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Titre de l’article : Processus de professionnalisation des enseignements à

l’Université de Lomé dans le contexte de la réforme LMD : Quel modèle pour

renverser les tendances ?

(Process of professionalization of courses at the University of Lomé in the context of


the BMD reform: what model to reverse trends?)

Auteur : BALOGAH Dibaataba, Doctorant en Sciences de l’éducation et de la

formation, INSE, Université de Lomé, BP : 1515, Cel : 22890966765, E-mail :

dbalogah@yahoo.com

Résumé

Face à la massification de l’Université de Lomé et au chômage qui gangrène les

diplômés majoritairement issus des universités publiques togolaises, la

professionnalisation des enseignements semble être la voie de sortie. Cependant, la

sélectivité à l’entrée des filières de formations professionnelles ne consacre, depuis

longtemps, que la professionnalisation d’une minorité des étudiants qui d’ailleurs

sortent à la fin avec tant de lacunes en ce qui concerne les compétences

professionnelles, toujours inadéquates à la demande du marché du travail. La

réforme LMD appliquée par le REESAO dont fait partie l’Université de Lomé n’a pas

apporté grand-chose alors que la professionnalisation est un de ses piliers centraux.

L’utilisation d’une méthodologie qui allie approche qualitative et approche

quantitative, enquête par questionnaire et analyse de documents, a permis de

décrire les tendances remarquables à l’Université de Lomé et d’examiner des

modèles qui ont fait leur preuve avec la réforme LMD. Les tendances persistent.

L’Université de Lomé au jour d’aujourd’hui continue par accumuler environ 95% de

ses étudiants dans les formations générales. De plus, les formations sont plus

1
académiques, développent moins les compétences professionnelles faute de

pratiques, ne répondent pas aux attentes des étudiants et contribuent moins à

l’équité et à l’égalité des chances. L’analyse des modèles européens a révélé que

l’application de la réforme LMD sur ce continent avait pour objectif parmi tant

d’autres de relever les défis de massification et de chômage, que rencontre aussi

l’Université de Lomé. Mais en ce qui concerne la professionnalisation des

enseignements, principe acquis dans le contexte de cette réforme, les stratégies

diffèrent d’un pays à un autre mais avec des constantes. L’exposé de ces stratégies

ont débouché sur la proposition d’un modèle théorique pour renverser les tendances

à l’Université de Lomé.

Mots-clés: Université, professionnalisation, réforme LMD, tendances, modèle

Abstract

Facing the overcrowding of the University of Lomé and unemployment that gangrene
mainly the graduates of the Togolese public universities, the professionalization of
courses seems to be the way out. However, selectivity at the entrance of the
vocational training courses allows, for a long time, the professionalization of a
minority of students who also come out at the end with so many gaps in what
concerns the professional skills, always inadequate to the demand of the labour
market. The BMD reform applied by the REESAO, whose member is the University of
Lomé, did not bring much professionalization, one of its central pillars. The use of a
methodology that combines qualitative and quantitative approaches, investigation by
questionnaire and analysis of documents, has allowed to describe the remarkable
trends at the University of Lomé and to consider models that have been proven with
the BMD reform. Trends continue. The University of Lomé, today continues to enroll
approximately 95% of its students in the theoretical education. In addition, trainings
are more academic, develop less skills lack of practices, do not meet the
expectations of students and contribute less to equity and equality of opportunity.

2
The analysis of European models revealed that the application of the BMD reform on
this continent was intended to face, among others, the challenges of overcrowding
and unemployment, also met by the University of Lomé. But with respect to the
professionalization of the teaching system, an acquired principle in the context of this
reform, strategies differ from one country to another but with permanent
features. The presentation of these strategies resulted in the proposal of a theoretical
model to reverse the trends at the University of Lomé.

Keywords: University, professionalization, BMD reform, trends, model

Introduction
Créée en 1970 par décret présidentiel n° 70-156/PR du 14 septembre 1, l’Université

du Bénin, aujourd’hui Université de Lomé, a vu ses effectifs estudiantins évoluer de

manière exponentielle. De 845 étudiants à la rentrée académique 1970-1971,

l’Université de Lomé compte au cours de l’année 2015-2016, 49473 2 étudiants soit

près de 59 fois l’effectif de la rentrée 1970 ou un accroissement de 5854,79%. En

1985, 25eme anniversaire de l’Université du Bénin, cet accroissement était de 1201% 3.

Ceci signifie que dans les dix années à venir (2025-2026), il sera de 5984,90%

environ et de 7286% en 2035-2036. Cette massification progressive à l’image de

toutes les universités publiques africaines est aggravée par le caractère théorique

d’une grande partie des enseignements de l’Université de Lomé. Par conséquent,

plusieurs diplômés ne sont pas opérationnels sur le marché du travail. C’est d’ailleurs

les diplômés de l’enseignement supérieur qui sont plus exposés au chômage. Selon

le PSE (2014 :34), 48% des diplômés de l’enseignement supérieur âgés d’au plus 29

ans et 30% des diplômés âgés de 15 à 64 ans se trouvent au chômage. Or, ce sont

les universités publiques togolaises qui forment la majorité de ces diplômés. Face à

cette situation l’innovation pédagogique s’impose. Ainsi, l’Université de Lomé,


1
UB, 1996, Université du Benin de 1970 à 1995, Presse de l’UB, Lomé, 1er Trimestre 1996, p.5
2
Données fournies par le service informatique de la DAAS.
3
UB, idem, p. 11

3
membre du REESAO4, va adopter la réforme LMD dont l’un des objectifs est de

professionnaliser les enseignements universitaires. La mise en œuvre d’une telle

réforme n’est point aisée. Marquée par les difficultés de tous ordres, le constat est

que l’adoption de cette réforme se fait à des vitesses contradictoires et fragmentées.

Pour preuve l’analyse de la situation à l’Université de Lomé montre que l’objectif de

professionnalisation est loin d’être réellement amorcé, si ce n’est que la

restructuration des cours annuels en Unités d’Enseignement (UE) semestrielles

conformément à l’organisation pédagogique de la réforme LMD. C’est donc une

simple réorganisation des anciennes filières professionnelles.

