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Revue internationale d’éducation de Sèvres

71 | avril 2016
Formation professionnelle et employabilité
Vocational training and employability
Formación profesional y empleabilidad

Christian Forestier (dir.)

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ries/4527
DOI : 10.4000/ries.4527
ISSN : 2261-4265

Éditeur
France Education international

Édition imprimée
Date de publication : 1 avril 2016
ISBN : 978-2-85420-610-4
ISSN : 1254-4590

Référence électronique
Christian Forestier (dir.), Revue internationale d’éducation de Sèvres, 71 | avril 2016, « Formation
professionnelle et employabilité » [En ligne], mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 02 juillet 2021.
URL : https://journals.openedition.org/ries/4527 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.4527

© Tous droits réservés


REVUE
INTERNATIONALE
D’ÉDUCATION
Sèvres
n° 71 - avril 2016

D O S S I E R

formation professionnelle
et employabilité
so mmaire

0 actualité internationale
coordination : Marie-José Sanselme, Bernadette Plumelle

Actualité documentaire 7
Bernadette Plumelle

Ressources en ligne
Federica Minichiello
L’enseignement de la musique : initiatives et perspectives 12

Le point sur l’actualité internationale en éducation


Bruno Mègre, Sébastien Portelli
Les enjeux du développement de tests de langues non certifiants :
l’exemple du test français Ev@lang 15

Repères sur les systèmes éducatifs étrangers


Rahma Bourqia
Repenser et refonder l’école au Maroc : la Vision stratégique 2015-2030 18
2
Notes de lecture
Roger-François Gauthier
« Internationalisation et transformation des systèmes éducatifs du Sud »,
Marie-France Lange et Nolwen Henaff, Revue Tiers-Monde,
n° 223, juil.-sept. 2015 24
Jean-Pierre Véran
Aux heures suisses de l’école républicaine. Un siècle de transferts culturels
et de déclinaisons pédagogiques dans l’espace franco-romand,
Alexandre Fontaine, Demopolis, Paris, 2015 26
Enseigner les mathématiques à l’ère du numérique,
Denis Butlen, Jean-Louis Durpaire, CANOPE, 2015 28

dossier
coordination : Christian Forestier

Formation professionnelle et employabilité


Introduction 31
Les défis de l’employabilité durable
La formation professionnelle initiale dans le monde
Christian Forestier

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


sommaire

Formation professionnelle et employabilité


dans les pays de l’OCDE : promesses et défis 43
Eric Charbonnier, Stéphanie Jamet
Les filières d’enseignement et la formation professionnelle (EFP) ont été négligées par le
passé et reléguées au second rang dans le débat politique, souvent éclipsées par l’attention
croissante accordée à l’enseignement académique général. Pourtant, les employeurs, ensei-
gnants et étudiants des pays de l’OCDE se tournent de plus en plus nombreux aujourd‘hui
vers l’EFP dans leur recherche de passerelles propices à une transition sans heurt de
l’école à la vie active. Alors que les jeunes générations sont durement touchées par le
chômage, de récentes données de l’OCDE mettent en lumière des atouts et des défis de
l’EFP pour ce qui est d’accroître les chances de réussite des diplômés sur le marché du
travail.

Formation professionnelle et technique au Québec :


un besoin de réforme 53
Laurence Solar-Pelletier
Au Québec, la formation professionnelle se divise entre le « professionnel » au secondaire
et le « technique » dans les cégeps. Ces cursus se font presque exclusivement en milieu
scolaire et sont sous le quasi-monopole du réseau de l’éducation. Les intervenants du
marché du travail y occupent un rôle assez marginal, bien qu’ils contribuent à
l’identification des compétences nécessaires pour occuper un métier. Dans un contexte
de croissance à prévoir d’embauche de main-d’œuvre diplômée au plan professionnel,
plusieurs acteurs appellent à une réforme d’un système d’éducation qui a peu changé
depuis les années 1960.
3

L’engagement des entreprises dans le dispositif


de formation professionnelle en Allemagne 63
Isabelle Le Mouillour, Marthe Geiben
La formation professionnelle duale en Allemagne ne saurait fonctionner sans l’engagement
des acteurs représentant le monde professionnel. Entreprises, associations professionnelles,
chambres consulaires, organisations syndicales sont partie prenante au même titre que
les ministères fédéraux et les ministères des Länder en charge de la formation et de
l’éducation. La coopération tripartite est en fait une coresponsabilité établie législativement.
Cet article donne un aperçu des différents domaines d’action et de responsabilité des
acteurs du monde professionnel.

