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1.1. Le néo-classicisme :
Le néo-classicisme est le premier style du 19ème siècle bien qu’en réalité il commence en 1770.
C’est une réaction au baroque (le baroque est basé sur des jeux d’asymétrie, de surprise avec du
drame, de la passion et de l’élan. C’est un style très vigoureux qui recherche la décoration à
l’extrême, il y a une exagération décorative et un plaisir de la couleur). La première réaction du
néo-classicisme est de prendre de la distance par rapport au baroque pour tendre vers un style plus
sobre, moins chargé.
1
Contrairement au 19ème siècle, nous sommes actuellement dans une culture de la révolte, nos sociétés sont basées et
fonctionnent sur un système de modes, nous avançons tout le temps.
1
Noces d’Eros et de Psyché, Pompeo Batoni (1756)
2
Le serment des Horaces, JacquesLouis David (1784)
Il y a presque un côté cliché (Rome remise au goût du
jour). Au début du 19ème siècle, ce type d’image est
une révolution, c’est une modernité incroyable.
Malgré cette influence de l’Antiquité, on est dans une
image qui se modernise complètement et qui jette les
bases de ce que l’on connaît actuellement.
Il s’agit d’un moment difficile de la république
romaine où Rome doit affronter une cité rivale. Rome
choisit d’envoyer trois soldats (les Horaces) qui vont
affronter les trois soldats désignés par la ville rivale
pour décider du vainqueur. Le père des trois Horaces
leur donne les épées avec lesquelles ils vont combattre.
Sur la droite, les épouses se lamentent.
Comment ces tableaux ont-ils réussi à faire passer ces idées ? On met en valeur certains éléments :
• On bouche les fonds : on ferme les arrière-plans (souvent avec des éléments d’architecture). Ici,
le fond est bouché par la pénombre. David a utilisé le noir de la pénombre pour rendre invisible
l’arrière-plan. Cela évite à l’oeil d’aller contempler ailleurs, on est forcé de regarder le premier plan,
c’est une manière de focaliser l’attention sur l’élément sur lequel l’artiste veut nous attirer. Les
arcades isolent les groupes de personnage (chacun est placé dans une arcade).
• Géométrie de la composition : si on trace des lignes, il y a une géométrie très construite dans
cette œuvre ; celle-ci repose sur un système de triangles où les groupes sont enfermés. Ces triangles
peuvent être inversés et sont apposés les uns aux autres. La scénographie fait que le sens de l’image
est très clair. La manière de structurer les personnages va nous faire progresser dans l’image et nous
amène à un point culminant (les mains du père qui est le sommet des triangles rassemblés). C’est un
geste complexe (tension psychologique extrême). Le néo-classicisme ne représente jamais l’action
au moment où elle se passe, on présente le moment avant l’action car c’est là que l’instant
d’extrême limite de la tension psychologique se passe. Ce type d’image est une grande nouveauté
pour l’époque, on obtient une efficacité de l’image et on induit des sentiments très précis. Ce
tableau fut peint en 1784, quelques années avant la révolution française (1789, l’ancien régime des
rois de France est mis à mal). C’est donc un élément d’allégorie car le régime français est en crise
absolue. David montre qu’il faut avoir le courage des armes pour défendre la patrie, c’est une sorte
de tableau prérévolutionnaire (il faut se rassembler, prendre les armes et agir).
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Les Sabines arrêtant le combat entre les Sabins et les Romains, Jacques-Louis David (1789-1799)
Ce tableau fut commencé lors de la
révolution française. Il s’agit de deux cités
qui luttent. On voit les épouses des Sabins qui
s’interposent entre les combattants. On a un
appel de David qui dit qu’il faut arrêter de se
battre (le geste de la femme arrête le combat
entre les rivaux). Ce n’est pas seulement la
reprise du passé, cela a aussi un sens dans le
contexte historique de l’époque.
A l’arrière-plan, David donne une impression
de foule, de masse, de confusion due au
combat. Et pourtant, on perçoit les
personnages à l’avant-plan. C’est
extrêmement complexe, il y a un jeu
d’artifice. Le peintre reprend le système des triangles mais le spatialise. Les deux soldats à l’avant
sont en positions inverses, ce système crée une profondeur entre eux. Les deux diagonales dans
l’espace passent par les bras de la femme puis par le corps des hommes. Ceux-ci ont alors une
spatialité et du volume, ils sont distincts de l’arrière-plan, on peut identifier qu’il se passe quelque
chose en dehors de cette mêlée. En ce qui concerne la nudité des personnages, elle est représentable
dans certaines conditions : au sein de l’antiquité et au 19ème siècle, il est inacceptable de représenter
une femme nue ; la seule possibilité c’est les déesses. Pour les hommes, la nudité est tolérée
lorsqu’elle est justifiée (les hommes ici ne sont pas vraiment nus, il y a toujours un élément qui
permet de cacher le sexe et donc de préserver la morale). Le fond est toujours bouché, on est attiré
sur l’action du premier plan. La femme en rouge représente l’effroi, une autre brandit un bébé face
aux lances des soldats. Il y a un parcours de la guerre, une progression de l’élément masculin et
martial du guerrier. Ce qu’on voit devant est le produit d’une action qui se passe derrière, c’est une
manière de lier l’avant plan et l’arrière-plan.
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Le sacre de Napoléon, Jacques-Louis David (1805-1807)
Napoléon a organisé son propre sacre (où il
s’est couronné lui-même en réalité) et a
demandé à David de réaliser cette image. La
peinture est ici un élément d’information,
elle est témoin d’un moment auquel la
plupart des français n’ont pas assisté.
Napoléon et David sont en flagrant délit de
propagande. David est favorable à Napoléon,
il représente le moment où il met la couronne
sur la tête de son épouse Joséphine (en
réalité il la détestait). David choisit le
moment attendrissant où il couronne sa
femme, il donne un côté positif à Napoléon. Dans une partie du tableau, on a la représentation du
peintre pour dire qu’il y était. Il représente également la mère de Napoléon souriante qui assiste à la
cérémonie (or, Napoléon la détestait, ils se sont fâchés quelques jours avant et elle n’y a pas assisté).
Il y a aussi des membres du clergé : Napoléon sait qu’il a besoin de l’église et veut légitimer la
cérémonie, il les oblige à venir. La peinture peut donc tromper et être utilisée par le pouvoir à des
fins de persuasion.
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Bonaparte sur le champ de bataille d’Eylau, Antoine-Jean Gros (1807)
C’est encore une peinture de
propagande. C’est un moment
stratégique de l’histoire militaire : il
s’agit de la première bataille moderne
(très sanglante). Napoléon affronte les
russes, son ambition étant d’aller
jusqu’à Moscou pour prendre la Prusse
et la Russie. Il a une grande capacité à
surprendre l’ennemi (il invente la guerre
de mouvement, ce qui déstabilise
l’ennemi). Il remporte énormément de
victoire (stratégie basée sur la vitesse
adoptée aussi par les nazis). A Eylau,
les Russes l’obligent à avoir une bataille
frontale, Napoléon perd 20.000 hommes en un jour. Il n’y a pas véritablement de vainqueur car
aucun n’a pris de position mais il est déclaré vainqueur car il a fait plus de morts. Napoléon a besoin
de montrer qu’il est le vainqueur et fait poursuivre les messagers russes qui devaient annoncer la
victoire, il les fait exécuter. Le geste de Napoléon : il accorde son pardon aux vaincus. Gros a pris
un peu de distance, il y a une sorte de critique de Napoléon : le cheval est jaunâtre, on retrouve cette
teinte dans le visage de Napoléon (extrêmement froid, sans expression, il y a quelque chose
d’inquiétant, c’est comme un masque). On a dit que Gros s’est inspiré de masques mortuaires →
Napoléon devient la personnification de la mort.
