détruire, le fondateur irait
droit au sol, s’y caserait, lui et son peuple; et voilà une
colonie qui peut devenir un jour fertile, riche, saine,
pleine d’avenir.
— VIII —

Si maintenant, passant de considérations géné-


rales à des données particulières, nous nous repor-
tons aux premières années de notre entrée en Afrique
(1830 et 1831), si nous jetons un coup d’œil rapide
sur la salubrité que présentaient les environs d’Alger
et quelques parties de la plaine, nous verrons que ces
localités, depuis longtemps abandonnées à elles-mê-
mes, sont devenues le siège d’eaux stagnantes, dont
l’évaporation, à l’époque des chaleurs, causait des
ravages directs sur les habitants, ce qu’il faut attri-
buer aux différentes matières végétales et animales
qui, se décomposant dans le sein de ces eaux dor-
mantes, chargeaient l’air de miasmes fétides. Tout a
changé ; un gouvernement sage et éclairé a compris
qu’il devait avoir recours, pour mettre un terme à cet
état de choses, aux hommes d’art. Les eaux stagnan-
tes ont diminué ; quelques marais ont été desséchés ;
les foyers de putréfaction d’où s’échappait le mal ont
commencé à disparaître; puis, voilà le résultat : le
quartier de Mustapha, par exemple, naguère si mal-
sain, surtout au moment des grandes chaleurs d’été,
le quartier de Mustapha jouit aujourd’hui d’une salu-
brité incontestable ; il suffit de s’y transporter et de
voir les Européens qui l’habitent, pour en être plei-
nement convaincu. A quoi devons-nous ces amélio-
rations ? au desséchement des marais environnants,
nous le disions, et à la culture, déjà fort avancée, de
cette partie du territoire.
— IX —

Tel était l’état sanitaire des environs d’Alger en 1830,


1831 et 1832. Faut-il s’en étonner ? doit-on en conclu-
re que le mal est sans remède ? Que ceux qui doutent
portent leurs regards en arrière, qu’ils lisent l’histoire
de ce pays, et alors, au lieu d’assertions vagues et mal
fondées, au lieu de préjugés admis sans examen, au
lieu de systèmes basés sur des faits inexacts, grossis
et exagérés par le prisme de l’ignorance, ils verront
ce que nous avons vu, ils diront ce que nous disons
: une terre abandonnée pendant des siècles à toutes
les vicissitudes atmosphériques, que foule une popu-
lation extatique et oisive, gagnant sa vie à coups de
fusil, méprisant la culture, ne se donnant même pas
toujours la peine de cueillir les fruits que la nature
lui prodigue en bonne mère, une terre sur laquelle les
eaux, fondant par torrents, se précipitent, roulent, bri-
sent, fracassent tout sur leur passage, sans frein, sans
cours, sans loi, une terre inondée, submergée, englou-
tie, peut-elle être florissante, peut-elle être toujours
saine ? Si les Romains, qui ont laissé tant de traces
de leurs travaux dans ces contrées, venaient nous en-
tretenir de l’antique fertilité de cette belle plaine, en
nous rappelant ce qu’elle a été, ils nous apprendraient
ce qu’elle peut être encore, quelles richesses et quel
avenir dorment dans son sein !

Mais ce qui était lors de la conquête n’est plus


aujourd’hui ou finira par n’être plus : quelques terres,
—X—

naguère incultes, sont défrichées, semées et produi-


sent; la charrue a remplacé le fusil ; là où croupissait
un marais infect, verdit l’herbe de la moisson ; telle
pente d’où l’eau tombait à flots dans les ravins, vient
d’être coupée, et le Génie la traverse d’une route lar-
ge et commode ; un jardin cultivé repose les yeux au
fond d’une vallée, d’où s’échappaient des exhalaisons
putrides : le sol a été retourné, la nature morte a fait
place à la nature vivante, le colon actif, le propriétaire
intéressé labourent et produisent, là où l’Arabe iner-
te dormait, sans souci du lendemain : partout travail,
changement partout.

Résumons-nous : la question de salubrité d’Al-


ger et de ses environs se réduit à celle-ci, qui nous
paraît fort simple : l’insalubrité de quelques points de
la plaine dépend-elle de la nature du climat, ou des
influences que lui communique le sol ? en d’autres
termes : les marais de la plaine sont-ils le résultat
d’une disposition naturelle et primitive du sol, ou tout
bonnement la conséquence forcée d’évènements ac-
cidentels survenus dans le cours des eaux qui la par-
courent ? Pour celui qui a examiné avec attention
la nature de ces marais, la disposition du terrain qui
les entoure, la manière dont ils ont dû se former, la
question n’en sera vraiment pas une ; il répondra :
les marais ont pour source une cause-accidentelle ;
desséchez-les, vous aurez un sol excellent à cultiver
— XI —

et tout aussi habitable que salubre. Quant à nous, s’il


nous était permis de donner notre avis, nous dirions
qu’après avoir fait du sol des environs d’Alger, l’ob-
jet des études et des observations les plus conscien-
cieuses, les plus exactes de notre séjour en ce pays,
nous affirmons que ces dépôts d’eaux stagnantes ne
doivent leur naissance qu’à l’incurie des habitants et
à l’obstruction des canaux, qui, dans des temps plus
reculés, donnaient écoulement à l’excédant des eaux
pluviales et autres.

Voilà des faits : si donc l’insalubrité ne tient qu’à


des dispositions locales, les causes étant connues, les
effets deviennent accessibles à la main de l’homme,
et, s’il ne coupe pas le mal dans sa racine, c’est qu’il
ne le veut pas; les moyens sont ou vont être mis à sa
disposition.

Mais il est de la nature de l’homme de vouloir


ce qui est bien : le gouvernement français, représenté
ici par des gouverneurs sages, prudents, éclairés, a
compris sa mission, et les travaux qu’il a fait exécuter
n’ont pas peu contribué à l’assainissement de toutes
ces localités, en ce moment pleines de vie, de mou-
vement, de travail et d’espérance ; et, pour ne citer
qu’un exemple entre tous, nous devons à la vérité de
dire que les travaux de desséchement entrepris par le
Génie, en 1832, dans les quartiers de la Maison-Carrée
— XII —

et de la Ferme-Modèle, avaient donné les résultats les


plus satisfaisants, et promettaient, pour l’avenir, une
réponse sans réplique aux incrédules et aux timides.
Les documents que nous avons entre les mains nous
donnent le droit d’avancer que, bien que les maladies
qui se développent dans ces deux localités sévissent
aussi généralement sur les habitants, il n’est pas dou-
teux que le caractère de ces affections, toutes locales,
a déjà beaucoup perdu et finirait par perdre entière-
ment son intensité, si les améliorations apportées sur
ces points pouvaient ou avaient pu être continuées.

Ici s’arrêtent nos observations : la mission du mé-


decin topographe est d’indiquer les causes du mal et
les diverses circonstances qui s’y rattachent, rien de
plus. Quant aux remèdes à appliquer et aux moyens à
employer pour le détruire, c’est à l’administration sur-
tout, et ensuite aux autres parties intéressées, qu’est
réservée la tâche, pénible sans doute, mais grande et
sacrée, de parachever l’œuvre indiquée.

L’administration a déjà fait beaucoup pour la sa-


lubrité de la ville et de ses environs; on en peut juger
par les faits : deux places spacieuses et aérées, desti-
nées aux marchés et à la promenade, s’ouvrent sur la
mer, offrant un débouché commode et salubre à bon
nombre de rues noires, fétides, entassées; ces rues
elles-mêmes s’élargissent, s’aplanissent et peuvent
— XIII —

jouir enfin des bienfaits de la lumière et de la cha-


leur; les maisons, principalement dans la basse ville,
partie occupée par les Européens, se construisent et
s’organisent d’une manière plus appropriée aux be-
soins journaliers de la vie. Mais de tout ce qu’a exé-
cuté l’administration jusqu’à ce jour, l’œuvre locale
la plus méritante, la plus digne d’éloges, est l’espla-
nade Bab-el-Oued. Cette esplanade, dont les travaux
se continuent avec activité, aura l’avantage d’offrir,
aux portes de la ville, une promenade vaste, agréable
et surtout utile aux habitants d’Alger, sous le rapport
de la salubrité, car on a dû, pour la construire, anéantir
les foyers d’infection qui l’entouraient, en comblant
les cimetières.

Ce n’est pas sans crainte que nous livrons notre


travail à la publicité; l’envie ne nous effraie guère ce-
pendant : si nous arrivons au cœur des hommes hon-
nêtes, justes et de bonne foi; si nous donnons la vérité
pour preuve de nos allégations; si nous servons l’hu-
manité et la patrie, qu’avons-nous à redouter ?
— XIV —
APERÇU GÉNÉRAL.

TOPOGRAPHIE D’ALGER ET DE SES ENVIRONS.

QUEL EST LE DEGRÉ DE SALUBRITÉ QUE


PRÉSENTE ALGER ET SES ENVIRONS ?

Toutes considérations ultérieures ont fait place,


dans notre esprit, à la solution de cette question : ques-
tion grave et sérieuse, en effet, puisque d’elle semblent
dépendre tous les éléments constitutifs d’une colonie
naissante et toutes les chances de réussite possibles.

On ne trouvera donc pas déplacé ici cet aperçu


général sur la topographie d’Alger et de ses environs,
car il est, pour ainsi dire, la base sur laquelle nous éta-
blirons nos observations, le phare du sommet duquel le
lecteur verra se dérouler, comme un panorama, les faits
historiquement hygiéniques que nous lui présenterons.
—2—

Ce travailpréliminaire fait, partie d’un ouvrage


plus étendu que nous nous proposons de publier un
jour, dans l’intérêt du pays : nous l’avons, pour le ren-
dre plus clair, divisé en six parties bien distinctes.

Que le lecteur, colon, marchand, propriétaire,


employé ou militaire se rappelle le jour où, fatigué
d’une traversée presque toujours pénible, il a vu, pour
la première fois, se dérouler sous ses yeux, en mer et
à la distance de quelques lieues, les côtes d’Afrique
qui semblaient croître à l’horizon, couvertes d’un ri-
deau transparent de brouillards ou de vapeurs blan-
ches, molles et indécises, à mesure que le navire ap-
prochait... L’impression primitive qu’il a ressentie est
une impression de tristesse ou au moins de mélancolie
: c’est une nature vierge, un sol vivace, rude, acciden-
té, une terre semée çà et là de points blancs enchâs-
sés dans une verdure sauvage et forte qui a d’abord,
par sa richesse et par sa variété, frappé ses regards. A
hauteur de la Pointe-Pescade, le point de vue a subite-
ment changé une baie, dont la forme demi-circulaire
figure assez bien, celle d’un fer à cheval, lui a présenté
les deux extrémités ; à l’est le cap Matifou, à l’ouest
la ville d’Alger avec ses maisons blanches à éblouir.
L’étonnement et la joie succèdent bientôt à toute autre
espèce de sentiment, à la vue du vaste paysage mari-
time qui se dessine et grandit à l’horizon : la rade est
enveloppée d’une chaîne de montagnes qui suivent sa
—3—

direction hémisphérique depuis Alger jusqu’à Matifou.

Certes, tout voyageur qui aperçoit de loin ALGER


LA GUERRIÈRE, comme l’appelaient les Arabes,
avec son môle, ses minarets, ses terrasses étagées les
unes sur les autres, peut la prendre, dans une illusion
d’optique, pour une immense carrière de craie, taillée
à vif dans une montagne. Mais cette illusion n’est pas
de longue durée : le fond de la côte couvert, en toute
saison, d’une riche végétation, s’étale et embrasse la
ville d’un réseau de maisons de campagne riantes, ca-
pricieusement semées dans le vallon ou prenant de l’air
sur la crête des collines; d’un côté c’est l’ancien jardin
du Dey, avec ses myriades d’arcades blanches ; puis
le cimetière des Juifs, dont les tombes moutonnent à
l’œil ; c’est le fort des Anglais, le fort des vingt-quatre
heures; de l’autre côté, la longue grève de Mustapha,
le fort Bab-Azoun, mille constructions mauresques
qui égayent le paysage ; au fond, se déroulant comme
un vaste rideau, la chaîne du petit Atlas, qui semble se
perdre dans le ciel. Cet aspect indiquerait plutôt le voi-
sinage d’une cité européenne, avec son industrie, son
mouvement, sa civilisation, que le repaire d’anciens
écumeurs de mer, indolents et astucieux.

La partie de la côte qui s’étend d’Alger à la Poin-


te-Pescade, n’offre pas le même aspect que celle qui
s’étend d’Alger au cap Matifou. D’Alger à la Pointe-
—4—

Pescade le pays est coupé par des montagnes élevées,


que séparent des ravins profonds, et sur la pente des-
quels quelques maisons descendent çà et là, corrigeant
ainsi le tableau agreste et rude de ces lieux.

Du côté sud c’est une colline hémisphérique, li-


mitant la rade d’Alger à Matifou, et présentant le coup
d’œil le plus varié, le plus pittoresque, espèce de toile
déroulée sur laquelle un artiste habile semble avoir
semé au pinceau des jardins, des villas italiennes, des
palmiers, des grèves toutes reluisantes de sables.

De toutes les sensations qu’on éprouve, en abor-


dant au port d’Alger, la première et la plus naturelle
est celle des yeux : je m’explique.

Pour ne parler que d’Alger, cette ville est bâtie


en amphithéâtre sur le versant d’une montagne. Elle
est assise en triangle sur cette pente, de telle sorte que
les deux côtés opposés, figurés au plan par le fossé
du midi à Bab-Azoun, et par le fossé du couchant à
Bab-el-Oued, aboutissent à leur point d’intersection
au château du fort de la Casbah qui forme le som-
met du triangle, tandis que le troisième côté vient en
s’élargissant s’appuyer à la mer ou au port. Cette po-
sition topographique indiquera jusqu’à quel point les
Arabes comprenaient l’art des fortifications. La ville
descendant à pic et rapidement le long d’une colline,
—5—

est entourée d’une ceinture de muraille crénelée dont


la hauteur varie suivant les accidents du terrain qui
l’environne. La Casbah ou palais des anciens Deys
est placée, comme on peut le remarquer, de manière à
dominer toute la ville et à permettre au souverain de
s’échapper aisément en cas de poursuite, puisqu’elle
est le dernier point occupé sur la hauteur. Cinq portes
donnent entrée et sortie à la ville :

1° Au midi, à l’angle inférieur de la ville : BAB-


AZOUN (porte d’Azoun, nom qu’elle a gardé d’un
prince de Mauritanie, appelé Azoun, qui fit le siège
d’Alger, vers l’an 1528).
2° Au nord, à l’’autre angle inférieur : BAB-EL-
OUED (porte de la rivière, à cause du ruisseau qui
coule dans son voisinage).
3° Sur le port, à la pointe du territoire, à droite, en
arrivant par mer : BAS-EL-DJEZIRA (porte d’Alger,
porte de l’île mot à mot, devenue PORTE DE FRANCE
depuis la conquête, ou PORTE DE LA MARINE).
4° Sur le port, près du mouillage du commerce :
BAB-EL-BAHAR (porte de la mer mot à mot, POR-
TE-PESCADE, OU PORTE DE LA PÊCHERIE).
5° Au midi, entre Bab-Azoun et la Casbah : BAB-
EL-DJEDID (porte la neuve mot à mot, ou la PORTE-
NEUVE)

Une sixième porte, BAB-MENSOURA ou PORTE


—6—

DE SECOURS, que nous ne pouvons comprendre dans


cette nomenclature, s’ouvre sur les murs de derrière de
la Casbah. Ce palais ayant toujours formé dans la vil-
le un édifice à part, sans communication aucune avec
les bâtiments qui l’avoisinent, bab-mensoura n’était
appelée par les Maures, avant la conquête, que porte
de la Casbah : on sait trop aujourd’hui quelle était la
manière de gouverner des anciens Deys pour ne pas
rendre à cette porte son véritable nom, c’est-à-dire, in-
diquer le but dans lequel elle avait été construite.

La ville d’Alger se divise en deux zones prin-


cipales, que nous appellerons la ville haute et la vil-
le basse. La première est encore presque exclusive-
ment occupée par les Indigènes, tandis que la seconde
n’est, à vrai dire, habitée que par les Européens. Cette
scission matérielle entre les Maures et les Français
fera longtemps encore le désespoir des spéculateurs
de systèmes, qui en tirent pour conclusion que la fu-
sion des deux peuples est impossible. Quant à nous, il
nous semble que cette retraite de la part d’un peuple
calme, extatique, aussi peu guerrier que marchand, et
que nos intérêts bruyamment débattus troubleraient
chaque jour, il nous semble que cette retraite qui laisse
un libre cours à nos affaires commerciales, aux occu-
pations graves que nous donne la colonisation, devrait
nous être un motif d’assurance morale, de stabilité, de
travail persévérant.
—7—

La ville haute n’a rien changé à ses habitudes, à


ses constructions : ce sont toujours des rues sinueu-
ses, étroites, obscures, obstruées; toujours des voû-
tes à cheval sur ses rues, ce qui fait qu’on chemine
sans voir clair, et qu’on trébuche à chaque pas, vu le
mauvais système de pavage adopté par les Maures (ce
sont des cailloux inégaux que le travail du sol fait di-
verger en tout sens) et surtout la manière abrupte dont
ils adoucissent la pente de ces chemins raides et grim-
pants, en plaçant, de deux en deux pas, des degrés ou
marches, dont la saillie est indiquée par une longue
bande de, cailloutage, sur lesquels on ne peut poser le
pied Sans danger de glisser et de tomber rudement.

Cinq rues, que nous appellerons artérielles, cou-


pent, divisent et traversent sans rupture et sans pertur-
bation cette mer de maisons blanches qui font le pâté
de la ville : deux dans la ville haute, trois dans la ville
basse. Des deux premières, l’une, la rue de la Porte-
Neuve, commence à la porte de ce nom et vient dé-
boucher sur la place du Gouvernement; l’autre, la rue
de, la Casbah, partant de la Casbah, aboutit à la rue
Bab-el-Oued; la première suit la direction du fossé du
midi, la seconde celle du fossé du nord. Ces deux rues
mêlent, infusent, versent, transvasent constamment la
population mauresque dans le tricot inextricable des
autres rues bizarrement brouillées de la haute ville.
Là, en effet, ce ne sont que cloaques, impasses, angles
—8—

saillants, angles rentrants, voûtes, dédale inintelligi-


ble dans lequel nous nous perdons encore.

Les trois rues de la ville basse n’offrent plus le


même aspect : la première, ou rue de la Marine, s’ouvre
à la Porte de France ou de la Marine, et tombe sur la
Place du Gouvernement. La seconde, partant de Bab-
el-Oued, vient se jeter sur la même place, sous le nom
de rue Bab-el-Oued. La troisième enfin, allant encore
de la même place, va joindre Bab-Azoun, et s’appelle
rue Bab-Azoun.

Si dans les rues tortueuses de la haute ville on ne


voit que des piétons, et, à de rares intervalles, quel-
ques mulets, des ânes ou des chevaux, gravissant ou
descendant à grand-peine ces pentes pour ainsi dire
verglacées par un caillou poli et glissant, dans les rues
de la basse ville, au contraire, les charrettes, les voitu-
res de train, les bêtes de trait, les bêtes de somme, les
piétons, tout circule pèle mêle et sans danger. Les rues
Bab-Azoun, Bab-el-Oued et de la Marine sont à peu
près nivelées et cailloutées de manière à ce que les
eaux pluviales et autres trouvent un libre écoulement.
A la place des constructions hybrides qui fourmillent
encore dans le haut quartier de la Casbah, s’élèvent des
constructions européennes vastes, hautes, solides, des
maisons dont les arcades offrent aux piétons un abri
plus salutaire que les voûtes mauresques, dont nous
—9—

signalerons plus bas les inconvénients.

Tout en attaquant le système de viabilité adopté


par les Maures, nous devons cependant leur rendre
cette justice, que leurs rues, à l’époque des grandes
chaleurs, sont bien autrement aérées, fraîches et agréa-
bles que celles de nos villes du midi, où l’on ne peut
circuler, pendant certaines heures du jour, sans être
brûlé par un soleil qui surplombe et donne souvent
naissance à des maladies graves.

D’autre part, si l’ombre projetée sur les rues par


la saillie que forment presque toutes les construc-
tions mauresques, permet de parcourir la ville, même
sous une température élevée ; si cette température est
constamment rafraîchie par un vent léger et doux,
que ces rues longues, étroites, abritées, font, par leur
construction même, circuler dans leur sein, comme
dans de vastes corridors ; il n’en est pas moins dé-
montré aujourd’hui que cette ombre et cette fraî-
cheur, pour un moment si agréables, ont aussi de gra-
ves inconvénients. Lorsque, Far exemple, on passe
rapidement d’une place échauffée par le soleil dans
ces espèces de couloirs sombres, sous ces voûtes
quelquefois humides, le froid est si vif, si saisissant,
qu’il fait éprouver, à travers les vêtements d’été euro-
péens, une sensation subite de contraction extérieure
à la peau; on se sent glacé.
— 10 —

Malgré cela, je crois que l’autorité ne devrait per-


mettre l’élargissement des rues que pour celles qui
sont nécessaires à nos grandes relations commercia-
les. Nous semblons ici nous contredire : nous déve-
lopperons plus loin notre pensée et nous indiquerons
le remède à apporter à ce système de viabilité, en ap-
parence fautif, quoique nécessaire.

Mais disons qu’avant tout l’administration doit


donner les soins les plus scrupuleux à l’entretien et à
la propreté des rues, des places, des impasses surtout,
coins obscurs où le mal a tant de fois pris naissance.
Les améliorations vont tous les jours croissant, et c’est
tant mieux, car quelques quartiers de la ville basse ont
longtemps demandé (ce qui a été fait) et demandent
encore qu’on les assainisse, en y conduisant l’eau qui
lave et emporte dans son cours les miasmes dévelop-
pés par les immondices jetés et entassés çà et là. Des
rues étroites, où l’air est difficilement renouvelé, où
les rayons du soleil ne pénètrent qu’avec peine, dont
le sol est souvent humide ; des impasses où une masse
d’atmosphère reste stagnante ; des coudes, des angles
formés par les maisons, où la circulation de l’air et du
vent s’arrête, comme brisée dans sa course; des éma-
nations morbidiques sans cesse dégagées des substan-
ces végétales et animales qui pourrissent sous les voû-
tes et souvent même dans les cours des maisons : tel
est encore aujourd’hui le tableau qu’offrent certaines
— 11 —

localités dans la ville. Le quartier habité par les Juifs


est un de ceux sur lesquels portent plus particulière-
ment les remarques que nous venons de consigner.

Et, qu’on ne s’y trompe pas, c’est au retard appor-


té à l’enlèvement des immondices, au manque d’air et
de chaleur, qu’il faut attribuer une grande partie des
affections qui décimaient cette population mercanti-
le, beaucoup plus occupée de ses intérêts que de son
bien-être de tous les jours. Aussi ne doit-on pas être
surpris de rencontrer, chez elle, des êtres étiolés et
affligés de maladies étrangères, pour ainsi dire, aux
autres classes d’habitants de cette même ville.

Le seul remède à apporter en cette circonstance,


c’était de démolir les maisons, d’élargir les rues, de
former des places : l’administration française a com-
pris sa mission; des travaux d’assainissement ont été
faits, et, s’il en reste encore à faire, ils sont poussés
avec tant d’activité, que nous pouvons dire que les
foyers de putréfaction ont complètement disparu.

Telle est, à ne parler que très sommairement, la


topographie d’Alger et de ses environs. Comme nous
l’avons dit, le médecin, qui a deux missions, ne doit
s’occuper des localités d’un pays qu’autant que ses
études sur le sujet deviennent nécessaires au travail
qu’il entreprend et aux besoins des hommes qu’il veut
— 12 —

arracher à des influences funestes. Nous n’avons pas


eu la prétention, en donnant cet Aperçu Général, de
faire du neuf ; mais on doit comprendre que, pour gué-
rir un mal, il faut indiquer topographiquement la place
où gît ce mal ; et, à ce titre, nous avons été forcé de
décrire avec quelques détails la ville d’Alger, ville qui
inspirait naguère tant de terreur sur tous les parages
de la Méditerranée et qui a joui, pendant plus de trois
cents ans du double privilège de piller à sa fantaisie
le monde commerçant et de réduire en esclavage les
Chrétiens qui avaient le malheur de tomber entre les
mains de ses barbares habitants.

Toutes les puissances intéressées ont cependant


unis plusieurs fois leurs efforts pour faire disparaî-
tre de la Méditerranée ces forbans hardis, et mettre
un terme à leurs déprédations. Mais, disons-le, des
moyens employés jusqu’en 1830, les uns sont restés
sans résultats satisfaisants, d’autres n’en ont eu que
de courte durée, d’autres enfin, par leur non réussite,
ne firent qu’augmenter la hardiesse de ces insolents
écumeurs.

Parmi les nations belligérantes, la France s’est


toujours montrée la plus disposée à châtier ces actes
de piraterie, et, si les différentes expéditions qu’elle
a dirigées contre la puissance d’Alger n’ont pas été
suivies d’un succès complet, elles ont eu l’avantage
— 13 —

de jeter dans l’esprit des Algériens un sentiment de


crainte qui leur faisait redouter d’être traités en enne-
mis. Après tant de vaines tentatives pour détruire ces
nids de pirates, c’est à la France qu’était réservée la
gloire d’une conquête qui laissera une page si brillan-
te dans les fastes de son histoire.

Nous avons pensé que le lecteur nous saurait gré


de mettre sous ses yeux le nombre et la date des prin-
cipales expéditions qui ont été faites par l’Espagne,
l’Angleterre et la France, contre la régence d’Alger.

ESPAGNE.

En 1504, contre Mers-el-Kebir, fort situé à deux


lieues d’Oran, par RAIMONT DE CARDONNE,
commandant la flotte, et DIÈGUE DE CORDOUE,
général en chef.

En 1509 et 1510, contre Oran, par le cardinal XI-


MENÈS, général, et par PIERRE NAVARRE, amiral,
sous FERDINAND LE CATHOLIQUE.

En 1517, par l’amiral MONCADE, sous le même


roi.

En 1535, contre Tunis, sous CHARLES-QUINT.


