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Communication et espace publics

Abréviations :

EP : espace public


TAC : théorie de l’agir communicationnel

En quoi les concepts sociologiques de Jürgen Habermas sont intéressants pour la


communication ?

Introduction : biographie d’Habermas

Habermas est un philosophe, sociologue, historien ayant produit une trentaine d’ouvrages
soit 11000 pages à lui tout seul. En 1990, on notait 3000 publications consacrées à Habermas.

Habermas est né en 1929 en Allemagne. Dans sa jeunesse, il est marqué par l’histoire tragique
de l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Il a vu naitre et mourir le nazisme, cette
idéologie de l’extrême. De par sa naissance, il appartient à une génération qui s’est posée la
« question Allemande » (interrogation sur comment, pourquoi une nation pourtant si avancée
en Europe et dans le monde ai pu produire l’impensable, l’innommable : la Shoah,
l’extermination d’un peuple). Est-ce spécifique à l’Allemagne ? Une telle dérive est-elle
unique au monde ? Comment éviter de reproduire une telle situation ? De ce doute naitront
différentes théories dont l’agir communicationnel. Habermas l’oppose à un autre agir, dit
instrumental, qui, lui, a rendu possible l’extermination. Habermas symbolise aussi
l’engagement des intellectuels dans la société. Il est un maitre à penser présent pour susciter le
débat. Il n’est pas engagé politiquement. Il n’apporte pas de positions toutes faites mais
demande des opinions. On peut voir cette forme de position dans la société au travers du
concept d’espace public et dans la façon dont Habermas a traité l’opinion publique.

Habermas a fait toute sa carrière dans un pays divisé (ainsi que dans la montée du terrorisme
de la bande a Baader, extrême gauche anarchiste). Derrière cette opposition de deux blocs
idéologiques, Habermas a été amené à repenser la notion d’alternative politique.

Toutes ces raisons président à l’élaboration des concepts et à la pensée d’Habermas.

1. Biographie

Il obtient son doctorat en 1954. Il enseigne la sociologie à Heidelberg (1961-1964) puis à


Francfort (1964-1971). Le reste de sa carrière est réalisé près de Munich, de 1971 à 1983. Il
est directeur de l’institut Max Planck (physicien allemand) et de 1983 à 1994 il est professeur
a Francfort. Il accède à une certaine notoriété en dehors des cercles universitaires due à sa
participation au grand débat public contemporain allemand. Habermas est un penseur
éminent, sa pensée dense, complexe, riche a été reprise par énormément de disciplines
universitaires : la philosophie, la sociologie, l’histoire, le droit, les sciences politiques… Au
delà des disciplines, une partie des mouvements de pensée a repris ses concepts (ou du moins
Habermas est cité plus simplement comme caution intellectuelle, comme justification à partir
du moment où on aborde des questions portant sur la nécessité du dialogue, les débats).

Au delà de ces aspects de discussion, Habermas intéresse aussi les sciences de la


communication et de l’information pour deux raisons liées à ses approches :

 Théorie de la connaissance (sa construction, sa formation)


 Théorie, vision du sujet, de l’intersubjectivité, de la confrontation, de la relation entre
deux sujets. Confrontation agonale = vision conflictuelle de la relation, de l’échange
(à l’opposé de la vision irénique qui est une vision pacifiée, bienveillante).

Habermas a une vision irénique pour la communication entre les individus.

a. La formation intellectuelle d’Habermas

Elle est constituée de 4 points.

 La présence de l’école de Francfort

Habermas est l’héritier, le successeur de cette école, il est inscrit dans la lignée de l’école de
Francfort. L’école de Francfort est au départ un institut universitaire fondé par des
intellectuels allemands (Marcuse, Adorno & Horkheimer, Benjamin). Son objectif est de
refonder les sciences sociales, notamment en utilisant les concepts du marxisme et son
analyse critique de la société. Une des applications de cette volonté théorique fondatrice a été
d’observer, d’étudier l’émergence et la place de la culture de masse dans les sociétés
industrielles. Cela a débouché sur une notion clé, un concept important : celui d’industrie
culturelle. Ecole de Grenoble : FLICHY, MIEGE, PAILLART, FLORIS. Quelles sont ces
industries ? Sur quelles logiques fonctionnent-elles ? Comment fabriquent-elles des produits
culturels ? Quelles places pour ces produits ? A partir de ce concept, mise en évidence d’un
certain nombre de thèses :

 La disparition de l’œuvre d’art au profit de produits culturels standardisés


reproductibles

Changement de statut de l’œuvre d’art, elle perd son aura, son caractère sacré, sa force. Elle
est aussi conçue comme quelque chose qui pouvait libérer (selon Benjamin) et cette force
libératrice disparait également. A la place, l’œuvre remplacée par le produit culturel ne
propose qu’une adhésion aux valeurs sociales dominantes dans le but de reproduire le système
social. On n’est pas loin des théories de la domination. La culture & l’art deviennent des
moyens de domination culturelle et se mettent au service des valeurs dominantes pour mieux
les inculquer à l’ensemble des produits. Rupture radicale dans l’épistémologie de la culture,
dans sa conception, elle n’est plus là pour former des êtres indépendants, autonomes mais
cette culture désormais de masse est conçue pour formater les individus pour qu’ils soient
conformes. Le corpus étudié par l’école de Francfort comprend les romans populaires puis les
feuilletons télévisés où on adhère aux valeurs (par exemple l’ « american way of life »).

 L’anéantissement de l’art par la technologie mise au service d’une logique de


consommation.

Exemple : la technologie de l’enregistrement sonore. L’industrie du disque est dans l’absolu


quelque chose de magnifique, la technologie en soi est géniale car diffusion massive. Sauf que
pour des raisons commerciales, de rentabilité, les enregistrements ne peuvent dépasser une
certaine capacité pour rentrer dans les coûts de production. Les maisons d’édition
phonographiques ont décidé de regrouper les œuvres d’art (on coupe l’œuvre, par exemple on
n’enregistre pas toutes les symphonies de Beethoven, ou on augment la cadence pour tout
enregistrer sur le même disque). Mais la technologie peut aussi permettre de redécouvrir des
œuvres. Choix clairement politique.

Ces principales thèses de l’école de Francfort ont eu dans les années 20-30 leur heure de
gloire puis le régime nazi fait fermer l’école. Les membres fondateurs se sont installés aux
USA ce qui a permis la diffusion de leurs idées à l’international. Dans les années 50, l’école
est refondée (seconde école de Francfort) et Habermas sera l’assistant du professeur
Horkheimer. Approche critique du lien entre politique, valeurs et connaissances.

 Relecture de Kant

Autour notamment de la question de l’action morale. Kant proposait une définition de l’action
morale et Habermas va créer sa propre définition de l’action morale avec une éthique dans
l’agir communicationnel.

Pour Kant, elle n’a pas d’autre but qu’elle-même. Elle se définit d’abord et avant tout par elle-
même. Un individu moral est un individu qui agit avant tout par et pour le respect de la
morale et non pas pour la recherche d’un intérêt personnel. C’est en ce sens qu’on a parlé de
la morale comme un impératif catégorique (elle s’impose d’elle-même et surplombe toutes les
actions). Il n’y a pas de condition dans l’action morale, pas d’hypothèse, pas de but, aucun
lien avec une personne particulière. L’individu est capable de s’élever au dessus de lui-même
(ascèse). Il dépasse sa dimension sensible, émotionnelle. A partir de là, il peut appliquer son
jugement rationnel pour distinguer l’action morale conforme aux valeurs morales que
l’individu a déterminé de manière autonome. L’individu est unique (impératif dans l’absolu),
exceptionnel, doté d’une faculté de jugement individuel suffisamment forte pour se détacher
de toute poursuite d’intérêts purement égoïstes. On est loin de l’individu libéral défini par
Smith.

Habermas propose une autre vision de l’action morale qui surgit par une éthique de la
discussion : il considère que tout ce travail de réflexion, de prise de distance à l’égard de ses
propres passions n’est plus individuel, ce n’est plus une obligation de l’individu seul. La seule
façon de prendre ses distances avec ses émotions est une manière collective, processus
dialogique. Pour Habermas, c’est par l’échange, la discussion, le dialogue que l’individu
prend ses distances avec lui-même et accède à quelque chose qui le dépasse. Il faut la volonté
d’intercompréhension dialogique pour prendre du recul par rapport à ses motivations. C’est
ainsi qu’on peut produire des catégories morales.