Cependant, la volonté politique d’aller vers la professionnalisation est clairement

exprimée dans la loi5 statutaire qui précise clairement la mission des universités

publiques togolaises. Nous constatons que malgré cette volonté politique située dans

la logique de la réforme LMD, le modèle traditionnel de l’université marque les

enseignements de l’Université de Lomé, donnant lieu à des tendances peu

satisfaisantes. Alors, nous pensons, à notre avis, qu’il est plus question de modèle

que de volonté. C’est pour cela que cet article tiré de notre thèse est intitulé :

« Processus de professionnalisation des enseignements à l’Université de

Lomé dans le contexte de la réforme LMD : Quel modèle pour renverser les

tendances ? »

Pour nous, dans le cadre de cet article, la professionnalisation est l’action de

construire la professionnalité, c’est-à-dire les compétences professionnelles et les

bonnes attitudes d’un professionnel efficace. Chez les apprenants, il sera question

4
Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO)
5
Loi n° 2014-002 portant modification de la loi n° 97-14 du 10 septembre 1997, modifiée par la loi
n°2000-002 du11janvier2000 portant statuts des universités publiques au Togo. (JO du 23 mai 2013,
p. 2)

4
de développer les compétences nécessaires à l’exercice d’une profession ; les

compétences sans lesquelles aucun individu ne peut exercer une activé reconnue

pour un groupe de professionnel, socialement constitué et reconnu comme tel. Nous

entendons par enseignements l’ensemble des programmes, des approches

pédagogiques ou pratiques enseignantes mobilisés pour éduquer, instruire et former

un apprenant. La professionnalisation des enseignements s’inscrit dans la logique

d’une recherche de l’adéquation formation-emploi.

Trois objectifs spécifiques guident notre recherche. Il faudra d’abord décrire les

tendances à l’Université de Lomé. Ensuite, nous allons analyser quelques modèles

universitaires qui ont fait leur preuve dans la réforme LMD. Enfin, nous allons

élaborer, en nous inspirant des modèles analysés, un modèle théorique. Dans la

logique de ces objectifs, trois questions méritent d’être posées. Quelles sont les

tendances à l’Université de Lomé, en lien avec la professionnalisation? Comment les

universités qui ont expérimenté en premier la réforme LMD ont procédé pour

professionnaliser les cursus ? Quelle modèle appliqué à l’Université de Lomé

permettra de renverser les tendances ? Par rapport à les premières questions, nous

posons comme hypothèse que trois principales tendances marquent les formations

de l’Université de Lomé, telle que l’orientation de la majorité des étudiants dans les

formations théoriques, l’incapacité des formations à répondre aux attentes des

étudiants et l’impossibilité de l’Université à contribuer à l’équité et à l’égalité des

chances. Notre deuxième hypothèse, en lien avec la deuxième question est que ces

universités ont organisé leurs cursus de manière à permettre le passage obligatoire

de tous les étudiants par la professionnalisation, un principe acquis afin de renverser

les tendances. Ainsi, nous pensons comme troisième hypothèse que l’Université de

Lomé peut s’inspirer de ces modèles pour renverser les tendances à son niveau.

5
Nous nous sommes référés à trois groupes de théories : les théories du rôle de

l’université porté par Fourastié (1972) et Kourganoff (1972), les théories de la

professionnalisation par la formation (Wittorski, 2012) et les théories du sentiment

d’efficacité personnelle (Bandura, 1986) et professionnelle (Marcel, 2009).

Après un bref exposé des méthodes, nous présenterons et analyserons les résultats

obtenus. Nous terminerons ce rapport par la discussion qui mettra l’accent sur la

méthodologie et les résultats obtenus.

1Méthodlogie de la recherche

Cette étude est à la fois qualitative et quantitative. Nous avons utilisé les statistiques

sur les effectifs des étudiants et un questionnaire pour collecter des informations

auprès des étudiants. L’aspect qualitatif concerne l’analyse des contenus de

documents décrivant les modèles universitaires.

1.1 L’analyse des effectifs de l’Université de Lomé de 2007 à 2015

Tous les chiffres sur les effectifs des étudiants sont obtenus à la DAAS 6. Les

traitements sont faits à base du logiciel Excel. Ce logiciel nous a permis de tracer les

graphiques, les courbes de croissance et les diagrammes de secteurs. En calculant

les effectifs des formations professionnelles, nous avons exclu la faculté des

sciences de la santé (FSS) pour deux raisons principales : dès l’origine la formation

des médecins a toujours été une formation professionnelle ; notre analyse s’arrête au

niveau de la licence alors que la formation du médecin va jusqu’au doctorat. Les

moindres effectifs de cette faculté sont inclus dans les effectifs des formations

théoriques.

6
Direction des Affaires Académiques et de la Scolarité.

6
1.2 L’enquête auprès des étudiants

Nous avons mené une enquête auprès des étudiants choisis au niveau de deux

formations professionnelles (Institut Universitaire de Technologie et de Gestion et

l’Ecole Supérieure des Administrateurs et des Assistants de direction), de la faculté

des sciences économiques et de gestion (FaSEG), de la faculté des langues, lettres

et arts (FLLA) et de la faculté des sciences de l’homme et de la société (FSHS). Ces

étudiants sont majoritairement des semestres 5 et 6. L’échantillon n’est pas

probabiliste. Le traitement des données est fait avec SPSS pour la confection des

tableaux. Ceux-ci sont ensuite exportés vers Excel pour la construction des

graphiques. Le questionnaire qui a permis de collecter les données est construit

autour des points suivants : l’appréciation sur les formations et les diplômés de

l’Université de Lomé, les projets professionnels des étudiants, la capacité à être

opérationnel, le sentiment d’efficacité, le pouvoir économique des familles (origine

sociale de l’étudiant), les attentes des apprenants.

1.3 L’observation de quelques modèles universitaires selon la réforme LMD

Nous avons analysé les contenues des documents décrivant des modèles

universitaires européens. Cette analyse est faite suivant trois axes principaux : les

défis qui ont poussé les pays européens à adopter la réforme LMD, les stratégies de

professionnalisation avec la réforme LMD et l’importance accordé à cette

professionnalisation. Les modèles observés sont entre autres les modèles français,

7
allemand, britanniques, hollandais, italiens. Les principaux textes qui ont servi sont

les ceux de Martin7, de Thomas et alii (2000)8 et de Maillard et alii (2004)9.