Le néo-classicisme en Angleterre
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Planche de la Divine Comédie de Dante, John Flaxman
Flaxman a réalisé peu de peintures mais beaucoup de dessins (qui sont
très importants dans le mouvement néo-classique qui se méfie de la
couleur, on construit un tableau pour construire un effet). Les néo-
classiques mettent en pratique la « couleur locale » (couleurs
basiques : rouge, bleu, jaune ; il y a un côté éteint) : celle-ci n’a pas
d’existence propre, il n’y a pas de liberté de la couleur (conquérir cette
liberté sera le but de la fin du 19ème siècle). C’est très peu détaillé, très
sobre mais il y a une efficacité terrible. Les traits précis (pluie) mettent en relief l’action centrale.
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Autoportrait, Johann Heinrich Füssli (vers 1777-1779)
Le néo-classicisme préfère l’exactitude du dessin. On a ici des
lignes très précises, il y a quelques coups d’estompes mais ce sont
des traits fins. Il y a une recherche dans le dessin et la structure.
Le regard de Füssli est ténébreux, tourmenté, profond
(caractéristique que l’on ne trouve pas dans le néo-classicisme
français). Il est en train de lire un livre mais s’en détourne et nous
regarde dans un geste d’abandon. Le peintre néo-classique est
celui qui respecte un thème ; Füssli, quant à lui, s’en détourne. Il y a une recherche de l’originalité,
de l’individualité, il ne se conforme pas à la tradition. Ce qui compte c’est l’inspiration et le regard
personnel de l’artiste qui se laisse imprégner par ses pensées (inconscient, pulsions,…).
Le néo-classicisme en Espagne
L’Espagne a un statut particulier car elle est dans un déclin politique qui va donner un regain
culturel sous le règne de Charles III (homme éclairé qui essaye de redynamiser politiquement et
cultuellement son pays). Il attire le peintre Mengs qui quitte l’Italie pour deux séjours en Espagne.
Celui-ci enseigne les valeurs néo-classiques et convertit une série de peintre à ce genre (dont Goya).
Caprices (Songes) Le sommeil de la raison enfante les monstres, Francisco de Goya y Lucientes
Goya va devenir sourd à cause d’une maladie, il le vit très mal et s’enferme
progressivement dans sa maison et dans son art. Il devient de plus en plus
sombre. C’est aussi le reflet de l’Espagne à cette époque qui est en pleine
guerre civile. On parle parfois de ténébrisme (expressivité, côté très violent
dans l’expression artistique) dans l’art. C’est une sorte de gravure 2 , plus
précisément une lithographie3. On a donc un côté dessin, une légèreté, une
spontanéité dans la gravure. Goya a fait toute une série de planches qu’il
rassemble dans des albums. Ses œuvres sont très obscures. Le renoncement
de la raison mène à des pensées irrationnelles qui engendrent des monstres.
L’homme qui s’endort produit des cauchemars. Il y a une allégorie relative à
la situation en Espagne → si on ne réfléchit plus, si on n’a plus d’esprit
critique, c’est le chaos.
2
La gravure est une technique mise au point à la fin du 18ème siècle et beaucoup utilisée dans le 19ème siècle, surtout
ans la presse. On grave, dans un support en bois, un dessin en négatif. On dépose ensuite de l’encre dans la plaque et on
appuie une feuille. Cela permet de faire plusieurs exemplaires. Le désavantage est que ce n’est pas une manière très
souple de travailler, il n’y a pas de légèreté du dessin.
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La lithographie est basée sur le dessin. On dessine sur une pierre très poreuse avec un crayon gras. Le gras et l’eau se
repoussant, on mouille la pierre qui s’humidifie sauf à l’endroit du dessin. On verse alors de l’encre qui se met
uniquement sur le dessin. On presse des feuilles de papier pour l’impression.
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Les désastres de la guerre, Francisco de Goya y Lucientes (1809-1815)
Les séries de Goya sont simples mais très dure. Ici, on a un côté très cliché, instantané. C’est une
image de guerre qui dénonce la situation. L’homme en haillon est désespéré, il a probablement tout
perdu. Il regarde le ciel mais son regard est vide. Avec les moyens de la gravure, Goya montre cet
homme enveloppé par les ténèbres qui ont une forme très inquiétante. On croit apercevoir un visage
(féminin) au-dessus de lui. On a dit que c’est la femme qu’il a perdue pendant la guerre. Tout est en
suggestion, en interprétation.
Saturne dévorant ses enfants, (Quinta del Sordo) Francisco de Goya y Lucientes (1819-1823)
C’est une peinture murale que Goya a faite pour sa maison (Quinta del Sordo
signifie « maison du sourd »). C’est une peinture qui date de la fin de sa vie. Il est
alors sourd et traumatisé par la guerre qui a eu lieu en Espagne. C’est une
peinture très tragique qui témoigne de la folie de Goya. Elle est très noire, il y a
des formes inquiétantes qui émergent des ténèbres. On a un thème mythologique
mais c’est aussi la patrie (Espagne) qui dévore ses enfants. Il représente l’instant
tragique, c’est la folie meurtrière (il ne s’agit donc plus du moment avant
l’action). Saturne est souvent associé à la folie. Ce registre échappe au néo-
classicisme.
4
Sublime : on contemple des choses non contemplables (la mort, etc.) et qui sont intégrées dans l’expérience esthétique.
5
Géricault a étudié des cadavres.
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politique. Le personnage en haut est un Africain. Au 19ème, on est en pleine période coloniale,
Géricault place un symbole d’espoir dans les mains d’un Africain. Il était franc-maçon, cet élément
est une manière de critiquer tout le système de l’esclavagisme. Ce tableau est un phénomène très
complexe pour l’époque (à la fois une recherche de l’esthétique, un fait d’actualité, une prise de
position,…). Cette peinture a fait un énorme scandale.
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Autoportrait, Eugène Delacroix (1837)
En France, on a une progression du romantisme (à côté du néo-
classicisme qui continue). A partir de 1830, on a autant de romantiques
que de néo-classiques. Chacun campe sur ses positions. La situation est
paradoxale : on a à la fois l’Académie et ses nombreuses contraintes mais
aussi les romantiques. Delacroix, quant à lui, reprend les caractéristiques
romantiques et en fait les bases de la peinture moderne. Il maîtrise
parfaitement les techniques classiques, c’est un académicien. Il va utiliser
dans le tableau l’usage d’éléments marginalisés : la lumière et la couleur
(qui étaient mis à mal par le néo-classicisme qui primait la forme). Il leur
donne une autonomie et considère qu’il n’y a pas que la forme qui prime,
ce sont ces trois arcades qui constituent une œuvre. Il s’agit ici d’un
autoportrait. Il y a une finesse dans le regard, un côté supérieur. Mais Géricault a dû affronter son
époque car il était en violation des règles de l’Académie.