Voir CALLON / LASCOUMER / BARTHES

Mais revendication d’un certain nombre de principes marxistes par Habermas :

 Vision d’une dynamique sociale (rien n’est jamais figé, acquis, une construction
sociale est toujours possible, on a des périodes de choix, de transition…. Dans
l’Histoire s’ouvre des périodes de choix, l’Histoire est toujours en train de se faire,
c’est une aventure collective).
 Dans toutes sociétés, on a des sujets collectifs (mouvements sociaux, pas seulement
des individus) qui sont capables de se penser, de se critiquer eux-mêmes, de se donner
eux-mêmes leurs propres principes d’organisation, leurs propres valeurs. Capacité de
subjectivation. Capacité de raison et d’émancipation de ses propres valeurs, on remet
en cause ses propres schémas. Vision marxiste à l’échelle de la société.
 Rupture avec la dialectique. Cela découle de la dynamique de l’histoire et des sujets.
Cette dynamique pour Habermas ne doit pas être pensée de manière dialectique ou du
moins, si dialectique, d’une manière différente de Marx. L’idée de base de Habermas
est qu’on doit rompre avec la vision dialectique classique c'est-à-dire thèse, antithèse,
synthèse où on a toujours quelque chose qui dépasse le contraire, un but ultime qui
dépasse les contradictions, qui transcende les oppositions. Ce qui transcende ici c’est
le discours du chef de l’Etat. Pour Habermas, cette transcendance n’est plus possible,
ce dépassement des oppositions, cette unité imposée d’en haut n’est pas acceptable,
elle est même dangereuse. Les sociétés modernes ne peuvent plus s’offrir le luxe
d’une telle vision (on n’en a vu le résultat). Pour renforcer le dialogue entre ces
oppositions, c’est comme ça qu’on va s’en sortir, c’est ce qu’on recherche. Habermas
estime qu’il ne sert à rien de supprimer la différence. On doit médiater les différences
c'est-à-dire trouver un medium, un intermédiaire qui relierait toutes ces différences,
qui permettrait de les laisser échanger entre elles. Le seul vrai moyen est la
communication, particulièrement le langage (le rôle de la communication est de rendre
possible l’échange, l’intercompréhension). Le travail du communicant, du médiateur,
du philosophe doit favoriser le maintien et l’élargissement de la communication. Un
dialogue n’est pas la pour produire un accord mais une rencontre entre tous les points
de vue dans cette vision dialogique de la communication (on n’est pas dans la logique
de communication descendante, c’est de la communication permanente).

Exemple  :

VGD à propos de l’échec du referendum sur l’Europe en France. Face à l’échec, il voulait
renforcer la vision européenne, par exemple la création d’un manuel européen, une vision
unique de l’Histoire européenne. Mais c’est une mauvaise idée car trop technocratique. Il faut
un manuel où on montre quel est l’enseignement de l’Histoire européenne en France, en
Allemagne etc. pour montrer la vision de l’Histoire de l’Europe de chaque peuple. A partir de
là, on peut dialoguer et de ce dialogue naîtra une vision de l’Histoire de l’Europe.

Cette vision dialectique consiste, si on prend l’exemple d’une langue, à la création d’une
langue commune à toute l’Europe. Pour Habermas, l’idée serait de favoriser l’apprentissage
de plusieurs langues et ainsi encourager le dialogue entre toutes les langues.

 Cette insistance sur le rôle du langage, de la communication dialogique d’Habermas,


cette mise en évidence est ce qu’on a appelé le tournant linguistique (la pratique
langagière devient la pratique centrale de notre société). On place le langage au cœur
de l’analyse de notre société.

Comment Habermas justifie ce choix théorique du tournant linguistique ? On a trois constats


théoriques et empiriques qui poussent Habermas à ce tournant linguistique :

- Le processus d’hominisation (comment l’espèce humaine devient espèce humaine,


devient Homme). Chaque individu refait le chemin de l’espèce. C’est avec les autres
qu’on devient une personne humaine à part entière. C’est dans l’échange qu’on
devient ce qu’on est. Ceci ne passe pas uniquement par la médiation du langage mais
aussi par le domaine affectif, émotionnel. Poids de l’échange langagier important. On
doit donc s’intéresser au langage pour Habermas.
- La fin des théories sociales unificatrices. Habermas s’inscrit dans un courant d’analyse
constatant la fin des grands récits, des grandes théories publiques qui vont expliquer le
monde. Ces grands mythes unificateurs sont impossibles dans nos sociétés
d’aujourd'hui, ils ne sont plus aussi puissants qu’avant, leur puissance explicative est
de moins en moins partagée par les gens. Exemples : Marxisme, religions… C’est la
fin des idéologies. A la place de ces modèles relativement uniques avec une vue
globale et englobante, on voit la montée d’une vision Homo oeconomicus : l’individu
est guidé par la maximisation de ses propres intérêts. Modèle de l’homme libéral (mais
les crises successives prouve que ce modèle est limité). Floraison de visions plus
parcellaires, plus limitées. Mais ces visions mettent souvent l’accent sur l’interaction,
les échanges, la coordination entre les systèmes. Mise en avant du conflit entre les
différentes visions.
Habermas va en tirer la conclusion que, précisément dans cette absence d’idéologie
unificatrice, l’importance est la construction de sens : on n’a plus de sens donné, on
doit créer, construire les sens. Nos sociétés sont de moins en moins stabilisées du point
de vue des théories, remise en cause des savoirs (mais cela ne signifie pas que le
besoin de sens disparait, il est juste différent).
- Epistémologie de la raison. Habermas revient aux sources de la philosophie
occidentale et reprend ce que Platon avait mis en évidence entre autre sur la nécessité
du débat. Du point de vue politique, depuis Platon, l’occident essaie de se construire
sur le constat suivant en trois points :
Seul le débat permet la confrontation féconde des opinions. On attend du débat qu’il
fasse apparaitre des idées, des solutions nouvelles en plus des points de vue connus et
débattus. Cette notion est un des points importants des militants pour le forum
hybride.

Les formes traditionnelles de débat ne permettent plus de confrontation féconde.

Seul le débat permet le contrôle des hypothèses. Chacun peut être appelé à se justifier.

Seul le débat permet une multiplicité des hypothèses et des critiques qui permettent la
progression du savoir.

Nos sociétés sont construites sur de grands principes de justification pour justifier les actes,
les pensées, et sont appelées cités. Parmi ces cités, il y a celle de l’inspiration dont le modèle
est le génie. On a aussi la cité de l’industrie dont le modèle est l’ingénieur. Les cités
expliquent les différents critères, épreuves, valeurs… Ce modèle de la cité est valable pour
toutes les sociétés mais les critères changent selon le type de la cité. L’Homo oeconomicus est
situé sur la cité commerciale ( ! il n’y a pas de bonne ou de mauvaise cité). On essaie de créer
des mondes hybrides (principe d’échanges, de dialogue). Seul le débat permet l’accord en
partant de points de vue opposés. Habermas déclare que la seule façon durable de produire
une raison qui tienne les individus entre eux et qui les fasse avancer est le débat.

b. Participation d’Habermas aux débats politiques & sociaux contemporains

Premier débat auquel participe Habermas : le débat concernant l’avenir de l’Allemagne de


l’Est, sur la fin du socialisme. La chute du mur reste inattendue, personne ne l’avait prévu.
Une fois le mur tombé, la réunification n’était pas prévisible. Une partie de la classe politique
envisageait le maintien d’une autre Allemagne comme un modèle d’expérimentation.

La chute du mur marque l’avènement d’un modèle dominant : le modèle libéral, convergence
de toutes les nations vers ce modèle représentant l’idéal démocratique. L’épisode socialiste ne
fut qu’une parenthèse, une sorte d’accident de l’histoire. Finalement, il n’a jamais été question
de construire une alternative crédible. Cependant, toute société ne peut fonctionner que sur
une possibilité d’alternative. L’Allemagne de l’Est aurait pu représenter une troisième voie,
on remarque la faillite des intellectuels qui auraient du se saisir de la chute du mur pour
proposer une troisième voie de transformation sociale. Cette réflexion est d’autant plus
nécessaire qu’il y a manifestement en Europe une crise de la modernité (cf. début du cours).

Au delà de cette question, Habermas souligne également que, dans nos sociétés, la question de
la réflexivité reste encore posée.

ELLUL : La technostructure est-elle que le changement est impossible. Enjeu de la


construction d’une alternative crédible. On ne peut pas désinventer la connaissance,
l’information. Ce n’est plus une question de moral ou d’éthique. Problème purement
technique. Dès qu’il y a une chose techniquement possible, cette chose va se faire. Contrôle
politique et démocratique de la technologie. Déterminisme présent. SFEZ : Emprise de la
technique sur la politique. HABERMAS : c’est par la communication qu’on peut éviter le
déterminisme par la technique.

Deuxième débat contemporain auquel Habermas a participé : celui de la crise des


euromissiles en Europe (en Allemagne plus précisément) au milieu des années 80.