— 14 —

En 1541, au mois d’octobre, contre Alger, par


CHARLES-QUINT. Tout le monde sait ce que coûta
à l’Espagne cette fameuse expédition, connue sous le
nom d’expédition de Doria. Pour ne citer que deux
noms parmi ceux des chevaliers qui se distinguèrent
dans ce triste fait d’armes, nous dirons seulement que
Fernand Cortez commandait un corps d’armée, et Vil-
legagnon les chevaliers de Rhodes. — Charles-Quint,
à son retour, envoya à l’Arétin, qui composait alors
ses satires, une chaîne d’or d’un grand prix ; le poète
dit en la recevant : — Elle est bien légère pour une
faute si lourde.

En 1775, contre Alger, par le généra: O. REILLY,


sous le règne de CHARLES III, roi d’Espagne, et
l’amiral CASTEJON.

En 1183 et 1184, les Espagnols tentèrent de nou-


veau le bombardement d’Alger.

ANGLETERRE.

En 1816, contre Alger, par lord EXMOUTH.


L’Angleterre, avant cette époque, était déjà venue
plusieurs fois faire sur, ces côtes des démonstrations
hostiles, entamer des négociations sous ÉDOUARD
SPRAGG, l’amiral RUYTER, l’amiral NELON, etc.
— 15 —

FRANCE.

En 1663, contre Alger, par le duc de BEAUFORT,


sous Louis XIV.

En 1664, par le même et M. de GADAGNE.

En 1681, DUQUESNE, et sous lui TOURVILLE,


détruisent la flotte tripolitaine près Chio. Renaud
d’Angely inventa les galiotes à bombes, qui contri-
buèrent puissamment à ce grand succès : ce fut le pre-
mier bombardement sur mer.

En 1682, bombardement d’Alger par DU-


QUESNE.

En 1683, le bombardement est repris par le


même.

En 1685, contre Alger, par le maréchal d’ES-


TRÉES.

En 1687, contre Alger, par TOURVILLE.

En 1830 par le maréchal de BOURMONT, com-


mandant l’armée de terre, et l’amiral DUPERRÉ,
commandant la flotte.
— 16 —

Enfin grâce aux beaux résultats de la conquête de


1830, Alger, refuge de pirates, n’est plus. Cette ville
qui a jeté si longtemps la terreur sur toute la Méditerra-
née ne vivra plus que dans les souvenirs : son despote
gouvernement fait place insensiblement à des institu-
tions libres et à des lois sages qu’un gouvernement ci-
vilisé et instruit saura y faire respecter. La France, en
opérant ce grand changement sur la côte d’Afrique,
s’est acquis des droits immortels à la reconnaissance
de toutes les nations. Quel est en effet le plus léger bâ-
timent qui, en passant devant ces parages, ne se rap-
pellera pas les dangers qu’il aurait courus avant cette
expédition et ne bénira pas le nom de la puissance qui
l’a mis à l’abri de ces anciens écumeurs de mer ?....

2°.

AÉROGRAPHIE.

Alger et ses environs sont compris entre les 33 et


37 degrés de latitude N., et les 3 de longitude O. et E.
L’air y est sain et tempéré ; plutôt tiède que froid en
hiver, il n’incommode pas trop, quoique un peu chaud,
en été. Il ne gèle jamais ; la neige y est rare. Les sai-
sons se succèdent d’une manière presque insensible.
Les grandes chaleurs sont fort supportables, à Alger,
— 17 —

surtout jusqu’à la distance où la brisé de la mer peut


étendre ses heureux effets, c’est-à-dire sur tout le
versant du massif qui regarde la mer. Cette brise ma-
rine ne souffle pas constamment et offre des pério-
des d’intermittences régulières, qui méritent d’être
remarquées. Depuis quatre heures du matin ou envi-
ron jusqu’à neuf, elle ne souffle pas du tout. Aussi la
chaleur, à partir du lever du soleil, est suffocante et
agit puissamment sur le système nerveux et muscu-
laire. Vers neuf heures, dès que le soleil, monté plus
haut sur l’horizon, a pénétré de ses rayons la masse
de vapeurs lourdes qui chargeaient l’atmosphère, la
brise fraîchit tout à coup, s’élance du sein de la Mé-
diterranée, et plane d’un vol rapide sur toute la côte,
en y jetant une douce fraîcheur. On dirait alors qu’il
y a lutte entre elle et la chaleur atmosphérique ; elle
la perce, pour ainsi dire, elle en écarte les rayons so-
laires qu’elle semble refouler du côté de terre. Mais à
mesure qu’elle s’éloigne de la mer où elle a pris nais-
sance, elle devient plus faible, par la résistance que
lui opposent sans cesse, dans sa marche, les couches
atmosphériques qu’elle traverse ; bientôt enfin, vain-
cue à son tour par l’air plus chaud qu’elle, elle tombe,
on ne la sent plus. J’ai pu observer parfaitement ce
phénomène, en descendant du Sahel pour entrer dans
la plaine de la Mitidja : là où la brise marine cesse de
souffler, là aussi commencent des chaleurs qui, du 15
juin au 15 septembre sont très pénibles à supporter.
— 18 —

Le climat du massif d’Alger est salubre et agréa-


ble. L’hiver ne commence réellement qu’au mois de
février, si toutefois on peut appeler hiver une tempéra-
ture constamment adoucie par des vents du nord tem-
pérés : le thermomètre centigrade descend rarement,
dans cette saison, au-dessous de 7 degrés au-dessus
de zéro.

A quelques rares exceptions près, le ciel n’est


jamais traversé de nuages, durant l’année, c’est-à-
dire, depuis le mois de mai jusqu’au mois d’octobre.
Constamment pur, brillant, limpide, il jouit d’une
transparence uniforme le jour et la nuit ; seulement,
le soir quelquefois et toujours le matin, il se charge de
vapeurs blanchâtres, que le lever du soleil fait déga-
ger de la mer et suspend, quelques heures, sur un ho-
rizon lourd, épais et d’une chaleur accablante : mais,
aussitôt que la brise fraîchit, ces vapeurs se dilatent,
l’air reprend son élasticité, le ciel sa transparence, on
respire un fluide tiède, et l’on se croit au printemps.

La végétation n’est jamais arrêtée, et il n’est pas


rare de rencontrer, au mois de janvier, des arbres cou-
verts de fleurs. La campagne constamment verte et
riante, produit sans interruption. A l’époque des cha-
leurs et dans certaines localités, la nature semble en-
dormie, la sève végétale paraît morte dans tous les
arbres, dans toutes les plantes, pour peu qu’ils soient
— 19 —

exposés aux rayons du soleil : mais cet état n’est, si je


puis m’exprimer ainsi, qu’extérieur et accidentel ; en
effet, le terrain qui entoure Alger étant partout inégal
et sur quelques points fortement raviné, la partie du
coteau qui regarde le nord et qui, par conséquent, est
toujours enveloppée d’ombre, conserve, même sous
les influences des plus grandes chaleurs, toute sa puis-
sance végétative, toute sa fraîcheur.

Les pluies, qui sont quelquefois très abondantes,


commencent ordinairement au mois de novembre, et
continuent par intervalle jusqu’au mois d’avril. Elles
sont le véritable et seul changement de température
bien distinct, bien tranché qu’on remarque dans ce
climat. Du reste, elles ne tombent pas toutes les an-
nées avec la même abondance : en 1831, elles com-
mencèrent au mois d’octobre et ne cessèrent qu’à la
fin d’avril 1832. Mais cette année là, au dire même
des habitants, fût exceptionnelle. L’eau tomba par
torrents ; le vent soufflait avec tant de violence, le
tonnerre en grondant imprimait de si fortes secous-
ses, que plusieurs édifices, déjà anciens de construc-
tion ou mal bâtis primitivement, ne purent résister à
l’action destructive de ces trois éléments conjurés. Le
sol fut labouré, en certains endroits, par l’eau qui, en
tombant du haut des montagnes, y creusa de profonds
sillons, entraînant sur son passage des haies entières
de cactus. Le petit ruisseau qui se trouve entre Bab-
— 20 —

el-Oued et les hôpitaux du Dey et de la Salpêtrière,


ressemblait à une grande rivière, tant il s’était grossi,
tant le débordement l’avait fait large.

De 1832 à 1835, les pluies ont suivi des varia-


tions que le tableau des chûtes d’eau ci-contre fera
connaître et apprécier; nous disons seulement que :

La pluie tombe à Alger, cinquante-sept jours à peu


près, année commune. La quantité d’eau qui tombe,
année moyenne, est de 28 pouces ou 79 centimètres.
La quantité d’eau qui tombe à Paris, année moyen-
ne, n’est que de 19 pouces 7 lignes ou 53 centimè-
tres, et cependant il pleut à Paris, toutes choses égales
d’ailleurs, de neuf à dix mois de l’année : on jugera,
par la comparaison des différences, de la force avec
laquelle l’eau tombe dans la capitale de la Régence.

TABLEAU indiquant la quantité d’eau pluviale


tombée à Alger depuis le mois de septembre 1831 jus-
qu’au 31 décembre 1833, c’est-à-dire pendant quatre
ans et quatre mois. Obligé de nous éloigner d’Alger
à cette époque pour accompagner les différentes ex-
péditions qui se sont faites, depuis 1838 jusqu’à ce
jour, sur tous les points de l’Algérie, nous n’avons pu
continuer la série de nos observations. D’autres per-
sonnes plus sédentaires les auront probablement pri-
ses et les feront connaitre ultérieurement. D’ailleurs
— 21 —

la moyenne de ces quatre années suffira pour détermi-


ner la moyenne ordinaire de l’eau qui tombe à Alger;
et, afin de marquer la place que cette ville doit occuper
dans le classement des points où la chute d’eau est me-
surée, nous avons comparé, à la fin du tableau suivant,
la moyenne d’Alger avec celle qui indique la quantité
d’eau qui tombe aux principales villes d’Europe.
1831 1832 1833
Janvier...................26 0 Janvier....................11 0
Février...................25 6 Février....................01 9
Mars......................26 8 Mars.......................10 2
Avril.......................05 5 Avril.......................03 7
Mai........................00 0 Mai........................01 5
Juin........................00 0 Juin........................01 3
Juillet.....................00 0 Juillet.....................10 1
Août.......................00 0 Août.......................00 0
Septembre..............08 0 Septembre..............00 2 Septembre..............06 1
Octobre..................07 2 Octobre..................02 0 Octobre..................00 0
Novembre..............08 9 Novembre..............22 6 Novembre..............06 5
Décembre..............23 0 Décembre..............25 5 Décembre..............01 1
47 1 134 2 53 4

1834 1835
Janvier...................06 5 Janvier...................04 7 La moyenne des quatre
Février...................07 3 Février...................15 7 années à Alger est de
Mars......................02 5 Mars......................09 8
Avril.......................10 3 Avril.......................02 8 79 centimètres ou 28
Mai........................03 7 Mai........................10 0 pouces 7 lignes à peu
Juin........................04 2 Juin........................04 0
près.
Juillet.....................00 0 Juillet.....................00 0
Août.......................00 0 Août.......................03 0
Septembre..............02 2 Septembre..............00 0
Octobre..................01 9 Octobre..................07 0
Novembre..............02 8 Novembre..............09 0
Décembre..............08 7 Décembre..............20 0
50 1 78 5
— 22 —

Paris..............................19 0 Wittemberg...................16 6
Londres.........................35 6 Lyon..............................37 0
Rouen...........................20 0 Berlin............................19 9
Pise...............................34 6 Petersbourg...................21 0
Padoue..........................37 9 Abo en Finlande...........23 0
Leyde............................29 6 L’île de France..............13 0
Lahaye..........................27 6 Alger.............................28 7
Zurich...........................32 0 ou 79 cent. à peu près.

3°.

VENTS.

Hiver : nord, ouest, nord-ouest, nuages, grosses


pluies.

Été : sud, est, sud-est, temps sec, chargé de nua-


ges par fois, sans pluies.

Les vents du nord amènent et amoncèlent les nua-


ges, ceux du midi les dispersent entièrement. Cette
remarque, sur laquelle nous croyons devoir appeler
l’attention, n’est pas sans résultats pour le climat et
les saisons.

Le baromètre monte à 30 pouces 3/10 par les vents


du nord, bien que ces vents soient chargés de pluies et
de tempêtes. La hauteur ordinaire de la colonne mer-
curielle, par les vents du sud et lorsqu’il pleut par un
— 23 —

gros vent d’ouest, est de 29 pouces 3/10.

Bien que notre intention ne soit pas de faire un


traité complet des vents qui soufflent en Afrique, nous
ne pouvons passer sous silence un vent célèbre, connu,
dans ces contrées, sous la dénomination générale de
vent du désert, dont les influences produisent des ré-
sultats si remarquables sur le climat : les détails his-
toriques et hygiéniques que nous allons donner, loin
de former une digression, pourront, au besoin, être de
quelque utilité à ceux qui voudraient étudier l’atmos-
phère de ce pays.

Les écrivains sacrés ont appelé ce vent corrup-


tion et les Arabes poison ; en Italie on le nomme siroc
ou siroco ; en Syrie samiel ; en Égypte khasmin ; en
Espagne et à Alger simoon ou simoun ; à Constantine
kobli : toutes ces nuances appellatives indiquent ou la
crainte qu’il inspiré aux habitants, ou les influences
fâcheuses dont il les poursuit pendant qu’il souffle.

Après avoir pris naissance au milieu des régions


intérieures de l’Afrique, ce vent traverse les sables
brûlants du Sahara (d’où lui vient le nom de vent du
désert), qu’il déplace et qu’il transporte, sous la forme
d’une grande vague, à des distances considérables. Cet-
te zone sablonneuse, cent fois plus terrible que les flots
de l’Océan, brûle et étouffe tout ce qu’elle rencontre
— 24 —

à son passage. Malheur aux caravanes qu’elle trouve


en chemin ! elle leur laisse à peine le temps de se
recommander au grand Allah (Dieu). Hommes, cha-
meaux, bagages, tout est bientôt englouti sous la masse
solide et tourbillonnante que le vent semble arracher
du sol et lancer, comme une montagne de feu, sur les
voyageurs.

Si la montagne sablonneuse est peu considérable


et que le vent la pousse avec violence, sa rapidité est
telle, qu’elle offre encore quelques chances de salut à
ceux qu’elle enveloppe dans sa course.

Voici ce que m’ont appris plusieurs Arabes du


désert, qui venaient souvent à Constantine, sur les
précautions que prennent les hommes et les animaux,
quand ils sont surpris par un de ces terribles phéno-
mènes.

Lorsque le vent du désert va souffler, l’atmos-


phère est chargée d’une vapeur brûlante qui suffoque
; l’horizon est alors presque toujours borné par une
auréole nébuleuse, dont la couleur varie entre le rou-
ge et le jaune orangé. Ces teintes atmosphériques, sai-
sissables à l’œil, ne sont dues qu’à la décomposition
des rayons solaires, produite par les tourbillons épais
de poussière ou de sable que le vent soulève dans le
lointain. Une odeur désagréable, émanée du sol aride
— 25 —

sous la température élevée qui règne en ce moment,


précède et accompagne assez ordinairement l’appro-
che de cette tempête terrestre.

Aussitôt que l’Arabe en voyage se voit surpris


par le fléau, il regarde de quel côté donne ou va don-
ner le vent, afin de s’y dérober en fuyant devant lui.
Semblable au pilote expérimenté, l’Arabe se trompe
rarement à l’inspection de certains signes sur la di-
rection que prendra le vent. Une fois piloté, il fuit....
Si ses efforts sont couronnés de succès, il adresse une
prière au grand Allah, pour le remercier de son sa-
lut inespéré, et du courage qu’il lui a donné. Si, au
contraire, ses tentatives de fuite sont ou lui semblent
inutiles ; si des tourbillons de sables viennent l’enve-
lopper, comme pour lui annoncer de se préparer à la
mort ou au moins d’user de tous les moyens que la
nature lui présente, afin de l’éviter; alors, pareil au
marin qui est près de sombrer, il fait une prompte in-
vocation, entoure sa tête de son burnous et se couche,
la bouche collée le plus possible contre terre, afin de
se soustraire à la déglutition des corpuscules étrangers
qui vont passer sur lui. Si la montagne ambulante, va-
gue terrestre qu’il n’a pu esquiver, a peu de largeur,
si elle est lancée par le vent à grande vitesse, elle ne
fera éprouver qu’un sentiment de suffocation dont la
gravité sera en raison directe du temps qu’elle aura
gêné la respiration et aussi de la fatigue du voyageur,
— 26 —

ce qu’on conçoit facilement. Dès que l’Arabe est déli-


vré du danger, il débarrasse sa tête, met un peu d’eau
dans sa bouche, adresse une nouvelle prière à Dieu
et reprend sa course, si toutefois ses forces le lui per-
mettent.

Il n’est pas besoin de dire que, malgré toutes


ces précautions, un grand nombre de voyageurs sont
asphyxiés, soit par l’action elle-même du vent, soit
par le manque de moyens qui pourraient aider la res-
piration, suspendue durant un temps plus ou moins
long.

La nature a appris aux animaux, comme aux hom-


mes, à se garantir de ce fléau : elle leur indique de te-
nir, quand ce vent souffle, leurs têtes pressées contre
la terre.

Les pèlerinages que font les Arabes aux deux vé-


nérées et nobles villes, comme ils les appellent, c’est-
à-dire, à la Mecque ou à Médine, l’une berceau du Pro-
phète et l’autre son tombeau, les pèlerinages, l’œuvre
la plus sainte et peut-être la plus grande de la vie d’un
Mahométan, déciment souvent d’une façon cruelle
les hadji ou pèlerins. On comprendra qu’une route
longue et pénible, au milieu de toutes les privations et
surtout sous l’influence d’un ciel de feu, sur un sable
presque toujours mouvant et brûlant, doit diminuer
— 27 —

de beaucoup le nombre des pèlerins qui arrivent à l’une


de ces deux villes et principalement le nombre de ceux
qui en reviennent. Ces derniers rapportent presque tou-
jours de leur saint voyage des infirmités graves : une
des plus communes est la cécité ou pour le moins des
ophtalmies qu’ils gardent toute leur vie. On attache
ces malheureux, en qualité de Moueddines ou Mué-
zins, au service de quelque mosquée : leurs fonctions
consistent à annoncer l’heure du haut des minarets ou
plutôt à appeler les Croyants à la prière.

Si le vent du Désert n’est pas à beaucoup près aus-


si terrible dans la région septentrionale de l’Afrique,
il ne laisse pas d’y souffler quelquefois avec assez de
violence pour faire essuyer, en petit, aux habitants de
cette contrée partie des influences et des effets malfai-
sants que nous venons de décrire. En voici quelques
exemples dont nous avons été témoins.

Le 25 juin 1830, pendant que la 3e division de l’ar-


mée expéditionnaire, à l’ambulance de laquelle nous
étions attaché se rendait à Sidi-Kalef, pour prendre
son rang de bataille, elle fut assaillie, vers midi, par un
vent du désert tellement violent, que plusieurs soldats,
déjà fatigués du poids de leur fourniment, restèrent en
arrière, et quelques-uns périrent comme asphyxiés. Le
chirurgien-major d’un régiment tomba sans connais-
sance, de son cheval, et mourut peu d’instants après.
— 28 —

Qui ne se souvient, à Alger, d’avoir vu le 13e de


ligne débarquer, pour la première fois, sur la côte ?
c’était, je crois, le 21 ou le 22 juin 1833. Le vent du
désert soufflait avec une telle forcé, qu’on ne pouvait
traverser les rues d’Alger sans se mettre un foulard
devant la bouche, afin de ne pas respirer immédia-
tement l’air brûlant qui chargeait l’atmosphère. Le
13e dût, en débarquant, aller prendre cantonnement
à deux lieues d’Alger, et, dans ce court trajet, cinq ou
six soldats périrent asphyxiés.

Le vent du désert commence à souffler, dans le


nord de l’Afrique, vers le mois de juin, et continue,
par intervalles plus ou moins éloignés, jusqu’au 15
septembre. Il règne ordinairement pendant deux à
trois jours. Très fort de deux heures à quatre, il faiblit
le soir et toute la nuit, pour reprendre, le lendemain et
aux mêmes heures, sa marche avec le même degré de
violence.

Pendant l’année 1838, que nous avons passée


à Constantine, le kobli a soufflé cinq ou six fois en
juillet, et là nous l’avons vu se présenter sous les mê-
mes aspects. Ce pays qui, l’été, ressemble à un im-
mense désert sec, sans arbres et dont le sol sablon-
neux semble se prêter facilement à la production de
ces phénomènes, nous a offert le spectacle suivant, à
l’époque où le vent du désert y lançait ses rafales.
— 29 —

La poussière et le sable étaient soulevés en si


grande quantité, que la partie supérieure du ciel avait
pris une couleur jaune clair, tandis que l’horizon était
borné par un nuage rougeâtre. On eut dit que l’atmos-
phère et tous les objets qu’elle tenait en suspension,
étaient dévorés par un immense incendie. Le sable
aggloméré avait tellement obscurci la transparence de
l’air, qu’il était impossible de voir, même à de faibles
distances. Le sable fin, ainsi délayé dans l’espace, en-
trait par la bouche et les oreilles et se collait à la sur-
face des yeux. La chaleur sèche du kobli enflamme le
sang et irrite le système nerveux ; il oppresse aussi les
poumons et rend la respiration pénible.

La chaleur du jour et des nuits est alors exces-


sive. A l’ombre et au nord, le thermomètre est monté,
à Constantine, jusqu’à 36 degrés centigrades, et, à Al-
ger, jusqu’à 34. Au soleil, il dépasse souvent 50 de-
grés. La chaleur, sous cette température, ressemble à
l’impression qu’on éprouve en passant devant un four
échauffé.

Tels sont les plus haut degrés de température que


nous ayons observés sous l’influence du vent du dé-
sert : 1° Le 25 juin 1830, à Sidi-Ferruch, le thermomè-
tre s’est élevé, au soleil, jusqu’à l’extrémité du tube,
qui ne marquait que 52 degrés centigrades, et, à l’om-
bre et à l’air libre, il a donné 40 degrés. — 2° Le 13 juin
— 30 —

1835, à Alger, la colonne de mercure marqua à peu


près les mêmes degrés. — 3° Le 4 juillet 1837, à la
Tafna, pendant l’expédition du général Bugeaud, le
thermomètre s’éleva, à l’ombre et à l’air libre, à plus
de 45 dégrés. La chaleur était tellement suffocante,
que le corps d’armée, qui s’était mis en marche à six
heures du matin, dût s’arrêter à huit et demie, par
l’impossibilité où étaient les soldats et les officiers de
continuer leur route. Ceux qui ont fait partie de cette
expédition pacifique, se souviendront longtemps et de
la journée et de l’impression pénible que produisit sur
nous tous, qui étions dévorés par la soif, la dégusta-
tion de l’eau salée qui coulait en abondance dans le
Rio-Salado (ruisseau salé et que nous crûmes être de
l’eau douce). En voyant la limpidité du ruisseau, tout
le monde s’y précipita et il faut s’être trouvé là, pour
juger du désappointement qu’éprouva cette armée fa-
tiguée et haletante.

TROMBES.

Ce météore assez rare sur terre, à Alger, se pré-


sente fréquemment sur la mer pendant la saison des
pluies. Depuis que nous sommes en Afrique sept ou
huit se sont formés assez près de la côte pour que nous
ayons pu les observer très distinctement. Deux, au
mois de septembre 1830, dans la rade d’Alger; deux,
— 31 —

pendant le mois de février 1835, et trois ou quatre


dans la rade de Stora peu de temps après l’occupa-
tion de ce point. Quoique ce phénomène marin sorte
un peu de notre sujet il nous a paru si curieux et si
extraordinaire que nous n’avons pu le passer sous si-
lence ; et, sans avoir l’intention de dire quelque chose
de nouveau, nous dirons succinctement ce que nous
avons observé sur deux trombes qui se sont formées
à peu de distance de terre dans la baie de Russicada,
aujourd’hui Philippeville.

Nous étions occupés à regarder un de ces phé-


nomènes dans le lointain lorsqu’un nuage épais le
déroba quelques instants à nos yeux ; ce nuage s’al-
longea sensiblement et donna bientôt naissance à un
appendice dont la basse large se confondait avec lui,
tandis que le sommet descendait visiblement du côté
de la mer, en exécutant de grandes oscillations que lui
communiquait le vent. Cette colonne nuageuse, plus
transparente au milieu que sur les côtés, une fois par-
venue à une certaine distance de la surface de l’eau,
son sommet s’allongea rapidement, en se rétrécissant,
et plongea bientôt dans la mer. La trombe avait à pei-
ne touché la masse liquide que celle-ci fût fortement
agitée dans une grande surface et qu’un mouvement
d’ascension, pareil à celui d’un siphon où le vide a été
fait, s’établit dans l’intérieur de la colonne. Ce mou-
vement que nous avons pu observer distinctement se
— 32 —

faisait en spirale depuis le sommet, en forme de suçoir,


jusqu’à sa base qui se confondait avec le nuage. Cette
spirale, dans laquelle on voyait le courant ascendant
et rapide de l’eau, suivait les dimensions de la trombe
qui, très étroite à sa partie inférieure, allait en s’élar-
gissant jusqu’au nuage auquel elle transmettait l’eau
qu’elle enlevait de la mer. Le mouvement d’aspiration
de cette sangsue gigantesque était si fort qu’on pouvait
entendre assez clairement, et à la distance d’une demi-
lieue, le bruit que faisait l’eau en se précipitant dans le
commencement du tube où la marche se ralentissait au
fur et à mesure que le liquide s’avançait dans son in-
térieur ; ce qu’expliquent très bien sa forme évasée et
la résistance qu’offraient les couches d’eau supérieu-
res à celles qui les suivaient; résistance qui; pour être
vaincue, devait exiger une force d’aspiration énorme.
Quand la colonne d’eau était parvenue à la partie su-
périeure de la spirale, elle se raréfiait et se confondait
aussitôt avec le nuage qu’elle grossissait à vue d’œil.

Outre les courbes que lui communiquait le vent,


la trombe présentait trois sortes de mouvements : 1°
mouvement en spirale à l’intérieur comme nous ve-
nons de le dire ; 2° mouvement de rotation parfois
assez sensible ; 3° mouvement de translation impri-
mé par le nuage dont elle n’est qu’une dépendance et
qui peut, selon la force du vent, lui faire parcourir de
grandes distances.
— 33 —

Quand la trombe cesse d’aspirer elle se replie sur


elle-même par une sorte de mouvement vermiculaire
qu’on peut comparer assez bien à celui d’une sang-
sue. Son sommet disparaît tout à coup tandis que sa
base forme longtemps une grande arête au-dessous du
nuage.