2 Résultats de la recherche et analyse

2.1 Les tendances à l’Université de Lomé

Les analyses des effectifs d’étudiants à l’Université et les données de l’enquête

auprès de 200 étudiants, choisis aussi bien dans les formations théoriques que dans

les formations professionnelles, montrent trois principales tendances. D’abord, plus

de 90% des étudiants suivent des formations théoriques. Secundo, ces formations

répondent moins aux attentes des étudiants. Tertio, dans ces conditions, l’université

de Lomé contribue moins à l’équité et à l’égalité des chances.

2.1.1 La majorité des étudiants est toujours orientée vers les formations

théoriques

Considéré selon les types de formation, l’on constate que la plupart des étudiants

s’orientent vers les formations générales. Environs 95% des étudiants sont dans les

facultés et à l’INSE. C’est donc dire que c’est une minorité (environ 5%) qui accède

aux formations professionnelles. Ces données ne sont pas loin de ceux de L’OCDE

(2016 : 71)10 qui précise que « malgré une offre de formation diversifiée, la

répartition des étudiants entre les filières est déséquilibrée ». Selon elle, les filières

académique non scientifiques accueillent 75% des étudiants, les filières scientifiques
7
Justine Martin, Les politiques de professionnalisation des cursus universitaires, Centre International
de Philosophie Politique Appliquée, http://cippa.parissorbonne.fr/?page_id=1124, Consulté le
07/07/2016
8
Pfeffer Thomas, Unger Martin, Hölttä Seppo, Malkki Pertti, Boffo Stefano, Finocchietti Giovanni,
2000, Latecomers in vocational higher education: Austria, Finland, Italy, HOFO Working Paper Series
00.001, Vienna, IFF (Faculty for Interdisciplinary Studies),
http://www.iff.ac.at/hofo/WP/IFF_hofo.00.001_Pfeffer_latecomers.pdf. Consulté le 20 juillet 2016.
9
Dominique Maillard, Patrick Veneau et Collette Grandgérard, 2004, « Les licences professionnelles.
Quelle acception de la « professionnalisation » à l’université ? », Relief 5 / juin 2004, Centre d’étude et
de recherche sur les qualifications, Marseille

10
OCDE, 2016, Enseignement supérieur et marché du travail au Togo : comment valoriser les
compétences ?, Editions OCDE, Paris

8
18% alors que les formations techniques ou appliquées n’en totalisent que 4%. Mais

la répartition constatée par l’OCDE tient compte des effectifs de l’année 2009-2010

et ne couvre pas les 100% d’étudiants. Si elle ne dit rien du reste des étudiants, elle

n’est cependant pas loin des données de la DAAS. En effet, les formations

techniques (et professionnelles) recrutent un faible pourcentage d’étudiants (4 à 5%).

Le graphique ci-après l’indique sans ambigüité.

Graphique N°1 : Représentation des effectifs des formations professionnelle et

générale dans l'effectif global

60000
47845
43775
50000 41459 44063
40427 43815
39622 42185
37785 42718
38517
38308
40000 36139
33255
31824
29431
30000
20000
10000
1903 2132 2617 3120 3479 3723 3933 3817
0
8

5
00

00

01

01

01

01

01

01
-2

-2

-2

-2

-2

-2

-2

-2
07

08

09

10

11

12

13

14
20

20

20

20

20

20

20

20

Formation professionnelle Formation générale Effectif global

Source : Construit sur la base des données du Service Informatique de la DAAS

A observer le graphique ci-dessus, on remarque un léger accroissement des effectifs

des filières professionnelles au fil des années. Pour mieux apprécier cette

augmentation des effectifs, il est préférable de prendre pour effectif de base, celui de

1971. En 1971-1972 toutes les filières techniques et professionnelles ne comptaient

que 49 étudiants en tout sans la faculté de médecine. En 1984-1985, 407 étudiants

étaient inscrits dans ces filières avec un taux d’accroissement de 830,61%. Entre

2007-2008 et 2014-2015, il n’est que de 200,57% 49. Entre 1971-1972 et 2014-2015,

ce taux est de 7789,79% alors qu’entre 1971-1972 et 2007-2008, il était de

3883,67%. Au même moment, les effectifs des filières générales croissent

9
apparemment de manière faible. De 845 étudiants en 1970-1971, l’on compte 4063

étudiants après 25 ans (1995-1996) soit un accroissement de 480,82% ou 3218

étudiant de plus, 29431 étudiants en 2007-2008 soit un taux d’accroissement de

3482,96% après 37 ans ou plus de 25000 étudiants après 14 ans et 38517 étudiants

en 2014-2015 soit un taux d’accroissement de 4558,22% après 44 ans.

Graphique n°2 : Evolution des taux d’accroissement des formations générales

et des formations professionnelles.

Taux d'accroissement formations générales


Taux d'accroissement formations techniques et
professionnelles
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1970-1971 1984-1985 2007-2008 2014-2015

Source : Construit sur la base des données du Service Informatique de la DAAS

Apparemment, les taux d’accroissement des effectifs des formations

professionnelles et techniques par rapport à l’année 1971-1972 sont plus élevés que

les taux d’accroissement des effectifs dans les filières générales. Ceci montre que

chaque année, les autorités universitaires font un effort pour améliorer l’accès des

étudiants aux filières professionnelles et techniques. Mais cet accroissement ne vaut

pas grand-chose devant l’écrasante population étudiante des formations théoriques

et générales.

2.1.2 Une formation trop académique mais diversement appréciée

En général, la formation à l’Université de Lomé est théorique et déconnectée de la

réalité du marché du travail. 62% des étudiants enquêtés disent que leurs formations

10
sont purement théoriques, c’est-à-dire n’intègre aucun aspect pratique. De telles

formations, le plus souvent données dans les facultés n’incluent aucun stage en

entreprise. Il en est ainsi des enseignements dispensés dans les facultés telles que

la FLLA, FSHS, FDD, FaSEG. Toutefois, cette appréciation n’est pas partagée par

38% des enquêtés. En effet, pour 3% la formation est pratique même si elle donne

quelques fondamentaux théoriques. Il est difficile de trouver une formation purement

pratique à l’université. Un alliage théorie et pratique est acceptable dans un cadre

universitaire. 35% des étudiants enquêtés trouvent que leurs formations joignent la

pratique à la théorie. C’est le cas dans établissement où les enseignements sont

essentiellement professionnels et où les stages pratiques sont officiellement

organisés pour permettre aux étudiants d’être professionnellement mieux socialisés.

