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La relation au travail chez les jeunes est l une des principales préoccupations de
notre société, comme les nombreux articles de presse à ce sujet en témoignent l intérêt.
Ainsi faciliter l intégration des jeunes professionnels devient un enjeu majeur partagé
par le milieu hospitalier. Pour comprendre ce phénomène et pour répondre à cette
interrogation, il est nécessaire de mobiliser des connaissances en psychologie sociale et
sociologie de la jeunesse. Après avoir identifier les difficultés d exercice des jeunes
infirmiers, nous développerons les apports de la psychologie sociale dans la pratique des
cadres pour faciliter leurs intégrations.
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FISCHER Gustave Nicolas, « Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale », DUNOD, Paris, 2003, p 68
Les phénomènes cognitifs des professionnels guident leurs pratiques, engagent leur
appartenance à une unité de soins et influent sur leurs interactions sociales. Le cadre de
santé par l apport de la psychologie sociale peut détecter et comprendre ces phénomènes
afin d améliorer au sein de son équipe les relations de travail et dynamiser les potentiels
humains.
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Laurent POSTEL sous la direction de Jean Paul LASSAIRE, psychosociologue, « Jeunes infirmiers en réanimation : Réalité et
reconstruction identitaire », mémoire présenté pour l obtention du diplôme de cadre de santé
Laurent POSTEL / Cadre de Santé CH CAMBRAI / laurent.postel@wanadoo.fr 2
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LASSAIRE Jean-Paul, « Les théories métisses des éducateurs : savoirs professionnels et représentations », L harmattan, PARIS, 2004,
288 p
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pour lesquels le consentement mutuel doit être obtenu. Dans ces situations le savoir
savant subit une érosion qui encourage ces professionnels à modifier leurs
représentations pour légitimer leurs pratiques, réduire la dissonance et reconstruire un
réel acceptable. On peut sans doute appliquer ce même processus aux infirmiers. En
effet, ces jeunes professionnels peuvent effectuer une recomposition identitaire en
s appropriant de nouvelles normes, en les hiérarchisant et en trouvant un nouvel objet à
leurs pratiques. Cette étape, importante dans la construction identitaire, a comme
nécessité de se recomposer une idée de soi en regard de nouvelles normes. « Si les lieux
de la pratique ne sont pas les espaces du savoir savant, ils constituent toutefois des
réseaux d échanges et de production de savoirs. Indigènes et historiques, simplifiées et
hétérogènes, ces connaissances s élaborent, se diffusent et s affrontent en générant des
recompositions acceptables de la réalité au regard de la position occupée »4.
En conséquence, le cadre doit prendre conscience que pour ces raisons, la
socialisation coûtera psychologiquement pour l agent et sera plus ou moins longue.
Dans ce sens, il doit être vigilant lors d arrivée de nouveaux venus pour détecter les
probables recompositions identitaires, en regard d écarts de pratiques entre les normes
du service et des identifications antérieures. Il se doit alors de repérer les agents en
difficultés face à ces discordances et de les accompagner dans leur construction
identitaire. Il peut alors solliciter l intervention de professionnels extérieurs au service
pour que les agents expriment leurs difficultés et objectivent leurs pratiques afin que
leur conception de l exercice professionnel soit proche de la réalité.
Lors de la socialisation secondaire chaque individu manifeste des besoins identitaires
pour obtenir une reconnaissance professionnelle. Le fait de reconnaître les besoins
identitaires d un agent permet au cadre de l accompagner dans cette démarche, de
l encourager, le valoriser et faciliter son intégration professionnelle. Par ailleurs, la
connaissance du fonctionnement du groupe facilite la détection des phénomènes de
normalisation et de « sanction » de l équipe inhérent à la socialisation professionnelle.
En définitif, l apport de la psychologie sociale donne au cadre les moyens
d améliorer l environnement du travail, de diminuer la charge mentale des individus
générée par les relations entre collègues et les dissonances cognitives. Cette approche
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LASSAIRE Jean-Paul, op.cit. p 260
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DEBERDT Jean-Patrick, « Crise des valeurs, valeur de la crise », SOINS CADRES, n°53 février 2005
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DEBERDT Jean- Patrick, op.cit.