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La Mort de Sardanapale, Eugène Delacroix (1827)
C’est un immense tableau et l’un des plus connus de
Delacroix. L’histoire est simple et tragique : Sardanapale
est un empereur oriental, plutôt que de mourir seul, il
décide de sacrifier en même temps l’ensemble de sa cour.
Le principal de l’action (la cruauté) est complètement
rejeté dans un coin de la scène, cela marginalise le sujet
principal. Sardanapale n’a pas un visage très expressif, il
participe de manière passive à l’action. Cette œuvre n’est
pas structurée : il n’y a pas d’avant-plan, pas d’arrière-
plan, pas de clair-obscur, tout se mélange, les formes ne
sont pas dissociées. Par contre, il y a toute une série de
torsions qui créent un dynamisme mais on n’a pas de
structure apparente. Delacroix passe davantage par la couleur. Dans ce tableau, on a une grande
présence de la couleur (style néo-classique : couleurs éteintes) : présence de différents types de
rouge, couleurs chaudes ; il y a une subtilité de la couleur. Celle-ci n’est plus enfermée dans la
forme, elle est autonome. Cela correspond à notre vision réelle, les formes ne sont pas entièrement
distinctes, on perçoit des liens entre elles. Ce n’est pas une vision pour la lecture mais un instantané
de ce que l’on pourrait voir si on était devant la scène. Cette présence non conventionnelle de la
couleur est déterminante : par elle, notre œil trouve des rythmes, des associations au sein de l’œuvre.
Nous nous y baladons grâce à cela en associant les couleurs et aussi par les contrastes qui créent des
profondeurs. La couleur nous fait donc voir les formes, voyager et prendre conscience des
profondeurs.
La modernité n’est plus de se préoccuper de la qualité d’un sujet (ce qui est représenté) mais de
prendre un tableau pour le plaisir des yeux. Baudelaire parle de mélodie pour désigner un tableau,
comme si les formes et les couleurs étaient des notes et que l’ensemble formait une symphonie. On
ne recherche pas le sujet, ce qui compte c’est le plaisir de la couleur, des formes et des yeux.
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Chasse au lion (esquisse), Eugène Delacroix (1853)
Delacroix n’a jamais exposé ses esquisses à l’époque.
Celles-ci sont influencées par son voyage au Maroc. Il
s’agit ici d’une chasse à laquelle il a assisté. Ce sont de
petites esquisses qu’il a gardé pour lui et montré à quelques
amis qui en ont tout de suite perçu la modernité. C’est à la
limite de l’abstraction, c’est révolutionnaire. Les formes ne
sont pas nettes, le résultat final ne s’en préoccupe pas. On a
une symphonie de formes qui crée des densités, des
profondeurs. C’est purement le plaisir des yeux. Delacroix
recherche juste une harmonie.
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Le songe d’Ossian, Jean Auguste Dominique Ingres (1813)
Ingres a fait des tableaux rigoureusement néo-classiques. Ossian est
un poète qui n’a jamais existé, c’est une supercherie littéraire due à un
poète écossais. Celui-ci a publié de fausses traductions d’un poète
celtique du nom d’Ossian. Tous les intellectuels se sont pris de
passion pour cette figure avant de se rendre compte qu’il s’agissait
d’une tromperie. Ossian fut une des plus fortes sources inspirations du
romantisme (source celtique qui fait resurgir le passé). Ossian est
représenté endormi, accoudé sur sa lyre. Il rêve de personnages
mythologiques. C’est un tableau curieux car il est à mi-chemin entre
le romantisme et le néo-classicisme. La composition est tout à fait
néo-classique (couleurs locales, clarté,…) tandis que l’inspiration est
romantique (c’est le rêve d’Ossian qui est matérialisé en noir et blanc).
Ce type d’œuvre a transcendé les deux écoles mais est parfaitement
académique. En effet, Ingres prône les règles de composition : dessin, formes, le fait de faire
correspondre les couleurs aux formes dessinées.
Grande Odalisque, Jean Auguste Dominique Ingres (1814)
L’odalisque est la courtisane préférée dans un harem. Il s’agit
donc d’une scène orientale. La femme se repose, elle est
entourée d’un luxe manifeste. On retrouve la capacité de
représenter les textures (les rideaux en velours) qui ont à la
fois le volume et l’effet de surface. Ce tableau est représenté
de manière très classique : femme mise en lumière en la
faisant contraster avec l’arrière-plan. On a, en même temps,
une subtilité et une certaine liberté. La femme est dans une position inconfortable, elle est tordue, ce
qui permet à Ingres de la dévoiler. Il y a une recherche de la sensualité, on perçoit la nudité de son
corps. On a des rapprochements : peau avec le rideau en velours → douceur. C’est l’apothéose du
savoir-faire du 19ème siècle. Cette peinture a énormément de tradition derrière elle : perspective,
véracité et transparence des matières. On a une sorte de perfection technique.
Portrait de Monsieur Bertin, Jean Auguste Dominique Ingres (1832)
Monsieur Bertin est un homme très riche qui a fait sa fortune dans la presse
dans les années 20. Le 19ème siècle est celui où la presse écrite se
développe : les journaux apparaissent, la presse quotidienne est très lue. Les
journaux jouent un rôle social, ils sont proches de certains partis, on a une
entrée importante dans la vie politique française. Ingres représente ce
parvenu qui est l’illustration d’une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie
(notamment d’affaire). Par son travail, il développe des produits qui lui
procurent une richesse extrême. L’importance du personnage est liée à
l’argent. Cette nouvelle classe qui acquiert un statut se cherche une morale,
une légitimité. Elle commande beaucoup d’œuvres aux artistes (notamment
des portraits) et se substitue à la noblesse ainsi qu’à l’église (qui commandait des œuvres
auparavant). Ingres en fait une œuvre très simple (homme devant un fond vide) et en même temps
subtile : c’est tout le pouvoir, il est posé de manière stable sur sa chaise, il a un regard de force
tranquille. Ingres ne savait pas comment le représenter, il l’a donc vu de nombreuses fois. Monsieur
Bertin étant un peu sourd, il se met un jour dans cette position pour mieux entendre, Ingres le
représentera donc ainsi. On a dit qu’Ingres a voulu représenter le côté grippe-sou de l’homme. Mais
c’est d’abord le portrait d’une classe sociale, d’un nouveau type d’homme. C’est presque de la
peinture sociale (à travers le portrait d’un homme, on capte une époque).