Améliorer l’apprentissage et l’alternance entre l’école


et le monde du travail 73
Le cas de l’Italie
Marta Rapallini
Ces dernières années, l’éducation et la formation professionnelle en Italie ont été l’objet
de réformes qui ont renforcé le rôle des régions tout en créant de nouveaux parcours de
qualification. Il en résulte un cadre très différent entre les différentes régions, autant en
termes de qualité que d’objectifs, et dans de nombreux cas une intégration insuffisante
avec le monde du travail. Les réformes les plus récentes, qui concernent autant l’école
que le monde du travail, cherchent à combler ces lacunes par la construction de parcours
communs, tout en donnant un rôle central au système scolaire, en améliorant l’appren-
tissage et l’alternance entre l’école et le monde du travail.

N° 71 - avril 2016
L’enseignement professionnel au cœur des innovations 85
Le cas de la France
Michel Rage
L’enseignement technique et professionnel se caractérise en France par sa complexité.
Puisant ses racines dans l’histoire politique et sociale, il exprime les tensions entre les
différents acteurs impliqués : État, patronat et syndicats. L’entreprise est omniprésente
dans le paysage de la formation professionnelle et les branches sont les acteurs principaux
de la construction des diplômes : elles conçoivent, délivrent et financent leurs propres
certifications. La création du baccalauréat professionnel et sa durée de formation réduite
à trois ans ont permis la recomposition territoriale de l’offre diplômante, ont enrayé la
chute des effectifs et donné une image plus positive de la voie professionnelle, en permet-
tant un meilleur accès à la poursuite d’études, principalement en section de technicien
supérieur. La création des lycées polyvalents, porteurs de mixité sociale, est un signe de
l’inscription de la formation professionnelle dans l’environnement scolaire.

Une réforme systémique de la formation professionnelle 97


Le cas de la Pologne
Krzysztof Symela
En Pologne, un enseignement professionnel de qualité est une priorité politique. L’article
décrit les principaux changements survenus dans le système de la formation professionnelle
initiale depuis 2012. La réforme a démarré par l’identification, pour chaque métier, des
qualifications comprenant les connaissances, les savoir-faire et les compétences
personnelles et sociales, indiquées dans le socle de programmes de formation aux métiers,
en conformité avec la classification des métiers de l’enseignement professionnel et le
cadre des qualifications polonais. La segmentation des métiers en qualifications et
4 la collaboration des établissements d’enseignement professionnel avec les employeurs
sont essentielles pour améliorer la qualité de la formation professionnelle initiale et la
rapprocher d’un marché du travail en constant changement.

Comment mieux prendre en compte les besoins


économiques ? 111
Enseignement supérieur et formation professionnelle en Colombie
Paula Escobar, Juliana López
Dans un contexte de morcellement législatif du système éducatif et de grands défis à
relever en matière de développement économique, la formation professionnelle en
Colombie affronte trois principales difficultés : une faible mobilité entre les établissements
d’enseignement supérieur et les différents niveaux de formation ; une déconnexion entre
l’offre éducative et les besoins du secteur productif ; un sous-positionnement de la forma-
tion professionnelle. Le gouvernement colombien tente d’y remédier en créant un système
d’enseignement supérieur qui accorde un rôle central à la formation professionnelle.

Un besoin mondial d’enseignement supérieur professionnel


court 123
L’exemple du Maroc
Zayer El Majid
Malgré des difficultés persistantes, le système d’enseignement supérieur professionnel
court au Maroc bénéficie aujourd’hui d’un climat favorable car il répond en partie à des
besoins d’une économie en constante évolution et permet, dans un contexte de fort
chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, d’offrir des opportunités
d’emploi et d’insertion aux sortants. Le pays s’est engagé dans un processus continu de
réformes politiques, économiques et sociales avec le déploiement de plans stratégiques
sectoriels. La formation professionnelle doit encore relever quelques défis : la

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


sommaire

réorganisation de la politique d’orientation et d’information destinée aux jeunes et à


leurs familles ainsi que la mise en place d’un observatoire des emplois et des
qualifications.