Tout compte fait, la formation est largement théorique comme le montre le

diagramme des secteurs suivant.

Graphique N°3 : Proportions des enquêtés selon que leur formation est

théorique, théorique et pratique ou pratique

35%
62%
4%

THEORIQUE PRATIQUE
THEORIQUE ET PRATIQUE

Source : notre enquête de mars 2016

Cependant, ce constat doit être relativisé puisque si les étudiants sont nombreux à

qualifier de trop théoriques les formations de l’Université de Lomé, ils sont aussi

importants à dire que ces formations développent les compétences qu’ils désirent.

Les enseignements universitaires développent chez les apprenants des savoirs

11
théoriques que certains considèrent comme des compétences professionnelles. Il est

évident que ces étudiants ont un faux sentiment (Bandura, 1986 ; Marcel, 2009)

d’avoir développé des compétences professionnelles. Les formations à l’Université

de Lomé sont pour un grand nombre d’étudiants très théoriques. C’est le cas des

étudiants inscrits dans les facultés. Il s’en suit que lorsque ces étudiants quitteront

l’université, ils chercheront des stages de perfectionnent afin de développer des

compétences professionnelles. Pour preuve, 81% des enquêtés estiment qu’avec

leur formation universitaire, ils ne peuvent pas être directement opérationnels sur le

marché du travail. Ainsi, ils affirment qu’il leur faut nécessairement un stage de

perfectionnement.

Graphique N°4 : Répartition des enquêtés selon leur capacité à être

opérationnels

OUI
20%

OUI
NON, il NON, il me faut un
me stage de
faut un perfectionnement
stage
de
perfec
tionne
ment
81%

Source : notre enquête de mars 2016

Si nous rapportons ce pourcentage à l’effectif des étudiants pour l’année universitaire

2015-2016 (49473 étudiants), nous pouvons tirer la conclusion selon laquelle 40074

étudiants de cet effectif n’ont pas ou risquent de ne pas avoir des diplômes et/ou des

compétences professionnels à l’issue de leur formation. Dans ces conditions, il leur

faudra nécessairement passer par un stage de perfectionnement afin de développer

des compétences professionnelles. Certains étudiants peuvent le faire pendant qu’ils

12
suivent les cours. D’autres le feront après leur formation. C’est donc l’effort propre de

l’étudiant qui lui permettra de combler le manque à gagner. Les stratégies

d’apprentissages des étudiants vont donc au-delà de l’université. Le dépend de

comment ils s’approprient l’offre de formation de l’Université de Lomé.

2.1.3 Des formations qui répondent moins aux attentes des étudiants

D’après le graphique N° 5 ci-dessous, la majorité des enquêté (74%) ont des projets

de devenir des professionnels dans les entreprises et services. Les 26% restant

veulent être des chercheurs voire des chargés d’études. Ces résultats confirment

ceux de 2013 recueillis auprès des élèves de la classe de terminale (Balogah,

2015) : 73% voulaient devenir des professionnels et 25% des chercheurs. 2%

n’avaient pas répondu à la question. Que ce soit des travailleurs dans des

entreprises et services ou que ce soit des chercheurs à leurs propres comptes ou

dans des cabinets d’études, tous sont des professionnels.

Graphique N° 5 : Proportion des enquêtés selon leurs projets professionnels

Cherc
heur
51
26%

Profess
ionnel
145
74%

Source : notre enquête de mars 2016

Qu’attend-on de l’université ? Donner à la grande masse des étudiants des diplômes

professionnels obtenus à l’issue de la formation professionnelle ou des diplômes

obtenus à la fin d’une formation générale avec un stage en entreprise organisé par

l’établissement. Malheureusement, cette attente n’est pas comblée comme l’estiment

13
80% des étudiants enquêtés (graphique N° 6). C’est presque dans les mêmes

proportions que les étudiant qui comptent sur leurs diplômes et leurs expériences

professionnelles. L’expérience professionnelle étant un indicateurs du

développement professionnel.

Graphique N°6 : Répartition des enquêtés selon que leurs attentes sont

comblées ou non

Oui
20%

Non
80%

Source : notre enquête de mars 2016

Au-delà du fait que leur université leur donne plus des formations théoriques, comme

l’estiment 62% des enquêtés, ces étudiants relèvent qu’ils sont retardés (66,80%)

par la reforme LMD alors que seulement une minorité reconnaissent à ce système un

caractère formateur (17,60%) qui permet le développement des compétences

professionnelles (15,60%). Obtenir des compétences professionnelles dans un délai

raisonnable afin d’exécuter son projet professionnel, tel est le souhait de chaque

étudiant.

2.1.4 Une formation qui assure moins l’équité et l’égalité des chances

Selon Fourastié (1972) un aspect du rôle de l’Université est de contribuer à l’équité

et à l’égalité des chances, par l’octroi des diplômes qui doivent d’occuper des

positions sur le plan social. Tel est également l’appel du politique togolais à l’égard

des universités de notre pays. Or, si les compétences professionnelles sont


14
déterminantes dans l’insertion professionnelle, leur défaut dans des formations

universitaires est une arme contre l’équité et l’égalité des chances. Pour les enfants

des familles favorisées, les réseaux sociaux peuvent leur permettre de s’insérer

facilement sur le marché du travail, alors que les étudiants des familles défavorisées

comptent principalement sur leurs diplômes qu’ils désirent être professionnels. Les

résultats de notre enquête montrent que parmi les étudiants interrogés, 67% sont

issus de familles défavorisées contre 33% pour les familles favorisées 11. Comparé à

l’effectif de ceux qui comptent sur leur diplômes et expériences professionnelles pour

s’insérer sur le marché du travail, il est judicieux de conclure que même une partie

des étudiants issue de familles favorisées compte sur leurs diplômes et compétences

professionnelles.