Si la trombe finit par la cessation de la cause qui


l’a produite, l’eau qu’elle a absorbée reste suspendue
dans l’atmosphère sous la forme d’un épais nuage;
mais si, pendant qu’elle est en action, elle rencontre,
dans ses mouvements de translation, un corps qui bri-
se la spirale, il arrivera alors que l’eau qui est dans la
partie supérieure de la colonne, n’ayant pas encore at-
teint la hauteur convenable pour être en équilibre avec
les couches atmosphériques qui soutiennent le nua-
ge lui-même, retombera avec violence et entraînera
une grande partie de celle qui a été déjà absorbée. La
trombe alors laissera échapper un déluge d’eau. C’est
afin d’éviter cet inconvénient et aussi celui de rotation
qui, en tortillant les voiles, peut briser les vergues et,
les mâts, que les marins, quand ils ne peuvent l’éviter,
cherchent à la rompre à coups de canon.

ROSÉE.

Comme dans tous les pays chauds, la rosée est


— 34 —

très abondante aux environs d’Alger. Ceux qui, com-


me nous, ont couché souvent au bivouac, après une
journée un peu chaude, ont pu s’assurer de la diffé-
rence d’humidité des nuits d’Afrique avec celles de
France. Il n’est pas rare alors d’avoir les habits de drap
mouillés comme si on les avait trempés dans l’eau.

gelée.

Le froid ne descendant jamais à zéro ne peut pro-


duire que très faiblement ce météore à Alger. Cepen-
dant, au mois de février 1836, on observa une gelée
blanche assez prononcée dans les bas fonds qui avoi-
sinent le fort l’Empereur.

NEIGE.

La neige qui blanchit presque six mois de l’an-


née la cime de la chaîne de l’Atlas, distante d’Alger
d’environ douze lieues, tombe rarement dans les en-
droits plus rapprochés. Trois ou quatre fois seule-
ment, depuis 1830, les points culminants du Sahel et
du mont Boudjaréah en ont été couverts, tandis qu’à
Constantine la neige tombe très fréquemment du 1er
février au 31 mars. Cependant, lors de la première ex-
pédition, qui eût lieu au mois de décembre 1836, elle
— 35 —

ne discontinua pas de tomber pendant les trois jours


que nous passâmes sur le plateau de Coudiat-Ati où
le thermomètre descendit à un 1/2 degré au-dessus de
zéro.

Dans l’hiver de 1837 à 1838 la neige y a donné


de trois à quatre pouces de hauteur et le thermomètre
a marqué quatre ou cinq fois zéro pendant le mois de
mars.

Cette différence de température s’explique très


bien par la position topographique de chaque vil-
le. Alger est placé sur le bord de la mer, tandis que
Constantine est à trente lieues de la côte, au milieu de
montagnes et, d’après les observations du capitaine de
Boblay, à 628 mètres au-dessus du niveau de la mer.

GRÊLE.

Ce météore aqueux qui met tous les ans la déso-


lation chez tant de propriétaires en France, est assez
rare à Alger. Cependant à l’époque des grands orages,
qui ont lieu ici du mois de février au mois d’avril, il
tombe quelquefois avec assez de force pour produire
quelques dégâts ; mais la récolte étant faite et la végé-
tation en repos, l’agronome n’a à redouter que faible-
ment son action.
— 36 —

4°.

PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES.

Les tremblements de terre ne sont pas rares en


Afrique. Nous en avons ressenti quatre, à Alger, de-
puis notre occupation : l’un en 1830, l’autre en 1831,
le troisième en 1835, le dernier en 1839. Celui-ci eût
lieu le 14 avril, à deux heures après midi ; le balan-
cement, en trois secousses successives, dura environ
quatre secondes, et fût assez fort pour faire tomber
divers objets placés sur la table : aucun, du reste, n’a
amené de sinistres ni même d’accidents.

La ville de Blida, bâtie au pied du petit Atlas, à


douze lieues d’Alger, en essuya un, en 1825, qui la
renversa presque entièrement.

A Constantine, deux se sont fait ressentir pendant


l’année 1838. Le premier eût lieu le 29 avril et fût ac-
compagné d’un ouragan affreux ; l’autre au mois de
juin, fût beaucoup moins violent.

Le baromètre, pendant le premier, oscilla entre


726 et 730 millimètres et immédiatement après, la co-
lonne de mercure descendit à 725,200 et y resta durant
tout le temps de la tempête qui suivit cette secousse.
— 37 —

Au dire des habitants de Constantine ce phéno-


mène n’y est pas très rare et peu d’années se passent
sans qu’on n’en ressente deux ou trois.

Le grand nombre de sources thermales qu’on


rencontre dans cette province et le déchirement des
montagnes qui avoisinent Constantine, annonçant
l’existence probable de volcans souterrains, suffisent
pour donner l’explication des secousses fréquentes
qu’éprouve le sol de cette contrée.

Nous nous proposons, du reste, de revenir, dans


un temps plus opportun, sur l’ancienne Cirta, dont la
province, que nous avons parcourue avec les diffé-
rentes colonnes expéditionnaires, est digne de capti-
ver, au plus haut point, l’attention de l’observateur.
Le sol de l’antique Numidie, les ruines qu’il renferme
telles que Russicada, Sigus, Tiffech, Buduxis, Mila,
Djemila ou l’ancien Cuicul des Romains, Casbaïte ou
l’ancienne Mons, et enfin Sétif, sont des preuves vi-
vantes d’une grandeur et d’une puissance déchue ; le
tableau que leur aspect déroule aux yeux du voyageur
est un témoignage trop parlant des efforts qu’a dû fai-
re le peuple qui les a légués à la postérité, pour qu’on
puisse passer avec indifférence devant ces débris im-
posants de l’ancienne splendeur romaine.

La province d’Oran, assise, dans la partie ouest


— 38 —

qui avoisine Tlemcen, sur un terrain très volcanique,


doit être exposée aux secousses terrestres. Les cratè-
res encore béants qu’on voit sur les points culminants
près de la Tafna, et l’île de Rachgoun, rocher rongé
de tous côtés par d’anciens volcans, attestent sur le
sol de ce pays dé grandes révolutions. On sait qu’un
tremblement de terre, arrivé vers la fin du dix-huitiè-
me siècle, détruisit la moitié de la ville d’Oran ainsi
que les plus beaux établissements des Espagnols.

Ce qu’il y eût de remarquable lors de ce phéno-


mène, c’est que la partie de la ville située à l’est du
ravin qui la sépare de la partie ouest, ne ressentit pas
la plus légère secousse, bien que la distance fût peu
considérable (une portée de fusil environ) ; tandis que
les ouvrages gigantesques des Espagnols, tels que
la citadelle, les forts Saint-André, Saint-Grégoire et
Santa-Cruz, ensevelissaient sous leurs décombres une
grande partie de la garnison.

Un vieux curé espagnol qui vivait encore en 1837


et qui fut spectateur de ce désastre, nous a assuré que,
depuis cinquante ans environ qu’il habitait Oran, on y
avait éprouvé plusieurs secousses qui avaient toujours
épargné la partie de la ville située à l’est du ravin. On se
rendra facilement raison de ce fait, quand on a parcouru
le pays, par les traces évidentes et nombreuses des vol-
cans qui ont dû tourmenter le sol de la partie ouest.
— 39 —

5°.

HYDROGRAPHIE.

En décrivant la disposition générale, l’inclinai-


son et les pentes du terrain aux environs d’Alger, nous
avions d’avance l’intention d’indiquer, d’une manière
précise quoique sommaire, la direction que suivent les
eaux qui arrosent le massif et le système d’irrigation
déterminé par les accidents du sol.

Ce fragment de notre Aperçu Général, a, selon


nous, une haute importance, car, comme nous le répé-
terons sans cesse, c’est à des travaux de desséchement
habilement dirigés que nous devons, en quelque sorte,
demander les améliorations de la plaine et la fertilité
que nous pouvons en espérer. Et c’est par cela même,
que les marais occupent la moindre partie de la Miti-
djah, et que, de toutes les rivières qui l’arrosent, aucu-
ne n’est navigable, c’est par cela même, dirons-nous,
que nous pourrons plus aisément ramener cette plaine
à son ancien état de prospérité, soit en desséchant des
marais qui n’ont pour source que des causes acciden-
telles, soit en détruisant les obstacles qu’opposent au
cours des eaux les collines environnantes.
— 40 —

Les principales rivières qu’on rencontre aux en-


virons d’Alger et qui traversent ou arrosent la Mitidja,
sont :

1° Le MAZAFRAN. Cette rivière qui prend sa


source au Djebel Ziekar (mont Ziekar), se divise en
plusieurs branches. La première branche partant de
Miliana, se joint au ruisseau Hammam-Merdja, et par-
court quatorze lieues de pays sous le nom de l’oued et
Hammam-Merega. Deux lieues plus loin ou environ
elle prend le nom de l’oued Djer et serpente dans les
vallées de l’Atlas, en faisant mille détours. Elle reçoit
à droite la Chiffa et un autre petit ruisseau qui pren-
nent leur source, l’une au N. E. de Médéa, l’autre dans
les basses régions de l’Atlas, au-dessus de Blida.

Tous ces ruisseaux joints ensemble forment le


Mazafran. Cette rivière, très sinueuse, très encaissée,
n’est presque jamais guéable. Son cours total est de
trente-cinq lieues du N. à l’E. ; elle vient se jeter dans
la Méditerranée à deux lieues E. de Coléah, six lieues
S. O. d’Alger, une lieue E. de Sidi-Ferruch.

Le nom de Mazafran (en arabe MA-ZAFRAN,


roux, roussâtre) lui vient sans doute de la couleur
foncée de ses eaux, qui paraît avoir quelque analogie
avec celle du safran. Elle est presque aussi considéra-
ble que le Chéliff.
— 41 —

2° L’ARRACH. Cette rivière prend sa source


derrière les montagnes des Béni-Moussa. Grossie par
l’oued el Kerma (rivière des figues ), elle arrose la par-
tie la plus fertile de la plaine en courant du N. à l’E.

Elle est de moitié plus large que le Mazafran, et


a un beau pont en pierres à peu de distance de la mer,
près de la Maison-Carrée.

Cette rivière se jette dans la Méditerranée à deux


lieues S. E. d’Alger. Son eau est généralement claire
et limpide ; elle en conserve en toute saison et est
guéable presque en tout endroit pendant l’été. Son lit
est de sable mouvant, et sa largeur, près de son em-
bouchure, varie de quarante à soixante mètres.

3° Le HAMISE. Cette rivière prend sa source


dans les hautes montagnes des Béni-Yaïte, et vient se
jeter dans la Méditerranée, à huit lieues S. E. d’Alger,
à peu de distance du cap Matifou où elle a un gué.
Lorsqu’elle passe dans les districts des Megata et des
El-Huthra, elle prend ce nom d’Arbâtache-el-Mukdah,
ou des quatorze gués ; mais dès qu’elle entre dans la
plaine de la Mitidja, elle change ce nom contre ce-
lui de Hamise ou Souk-el-Hamise, c’est-à-dire de la
foire du cinquième jour, qu’on y tient sur ses bords.
Elle est moins considérable que l’Aratch, bien qu’elle
reçoive, dans son cours, plusieurs ruisseaux, l’oued
— 42 —

Bériz, l’oued Boutrie, etc., et court du S. au N.

Deux autres ruisseaux, sortant des ravins, vien-


nent se jeter dans la mer, à côté d’Alger.

1° L’Oued, qui, comme nous l’avons dit, coule


entre Bab-el-Oued (porte à laquelle il a donné son
nom), l’hôpital de la Salpêtrière et l’hôpital du jar-
din du Dey, est sujet à de fréquents débordements
pendant l’hiver, et ne tarit jamais entièrement durant
l’été. C’est sur ce ruisseau qu’un industriel français a
construit des moulins qui promettent des résultats.

2° L’Oued-el-Knis, qui sort des ravins de Byr-


Mourad-Raïs et se jette dans la mer, près du quartier
de Hussein-Dey, à une lieue S. d’Alger. Aussi fort que
le premier, soumis aux mêmes influences, ses eaux ne
résistent pas aux chaleurs de l’été.

Ces deux ruisseaux prennent leur source aux deux


faces opposées de la même colline, Byr-ben-Atheïa.
Partis du même point, ils se divisent en angle, che-
minant l’un au N., l’autre au S., et, après avoir décrit
une courbe dont la concavité regarde Alger, ils abou-
tissent tous deux à la Méditerranée, dont le rivage for-
me, pour ainsi dire, la base du triangle qu’ils ont tracé
sur leur passage.
— 43 —

Toutes ces rivières courent, en général, du sud au


nord, ce qu’avec un peu d’étude on comprendra faci-
lement, puisque la pente du terrain court elle-même
du midi au nord et que ces rivières y prennent leur
source.

6°.

EAUX DE SOURCE.

Peu de villes, en Europe, sont aussi favorisées


qu’Alger, sous le rapport de l’eau. Ce beau pays
nous a, pour ainsi dire, accueillis par un bienfait :
qu’on nous permette de citer un des souvenirs de la
conquête.

Lors du débarquement à Sidi-Ferruch (1830),


l’armée ne craignait rien tant que de ne pouvoir pas
trouver de l’eau; aussi avait-on compris dans le ma-
tériel immense qui la suivait, les instruments néces-
saires pour faire de l’eau potable. Il n’existait dans
la presqu’île que deux ou trois puits ; du moins, pour
parler plus clairement, on ne voyait matériellement, à
la surface du sol, que deux ou trois puits. Notre am-
bulance fut placée à côté de l’un de ces puits, et deux
factionnaires reçurent la consigne de veiller à ce que
— 44 —

l’eau fut respectée et réservée spécialement aux ma-


lades. Mais l’armée, toute neuve encore au climat
brûlant qui l’enveloppait, eût bientôt épuisé l’eau des
autres puits non gardés, et, poussée par le besoin de
satisfaire une soif dévorante, elle se précipita, malgré
la consigne, sur le troisième puits, qui, en moins d’un
quart d’heure, fut complètement mis à sec.

Cette ressource, qui semblait la dernière, une fois


épuisée, le manque d’eau douce commençait à donner
de vives inquiétudes, lorsque des soldats de l’artille-
rie, en creusant le sol au milieu de la presqu’île, à cinq
pieds de profondeur environ, virent soudain sourdre
un filet d’eau, dont la saveur leur parût excellente, car
leur premier soin fut de la déguster. La nouvelle de
cette heureuse découverte circule rapidement, et ce
n’est par tout le camp qu’un cri de joie. Les soldats
de toutes armes imitent, à l’envi, ceux de l’artillerie,
et, dans la même journée, une foule de petites fontai-
nes s’ouvrirent, comme par enchantement, sur tous
les points de la presqu’île.

Certes, une telle expérience faite par un corps


d’armée de 36,000 hommes et sur un sol inconnu, mé-
rite qu’on y ajoute foi. Ce qui est encore plus digne de
remarque c’est que, sur la plage, à dix pieds de la mer
et à un ou deux pieds de profondeur, on découvrit de
l’eau potable, quoique légèrement saumâtre.
— 45 —

Cet essai, et surtout les résultats qui en furent la


conséquence, remontèrent le moral du soldat, deve-
nu soucieux, et lui rendirent l’élan de vigueur qu’il
conserva pendant toute cette courte et pénible campa-
gne ; ce fut avec joie, répétons-le, qu’il vit surgir en
abondance des sables brûlants qu’il foulait, l’élément
propre à contenter le plus impérieux comme le plus
cruel des besoins, la soif.

L’eau de source est très abondante et fort bonne


dans tout le pays.

On sait qu’avant la conquête, il y avait, à Alger,


cent cinquante fontaines, presque toutes alimentées
par une même source, découverte, vers 1611, par un
Maure que Philippe III avait chassé d’Espagne.
— 46 —

EAUX SOUTERRAINES ET SULFUREUSES.

On a trouvé jusqu’à ce jour peu de sources d’eau


thermale aux environs d’Alger : une petite source,
dont la température ne dépasse pas 24 degrés centi-
grades sort, au niveau de l’eau de la mer, des rochers
qui avoisinent la porte Bab-Azoun.

Nous avons ouï dire qu’un officier avait décou-


vert, il a peu de temps, une belle source thermale et
sulfureuse entre Blida et Coléah, indiquée par les rui-
nes romaines d’un grand bassin, où les indigènes vont
souvent se baigner.

Une pareille découverte serait d’autant plus pré-


cieuse à l’armée et à la population, que les affections
cutanées sont nombreuses dans ce pays, et que, faute
d’établissements d’eaux thermales et sulfureuses, on
est obligé d’envoyer en France les personnes qui sont
affectées même de la plus légère éruption.

Outre l’économie qui résulterait pour l’État et


pour les particuliers de la création d’un pareil établis-
sement clans l’Algérie, nous sommes persuadé que les
cures, favorisées par le climat, s’y opéreraient plus ra-
pidement qu’en France ; on éviterait par là une grande
— 47 —

perte de temps, car on sait que les personnes qu’on


envoie aux eaux, emploient, pour l’aller et le retour,
près d’un mois. Alors les médecins ne seraient pas
dans l’obligation d’attendre ce qu’on appelle vul-
gairement la saison des eaux, afin de désigner les
malades qui ont un besoin plus urgent d’y aller.
Sauf quelques mois de l’année, où les pluies sont
très abondantes, la température, à Alger, est toujours
assez élevée pour permettre d’employer ce moyen
thérapeutique, et de remplir les indications, dans le
moment qui offre le plus de chances favorables à la
guérison de la maladie.

Il existe aussi une source d’eau sulfureuse, avec


des boues, dans une gorge de l’Atlas, dépendante de
là tribu des Beni-Moussa. Au dire de M. Joanny Pha-
raon, interprète à Alger, les indigènes ont une grande
confiance dans la vertu de ces bains, où ils vont pour
se guérir de la gale, des dartres, etc. D’après le conseil
que leur donna un médecin européen, que le hasard
avait transporté sur ces parages, ils y ont construit deux
bassins, dont l’un était destiné à recevoir les boues
et l’autre les eaux. Il est probable que ces bassins y
ont été primitivement établis par les Romains. Depuis
l’occupation, il paraît que les indigènes fréquentent
moins souvent cet établissement, et les bassins sont
dans un très mauvais état.
— 48 —

Cette source est appelée par les Arabes Hammam-


Mélouane.

La province de Constantine est plus riche que


celle d’Alger en sources thermales. Voici le tableau
de celles que nous y avons observées, avec la tempé-
rature de chacune d’elles.

1° La source de Hammam-Berdâ, près de Guel-


ma, seulement thermale, 24 à 26 degrés centigrades ;
elle laisse dégager quelques bulles de gaz ; les eaux
sont reçues dans un bassin, ancienne construction ro-
maine.

2° Les sources de Hammam-Meskhoutine, près


de M’djez-Hamar ; elles sont sulfureuses et chaudes,
50 à 76 degrés Réaumur. Outre les nombreux princi-
pes que contiennent ces eaux, M. Tripier, pharmacien
aide-major à Alger, a découvert la présence de l’arse-
nic à l’état d’arséniate de chaux et de strontiane dans
un fragment de travertin qu’il a analysé. Ce chimiste
s’occupe, d’ailleurs, d’une analyse plus complète; son
habileté fait espérer que son travail ne laissera rien à
désirer.

3° La source de Sidi-Iacoub, près de Constantine,


à l’entrée du Rumel, dans le ravin rocailleux qui tour-
ne la ville; seulement chaude, 26 degrés centigrades.
— 49 —

4° La source dite Aïn-Hassan, située dans le ra-


vin même, à dix pieds environ de la surface du Rumel
et près du pont d’el Qantara ; l’eau en est légèrement
sulfureuse.

5° La fontaine dite Sidi-Mimoun, à l’ouest de la


ville et à la base du rocher qui la supporte. Couverte
d’une voûte, de construction romaine, on y descend
par un escalier en pierres qui a vingt-deux marches ;
seulement thermale, 24 à 26 degrés centigrades.

6° La source abondante de Sidi-Habessi, qui sort


du rocher, presque à fleur de terre, dans l’ancien jar-
din du Bey (une lieue ouest de Constantine), où elle
est reçue dans deux bassins couverts ; les personnes
de la maison du Bey, et le Bey lui-même, allaient y
prendre des bains : 26 degrés centigrades ; une foule
de bulles d’air viennent crever à sa surface.

7° Au milieu de la plaine de Temelouck, vingt


lieues sud-est de Constantine, nous avons vu une
source à peine tiède, mais très sulfureuse.

8° Les sources du Boumerzouk, qui sortent de la


base d’une montagne située à quinze lieues sud de
Constantine ; seulement thermales, 22 degrés centi-
grades; on y voit également des ruines romaines.
— 50 —

Dans la province d’Oran, nous n’avons rencontré


qu’une source chaude et légèrement sulfureuse, entre
Tlemcen et la Tafna, sur la droite de l’Ysser.
— 51 —

CHAPITRE PREMIER.

SALUBRITÉ D’ALGER ET DE SES ENVIRONS.

Depuis près de dix ans que la France occupe Alger


et les points environnants, dans un rayon assez étendu,
nous n’avons pas encore été témoin du désastre que
traînent après elles certaines maladies épidémiques,
qui se développent souvent dans les cités placées sous
un climat peu salubre, et où, pour ne citer qu’une cause
entre mille, l’encombrement de la population devient,
en quelque sorte, le germe d’une mortalité d’autant
plus terrible, que cette population est plus entassée. Et
cependant, pour les personnes qui habitent la capitale
de la Régence depuis la conquête, il n’est pas dou-
teux que les influences morbidiques qui règnent dans
certaines localités de la France, auraient pu, auraient
dû même, disons-le, exister à Alger, plus qu’ailleurs
peut-être, si le climat salubre et pur dont jouit cette
ville, n’était venu en aide pour neutraliser l’action dé-
létère des causes de toute nature qui tendaient à vicier
l’atmosphère, soit par le fait d’une température aussi
— 52 —

accidentée que le sol qu’elle parcourt, soit par l’in-


curie des habitants : nous en donnerons un exemple
historique et frappant.

Nous avons dit qu’avant l’occupation toutes les


rues de la ville, étroites, noires, humides, ne recevaient,
de la part du gouvernement turc, aucun de ces soins
dont la Grande Voirie, sous l’administration françai-
se, a reconnu la nécessité. Les immondices entassées,
jour à jour, dans une caisse de bois établie ad hoc au
pied de chaque maison et recouverte, pendant la jour-
née, par les volets rabattus des boutiques, les immon-
dices croupissaient là, jusqu’à ce que ces réceptacles
infects fussent pleins. Mais comme il se passait natu-
rellement plusieurs jours avant que ces égouts perma-
nents soient remplis, et, par conséquent, susceptibles
d’être vidés, il en résultait une fermentation intérieu-
re, dont le soleil à plomb qui dardait dessus, dégageait
des miasmes putrides capables d’engendrer les plus
fâcheux effets.

Outre ces foyers de putréfaction, chaque coin de


rue était lui-même un centre d’où s’échappaient des
exhalaisons non moins redoutables à la santé des ha-
bitants, par l’amas de cadavres d’animaux et de subs-
tances végétales jetés pêle-mêle, sans que personne
ne prît soin de les enlever.
— 53 —

Eh bien ! tant de causes d’infection, sans énumérer


ici celles qui n’y peuvent trouver place, qui auraient pu
et dû servir de développement à des maladies plus ou
moins graves, tant de sources auxquelles semblaient
devoir s’alimenter des épidémies plus dangereuses,
par cela même qu’on songeait moins à les combattre,
n’ont eu pour résultat, et, répétons-le, ce résultat pa-
raîtra providentiel, que de prouver de la salubrité du
climat d’Alger, puisque, sous ce beau ciel, aucun des
fléaux inhérents à l’agglomération des habitants et à la
malpropreté des rues, ne s’y est manifesté.

Quant au choléra-morbus, nous n’en parlerons


pas, attendu que cette épidémie, qui a fait le tour du
monde, n’a pas sur la population d’Alger, sévi plus
cruellement que sur celle des autres contrées de l’Eu-
rope.

Voilà, certes, des faits dont nul ne saurait nier


l’authenticité, et dont les conséquences sont assez
évidentes, assez belles, pour qu’on ajoute foi au cli-
mat que nous décrivons et dont nous avons, avec le
plus grand soin, étudié les influences sur la santé des
hommes.

Disons mieux.
Pendant les premières années de l’occupation, les
régiments (infanterie et cavalerie) qui tenaient garnison
— 54 —

sur la partie sud du territoire, c’est-à-dire, depuis


Mustapha-Pacha jusqu’à la Ferme-Modèle et la Mai-
son-Carrée, ont donné, d’après les relevés que nous
avons faits, un beaucoup plus grand nombre de ma-
lades que les régiments casernés à Alger ; et nous
ajouterons, sans crainte d’être démenti, que les ré-
giments casernés à Alger ont eu moins de malades,
toutes choses égales d’ailleurs, que s’ils eussent été
casernés dans un grand nombre d’autres villes de
France : nous avons en main les preuves de ce que
nous avançons.

Si les journaux de France, toujours mal informés,


ont retenti et retentissent encore de déclamations sinis-
tres, relativement aux maladies et à la mortalité qu’ils
disent sévir sur la population européenne d’Alger,
c’est qu’ils ont omis, et à dessein peut-être, de mettre
sous les yeux de leurs lecteurs les circonstances parti-
culières et tout-à-fait indépendantes du climat, qui ont
amené ces maladies et cette mortalité.

Nous l’avons dit, avant tout nous serons vrai ;


qu’on nous permette donc de rétablir ici les faits sous
leur véritable point de vue ; la question de salubrité
d’Alger et de ses environs étant grave et importante,
nous croyons devoir entrer dans des détails, fastidieux
sans doute, mais nécessaires, afin de rassurer les per-
sonnes qui voudraient venir se fixer dans ce pays, et
— 55 —

que des assertions mal fondées tiendraient en garde


contre des affections chimériques.

Et d’abord, si l’on jette un coup d’œil sur les ta-


bleaux constatant la mortalité qui a frappé, dans les
premières années de notre entrée en Afrique, la popu-
lation européenne qui est venue, de tous les points de
la France indistinctement, peupler la colonie, on sera
surpris, il est vrai, du grand nombre de décès qu’ils
présentent. Mais un peu de réflexion, et surtout des
faits bien établis, bien prouvés, feront bientôt justice
de cette hallucination : on remarquera que c’est prin-
cipalement parmi les colons allemands que la mort a
fait plus de ravages; aussi est-ce sur eux que portent
spécialement nos observations.