Construire un système de formation professionnelle 133


L’expérience ivoirienne
Maninga Gbato
La formation professionnelle en Côte d’Ivoire est en pleine structuration, en vue de
s’adapter aux évolutions technologiques et organisationnelles. Celles-ci conduisent les
acteurs du système à se poser les « bonnes questions » aux « bons moments », pour
améliorer, notamment, la qualité des formations, en renforçant l’employabilité des formés.
Cependant, comme le dit X. Greffe, « si les formations professionnelles peuvent contribuer
au bon fonctionnement des économies des pays en développement, elles sont très dépen-
dantes des possibilités offertes par l’économie, plus encore que dans les pays
développés. »

Les mutations de l’enseignement professionnel supérieur


en Chine 141
Guo Yang, Yang Lin
L’enseignement professionnel supérieur en Chine est récent et connaît d’ores et déjà un
essor remarquable, tant en ce qui concerne la hausse des inscriptions que l’employabilité
des diplômés. Il s’agit, pour le gouvernement, de mettre en place une politique de
formation des techniciens qualifiés pour la production industrielle, la construction, les
services et la gestion et d’inventer un modèle académique prenant en compte les besoins
des entreprises. Au cours de la dernière décennie, l’effort a porté sur la création
d’établissements modèles et sur l’amélioration de la qualité, afin de développer un modèle 5
de formation professionnelle distinct de celui des universités. Devant un tel dévelop-
pement, à une telle échelle et à un tel rythme, de nombreux défis restent à relever, et
notamment ceux de l’adaptation des établissements d’enseignement aux mutations du
secteur industriel et de l’engagement des entreprises dans la formation professionnelle.

La formation professionnelle et continue au service


de l’employabilité à Singapour et aux Philippines 153
Catherine Ramos, S. Gopinathan
Cet article se penche sur la formation préalable à l’emploi et sur la formation continue
à Singapour, en s’intéressant plus particulièrement à la formation technique et profes-
sionnelle, au projet national SkillsFuture (« Compétences avenir ») ainsi qu’au système
de qualification de la main d’œuvre. La formation technique et professionnelle aux
Philippines est également abordée, en faisant valoir l’idée que les différences d’approches
dans ce domaine dépendent du degré de développement et du contexte géopolitique. Le
contexte constitue ainsi un élément clé pour appréhender les politiques et les approches
propres aux systèmes éducatifs et comprendre la façon dont les pays abordent le problème
des compétences.

Références bibliographiques 167


Hélène Beaucher

Abstracts 179
Resúmenes 182

N° 71 - avril 2016
Les auteurs 185

La revue 189

Numéros disponibles 191

Commander/s’abonner 193

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


D
0 actualité internationale

principes de justice et les philosophies


actualité politiques qui structurent, plus ou moins
documentaire consciemment, les politiques universi-
taires ». L’auteur analyse la signification
sociale que peut prendre la justice dans le
cadre des études supérieures des étudiants
BISSON-VAIVRE Claude, à travers les dispositifs de trois pays : l’An-
BOISSINOT Alain, CHAIX Gérald gleterre, la France et la Suède. Le premier
(coord.) chapitre décrit la structure de ces systèmes
Laïcité, école et religions d’enseignement supérieur suivi de plu-
Administration et éducation, sieurs chapitres qui examinent, pour
décembre 2015, n° 148, p. 3-195 chaque pays, le financement des études,
les procédures de sélection, la formation
La notion de laïcité fait l’objet actuel-
et la relation des études avec l’emploi.
lement de nombreux débats en France. Il
s’agit de comprendre comment l’école
N
peut considérer les manifestations plu-
rielles du religieux dans la société et DROUX Joëlle, HOFSTETTER Rita
comment elle peut affirmer le sens de son (sous la direction de)
propre projet. Les contributions de ce Globalisation des mondes
numéro s’organisent autour de deux de l’éducation : circulations
grands pôles : 1) les références à la laïcité connexions réfractions :
et aux valeurs républicaines (liberté, éga- XIXe-XXe siècles
lité, fraternité) ; 2) la place du religieux Rennes : Presses universitaires 7
dans une école laïque. Trois articles de Rennes, 2015, 286 p.
abordent la question de l’intérieur des
Cet ouvrage collectif met en lumière
grandes religions, catholicisme, judaïsme
les phénomènes de globalisation dans le
ou islam mettant en évidence leur compa-
champ éducatif au cours des deux derniers
tibilité avec les principes républicains.
siècles, à partir d’une diversité de perspec-
D’autres articles offrent des points de vue
tives, d’analyses et d’espaces d’observa-
étrangers (Allemagne, Belgique, Europe,
tion. Il s’attache à mieux rendre visibles les
Japon, Québec) qui permettent de
circulations d’acteurs, de politiques, de
comprendre la façon dont d’autres pays,
savoirs, d’aspirations et l’influence qu’elles
de culture proche ou plus éloignée,
ont eue sur les systèmes éducatifs. Les lieux
abordent ce débat.
et les espaces qui ont rendu pensables et
possibles les circulations sont également
N
abordés avec une attention particulière
CHARLES Nicolas pour la période de l’entre-deux-guerres.
Enseignement supérieur Le rôle des organisations intergouverne-
et justice sociale : sociologie des mentales et des ONG est analysé au temps
expériences étudiantes en Europe de leur émergence, en tant que plateformes
Paris : Documentation française, facilitant la construction d’expertises
2015, 196 p. internationales. Enfin, la question des
impacts de ces mécanismes est cernée à
Selon François Dubet, qui préface cet
partir d’études de cas.
ouvrage, la massification de l’enseigne-
ment supérieur « a mis à l’épreuve les N