Graphique N°3 : Répartition des enquêtés selon leur origine sociale

Source : enquête de mars 2016

Ce graphique doit nous aider dans l’interprétation du graphique ci-dessous. Il a été

démontré par les chercheurs que la classe d’origines sociale favorisée joue

beaucoup plus sur le capital social pour occuper des postions sociales alors que la

plus importante force de la classe d’origine sociale défavorisé est principalement leur
11
L’origine sociale est appréciée par rapport au pouvoir économique. Il est demandé aux enquêtés
s’ils peuvent payer pour une formation professionnelle coûtant entre 300000 et 500000. C’est les frais
de formations professionnelles (Licences et Masters) dans les établissements d’enseignements
supérieurs privés.

15
capital humain. Les étudiants issus de cette dernière classe étant majoritaire, 80%

des étudiants enquêtés espèrent obtenir de l’université des diplômes et des

compétences professionnels afin d’être opérationnels sur le marché du travail.

Mêmes certains étudiants de classe sociale favorisé ne compte que sur le capital

humain (diplômes et expériences professionnelle). Seulement 20% des étudiants

enquêtés compte sur le capital social (les parents et les relations) et nous pouvons

conclure que ceux-ci sont de la classe favorisée.

Graphique N°4 : Proportions des étudiants selon les moyens d’insertion

professionnelle

Les parents et les


relations
20%

Les diplômes et
l'expérience
professionnelle
Les parents et les
relations

Les diplômes et
l'expérience
professionnelle
80%

Source : notre enquête de mars 2016

L’expérience professionnelle dans ces conditions est déterminante pour les

diplômés. Or, ce ne peut être que l’expérience acquise lors des stages effectués au

cours de la formation universitaire.

2.2 Analyse des modèles universitaires

2.2.1 Relever le défi de la massification et du chômage et répondre aux besoins

de la société

La massification de l'enseignement supérieur a eu pour conséquence une

redéfinition des rôles de l'Université. Ces dernières décennies, l’augmentation du

16
chômage parmi les jeunes diplômés européens a entrainé une réflexion accentuée

sur la question de la professionnalisation des cursus universitaires. Cette

professionnalisation a pour objectif principal de « favoriser l'employabilité des

citoyens européens et d'améliorer la compétitivité du système européen

d'enseignement supérieur à l'échelon mondial ». Tel est, théoriquement, l’objectif de

la reforme LMD, processus qui a mobilisé les signatures des Universités

européennes lors de la Déclaration de Bologne en 1999.

L’ambition de ces universités était de répondre aux attentes des employeurs et des

familles en matière de formation en mettant en place un système à deux cycles. Le

premier cycle dure trois ans (Licence ou Bachelor) et permet une entrée rapide sur le

marché de l'emploi et le second dure deux ans (Master) et conduit à une expertise.

Avec la réforme LMD (ou réforme BAMA - Bachelor Master - ailleurs), certaines

universités ont refondu leurs systèmes de délivrance des diplômes, comme ce fut le

cas en France. En plus de la réforme LMD, les universités européennes ont introduit

un supplément au diplôme pour faciliter la reconnaissance, dans le monde

professionnel, des qualifications acquises lors des études. Ainsi, les ministres

responsables de l'enseignement et de la formation s'engagèrent à renforcer leur

coopération afin

«de moderniser leurs systèmes d'enseignement et de formation


professionnels pour que l'économie de l'Europe devienne la plus
compétitive et afin d'offrir à tous les Européens les qualifications et les
compétences dont ils ont besoin pour s'intégrer complètement à la société
émergente de la connaissance, qu'il s'agisse des jeunes ou des travailleurs
âgés, des demandeurs d'emploi ou des personnes désavantagées,
contribuant ainsi à des emplois meilleurs et plus nombreux.12 »

12
Communiqué de Maastricht sur les priorités futures de la coopération européenne renforcée pour
l'enseignement professionnel (14 décembre 2004).
www.etuce.homestead.com/Developments/Francais/maastricht_com_fr.pdf Consulté le 20 juillet 2016

17
Ce désir de développer le lien entre le monde du travail et l'enseignement supérieur

a conduit la plupart des Etats européens à réorganiser les filières et programmes.

2.2.2 Les stratégie de professionnalisation des universités européennes avec

la réforme LMD

Trois types d’approche de professionnalisation apparaissent nettement. Le

processus de Bologne a permis :

- le réaménagement de filières préexistantes avec des changements très

importants, comme en Allemagne.

- Satisfaire les exigences du marché de l’emploi en créant de nouvelles

formation et qualifications.

- d’opter pour une solution mixte, créant de nouvelles filières et réaménageant

les cursus préexistants.

2.2.2.1 Le réaménagement de filières préexistantes: les cas allemands et

hollandais

- Le modèle germanique

Les stratégies envisagées pour permettre « une meilleure intégration des diplômés

dans le monde du travail » sont diverses. L’une d’elles est la mise en place, au sein

des cursus, des modules à vocation professionnelle. Cette stratégie est pratiquée

dans les filières artistiques et en sciences sociales, où certaines universités ont

élaboré des programmes d'enseignement en collaboration avec les agences pour

l'emploi afin de placer leurs étudiants dans l'industrie et de les armer de

compétences clés, comme, par exemple, l'informatique. Une autre stratégie a été la

création des options professionnalisantes en proposant des modules qui permettent

d'acquérir des compétences dans le domaine de l'enseignement ou encore dans le

18
domaine du management des entreprises culturelles. C’est une spécialisation accrue

qui est valorisée dès les premières années d'études. Plusieurs universités forment à

l’entrepreneuriat.

A côté, les bureaux de conseil pour les étudiants ont été institué et ont permis de

procurer à ces derniers une meilleure information et aidé les diplômés à passer de

l’université au monde du travail. Les stages professionnels permettent aussi aux

étudiants d'avoir la possibilité de connaître, de l'intérieur, le monde du travail et

d'établir des contacts avec de potentiels employeurs qui peuvent demander les

preuves d'une expérience professionnelle (de quatre à six mois, parfois d'un an)

acquise durant les études. Le fait pour les étudiants de se créer des profils

individualisés dans des domaines de spécialisation en choisissant des unités

d’enseignement adaptées permet une meilleure transition de l'enseignement

supérieur vers le monde du travail13.