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Le romantisme en Allemagne
L’Allemagne est un pays très important pour le romantisme. C’est probablement là qu’il va avoir le
poids le plus fort au niveau du romantisme. C’est un pays protestant qui est marquée par des
influences philosophiques très fortes et notamment par la figure du philosophe Barouk Spinosa
(celui-ci considérait que la peinture était la face visible de Dieu). Au 19ème siècle, le paysage est un
genre mineur sous-estimé. En Allemagne, on assiste à une revalorisation de celui-ci plus tôt qu’en
France. C’est notamment par le paysage que va s’exprimer le romantisme allemand.
Il s’agit d’un pur paysage tel que trouvé en Allemagne mais que l’on
trouve peu en France. C’est aussi l’illustration du panthéisme de Spinoza :
Dieu est inscrit dans la nature, en la contemplant on peut parvenir à lui.
Le bas du paysage est la fin de la vie. Lorsque l’on monte, on passe par
une nature très immaculée (le sapin est associé à l’immortalité). On suit
le paysage grâce au torrent. Ensuite, on arrive aux glaciers représentant la
partie divine et sublime du paysage sur terre. A travers le paysage, nous
contemplons l’œuvre de Dieu.
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Moine au bord de la mer, Caspar David Friedrich (1809)
Il s’agit d’une des toiles les plus connues. Cette
oeuvre est très curieuse et complexe. C’est le
titre qui éclaire le sujet de ce tableau.
L’atmosphère est très ambiguë, on a la lune en
dessous et le jour au dessus. Il y a un contraste
très violent entre la nuit et le jour. Il résulte une
sorte d’ambiguïté d’une œuvre qui rassemble
les deux atmosphères. Ce n’est plus un paysage
à un moment donné. On crée une sorte de durée,
de temporalité dans le paysage. On a
l’impression que le personnage est resté
longtemps, qu’il a contemplé aussi bien la nuit
que le jour. Certaines personnes ont dit que le moine était Friedrich. Ce personnage est dans une
position mélancolique, il se tient le menton et semble être en profonde méditation devant ce paysage.
C’est l’homme dépassé et écrasé par la nature, il n’est rien face à elle. Il a peut-être une chance de
contempler le cosmos. Il n’est rien face à la puissance de l’environnement dans lequel il est mais
essaye d’accéder à la partie transcendantale du paysage qu’il a devant les yeux. Cela ressemble
presque a un paysage abstrait tant il est simplifié. C’est la relation avec la nature.
C’est par la revendication du paysage que la modernité va se construire au 19ème siècle. Les
impressionnistes travailleront beaucoup dans ce genre. On a une situation d’appel, une communion
avec la nature. On retrouve cela dans beaucoup de philosophies et de religions. C’est une
communication profonde entre l’homme et la nature qui permet d’atteindre une dimension
supérieure.
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La mer de Glace, Caspar David Friedrich (1823-1824)
Friedrich avait un petit frère avec qui il allait
régulièrement faire du patin à glace sur les étangs
gelés en Allemagne. La glace a cédé, son frère est
tombé dans l’eau, il a essayé de le récupérer mais son
frère est mort gelé. Il s’agit ici, avant toute chose,
d’un drame personnel qui donne une résonance à cette
thématique. C’est Friedrich que l’on trouve le
caractère le plus dramatique, le plus intense. Il a
représenté l’Antarctique. Il y a un bateau qui est broyé
par les glaces (époque de la découverte des pôles mais
les bateaux en bois ne résistent pas à la glace qui gèle
et se referme sur eux). Le peintre représente un
élément du côté dramatique des pôles. On a une allusion directe au drame qui lui est arrivé. On se
rend compte à quel point l’homme est petit et à la merci de la nature. Les couleurs sont subtiles :
très chaudes dans la première partie tandis que, derrière, c’est plutôt une représentation du danger
permanent (énormes blocs avec pics). Le sujet est un peu marginalisé. Le peintre arrive à faire
percevoir toute la réflexion sur le sublime de la nature avec un paysage presque abstrait. Avec des
rythmes et des jeux de construction, il fait percevoir le danger (pics). C’est presque une réflexion
philosophique sur le paysage.
Le Néo-Gothique
Outre les aspects de drame et de sublime du paysage, il y a vraiment une recherche sur cette
thématique. En France, par contre, on a davantage une recherche dans la modernisation des genres
dans les années 20-30. On se désintéresse du sujet historique. On donne une présence à la couleur et
aux formes (plus seulement au dessin). Le mouvement romantique va plus s’intéresser au médiéval
et en particulier au gothique (églises gothiques : Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Chartres).
Les romantiques vont s’inspirer des vitraux gothiques, des cathédrales. Cela va donner lieu à une
série de mouvements directement liés au romantisme, dont le néo-gothique. Ce style se caractérise
par une reprise du gothique (apparu vers les 12 ème, 13 ème et 14 ème siècles), on s’inspire d’un style passé à
l’époque du 19ème siècle et on le copie.
21
A. France : le style troubadour
Le style troubadour est un courant du romantisme. Troubadour est le nom médiéval du poète qui
peut être aussi musicien et chanteur. Il était attaché à des cours et pratiquait la poésie.
Henri IV jouant avec ses enfants au moment où l’ambassadeur d’Espagne est admis en sa
présence, Jean-Auguste Dominique Ingres (1817)
François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci, Jean-Auguste Dominique Ingres
(1818)
Ce courant vient de Nazareth (village d’origine du Christ). Ce sont des peintres très croyants
(protestants) qui retournent à une croyance religieuse très forte. Ils vivent en groupe, presque
comme des moines. Les tableaux sont d’inspiration chrétienne (le monde médiéval était
particulièrement pieux). Ce mouvement commence en 1800. En Allemagne, comme en Angleterre,
on n’a pas vraiment eu de néo-classicisme comme en France, donc on n’a pas eu tous le poids de
l’Académie. Les Nazaréens sont des étudiants de l’Académie de Vienne qui vont se rebeller contre
l’influence classique. Ils disent que le néo-classicisme et l’inspiration de l’antiquité n’ont pas de
raison d’être et privilégient le Moyen Age. Ils sont passionnés par l’art gothique italien du 14ème
siècle (celui d’avant la Renaissance, donc avant Léonard De Vinci, Michel-Ange).
22
Italia et Germania, Friedrich Overbeck (1828)
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C. Angleterre : Les préraphaélites
C’est une œuvre à caractère religieux. Le cercle est une mendrole (cercle
doré qui fait percevoir aux spectateurs qu’il s’agit d’un personnage sacré).
Elle était souvent très richement décorée (feuilles d’or appliquées sur la
toile). On s’inspire complètement du médiéval, on revient à une manière
de s’exprimer et un vocabulaire formel inspirés par le Moyen Age.
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2. Mutations : réalisme et naturalisme (1830-1870)
Dans ces années, on a un poids des influences qui cadenasse l’art de l’époque dans une série de
conventions lourdes. Il y a quelques amorces de changements avec Géricault et Delacroix (ce
dernier revalorise la lumière et les couleurs mais les sujets sont historiques, cela reste de la peinture
traditionnelle). Des artistes ont poussé les avancées plus loin, ce qui n’est pas simple car
l’Académie réagit mal. On a de multiples conflits et problèmes car cette dernière est hostile à ces
changements. Le pays où la situation est la plus tendue est la France. C’est probablement la période
la moins connue du 19ème siècle. Elle couvre deux styles : le réalisme et le naturalisme. Il faut
chercher à comprendre les mutations dans l’art de cette époque en décomposant les trois mutations
essentielles qui ont eu lieu :
- un changement lié à la lumière
- un changement lié au sujet
- un changement lié au genre
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Aquarelle : peinture sous forme de pigments secs mouillés avec de l’eau puis posés sur le papier qui absorbe l’eau.