Ce débat pose la question de la démocratie et de la désobéissance civile. Contexte de


terrorisme larvé contre le gouvernement (même si la bande à Baader n’est plus). Sur ce fond
de violence politique intervient la fameuse crise où les Allemands découvrent que leur nation
sera le futur théâtre d’opérations militaires entre la Russie et les Etats-Unis. On installe des
missiles nucléaires tactiques du coté de l’Est (les SS20) et dans les bases allemandes (les
missiles Pershing). Ce sont des missiles à faible portée installés en cas de conflit (ce ne sont
donc pas des missiles de dissuasion). Relace de la Guerre Froide avec l’élection de Reagan et
la course à l’armement. L’Europe et l’Allemagne peuvent devenir des théâtres d’opération. Il
aurait pu y avoir plusieurs explosions nucléaires en Allemagne si la guerre avait été déclarée.
Contexte politique : pacte de Varsovie contre l’Otan. Cependant, on peut noter que toute la
procédure a été respectueuse des principes démocratiques allemands. Le gouvernement a été
consulté. Malgré ce cheminement dans toutes les instances, des millions d’Allemands défilent
dans la rue pour protester contre cette procédure. C’est une mobilisation sans précédent, d’où
un débat entre les légalistes et les intellectuels. Selon les légalistes, toutes les voies de recours
démocratiques ont été utilisées, il n’y a plus de raison de désobéir. Si le gouvernement cède,
l’Allemagne se retrouve dans la même situation que dans les années 1930 où on légitimait la
violence politique. Les légalistes soulignent également le rôle néfaste des intellectuels qui
cautionnent les manifestants et les critiquent de se tromper encore une fois de position (car les
intellectuels soutenaient aussi Baader).

Quelle va être la position d’Habermas ? Il souligne qu’on est de nouveau face à un problème
ancien : la proclamation de principes n’entraine pas forcement l’application concrète de ces
principes. Il y a un devoir de démocratisation de la vie politique (exemple : la Suisse). Les
citoyens ont un rôle d’aiguillon dans les décisions politiques, ils ont le droit de se mobiliser
dès qu’ils estiment que les institutions ne prennent pas de décisions en conformité avec les
principes et valeurs qu’elles sont censées représenter et protéger. Ce vaste mouvement de
mobilisation ne se joue pas contre le parlement mais avec lui pour prendre des décisions
ensemble. Dès les années 80, Habermas pose la question de la participation aux décisions
politiques. Un droit de regard et de contrôle par les citoyens.

Max WEBER : légitimités de la décision politique. Formes de rationnaliser une décision dans
la société. On peut faire appel à des valeurs mais qui peuvent être à doubles tranchants.
Problème entre l’instituant et l’institué. Problématique entre le dire et le faire. Débat profond
et général.
Chapitre I : Régimes politiques & conception de la démocratie

I. L’organisation politique des univers anthropologiques

On peut également parler de sphères mais Lachaud préfère, à l’échelle de l’Homme, parler
d’univers où se trouvent des sphères, des mondes… L’idée essentielle est que toutes les
civilisations sont organisées autour de trois univers anthropologiques fondamentaux, pas plus
pas moins et valables pour toutes les sociétés (cf. Castoriadis). Ces 3 univers s’articulent de
manière différente et chaque lien entre ces trois univers va définir des formes de
gouvernements politiques, des types de régimes politiques. Par exemple, en Occident, nous
sommes dans un type de régime particulier avec une articulation particulière.

1. Les univers anthropologiques fondamentaux (en grec)

- Oïkos (en latin : domus) : domestique (de la maison)

C’est l’univers, l’espace privé mais qui n’est pas uniquement individuel. Univers de la
maisonnée, du clan, du lignage, de l’histoire des ancêtres qui nous constitue. Cet espace est
porteur d’identité, c’est l’endroit où se forgent les identités les plus fortes. Univers où se
produisent les rapports entre les êtres, les individus, on apprend les grands rapports entre les
catégories signifiantes. On apprend la différenciation entre les sexes, le rapport entre les morts
et les vivants / les ancêtres, la descendance. Apprentissage également de la coopération et de
la concurrence. C’est dans l’univers privé que l’individu a une place, un rapport au monde qui
s’institue. La place de l’individu prend sens.

De plus, les images ont une place essentielle. Chez les Romains, ce sont les mânes (esprits des
ancêtres fondateurs du clan). Un autel particulier est construit avec les masques des ancêtres.

Dans l’absolu, l’univers privé est à l’abri de l’ingérence du pouvoir sauf pour les valeurs
essentielles reconnues collectivement. Dans l’espace privé, le pouvoir n’a pas le droit
d’intervenir sauf au nom de ces valeurs (dicton français : « charbonnier est maitre chez soi »).

Dans différentes sociétés, le privé questionne l’ingérence du pouvoir : au nom de quel droit le
pouvoir estime qu’il est autorisé à intervenir ? Le pouvoir est fondé sur des valeurs
universelles (contre l’inceste, le meurtre…) dans pratiquement toutes les sociétés.

Petit exemple à propos d’une chose naturelle pour nous mais pas pour les Romains :
l’intervention de l’Etat dans l’éducation. Les institutions ont un droit de regard sur l’éducation
donnée aux enfants. Quelles sont les valeurs qui justifient l’intervention de l’Etat dans
l’univers privé ? Les frontières de cet univers sont régulièrement bouleversées par les
technologies de la communication et la question de l‘ordre privé ou public se pose.

ABOTT : évolution du monopole d’intervention dans les choix personnels. Cet univers privé
peut être aussi un enjeu professionnel. Tendance de prise en charge du domaine privé
(coaching, psy…).

- Agora (ou Forum en latin)

Envoie à un univers privé et public. Cet univers est important car c’est ce qui réuni, ce qui
met en commun, ce qui rassemble. Ce sont des lieux de rencontres au sens large, endroits où
des individus privés décident de se rencontrer (coté public). Il y a toujours une place publique
où on se donne rendez-vous dans chaque type de société.

Pourquoi on se rencontre ? Autre niveau de distinction entre les sociétés. On se rencontre pour
échanger des opinions, pour discuter (Habermas). Dans l’univers privé public, il peut y avoir
des échanges idéologiques, philosophiques, politiques. On peut aussi négocier au sens
marchand du terme (forum = foire), on contracte entre individus privés. Ce contrat n’est pas
passé dans l’univers privé car un contrat privé passé dans l’univers privé a peut être moins de
performativité que s’il est placé en place publique. On échange des biens et des idées. C’est
dans cet univers qu’on construit les grandes catégories, les rapports entre des sphères plus
particulières. La sphère de la justice peut intervenir dans cet univers par exemple. La science
également a à vocation d’être publique, tout comme l’art, l’économie et un tas d’autres
mondes. Cet univers est aussi le lieu de confrontation entre ces différentes sphères. C’est dans
cet univers que des individus, des collectifs, des groupes vont se manifester, se signaler en
respectant des règles plus ou moins admises communément. Il y a au moins trois types de
règles implicites et explicitées parfois décidées collectivement, négociées et imposées par le
pouvoir :

 La nature des échanges : qu’est -ce qu’on a le droit d’échanger ?


 La nature des relations, des interactions : on peut avoir quelque chose de
complètement agonal, très violent, conflictuel. Aujourd'hui le combat en duel est
inadmissible. Ou au contraire la coopération peut être présente.
 La nature des engagements : quelle est la temporalité des engagements passés ? Les
obligations ?

Dans cet univers, le pouvoir n’a pas forcement vocation à intervenir, à définir tous ces
engagements. L’intervention du pouvoir doit être légitimée et légitime. Au nom de quel
principe l’état intervient pour régler un conflit purement privé ? Enfin précisons que l’univers
privé « privé » est l’ecclésia.

- Le palatium

L’univers public « public » est le palatium (palace) c'est-à-dire le lieu où est organisé le
pouvoir, où sont définies les règles d’accès au pouvoir, où se passe la compétition politique
soit le monde de la politique, de la police, de la carrière des honneurs (cursus honorum en
latin). Lieu de débat, de discussion, d’élaboration des règles, qui organise l’exécution des lois.

L’espace public, tel que va le définir Habermas, est un intermédiaire entre les deux derniers
univers (Agora et Ecclesia).

2. L’espace public, une définition ?

Pas de définition précise. C’est l’émergence progressive en Europe d’un espace intermédiaire
qui va être un lieu où les opinions privées vont s’exprimer et accéder à une dimension
publique, politique pour définir ce que doit être l’organisation de la société. Cet espace va se
retrouver dans l’espace de deux volonté : la capacité où la société va se penser elle-même et la
volonté de la société et d’un collectif et la volonté des individus à devenir acteurs d’eux-
mêmes et de la société où ils prennent part.