N° 71 - avril 2016
DUTERCQ Yves, GATHER un traitement plus favorable, la situation
THURLER Monica, PELLETIER Guy de ceux qui ont a priori des chances plus
(sous la direction de) faibles de réussite scolaire, à travers l’allo-
Le leadership éducatif : cation de moyens supplémentaires accor-
entre défi et fiction dés aux établissements scolaires qu’ils
Bruxelles : De Boeck Université, fréquentent. Les articles offrent un pano-
2015, 179 p. rama de la diversité des politiques à tra-
Le leadership éducatif est devenu un vers l’étude des PEP dans des pays du
objet de recherche important ces vingt Nord (Suisse, France) et du Sud (Argen-
dernières années. En introduction, les tine, Afrique du Sud). La question de
auteurs retracent les évolutions des théo- l’évaluation de ces politiques est égale-
ries et des approches du leadership et ment posée, comme celle de l’inadéqua-
interrogent la conception du pilotage tion entre les résultats de recherche et
sous-jacente, en considérant les condi- l’évolution des politiques.
tions qui rendent possibles l’exercice d’un
N
leadership éducatif. Six contributions
d’auteurs appartenant à différents sys- FOURNIER Martine dir.
tèmes éducatifs francophones (Commu- Éduquer et former :
nauté française de Belgique, France, connaissances et débats
Québec, Suisse romande) tentent une en éducation et formation
mise en perspective de la problématique Paris : Sciences humaines, 2016, 495 p.
à partir de trois volets de questionne- L’ouvrage collectif, dans une édition
8 ment : dans quelle mesure le leadership revue et augmentée, a pour objectif d’of-
est-il autre chose qu’une rhétorique de la frir un panorama complet des connais-
transformation des systèmes éducatifs ? sances en éducation et en formation à
Quelles sont les conditions favorables à travers des questions clés. Prenant en
une mutation de l’exercice de la fonction compte les transformations écono-
administrative traditionnelle ? Quels miques, sociales et culturelles d’un monde
moyens, outils, connaissances les gestion- en pleine globalisation, il rassemble les
naires scolaires doivent-ils maîtriser pour contributions de spécialistes français et
diffuser leur influence ? internationaux et rend compte des
N recherches en sciences de l’éducation les
plus récentes (psychologie cognitive,
DUTREVIS Marion, pédagogie, sociologie de l’éducation, etc.).
FOUQUET-CHAUPRADE Barbara,
DEMEUSE Marc (coord.) N
Les politiques d’éducation
prioritaire en question MERHAN France, JORRO Anne,
Éducation comparée, 2015, vol. 13, DE KETELE Jean-Marie
226 p. (sous la direction de)
Nées dans les années soixante aux Mutations éducatives et
États-Unis, les politiques d’éducation engagement professionnel
prioritaire (PEP) se sont rapidement Bruxelles : De Boeck, 2015, 184 p.
développées dans d’autres contextes édu- L’ouvrage s’inscrit dans des pers-
catifs. Quel que soit le pays, ces politiques pectives scientifiques contemporaines
ont en commun de vouloir améliorer, par relatives à la dimension sociale de

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


0 actualité internationale

l’engagement professionnel et de l’appren- ROSE Pauline éd.