Avec l’aquarelle, on peut travailler avec peu de pigments.
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Pluie, vapeur, vitesse. Le Great Western Railway, Joseph Mallord William Turner (1844)
L’Angleterre est, au début du 19ème siècle, la
première puissance économique mondiale. Elle
donne naissance aux machines à vapeur utilisées
dans l’industrie et la recherche de la mobilité
(locomotives à vapeur). Cette œuvre est d’une
modernité surprenante. Si on efface le train, on
est dans une peinture abstraite. On refuse le
détail, le sujet, la vraisemblance, la véracité,
donc toutes les catégories mentales du 19ème
siècle. C’est le chaos, le plaisir de la couleur. Les
thématiques sont neuves pour l’époque : la pluie
est l’ambiance atmosphérique liée au paysage ; la
vapeur et la vitesse sont liés à la simple machine.
On a presque un sentiment de vitesse dans cette œuvre. Le brouillard masque la partie arrière de la
locomotive et accentue le côté dynamique, irruption, de la composition. Turner mélange deux
techniques : l’aquarelle et l’huile. Il utilise cette dernière par petits pâtés à la surface (petites taches
blanches), cette technique permet d’accentuer le sentiment lumineux en ces endroits. On a un
sentiment de profondeur, de différence de densité.
B. L’orientalisme
L’orientalisme est un courant du romantisme qui s’inspire de l’Orient (c’est-à-dire des nouveaux
pays que l’on ne connaît pas : les pays du Maghreb et du Moyen Orient). Ce sont les guerres qui
font sortir ces pays, essentiellement musulmans, de l’isolement et qui les font entrer en contact
culturel avec les autres pays. Napoléon avait emmené Vivant Denon qui a publié une description de
l’Egypte. Les gens découvrent une religion, une culture, des atmosphères différentes. La révolte des
Grecs contre les Turcs va aussi faire découvrir toutes ces régions. En 1830, c’est la guerre franco-
algérienne : début du protectorat au Maghreb, les peintres commencent à découvrir ces régions. En
1869, on a la construction du Canal de Suez : les bateaux accèdent directement au golfe, cela crée
toute une série d’accords commerciaux. Les peintres vont être fascinés par cela.
Le réel va entrer dans les tableaux progressivement. Les artistes commencent à représenter la
réalité et plus simplement une vision codifiée et théâtralisée.
La situation en France est plus complexe qu’en Angleterre car le paysage est au bas de l’échelle
artistique. Considéré comme un genre mineur, il est exposé comme tel (petit format et situé en haut
des murs dans les expositions). Les peintres qui s’intéressent au paysage vont essayer d’en faire un
genre à part entière, c’est une révolution culturelle.
29
l’épidémie de choléra qui sévit à Paris et qu’ils tentent de fuir. Ils vont au contact de la nature et
s’établissent à l’endroit où ils peignent. Cet élément totalement neuf est le pleinarisme (= pratique
de la peinture en plein air). Cette école est le début du pleinarisme car les artistes font leurs
esquisses à l’extérieur mais les terminent dans leur atelier, c’est donc une étape transitoire. En effet,
à cette époque, il faut broyer les couleurs → difficulté du transport. Ces peintres revalorisent le
paysage en utilisant de grands formats. Ils auront cependant beaucoup de mal à se faire exposer, on
parlera d’eux comme les « grands refusés ».
30
2. Camille Corot
31
2.2. Le réel : réalisme et naturalisme (1850-1870)
La réalité, telle que nous la voyons tous les jours, va devenir un élément à part entière de la peinture
d’entre-deux guerres. Cette tendance peut se manifester par un paysage mais les peintres
s’intéressent surtout à des éléments qui n’étaient pas représentés auparavant car considérés comme
« peu nobles » (paysannerie, petits métiers, révolutions,…). Il existe deux mouvements :
- Le réalisme : les peintres représentent la réalité de manière fidèle, photographique, sans
porter de jugement.
- Le naturalisme : on a une prise de position du peintre pour un sujet particulier (prise de
position politique, dénoncer un événement), cela marque plutôt un engagement.
32
L’angélus, Jean-François Millet (1857-1859)
C’est un des tableaux les plus célèbres du 19e siècle.
L’angélus : moment de la prière où les paysans arrêtent
leur travail. Le clocher de l’église que l’on voit au loin
sonne et annonce donc cet angélus. Les outils de ces
paysans sont laissés, ils étaient en train de travailler. Il ne
se passe rien dans ce tableau. On a juste l’attitude très
humble et simple de ces personnages qui ont une foi
fervente et qui sont attachés à cette pratique. C’est une
manière de grandir le paysan, de montrer qu’il s’agit d’un
homme à part entière – voire même de qualité supérieure
car il nourrit les villes et est quelqu’un de très droit et
respectueux de la spiritualité, donc moral. Dans le ciel, on
trouve une qualité de la lumière. Ce n’est pas seulement un sujet neuf mais aussi une lumière neuve.
7
Lithographie : technique inventée à la fin du 18e siècle, très utilisée par les réalistes et les naturalistes. C’est de la
gravure sur pierre où on dessine avec un crayon gras.
33
Gargantua, Honoré Daumier (1831)
Gargantua est représenté sous les traits de Louis-
Philippe. La paysannerie apporte les maigres
récoltes qui sont transférées dans la bouche de
Gargantua. C’est de nouveau une caricature, cela
symbolise les impôts qui étaient quelque chose de
très difficile à payer à l’époque. Honoré Daumier a
été six mois en prison pour avoir réalisé cette œuvre,
les lois contre la critique politique étaient en effet
très fortes. C’est une sorte de violence politique
assez prononcée.
Les gens de justice, paru dans « Le Charivari », Honoré Daumier (27 avril 1848)
35
Un enterrement à Ornans, Gustave Courbet (1849)
Cette première œuvre de Courbet va
beaucoup choquer au salon, elle a de plus un
format immense. Les physionomies sont très
particulières : il a représenté les personnes de
son village natal. Pour les curés, il a dessiné
les plus pochards des habitants. Ils ont tous
des têtes de poivrots. C’est une caricature de
l’Eglise. La manière de représenter la mort
est choquante. En effet, Courbet place, au
centre du tableau, le trou béant de la terre qui achève le parcours des vivants. On a aussi une
caricature de la bourgeoisie : les hommes et les femmes de cette classe sociale montrent peu
d’émotions par rapport à ce qui se passe.