Sans faire ici le procès à personne, qu’on se rap-


pelle ces familles entassées pêle-mêle sur des bâti-
ments de toute espèce, femmes, vieillards, enfants en
grand nombre, hommes dont la plupart étaient porteurs
d’affections antérieures plus ou moins graves ; qu’on
se représente (chose vraie !) ces malheureux, dont la
majeure partie, exténuée déjà par une route pénible,
n’avait point de vêtements, fortement secoués par le
mal de mer, réduits à vivre, pendant une longue tra-
versée, de viande salée, de biscuit, d’eau fade ; indivi-
dus de tout âge et de tout sexe, vieillards de soixante
ans, enfants à la mamelle, femmes enceintes, mélange
— 56 —

de misère, de maladies, encombrement capable à lui


seul d’engendrer la mort sous les meilleures condi-
tions possibles… Et maintenant, hommes de peu de
foi, répondez ! est-ce le climat d’Alger qui a été la
cause de la mort de ces infortunés, dont quelques-uns
n’ont pas même touché le sol africain ?

Et, certes, nous faisons ici une large part aux in-
convénients de la route : que dirait-on si nous allions
chercher, dans le déplacement brusque de ces hommes
du nord transplantés soudain, sans transition aucune,
sous un ciel brûlant, une cause, non médicale, mais
seulement naturelle, de leur mort presque instantanée ?
Que dirait-on si, à côté de cette cause, nous ajoutions
que, l’administration française, à peine assise, n’ayant
pu faire préparer un local propre à les recevoir, on fut
obligé de faire camper ces familles émigrées et souf-
frantes sous des tentes, à Bab-el-Oued, précisément à
l’époque où les pluies commençant à tomber, la cam-
pagne devint, en quelques jours, si fangeuse, que ces
malheureux n’eurent pour lit que la boue, bivouaquant
ainsi au milieu des éléments conjurés ?

Toutes les causes morbidiques qui poursuivaient


cette caravane bavaroise depuis son départ de l’Alle-
magne, semblèrent venir se résumer à Babel-Oued,
et maintenant trouvera-t-on surprenant qu’elles aient
étendu leurs effets destructifs sur ces hommes, pour
— 57 —

ainsi dire marqués par la mort avant leur arrivée ? Il


fallait qu’il en fût ainsi : des maladies nombreuses
durent se déclarer, et, malgré tous les soins que leur
prodigua le médecin chargé de ce service, beaucoup
succombèrent, car nulle réaction salutaire ne pouvait
s’opérer chez des hommes que la fatigue, les priva-
tions de tout genre, la misère la plus complète, avaient
depuis longtemps déjà entièrement épuisés.

Les mêmes circonstances les poursuivirent à Kou-


ba ; la mortalité s’étendit avec des progrès effrayants
sur ce camp, dont l’administration avait l’intention de
faire un village. Mais là encore la mortalité, outre les
causes que nous avons signalées plus haut, ne dut sa
progression, si j’ose m’exprimer ainsi, et son inten-
sité, qu’à des influences toute locales, dont on n’avait
pas prévu les conséquences : je veux parler des ma-
rais de la plaine, qui, avoisinant les nouvelles habi-
tations des colons, y développèrent immédiatement
des germes morbides graves, qui devinrent mortels.
L’insalubrité de ce lieu fit comprendre à l’autorité la
nécessité de l’abandonner et de reculer, comme nous
le conseillâmes à cette époque dans un Rapport offi-
ciel, le village projeté jusqu’à la colline du nord, où il
est aujourd’hui.

Une autre partie des colons allemands fut envoyée


au camp de Deli-Ibrahim, où ils logèrent quelque temps
— 58 —

sous des tentes ; mais l’administration, éclairée par


l’expérience, fit aussitôt construire des baraques en
planches et en pierres, qui offrirent à ces malheureux
un abri commode, vaste et salubre.

Ces deux camps, devenus l’objet de la sollici-


tude du gouvernement français, ont subi et subissent
encore tous les jours d’heureuses et salutaires amé-
liorations. Deli-Ibrahim est maintenant un village
de France, où le colon, protégé et encouragé, est en
même temps à l’abri du besoin et des influences mor-
bides du climat.

Nous aurions mille autres preuves à fournir de la


salubrité du climat d’Alger ; la réponse la plus victo-
rieuse que nous puissions faire aux journaux et aux in-
crédules, c’est de les renvoyer aux tableaux que nous
avons dressés sur les documents les plus authentiques
(Chap. V). Aujourd’hui que les chiffres sont pour le
siècle une raison sine qua non, un axiome contre le-
quel personne ne lutte, nous donnons des chiffres, et
des chiffres exacts, et nous espérons que plus d’un
problème mal compris y trouvera les éléments d’une
solution prompte et facile, puisque la médecine, pour
être crue, est aujourd’hui obligée de se retrancher der-
rière l’échafaudage sec et aride de l’arithmétique.

Si maintenant, franchissant les limites du massif


— 59 —

d’Alger, nous portons nos regards sur les environs,


nous allons trouver, souvent avec les mêmes causes,
des résultats différents, suite des améliorations pro-
gressives successivement apportées par l’administra-
tion à des localités qui, pour devenir salubres, ne de-
mandaient que d’être étudiées.

En effet, pendant la première année de l’occupa-


tion, nous avons eu, dans l’armée, beaucoup de mala-
dies. Mais on sait que l’armée, à cette époque, obligée
par les besoins de la guerre à camper presque toujours
dans des lieux malsains, recevait forcément les éma-
nations des effluves des marais qui l’entouraient. Elle
était constamment placée sous l’influence de causes
morbidiques dues aux dispositions locales où elle se
trouvait, tandis que l’habitant de la ville n’en était pas
atteint.

La majeure partie de l’armée occupait alors la


portion sud du territoire, qui s’étend d’Alger à la Fer-
me-Modèle et à la Maison-Carrée (quatre lieues ou
environ). Telle est à peu près, sur cette étendue, la
disposition du sol : le plateau de Mustapha-Pacha, où
l’on commençait déjà à remarquer quelques marais
produits par la stagnation des eaux ; au-delà de la pre-
mière côte de Mustapha et jusqu’à Bir-Khadem, le
pays est coupé par deux ravins, suivant à peu près la
même direction, l’un allant s’ouvrir près de Hussein-
— 60 —

Dey, à la mer ; l’autre, où était le quartier-général de


Bir-Khadem, débouchant près de la Maison-Carrée,
et communiquant dans son trajet avec d’autres ravins
plus petits, qui s’ouvrent du côté dé la plaine. Nous
ferons ressortir ailleurs l’importance de cette situation
topographique, et nous dirons pourquoi nous en avons
fait l’objet d’une étude particulière. Enfin, après Bir-
Khadem, viennent d’un côté, en bas, la Ferme-Mo-
dèle; de l’autre, près de l’Aratch, la Maison-Carrée,
deux points qui gisent au milieu des marais.

Ces bases une fois posées, nous pourrons jeter


un coup d’œil succinct et méthodique sur le caractère
et le genre des maladies qui se déclarèrent, en 1830,
1831 et 1832, dans chacune de ces localités. Nous ver-
rons que la plupart d’entre elles, pour ne pas dire tou-
tes, furent produites par les émanations putrides des
marais environnants ; et ces affections, dont le type
principal est l’intermittence, offriront un caractère de
gravité croissante, à mesure que, de Mustapha, nous
nous approcherons de la plaine, centre de l’infection,
et vice versa.

Les maladies principales, développées sous l’in-


fluence des causes susmentionnées, étaient des fiè-
vres intermittentes. Celles qui régnaient au quartier
de Mustapha n’offraient aucun symptôme alarmant ni
grave, lorsqu’elles y paraissaient dans l’organisation
— 61 —

de l’individu malade pour la première fois; tandis que


si le malade avait déjà été traité pour une fièvre de l’es-
pèce, contractée dans les quartiers voisins des marais
de la plaine, cette fièvre se reproduisait tout d’abord
avec le même degré d’intensité qu’elle avait présenté
au commencement : ce qui, du reste, ne détruit en rien
notre observation.

Parmi les fièvres intermittentes qui prenaient


naissance du côté de Bir-Mad-Raïss et de Bir-Kha-
dem, bon nombre offraient le caractère pernicieux.
Celles qui arrivaient de la Ferme-Modèle, de la Mai-
son-Carrée et des postes avancés, avaient toutes le ca-
ractère pernicieux et étaient, en outre, accompagnées
d’accidents si graves, que rarement le malade survi-
vait au troisième accès, si une médication prompte et
sûre n’était immédiatement appliquée pour en arrêter
la marche.

Détaché à la Ferme-Modèle, au mois d’août 1831,


pour y faire le service de santé, je remarquai seule-
ment alors que les fièvres, contractées dans ces pa-
rages, n’offraient pas toutes les mêmes symptômes :
ainsi, par exemple, celles qui étaient produites par les
émanations du marais qui avoisinait le blockhaus de
l’Oued-el-Kerma, outre les symptômes qui accompa-
gnent les fièvres pernicieuses intenses, tourmentaient
les malades de vomissements fréquents et douloureux ;
— 62 —

l’activité de l’action miasmatique de ce marais était


si rapide, si énergique, que, quelques jours après mon
arrivée, je fus appelé à en juger d’une manière irrécu-
sable et frappante.

Le 24 août, vingt-trois grenadiers du 67e de ligne


(ce régiment comptait alors un an de séjour en. Afri-
que) partirent, à huit heures du matin, de la Ferme-
Modèle, pour venir relever le poste du blockhaus de
l’Oued-el-Kerma. A deux heures après midi, on vint
me chercher pour aller voir trois hommes malades ;
j’accourus aussitôt ; mais, au lieu de trois, j’en trou-
vai onze atteints d’un accès de fièvre pernicieuse, avec
vomissements et contractions convulsives de l’esto-
mac. Je les fis immédiatement transporter à la Ferme,
je pratiquai à chacun d’eux une large saignée et je les
envoyai sur-le-champ à l’hôpital. (Bien que la saignée
ne soit pas préconisée par quelques-uns de nos confrè-
res, nous croyons avoir acquis assez d’expérience dans
le traitement de ces affections, pour avancer que lors-
qu’il y a des symptômes dépendants d’une congestion
cérébrale fortement prononcée, la saignée a non seule-
ment l’avantage d’opérer une déplétion salutaire, mais
encore de favoriser l’absorption du spécifique qu’on
doit se hâter d’employer.) Sur les douze qui restèrent
au poste, trois autres tombèrent malades pendant la
nuit, atteints du même accès, quoique un peu moins
fort que celui qui avait frappé les onze premiers.
— 63 —

Lorsque ces vingt-trois grenadiers, qui du reste


avaient joui jusqu’à cette époque d’une bonne santé,
partirent de la Ferme pour se rendre à leur poste, les
brouillards étaient encore si épais, que le soleil pou-
vait à peine les pénétrer de ses rayons. Nous fîmes
observer le danger qu’il y avait à relever le poste à
cette heure; nous ajoutâmes qu’il était prudent d’at-
tendre que le soleil eût fondu les brouillards ; notre
observation ne fut pas écoutée, et le bataillon eut pro-
bablement, le lendemain, quelques hommes de plus à
l’hôpital.

Nous n’eûmes jamais occasion de remarquer,


outre les accès de- fièvres pernicieuses dont nous par-
lions, des vomissements semblables à ceux que nous
venons de citer, au poste de la Fontaine, bien qu’elle
soit entourée d’un large marais, et que les fièvres qui
s’y développaient eussent un caractère aussi grave
que les précédentes.

Appelé de nouveau, en 1832, à faire le service


de santé dans un bataillon de ce même 67e de ligne,
campé alors à Bir-Khadem, nous eûmes, dans cette
localité, des résultats différents de ceux que nous avi-
ons obtenus jusqu’à ce moment. Sur trois cents hom-
mes, ou à peu près, dont était composé le bataillon,
nous envoyions, terme moyen, six malades par jour à
l’hôpital, toujours pour des accès de fièvres intermit-
— 64 —

tentes, dont un tiers environ présentait le caractère per-


nicieux, mais dont l’intensité était beaucoup moindre
que celle des fièvres développées à la Ferme.

Cette observation nous amena, en quelque sorte,


à cette espèce de moyenne, que nous traduirons en
disant que les maladies qui prenaient alors naissance
à Bir-Khadem tenaient le milieu, quant à leur gravité,
entre celles qui se développaient à Mustapha-Pacha et
à la Ferme-Modèle.

Pendant mon séjour sur ce point, je fus plusieurs


fois appelé à donner des soins à des malades, tant in-
digènes qu’européens, qui habitaient la partie sud de
Bir-Khadem ; tandis que je me suis rarement dérangé
pour aller faire des visites sur le versant qui regarde le
nord, bien que ce dernier côté fût plus généralement
habité que l’autre. Une remarque de cette nature, qui,
pour tout autre qu’un médecin, eût paru sans impor-
tance, éveilla chez moi le désir d’une explication
plausible ; il semblait d’ailleurs y aller de la santé des
colons et des soldats confiés à mes soins. Je parcou-
rus, à toute heure du jour, ces deux points; je consul-
tai de nouveau la carte, pour bien saisir la direction
que suivent les ravins, ce dont nous avons dit un mot
précédemment, et j’espère, jusqu’à preuve contraire,
avoir trouvé le motif de cette disproportion morbide
purement locale.
— 65 —

Le ravin nord, du côté du camp, va déboucher,


avons-nous dit, près de Hussein-Dey, à la mer, et ne
peut, par conséquent, recevoir de la plaine aucune
exhalaison malfaisante ; le ravin qui regarde le sud,
au contraire, s’ouvre du côté de la Maison-Carrée, où
existent un grand nombre de marais.

Maintenant on sait qu’il arrive assez souvent que


la plaine de la Mitidja est couverte d’un brouillard
épais, qui est bien certainement le marais. Ce brouillard
reste dans un état de stagnation parfaite ; il s’étend,
sous la forme d’un nuage sombre et opaque, sur tou-
te la plaine, dont l’aspect alors, vu des hauteurs, res-
semble à un lac immense. Dès que la chaleur solaire
vient mettre en mouvement cette masse nébuleuse,
elle s’ébranle, s’élève un peu et envoie dans toutes
les gorges qui aboutissent à la plaine, une quantité
plus ou moins grande de miasmes putrides, qui ré-
pandent leurs effets malfaisants sur les habitants des
ravins qu’ils parcourent. Aussi chaque fois que nous
avons vu les brouillards sur la plaine, nous étions sûr
d’avoir, le lendemain, plus de malades à envoyer à
l’hôpital.

Telle est, selon nous, et pour nous résumer, la dif-


férence de salubrité qui existe entre le ravin nord et le
ravin sud de Bir-Khadem : le ravin sud, s’abouchant
à la plaine, est parcouru par les brouillards venant de
— 66 —

la Mitidja ; le ravin nord, se terminant à Hussein-Dey,


près de la mer, ne reçoit les brouillards qu’autant que
ceux-ci, élevés par la chaleur, franchissent les colli-
nes qui limitent ce ravin ; et alors leur dilatation est
trop grande, par suite du trajet, les molécules miasma-
tiques déjà trop éloignées, pour que leurs effets puis-
sent être malfaisants.

Est-ce là la véritable raison qu’on puisse alléguer


pour se rendre compte du grand nombre de malades
que nous avions d’un côté et des rares affections qui
se développaient de l’autre ? Nous n’hésitons pas à
l’affirmer; du moins est-ce notre conviction.

De nouveaux exemples, pris sur les mêmes points,


rendront peut-être notre assertion plus concluante.

La Manutention des vivres était placée à peu de


distance et un peu au sud du ravin sud. Pendant le
temps que nous restâmes à Bir-Khadem, nous eûmes
constamment quatre à cinq malades à traiter dans cet
établissement, atteints de fièvres intermittentes plus
ou moins intenses. L’établissement dut être abandon-
né, pour cause de maladie, par le comptable et par
plusieurs autres employés.

Dans le ravin nord se trouvait le Magasin au four-


rage et à la viande, composé d’un personnel bien plus
— 67 —

nombreux que la Manutention. Eh bien ! pendant le


même temps, nous n’eûmes à donner nos soins qu’à
un seul ouvrier, et encore, était-ce pour une rechute de
fièvre qu’il avait contractée, l’année précédente, à la
Maison-Carrée. Et certes cet établissement réunissait,
plus que le premier, des conditions locales propres à
favoriser l’action délétère des causes atmosphériques,
ne fut-ce que la boucherie qui y était établie, et qui,
malgré les soins qu’on apportait à l’entretenir, n’était
pas toujours à l’abri des inconvénients qui résultent
de matières animales coupées et répandues çà et là.
Le comptable qui avait été à la Ferme en même temps
que moi et que la fièvre y avait deux ou trois fois fort
mal traité, n’essuya aucune rechute pendant les quel-
ques années qu’il géra cet établissement.

Le camp de Kouba, assis sur le ravin sud, dut


être, après deux ans d’occupation, évacué et changé
d’emplacement, à cause des fièvres qui y sévissaient
cruellement sur nos soldats et sur les colons. On l’a
transporté sur la colline de Hussein-Dey, à l’extrémité
du ravin nord.

Nous engageons ici les propriétaires et les colons


qui voudraient bâtir ou cultiver dans cette partie du
territoire, à attendre que les marais de la plaine aient
été complètement desséchés, avant de n’y former
aucun établissement.
— 68 —

Enfin, à l’appui des arguments que nous avan-


çons pour prouver de la salubrité progressive des en-
virons d’Alger, nous ne pouvons mieux faire que de
citer ce qu’a arrêté, depuis deux ans, l’administration
militaire dont les efforts pour améliorer la position du
soldat, ne sauraient être assez avantageusement cités :
un Dépôt de Convalescents est établi à Bir-Khadem,
précisément à l’endroit où, pendant les années 1830,
1831 et 1832, les fièvres sévissaient sur la garnison :
le 67e de ligne, le 10e léger y ont vu, en effet, leurs
bataillons se décimer en peu de temps. A quoi devons-
nous donc attribuer l’assainissement de cette contrée,
si ce n’est à l’action moins active des miasmes de la
plaine, au desséchement commencé des marais et à la
culture avancée de cette partie du pays ?

Nous avons, jusqu’à présent, offert à l’investiga-


tion du praticien des points devenus salubres par suite
des travaux qu’on ya faits; nous n’avons eu, à pro-
prement parler, qu’un mélange de bien et de mal, et,
en donnant le produit de nos observations, dépouillé
de tout engouement, de tout voile propre à couvrir
des fautes ou des idées brillantes, nous croyons avoir
rempli un devoir. Mais la vérité est une partout : si
donc, en traitant de la partie sud des environs d’Alger,
nous avons démontré qu’il y avait encore des vices ra-
dicaux à détruire, de nouvelles et nombreuses amélio-
rations à apporter à ce beau pays, nous nous sommes
— 69 —

réservé le droit de dire franchement ce qu’il y avait


de bien, sans qu’on puisse nous accuser d’adulation,
ce qu’il y avait d’espérance et d’avenir dans d’autres
localités, dont nous allons dire un mot.

La partie nord du territoire de la Régence, qui


s’étend, le long de la crête, depuis le fort l’Empereur
jusqu’à la Pointe-Pescade, en y comprenant les colli-
nes et les ravins qui s’élèvent ou se creusent entre ces
deux points extrêmes, jouit d’une salubrité incontes-
table. Les villages de Deli-Ibrahim, de Sidi-Yekhelef
et de Staouéli, enveloppés dans cette circonscription,
sont des points où la santé n’a rien à redouter. Un
nouvel exemple viendra à l’appui de cette nouvelle
assertion.

Lorsque les troupes du Dey avaient parcouru la


plaine pour lever des impôts ou châtier des tribus re-
belle, elles venaient se purifier, sur les hauteurs du
mont Boudjaréah, où on les faisait camper quelques
jours, de l’infection qu’elles croyaient avoir contrac-
tée en traversant les marais de la Mitidja.

Jamais preuve plus convaincante n’a pu être don-


née de la salubrité d’un point quelconque, et nul ne
sera tenté sans doute de nous accuser de partialité
dans cette circonstance. D’autre part, les indigènes,
comme nous le dirons ailleurs, savent et sauront tou-
— 70 —

jours mieux que nous ce qui convient à leur santé,


sous le climat qui les a vu naître.

C’est sur le Boudjaréah qu’il avait été question


d’établir un hôpital temporaire propre à recevoir
les convalescents, que des rechutes fréquentes obli-
geaient à renvoyer en France. Bien qu’un pareil pro-
jet offrit peut-être de grandes difficultés, il eût été
cependant plus avantageux pour l’armée et pour le
gouvernement, que les nombreuses évacuations sur
France, comme nous le démontrerons dans un chapi-
tre spécial.

Si l’administration persiste dans le maintien de


l’établissement, établi aujourd’hui à Bir-Khadem sous
le nom de Dépôt de Convalescents, nous n’hésitons
pas à avancer que ce serait sur la partie nord du terri-
toire d’Alger, c’est-à-dire, dans l’espace formé par le
triangle d’Alger, de Deli Ibrahim et de la Pointe-Pes-
cade, que ce dépôt devrait être transporté, point que
nous regardons, à juste titre, comme un des plus sains
de toute la Régence.

Un dernier mot.
La salubrité de la partie nord d’Alger, si elle avait
besoin d’être prouvée par des chiffres, pourrait s’ap-
puyer sur les faits suivants :
— 71 —

Un nombre d’habitants plus considérable que


dans les autres localités du même territoire, compose
la population des villages dont nous avons parlé, et
cependant, depuis près de dix ans, il s’y est manifesté
beaucoup moins de maladies que partout ailleurs.

Les divers régiments qui ont habité ces contrées


nous ont donné, parmi les affections qu’ils ont éprou-
vées, la même proportion décroissante : ainsi, par
exemple, le 3e de ligne qui y a séjourné six mois envi-
ron, n’a presque pas eu de malades ; après lui, le 15e
de ligne est venu occuper tous les postes de circonval-
lation, depuis le jardin du Dey jusqu’à la Pointe-Pes-
cade, postes qu’il a gardés une année entière, et, pen-
dant ce, temps, les malades y ont été moins nombreux
que dans les meilleures garnisons de France.

Qui niera ces faits ? qui empêchera que l’air, venant


de la côte, soit constamment vif, pur, hors du contact
de toute influence atmosphérique pernicieuse ?

Les affections principales qu’on observe sur la


partie nord du territoire d’Alger, sont des bronchites,
des angines, etc., mais JAMAIS DE FIÈVRES IN-
TERMITTENTES !
— 72 —
— 73 —

CHAPITRE II.

CAUSES DE. L’INSALUBRITÉ DE LA PLAINE. —


INFLUENCES DES BROUILLARDS
QUI S’Y DÉVELOPPENT. —
SIMOUN OU VENT DU DÉSERT, ETC.

Nous avons émis, dans le chapitre précédent,


quelques-unes de nos observations relativement aux
influences développées dans la partie sud du territoi-
re d’Alger par les miasmes qui s’échappent des ma-
rais de la plaine ; nous avons démontré comment ces
miasmes, profitant en quelque sorte d’une position
topographique qui leur est favorable, s’engorgeaient,
sous l’action d’un véhicule atmosphérique plus ou
moins propice, dans le ravin sud de Bir-Khadem, se-
mant leurs effets malfaisants suivant une proportion
inverse ou continue, eu égard aux différents états où
se trouvaient les hommes ou le climat. Ces détails, qui
n’étaient qu’accessoires ou plutôt qui ne formaient
— 74 —

qu’une digression à la place où ils figurent, deviennent


maintenant, d’après l’ordre que nous avons adopté
dans notre travail, une théorie qui a besoin d’être ex-
pliquée, prouvée et appliquée : nous diviserons donc
ce chapitre en trois parties, que nous rattacherons en-
semble, après en avoir suivi séparément les phases.

Les maladies qui décimèrent si cruellement nos


régiments casernés ou postés à la Maison-Carrée et
à la Ferme-Modèle, au commencement de notre ins-
tallation en Afrique, déterminèrent l’autorité à pren-
dre de promptes mesures pour remédier à un fléau qui
paraissait croître chaque jour. Ces mesures consistè-
rent : 1° Dans l’évacuation, en été, des postes militai-
res malsains ; 2° dans le desséchement immédiat des
marais qui les environnaient. Ce dernier projet fut mis
à exécution avec la plus grande activité : les marais
avoisinant la Ferme-Modèle et la Maison-Carrée fu-
rent desséchés en partie, suivant les ressources qu’on
avaient alors,et c’est à ces sages dispositions qu’on a
dû la diminution de gravité dans les maladies qui ap-
paraissent dans ces contrées.

Il ne faut pas croire cependant, malgré tant d’ef-


forts tentés pour assainir ces divers points, que la plaine
soit tellement salubre, qu’on n’ait encore de fâcheu-
ses influences à y redouter. La plaine de la Mitidja,
limitée à l’ouest par des marais contigus au Mazafran,
— 75 —

aboutit à l’est au cap Matifou, formant derrière le


massif d’Alger et les environs un hémicycle ou fer
à cheval immense : sa longueur de l’est à l’ouest
est d’environ quarante lieues, sa largeur variable est
de cinq lieues, terme moyen. Parmi les tribus qui
l’habitent, les plus célèbres sont les Beni-Moussa
et les Hadjoutes. Ces Arabes, et principalement les
derniers, sont plus féroces que guerriers et vivent de
pillages.

On concevra facilement qu’un terroir de cette


étendue, en dépit des améliorations qu’on peut avoir
successivement apportées sur divers points, doit en-
core renfermer une masse considérable de germes
morbidiques, que le temps et des travaux continus
pourront seuls annihiler. Aussi sommes-nous loin de
croire que, lors même que la plaine serait complète-
ment desséchée, on n’aurait rien à craindre pour la
santé des habitants. Nous disons, au contraire, qu’on
devra, pendant un certain nombre d’années, se prému-
nir, avec le plus grand soin, contre l’action des mias-
mes enfermés depuis des siècles dans ce sol vierge,
et que les effets malfaisants qu’il contient ne céde-
ront qu’aux bienfaits de la civilisation et surtout de la
culture.