Les Fachhochschulen14 dont le but est de favoriser l'apprentissage professionnel ont

été profondément modifiée alors que les réformes récentes ne devraient être que

des ajustements. L’introduction du Bachelor et du Master a troublé les relations entre

les diplômés et le monde économique à cause de la durée des nouveaux diplômes

En effet, l’ancien diplôme était obtenu après quatre ans d’études. Mais cette réforme

est incomplète, oubliant les modules les plus professionnalisants tels que le stage et

les rapports sur l’expérience professionnelle.

13
« Higher education in Germany 2003», document mis en ligne sur le site EuroEducation.net
(http://www.euroeducation.net/prof/germanco.htm ) Consulté le 20 juillet 2016
14
Dans certains Länder les « Fachhochschulen » (universités de sciences appliquées) sont appelés
« Hochschulen für angewandte Wissenschaften » (établissements d’enseignement supérieur des
sciences appliquées) ou des « Hochschulen für angewandte Forschung » (établissements
d’enseignement supérieur de recherche appliquée). Au Bayern des « Hochschulen für angewandte
Wissenschaften » ont droit à s’appeler « Technische Hochschule » (établissement d’enseignement
supérieur technique).

19
- Le modèle hollandais

La réforme LMD a débuté à la rentrée 2002‐2003 dans les universités hollandaises,

mais avec un impact limité dans les « hogescholen ». Toujours d’une durée de

quatre ans, les cursus sont constitués d'un seul cycle. Les stages en entreprise y

sont très recommandés. Toutefois, cette réforme a permis aux apprenants de

poursuivre aussi, au niveau des « hogescholen », des formations générales et a

introduit un diplôme de Master dans ces établissements.

La formation en alternance est plus pratiquée aux Pays‐Bas. Le résultat est qu’il n'y a

pas véritablement de problème d'emploi des diplômés. Au contraire même, les

étudiants sont rares dans certains domaines. En effet, dans les filières des sciences

de l'information et les technologies de la communication, plusieurs étudiants sont

embauchés avant l’obtention de leur diplôme.

2.2.2.2 La mise en place récente de cursus professionnalisants dans

l'enseignement supérieur : les cas italiens, autrichiens.

- Le modèle italien

Face à la demande pressante par le marché du travail, de profils professionnels

intermédiaires entre les bacheliers et les diplômés de l'université, les autorités

italiennes ont créé depuis 2000 des établissements non‐universitaires post‐

secondaires connus sous le nom des Instituts Supérieurs de Formation Technique

(Istruzione e Formazione Tecnica Superiore).

Ces établissements, très sélectifs, recrutent seulement entre vingt et quarante

étudiants pour deux à quatre semestres de cours et fonctionnent sur le fondement

d'une collaboration entre universités, entreprises et enseignement secondaire.

Paradoxalement, cette innovation a tourné à la dérive. En réalité, trois ans après

20
l'obtention de leur diplôme, les Italiens sont encore 77,6% à être au chômage.

Parallèlement, la réforme LMD a diminué la durée des études pour l'obtention d'un

premier diplôme. Malheureusement, de très nombreux étudiants continuent leurs

études en Master, ne donnant pas au Bachelor la valeur d’un « véritable » diplôme.

De plus, une spécialisation très poussée a conduit à une véritable dérive dans ce

pays de sorte que la question de la professionnalisation est mal comprise par les

acteurs. Le modèle italien tend par conséquent à éviter la centration sur la

professionnalisation des offres de formation.

- Le modèle autrichien

En Autriche, la réforme LMD est venue asseoir les « Fachhochschulen » orientées

vers la professionnalisation. Créées depuis 1995 dans l’optique d’être en harmonie

avec le reste de l’Europe, surtout pour la durée des études, les

« Fachhochschulen »  furent la réponse à différents problèmes, comme, par

exemple, la faible proportion d'étudiants au sein l'enseignement supérieur et la durée

excessive des programmes universitaires. Ces « Fachhochschulen » sont

supervisées par le Ministère des sciences et des transports en collaboration avec le

Conseil des Fachhoschulen composé de partenaires sociaux. Dans le but de

répondre aux attentes des employeurs, le développement de nouveaux cursus ne

peut être entrepris que sur la base d'une analyse des besoins de l'industrie et en

collaboration avec elle. L’accès à ces établissements est sélectif. Tout étudiant

admis dans ces formations doit :

- faire un semestre de stage pratique obligatoire en entreprise,

- coopérer avec les entreprises,

21
- rédiger un mémoire ou élaborer un projet en relation directe avec les

véritables besoins des entreprises.

2.2.2.3 Une réforme mixte en Angleterre et en France

- Le modèle britannique

Au Royaume-Uni, le monde du travail influence les cursus universitaires et la

définition des compétences requises. Cette insistance sur l'interrelation entre le

monde du travail et l'Université a conduit au réaménagement en 2001 du

« foundation degree », introduit dans l'enseignement supérieur depuis 25 ans.

Professionnellement orienté, ce diplôme se situe juste au‐dessous du « honours

degree » et est supposé répondre aux besoins économiques du pays et aux attentes

des employeurs. Il est directement inspiré et conçu par et pour le monde du travail. Il

n’est pas sélectif et permet ainsi à qui souhaite améliorer sa formation de poursuivre

des études sans pour autant devoir démissionner de son emploi. Cependant, 50%

des étudiants qui suivent ces cursus scolaires le font toutefois à temps plein.

- Le modèle français

En France, les réformes de 1998 à 2004 sont marquées par la professionnalisation.

Ce n’est pas avec la réforme LMD que les universités françaises se sont

rapprochées du monde productif. Le système LMD n’a consacré que la Licence et le

Master comme les principales voies d'accès au monde du travail. Or, la licence

générale ne prépare pas suffisamment les étudiants à la vie professionnelle et la

Licence professionnelle étant sélective ne peut être une véritable alternative. Bien

avant la réforme LMD, les principaux diplômes professionnels étaient les DUT et les

BTS. Ainsi pour créer les licences professionnelles, les enseignants s’appuyaient sur

22
les expériences des DUT et BTS qu’ils modifiaient ou créaient ex nihilo le nouveau

programme qu’ils soumettaient aux entreprises (Maillard et alii, 2004 : 27).