Quand la société se pense « autonome », cela veut qu’elle se donne à elle-même ses propres
règles, notion qui est opposée à « hétéronomie ». L’espacé public est la capacité d’une société
à se médiater (ref. à B. LAMIZET), qui utilise un médium pour se représenter elle-même.
C’est aussi un moyen de s’autolimiter, comme un pouvoir qui se limite lui-même mais en
même temps ce n’est pas un pouvoir absolu. Un pouvoir qui s’exerce d’abord sur lui-même,
avoir une propre réflexivité sur son but et son fonctionnement.

3. Les origines de l’espace public

Origines bourgeoise, libérale et intellectuelle. Tout le monde n’a pas intérêt égal pour que
l’espace public soit une norme. L’espace public a été considéré un moyen de lutter contre
l’absolutisme. Ces élites avaient accès à l’information qui était nécessaire à l’activité
économique. On s’aperçoit, avant le développement de l’espace public, il y avait déjà la
circulation d’informations qui étaient encore privées car distribuées entre les grands
marchands (notion de « nouvelles à la main »). L’espace public est comme la mise en réseau
de ces informations privées et progressivement les catégories sociales qui utilisent cette
information vont la rendre de plus en plus publique et en débattre.

L’espace public implique un type d’individu particulier et qui n’est pas si fréquent que ça. Il y
a une attitude un peu schizophrène des individus présents dans l’espace public. C’est de
confronter des individus issus de l’univers privé pleinement investis dans leur univers privé
mais qui sont capables de d’abandonner tout égoïsme, tout intérêt particulier pour venir
débattre librement d’idées, de conceptions au nom de l’intérêt général. On demande à chaque
individu d’avoir le même mouvement que les bourgeois qui réussissent en affaires et qui ont
accès à l’information et de discuter de ces informations et en quoi elles pouvaient contribuer à
l’intérêt général du collectif. On a un être qui serait omniscient par rapport à sa
compréhension de l ‘intérêt générale mais en fait ce n’est qu’une compréhension partielle et
partial du débat. L’espace public interdit l’idée même d’une privatisation. Il permet d’avoir
cette ascèse personnelle.

Ce n’est pas parce qu’il y a le plus grand nombre qui participe qu’on supprime la domination
d’un groupe dans l’information. Ce n’est pas parce que l’espace public peut exister de
manière formelle qu’il soit étendu à l’ensemble de la société. L’espace public supposerait que
l’Homme est un animal politique qui est intéressé par le débat du vivre ensemble. L’espace
public exclut tout intérêt centré sur le seul univers privé. Proclamé l’idéal de l’espace public
supposerait que la société soit dans une disposition idéale pour participer pleinement.

L’espace public est problématique car il pose la question jusqu’à où l’idéal est appliqué dans
la société.

Problème des statuts des émotions dans l’espace public. Est-ce que l’espace public accepte les
émotions ? L’espace public s’est construit sur une vision particulière de la parole apaisée.
Cela élimine tout le côté animal et émotionnel de la parole et du débat. Il nous oblique à nous
interroger sur l’expressivité des objectivités. Quelle est la figue de l’indignation qui sont
acceptés dans l’espace public.

Cet espace public plébéien oppositionnel ne fonctionne pas de la même façon que cet espace
public bourgeois. Une assemblée générale n’est pas une assemblée parlementaire.

4. La fin de l’espace public ?

Cette fin a plusieurs origines. Un constat idéologique qui tendrait à prouver que l’espace
public a cessé d’exister, l’espace public, si on le considère que le lieu où se forge l’opinion
public, on peut le manipuler. Il n’y a rien de plus facile que de manipuler la foule, une masse.

Constat théorique mené largement par Habermas qui invite à réfléchir sur les lieux du
pouvoir. Dans les arènes politiques, ça reste entre initiés. Le véritable pouvoir est ailleurs que
dans l’espace public. La décision se disperse sur plusieurs instances, il n’y a plus un espace
unique de la décision. Les processus sont de plus en plus complexes et montée en puissance
de la technostructure (ELLUL). Et donc où sont le débat et l’opinion représentée ? Nulle part.
C’est quand il n’y pas de débat public. Il n’y a pas eu de forum démocratique, le débat se
déroule dans une arène. Ce qui souligne la fin de l’espace public, une dévitalisation de
l’espace public comme intense de décision. Pour ELLUL, c’est juste la logique technique qui
fait ça, car il faut des spécialistes, des professionnels et c’est pour ça que les décisions sont de
moins en moins démocratiques. SI on relie ça aux questions économiques, on en fait de plus
en plus une question de spécialistes et le débat est asséché dans l’espace public. A moins de
former l’espace public à ces sujets particuliers en place dans le débat. Donc il y a un
morcellement de l’espace public et on peut voir d’autres lieux de débats naître plus locaux.
C’est la multiplication d’autres espaces publics concurrentiels.

Finalement, on a peut être un paradoxe qui consisterait à parler de l’idée de débat public qui
n’a jamais été aussi développée, valorisée. Une légitimation de la décision politique, la forme
la plus acceptée, passe par le débat. Mais en même temps jamais la décision n’a jamais été
aussi éclatée, les débats s’accompagnent aussi de procédures de plus en plus lourdes. Mais
l’idée du débat, de la discussion doit être spontanée, libre, sans dispositif administratif.
BLONDIAUX a travaillé sur les conseils de quartier qui montre que la routinisation des
instances qu’on crée vient du fait d’une certaine malédiction des structures ayant pour but de
dynamiser le débat. Si on veut réintroduire du dynamisme peut être un processus très violent.
Ces espaces publics que l’on crée correspondent de plus en plus à des dispositifs, qui ont
tendance à encadrer la parole, instrumentalisation de la parole. On demande aux gens de
s’exprimer en respectant des règles et des non-dits. Usage de la parole canalisée alors que la
parole est par définition vivante et spontanée. L’espace public serait donc venu un peu
paradoxal et tous les espaces publics sont condamnés à ça.

BLONDIAUX et les conseils de quartier.

- Il a constaté qu’il y a la question d’une parole octroyée (qui octroie la parole ? Qui met
en place les espaces publics ?), est-ce que les espaces publics sont clairs là-dessus ?
Est-ce qu’on peut parler de tous les sujets ? Il y a un domaine de compétence qui fait
que la parole est plus au moins portée.
- La parole conquise (qui sait mobiliser pour créer un espace public ?
- La parole canalisée, organisée (quelle est organisation du travail de délibération ?)
- La parole banalisée (qui décide de traiter tel sujet ?)
- La parole mobilisée, enrôlée (jusqu’à quel point l’espace de débat sert de champs de
bataille à des luttes extérieures ?) CNDP : nouvelle instance pour faire émerger de
nouvelles idées et de ne pas faire un débat qu’on connaît déjà. Idée d’innovation.
- La parole inégale, critique forte contre l’espace public d’HABERMAS. Il ne suffit pas
de mettre en place un système participatif pour que tout le monde participe avec le
même degré d’investissement. Quelles sont les barrières qui vont dissuader certains de
participer ? Barrière cognitive, langagière et économique. L’offre de participation
n’implique pas une pratique intense.
- La parole absente, avec les personnes qui ne sont pas acceptées ou présentes dans le
débat alors qu’elles peuvent être au cœur du débat. Jusqu’à quel niveau on descend
dans la singularité des participants ?
- La parole euphémisée, interrogation sur tous les mécanismes du politique correct, de
l’autocensure qui vont atténuer la parole. On va éliminer les personnes qui tiennent
des propos un peu trop radicaux. Il y a une modération de la parole. Comment faire
participer les personnes qui s’expriment de façon véhémente.
- La parole discontinué, morcelée, quels sont les mécanismes de relais qui vont
déboucher sur une décision et une action ?
- La parole sans écho, discréditée, cela rejoint la parole absente.

5. L’espace public : une solution possible aux crises de la modernité mise en avant par
Habermas
La modernité est l’accession à l’autonomie, se donner son propre fonctionnement. Avoir
se regard sur soi-même de questionnement sur son propre fonctionnement. Cette
modernité serait en crise : (p8)

Les 4 crises de la modernité mises en évidence par Habermas (60-70s):

 Crise de la sphère économique, de la rationalité économique

Habermas s’appuie sur ses prédécesseurs, notamment Marx, pour souligner que le
développement du capitalisme n’a pas réglé 2 problèmes majeurs déjà constatés par Marx au
19e.

Le premier est l’antagonisme de classe (cependant on peut contester l’existence même des
classes) qui est toujours aussi fort, aussi déterminant, ne serait-ce qu’entre riches et pauvres.