Tel est, selon nous, le plan hygiénique qu’on de-


vrait suivre pour coloniser cette plaine fertile.
— 76 —

Comme on ne pourra pas, surtout pendant les


premières années, remuer sans danger une terre sur
laquelle aucuns travaux de desséchement n’ont en-
core été faits, les colons ne sauraient prendre trop de
précautions pour se dérober à l’action miasmatique
des marais. La plus prudente mesure serait de sus-
pendre le travail, soit de desséchement ou de culture,
un peu avant le coucher du soleil et de ne le recom-
mencer qu’une heure et demie, ou environ, après
son lever, à l’époque des grandes chaleurs. Entre ces
deux intervalles, la chaleur atmosphérique est assez
élevée pour tenir éloignées les molécules miasmati-
ques suspendues dans l’air et pour en affaiblir l’ac-
tion ; tandis qu’après le coucher ou avant le lever du
soleil, ces molécules forment une masse trop épaisse
pour ne pas atteindre et pénétrer de leur influence
malfaisante les corps qui s’offrent à leur contact.
Durant tout le temps que le soleil ne sera pas sur
l’horizon, les habitants devront rester enfermés dans
des baraques construites en planches, et mieux en
pierre, ou tout au moins sous des tentes faites d’un
tissu assez épais pour que le brouillard ne puisse le
traverser. Ces précautions, qui sont de rigueur, sont
les seules qui diminueront les chances de maladies,
auxquelles devront s’attendre d’être exposés les co-
lons, pendant les deux ou trois premières années qui
suivront le défrichement des propriétés établies dans
la plaine.
— 77 —

Il est aussi une autre précaution hygiénique que


nous ne saurions trop recommander aux personnes
que leurs intérêts ou leurs occupations obligeront à
habiter la Mitidja : ne jamais s’exposer à l’air vif du
matin, sans avoir pris quelques substances alimen-
taires. Sans vouloir, du reste, établir ici de système,
nous dirons qu’en physiologie c’est vérité reconnue
que l’absorption miasmatique et autres se fait plus fa-
cilement le matin et lorsque la membrane muqueu-
se de l’estomac et de l’intestin est encore vierge du
contact de toute espèce d’aliments ou de boissons. Les
gens du monde concevront cela facilement, si nous
leur disons que les orifices des vaisseaux absorbants
sont disposés, comme autant de sentinelles avancées,
sur toute la surface de cette membrane, et que, pour
veiller, en quelque sorte, à sa conservation, ils puisent
sur tous les corps qui viennent se mettre en contact
avec eux les principes bons ou mauvais que ces corps
contiennent.

Or, pendant tout le temps de la digestion, l’es-


tomac et les intestins ne manifestant aucun besoin,
les vaisseaux absorbants restent fermés, et un corps,
même un peu nuisible, pourrait glisser dessus, sans
qu’aucun effet malfaisant ne s’ensuive. Mais il n’en
est pas de même dix ou douze heures après la digestion,
comme cela arrive tous les matins : alors, au contraire,
les éléments nutritifs, contenus dans les aliments de
— 78 —

la veille, ont passé dans la circulation, et l’économie


sentant le besoin d’en prendre de nouveaux, les vais-
seaux absorbants écartent le peu de matière qui les
couvrent, pour venir en hâte saisir de leurs mille bou-
ches avides, les premiers éléments, bons ou mauvais,
qui se présentent à eux. Aussi, tout individu qui, dans
ces dernières conditions, s’offrira au contact d’une
atmosphère chargée de principes délétères quelcon-
ques, en ressentira presque instantanément les effets
malfaisants, et ces effets seront d’autant plus énergi-
ques, rapides et violents, que, dans un, temps donné,
l’individu en aura absorbé une plus ou moins grande
quantité.

Qu’importe-t-il donc de faire pour se soustraire à


cette action méphitique ou au moins pour en diminuer
les effets ? Selon nous, c’est de mettre les vaisseaux
absorbants dans des conditions propres à arriver à ce
but, et, pour cela, nous conseillons aux habitants de
tout pays marécageux de ne jamais sortir, le matin,
avant d’avoir donné à leur estomac un élément qui
diminue l’éréthisme des bouches absorbantes, tout en
fournissant un principe légèrement nutritif. Aux per-
sonnes aisées nous ferons prendre, tous les matins,
un verre de vin de Madère, avec un peu de pain, un
biscuit, etc. ; ceux qui ne pourront pas se procurer
cette boisson, ou qui, par goût, n’en voudraient point
user, la remplaceront avantageusement par un peu de
— 79 —

café ou un verre d’eau étendue d’une ou deux peti-


tes cuillerées d’eau-de-vie ; ainsi, par exemple, sur
un litre d’eau on pourra ajouter à peu près un dixiè-
me d’eau-de-vie pure ; quand je dis eau-de-vie pure,
je n’entends pas parler de cette liqueur alcoolique et
corrosive, pareille à celle qu’on vend généralement
en Afrique.

Nous disions tout à l’heure qu’après le coucher


du soleil, les colons devraient se retirer dans des ba-
raques en bois ou en pierre, ou tout au moins sous des
tentes faites d’un tissu épais : nous ne saurions trop
encore insister sur ce point. Ne pas tenir compte de
la manière dont les habitants de la plaine sont logés,
c’est nier les influences des marais et des miasmes qui
s’en échappent, et, par conséquent, exposer ces mal-
heureux, dont l’existence rude et laborieuse est déjà
assez prédisposée aux maladies, aux hasards de la
mortalité. Le tissu dont les tentes sont faites n’est pas,
en général, tellement imperméable, que l’air ambiant
n’y puisse transporter les principes morbidiques dont
il est parfois chargé; et ces principes agissent d’autant
plus activement sur les individus que, pendant le jour,
ils sont exposés dans la plaine à une chaleur plus for-
te, qui, par la grande transpiration qu’elle provoque,
rend la peau excessivement impressionnable, consé-
quence toute naturelle de la dilatation des pores. Tant
que les habitants de la plaine ne seront pas logés de
— 80 —

manière à être fortement abrités contre la chaleur, du-


rant la journée, et contre le froid piquant des nuits,
les maladies n’y perdront rien de leur intensité. Il faut
donc, si l’on veut voir décroître rapidement le nom-
bre des maladies dans ces contrées, il faut, quand on
aura l’intention d’y former de grands établissements,
construire des maisons en pierre ou en terre, solides,
bien clauses, avant d’y envoyer des habitants ; et,
pour que ces bâtisses soient tout d’abord habitables et
surtout salubres, elles seront faites après la saison des
pluies, c’est-à-dire dans l’espace de temps compris
entre le mois d’avril et le mois de juin.

Nous nous réservons de déduire plus longuement,


dans le chapitre suivant, toutes ces considérations, les
conséquences qu’elles amènent et les remèdes relatifs
à y apporter.

Avant d’abandonner ces deux points, la Ferme-


Modèle et la Maison-Carrée, constatons qu’étant l’une
et l’autre placées sous les mêmes conditions pour re-
cevoir l’infection, le genre et le nombre des maladies
qui s’y développaient, suivaient à peu près les mêmes
proportions, relativement à leur garnison, c’est-à-dire
que s’il y avait, par exemple, trois cents hommes à
la Ferme, dont cent, je suppose, atteints de fièvres ou
autres, le même nombre d’affections régnaient à la
Maison-Carrée, à garnison égale.
— 81 —

Pendant les premières années, les malades qui


venaient de ces contrées étaient si gravement atteints,
qu’ils mouraient presque tous à leur entrée à l’hôpital.
Aussi est-ce avec le sentiment d’une vive douleur que
les médecins traitant les voyaient succomber, avant
d’avoir pu même leur administrer des secours. Il y
aurait, certes, conscience et devoir de dire avec quel
zèle, quelle activité, quel empressement, le Corps des
Officiers de Santé de l’armée d’Afrique se multiplia
alors, afin de combattre, de prévenir ou d’arrêter la
marche effrayante de ces affections, dues à la présen-
ce des marais environnant ou avoisinant nos divers
postes avancés, et qui encombraient les hôpitaux ;
mais il ne nous appartient pas de juger notre propre
cause. Je dirai seulement que les Officiers de Santé en
chef firent bientôt comprendre à l’autorité la néces-
sité d’employer les grands moyens, pour détruire un
mal qui menaçait de ruiner une armée, dont la santé,
au milieu du pays ennemi, devenait de plus en plus
nécessaire. Tous remplirent noblement leurs devoirs
; les uns en proposant, l’administration en répondant
à cet appel philanthropique par des mesures adoptées
avec promptitude, prudence et sagesse ; nous en avons
dit un mot au commencement de ce chapitre, et nous
avons signalé les heureux résultats qu’elles ont im-
médiatement produits.

Redisons, en passant, afin d’éloigner de nouveau


— 82 —

de l’esprit des personnes qui ne connaissent pas l’Afri-


que, toute prévention étayée sur des faits inexacts ou
malveillants, redisons bien que si d’abord nous eûmes
à déplorer la perte d’un grand nombre des braves sol-
dats de notre armée, que si la mortalité a sévi indis-
tinctement dans les camps et sur les différents points
occupés par les colons français ou autres, aux environs
d’Alger surtout, ce n’est pas parce que le climat est
insalubre, mais parce qu’il se développe en Afrique,
comme dans toutes les contrées du monde, des ger-
mes morbidiques, provenant non de causes climatéri-
ques, mais de causes accidentelles purement locales,
que la main des hommes peut atteindre et anéantir. Si
jusqu’à présent on nous a lu avec quelque attention,
on a dû trouver pour preuve de ce que nous avançons,
que partout où un point, en apparence malsain, a été
l’objet de travaux de desséchement, ou autres, le mal
a disparu, et que tel point, d’abord très malsain, est
devenu tout-à-coup un dépôt de convalescents : est-ce
le climat ou est-ce le sol ?

Ainsi, le quartier de Mustapha-Pacha a été, avons-


nous dit, assaini et rendu habitable, par suite du des-
séchement des marais et de la culture; les malades,
bien que les soldats n’y soient pas parfaitement ins-
tallés, n’y sont pas plus nombreux que dans un grand
nombre des garnisons de France ; et cependant on y a
vu, on y voit tons les jours encore s’y développer des
— 83 —

affections, dont on attribue, sans examen, les causes


à la localité. Eh bien ! ces causes, si mal comprises,
si mal expliquées généralement, ces causes sont dues
à l’influence des marais de la Mitidja. En effet, il est
très souvent arrivé que les hommes envoyés pour oc-
cuper militairement les environs de la Ferme-Modèle
ou de la Maison-Carrée, n’ont pas été malades pen-
dant le temps qu’ils y sont restés, surtout si le séjour
a été court. Mais une fois rentrés dans leur cantonne-
ment, les fièvres apparaissaient quatre, six, huit ou dix
jours après le retour. Dans ce cas, loin de présenter le
caractère pernicieux, les fièvres ainsi contractées et
développées; cédaient facilement à une médication
sagement administrée. Nous avons vu, en 1831, un
bataillon entier du 28e de ligne demeurer huit jours
à la Ferme, sans avoir eu un seul malade; six jours
après son retour à Alger, les deux tiers des officiers
et soldats furent atteints de fièvres intermittentes, peu
graves à la- vérité, mais qui n’obligèrent pas moins le
bataillon à entrer à l’hôpital; du reste, aucun des ma-
lades n’a succombé.

Une autre idée assez généralement reçue, c’est


que le vent du désert ou vent du sud-est est, en Afrique,
le générateur de nombreuses et graves maladies. Pour
les personnes, qui, en cherchant dans un Dictionnaire
Français quelconque, ont trouvé au mot simoun, par
exemple, cette définition : Vent empoisonné et brûlant
— 84 —

des déserts de l’Afrique ; pour celles-là, il est certain,


en effet, que le vent du désert doit produire d’affreux
ravages, ne fût ce que par suite de l’analyse de ces
deux adjectifs barbares, empoisonné et brûlant : oh
! qu’il y a de maladies cruelles enfermées dans ces
deux mots innocents ! Mais ceux qui, comme nous,
ont parcouru l’Afrique, depuis Tlemcen jusqu’à
Constantine, sous toutes les températures, en toute
saison ; ceux qui ont pu apprécier les influences pro-
duites, chez les Arabes et chez les Européens, par le
vent du sud-est, savent à quoi s’en tenir sur les affec-
tions que ce vent détermine.

Le vent du désert agit puissamment sur les per-


sonnes pléthoriques, et sert souvent, chez ces mêmes
personnes, de développement aux maladies inflam-
matoires ; mais il serait absurde de supposer qu’il se-
conde l’action miasmatique des marais dans la pro-
duction des fièvres intermittentes. Je dis plus, c’est
que chaque fois que ce vent a soufflé avec un peu de
force n’importe sur quel point de la Régence, nous
avons eu moitié moins de malades à envoyer à l’hôpi-
tal, que par la température ordinaire.

Telle est, au reste, notre théorie, appuyée d’expé-


rimentation et d’observations journalières, sur ce vent
formidable.
— 85 —

Nous avons dit, au chapitre précédent, que, tous


les matins, la plaine de la Mitidja se couvrait d’un
brouillard très épais, qui tenait pour ainsi dire sus-
pendues dans son sein les molécules miasmatiques
provenant de la putréfaction des substances animales
et végétales décomposées dans les marais. Or, plus
ce brouillard sera dense et brumeux, plus par consé-
quent il renfermera, dans un volume donné, de molé-
cules miasmatiques, qui, par suite, auront une action
d’autant plus directe et malfaisante que l’individu s’y
sera exposé avec telle ou telle prédisposition; plus,
enfin, il résultera de maladies graves et pernicieuses.
Il est également facile de concevoir que plus les indi-
vidus seront rapprochés du centre de l’infection, plus
le nombre des molécules sera grand, plus leur contact
sera funeste, plus aussi les fièvres en acquerront un
mauvais caractère. Au contraire, dès que le brouillard,
chassé par le vent, s’élève et se dilate sous l’action
solaire, les molécules miasmatiques, s’éloignant les
unes des autres, se dispersent, se fondent, se vapori-
sent dans l’atmosphère, et leurs effets malfaisants di-
minuent en proportion de la distance qui les sépare.

Je suis persuadé qu’avec du temps et après un


certain nombre d’observations continues, on pourrait
parvenir à déterminer le caractère des fièvres qui se
développent sous l’influence des brouillards, à des
distances données. Ainsi, par exemple, en partageant,
— 86 —

d’un point à un autre, une étendue de terrain donnée,


on diviserait cette étendue en deux, quatre, cinq,
six zones, etc., et l’on étudierait à part le caractère
des fièvres dans chacune d’elles ; de cette manière,
il nous semble qu’on trouverait, par suite des rai-
sons énoncées plus haut, une différence tranchée et
sensible sur chaque localité. On pourrait encore, en
calculant la marche du brouillard avec la chaleur
atmosphérique, déterminer le caractère des fièvres
suivant les heures du jour, au moment précis où le
contact des miasmes agirait sur les individus. Ainsi,
les brouillards de la plaine commençant à se met-
tre en mouvement vers les huit heures du matin, les
individus qui en subiront le contact à cette heure,
seront plus gravement malades que ceux.qui n’y se-
ront exposés qu’aux autres heures de la journée, tou-
tes choses égales d’ailleurs, etc.

Supposons maintenant que la chaleur de l’atmos-


phère soit assez forte pour produire une raréfaction
telle, que toute condensation nébuleuse soit impossi-
ble, il adviendra que les molécules miasmatiques se-
ront, en quelque sorte, perdues dans l’espace, et que,
ne pouvant plus agir sur les corps que une à une, deux
à deux, ou en petit nombre, leur contact n’aura plus
assez d’énergie pour développer la maladie : c’est ce
qui arrive chaque fois que le vent du désert souffle.
Pendant deux mois de séjour à Bir-Khadem (juillet et
— 87 —

août 1832), j’ai remarqué que le vent du désert souffla


cinq fois, et, le lendemain de chacun de ces cinq jours,
parmi les malades qui se sont présentés à la visite, peu
étaient atteints de fièvres intermittentes.
— 88 —
— 89 —

CHAPITRE III.

INCONVÉNIENTS DES ÉVACUATIONS SUR FRANCE.


— FORMATION D’UNE LÉGION SÉDENTAIRE.
— HYGIÈNE DE LA PLAINE.

Le principe fondamental de toute colonie, occu-


pée militairement, est la conservation du corps d’ar-
mée qui la protège ; le principe fondamental d’une
colonie, destinée à devenir un point de centre pour le
commerce et les spéculations, doit être aussi la conser-
vation de la santé des colons appelés à enrichir le sol
de leurs travaux : ce double but est celui que cher-
chent à atteindre le législateur, l’homme de guerre et
le savant, chacun suivant des progressions relatives.

Après avoir successivement parlé des amélio-


rations apportées par l’administration aux points où
— 90 —

l’armée campe, après avoir signalé à l’autorité et aux


particuliers intéressés quelques uns des moyens pro-
pres à assainir certaines localités encore dangereuses,
et leur avoir prescrit partie des règles hygiéniques à
opposer aux influences funestes de la terre et du cli-
mat, nous croyons devoir développer, dans un cadre
plus large, des idées que nous regardions, à la place
qu’elles occupent, comme seulement émises; aussi
bien, d’ailleurs, ces idées fourniront ici matière à de
nouvelles observations, et serviront peut-être un jour
à parfaire des systèmes, qui ne sont maintenant que
des projets, et à la réalisation desquels nous serions
heureux d’avoir pu contribuer.

Le mont Boudjaréah serait, avons-nous dit, le


point le plus salubre et le plus convenable pour fon-
der un Dépôt de Convalescents. La formation d’un
établissement de cette nature, dans cette localité, dis-
penserait le gouvernement de renvoyer en France
des soldats accidentellement malades, qu’un séjour
prolongé sous un climat plus pur rendrait bientôt à
la vie. Cependant, les avantages économiques qu’une
pareille mesure donnerait à l’état, sont malheureuse-
ment compensés d’une manière cruelle par les ennuis
et le chagrin qu’éprouveront toujours les malades qui
n’auront point été désignés ; les soldats bien portant,
en voyant partir leurs camarades pour un pays où ils
désirent tous rentrer, ne sont pas eux-mêmes à l’abri
— 91 —

d’une certaine impression de regret ou d’envie, qu’ils


ne savent pas dissimuler. J’ai vu bon nombre de ma-
lades, presque guéris, retomber par suite de la dou-
leur que leur occasionnait le départ de leurs voisins
de salle.

Dès qu’une évacuation était ordonnée, les méde-


cins prenaient, à haute voix, le nom de ceux qu’ils
voulaient évacuer, et les officiers d’administration
en dressaient la liste ostensiblement dans les salles.
Mais on ne tarda pas à s’apercevoir du mauvais ef-
fet que produisait cette mesure, et, afin d’en diminuer
les inconvénients, les médecins ne désignèrent plus
les hommes que tacitement. Néanmoins les malades
étaient constamment aux aguets, et, malgré toute la
prudence qu’on mettait à leur dérober le jour de l’éva-
cuation, ils parvenaient toujours à le découvrir. Quand
ce jour était venu, des cris de douleur et de désespoir
s’élevaient de toutes parts, et force était alors aux of-
ficiers de santé de promettre, pour les calmer, à ceux
qui n’avaient pas été désignés, que leur tour viendrait
au prochain départ. Nous avons entendu bien souvent
des soldats témoigner le désir d’entrer à l’hôpital,
uniquement dans l’espoir d’être évacués. Combien
de rechutes et de nostalgies n’ont dû leur cause qu’à
cette mesure, prise cependant dans un but bien loua-
ble ! L’espoir d’aller en France par évacuation fer-
mentait tellement dans la tête de tous les soldats, que
— 92 —

l’armée d’occupation en était frappée comme d’une


épidémie. Cette sorte de propagande maladive ne tar-
da pas à éveiller l’attention des officiers de santé. Ils
la dénoncèrent à l’autorité : pareille mesure était, en
effet, plus nuisible qu’utile aux intérêts de l’armée.
Le gouverneur et l’intendant en chef, accédant à ces
avis, supprimèrent immédiatement les évacuations sur
France et créèrent, pour les remplacer, des infirmeries
régimentaires, où les convalescents furent remis aux
soins d’officiers de santé, jusqu’à ce que leur état leur
permit de reprendre du service.

Mais ces ambulances n’ayant pas rempli le but


qu’on se proposait, attendu que de nombreux conva-
lescents ne purent se rétablir sous l’influence du même
climat, on prit une nouvelle décision, qui permit de
renvoyer en France ceux qui offraient peu de chan-
ces de guérison. Ce renvoi se faisait, non par feuilles
d’évacuation, mais au moyen de congés accordés in-
dividuellement à ceux seulement qui en avaient un
besoin indispensable.

Ce système est réellement le plus sage et celui


qui réponde le mieux aux intérêts de l’armée.

J’ai souvent entendu dire par des personnes haut


placées, qu’on ne devrait accorder ici aucun congé de
convalescence. Les projets les plus sagement conçus
— 93 —

deviennent parfois nuisibles, surtout quand ils sont


exécutés par un esprit exclusif : aussi sommes-nous
convaincu que si les évacuations sur France ont eu
leurs inconvénients, il y en aurait de plus graves en-
core, si l’on adoptait une mesure contraire : en s’obs-
tinant, comme le voudrait un de nos confrères, à n’ac-
corder aucun congé de convalescence, on s’exposerait
à garder sous les drapeaux une foule d’hommes ma-
lingres, qui coûtent fort cher à l’état et qui tiennent la
place d’hommes valides, dont la présence est si né-
cessaire dans un pays où la guerre est tous les jours
incessante.

De l’obligation où l’on est, à Alger, d’envoyer


en France quelques hommes, pour obtenir le rétablis-
sement de leur santé, il ne faut pas en tirer des argu-
ments contre la salubrité de ce climat, puisque dans
tous les pays, quelque salubres qu’ils soient, en Fran-
ce même, on est forcé d’avoir recours à ce moyen.
Personne n’ignore les heureux effets que produit le
déplacement local sur un convalescent, surtout quand
celui-ci doit y puiser le contentement moral. Que peut,
d’ailleurs, la médecine sur des individus tourmentés
du désir de revoir leur clocher ?

Ces considérations nous mènent naturellement à


indiquer les remèdes propres à détruire, ou au-moins
à diminuer, les chances de maladies, dont les colons
— 94 —

et l’armée sont également atteints, les premiers par


suite de l’inobservance du système hygiénique qui
leur convient, l’armée par suite de l’obligation où l’on
est de la laisser exposée aux vicissitudes d’un climat
nouveau pour elle. Loin de nous cependant l’idée de
fonder des systèmes; nous dirons ce que nous croyons
bon, appuyant nos propositions de notre propre expé-
rience, et nous prions le lecteur de se souvenir que le
bien marche à côté du mal.

Une observation constante a démontré que les


affections morbides, endémiques dans les contrées
insalubres, sévissent avec moins de force sur les in-
digènes que sur les habitants étrangers nouvellement
transplantés. Il est aussi démontré que, dans ce cas,
les derniers périssent en grand nombre, tandis que les
indigènes sont à peine affectés.

Ce phénomène ne peut dépendre que de l’habi-


tude, laquelle a rendu les organes des personnes ac-
climatées pour ainsi dire inaccessibles à l’action des
miasmes délétères ; les étrangers, au contraire, sont
d’autant plus rapidement et plus violemment affectés,
que le climat d’où ils sortent était moins analogue à
celui du pays qu’ils viennent habiter. Aussi la nou-
velle population d’Alger, qui vient en grande partie
du nord de l’Europe, a-t-elle plus à craindre de l’in-
fluence de ce climat et des émanations de la plaine,
— 95 —

que les personnes du midi, habituées à vivre sous un


ciel qui diffère moins que celui du nord, du climat de
la Régence.

S’il faut donc à l’économie un espace de temps


plus ou moins long pour qu’elle puisse acquérir les
dispositions organiques qui, en la rendant semblable
à celle des indigènes, permettront à l’étranger de vi-
vre avec sécurité dans les contrées insalubres, celui-ci
devra prendre d’autant plus de précautions, qu’il arri-
vera d’un climat moins analogue à celui de la contrée
qu’il voudra habiter.

Or, il n’y a qu’un pas de cette donnée à la so-


lution d’une question qui intéresse particulièrement
l’armée et le gouvernement, et dont les conséquences
sont : 1° De diminuer considérablement les chances
de maladies dans l’armée ; 2° de produire une grande
économie à l’état, en réduisant le nombre des jour-
nées d’hôpital ; 3° de conserver un plus grand nombre
d’hommes valides sous les armes.

Et d’abord il faut, pour atteindre le premier but,


il faut avoir constamment une armée acclimatée, qui
sera, par conséquent, moins sensible à l’action des
influences atmosphériques. Il importe alors de ne
pas changer aussi souvent les régiments ; car, si les
principes que nous venons d’exposer sont vrais, on
— 96 —

trouvera naturellement dans ce roulement continuel


des troupes les causes incessantes des maladies qui
les déciment. En effet, à peine nos soldats commen-
cent-ils à être acclimatés, qu’ils sont immédiatement
remplacés par des troupes neuves, venant de France
et portant avec elles cette susceptibilité organique qui
les expose à toutes les maladies dont étaient à peine
affranchis ceux qui les ont précédées !

S’il est impossible de former un corps d’armée


sédentaire, assez considérable pour suffire aux besoins
du pays, il serait avantageux peut-être de constituer
dans chaque province un corps de troupes, auquel on
donnerait, je suppose, le nom de LÉGION D’ALGER,
D’ORAN, DE BÔNE, etc., etc.; suivant les localités
où elle ferait le service, affectée spécialement à la pro-
vince où elle aurait été formée et qu’elle ne quitterait
jamais, sous quelque prétexte que ce soit. Cette légion
se recruterait de volontaires pris dans les régiments
désignés pour rentrer en France, lesquels offriraient,
on le conçoit, les garanties d’acclimatement qu’on ne
saurait trouver ailleurs. Ces légions, dont le nombre
et la force seraient calculés en raison des besoins de
chaque localité, pourraient être employées, de préfé-
rence, à tous les travaux, soit de défrichement, soit
de fortifications, de desséchement ou autres, qui fe-
raient entrevoir, pour la santé d’individus non accli-
matés, des chances d’influences atmosphériques plus
— 97 —

ou moins funestes. Du reste, par cela même que ces


corps auraient la plus rude part dans les travaux de la
colonie il faudrait leur accorder des avantages capa-
bles d’encourager officiers et soldats à y rester et à les
supporter.

La formation, de pareils corps diminuerait beau-


coup les embarras et surtout les frais dont le gouver-
nement est chargé au départ et à l’arrivée des régi-
ments. Ces milices localisées épargneraient à l’état
des dépenses accessoires, et, pour ne parler que des
avantages matériels qu’elles pourraient procurer aux
différents points sur lesquels elles feraient le service,
ces milices, devenues indigènes, protégeraient les co-
lons et les propriétés, et parviendraient sans doute à
inspirer aux propriétaires étrangers assez de confian-
ce pour les déterminer à défricher et à coloniser des
lieux qui restent incultes.