tissage du et au travail. Il ouvre de nou- Overcoming inequalities in
velles modalités de questionnement, en teaching and learning: open file
mettant en évidence le caractère inter- Prospects, septembre 2015, n° 175 -
actionnel de l’engagement, du désengage- vol. XLV, n° 3, p. 275-378 [en ligne]
ment ou du non-engagement profession-
Ce numéro a pour sujet les réformes
nel, en référence à des contextes actuels en
nécessaires à l’amélioration de la qualité
mutation. La première partie est centrée
des enseignants et de l’enseignement. Les
sur l’engagement et le désengagement de
articles qui présentent des analyses inno-
futurs professionnels ou de professionnels
vantes des évaluations de l’apprentissage
dans leur activité de travail. La deuxième
à grande échelle, dont PISA et TIMSS,
partie étudie les stratégies d’engagement
sont complétés par des analyses plus
d’acteurs dans des dispositifs de formation
détaillées des schémas des inégalités d’ap-
professionnelle initiale. Une « synthèse
prentissage dans certains pays (Éthiopie,
ouverte », en fin d’ouvrage, problématise
Pérou, Inde, Vietnam, Pakistan). Ils
les résultats exposés en les mettant en rela-
montrent que des réformes uniquement
tion avec les mutations actuelles dans le
axées sur l’amélioration de la qualité de
monde du travail.
l’école et des enseignants risquent d’être
insuffisantes. http://goo.gl/XM7K5K
N

REY Olivier N
Le changement, c’est comment ?
Lyon : Institut français WAFEU TOKO Patrick 9
de l’éducation, janvier 2016, 28 p. La condition et la carrière des
[en ligne] universitaires : analyse comparée
à partir de quelques cas
Ce dossier s’intéresse à la façon dont
de l’Afrique francophone
les réformes éducatives sont conçues et
mises en œuvre. L’auteur a pour objectif Paris : Harmattan, 2015, 517 p.
de rendre compte des recherches sur ce L’ouvrage est la reprise d’une thèse de
sujet en s’attachant aux spécificités res- droit soutenue à l’université de Bor-
pectives des différentes approches. Il deaux IV (2009). Il offre une radioscopie
aborde les approches les plus répandues, des dynamiques universitaires dans les
dominées par la recherche d’une efficacité États de l’Afrique francophone. Après
rationnelle, pour exposer ensuite les tra- avoir constaté le faible intérêt scientifique
vaux de sociologie qui ont permis de suscité par la gestion du personnel ensei-
mieux saisir la diversité des logiques des gnant dans l’enseignement supérieur en
organisations éducatives. La prise en Afrique francophone, l’auteur s’attache à
considération croissante des représenta- étudier la condition et la carrière des uni-
tions et des croyances des acteurs l’amène, versitaires de ces pays selon deux axes :
enfin, à aborder la perspective néo- 1) le statut des universitaires, avec
institutionnaliste qui accorde une place l’examen des politiques gouvernemen-
centrale à la question de la légitimation tales, administratives et juridiques ; 2) le
comme facteur de réussite ou d’échec des marché déterminant leurs conditions et
réformes. http://goo.gl/uFnTd6 carrières.
N N