Le second est la création et la répartition de la richesse créée par le travail. Où vont les profits
entre les dividendes, le coût de production, le salaire ?

Le système économique actuel maintient de manière vive ces deux questions. Mais ce
système n’est pas là pour régler ces soucis, ce n’est pas son rôle. Le seul développement
économique ne réglera pas de lui-même ces questions. Cependant, ceci n’est pas le constat
d’une crise en soi : là où Habermas pense qu’il y a crise, c’est là où les solutions envisagées
trouvent leurs limites, se trouvent dans une impasse.

 La sphère économique ne règle pas les soucis par elle-même et les solutions apportées
ont fini dans une impasse.

 Crise de la rationalité politique

On demande à l’Etat de jouer un rôle qui n’est pas le sien. Il y a donc une schizophrénie de la
part de l’Etat. On lui demande d’arbitrer et en même de trancher et de prendre partie. On lui
demande d’être juge et arbitre. Il y a une impasse dans la modernité politique.

Crise de la sphère politique, question de « «qu’est ce que l‘Etat ? Quel est son identité, son
ADN ? ». Deux visions, deux conceptions qui ont encore trouvé leurs limites, elles ne
fonctionneraient plus selon Habermas.

Première vision, un peu Française, Jacobine (Robespierre) : le centralisme. Vision


centralisatrice de l’Etat. A son opposé se trouve la vision Girondine (Brissot) c'est-à-dire une
vision décentralisatrice, fédéraliste, on défend la conception fédérale de l’ordre, pas d’autorité
suprême qui décide à la place des autres, démocratie locale à la base de ce modèle. Le
Jacobinisme est donc une vision où l’Etat est au dessus des partis, il est capable de définir
l’intérêt général de manière totalement neutre et indépendante dans l’absolu. Il est là pour
décider sans tenir compte des intérêts particuliers, il les rejette, il n’est pas là pour les écouter.
L’administration n’est pas là pour écouter les plaintes, les cas particuliers n’existent pas. Ce
modèle est aujourd'hui dans une impasse car imposer l’intérêt général de cette manière est
devenu impossible. Ce modèle de défense de l’intérêt général a donc ses propres limites car
on a de plus en plus de particularisme, on doit prendre en compte les revendications de
chacun.

La deuxième vision est plutôt américaine, britannique qui voit plutôt en l’Etat un arbitre, un
juge médiateur (et non un juge suprême qui va trancher) qui va rapprocher les parties en
conflit. Il cherche à trouver un intérêt général conciliant tous les intérêts particuliers. L’Etat
existe pour favoriser le dialogue entre les communautés et trouver un compromis général.
Sauf que la vraie question est : « qui va trancher ? » : toute décision sera critiquée (si toutefois
décision il y a) : impasse. Ce modèle ne peut fonctionner. Il faut décider à un moment donné
donc il imposera une solution particulière. La démocratie est une tyrannie de la majorité (c’est
donc la pire des tyrannies car la vraie tyrannie, elle, représente une minorité). Ce modèle est
aussi injuste et a ses limites puisque de toute façon il va trancher. Quel va être le sens de sa
décision ? Sa justification ? L’Etat est présent uniquement pour prendre acte des rapports de
force dans la société civile (vision peut être plus américaine que britannique). L’Etat ne veut
pas de guerre civile mais laisse la société débattre entre elle et choisira une des solutions
proposées par la société. C’est injuste car l’Etat n’est que spectateur, il n’arrête pas les
« combats », ne prend pas parti donc si il y a un rapport de force inégalitaire, aucune
intervention, il ne tirera qu’une conclusion.

 Crise de la décision politique, de cette institution surplombant tous les individus et


tous les collectifs. Remise en cause de l’Etat.

 Crise de la légitimation sociétale (de la légitimation des actions collectives)

Habermas a été un des premiers à souligner que nos sociétés ne produisent plus vraiment de
consensus sociétal. Pourquoi ? L’Etat, qui aurait pu être présent pour décider du consensus,
n’est plus légitime, on n’a plus d’instance suffisamment forte pour décider et imposer ce
consensus.

Quelles étaient ces instances fortes qui imposaient le consensus ?

- L’Etat : de moins en moins légitime dans son rôle


- La tradition culturelle : modèle des sociétés archaïques. Mais aujourd'hui, plusieurs
cultures cohabitent donc difficulté de consensus.
- Les partis politiques : perte de vitesse
- La famille & l’école : elles éclatent
- Les industries culturelles, les grands médias : ne participent plus aux débats, ils ont
cédé au principe de la marchandisation, on bascule de l’information à la
communication. Accent sur le spectacle. On ne forme donc plus les citoyens.
L’information est « spectacularisée » car elle se vend, course à l’audience.

On a aussi, depuis cet accès renforcé aux moyens de communication, la possibilité de


dénoncer la décision et le mode de production du consensus (théorie du complot).

 Crise de la motivation psychologique (évoquée par Daniel BELL)

On ouvre sur une crise des valeurs européennes. Quelles sont les origines de ces valeurs ?
Idée d’une réalisation de soi en tant qu’individu (la culture européenne au sens large proposait
un modèle de réalisation de l’individu en tant que personne à part entière). On accède à cette
réalisation par le travail, l’effort individuel, par la performance et finalement par
l’individualisme. Ce modèle d’achèvement de l’Homme européen est porté par différentes
traditions qui, d’une manière ou d’une autre, parvenaient à la même conclusion, au même
modèle de perfection humaine individuelle. On arrive très rapidement vers un hédonisme, un
plaisir immédiat qui n’est pas forcément mobilisatrice. On ne peut plus mobiliser les
individus.

On a tout d’abord la tradition religieuse (éthique protestante, M. Weber) qui voit le signe de
salut céleste dans la réussite terrestre. Tradition politique aussi, tradition libérale. Du fait de
l’appartenance à l’espèce humaine, on a des droits, notamment des droits permettant de se
perfectionner du point de vue individuel. Le socialisme aussi aspire à un perfectionnement
humain : à l’issue de la dictature du prolétariat se trouve un Homme nouveau, pleinement
capable de reconnaitre l’autre dans son individualité, il ne verra pas un autre animal
économique mais un individu à part entière. Dernière tradition : la tradition sociale et
culturelle. Comment met-on en avant la perfection humaine ? Par la culture de métiers, le
métier est un perfectionnement individuel. C’est un peu le modèle des compagnons du Tour
de France, des corporations. Concernant la culture, c’est le modèle du roman, du style
épistolaire (l’auteur dit « je » dans son roman, il n’y a pas plus individualiste que quelqu’un
qui raconte sa vie).

L’idéal d’Habermas est que par l’espace public on ait une vision instrumentale de la
cohabitation par laquelle on a une vision stratégique de la communication. Il l’appelle à l’agir
communicationnel qui a un seul but qui est l’incompréhension. C’est en multipliant les
espaces d’intercompréhension qu’on pourra recréer du consensus.

6. Espace public comme fait anthropologique

Maintenant en tant que catégorie politique

Le rapport entre les sphères anthropologique détermine des types de régimes politiques.

La démocratie directe c’est l’espace public-public qui appartient à tous et les instances sont
accessibles à tous. Pas de compétition politique préalable pour accéder aux instances du
pouvoir. A Athènes tout n’était pas tiré au sort mais certain oui. L’éducation des citoyens et le
détachement du pouvoir. Pratiquée dans aucune démocratie moderne (ou peut être à Genève
ou à Oslo). L’univers public² appartient à tous les individus. L’organisation de la compétition
politique n’est pas. On a réussi à construire une société, à former les individus de telle
manière qu’ils puissent accéder spontanément à toutes les fonctions politiques. On estime que
tout le monde est compétent pour exercer les fonctions municipales, nationales. Cela suppose
une formation, une éducation et un rapport au pouvoir très particulier. Modèle hypothétique et
théorique.

Totalitarisme : selon Castoradis on est dans un régime totalitaire lorsque l’univers public-
public l’ecclésia étend ses pouvoirs aux deux autres univers. « Big Brother » le pouvoir est
partout. Ces lieux de pouvoirs sont privatisés monopolisés par un appareil idéologique ou pas
une organisation. Cette organisation qui monopolise peut être de différentes origines,
essences, obédiences logiques. C’est un seul parti politique, souvent une secte, une origine
sociale, une classe prolétariats, universitaires, un clan. Origines ethniques, raciales,
distinctions physiques etc. Logique économique ploutocratie, le pouvoir appartient à ceux qui
ont l’argent, idée du suffrage censitaire. L’univers public et privé se décide dans l’Ecclésia.
Absence de société civile. Encadrer la société et les individus. De plus cet univers public² est
monopolisé par un groupe, une catégorie. L’univers public² est contrôlé par des instances. Ce
monopole de l’univers public² se contrôle par des appareils idéologiques d’Etat (cf. Gramsci,
un marxiste italien) ou encore par des sectes, des grands prêtres (cf. Egypte pharaonique) etc.
Il existe plusieurs logiques : logique politique (clan, mouvement politique) ; logique sociale
(prolétariat…) ; logique économique (ploutocratie : monopole par les riches…).