Utilité et amélioration pour l’armée et les colons,


tels sont les deux mobiles qui nous ont engagé à émet-
tre ce projet.

L’application du système des localités, dont nous


regardons les effets comme seuls moyens de colonisa-
tion, ne se rattache pas exclusivement à l’armée : pla-
cer les hommes sous les conditions atmosphériques
propres à leur laisser la liberté de vivre sainement ;
— 98 —

leur fournir les remèdes hygiéniques capables de réta-


blir l’équilibre sanitaire dans leur organisme, en tant
que cet organisme est ou devient affecté par suite de
l’influence climatérique; prémunir, par une thérapeu-
tique éprouvée, leur inexpérience contre des chances
maladives dont ils ignorent souvent les causes ; voilà
de nouveaux points sur lesquels doit s’arrêter l’atten-
tion du médecin. Le but de la médecine, et c’est son
plus bel apanage, est de faire vivre l’homme partout
; et pour y arriver, le praticien - corrigera ici le sol, là
le climat, en’ donnant à-l’homme appelé à vivre sur
ce sol on sous ce climat, les moyens de correction qui
lui manquent.

Donc, lorsqu’en tête de ce chapitre nous avons,


en quelque sorte, annoncé que nous donnerions l’hy-
giène de la plaine, nous avions en vue de traiter les
considérations que nous venons de résumer. Nous ré-
péterons encore ici que nos idées ne sont point des
systèmes, ni même des projets : nous voulons le bien
du pays, nous tendons à y arriver, voilà tout.

Lorsqu’un individu se sera décidé à aller habiter


une contrée réputée insalubre, il devra d’abord n’y
arriver qu’à l’époque où cette contrée est moins sou-
mise à l’action des causes de son insalubrité : ainsi,
par exemple, on devra faire en sorte de n’arriver dans
les pays marécageux de l’Europe qu’au printemps ou
— 99 —

même en hiver; sur les côtes d’Afrique et aux An-


tilles, on choisit l’époque de la fin des pluies. A Alger
on peut venir en toute saison; toutefois il est prudent,
non pour éviter l’influence des marais, puisqu’il n’en
existe pas aux environs, mais bien celle de la chaleur
et de l’électricité dont l’atmosphère est souvent char-
gée, il est prudent, dis-je, de n’aborder sur cette côte
que vers la fin du mois d’octobre; alors la chaleur a
cessé depuis un mois, et les six mois qui précèdent
son retour suffisent pour habituer les organes à rece-
voir avec moins de danger l’influence des chaleurs de
l’été suivant.

Dès qu’un étranger foule pour la première fois un


sol qui, par ses qualités délétères, dévore, pour ainsi
dire, les nouveaux habitants, un régime régulier, com-
posé de substances alimentaires de bonne qualité et de
digestion facile; l’emploi modéré des liqueurs alcoo-
liques, et surtout l’usage du bon vin ; l’éloignement le
plus absolu pour tout excès, jusqu’à l’acclimatement
; le calme moral ; telles sont à peu près les conditions
indispensables à la conservation de la santé, dans un
pays où elle peut être à chaque instant compromise
ou menacée. Les excès dans les aliments et les bois-
sons excitantes; ceux auxquels se livrent trop souvent
les Européens à leur arrivée dans les pays chauds ; le
trouble dans lequel les passions dépressives jettent les
sujets même les plus robustes, comme, par exemple,
— 100 —

la terreur qu’inspire une maladie dont on s’est fait une


idée exagérée ; les agitations de l’ambition ou la soif
excessive des richesses, dont sont tourmentés les in-
dividus qui ne s’expatrient que pour les satisfaire ;
sont autant de causes diverses qui favorisent et déve-
loppent les affections pour ainsi dire inhérentes à la
constitution du sol.

Le passage, toujours brusque et rapide, de l’ar-


deur du soleil au froid des nuits, devrait être rendu
moins sensible par l’usage habituel de vêtements de
laine, qui, en isolant la température propre du sujet
de celle de l’atmosphère, rendrait moins immédiate
l’impression qu’occasionnent sur l’économie les va-
riations rapides de celle-ci. L’été, les vêtements de-
vraient être faits, non de tissu de laine pareil à celui
du drap qui sert à la confection de nos habits, attendu
qu’il est trop épais et trop lourd, mais comme ceux
que portent les indigènes, dont le tissu ressemble
beaucoup à la flanelle. Ce tissu aurait l’avantage de
ne point intercepter, ce que fait le drap, la circulation
de l’air, et en même temps d’absorber la transpiration
à mesure qu’elle se présente. De cette manière, le sys-
tème cutané, si impressionnable dans ces circonstan-
ces, ne serait jamais pris au dépourvu, abrité comme
il le serait, par un malencontreux courant d’air froid.
Il suffit, en effet, de la concentration des forces vers
les organes internes, résultat de l’action vive et subite
— 101 —

du froid extérieur, pour déterminer l’invasion de fiè-


vres souvent mortelles.

Mais c’est surtout pendant le sommeil que cette


concentration, favorisée par l’inaction et par le repos
des organes des sens et des organes locomoteurs, se
fait avec le plus de facilité : aussi est-il spécialement
recommandé de ne jamais se livrer au sommeil sur
les terrains marécageux, ni en plein air dans les lo-
calités qui pourront être viciées par les émanations.
C’est dans le but d’isoler, autant que possible, les
hommes de l’action extérieure de l’atmosphère, que
les chambres de ceux qui habitent la plaine devront
être, disons-nous, tenues constamment fermées, et ne
seront ouvertes qu’autant que l’exigera le besoin d’en
renouveler l’air. Il serait également bon d’y allumer
un feu clair, afin de détruire l’humidité et de déter-
miner un mouvement de l’atmosphère locale. Enfin,
se préserver, autant que les circonstances le permet-
tront, des transitions subites du froid au chaud et des
impressions de l’humidité, compagne inséparable des
émanations putrides des marais et qui leur sert de vé-
hicule ; telles sont les règles les plus importantes de
l’hygiène des pays marécageux.

Quand l’époque des maladies est arrivée, tous les


moyens hygiéniques dont nous venons de parler doi-
vent être mis-en usage avec la plus scrupuleuse exac-
— 102 —

titude ; car alors le moindre écart de régime, le moin-


dre excès, la plus légère altération, soit physique, soit
morale, suffisent pour déterminer l’invasion des fiè-
vres.

Lorsque l’homme s’établit dans un pays nouveau,


il est quelquefois obligé, non-seulement de fréquen-
ter les environs des marais, mais souvent de travailler
dans le sein même de ces marais, pour en opérer le
desséchement et assainir les parties qu’il veut rendre
habitables. C’est principalement à l’égard de ceux qui
se livrent à ces périlleux et nécessaires travaux, qu’on
doit redoubler d’activité dans la pratique de toutes
les règles hygiéniques ci-dessus prescrites, puisqu’ils
sont soumis de la manière la plus immédiate à l’ac-
tion des miasmes délétères. Presque toujours, en ef-
fet, ceux qui, les premiers, ont tenté de créer des éta-
blissements sur des terrains marécageux, ont été en
butte aux maladies les plus violentes; heureux quand
ils n’en sont pas les victimes ! Il s’élève constamment
du sol, ainsi remué par les travailleurs, des émanations
infectes, qui exercent sur ceux-ci une impression sou-
vent si énergique, qu’on a pu dire, malheureusement
avec raison, que « partout où l’homme porte la hache
et la houe dans les pays marécageux, il y trouve sou-
vent son tombeau. » (VALENTIN)

Bien que nous ayons exposé, dans le chapitre pré-


— 103 —

cédent, le plan hygiénique applicable aux colons de


la plaine, nous croyons de notre devoir de revenir sur
un sujet qui intéresse à un si haut point la population
européenne d’Alger. Nos observations, d’ailleurs, ne
tombaient que sur les colons en général ; ici nous nous
adressons aux travailleurs appelés à dessécher et à dé-
fricher la Mitidja : notre travail tend à diminuer, pour
ces malheureux, les chances possibles des affections
qu’ils devront affronter.

Terme général, pour opérer le desséchement des


marais, il n’y a guère qu’une époque favorable ; on
choisit ordinairement, de préférence, la fin de l’hiver
ou le commencement du printemps ; mais, dans l’Al-
gérie, où les froids ne sont jamais excessifs, on peut
commencer les travaux de desséchement aussitôt que
les premières pluies ont cessé de tomber, en d’autres
termes, aussitôt que la terre est assez imbibée d’eau
pour qu’il ne s’échappe plus de son sein aucune ex-
halaison malfaisante: Toutefois les ouvriers devront
porter des vêtements propres à les préserver de l’hu-
midité infecte au milieu de laquelle ils seront plongés
: ils porteront donc des bottes hautes et imperméables,
qui garantiront les jambes et même les cuisses de l’im-
pression immédiate de l’eau. Des feux seront allumés
de distance en distance, afin de corriger l’humidité
et de déterminer une circulation salutaire dans l’air
ambiant. Ces feux auront aussi l’avantage d’offrir aux
— 104 —

hommes des foyers, commodes pour se réchauffer, se


sécher et prendre leurs repas. Afin de neutraliser les
émanations qui s’échappent du sol, tous les ouvriers
ou soldats devront être pourvus d’un flacon, contenant
une substance fortement odorante et tonique, telles
que l’acide acétique, des essences aromatiques, etc.
Le régime alimentaire, au milieu de travaux si péni-
bles, sera composé des substances les plus nutritives
sous un petit volume ; le vin et l’alcool leur seront
distribués et ils en feront un usage modéré. Les lieux
où ils se rendront pour se livrer au repos, seront situés,
s’il y a moyen, loin des marais, sur un point élevé et
bien aéré; on y entretiendra du feu, et il faudra veiller
à ce que chaque ouvrier, en rentrant le soir, quitte ses
habits de travail, les fasse sécher et les expose à un
courant d’air jusqu’au lendemain. Des ablutions fré-
quentes avec l’eau et le vinaigre sur toutes les par-
ties du corps, ainsi que la propreté la plus scrupuleu-
se devra être mise en usage. Les frictions huileuses
conviendraient peut-être mieux en rendant les pores
moins faciles à se laisser traverser par les corps étran-
gers : il me semble que ces onctions, faites le matin
avant d’aller au travail, diminueraient beaucoup la fa-
culté absorbante de la peau.

Si les travaux de desséchement sont faits par l’ar-


mée, l’observance des règles hygiéniques que nous
venons de prescrire sera facile, à cause de la discipli-
— 105 —

ne à laquelle sont soumis les soldats. Il n’en sera pas


de même si on abandonne à chaque colon le soin de
dessécher la partie de marais qu’il voudra cultiver ou
habiter ; ce sera pis encore si celui-ci fournit, pour sa
part personnelle, certain nombre d’ouvriers pris dans
la classe du peuple ; il ne suffira pas alors de leur re-
commander ce qu’ils devront observer il faudra, dans
leur intérêt, soumettre ces hommes à une sorte d’ad-
ministration, leur donner des chefs capables de leur
prescrire impérieusement les préceptes sanitaires dont
la pratique ne tardera pas à leur démontrer l’utilité.

Dès que quelques individus seront assaillis par


l’influence des miasmes, ils devront, à la première at-
teinte, se soustraire immédiatement à leur action, et se
transporter dans un endroit plus salubre pour y rece-
voir les soins qui leur seront nécessaires ; car la médi-
cation la plus prompte, la plus énergique, échouerait
dans les localités où cette influence s’est d’abord fait
ressentir.

Pour que les règles hygiéniques dont nous venons


d’esquisser le tableau, puissent être mises à exécution
avec quelque succès, il faudrait que des fermes, en-
tourées de murs, fussent construites sur divers points
élevés et reconnus les plus salubres de la plaine. Ces
fermes, bâties en pisé ou en briques, offriraient un lo-
gement convenable aux travailleurs; on y établirait un
— 106 —

hangar ou grand vestiaire, où les habits de travail


seraient suspendus, après avoir été lavés et séchés.
On conçoit que les travailleurs ne devront pas cou-
cher dans la même chambre où ils auront déposés
leurs vêtements. Le mur d’enceinte, dont la hauteur
égalera au moins celle de l’établissement, aura pour
but de briser les courants d’air et d’empêcher que
les miasmes répandus dans l’atmosphère n’arrivent
directement dans l’intérieur et ne puissent se fixer
sur les habits ou atteindre les individus. Il serait éga-
lement nécessaire d’allumer des feux dans les cours,
à l’entrée de la nuit et le matin avant le lever du so-
leil, afin de produire dans l’établissement même des
courants d’air capables de détruire toute stagnation
atmosphérique.

Un ou deux médecins seront spécialement af-


fectés à soigner les malades ; ils leurs administreront
les premiers secours, et enverront à l’hôpital, dans
d’autres lieux plus salubres, les malades qu’ils juge-
ront ne pouvoir se rétablir dans ces localités.

Comme nous l’avons déjà dit, il ne suffira pas de


dessécher la plaine pour la rendre salubre ; car outre
les exhalaisons méphitiques qui s’échapperont du
sol pendant les trois premières années qui suivront le
défrichement, on aura encore à redouter les influen-
ces de l’insolation qui s’y font et s’y feront ressentir
— 107 —

avec d’autant plus de violence que le pays est com-


plètement dénué d’arbres et privé de tout ombrage :
la culture peut seule faire changer l’aspect et le carac-
tère de ce pays. Il faut donc que les colons soient bien
convaincus des changements que ce moyen apporte
dans la nature et dans la température du climat, soit en
défrichant les forêts s’il y en a trop ou en faisant des
plantations si le pays est trop déboisé.

C’est ainsi que la Gaule et la Germanie, couver-


tes de bois, de lacs, étaient jadis plus froides selon les
récits de Diodore de Sicile, de César, de Pomponius
Méla, de Pline, etc. que ne l’est maintenant le climat
de France et d’Allemagne. Les hivers y sont moins
rudes et plusieurs végétaux méridionaux y croissent
en pleine terre ; l’élan et le renne ne peuvent plus vi-
vre sous le climat de la France. En général plus on dé-
boise un pays plus on lui ôte les éléments de fraîcheur,
plus il devient chaud et la maturité complète. C’est
ainsi que du temps d’Ovide, l’Euxin restait quelque-
fois deux ans sans dégeler. Pline le jeune ne pouvait
élever en pleine terre des oliviers et des myrtes dans
sa campagne de Toscane, où ces végétaux croissent
si librement aujourd’hui. Au Canada les printemps y
sont plus hâtifs qu’autrefois par suite du déboisement
considérable qu’on y a opéré.

Au contraire, dans les lieux secs, arides et ou la


— 108 —

végétation est arrêtée par l’ardeur du soleil, il suffit


d’y faire de grandes plantations d’arbres de - haute-
futaie pour que la fraîcheur et l’humidité, suite de la
transpiration végétale, s’y fassent sentir. Aussi sous
les mêmes latitudes, l’Amérique est bien moins chau-
de que l’Afrique, toute découverte et sablonneuse.

C’est un phénomène assez curieux de voir dans la


partie septentrionale de l’Afrique de si vastes contrées
dont le sol, d’ailleurs, recouvert d’une couche fort
épaisse de terre végétale, est complètement dépourvu
d’arbres. On ne peut se faire une idée de cette absence
de haute-végétation qu’en parcourant le pays au-delà
du versant sud des montagnes qui bordent le littoral.
Cette chaîne qui suit, à des distances différentes, les
sinuosités de la mer, présente, à partir de son sommet,
deux versants dont l’un regarde le nord, et l’autre le
sud. Eh bien ! toute la surface qui regarde le nord à
partir de l’embouchure de la Tafna jusqu’à la Calle,
est tapissée d’une végétation très belle et sur plusieurs
points tels que l’embouchure du Rio-Salado, Tenez,
Bougie, Gigelly, Stora, Philippeville, Bône et la Calle
des arbres de haute futaie s’élèvent majestueusement
au-dessus du sol. A la Calle les forêts de chêne-liè-
ge s’étendent à plus de quatre lieues dans l’intérieur.
Mais une fois parvenu à la hauteur de ces montagnes,
l’œil ne voit plus un arbuste sur le versant sud ni dans
les contrées plus éloignées. Nous avons parcouru dans
— 109 —

la province de Constantine tout le pays entre Tiffech


à l’est, Buduxis au sud, Sétif à l’ouest, formant une
distance de près de quatre-vingt-dix lieues, sans ren-
contrer ni apercevoir un arbre au-delà de ces points.

Les Arabes, afin de suppléer à ce manque com-


plet de bois, ramassent avec un grand soin la bouse de
vache, la font sécher au soleil, la conservent entassée
et s’en servent pour alimenter le feu.

Quand l’œil lance ses rayons au plus loin sans


rencontrer un arbre, on se demande à quoi peut tenir
un état de dénuement semblable, et si le pays a jamais
été boisé ou si, l’ayant été, quelles sont les causes qui
ont pu faire disparaître les arbres sur une si grande
étendue de pays ?

J’ai entendu plusieurs personnes dire et croire


que l’habitude qu’ont les Arabes de mettre le feu tous
les ans aux broussailles et au bois a pu seule emmener
cette destruction. Mais en réfléchissant un instant il
est facile de combattre cette opinion qui au premier
abord parait la plus vraisemblable. Si les indigènes en
mettant le feu aux broussailles et aux arbres sont par-
venus à opérer un état de destruction tel qu’en creu-
sant la terre à de grandes profondeurs on ne rencontre
aucune racine qui témoigne de l’existence d’un arbre,
— 110 —

comment se fait-il que ces mêmes indigènes qui n’ont


pas ménagé, pas plus qu’ils ne font actuellement, la
partie nord de la montagne en y mettant le feu régu-
lièrement une ou deux fois par an, comment se fait-
il, disons-nous, que, malgré ces incendies fréquents,
les bois se soient conservés sur quelques points tandis
qu’ils ont si complètement disparu sur le côté sud de
la montagne ? … Le feu des Arabes peut bien détruire
les tiges des petits arbres et faire sécher à la longue
les gros troncs, mais il ne peut que rarement arrêter la
végétation. Aussi voit-on partout où le feu a été mis
les années précédentes, de nouveaux rejetons surgir
des racines, restées intactes au milieu d’un sol noir et
charbonné, et devenir à leur tour la proie des flammes
dès qu’une main incendiaire les jugera assez grandes
pour être vendues ou employées avec avantage à la
combustion.

Quant à nous, nous restons bien convaincu que


si ces contrées immenses ne présentent pas d’arbres à
la surface du sol ni de racines dans sa profondeur qui
témoignent de l’existence antérieure d’une haute vé-
gétation, c’est à une autre cause destructive bien plus
puissante que le feu superficiel des Arabes qu’il faut
attribuer le déboisement de ce pays, qui parait exister
depuis bien des siècles, puisque Salluste, l’historien
des guerres de Jugurtha, qui écrivait au septième siè-
cle de nôtre ère, adresse les mêmes plaintes que nous ;
— 111 —

en faisant la description de cette partie de l’Afrique,


il dit : mare sœvum, impetuosum ; ager frugum ferti-
lis, bonus pecori, ARBORI INFECUNDUS, etc. Or,
si du temps de cet écrivain, dont l’opinion ne saurait
être révoquée, ce pays se faisait remarquer par l’ab-
sence d’arbres, les Arabes ne peuvent pas en être les
dévastateurs, puisque cette partie de l’Afrique a été
occupée durant six ou sept siècles par les Romains et
les Vandales. C’est donc pendant les guerres de ces
peuples, et surtout à l’invasion des Vandales, qu’il
faut chercher le défrichement des forêts ou des arbres
qui, pendant la première domination des Romains,
devaient s’y trouver. Les nombreuses cités que ce
peuple belligérant avait élevées dans cette contrée et
le besoin de bois qu’entraînait une si grande agglo-
mération de population, ne saurait faire douter de son
boisement.

A propos du retard que les Cyrénéens, citoyens


romains, avaient mis à se trouver au rendez-vous
commun, pour la délimitation du pays, avec les frères
Phylénes de Carthage, Salluste ajoute : Nam ubi per
loca œqualia et nuda Giguentium ventus coortus are-
nam humo excitavit, etc.

S’il est suffisamment prouvé qu’il n’y avait pas


d’arbres du temps de Salluste, il est aussi prouvé pour
ceux qui connaissent les Arabes, que ce peuple indo-
— 112 —

lent n’a pas fait, depuis ce temps de nouvelles planta-


tions. C’est donc à une époque antérieure à la guerre
de Jugurtha et probablement à l’invasion des Vanda-
les, qui eût lieu l’an 429 de notre ère, qu’il faut attri-
buer la dévastation des forêts, ainsi que celle de tous
les beaux et superbes établissements, que les Romains
avaient élevés à grand-peine dans ce pays.
— 113 —

CHAPITRE IV.

DES AFFECTIONS DE POITRINE SOUS LE CLIMAT


D’ALGER. —
TABLEAUX COMPARATIFS DE CES AFFECTIONS.
— INFLUENCE DES MURS BLANCHIS A LA CHAUX.

Nous eussions désiré pouvoir donner dans ce


chapitre un aperçu des principales maladies qui rè-
gnent ordinairement à Alger ; mais un pareil travail,
outre qu’il eût dépassé les bornes que nous nous som-
mes prescrites dans cet ouvrage, eût été fort difficile à
dresser.
Cependant, pour ne pas laisser le lecteur entière-
ment étranger à ce sujet, nous allons mentionner, aussi
exactement que les circonstances nous ont permis de
le faire, le nombre de décès et la part que chaque af-
fection a pris dans la mortalité qui a sévi depuis trois
ans sur la population européenne et indigène d’Alger.
— 114 —

Ce résumé aura l’avantage d’ajouter de nouveaux do-


cuments à la solution de la question qui a été agitée,
il y a quatre ans environ, dans le sein de l’Académie
royale de Médecine, et dont le but était de connaître
l’influence que peut exercer le climat d’Alger sur la
marche de la phtisie pulmonaire.

On se souvient qu’en 1836 le docteur Constal-


lat manifesta l’intention d’établir à Alger un hôpital,
spécialement consacré au traitement des phtisiques
venant de France. Persuadé, sans posséder aucun do-
cument à cet égard, de l’heureuse influence du climat
d’Alger sur la marche de cette affection, M. Constallat
sollicita auprès du Ministre l’autorisation d’y former
un pareil établissement. Le Ministre de l’instruction
publique, avant de répondre à cette proposition, de-
manda des renseignements à l’Académie de Méde-
cine sur l’opportunité d’un pareil projet. Mais le pays
d’Alger, ne figurant depuis longues années dans les
annales maritimes et du commerce, que comme un re-
paire de pirates, avait eu peu de représentants au sein
des sociétés savantes. Aussi l’Académie de Médeci-
ne, ne possédant probablement pas dans ses archives
un dossier concernant l’Algérie, dut, à son tour, faire
appel aux médecins qui habitent ce pays depuis son
occupation.

Nous allons donc reproduire les documents que


— 115 —

nous envoyâmes alors à cette société savante, en y


ajoutant ceux que nous avons pu recueillir depuis.

Il y a deux manières d’arriver à la solution de


cette question. La première, en étudiant avec soin la
constitution de l’atmosphère et en la comparant avec
d’autres climats connus, dont l’influence sur les af-
fections de l’appareil respiratoire a déjà été observée
et étudiée avec soin. Six ou sept ans de séjour dans un
pays doivent suffire à un observateur consciencieux
pour la résoudre, surtout s’il a tenu un compte exact
de toutes les variations de la température et des phé-
nomènes météorologiques qui seront survenus durant
ce temps.

La deuxième et la plus concluante est celle qui


s’appuie sur des faits. Ici le médecin voudra non-seu-
lement connaître la climatologie d’un pays, mais en-
core son influence sur la population, et étudier ensuite
les phénomènes produits sur les individus, à mesure
qu’ils se-présenteront, en ayant soin de les classer avec
toute la méthode, l’ordre et l’exactitude que comporte
un pareil sujet.

Cette dernière méthode, la seule bonne et la seule


qui puisse amener les esprits à un résultat concluant,
demande d’autant plus de temps, qu’elle ne peut être
appliquée, à Alger, que sur une population nouvelle et
— 116 —

qui habite depuis quelques années un climat autre que


celui sous lequel elle a pris naissance.

S’il eût été possible de pénétrer dans l’intérieur


de la population indigène et d’étudier les affections
dont elle est atteinte, pendant les différentes phases
de l’année, les difficultés se seraient considérable-
ment aplanies. Mais quels documents puiser chez un
peuple qui vit séquestré dans sa maison, chez lequel
ni naissances ni décès ne sont enregistrés et qui laisse
aux seuls efforts de la nature le soin de tous ses ma-
lades ?

Nos recherches, comme on le voit, n’ont pu se


faire que sur la population européenne qui est venue
successivement habiter ce pays depuis 1830.

Nous occupant depuis longtemps de la statistique


médicale d’Alger, dans le but de connaître: 1° quelles
sont les maladies qui contribuent le plus à la mortalité
qui sévit sur la population européenne ; 2° de compa-
rer le chiffre des décès, relativement à la population,
avec celui des principales villes de France ; ce n’est que
depuis trois ans que nous avons pu spécifier le genre
des maladies en recueillant avec soin au secrétariat
de la Mairie les certificats des médecins traitant, qui
constatent la nature de l’affection à laquelle les mala-
des ont succombé. Quoique ces documents ne soient
— 117 —

peut-être pas rigoureusement exacts, ils sont les seuls,


jusqu’à ce jour, sur lesquels on puisse s’étayer pour
traiter un pareil sujet : bien que la question précédente
ne puisse être résolue qu’après une série d’observa-
tions faites pendant plusieurs années, nous avons cru
qu’on nous saurait gré de faire connaître les faits que
nous avons recueillis ; ils auront toujours l’avantage
de faciliter les recherches qui pourront être faites ul-
térieurement.

Nous le répétons, il serait à désirer, dans l’intérêt


de cette question, que nous puissions établir des rela-
tions assez intimes avec les indigènes, pour connaître
chez eux les maladies dont ils sont le plus souvent at-
teints et celles surtout qui amènent je plus grand nom-
bre de décès. Mais ce travail, plein d’intérêt, ne pourra
se faire de longtemps encore, à en juger du moins par
le peu de progrès que nous avons fait à cet égard de-
puis l’occupation. Ce n’est donc que sur la population
européenne que ces observations ont pu être rigoureu-
sement prises; et encore faut-il bien tenir compte de la
constitution physique de cette classe d’habitants, qui
diffère beaucoup de celle des villes de France, où la
population est mêlée d’une foule de familles, naissant
avec des imperfections et des vices d’organisation
qu’on rencontre rarement chez les individus au début
d’une colonie ; car ce ne sont pas les hommes faible-
ment organisés qui quittent facilement leur pays pour
— 118 —

aller au loin chercher fortune, mais bien ceux qui sont


doués d’une constitution robuste qui leur permette de
seconder les efforts qu’exige un grand déplacement
et de supporter les chances de l’influence d’un nou-
veau climat. Il est donc facile de prévoir, d’après les
raisons que nous venons de développer, que les affec-
tions organiques anciennes et invétérées ne peuvent
pas être encore très communes parmi la population
européenne d’Alger.