Cette création ex nihilo est plus pratiquée dans l’élaboration de l’offre dans les UFR

où les formations sont nouvelles et offre de nouvelles qualifications. Cette création

des diplômes professionnelle au niveau des UFR est la marque d’une volonté de la

part des enseignants. Chercheurs appuyés par les autorités universitaires.

L’argument souvent évoquée est celui de « diversifier l’offre d’enseignement, de la

compléter lorsqu’il existe des formations professionnelles et de professionnaliser les

formations générales ». Etant nées de la volonté des enseignants, toutes les offres

ne répondaient pas aux besoins du monde professionnelle. Le plus délicats dans

cette demande était la traduction des disciplines en métiers. Il faut nécessairement,

dans la logique de création des offres formation professionnelles, identifier des cibles

professionnelles et des objectifs professionnels ainsi que des besoins.

La question du partenariat est l’un des principes dans le processus de

professionnalisation des universités. Les universités françaises pour mieux se

professionnaliser ont signé des partenariats avec les établissements de formation et

les entreprises.

Un rapport du Comité de suivi de la Licence professionnelle produit en automne

2004 a révélé que 1000 Licences professionnelles sont effectivement mises en place

dans les IUT et les UFR et ont recruté à hauteur de 25000 étudiants. Ce Comité avait

commandité une étude sur l'insertion des premiers diplômés 195 licences habilitées

en 2001. Les résultats sont plutôt encourageants car 70 % des diplômés déclaraient

avoir un emploi, dont la moitié en CDI. 68 % considéraient que leur diplôme était bien

adapté à leur métier actuel.

23
Dans un rapport publié à la fin de l'année universitaire 2005‐200615, il a été

préconisé :

- une orientation bien encadrée des étudiants au sein des universités,

- l’amélioration des moyens pour informer les étudiants,

- l’introduction d’un module « projet professionnel » dans toutes les Licences

pour permettre aux étudiants d'élaborer un projet personnalisé.

L’acquisition des compétences dans une langue étrangère et en informatique ainsi

que la maîtrise des outils de professionnalisation sont recommandées. Dans la

même logique, un stage bien encadré est l’une des modalités innovantes instituées

pour faciliter l'insertion professionnelle des diplômés.

2.2.3 La professionnalisation des enseignements, un principe acquis

Depuis longtemps, des auteurs se sont interrogés sur le rôle de l’Université.

Kourganoff (1972) et Fourastié (1972) ont fait une œuvre remarquable dans ce sens .

Kourganoff (1972 : 24) écrit justement que 

« le rôle essentiel de l’université serait de fournir des cadres nécessaires à


tel ou tel secteur de l’activité nationale : des professeurs pour former la
jeunesse, des ingénieurs pour soutenir l’effort industriel, des chercheurs
pour faire avancer la science appliquée (…) Ainsi, la préparation aux
emplois et à la formation répondrait à la fois au slogan " student want job"
des étudiants et au slogan "investir en homme" des technocrates ».

Très récemment et surtout avec la réforme LMD, les débats théoriques sur le rôle de

l’université ont pris plus d’ardeur, justifiant une tendance accrue à la

professionnalisation des diplômes proposés par les universités. Ainsi, l’adaptation

des formations universitaires aux besoins du marché de l'emploi est aujourd’hui un

principe acquis. Cette adaptation a profondément modifié la mission de l’université.

15
Cf. le Rapport de la commission « Université‐emploi » remis le 24 octobre 2006. http://www.debat‐
universite‐emploi.education.fr/s

24
L’on parle de plus en plus de la mission économique de l’université. Kourganoff

(1972) définit cette mission comme suit :

« La mission économique et technique de l’université, négligée par les


ultra-aristocrates est pourtant évidente : former des cadres aussi
compétents que possible dans les divers domaines de l’activité nationale. A
la limite, dans cette optique, l’université ne serait qu’une vaste usine de
cadres. Elle aurait pour rôle essentiel d’adapter la jeunesse aux nécessités
économiques du présent et aux besoins présumés de l’avenir. » (p. 23)

C’est donc pour renforcer et améliorer cette mission économique que les universités

européennes ont toutes emprunté, sans détour, la voie de la professionnalisation

aujourd’hui incontournable (Champy-Remoussenard, 2008)16. A l’analyse des

mesures prises selon les différents modèles ci-dessus analysés, l’on note, malgré

quelques dissemblances, un effort croissant de la part de l'enseignement supérieur

sur au moins trois points distincts :

- En termes d'information des étudiants et d'orientation, les nouveaux

programmes proposés tâchent de sensibiliser les étudiants à la nécessité

d’élaborer un « projet professionnel » bien précis.

- L'insistance sur l'immersion dans le monde du travail par le biais de stages

encadrés, de plus ou moins longue durée, est une constante.

- L'implication du monde du travail dans la détermination des compétences à

acquérir et donc dans la formation des programmes universitaires tend à se

développer à l'échelle européenne.

Avec le processus de Bologne, les universités européennes ont donc entrepris une

réforme de fond en harmonisant le nombre d'années nécessaires à l'obtention d'un

premier diplôme, permettant une entrée dans le monde du travail.

16
Patricia Champy-Remoussenard, 2008, « Incontournable professionnalisation », Savoirs 2/2008 (n°
17), p. 51-61 URL : www.cairn.info/revuesavoirs20082page51.htm DOI : 10.3917/savo.017.0051.

25
La question des modalités de professionnalisation fait aussi, depuis quelques

années, l’objet des débats scientifiques et politiques sur l'enseignement supérieur.

En dehors de la formation par alternance pratiquée plus en Angleterre, dans le cadre

du Foundation degree et en Finlande au niveau des « hogescholen », une autre

approche est en œuvre en France : le système de Validation des Acquis de

l'Expérience (VAE). Ce système permet une meilleure prise en compte des

compétences acquises dans le travail et va apporter des modifications dans le

déroulement des études universitaires dans l’optique de favoriser l'intégration de

nouvelles catégorie d'étudiants.