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pour beaucoup d individus ne pouvant plus assurer leurs besoins essentiels. Ceci a eu
pour effet de valoriser la sphère privée au détriment de l investissement dans le travail.
En effet, le souci de réussir sa vie et de véhiculer une image positive est devenu
primordial face aux impératifs professionnels. On est de moins en moins prêt à sacrifier
sa vie personnelle pour son travail.
Ces bouleversements de la société n ont pas fait disparaître les valeurs mais ont
plutôt modifié leur manifestation et leur hiérarchie. La société actuelle privilégie plus la
performance, la liberté, la réussite, la notoriété plutôt que des valeurs traditionnelles
comme l honneur, le travail, le respect, la persévérance et la ponctualité. Cette crise des
valeurs trouve donc son origine dans un changement de celles-ci plus que sur leurs
absences. En effet, nous sommes actuellement dans une société qui tolère de moins en
moins les différences, les autres convictions et habitudes. C est sûrement dans cette
intolérance que se trouvent les raisons de cette crise. Cette montée de l intolérance est
induite par l exacerbation de la compétitivité, le vieillissement de la population qui
renforce le repli sur soi et la nostalgie, ainsi que l effondrement des idéologies
caractérisé par la perte de perspectives. En conséquence, cette évolution de la société a
modifié les attitudes et les comportements des jeunes individus notamment en matière
de travail.
Comprendre les attentes des jeunes professionnels
Les cadres de santé doivent alors prendre en compte ces évolutions et les intégrer
dans leurs pratiques managériales pour faciliter « la rencontre » de ces jeunes avec
l institution.
Dans un premier temps, il est nécessaire de comprendre l univers mental de ces
jeunes individus. Hervé SERIEYX7 décrit que les jeunes d aujourd hui « ne sont pas
nous en moins vieux car ils ont été structurés dans un autre environnement ». La
préoccupation du cadre est alors d identifier et de comprendre les motivations, les
attentes des jeunes, et non de chercher à les conformer aux normes des générations
précédentes. Par cette approche, le cadre peut détecter leurs systèmes de valeurs, leurs
représentations de la profession afin de percevoir leur manière d appréhender le travail.
Ces évolutions dans l approche du travail font que les jeunes recherchent un meilleur
équilibre entre le travail et leur vie privée et qu ils modifient le rapport à l autorité en
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JOUTARD Thierry, « Jeunes professionnels et organisations de santé, une rencontre à construire », SOINS CADRES, n°53 février 2005
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reconnaissant plus facilement les compétences que le statut. L image sociale que
renvoie une profession est aussi primordiale dans le choix d un métier actuellement.
Ainsi après avoir identifié les caractéristiques de la jeunesse actuelle le cadre peut
adapter ses pratiques managériales aux champs représentationnels de ces jeunes
professionnels et les faire concorder aux règles et attentes des organisations de santé.
Diminuer l incompréhension générationnelle
Le premier défi du cadre sera de réduire les divergences de cultures et de
représentations entre les professionnels pour diminuer les conflits au sein de l équipe.
En effet, ceux-ci semblent favoriser le désinvestissement des jeunes professionnels et
provoquer des crises identitaires chez les agents expérimentés. Pour réduire ces
discordances entre les membres d une équipe le cadre peut utiliser plusieurs stratégies.
Tout d abord sortir des préjugés, le cadre doit faire prendre conscience à l équipe des
répercussions des évolutions socioculturelles sur le travail. Cela semble primordial car
les préjugés sont néfastes pour les interactions sociales. À ce sujet Peter BERGER
affirme que « l effet le plus désastreux du préjugé sur un être humain, c est de faire de
lui ce que le préjugé prétend qu il est »8. L apport des sciences humaines peut réduire
ceux-ci en organisant par exemple des conférences dans l établissement sur le sujet ou
en l intégrant comme priorité dans le plan de formation.