Cependant, pour bien apprécier l’influence de ce


climat sur la marche de la phtisie, soit qu’elle pro-
vienne des tubercules primitivement développés dans
la substance pulmonaire, soit qu’elle vienne à la suite
d’autres altérations des organes de la respiration, il
serait peut-être convenable de poser la question de
la manière suivante : Quelle est l’influence du climat
d’Alger sur la marche des affections des organes de
la respiration qui peuvent conduire le malade à l’état
phtisique ?

En la généralisant ainsi les faits nombreux que


nous avons devant nous permettent de répondre assez
favorablement à cette question et nous conduisent na-
turellement à celle-ci : Les maladies de poitrine sont-
elles très fréquentes à Alger ?

Quoique les phtisiques proprement dits soient peu


— 119 —

nombreux encore à Alger, la grande variation de tem-


pérature qui passe à certaines époques de l’année et
quelquefois dans la même journée par différentes pha-
ses d’humidité et de sécheresse, de frais et de chaud
y rend les affections de poitrine assez fréquentes pen-
dant l’hiver et le commencement du printemps. Aus-
si n’est-il pas rare de voir pendant ces deux saisons
une grande partie de la population affectée de bron-
chites. Il faut ajouter aussi que cette population, trop
confiante dans la beauté du climat, ne prend guère de
précautions pour de se soustraire à l’action des causes
atmosphériques qui peuvent compromettre sa santé.
Vivant sous un ciel généralement beau et où la tem-
pérature descend rarement au-dessous de sept degrés
centigrades et monte aussi rarerement au-dessus de
vingt-huit à l’ombre elle ne croit pas devoir porter son
attention pour se garantir, contre un froid qui ne la fait
pas greloter, ni contre les alternatives d’une chaleur
qui laisse après elle une grande quantité d’humidité
dans l’atmosphère. On peut juger facilement de cet-
te vérité en voyant le peu de soins que la population
européenne à mis jusqu’à ce jour soit dans le choix
des étoffes qui entrent dans la confection de ses ha-
bits, soit dans son indifférence pour saisir l’opportuni-
té de les changer suivant les différentes saisons. A ces
causes puissantes qui agissent si énergiquement sur
l’appareil respiratoire s’en joint une autre non moins
à redouter, c’est l’humidité constante qui règne dans
— 120 —

l’intérieur des maisons et le peu de cheminées qu’il y


a pour réchauffer les appartements.

Mais, dira-t-on, les indigènes qui ne connaissent


pas l’usage des cheminées et qui habitent depuis long-
temps ces maisons doivent recevoir de rudes atteintes
par l’influence des causes que nous venons d’énoncer.
Si on réfléchit un instant à la manière d’être des ha-
bitants de la ville, au régime alimentaire et à leur ha-
billement, on verra qu’il est moins exposé que l’euro-
péen à subir les chances de ces causes. L’indigène,
naturellement indolent, reste dans sa maison durant
les heures de la plus forte chaleur ou s’il sort ce sera
pour aller fumer son cepsi ou pipe dans un café tou-
jours situé dans une rue où les rayons solaires ne pé-
nètrent jamais ; son corps étant rarement en transpi-
ration et conservant le même degré de température
ne pourra que rarement être surpris par le contact
humide de ses appartements où d’ailleurs l’humidité
est absorbée en grande quantité par les couches de
chaux qu’ils mettent contre les murs et qu’ils renou-
vellent tous les mois. Puis, pour peu qu’il fasse froid,
un grand brasero est établi à demeure dans la pièce
la plus fréquentée ; et, soit par une étude approfondie
du climat ou mieux par cet instinct qui porte tous les
êtres à repousser toutes les causes qui peuvent nuire
à leur santé, les indigènes se couvrent en toute sai-
son de leur burnous, espèce de large tunique en laine
— 121 —

dont la finesse et la légèreté correspondent avec les


chaleurs de l’été, tandis que d’autres, dont le tissu est
plus épais, sont réservés pour l’hiver. Si, pendant les
fortes chaleurs de l’été on leur demande pourquoi ils
gardent constamment les habits de laine, ils répondent
que les habits d’hiver sont bien plus propres à les ga-
rantir de la chaleur que ceux d’été, comme ceux dont
nous faisons usage, pour les préserver du froid.

Mais le pétulant européen qui pense toujours à ses


affaires avant de songer à sa santé, s’arrangerait peu
d’un pareil régime. Esclave de son ambition comme
de la plupart de ses penchants, quel temps qu’il fasse,
il faut qu’il coure et qu’il obéisse lorsque ses affaires
le lui commandent ; et, presque jamais il ne s’occupe
du soin de prévenir le mal qu’il pourrait souvent évi-
ter en prenant quelques précautions. Peu soucieux de
sa santé quand il la possède le colon ne reconnaît et
ne se repend des imprudences qu’il a commises que
lorsque la maladie le retient dans son lit.

Ne pouvant suivre la population indigène jusques


dans l’intérieur des maisons, l’observateur doit la sur-
prendre dans toutes ses conditions extérieures pour
lui dérober quelques faits propres au sujet qu’il veut
traiter. Voici, pour la question dont il s’agit, celui que
nous avons employé et qui nous semble, dans l’état ac-
tuel des choses, un des meilleurs quoique fort simple.
— 122 —

J’ai cherché à comparer les tousseurs parmi les per-


sonnes qui, pendant l’hiver et le commencement du
printemps, fréquentent l’église le dimanche, avec
ceux qu’on peut entendre dans les mosquées où se
réunissent le plus d’indigènes. Celle de la rue Kléber
par exemple. On sait que tous les monuments desti-
nés aux cultes sont généralement froids et que pour
peu qu’on soit affecté d’une altération des organes
respiratoires on ne manque pas de le témoigner par
les phénomènes de la toux. Eh bien ! j’ai remarqué
que dans l’église catholique où le dimanche matin
il y a le plus de monde réuni on entend une foule
de personnes qui fout retentir l’église de leur toux ;
tandis que dans les mosquées où un grand nombre
de croyants y sont appelés aux heures de la prière on
n’en entend presque pas. C’est un fait qu’on peut fa-
cilement vérifier.

Mais déjà bien des européens commencent à sen-


tir le besoin de se prémunir un peu mieux contre les
influences fâcheuses qui proviennent de la mobilité de
la température qui règne assez souvent à Alger. Aussi
remarque-t-on plus de constance depuis deux ou trois
ans dans la nature des vêtements et plus de coïnci-
dence de tissu avec la saison qui la réclame. Nous ne
saurions, trop engager la population nouvelle d’Alger
à persister dans cette voie d’amélioration de laquelle
elle retirera les plus heureux effets.
— 123 —

Telles sont à Alger, comme partout, les causes


les plus puissantes qui peuvent affecter l’appareil de
la respiration. Il y a cependant cette grande différen-
ce entre Alger et les pays plus septentrionaux que la
température s’abaissant ici beaucoup moins il devient
plus facile de se soustraire à son influence et par cela
même de guérir les maladies de poitrine, si toutefois
elles sont curables, en se soumettant à une médication
sagement dirigée. La facilité avec laquelle cèdent les
affections, quand elles sont légères, sous l’influence
de quelques soins hygiéniques, nous autorise à penser
que le climat d’Alger, comme tous les climats chauds
et humides peut être favorable au traitement des phti-
siques chez lesquels l’altération organique n’a pas at-
teint ce degré de désorganisation qui la rend complè-
tement incurable.

Nous sommes loin cependant de croire que les


personnes affectées de cette maladie qui élude sou-
vent tous les moyens de l’art, puissent trouver à Alger
une guérison certaine. Heureuses si elles peuvent y
puiser quelque soulagement à leurs maux ! Mais puis-
qu’il est démontré par les travaux de Reid, de Morton,
de Portal, de Gilchrist, de M. Billard, etc. qu’on peut
prévenir ou au moins suspendre la dégénérescence ul-
céreuse des tubercules et, dans quelques cas, rares à
la vérité, obtenir leur cicatrisation fistuleuse et que le
médecin ne peut pas à priori fixer les limites au-delà
— 124 —

des quelles ses efforts deviennent impuissants, il doit


toujours, autant que possible, placer les malades au
milieu des conditions les pins favorables pour secon-
der l’effet des moyens thérapeutiques.

N’obtiendrait-il pas la guérison complète ce se-


rait beaucoup pour le médecin et pour l’humanité
si, le plaçant dans des conditions plus avantageuses,
il pouvait prolonger de quelques années la vie d’un
phtisique : ce serait beaucoup que de lui épargner des
souffrances ou de modérer celles qu’il éprouve ; ce
serait beaucoup enfin s’il parvenait à arrêter le déve-
loppement de la maladie et d’en éloigner indéfiniment
la terminaison funeste.

Sans fonder de trop grandes espérances sur l’in-


fluence du climat d’Alger les faits nombreux que nous
avons recueillis nous autorisent à donner les conclu-
sions suivantes:

1° Que les affections de poitrine et la phtisie sur-


tout forment la classe la moins nombreuse des mala-
dies qui sévissent sur la population indigène et euro-
péenne d’Alger.

2° Qu’à chances égales un phtisique placé dans


des conditions favorables sous l’influence de ce cli-
mat et soumis à yin traitement sagement et habilement
— 125 —

dirigé obtiendra plus de soulagement, sinon sa guéri-


son, que sous le climat de France.

Nous pouvons en dernier ressort invoquer des


faits qui nous sont particuliers en comparant l’action
du climat d’Alger avec celle d’un autre pays peu éloi-
gné et dont le climat se rapproche beaucoup de celui
de la plupart des contrées de France. Je veux parler de
celui de Constantine.

Cette ville placée à 628 mètres au-dessus du ni-


veau de la mer présente toutes les variations de tem-
pérature qu’on rencontre dans la zone méridionale
de la France. Des pluies à la fin de l’automne, très
souvent en hiver et au printemps; beaucoup de neige,
quelquefois de la glace, grande humidité dans l’air,
une température qui reste plusieurs jours, l’hiver, de
deux à quatre degrés au-dessus de zéro et descend
souvent à 0 produit un froid humide dont le contact
est péniblement ressenti par les organes de la respira-
tion. Aussi remarque-t-on beaucoup de phtisiques à
Constantine ainsi qu’un grand nombre d’individus at-
teints d’affections du système lymphatique telles que,
les scrofules, le rachitisme, les tumeurs blanches, les
ophtalmies, etc. tandis que les altérations de ces sys-
tèmes sont presque inconnues à Alger.

Si nous faisons actuellement l’application de l’in-


— 126 —

fluence du climat de ces deux points sur leur garni-


son réciproque, noms verrons qu’à Alger, où la gar-
nison est depuis deux ans de près de 20,000 hommes,
sur un mouvement de 11,000 malades, il n’est mort
aux hôpitaux que vingt-sept phtisiques, tandis qu’à
l’hôpital de Constantine, pendant l’hiver de 1838,
sur une garnison de 4,000 hommes seulement et sur
un mouvement de 2300 malades, nous avons perdu
près de quinze phtisiques simples ou compliqués de
scrofules.

Cette comparaison ne laisse aucun doute sur


l’opinion que nous avons émise, puisque, dans l’une
et l’autre localité, nous agissons sur une classe d’in-
dividus de même âge, vivant d’aliments semblables,
supportant les mêmes fatigues, offrant les mêmes
chances de maladies, mais habitant deux climats dif-
férents. C’est ainsi que plusieurs soldats qui, avant
leur entrée au service, avaient été affectés de scrofules
ou de rhumes opiniâtres, n’ayant jamais rien ressenti
de leur ancienne indisposition pendant un séjour de
deux années dans la province d’Alger, n’ont eu qu’à
passer deux hivers à Constantine, pour voir reparaî-
tre avec plus d’intensité les altérations dont ils étaient
porteurs. Plusieurs eussent infailliblement succombé,
si nous ne nous étions empressé de les soustraire à
l’influence du climat de l’ancienne Cirta, en leur ac-
cordant des congés pour aller à Bône ou à Alger.
— 127 —

Selon la promesse que nous avons faite de baser


sur des chiffres toutes les assertions que nous avan-
cerons, nous avons dressé les tableaux suivants, qui
persuaderont beaucoup mieux que le meilleur raison-
nement.

Tableau numérique des maladies qui ont occa-


sionné la mortalité sur la population européenne d’Al-
ger, pendant les années 1836, 1837 et 1838.

GENRE DE MALADIE 1836 1837 1838


Affections du tube digestif.
Dentition............................................ 10 15 24
Muguet............................................... 3 3 10
Aphtes................................................ 0 1 10
Gastrite aiguë ou chronique............... 9 30 58
Gastro-entérite................................... 46 59 104
Gastro-colite...................................... 40 34 47
Colite-chronique (diarrhée)................ 16 28 45
Dyssenterie........................................ 18 39 53
Entérite.............................................. 7 13 79
Splénite.............................................. 3 4 8
Gastro-hépatite.................................. 8 6 37
160 232 207
— 128 —

GENRE DE MALADIE. 1836 1837 1837


Affections du tube digestif et de l’encéphale.
Gastro-céphalite............................................. 40 24 102
Hydro-céphalite............................................. 3 2 1
Convulsions.................................................... 17 14 9
Méningite....................................................... 4 8 1
Fièvre cérébrale.............................................. 7 31 26
Apoplexie....................................................... 10 24 49
Epilepsie......................................................... 3 2 11
Tétanos........................................................... 1 4 7
X ?.................................................................. 2 3 1
87 112 207
Affections des organes de la respiration.
Angine trachéale (croup)............................... 9 12 9
Angine tonsillaire.......................................... 1 10 45
Coqueluche..................................................... 4 3 1
Bronchite chronique....................................... 16 10 40
Pneumonie chronique..................................... 4 17 21
Pleuro-pneumonie.......................................... 8 6 4
Pleurésie......................................................... 8 10 18
Phtisie pulmonaire.......................................... 10 12 20
60 80 158
Affections diverses.
Variole............................................................ 56 10 2
Péritonite........................................................ 7 8 30
Fièvres intermittentes récidivées ou non....... 7 29 127
Fièvres typhoïdes........................................... 0 4 27
Asphyxies...................................................... 0 1 3
Suites de couches........................................... 0 3 10
Suites d’amputation....................................... 0 0 10
Hydropisies..................................................... 0 8 32
Hyduthorax..................................................... 0 2 6
Choléra........................................................... 0 97 0
Indéterminées................................................. 14 10 55
84 172 302
— 129 —

Total général des décès. 1836 1837 1838


391 596 1112

D’après le tableau précédent, on peut voir que les


maladies qui ont sévi sur la population européenne
d’Alger et qui ont amené une plus grande mortalité,
peuvent être classées de la manière suivante :

Pour 1836, variole, gastro-entérite, gastro-colite,


gastro-céphalite, convulsions, colite-chronique, dy-
senterie, bronchite chronique, phtisie pulmonaire.

Pour 1837, gastro-entérite, choléra, fièvre inter-


mittente, dysenterie, gastro-colite, gastrite, diarrhée,
gastro-céphalite, fièvres pernicieuses, fièvre cérébra-
le, variole, pneumonie-chronique, convulsions, denti-
tion, phtisies pulmonaires.

Pour 1838, fièvres intermittentes, gastro-entéri-


tes, gastro-céphalites, entérites, bronchites-chroni-
ques, gastrites aiguës ou chroniques, dysenterie, fiè-
vres pernicieuses, gastro-colites, colites-chroniques,
angines, gastro-hépatite, péritonite, fièvres cérébra-
les, hydropisies, pneumonie chronique, phtisie pul-
monaire.

On voit qu’en 1836 la phtisie proprement dite est


— 130 —

classée la neuvième, en 1837 la seizième et en 1838


la dix-septième.

Maintenant si nous comparons les décès phtisi-


ques avec ceux qu’ont amené les autres maladies, nous
voyons qu’ils suivent les proportions suivantes :

Pour 1836, 1 phtisique sur 39,1.


Pour 1837, 1 phtisique sur, 49,6.
Pour 1838, 1 phtisique sur 55,6.

En réunissant les pneumonies-chroniques aux


phtisiques, nous trouvons :

Pour 1836, 1 sur 27,9.


Pour 1837, 1 sur 20,5.
Pour 1838, 1 sur 17,1.

Si enfin, pour compléter ce tableau, nous ajou-


tons le chiffre des décès des maladies de l’appareil
respiratoire, avec celui de toutes les autres maladies,
nous trouvons les proportions suivantes:

Pour 1836, 1 sur 6,5.


Pour 1831, 1 sur 7,4.
Pour 1838, 1 sur 1,0.
— 131 —

Les affections des organes ale la respiration peu-


vent être représentés par les chiffres suivants, réduits
au cinquième du chiffre réel, pour les trois années :

TROIS ANNÉES. 1836 1837 1838


Bronchites chroniques................ 3,02 2,00 8,00
Angines tonsillaires................... 0,02 2,00 9,00
Pneumonie chronique................ 0,08 3,04 4,02
Phtisie pulmonaire..................... 2,00 2,04 4,00
Pleurésies................................... 1,06 2,00 3,06
Angine trachéale (croup)........... 1,08 2,04 1,08
Pleuro-pneumonie...................... 1,06 1,02 0,08
Coqueluche................................ 0,08 0,06 0,02

Afin de rendre notre travail plus complet et sur-


tout plus concluant, nous allons comparer les chiffres
des décès phtisiques de la ville d’Alger avec ceux que
M. JOURNÉ a recueillis en Italie, aux hôpitaux de
Livourne, de Florence, de Rome et de Naples, et ceux
de la Charité et du Val-de-Grâce à Paris.

M. JOURNÉ, dans le travail qu’il a communiqué


à l’Académie royale de Médecine de Paris sur la sta-
tistique de la mortalité de ces hôpitaux, a trouvé pour
résultat :
— 132 —

LIVOURNE.

Hôpitaux civils et militaires. — Service médical


et chirurgical.
Moyenne de 1833 à 1835 :
Malades admis 5925, morts 678.
Phthisiques 133, morts 63.
c’est-à-dire 1 phthisique sur 10,07 de la mortalité gé-
nérale.

FLORENCE.

Hôpital de Sainte-Marie-Nouvelle.
Moyenne de 1836 à 1837:
Malades admis 6554, morts 1021.
Phtisiques 228, morts 89.
c’est-à-dire 1 phthisique sur 11,47 des sujets qui
ont succombé à toute espèce de maladies.

ROME.

Hôpital Saint-Jean-de-Latran.
Moyenne de 1834 à 1836 :
Femmes admises 2540, mortes 379.
Phtisiques 126, mortes 110.
c’est-à-dire 1 phtisique sur 3,44 des sujets qui ont suc-
combé à toute espèce de maladies.
— 133 —

NAPLES.

Hôpitaux de la Paix, de Césarée et de Saint-


Éligione.
Moyenne de 1835 à 1837 :
Malades admis, hommes et femmes,
6208, morts 1628.
Phtisiques 990, morts 695.
c’est-à-dire 1 phthisique sur 2,34 de la mortalité gé-
nérale.

Hôpitaux militaires de la Sainte-Trinité et du


Saint-Sacrement de la même ville.

Moyenne de trois années:


Militaires admis 8045, morts 551.
Morts de phthisie 140.
c’est-à-dire 1 phtisique sur 3,93 de la mortalité géné-
rale.

PARIS.

Hôpital de la Charité,
Moyenne de 1835 à 1836 :
Nombre total des morts 707.
Nombre des morts phthisiques 216.
c’est-à-dire 1 phtisique sur 3,41 de la mortalité géné-
rale.
— 134 —

Hôpital Necker.

Moyenne des années 1834 à 1836 :


Malades admis, hommes, femmes et enfants,
2304 morts 241.
Phtisiques, 139 morts 81.
c’est-à-dire 1 phtisique sur 3 de la mortalité généra-
le.

Hôpital militaire du Val-de-Grâce.


Moyenne des années 1885 à 1837 :
Militaires admis, 7509 morts 329.
Phtisiques, morts 27.
c’est-à-dire 1 phtisique sur 12,18 de la mortalité gé-
nérale.

ALGER.

Hôpital militaire du Dey. (*)


Malades admis pendant l’année 1838.
Par billets, 10482
Par évacuation, 1229
Total 11711

_______________
(*) Je dois des remerciements et de la reconnaissance à monsieur
Antonini, médecin en chef de l’armée d’Afrique, pour l’empressement
qu’il a mis à me fournir les documents que je publie sur l’hôpital du
Dey.
— 135 —

Décès, 528.
Décès phtisiques, 27.
c’est-à-dire 1 phthisique sur 19,55 de la mortalité gé-
nérale.

BÔNE.

Hôpital militaire. — Service de M. Moreau.

Malades traités pendant les années 1833, 1834 et


1835 :

Nombres, 6245 morts, 250.


Phtisiques, morts 6.
c’est-à-dire 1 phthisique sur 41,06 de la mortalité gé-
nérale.

Il est à remarquer qu’en Afrique la majeure partie


de l’armée habite les camps où elle est exposée à une
foule de causes atmosphériques auxquelles sont sous-
traites les troupes qui tiennent garnison dans nos villes
de France. Cette observation pèse surtout sur les ma-
lades qui arrivent à l’hôpital par évacuation puisque
la plupart viennent des points nouvellement occupés
où le soldat est obligé de coucher sous la tente ou au
bivouac et où des locaux n’ont pu être encore conve-
nablement installés pour lui donner les soins qu’exi-
ge sou état. Aussi est-ce sur cette classe de malades
— 136 —

que la mortalité sévit avec le plus de violence.

Malgré toutes ces causes qui, favorisées par un


autres climat, pourraient avoir une influence si grande
sur le développement de la phtisie chez les individus
qui y sont prédisposés, les décès phtisiques sont bien
moins nombreux à Alger qu’en France et en Italie.

Cette statistique de phtisiques morts dans les


hôpitaux militaires est la seule qui permette de tirer
quelque argument favorable au climat d’Alger, puis-
que l’armée, en France et en Italie, est composée
d’hommes de même âge, valides, jugés capables d’un
service actif et n’offrant, au moment de leur enrôle-
ment, aucune affection apparente assez grave pour les
exempter. Les observations que nous avons faites sur
la composition de la population civile ne sauraient,
par cela seul, être applicables à l’armée. Il faut donc
l’action de nouvelles causes pour faire éclater plus
tard la phtisie chez ceux dont le germe existait déjà
depuis plus ou moins de temps ; et si, comme l’indi-
quent tous les auteurs qui ont écrit sur cette maladie,
les plus puissantes de ces causes sont fournies par la
constitution atmosphérique, il faut convenir que cel-
les du climat d’Alger ont été (à en juger par les docu-
ments que nous avons recueillis jusqu’à ce jour) bien
moins violentes que celles de Paris et des villes d’Ita-
lie que nous avons mentionnés.
— 137 —

C’est ici le lieu de parler d’une affection qui, sans


occasionner de mortalité, sévit d’une manière très
fâcheuse sur la population d’Alger, et dont la cause
principale serait facile à détruire. Nous voulons parler
des ophtalmies. Outre les nombreuses causes qui les
produisent, la grande réverbération qui est projetée
par les murs blanchis à la chaux en est une des plus
puissantes. Il est peu de personnes qui, se trouvant en
face d’un mur ainsi blanchi et soumis à la réflexion
d’une lumière trop vive ne dise, pourquoi n’adopte-t-
on pas une autre couleur.

Pour peu que le soleil paraisse il est impossible


de jeter les yeux sur les maisons d’Alger sans éprou-
ver une sensation très pénible, de forts éblouissements
et plus tard des céphalalgies. Les personnes nerveu-
ses, les femmes surtout, éprouvent à Alger de violents
maux de tête qu’elles n’avaient jamais éprouvé en
France, ce qu’elles attribuent en grande partie à cette
action solaire.

On peut bien objecter que la couleur blanche étant


celle qui réfléchit le mieux les rayons caloriques, elle
diminue la chaleur intérieure des maisons en empê-
chant une trop grande absorption de ces derniers par
les murs. Cette observation est très juste et devrait être
prise en considération dans un pays où les chaleurs
sont trop fortes pour permettre de sortir dans le jour et
— 138 —

où la relation des habitants, excessivement bornée, ne


s’étend guère au-delà de l’intérieur de leurs maisons ;
mais dans une ville comme Alger, où les chaleurs les
plus fortes ne dépassent jamais de 33 à 34 degrés cen-
tigrades, et où les nouveaux habitants sont obligés,
à cause de leurs nombreuses affaires et des grandes
relations qu’exige le commerce, de se transporter à
chaque instant de la journée, d’un endroit à l’autre,
cette couleur blanche, précisément par la propriété
dont elle jouit de réfléchir fortement la chaleur, pro-
duit plus de mal sur la population ambulante de cette
ville, qu’elle ne procure de bien aux personnes qui
sont dans les maisons.

La vue étant un des sens les plus importants on


ne saurait prendre trop de précautions pour en conser-
ver toute l’intégrité; et pour atteindre ce but, nous
conseillons de donner aux maisons une autre couleur,
telle, par exemple, que le jaune ou le gris. En 1835
nous soumîmes ces observations au Conseil supérieur
de la Régence, qui les accueillit favorablement, et dé-
cida que toutes les maisons appartenant au domaine
subirait cette heureuse amélioration. Il serait à désirer
que l’administration militaire prit des mesures sem-
blables, surtout pour les casernes qui ont de grandes
cours.
— 139 —

Si dans la plupart des villes d’Italie les maisons


sont peintes à l’extérieur de différentes couleurs ne
serait-ce pas pour suivre une mesure hygiénique pa-
reille à celle que nous conseillons pour la ville d’Al-
ger ?
— 140 —
— 141 —

CHAPITRE V.

TABLEAUX SYNOPTIQUES ET STATISTIQUES DES


NAISSANCES ET DE LA MORTALITÉ D’ALGER.
— EXPLICATION DE CES TABLEAUX.