38
Olympia, Edouard Manet (1863)
Manet cachera cette peinture jusqu’en 1865 à cause du
scandale provoqué par « Le déjeuner sur l’herbe » en
1863. Mais c’est un nouveau scandale. A cette époque,
Olympia était un nom particulièrement courant pour les
prostituées de luxe. Les gens voyaient donc cette œuvre
et pensaient que c’était une prostituée. Son regard est
franc, sa position est tournée vers le spectateur, elle ne
voile pas sa nudité. Pour Manet, ce qui compte est la
célébration de la femme. C’est le visuel qui compte et
les personnages ne sont qu’un prétexte à cet aspect
visuel. Le tableau, avant d’être un contenu, est un plaisir des sens. Il y a une ligne au milieu qui
sépare le tableau, on peut trouver des correspondances entre ces deux parties : femme noire ><
femme blanche, vêtue >< déshabillée, bouquet de fleur >< ne tient rien. Il y a aussi une réponse
entre la fleur que la femme blanche a dans les cheveux et les petites fleurs rouges du bouquet. On a
un vrai travail d’harmonie plastique et de célébration des choses simples qui sont très réalistes.
Représenter la nudité contemporaine n’est pas faire de la pornographie mais représenter la réalité
telle qu’elle est, c’est l’expression d’un quotidien. C’est vraiment une volonté de mise à mal de la
peinture pour en donner une réalité première.
Les gens n’ont pas vraiment compris la modernité de la peinture impressionniste. Elle est très
technique, le contenu n’est pas l’élément le plus important. Ce sont souvent des paysages, des
moments d’atmosphère. C’est par tout le support technique que les impressionnistes vont modifier
le paysage qui devient un instantané de la vision à un moment précis où le peintre la capte et nous
restitue ce qu’il a vu. Ces œuvres ne sont pas exposés au salon, les peintres vont donc devoir trouver
un lieu alternatif pour expose leurs toiles. Dans un premier temps, cela sera dans les salles du
photographe Nadar. En 1874, le groupe impressionniste est formé et exposera jusqu’en 1886. Il ne
sera encouragé que par quelques amateurs.
Comparaison de la luminosité :
Daubigny (1861) Pissarro (1864-1865)
Sombre, teintes ternes, tirant vers le brun et le Teintes pures, provoque un effet de clarté, d’air,
jaune. Produit par mélange, ce qui assombrit la l’image respire.
40
composition.
Le déjeuner sur l’herbe, Claude Monet (1865-1866)
Dans les arbres, on a essentiellement deux types de vert que
Monet utilise sans mélange. Cela donne une impression
d’intensité coloristique, de pureté des couleurs, d’intensité
lumineuse que l’on ne trouvait pas auparavant. On a
seulement des touches de couleur mais, avec le recul, notre
cerveau recompose la globalité de l’image et la comprend. Les
impressionnistes représentent la réalité telle que nous la
voyons concrètement. Ce tableau fait écho au « Déjeuner sur
l’herbe » de Manet. L’enjeu n’est plus le même : Manet
cherchait à mettre à mal les codes – Monet peint une femme
habillée, le déjeuner est sympathique et ne choque plus. Ce
dernier s’intéresse exclusivement à la lumière, il procède par
flocage. Cela produit des effets lumineux inattendus. La
lumière est décomposée et rendue par touches de couleurs
pures qui contrastent et révèlent les jeux de la lumière.
41
Impression soleil levant, Claude Monet (1873)
C’est l’œuvre qui va donner son nom au courant de
l’impressionnisme. Un critique d’art va se moquer de
cette peinture en disant qu’elle est inachevée (insulte
pour l’époque, critique très forte) et donc inexposable.
C’est une vue du port du Havre que Monet a peint
directement depuis la fenêtre d’une chambre d’hôtel. Il y
a une rapidité d’exécution, on sent presque la vitesse de
la peinture. Ce qui compte est l’instant lumineux qu’il
tend à capter et à démontrer sur la toile. On remarque la
technique de touches avec un maximum de couleurs
pures qui permet d’accroître le sentiment lumineux. On
n’a que des silhouettes, le reste est en atmosphère et en
légèreté. On retrouve la technique des couleurs complémentaires. Le jaune et le bleu donnent un
maximum de sentiment coloré. Tout souligne le but de l’impressionnisme qui est la vision
instantanée du paysage.
42
Comparaison entre deux tableaux sur le même thème :
Pureté coloristique intense. Il y a dix teintes : Côté plus bourgeois que chez Monet.
blanc de céruse, jaune de chrome, jaune citron,
vermillon, bleu de Prusse, bleu de cobalt, vert
émeraude, vert viridien, vert de chrome et violet
de cobalt.
La Grenouillère était un lieu de délassement très célèbre à l’époque. Monet et Renoir travaillent
tous les deux sur les reflets. L’eau bouge. Ils offrent un instantané de leur vision par touches
juxtaposées sans mélanger les couleurs.
43
La mare aux canards, Pierre-Auguste Renoir (1873)
44
Jeunes filles au piano, Pierre-Auguste Renoir (1892)
45
Les chevaux de course, Edgar Degas (1869-1872)
Ce tableau représente des chevaux de course. C’est
une œuvre relativement évidente avec un sujet
bourgeois (la bourgeoisie qui se rend aux champs de
course pour parier) mais il y a une grande touche de
modernité. Les chevaux et les jockeys sont
marginalisés et fusionnés par rapport au paysage.
Degas travaille énormément sur les ombres des
chevaux qui sont accentuées et donc plus présentes
que les formes originelles → c’est une manière
d’insister sur les contrastes. Il y a davantage une
recherche sur l’image que sur son contenu qui fait de
Degas un peintre moderne.
46
Province d’Awa, rapides de Naruto (gravure sur bois), Utagawa Hiroshige (1855)
Utagawa Hiroshige est un artiste japonais. Le Japon est resté très
tardivement un pays basé sur une culture médiévale. Ce n’est qu’au 19e
siècle, sous la pression des européens, que ce pays va s’ouvrir. Dans un
premier temps, les empereurs refuseront un contact avec les
Occidentaux. En 1853, s’ouvre l’ère Meiji : nouvelle phase où
l’empereur se rend compte du retard du Japon par rapport à l’ouverture
industrielle de l’Europe, quelques ports japonais seront ouverts au
commerce. Dans les années 1850-1860, on commence à découvrir le
Japon. Les artistes européens seront influencés par l’art japonais qui
fonctionne naturellement, avec une série de valeurs que les peintres
modernes recherchent à cette époque. Les artistes modernes sont
fascinés par la non-perspective de cet art. C’est une sorte de
confirmation : on peut produire un art coloré, vivant, qui produit du sens,
sans passer par la perspective.
Ce tableau représente une cascade. Hiroshige représente, en superposition, une série d’éléments que
nous aurions représentés avec des points de fuite. Les vagues sont à plat, le premier plan est rabattu,
il n’y a pas du tout de profondeur. Le tourbillon est le point d’entrée de l’image comme s’il nous
aspirait. Les vagues des rapides submergent les rochers ; en venant se fracasser contre les rochers,
elles produisent de l’écume. Il y a un grand souci du décoratif. L’écume dans le ciel évoque les
nuages. Dans l’art japonais, on a systématiquement des formes ouvertes qui représentent toute une
série de choses, les significations sont toujours ouvertes → liberté de l’interprétation. Il y a une
dimension poétique dans ce tableau. Les Japonais travaillent par aplats de couleur car ils
pratiquent davantage la gravure que la peinture. Cette technique n’est plus utilisée en Europe car
peu pratique et peu souple, ce qui fait que les artistes européens utilisent essentiellement la
lithographie. Lorsqu’on fait des gravures en couleurs, on doit travailler couleur par couleur, c’est un
travail long et difficile mais le résultat est qu’il n’y a pas de mélange des couleurs. Les artistes
européens seront fascinés par cette technique. Les couleurs ont ainsi un pouvoir expressif plus
grand, chacune acquiert un maximum de puissance.