L’absolutisme. Une intervention plus modéré dans l’agora. Un univers public-public est
moins soumis à l’influence d’une seule personne. Dans ce type de régime, l’univers privé
reste indépendant et autonome. L’univers public reste moins soumis à une instance (à un
appareil idéologique d’Etat) que dans un régime de dictature. L’intervention dans la sphère
privée ne peut se faire que relativement modérément et, la plupart du temps, cette intervention
se fait au nom d’un principe supérieur (exemple : au nom du Prince…). L’arbitraire est un peu
plus justifié.
Pseudo démocratie, ou encore démocratie procédurale, libérale, parlementaire. On fait ce
que l’on veut dans le domaine privé (relative autonomie). Relatif éclatement de la sphère
publique en différents lieux, en différentes instances où l’on essaie de partager le pouvoir : on
peut parler d’espace public mosaïque.

L’autonomie de l’univers privé est très souvent voire tout le temps garantie par des textes
fondateurs qui déterminent des droits imprescriptibles, inaliénables (une constitution, une loi
fondamentale, une charte, l’habeas corpus…). L’univers public² s’engage à défendre, à
protéger l’univers privé et les droits individuels associés à cet univers. Ces droits sont
classiques : liberté de pensée, d’expression, d’association…. Cela passe par une organisation
politique particulière qui est celle de la délégation, elle fait appelle à une médiation politique,
au principe de gouvernement représentatif. Tous les grands philosophes, tous les grands
penseurs politiques du 18e ont toujours utilisé le terme de démocratie pour parler de la
démocratie directe. Du point de vue philosophique, nous n’avons pas cette même démocratie.
Les grands penseurs du 18e ne parlaient pas de démocratie mais de gouvernent représentatif. Il
y avait une forme différente de ce qu’ils appelaient démocratie. Ce gouvernent fonctionne
autour de 4 grands principes : l’espace public comme Habermas. Tiré du livre de Bernard
Manin :

- Election des gouvernants : chaque citoyen exprime ses préférences et choix à


intervalle régulier et désigne pour une durée déterminée. Ces représentants vont
résoudre des problèmes en respectant ces principes. On crée une compétition politique
pour la détention provisoire du pouvoir. Comme elle n’est pas individuelle, certaine
annexion et de privatisation.
- La marge d’indépendance des représentants. Les promesses n’engagent que ceux qui
les croient. Le gouvernent représentatif interdit quelque chose le mandat impératif. Le
représentant a le droit de ne pas appliquer le programme qu’il avait prévu.
- L’opinion publique est libre. Dans l’intervalle du mandat n’est pas réduite au silence.
Une épreuve d’opinion publique. Normalement toutes les décisions de caractère public
doivent passer l’épreuve de la discussion. Donc délibération donc débat donc espace
public. Bonne décision par la délibération. Il faut produire de la généralité.

Ces quatre principes vont se cristalliser dans des formes différentes et à chaque fois, les
principes sont déclinés de manière différente.

Parlementarisme Démocratie des Démocratie des


parties publics
Epreuve de la Le débat La négociation du La discussion
discussion parlementaire parti médiatisée et
médiatique
Election des Confiance édilitaire La fidélité partisane La confiance
gouvernants situationnelle
Indépendance La liberté de La discipline de vote L’engagement
relative des conscience et de et les priorités du personnel
gouvernants jugement programme
Liberté de l’opinion L’expression des Le clivage partisan La fabrique de
publique mécontentements structurant l’opinion mouvante

Cette métamorphose particulière a connu son apogée à la veille de 1914-1918 (mais on la


retrouve encore aujourd'hui). Comment ces 4 principes de gouvernement représentatif se
déclinent dans cette forme parlementaire ?
Election des gouvernants : confiance édilitaire. L’élection se fonde sur un rapport de
confiance du citoyen électeur. Cette confiance édilitaire repose sur trois éléments :

 Une relation personnelle (il faut l’avoir vu une fois dans sa vie pour lui faire
confiance, relation de proximité),
 Une notoriété immédiate (sans véritable ou peu d’intermédiaires ou alors que l’on
connait directement),
 Une certaine forme de déférence (il faut le respecter).

Logique des édiles, des personnages qui gèrent une commune et qu’on connait, qui sont
accessibles voire même issus de sa communauté d’appartenance. Les gens portés à la
représentation politique sont des gens qui vont émerger par leurs relations sociales, leur
implantation ou en fonction de leur insertion dans le tissu social : le prêtre, le notable, le
châtelain, le médecin... On place sa confiance dans ces individus par pour leurs actions
politiques mais parce qu’on estime qu’ils sont dignes de confiance et que leurs compétences
développées hors politique sont suffisantes pour qu’ils puissent décider à notre place.

Marge d’indépendance : liberté de conscience et de jugement. Cela se résume par la liberté de


vote mais ce n’est pas le modèle actuel du Parlement : ici, chaque élu a sa liberté de vote, pas
de consigne de parti. Notre vote ne regarde que nous. La marge d’indépendance est
maintenue mais évoquée par rapport à une stratégie. Certaine forme d’incertitude puisque la
liberté de conscience est réduite. Le parlement perd de sa fonction. On glisse vers une
application à la carte du programme politique. C’est pour éviter le blocage permanent avec
l’opposition voire à des manifestations dans la rue. C’est pour des considérations internes,
d’un jeu d’alliance qui n’ont pas envie que tout le programme soit appliqué. Lié à l’actualité,
à l’événement, la particularité du monde politique où le programme n’est plus adapté à la
situation actuelle. L’environnement économique, social et international rend difficile
l’application u programme dans son intégralité.

La liberté d’opinion publique : si on est un entrepreneur de cause public, on doit passer par la
médiation des partis pour soutenir la mobilisation de l’autre, c’est entrer dans la grille de
lecture des partis politiques. Il va falloir produire un clivage structurant. Ca favorise un agir
plutôt stratégique de certain entrepreneurs qui maîtrisent mieux réseaux et les bonnes formes
de mobilisation, un agir instrumental. L’enjeu c’est de trouver le bon clivage qui séduira les
partis politiques. Qu’est ce qui peut encore aujourd’hui cliver l’opinion ? Notre entrepreneur
doit se muer en stratège et créer sa propre structure de relai éventuellement partisane et
associatif. Logique organisationnelle beaucoup plus forte dans le modèle démocratique des
partis. Les partis politiques vont aussi encourager leur propre relai et déployer leur antenne
dans des associations, dans l’opinion publique.

Epreuve de la discussion : Comme son nom l’indique, le modèle parlementaire se caractérise


par le débat parlementaire, épreuve de négociation à l’intérieur des organisations politiques.
C’est au Parlement, dans son enceinte sacrée, que va se former la volonté commune, endroit
où chaque élu va décider en son âme et conscience après délibération. Dans l’absolu, un élu
peut changer d’avis dans l’instant magique de la délibération. L’élu ne se sent lié par aucun
engagement vis-à-vis de ses électeurs. Signifie aussi que, du point de vue des électeurs,
comme on n’a pas forcement une opinion sur tous les sujets, on choisi quelqu’un en lui faisant
confiance pour qu’il décide à notre place. Les édiles sont capables de décider sur des sujets
que les électeurs ne connaissent pas. Tout se joue dans le débat du Parlement.

Cette métamorphose est récente. Pourquoi a eu lieu cette métamorphose ?


- Fin des idéologies et des grands récits unificateurs. Il n’y a plus de grands consensus
globaux. Self-Service idéologique.
- Eclatement de la sphère médiatique et de la diversification de l’offre médiatique et
marchandisation.
- Emancipation du vote, découplage du vote lié à la rupture des idéologies. On ne vote
plus selon son appartenance sociale, sexuée, régionale, ethnique et par rapport à la
génération.
- Le repli sur la sphère privée de la part des citoyens moins mobilisés par la vie
publique.