En présentant cet ouvrage notre but a été de don-


ner des documents exacts sur la salubrité de la ville
d’Alger et de détruire, autant que possible, les erreurs
qui s’étaient depuis longtemps accréditées dans le
monde sur son insalubrité. Au dire de bien des per-
sonnes en France et même à Alger, cette ville serait
tellement insalubre que la population, semblable à
une sentinelle avancée, serait constamment obligée
de se tenir sur un qui vive continuel afin de ne pas
se laisser surprendre par un ennemi d’autant plus re-
doutable qu’il est le plus souvent insaisissable. Ces
craintes, chimériques au moins pour la ville d’Alger,
ne sauraient exister davantage dans l’esprit de celui
qui aura lu avec un peu d’attention les chapitres pré-
cédents. Là, nous avons développé les raisons, prises
dans la constitution du sol, qui nous portaient à croire
— 142 —

qu’Alger ne pouvait être un lieu malsain ; et, afin de


persuader les personnes qui sont ou seront intéressées
à croire les vérités que nous avons à cœur de démon-
trer, nous avons promis de les appuyer par des chiffres
puisés dans les résultats produits par les influences
climatériques mêmes.

Nous avons aussi longuement discuté sur les cau-


ses qui font que les environs d’Alger ne peuvent être
encore aussi salubres que la ville ; et, tout en décri-
vant le mal, nous n’avons pas omis de parler des re-
mèdes à y apporter : en cela nous n’avons pas fait
de l’empirisme ; sûrs de l’efficacité des moyens que
nous proposons, nous n’hésitons pas à dire que c’est
de leur exécution que dépendra la salubrité désirée de
tous les habitants de l’Algérie.

Les tableaux synoptiques et statistiques que nous


avons dressés avec l’intention d’en faire le complé-
ment de notre ouvrage, ont eu pour nous le but de
résoudre, aussi complètement que les circonstances
pouvaient le permettre, les questions qui ont été l’objet
de nos longues méditations : convergeant toutes vers
cette grande vérité qui intéresse à un si haut point les
personnes qui s’attachent à l’avenir de cette colonie,
on ne lira pas sans quelque intérêt, nous l’espérons du
moins, les efforts que nous avons fait pour arriver à
leur solution.
— 143 —

E M NAISSANCES
F A
ANNée F R
Légitimes Naturels Reconnus T
E I G F G F G F O
a i a i a i
C A r l r l r l T
1831 T G ç
o
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I E
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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 544 0 1 0 0 1 0 0 2
Février.................... 0 1 1 0 0 0 0 2
Mars....................... 2 1 1 0 0 0 0 2
Avril........................ 0 2 0 1 0 0 0 3
Mai......................... 0 0 0 0 0 0 0 0
Juin......................... 0 0 0 0 0 0 0 0
Juillet...................... 0 0 0 0 1 0 0 1
Août........................ 0 3 1 0 0 0 0 4
Septembre............... 0 3 2 0 1 0 0 6
Octobre................... 1 2 6 0 1 0 0 9
Novembre............... 0 2 7 1 0 0 0 10
Décembre............... 2743 0 7 2 0 0 0 0 9
TOTAUX 3 22 20 2 4 0 0 48
décès
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s s s
Janvier.................... 0 0 0 1 0 0 0 0 1
Février.................... 0 0 1 0 0 0 0 0 1
Mars....................... 0 0 0 1 0 0 0 0 1
Avril........................ 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Mai......................... 1 1 0 2 0 0 0 0 4
Juin......................... 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Juillet...................... 0 3 0 0 0 0 2 1 6
Août........................ 8 3 1 0 0 0 3 4 19
Septembre............... 9 7 0 0 0 0 1 1 18
Octobre................... 5 5 1 0 0 0 7 6 24
Novembre............... 14 5 0 0 0 0 3 3 25
Décembre............... 4 4 0 0 0 0 4 3 15
TOTAUX 45 28 3 4 0 0 20 18 124
— 144 —

E M NAISSANCES
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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 2913 0 1 5 0 2 0 0 8
Février.................... 0 1 3 0 1 0 0 5
Mars....................... 0 4 6 0 0 0 0 10
Avril........................ 2 1 1 1 0 0 0 3
Mai......................... 0 2 1 1 0 0 0 4
Juin......................... 0 2 3 0 0 0 0 5
Juillet...................... 2 4 5 0 0 0 0 9
Août........................ 2 9 7 2 1 0 0 19
Septembre............... 0 7 8 1 2 0 0 18
Octobre................... 2 10 5 1 2 1 0 19
Novembre............... 4 3 11 1 0 0 0 15
Décembre............... 5126 2 8 6 1 4 0 0 19
TOTAUX 14 52 61 8 12 1 0 134
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
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M
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n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 1 4 0 1 0 0 1 1 8
Février.................... 1 2 0 0 0 0 0 2 5
Mars....................... 2 3 0 1 0 0 1 2 9
Avril........................ 1 0 0 0 0 0 1 5 7
Mai......................... 1 0 0 0 0 0 3 2 6
Juin......................... 3 1 0 0 0 0 0 1 5
Juillet...................... 8 1 0 1 0 0 6 3 19
Août........................ 9 12 0 0 0 0 8 3 32
Septembre............... 8 8 1 0 0 0 11 7 35
Octobre................... 19 9 1 1 0 0 27 9 66
Novembre............... 15 15 0 1 0 0 21 17 69
Décembre............... 5 4 0 1 0 0 16 7 33
TOTAUX 73 59 2 6 0 0 95 59 294
— 145 —

E M NAISSANCES
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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 5177 4 6 8 0 2 0 0 16
Février.................... 1 11 5 4 0 0 0 20
Mars....................... 0 6 12 3 0 0 0 21
Avril........................ 5 16 9 0 1 0 0 26
Mai......................... 6 12 9 3 1 0 1 26
Juin......................... 1 3 7 1 1 0 0 12
Juillet...................... 4 6 10 1 3 5 2 27
Août........................ 6 8 4 1 1 0 0 14
Septembre............... 1 10 12 1 2 0 1 26
Octobre................... 5 13 6 4 0 0 2 25
Novembre............... 1 9 6 1 1 1 0 18
Décembre............... 5716 4 5 9 2 1 3 0 20
TOTAUX 38 105 97 21 13 9 6 251
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
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M
E
M
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n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 5 3 0 0 0 0 12 7 27
Février.................... 5 4 0 0 0 0 8 3 20
Mars....................... 4 2 2 1 0 0 6 3 18
Avril........................ 2 3 1 1 0 0 6 1 14
Mai......................... 3 5 1 1 0 0 3 2 15
Juin......................... 2 1 1 1 0 0 4 0 8
Juillet...................... 5 2 0 0 0 0 8 1 16
Août........................ 5 1 1 0 0 0 15 2 24
Septembre............... 3 5 1 1 0 0 12 1 23
Octobre................... 10 3 1 0 0 1 1 0 16
Novembre............... 6 4 0 0 0 0 8 1 19
Décembre............... 1 2 1 0 0 0 5 2 11
TOTAUX 51 35 8 5 0 1 88 23 211
— 146 —

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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 5743 2 8 9 0 1 1 1 20
Février.................... 4 6 6 0 2 0 0 14
Mars....................... 1 9 6 2 1 3 0 21
Avril........................ 3 2 5 1 2 2 1 13
Mai......................... 3 7 3 1 3 0 0 14
Juin......................... 3 1 5 1 1 1 1 10
Juillet...................... 2 11 7 0 2 0 1 21
Août........................ 5 8 1 2 4 2 0 17
Septembre............... 5 3 5 3 1 0 1 13
Octobre................... 2 5 4 3 2 1 1 16
Novembre............... 7 5 5 4 1 1 1 17
Décembre............... 6373 4 7 9 1 1 0 1 19
TOTAUX 41 72 65 18 21 11 8 195
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
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n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 1 1 0 1 1 0 2 3 14
Février.................... 3 0 0 0 1 0 8 2 8
Mars....................... 0 2 0 0 0 0 6 2 12
Avril........................ 0 2 1 1 0 0 4 1 11
Mai......................... 1 3 0 0 0 0 3 3 4
Juin......................... 2 0 0 2 0 0 5 2 9
Juillet...................... 6 5 1 3 0 0 8 3 23
Août........................ 6 9 0 1 1 0 8 2 27
Septembre............... 2 2 0 2 1 0 11 1 19
Octobre................... 1 5 1 0 0 1 9 0 17
Novembre............... 6 2 0 0 0 0 6 1 15
Décembre............... 4 2 2 1 0 0 2 7 18
TOTAUX 32 33 5 10 4 1 72 27 184
— 147 —

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n s n s n s L
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Janvier.................... 6402 4 11 7 3 4 1 2 28
Février.................... 3 13 6 3 2 0 0 24
Mars....................... 2 9 10 3 4 0 1 27
Avril........................ 1 5 5 2 2 1 2 17
Mai......................... 0 3 3 1 2 0 2 13
Juin......................... 3 11 5 0 0 0 0 14
Juillet...................... 1 6 5 0 0 1 2 14
Août........................ 3 10 8 3 2 0 1 24
Septembre............... 6 4 6 3 1 0 1 15
Octobre................... 6 4 4 1 0 2 0 11
Novembre............... 5 10 6 1 0 2 1 21
Décembre............... 6649 5 7 7 2 1 0 2 19
TOTAUX 39 93 72 22 18 7 14 226
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
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s s s
Janvier.................... 3 0 1 0 0 0 6 1 11
Février.................... 1 2 0 1 0 0 3 2 9
Mars....................... 4 4 1 1 0 1 10 2 23
Avril........................ 5 1 0 0 0 0 2 2 10
Mai......................... 2 0 1 0 0 0 0 0 8
Juin......................... 6 4 1 0 1 0 5 5 20
Juillet...................... 7 5 2 0 1 0 1 1 26
Août........................ 15 16 2 2 2 0 49 49 194
Septembre............... 7 10 2 1 3 1 17 17 77
Octobre................... 1 1 1 1 2 1 6 6 31
Novembre............... 4 4 2 0 1 0 9 9 41
Décembre............... 1 4 0 0 0 0 1 1 13
TOTAUX 56 51 13 6 10 3 109 95 463
— 148 —

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Légitimes Naturels Reconnus T
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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 6760 6 5 8 1 5 0 0 19
Février.................... 3 6 9 2 3 0 1 21
Mars....................... 4 13 6 2 3 2 4 30
Avril........................ 11 6 2 2 0 1 0 11
Mai......................... 8 4 6 1 1 0 1 13
Juin......................... 3 5 8 0 0 0 1 14
Juillet...................... 5 8 6 3 2 2 1 22
Août........................ 7 7 7 3 2 1 1 21
Septembre............... 5 9 2 2 4 0 1 18
Octobre................... 7 10 14 5 0 1 2 32
Novembre............... 5 17 8 4 5 1 0 35
Décembre............... 9094 10 13 7 5 2 1 1 29
TOTAUX 74 103 83 30 27 9 13 265
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
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n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 1 1 0 0 0 0 4 2 8
Février.................... 1 1 0 0 0 0 4 2 8
Mars....................... 4 0 0 0 0 1 8 2 15
Avril........................ 2 7 0 1 0 0 5 4 19
Mai......................... 1 2 1 1 0 0 10 1 16
Juin......................... 5 3 0 1 0 1 3 3 17
Juillet...................... 6 6 3 3 1 0 23 9 44
Août........................ 17 7 2 1 1 0 24 3 61
Septembre............... 12 6 0 2 1 1 18 3 43
Octobre................... 12 9 5 1 0 0 22 10 59
Novembre............... 17 13 1 0 0 2 13 5 51
Décembre............... 12 16 3 2 0 1 10 6 50
TOTAUX 90 71 16 12 3 6 144 51 391
— 149 —

E M NAISSANCES
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Légitimes Naturels Reconnus T
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n s n s n s L
s s s
Janvier.................... 9273 7 9 7 2 3 4 2 27
Février.................... 4 11 5 2 8 0 2 28
Mars....................... 3 10 13 3 5 2 2 35
Avril........................ 8 11 13 1 2 2 1 30
Mai......................... 9 4 14 2 3 2 1 26
Juin......................... 7 10 18 1 2 2 1 34
Juillet...................... 6 7 15 3 1 1 0 27
Août........................ 8 12 11 0 1 1 1 26
Septembre............... 9 9 16 3 1 0 1 30
Octobre................... 15 14 13 2 2 1 1 33
Novembre............... 7 10 14 3 0 1 1 29
Décembre............... 9824 9 15 12 2 3 3 1 36
TOTAUX 92 122 151 24 31 19 14 361
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
G F G F G F H F O
a i a i a i O E
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M
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n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 9 19 3 0 0 0 14 4 40
Février.................... 13 3 0 2 0 0 7 3 28
Mars....................... 3 7 3 1 0 0 13 7 34
Avril........................ 6 6 0 2 2 0 11 2 29
Mai......................... 1 4 0 0 1 0 6 4 16
Juin......................... 2 0 1 2 0 0 4 5 14
Juillet...................... 11 8 1 2 1 1 22 3 49
Août........................ 19 17 3 2 0 0 38 6 85
Septembre............... 9 11 0 1 1 1 28 8 59
Octobre................... 7 7 1 1 0 0 39 7 62
Novembre............... 13 10 0 1 0 2 71 33 130
Décembre............... 5 9 3 0 0 0 21 12 50
TOTAUX 98 101 15 14 5 4 174 94 596
— 150 —

E M NAISSANCES
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ANNée F R
Légitimes Naturels Reconnus T
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F S
n s n s n s L
s s s
Janvier................... 10160 9 11 12 5 4 4 4 40
Février................... 8 15 16 0 3 4 3 41
Mars...................... 8 19 18 3 2 2 0 44
Avril...................... 8 12 16 5 1 1 0 35
Mai........................ 15 8 18 2 2 1 1 32
Juin........................ 16 11 11 2 1 1 2 27
Juillet.................... 6 14 12 1 1 2 2 32
Août...................... 7 16 9 5 1 3 1 35
Septembre............. 7 18 13 2 1 2 3 29
Octobre................. 4 11 14 4 4 2 1 36
Novembre............. 3 11 10 2 2 4 2 31
Décembre.............. 12008 11 15 12 3 3 3 3 39
TOTAUX 102 161 160 34 25 29 22 431
décès
ANNée Légitimes Naturels Reconnus T
G F G F G F H F O
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M
E A
n s n s n s S S L
s s s
Janvier.................... 7 4 2 0 0 0 13 5 31
Février.................... 1 0 1 0 0 1 9 0 12
Mars....................... 1 5 0 1 0 0 10 3 20
Avril........................ 5 3 4 0 0 1 10 5 28
Mai......................... 2 5 0 1 1 0 6 5 20
Juin......................... 5 8 1 3 0 2 7 7 33
Juillet...................... 14 7 2 0 0 1 14 5 43
Août........................ 9 11 3 0 2 0 8 9 42
Septembre............... 4 4 1 0 0 0 17 6 32
Octobre................... 11 13 4 1 2 1 23 5 60
Novembre............... 8 7 1 2 2 0 19 4 43
Décembre............... 13 5 1 1 0 3 15 2 40
TOTAUX 80 72 21 9 7 9 151 56 404
— 151 —

EXPLICATION DES TABLEAUX.

Ces tableaux ont pour but de faire connaître d’un


simple coup d’œil, 1° l’augmentation progressive dé
la population européenne qui est venu s’établir à Al-
ger depuis 1830 ; 2° le nombre de mariages ; 5° le
chiffres des naissances ; 4° et celui des décès.

1° Gain de la population; il a été pendant es cinq


mois qui ont suivi la prise de la ville d’Alger
En 1830, de 544
En 1831, de 2199
En 1832, de 2383
En 1833, de 590
En 1834, de 657
En 1835, de 276
En 1836, de 2345
En 1837, de 730
En 1838, de 2184
En 1838, fin du 1er semestre, de 2173
Total de la population au 1er juillet 1839, de 14281
C’est pendant les années 1831 et 1832 que la po-
pulation a subi la plus forte augmentation. Quant au
ralentissement qu’elle a essuyé en 1833 et 1834 la si-
tuation morale où on était en France par rapport à ce
pays suffit pour l’expliquer.

Pour 1835 et. 1837 on en trouve la raison trop


— 152 —

plausible dans l’apparition du choléra qui a régné, à


ces deux époques, sur les côtes de l’Algérie.
2° Nombre de mariages : ils ont été
En 1830, de 0
En 1831, de 3
En 1832, de 14
En 1833, de 38
En 1834, de 41
En 1835, de 39
En 1836, de 74
En 1837, de 92
En 1838, de 102
Total, de 403

3° Nombre de naissances : elles ont été


En 1830, de 9
En 1831, de 48
En 1832, de 134
En 1833, de 251
En 1834, de 195
En 1835, de 226
En 1836, de 265
En 1837, de 361
En 1838, de 431
Total, de 1920

4° Nombre de décès, les cholériques compris :


En 1830, de 7
En 1831, de 124
En 1832, de 294
En 1833, de 211
En 1834, de 184
En 1835, de 463 chol. 214
En 1836, de 391
En 1837, de 596 chol. 97
En 1838, de408
Total, de 2673
— 153 —

Il résulte de ces tableaux que pendant les neuf


années de notre occupation il est né à Alger 984 gar-
çons et 937 filles. On voit que le nombre est presque
égal. Le rapport entre les naissances des garçons et
des filles a été à peu près le même pendant les neuf
années prises isolément :

En 1830, 0 garçons, 0 filles.


En 1831, 24 24
En 1832, 61 73
En 1833, 135 116
En 1834, 101 94
En 1835, 122 104
En 1836, 142 123
En 1837, 165 196
En 1838, 224 207
Totaux, 984 937
47 garçons de plus que de filles.

La progression n’a pas été la même dans l’ordre


des décès puisqu’il est mort durant le même laps de
temps 637 garçons et 540 filles. D’où il résulte qu’il
y a eu 347 garçons de gain sur 984, et 397 filles sur
931. Il est à remarquer que pour les décès plusieurs
appartiennent à des enfants qui étaient venus à Alger
avec leurs parents et qui, par conséquent, ne figurent
pas sur le tableau des naissances.

Le rapport des enfants naturels aux enfants légi-


times est digne d’être noté :
— 154 —
En 1831 il est né 1 enfant naturel snr 7,00 légitimes.
En 1832 1 5,38
En 1833 1 4,12
En 1834 1 2,26
En 1835 1 2,70
En 1836 1 2,35
En 1837 1 3,10
En 1838 1 2,91

Ainsi sur les 1861 naissances, 472 sont illégiti-


mes dont 162 ont été reconnus.

A Paris il nait un enfant naturel sur 2,93 de légi-


times ; à Strasbourg 1 sur 4 et à Stockholm, en Suéde,
1 sur 3.

Les décès masculins dépassent les décès féminins,


les premiers étant représentés par 1,80, c’est-à-dire
un sur deux à peu près. Dans ce nombre sont compris
les cas de choléra qui sont aussi plus nombreux chez
l’homme que chez la femme. Une cause puissante de
cette différence tient à ce que l’homme e bien plus
exposé que la femme aux influences morbidiques de
la plaine.
Rapport des naissantes avec la population.

En 1831 on compte 1 naissance pour 57,14 habitants.


En 1832 1 38,25
En 1833 1 22,77
En 1834 1 25,08
En 1835 1 29,42
En 1836 1 34,32
En 1837 1 27,21
E 1838 1 27,86
— 155 —

Rapport du décès avec la population.

En 1831on compte 1 décès pour 23,04


En 1832 1 17,43
En 1833 1 27,09
En 1834 1 27,82
En 1835 1 26,70
En 1836 1 23,25
En 1837 1 19,68
En 1838 1 29,71

Dans ces décès sont compris tous ceux de l’hô-


pital civil et de la ville. Il est important de noter dans
l’intérêt de la salubrité de la ville d’Alger que la plu-
part des décès de l’hôpital ont lieu sur des colons ou
des ouvriers qui sont allés contracter le germe de la
maladie dans les contrées insalubres de la Mitidja. La
même remarque peut être faite à l’égard de la mortali-
té qui sévit sur les colons en ville. On sait qu’à certai-
nes époques de l’année, pour la fenaison par exemple,
plus de 2,000 travailleurs sont occupés à couper les
foins au milieu des marais de cette plaine et qu’un bien
petit nombre échappe à l’action des miasmes qui s’en
exhalent. Tous, quand ils tombent malades, sont obli-
gés de venir à Alger pour recevoir des soins soit chez
eux ou à l’hôpital civil. Nous pouvons évaluer aux
deux cinquièmes la mortalité due à cette circonstance.
En faisant cette soustraction de la mortalité générale,
— 156 —

on jugera facilement du degré de salubrité de la ville


d’Alger proprement dite ; et, si ceux qui ne sont pas
obligés d’aller dans les localités encore non assainies,
redoutent encore le séjour de la ville, ils n’ont, pour
se rassurer, qu’à jeter à la fin de ce chapitre un coup
d’œil, sur le tableau où nous comparons la mortalité
d’Alger avec quelques villes de France et d’Europe
où la salubrité n’est nullement contestée.

Rapport des naissances et des décès.

En 1831, naissances 48, décès 119.


c’est-à-dire 2,48 décès par naissance.
En 1832, naissances 134, décès 294,
c’est-à-dire 2,19 décès par naissance.
En I833, naissances 251, décès 211,
c’est-à-dire 1,18 naissance par décès.
En 1834, naissances 195, décès 184,
c’est-à-dire 1,05 naissance par décès.
En 1835, naissances 226, décès 463, chol. compris.
c’est-à-dire 2,04 décès par naissance.
En I836, naissances 265, décès 391,
c’est-à-dire 1,47 décès par naissance.
En 1837, naissances 361, décès 596, chol. compris.
c’est-à-dire 1,62 décès par naissance.
En 1838, naissances 431, décès 404,
c’est-à-dire 1,06 naissance par décès.

La grande mortalité qu’on remarque en 1837 s’ex-


— 157 —

plique par la réapparition du choléra et par les fièvres


pernicieuses qui ont sévi sur un grand nombre de co-
lons occupés aux travaux de défrichement dans les
quartiers de Bouffarick pendant les chaleurs de l’été.
Exemple cruellement vrai de l’opinion que nous avons
émise dans le courant de cet ouvrage sur le danger
qu’entoure le défrichement des portions marécageu-
ses de la plaine.

Le maximum des décès a eu lieu,

En 1831 maximum en novembre, minimum en avril.


En 1832 novembre, février.
En 1833 janvier, juin.
En z834 août, mai.
En f835 août, mai.
En x836 août, février.
En 1837 novembre, juin.
En 1838 octobre, février.

Actuellement pour établir le rapport des décès des


enfants aux naissances il faut, pour les légitimes, ôter
un quart des décès à peu près comme ayant sévi, au
commencement de l’occupation surtout, sur des en-
fants venus de France avec leurs parents et qui, pour
cette raison, ne doivent pas être mis sur le compte des
naissances d’Alger. Il n’en est pas de même pour les
enfants naturels; peu ont du venir de France et doivent
pour cela être compris dans le total des décès.
— 158 —

En procédant ainsi nous trouvons que :


1° Sur 1439 naissances d’enfants légitimes il en
est mort 686, c’est-à-dire qu’il y a eu 2,1 naissances
par décè;
2° Sur 472 naissances illégitimes il est mort 218
enfants, c’est-à-dire qu’il y a eu 2,17 naissances par
décè;
3° En réunissant les 1911 naissances et les 904
décès on trouve 2,11 naissances par décès.

En France la proportion des enfants qui meurent


dans la maison paternelle est de 3 naissances par dé-
cès; et en Angleterre de 3,20 naissances par décès.

Tableau comparatif de la mortalité d’Alger avec


celle de quelques villes principales.

A Montpellier qui est citée pour une ville des plus salu-
bres, la mortalité est de 1 sur 23,50 habitannts.
A Paris, elle est de 1 sur 30,00
A Brest, de 1 sur 26,00
A Stockholm (Suède) de 1 sur 22,28
A Vienne (Autriche), de 1 sur 17,00
A. Milan, de 1 sur 23,36
Et à Alger la moyenne des huit
années observées (y compris
le choléra) est de 1 sur 21,54
Pour l’année 1838 qui est la
dernière, elle est de 1 sur 27,29
La mortalité qui sévit sur la population musulma-
ne est à peu près dans les mêmes rapports pour l’an-
— 159 —

née 1838 qui est la première où l’administration fran-


çaise à pu enregistrer avec quelques chances d’exacti-
tude le mouvement des naissances et des décès. Ainsi
l’effectif étant évalué à 14,000 âmes; les décès pour
1838, sont de 571 divisés de la manière suivante :

Hommes, 221
Femmes, 152
Garçons, 111
Filles, 87
Total, 571

C’est-à-dire 1 décès par 24,52 habitants.

La nation israélite est plus favorisée que les autres


puisque sur 5000 âmes dont se compose cette classe
de la population à Alger, il n’y a eu pendant l’année
1838 que 137 décès divisés comme il suit :

Hommes, 39
Femmes, 41
Garçons, 28
Filles, 29
Total, 137

C’est-à-dire un décès pour 38,00 habitants.
— 160 —

Pour terminer ce que nous pouvons dire touchant


la population indigène nous ne devons pas omettre
de parler de la longévité à laquelle parviennent les
vieillards ; chez les juifs surtout, un grand nombre ar-
rivent à un âge fort avancé et les centenaires n’y sont
pas aussi rares qu’en France.

A Constantine les exemples de cette longévité y


sont assez communs, j’y ai vu en 1838 deux vieillards,
encore fort ingambes, qui avaient été soldats sous le
bey ZERIG-AÏNO (yeux bleus) qui régnait l’an 1168
de l’Hégire (1754 de notre ère).
— 161 —

TABLE
DES MATIÈRES.

INTRODUCTION.....I
APERÇU GÉNÉRAL....1
CHAPITRE PREMIER. — Salubrité d’Alger et de ses
environs............................................................................51
CHAPITRE II. — Causes de l’insalubrité de la plaine.
— Influences des brouillards qui s’y développent. — Si-
moun ou vent du désert, etc..............................................73
CHAPITRE III. — Inconvénients des évacuations sur
France. — Formation d’une légion sédentaire. — Hygiène
de la plaine. — Causes probables du déboisement de l’Al-
gérie..................................................................................89
CHAPITRE IV. — Des affections de poitrine sous le
climat d’Alger. — Tableaux comparatifs de ces affections.
— Influence des murs blanchis à la chaux......................113
CHAPITRE V. — Tableaux synoptiques et statistiques
des naissances et de la mortalité d’Alger. — Explication de
de ces tableaux................................................................141
table des matières.......................................161

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