Les chutes Kirifuri dans la montagne Kurokami dans la province de Shimotsuke (gravure),
Katsushika Hokusai (vers 1827)
Hokusai est un des plus grands artistes graveurs japonais inspiré par
l’art européen. Il représente des chutes, des cascades, l’eau vient
s’écraser. Les personnages contemplent la beauté de cette cascade.
C’est une œuvre typiquement japonaise dans sa composition : pas de
perspective, couleurs pures et distinctes. Les méandres blancs
évoquent tout aussi bien les racines d’un arbre. On atteint un niveau
décoratif où on peut donner des interprétations différentes.
47
Amants se reposant sous un arbre (gravure), Kitagawa Utamaro (1788)
C’est une œuvre érotique. Les Japonais n’ont pas eu les
tabous sur la sexualité présents en Europe, ce qui fait
qu’elle est très présente dans l’art japonais. Cette liberté
de la représentation de l’amour fascine aussi les
Européens et les incite à aller plus loin. Outre le côté
sensuel, il n’y a pas de profondeur dans cette œuvre. Le
kimono est d’une couleur unie. Le trait semble être
placé à la perfection, il y a une grande justesse. On a
une absence de perspective (l’homme allongé à côté
mais son visage est tourné dans la même direction que
celui de la femme). Ce tableau fonctionne de manière poétique → l’art japonais fonctionne tout en
poésie. L’homme écrase la femme mais il y a une sorte de tendresse car ils sont joue contre joue.
On n’hésite pas à ce que la réalité soit transformée.
A. Le néo-impressionnisme (1886-1904)
Le néo-impressionnisme est la continuité de l’impressionnisme. Ce mouvement utilise la technique
du pointillisme : les œuvres sont faites avec une accumulation de petits points de couleurs
juxtaposés qui ne se touchent pas. C’est une sorte de radicalisation de la technique impressionniste.
Les peintres rejettent la représentation instantanée de la lumière et recherchent sa transparence et sa
permanence. Ils recréent un équilibre entre les trois composantes du tableau, on n’a pas de
prédominance de la lumière.
48
Un après-midi à l’île de la Grande-Jatte, Georges Seurat (1883-1886)
Ce tableau fut exposé à la dernière exposition de
l’impressionnisme. La Grande-Jatte est une des
petites îles qui se trouvent sur la Seine. On a
toujours l’idée de la permanence de la lumière,
comme s’il s’agissait de la représentation de toutes
les activités d’une journée entière, et non plus un
moment précis. Il y a un jeu de couleurs
complémentaires. On a une critique sociale très
forte dans cette œuvre, caractéristique que l’on ne
trouvait pas l’impressionnisme. Les néo-
impressionnistes ont été critiqués par Félix Fénéon,
critique d’art qui défend les impressionnistes. On trouve, dans la peinture néo-impressionniste, un
écho de l’anarchisme avec un rêve de société meilleure. Il y a presque une caricature de la
bourgeoisie : côté figé des femmes qui ont une ombrelle pour préserver leur teint pur, hommes avec
des gants et des cigares → critique des engoncements de la bourgeoisie. Seurat, en représentant une
femme qui tient un singe en laisse, en montre son côté ridicule. L’homme en bas à
gauche représente une opposition entre les classes sociales. On a ainsi une critique et, en même
temps, un rêve de société où tout le monde cohabite sans distinction sociale.
49
A. Paul Cézanne (1839-1906)
Paul Cézanne est une personnalité très complexe qui réagit aux règles de l’impressionnisme. Au
début, il a fait des œuvres impressionnistes et a travaillé avec Camille Pissarro.
La lumière est la même mais la densité de la matière est plus présente chez Cézanne. Celui-ci
recherche davantage une densité de la forme que l’on ne retrouve pas chez les impressionnistes.
50
La maison du pendu, Paul Cézanne (1873)
52
La belle Angèle, Paul Gauguin (1889)
53
C. L’école de Pont-Aven (1886-1894)
Gauguin aura une grande postérité et une influence majeure sur ce qui va suivre et sur tout le 20e
siècle. Il donne naissance à l’école de Pont-Aven (petit village breton). Tous les peintres, à sa suite,
quittent Paris et vont vivre ensemble à Pont-Aven où ils se rassemblent autour de lui et appliquent
ses principes qu’ils vont même pousser plus loin.
54
D. Les Nabis (1891-1900)
Les Nabis appliquent les principes de Gauguin. « Nabi » signifie « prophète » en hébreux. Ils ont un
penchant pour le mysticisme et les tendances ésotériques. Ils sont à la recherche de la simplification
de la réalité. On peut les diviser en deux groupes : d’une part, on a une tendance ésotérique, d’autre
part, on a une tendance décorative sans contenu religieux.
55
Le corsage à carreaux, Pierre Bonnard (1892)
On n’a plus de tendance ésotérique mais une tendance décorative. Il s’agit d’un
petit sujet touchant, on y voit une femme mangeant aux côtés d’un petit chat.
Bonard lui a coupé les épaules, ce qui écrase l’espace. Les motifs à carreaux de la
robe rendent le tableau plat, il n’y a pas de profondeur.
56
Femmes en blanc, Paul Ranson (1894)
Il s’agit d’une tapisserie (art tombé en désuétude au 19e siècle car c’est
une vieille forme d’expression mais les artistes y reviennent). Pour la
tapisserie, on ne peut pas créer de volumes aussi subtils qu’en peinture,
les formes sont donc simplifiées et réduites.
E. L’expressionnisme
57
Le docteur Paul Gachet, Vincent Van Gogh (1890)
Van Gogh ne vendra qu’une seule œuvre, il garde son autonomie grâce à
son frère resté en Hollande (marchand de tableaux qui va acheter ses
œuvres). Le docteur Gachet est un des rares mécènes qui vont l’aider
(commande mais il veut aussi l’aider à aller mieux). Les formes ont un
côté sinueux, les touches sont tourbillonnantes, on a des ondulations →
cela crée une œuvre curieuse très puissante au niveau de la couleur. Elle
est dynamisée. La perspective est encore fuyante, on a l’impression que
le plan est rabattu → produit un malaise de l’espace qui devient
menaçant.
59
4. Un cas particulier : le symbolisme (1886-1914)
A. Le Néo-Classicisme
60
B. Le Romantisme
61
C. L’Eclectisme (entre 1852 et 1870)
L’évolution de la sculpture n’est pas tout à fait comparable à celle de la peinture : on ne va pas
vraiment vers le naturalisme, le réalisme,… Cela est dû au fait qu’elle a eu moins de liberté que la
peinture, car les sculpteurs sont dépendants de commanditaires. Le Second Empire a lancé une série
de grands bâtiments publics. Eclectisme : on fait un choix éclectique du style en fonction du type de
bâtiment et de sa fonction.