Principe de l’élection des gouvernants et la confiance situationnelle. Il y a donc un électorat


volatile, mouvant se mobiliserait selon 2 critères essentiels :

Détermination du vote selon la personnalisation de l’offre politique. C’est une conséquence


de la marge d’indépendance. Les électeurs savent très bien que les programmes ne seront pas
appliqués et on vote plus pour une personnalité que pour un programme. Incapacité des
structures à appliquer les programmes, à prendre en charge les problèmes nouveaux. Cette
confiance en cette personnalité selon une configuration de la situation que le vote va se
cristalliser. Chaque élection devient particulière, il n’y a plus de logique de vote d’une
élection à une autre et tout se joue à ce moment là. Tout peut se configurer selon l’agenda du
moment. On voterait de plus en plus pour l’homme ou la femme de la situation qui se serait
capable de faire des choix dans différents sujets, définir une programmatique qu’un
programme. Avec une capacité de sortir du schéma traditionnel et de s’adapter à la situation
actuelle. La marche d’indépendance. Elle se situe de plus en plus sur l’engagement personnel
du représentant, dans la capacité des représentants à configurer les situations, à saisir
l’opportunité des situations, avec plus la figure mobilisatrice d’un réseau. Principe de la
liberté d’opinion publique et de l’opinion mouvante qui intervient de plus en plus dans la
mobilisation à travers par exemple les sondages et d’autres outils de communication. Il faut
pouvoir légitimer sa cause en montrant que l’opinion est mobilisée et concernée par sa cause
et qu’il y a déjà une prise de conscience à travers les sondages. Il a raison car l’opinion pense
comme lui. Une fait une médiation en miroir vis-à-vis de l’opinion. Principe de l’épreuve de
la discussion : c’est une discussion médiatisée et médiatique. Le débat se place directement
devant l’opinion publique via les médias avec peut être un formatage.

II. Les principales critiques contre le gouvernement représentatif

La question de la passivité du citoyen, on se décharge sur nos représentants et on participe


que pendant la période électorale. Il n’y pas d’engagement politique.

La question de l’agrégation des préférences individuelles. L’idée que l’intérêt général n’est
pas un choix vraiment collectif puisque on agrège un choix individuel. On demande à chacun
de faire un choix individuel pour faire un choix collectif. Ces décisions individuelles reposent
sur l’intérêt particulier, sur le calcul individuel et à partir de ça, on fait un choix collectif.

La question du pluralisme des opinions ou de la représentation des minorités. La


démocratie repose sur la majorité. Comment une opinion minoritaire peut être considérée
alors qu’elle est minoritaire ?

L’étouffement factice des intérêts particularités (BESSETIE). Le gouvernement


représentatif demande, à cause de l’espace public, de monter en généralité un intérêt
particulier. Ce critère refoule, exclut des individus et donc un double filtre par rapport aux
intérêts particuliers avec l’obligation de trouver des représentants et de former des
représentants. Ce double filtre est artificiel. Si on construit cette démocratie participative on
prend plus en compte les intérêts individuels.

Agir dans un monde incertain (BARTHE, CALLON, LASCOUMES) : délégation qui


entraîne une séparation entre représentant et représentant. Cette délégation provoque des
réductions, des simplifications :

- Exclusion de tous ceux qui ne sont pas appelés à voter


- L’assimilation du collectif à des individus autonomes
- Réductionnisme conceptuel : toute la complexité du choix est réduite au choix d’un
candidat
- Réduction d’une nation, d’un collectif à ses seuls représentants élus, voire un seul
représentant.

Distinction entre profane et expert : de faire un parallèle entre la délégation politique et une
délégation plus technique. Nos choix sont de plus en plus des choix techniques qui sont
débattu par des experts. Le profane a été dépossédé de certains sujets par des experts. Il y a de
plus en plus d’écart entre profane et expert. On a une science technique isolée dans les
laboratoires et coupée du terrain. Comment rapprocher ces deux paroles ?

a. Alternatives complémentaires

Très théoriques et normatives et en même temps très pratiques, liées à des expérimentations
de terrain.

La démocratie directe qui permet à chacun de participer et d’agir et d’exercer pleinement


une responsabilité politique. Chaque citoyen participe directement à des sujets qui le concerne
personnellement.

La démocratie délibérative qui remet à sa place la délibération. La délibération est au départ


de tout. La délibération est le cœur de notre quotidien du plus grand nombre (/Habermas et
l’agir communicationnel). L’enjeu n’est plus l’élection mais la formation de l’opinion, c’est le
temps qu’on prend former, mettre en forme l’opinion. Participation à une solution par chaque
citoyen.

La démocratie participative : aspect plus communautaire. Redonner du pouvoir


(empowerment) à la base. Créer une communauté où tout le monde participe, décision prise
par les citoyens et non pas par les représentants. Il y a des contraintes formelles fortes, une
organisation forte et des procédures plus participatives qui se collent à d’autres procédures.
Quelle est la place du représentant ?

Reflexion Questionnement Debat Décision Action

Public Gouvernement représentatif

Démocratie délibérative Démocratie Parlementaire

Les modalités pratiques et concrètes des nouvelles procédures démocratiques


LASCOUMES / CALLON / BARTHE

Il y a le souci de lutter contre l’idée que le débat est forcément négatif, une controverse
terrible. Réhabiliter le rôle de la controverse et donc accepter que le débat soit nécessaire
quand il y a un choix de la vie en société. Les blocages ne sont pas que des blocages de
communication. C’est aussi une façon d’accepter la contradiction et c’est une façon de
renvoyer les opposants à des personnes irrationnelles. Les opposants ou qui invoques un
principe de précaution ne sont pas des gens irrationnels. Ils vont contre certains syndromes
NIMBY, BANANA et LULU. Il y a aussi derrière l’idée de la communication de
l’acceptabilité. On est dans paradigme que celui de la communication.

NIMBY : not in my back yard (pas dans mon jardin)

LULU : locally wanted land use (la volonté de ne pas utiliser un territoire) Sacralisation,
sanctuarisation de mon territoire

BANANA : Built absolutely nothing anywhere near anything

Ce n’est pas avec la communication qu’on résout ces problèmes. L’objectif du débat n’est pas
de reproduire une situation qui est déjà bloquée d’avance. L’enjeu du débat n’est pas de savoir
qui va gagner. On peut trouver plein de procédure et de solution techniques mais il faut
respecter un certain nombre de principes.

Forum hybride : actants humains et non humain entre des experts et des profanes.

Quelques procédures qui relèvent de ce forum hybride :

- Focus group ou groupe de discussion : inventé par les communicants militaires


pendant la seconde guerre mondiale. Test des films de propagande. Cible les publics et
on teste quelque chose et ensuite discussion et débat. Cette technique va être
largement réutilisée en marketing pour connaître le goût des utilisateurs mais aussi en
politique pour tester les programmes. On l’utilise aussi en aménagement et en
construction et d’urbanisme. 100 mille focus group par an aux USA. Ce sont des
groupes de petites dizaines de personnes recrutées par téléphone sur tirage aléatoire,
2H maximum par session, une fois par semaine maximum, dans un lieu neutre pour ne
pas créer des biais et un animateur neutre. Possibilité d’utiliser des supports de
communication plus importante et plus facile. Possibilité de produire des documents
pendant le focus.

Avantages :

 Tenir de l’hétérogénéité des publics.


 Dynamique de groupe qu’on peut utiliser que ne permettent les sondages quantitatifs
classiques.
 On peut travailler sur de l’émotion ou libérer la parole.
 Faire produire des innovations, des solutions, des productions de la part du groupe lui-
même.
 Coût réduit
 Une bonne transparence
 Une bonne traçabilité et un bon suivit

Inconvénient :

 Pas de remise en cause du caractère délégatif


 On peut avoir des focus group sans demander d’innover
 Pas forcément de nouvelles opinions, pas d’approfondissement possible
 Le focus risque de reproduire des schémas, des identités, des points de vue éjà connus
d’avance.

- Les conférences de consensus. Certaines entreprises ont soumis leur éthique. Le


Danemark, L’Europ, les Usa, le Japon. Fort développement depuis les années 2000.
Organisation de débats citoyens qui peuvent être portée par une entreprise. Utilisée
pour les grandes réformes ou les grandes décisions politiques internationales.
Protocole de Rio sur la réduction du CO² : 20 panels de 20 personnes qu’on va former
sur les enjeux du débat. Préparation sur 3 scénarii prospectifs sur lesquels devaient
débattre les personnes convoquées dans les panels. Les personnes qui débattent
remettent en cause les scénarii proposés et arrivent à trouver 53 scénarii différents et
à les examiner. Conclusion : on ne peut pas parvenir à une réduction des émissions,
et donc le protocole ne peut pas être appliqué à une échelle locale (on passe de 25% à
13%). Le résultat n’est jamais connu à l’avance, il y a une grandeur à assumer cette
incertitude. Les conférences sont mobilisées pour les grands sujets qui comportent un
grand degré d’incertitude. Volonté d’intégrer les citoyens dans le débat. Etablir une
cartographie quasi complète de l’ensemble des points de vue stabilisés voire
émergents. Tout point de vue sont traités à égalité, toute parole vaut les autres paroles.
Objectif d’éclairer les décideurs sur tous les enjeux portés par les citoyens. Comité de
pilotage élabore une plateforme de discussion et de débat. Cette plateforme est
soumise à plusieurs groupes de citoyens plus ou moins segmentés et ciblés. Citoyens
toujours tirés au sort et formés au débat.