2.3 Un modèle théorique pour renverser les tendances à l’Université de Lomé

Les stratégies mises en œuvre par les universités européennes peuvent inspirer les

autorités universitaires de Lomé. A notre avis nous pensons que le modèle français

conviendrait aux universités francophones, donc à l’Université de Lomé qui peut

aussi emprunter quelques traits du modèle allemand. Toutefois, s’il nous est permis

de proposer un modèle, celui-ci doit être fixé par quatre piliers importants :

- Procéder à la professionnalisation dans tous les établissements : il faut

transformer profondément les anciennes formations professionnelles et créer

de nouveaux diplômes professionnels. Il ne s’agit pas seulement de

transformer les DUT et les BTS en Licences professionnelles, mais de mettre

en marche des méthodes et pratiques pédagogiques (l’approche par les

compétences, la pédagogie du groupe, la pédagogie du projet, les TD et les

TP ainsi que les projets tutorés) qui puissent permettre aux étudiants de

développer les compétences professionnelles (Armatte et alii, 2005). La

création des Licences professionnelles au niveau des formations générales,

comme c’est le cas en France, permettra le passage de tous les étudiants par

26
la professionnalisation. Cependant, il faut éviter une spécialisation trop

poussée pour ne pas tomber dans la dérive italienne.

- Orienter tous les étudiants selon leurs projets professionnels et permettre à

chacun d’entre eux de bâtir des parcours personnels de professionnalisation

comme le propose Le Boterf (2010). Il convient de mettre l’accent sur

l’information des étudiants. Ceux-ci devront avoir une bonne connaissance de

l’offre de formation. Ce qui leur permettra de poser les meilleures stratégies

(Balogah, 2015) et de faire des choix responsables.

- Construire des partenariats solides avec le monde économique pour

permettre la participation des professionnels dans l’élaboration et la mise en

œuvre des programmes de formation. Ce partenariat permettra également

d’offrir des stages aux étudiants. La participation des professionnels aux

enseignements, l’existence des partenariats avec le monde professionnel et

des stages pour tous les étudiants sont des critères de professionnalisation

des formations (Maillard et alii, 2004 ; Marcyan, 2010).

- Combiner des modalités de professionnalisation comme le propose Wittorski

(2012)17. La formation peut se faire par alternance (Merhan et alii, 2007 ;

Doray et al., 2001), tout en acceptant la validation des acquis professionnels

(VAP)18.

3. Discussion

Notre méthodologie est discutable sur ces deux derniers points à savoir l’échantillon

d’étudiants enquêtés et les modèles universitaires observés. L’échantillon n’est pas


17
Richard Wittorski, « La professionnalisation de l’offre de formation universitaire : quelques
spécificités », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 281 | 2012,
mis en ligne le 20 avril 2012, consulté le 26 janvier 2017. URL : http://ripes.revues.org/580
18
Pour mieux comprendre la VAP, Voir Béatrice Verquin Savarieau, 2013, « La validation des acquis
professionnels une pratique de professionnalisation ? », Les dossiers des sciences de l’éducation [En
ligne], 30 | 2013, mis en ligne le 05 décembre 2013, consulté le 10 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/dse/256 ; DOI : 10.4000/dse.256

27
représentatif si nous considérons l’important effectif des étudiants de la Licence à

l’Université de Lomé au cours de l’année académique 2015-2016. Les modèles

observés sont choisi pour deux raisons principales : la disponibilité d’une

documentation sur ces modèles et le fait qu’ils sont les premiers à appliquer la

réforme LMD depuis la déclaration de Bologne en 1999. Mais ces universités

évoluent dans des contextes économiques, politiques et culturels différents des

contextes qui déterminent la vie des universités africaines comme l’Université de

Lomé. Il serait intéressant d’observer des modèles vivant des contextes comparables

à ceux vécus par les universités africaines. L’on peut observer par exemples les

modèles universitaires des pays anglophones d’Afrique. Mais nous n’avons obtenu

aucune documentation sur ces modèles quoique nous ayons cherché à obtenir

quelques informations sur les universités ghanéennes. Nous pensons d’ailleurs que

ces pays s’alignent le plus souvent sur les modèles des métropoles.

L’appréciation de l’origine sociale est faite seulement par rapport au pouvoir

économique des parents. C’est leur capacité à payer les formations coûteuses pour

leurs enfants qui est mise en relief. L’incapacité de l’Université de Lomé à contribuer

à l’équité et à l’égalité des chances est démontrée avec le présent contexte.

Toutefois les résultats obtenus sur la base du seul critère économique peuvent être

différents si l’on considère d’autres critères d’appréciation de l’origine sociale

(Balogah, 2015).

Toutefois les résultats obtenus peuvent être, dans une certaine mesure, utiles à

l’Universités de Lomé et à d’autres universités francophones d’Afrique. Ces

universités connaissent les mêmes défis que ceux rencontrés par les universités

dont les modèles sont analysés dans cet article. La massification, le manque de

pertinences au niveau des formations déconnectées du milieu professionnel et le

28
chômage d’un grand nombre de diplômés passent en tête de liste des problèmes

que rencontre l’université publique africaine, du moins l’université francophone. Les

tendances décrites dans cet articles peuvent aussi être constatées au niveau de

toutes les universités publiques africaines surtout quand le pays n’en a plus d’une.

Conclusion

Somme toute, il est clair que l’objectif de professionnalisation de la réforme LMD

n’est pas atteint en l’état actuel des enseignements à l’Université de Lomé.

L’orientation de la majorité des étudiants dans les formations générales et l’aspect

trop académique des enseignements en sont des preuves parmi tant d’autres. Ce qui

porte atteinte à l’efficacité externe de l’Université dont le rôle est dans l’un de ses

aspects, de contribuer à l’équité et à l’égalité des chances.

Nous pensons avoir atteint nos objectifs, même si ce n’est pas de manière parfaite.

Les tendances décrites ici ne sont pas les seules qui caractérisent les formations de

l’Université de Lomé. Un cadre plus élargi permettra de mieux ces tendances de

manière exhaustive. L’aspect touché ici est pédagogique. C’est pour cette raison que

nous pensons que le modèle théorique proposé est plus pédagogique. Nous

pensons élaborer un modèle plus complet au niveau de la thèse d’où nous avons tiré

le présent article. Ce modèle sera soumis à l’appréciation des acteurs concernés par

la professionnalisation des enseignements de l’Université de Lomé.

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32

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