Le bas de la pierre est laissé à l’état brut, cela donne un côté très expressif à
la sculpture.
62
4.2. L’architecture au 19e siècle
A. Le néo-classicisme
63
La salle-à-manger du Château de Malmaison
64
Bibliothèque nationale (de France), Etienne-Louis Boullée (1785)
65
B. L’architecture des grandes puissances
L’évolution de l’architecture est un peu différente de celle de la peinture. La deuxième tendance que
l’on peut y voir est celle des grandes puissances qui se servent du néo-classicisme pour asseoir leur
pouvoir politique et leur rayonnement. Les guerres napoléoniennes avaient freiné les grands
chantiers qui vont redémarrer par la suite, on se lance dans le gigantisme.
C. Romantisme et Néo-Gothique
66
Reconstitution de la cathédrale gothique idéale, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc
67
House of Parliament, Charles Barry, Augustus Northmore, Welby Pugin (1839-1860)
68
Home Insurance Building, William Le Baron Jenney (1884-1885)
69
5. Subversion : les avants-gardes
Au début du 20e siècle vont se passer les grandes révolutions préparées à la fin du 19e siècle.
L’avant-garde va naître et sera caractéristique de cette époque. Le terme « avant-garde » est d’abord
un mot militaire. Ce sont de petits groupes d’artistes qui prolongent ceux du post-impressionnisme
et s’adaptent aux difficultés et manques de connaissance qu’ils ont rencontrés. Ils produisent ainsi
un art moderne.
5.1. L’expressionnisme
70
La toilette, Ernst Ludwig Kirchner (1912-1913)
71
Lofthus, Karl Schmidt-Rottluff (1911)
72
L’ivrognesse, Georges Rouault (1905)
73
Portrait de Dédie, Amedeo Modigliani (1918)
74
La raie verte, Henri Matisse (1905)
75
Le pont de Chatou, Maurice de Vlaminck (1905-1906)
76
5.3. Le cubisme (France, 1907-1914)
Les peintres reviennent à un nouvel équilibre, davantage basé sur la lisibilité de l’œuvre.
78
Cubisme : il est mû par un retour à une logique formelle. On a de nouveau un mouvement que l’on
peut comparer à ce qui s’était passé à la fin du 19e siècle où Monet avait poussé la représentation
jusqu’à la dissolution de la forme ramenée à une lumière.
Fauvisme : dans la continuité de la recherche sur la lumière, on y trouve une violence des
couleurs. Il dissoudra aussi la forme presque jusqu’à l’abstraction. On revient à une recherche de
volume et de formes, influencée par Cézanne. Les artistes se rendent compte du génie de ce
dernier, d’une écriture moderne qui répond à la volonté de simplification de la peinture. Il avait
également situé l’art dans l’espace mais pas par les moyens classiques de la peinture.
Proto-cubsime : c’est la mise en place du cubisme.
Cubisme analytique : il est basé sur l’analyse, selon les principes de la construction et de la
déconstruction. Le but des cubistes et de Picasso sera de trouver des moyens alternatifs à la
perspective pour rendre les volumes → fragmentation du volume en plans. Ils écrasent les volumes
et en montrent toutes les faces mises à plat sur le plan.
80
Nature morte avec harpe et violon, Georges Braque (1911)
8
Collage : utilisation de matériaux existants qui sont collés dans le tableau.
81
Nature morte, Pablo Picasso (1914)
Picasso a dessiné un as de trèfle, il a utilisé du papier peint → emploi de divers matériaux. Les
cubistes s’inspirent du quotidien direct (sujet que l’on retrouve beaucoup chez Cézanne) car ils sont
intéressés par une recherche formelle des objets.
L’orphisme
Le terme « orphisme » est créé par le poète Guillaume Apollinaire qui a défendu Picasso. Mais à un
moment, il va s’opposer au cubisme qu’il trouve trop froid, trop réfléchi, pas assez sensible. Il
soutiendra ainsi l’orphisme qui prolonge les techniques cubistes mais dans une toute autre optique.
Les artistes créent des œuvres qui reviennent à la puissance et au pouvoir de la couleur.
82
Une fenêtre, Robert Delaunay (1913)
Cette série de fenêtres est très célèbre, et Apollinaire en fera le
manifeste de l’orphisme. Le matin, le peintre ouvre sa fenêtre et
perçoit des sensations de Paris qu’il va peindre. On distingue une
partie de la Tour Eiffel. Les plans sont juxtaposés. Les couleurs
donnent le plan et la forme, elles sont chatoyantes → recherche de
l’intensité de la couleur. Chacune correspond à une sensation, on
peut les utiliser pour rendre les émotions. On passe donc par des
moyens non-conventionnels pour représenter. Les couleurs sont
dynamiques, ont un côté vibrant, ne sont pas unies et plates.
Delaunay peint du blanc derrière la couleur qu’il charge de
pigments de densités différentes. Ainsi, elle est là comme présence
physique dans l’espace et parfois aussi comme présence spirituelle.
Le futurisme est assez proche du cubisme mais diffère par une approche particulière. Les peintres
utilisent la fragmentation du volume et les cubistes vont les accuser de plagiat. Les futuristes ont
une volonté de rendre le mouvement. Le mouvement naît avec Marinetti qui créera un Manifeste du
parti futuriste.
83
Hiéroglyphe dynamique du Bal Tabarin, Gino Severini (1912)
Dans le titre, on a l’idée de dynamisme qui constitue
une nouvelle relation avec la vitesse. L’homme a un
rapport différent avec l’espace, il découvre d’autres
réalités et envisage les choses de différentes manières.
Cela fait plus ou moins quinze ans que le cinéma est né,
avant les images étaient fixes, on se rend alors compte
que l’image peut aussi être animée. Conjointement au
cinéma, les futuristes essayeront de rendre le
mouvement dans la peinture. Severini veut montrer le
déplacement des formes dans l’espace : la robe de la
femme se décompose plusieurs fois, il essaye de ne pas
la représenter fixe. D’un point de vue formel, cette
œuvre fait penser au cubisme synthétique car on a une
grande présence de la couleur. Les lettres viennent
ajouter de l’information.
84
Ceux qui partent - Etats d’âme I, Umberto Boccioni (1911)
85
Les lignes rayonnantes, Michel Larionov (1912)
La Blaue Reiter est un groupe expressionniste munichois dont les artistes vont travailler dans une
perspective expressionniste avant de passer au cubisme, puis à l’abstraction.
Couverture pour l’almanach du Blaue Reiter (gravure sur bois), Wassily Kandinsky (1912)
86
Improvisation 6, Wassily Kandinsky (1909)
Les couleurs sont très criantes. Les formes sont simples et les paysages
ne sont plus détaillés, comme si on vidait la réalité de sa substance pour
donner une autonomie à la couleur. La couleur est vectrice de courants
spirituels, d’un ordre supérieur.
87