Ensuite, le cadre doit favoriser la cohésion du groupe en fédérant l énergie collective
de l équipe dans des projets communs. L objectif est alors de favoriser les échanges et
les transferts de compétences intergénérationnelles en organisant des groupes de travail
composés d autant de jeunes que d agents expérimentés. Ainsi, les projets peuvent être
des moyens pour les jeunes professionnels d exprimer leur créativité, d amener un
nouveau regard sur des habitudes de service et de démontrer leur investissement pour
celui ci. Le point crucial pour le cadre sera de gérer les répercussions du changement et
les interactions sociales dans l équipe.
Enfin, le dernier axe de travail est de faire évoluer les formations d adaptation à
l emploi et les transferts de compétences. Il est alors primordial de saisir que la
formation des agents se déroule plus difficilement sur un mode identificatoire que par le
passé. Actuellement les jeunes construisent leurs savoirs sur un mode d expérimentation
sans pour autant s identifier aux professionnels expérimentés comme par le passé.
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JOUTARD Thierry, « Jeunes professionnels et organisations de santé, une rencontre à construire », SOINS CADRES, n°53 février 2005
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L objectif peut être alors de sortir du cadre habituel des formations et de laisser une
autonomie au jeune professionnel pour construire son expérience. A partir, d un carnet
de bord il pourra valider ses expériences et organiser sa formation en concertation avec
l équipe. Néanmoins, le contrôle de ces acquis reste à la charge du cadre et de
nombreux temps d échanges doivent être planifiés.
Les jeunes et les organisations de santé
Le second défi du cadre sera de faire comprendre et assimiler les règles et les
missions des institutions aux jeunes professionnels.
Dans un premier temps, le cadre par l approche en psychologie sociale peut saisir la
manière dont les jeunes appréhendent leur travail et détecter la hiérarchisation de leurs
systèmes de valeurs. Ensuite, il pourra identifier les moyens à mettre en place pour
réduire les discordances entre leurs systèmes de sens et les exigences professionnelles.
Le but est de les amener à évoluer dans leur mode de pensée afin de s adapter aux règles
de l institution, ainsi les jeunes effectuent une recomposition identitaire pour faire
corroborer leurs attentes aux contraintes de l exercice professionnel.
L un des moyens pouvant être utilisé est l élaboration d une loi commune par
l équipe fixant les règles de fonctionnement du service. Le rôle du cadre est alors de
vérifier le bon sens du contenu, l adhésion de tous à cette loi et de la faire appliquer.
Cela fait appel au degré de maturité symbolique de l équipe qui se caractérise par
l attachement des individus à une loi symbolique. Ce type de fonctionnement facilite
l adhésion à des règles de vie commune.
Un autre moyen est de planifier des réunions d expression, de régulation afin que les
agents formulent leurs griefs sur le fonctionnement du service et leur travail. Cela
permet aux agents de se construire et de partager une vision commune de leur exercice
professionnel.
Conclusion
Bien que n étant que des axes de travail et des réflexions, on peut penser au travers
de cet exemple que la psychologie sociale apparaît améliorer les pratiques managériales.
De ce fait il me semble opportun de développer l apport des sciences humaines dans les
pratiques des cadres afin d améliorer les capacités d analyse des situations de travail.
Il est indéniable que les cadres de santé doivent prendre en compte les évolutions
pour répondre au défi de demain : réussir l intégration de nombreux jeunes
professionnels dans les unités de soins. Alors, sans doute, il faudra repenser les
approches des formations, sortir des préjugés, évoluer dans nos représentations et oser
parier sur l avenir.
La construction d une éthique personnelle exige une prospective de nos valeurs, car
elles « se situent à mi-chemin entre les convictions durables d une communauté
historique et les réévaluations incessantes que réclament les changements d époque et
de circonstance avec l émergence de problèmes nouveaux »9.
9
BLINDE Jérôme, « Où vont les valeurs ? Pour une éthique du futur », SOINS CADRES, n°53 février 2005
Laurent POSTEL / Cadre de Santé CH CAMBRAI / laurent.postel@wanadoo.fr 9
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