Avantages :

 On va neutraliser les calculs, les marchandages et les enjeux politiques classiques.


 Qualité des débats et d’écoute
 Minimalisation, réduction des inégalités d’accès au débat.
 Traçabilité des débats

Inconvénients :

 Question de la participation des non-participants n’est pas réglée


 Application du consens, comment l’applique-t-on ?

- Instances consultatives. Avant de prendre une décision, on va consulter. On a toutes


les enquêtes préalables, déclaration d’utilité publique, qui sont ouvertes au public qui a
envie de se mobiliser pour intervenir (10 à 15 mille enquêtes par an en France). Avis
consultatif. Ce n’est pas forcément très participatif, qui favorise les groupes de
pression qui sont déjà organisés (Arène). Commission Nationale des Débats Publics
(CNDP), 1995. Essayer de faire une consultation en amont des grands projets ou des
grands choix. On n’est pas dans la production de consensus, on en arrive à une
cristallisation des débats et des arguments déjà connus d’avance. Parodie de débat.
Comité d’Usagers et les Etats Généraux : trouver d’autres formes de médiation pour
essayer de comprendre les problèmes, connaître les points de vue. Réduire la distance
entre les représentants et les représentés.

Avantages :

 C’est la seule consultation prévue par la loi


Inconvénient :

 Pas très délibératif


 Il n’y a pas de discussion et pas d’émergence d’idées nouvelles
 Il n’y a pas formation au débat

Toutes ces procédures ont pour objectifs de réduire la distance entre le représentant et le
représenté pour produire de la coopération et des connaissances nouvelles ainsi que des
identités nouvelles. Si un forum fonctionne bien c’est qu’il a réussi à faire émerger des
groupes qui n’existaient pas.

Les forums hybrides essaient de réaliser en quelques semaines une transformation, pour qu’un
collectif puisse naître, qui n’existait pas avant. Construire un collectif ouvert, ça suppose
qu’on le réaliser en quelques semaines là où il faut 10-15 ans en temps normal. Le budget
participatif est là pour faire naître une identité, un collectif qui n’existait pas avant. Faire
émerger des leaders, susciter ce type de démarche, qu’on n’avait jamais demandé avant.

b. Phases de la création d’une association, à travers le forum hybride.

AFM : Besoin d’être reconnu car nier par la double délégation « représentant-représenté » /
« expert-profane ». Il fallait reconnaître la question de la singularité (KARPIC, HEINICH).
La communication est de la singularité, c’est de mettre en avant notre particularisme, c’est la
rencontre entre 2 altérités. La médiation n’a pas ce côté mutilant qu’a la communication. Il
faut trouver d’autres procédures, d’autres mécanismes pour trouver des représentants. Il
faudrait une autre médiation que celle de la double délégation qu’on connaît aujourd’hui.
Comment l’opinion publique myopathe peut s’exprimer ? Il faut faire une fabrique de
l’opinion. Le forum hybride est pour éviter pour passer par l’expression des mécontentements
et de la fabrique des opinions. Convaincre l’opinion publique qu’il y a un problème, qu’il y a
une souffrance. Et donc à l’issue de cette première phase, il y a eu une reconnaissance car tout
le monde s’est engagé.

La deuxième phase c’est une phase d’élargissement et d’ouverture du collectif, sur une
identité qui peut être exclusive. L’idée du forum hybride est de passer à une phase deux où il
y a un élargissement, une ouverture. Il faut que l’AFM prenne aussi les autres maladies
orphelines. On peut appliquer ce schéma à une analyse institutionnelle. C’est une tension
dialectique, il y aura toujours des gens qui diront qu’on doit efficace. Et donc il y a des
problèmes d’organisation interne. Et d’autres vont dire que ce n’est pas un problème de
moyens, mais un problème du déroulement des missions et des projets.

La troisième phase où on intègre de cette dynamique dans le fonctionnement même du


collectif de cette ouverture permanente. On est dans la théorie de l’analyse systémique. Mais
one ne peut pas être représentant de tout. Il faut qu’il y ait une limite. Elle se symbolise par
l’association AIDS qui est représentée une femme hétérosexuelle non contaminée par le
SIDA. Monter en généralité pour gagner en puissance et en visibilité.

6 critères d’organisation et de mise en œuvre :

 L’intensité de la remise en cause de la délégation, de la double séparation. Le Web


2.0 est aussi dans cette problématique. C’est comment on fait travailler ensemble
profanes et experts, les représentants et les représentés. Comment organiser les
échanges ? Est-ce qu’on est vraiment dans le participatif ? Ce n’est pas en faisant une
Fête de la Science qu’on réduit cet écart, c’est juste de la communication. Science
participative, on ne choisit pas les programmes de recherches mais on participe
seulement. Il faudrait que les profanes décident des programmes des experts, mais
c’est une chose qui est impossible. Contrôle de la représentativité des porte-paroles.
Comment on accepte aussi à l’intérieur d’un groupe la différenciation.
 L’intensité de la procédure d’ouverture du dispositif. Indépendance des collectifs
déjà présents et la question de la représentativité, du contrôle des porte-paroles.
 La qualité des débats et des échanges (BLONDIAUX, BRETON,
DACHEUX).Pragmatique du langage (GOFFMAN). Théorie de l’agir
communicationnel (HABERMAS), qui nous apprend la qualité dialogique, la validité
d’un débat. Qualité de l’intercompréhension.
- Exactitude (vérité) qui s’appuie sur des faits objectifs, on ne peut pas être
incohérent. Univers des scientifiques qui structure cet aspect.
- Il faut que le discours soit juste par rapport à des normes, par rapport à
des valeurs légitimes. Univers des moralismes, des sociologues.
- Sincérité / authenticité. Monde de l’art, le monde des émotions.
 Critère de l’égalité à l’accès au débat. C’est l’enjeu, il ne faut pas prendre seulement
prendre ne considération du temps de parole. Il faut être conscient des barrières à
l’entrée de notre dispositif. Quelles sont les compétences nécessaires qu’on doit avoir
pour accéder au débat. Savoir qui doit être distribué dans une procédure. Travail de
médiateur.
 La transparence. Les dispositifs ne peuvent réussir que s’il y a un minimum de
transparence. Mais WOLTON pose les limites de la transparence car on ne peut pas
tout dire, il y a des choses qui doivent rester sous silence. Traçabilité des échanges,
des débats et des interventions. Visibilité et intelligibilité de la procédure.
 La clarté, la publicité des règles et des procédures. Capacité de s’approprier le
dispositif.

c. La notion de sphère professionnelle et espace public.

Le monde de l’entreprise, mais pas forcément au fonctionnement d’une entreprise. Univers


des professionnels. Est-ce que c’est compatible avec l’espace public.

3 régimes d’articulation entre les 2 :

 Séparation absolue entre l’espace public et la sphère professionnelle. Les employés


étaient considérer comme appartenant au chef d’entreprise. Aucune intervention
extérieure n’était acceptable (naissance du paternalisme). Le problème de la place de
la sphère privée est encore aujourd’hui récurent.
 Fin du compromis Fordiste (1848-1980) Début du droit du travail en France. On n’a
pas le droit de faire ce que l’on veut dans la sphère professionnelle. Espace public
oppositionnel avec une fonction tribunitienne. Droit de regard partiel de la société
civile sur la sphère professionnelle. Confrontation qui marque les mouvements
syndicalistes. Convention collective qui s’organise à l’échelle d’une branche, d’un
secteur d’activité. Rôle de l’Etat de permettre la négociation dans cette sphère
professionnelle. Création d’un espace public car négociations, débats et les conditions
de travail.
 Interpénétration entre les deux sphères (1973). La sphère professionnelle va
intervenir dans la sphère publique et on pas seulement du point de vue
communicationnelle. Re-légitimer la sphère professionnelle avec de la communication
d’entreprise. Réorganisation de l’entreprise avec plus de participation de la part des
salariés. Intervention massive de la sphère professionnelle dans la sphère publique
dans les technique de discussion et de penser de l’économie appliquée à la politique.
Un bon politique doit être un bon gestionnaire. On fait un débat comme on gère une
entreprise. Mobilisation des technologies symboliques (budget, pensées) qui vont
pénétrer dans l’espace public dans la façon de penser la société. L’Etat devient
séducteur. L’entreprise est entrée dans l’ère des relations publiques.

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