N° 71 - avril 2016
Publications d’organisations d’enseignement à l’école est différente de
européennes et internationales celle parlée à la maison, de participer à
l’apprentissage, de maîtriser la langue
Commission européenne : d’enseignement et d’obtenir des résultats
Direction générale de la recherche qui correspondent à leur potentiel.
et de l’innovation Quatre thèmes principaux sont abordés :
The knowledge future: intelligent l’accueil et l’intégration des enfants
policy choices for Europe 2050 migrants ; l’accès au curriculum et l’inté-
a report to the European gration dans la classe ; le développement
Commission des compétences dans la langue mater-
Luxembourg : Office des publications nelle, enfin, la formation des enseignants,
de l’Union européenne, en particulier en termes de compétences
novembre 2015, 64 p. linguistiques et culturelles.
http://goo.gl/bCNcEE
La mondialisation, le vieillissement de
la population, une accélération des chan-
gements technologiques posent des défis N
importants et des opportunités pour la
recherche et l’innovation en Europe, OCDE : Organisation
particulièrement dans un contexte de de coopération et de développement
concurrence économique accrue avec des économiques
pays comme les États-Unis, la Chine ou Regards sur l’éducation 2015 :
l’Inde. Ce rapport prospectif rédigé par les indicateurs de l’OCDE
10 un groupe d’universitaires, de représen- Paris : OCDE, novembre 2015,
tants du monde politique et du secteur 605 p. [en ligne]
privé se penche sur l’avenir du moteur de Ce rapport annuel présente un
la connaissance (créer, partager et utiliser) ensemble d’indicateurs actualisés et com-
à l’horizon 2050 et réfléchit aux politiques parables sur les systèmes d’enseignement
européennes à moyen et à long terme. des 34 pays membres de l’OCDE et d’un
Pour cristalliser les défis et les possibilités, certain nombre de pays partenaires. Il
il a créé deux scénarios possibles de fournit des données sur la structure, le
l’avenir, l’un positif, l’autre négatif. financement et les performances des sys-
https://goo.gl/926YBE tèmes d’éducation. Il est composé de
quatre chapitres : 1) les résultats des éta-
N blissements d’enseignement et l’impact
de l’apprentissage ; 2) les ressources
financières et humaines investies dans
ICF Consulting Services Ltd l’éducation ; 3) l’accès, la participation et
Language teaching and learning la progression au sein des systèmes d’édu-
in multilingual classrooms cation ; 4) l’environnement d’apprentis-
Luxembourg : Office des publications sage et l’organisation scolaire. Cette édi-
de l’Union européenne, 2015, 96 p. tion offre de nouvelles données et analyses
[en ligne] dans tous les secteurs de l’éducation
L’objectif de l’étude est d’analyser les parmi lesquelles la participation à
données existantes sur les bonnes pra- l’éducation de la petite enfance ; les
tiques permettant aux enfants issus niveaux de formation et de participation
de l’immigration, dont la langue au marché du travail ; l’organisation du

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


0 actualité internationale

temps scolaire ; les qualifications des 1996). Il a pour objectif de relancer la


enseignants et les critères pour fixer leur réflexion sur l’éducation et l’apprentis-
salaire. http://goo.gl/BeRTgO sage, dans un monde en profonde muta-
tion. Les auteurs proposent de considérer
N le savoir et l’éducation comme des biens
communs dans une perspective de déve-
OBERHEIDT Stephanie, EID Laura, loppement durable et réaffirment une
ULICNA Daniela, et al. approche humaniste de l’éducation.
Building knowledge on http://goo.gl/l9OSqH
international cooperation in VET: N
final report
Luxembourg : Office des publications UNESCO, Conseil de l’Europe,
de l’Union européenne, Office for democratic institutions
février 2015, 121 p. [en ligne] and rights of the organization
Le rapport fournit un panorama de la for security and co-operation in
coopération internationale dans le Europe, the general secretariat of
domaine de l’enseignement et de forma- the organization of American states
tion professionnels des pays européens Curriculum development and
avec les économies développées et émer- review for democratic citizenship
gentes. Dans une perspective compara- and human rights education
tiste, il explique pourquoi et comment les UNESCO/Paris, 2015, 101 p.
pays coopèrent. Il analyse les facteurs de [en ligne]
réussite et les obstacles à la coopération Cette publication a été conçue afin 11
internationale. Enfin, il présente des d’aider les pays à encourager l’éducation
recommandations pour les actions à la citoyenneté et aux droits de l’homme
futures aux niveaux européen et national, (ECD/EDH) ainsi qu’à améliorer l’accès
fournissant des pistes pour moderniser les à une éducation de qualité pour tous.
systèmes d’EFP grâce aux stratégies Malgré la diversité des situations, il existe
d’internationalisation. https://goo.gl/XTqktK des similitudes qui permettent d’identi-
fier des étapes clés dans l’élaboration des
N programmes scolaires et la planification
de leur mise en œuvre. Des expériences et
des ressources produites par les ministères
UNESCO
d’Afrique du Sud, d’Australie, de Colom-
Repenser l’éducation :
bie et de Finlande y sont présentées.
vers un bien commun mondial ?
http://goo.gl/Gsqp5C n
Paris : UNESCO, 2015, 95 p.
[en ligne] Bernadette Plumelle1, CIEP

De quelle éducation avons-nous


besoin au XXI e siècle ? Quelles en 1. Le centre de ressources et d’ingénierie documen-
devraient être les finalités ? Comment taires (CRID) du CIEP réalise chaque mois une veille
éditoriale sur les problématiques en débat en France
doit-elle être organisée ? Cet ouvrage pro- et à l’étranger : sélection de ressources d’actualité
longe la vision exposée dans les deux sur les politiques éducatives et linguistiques dans le
publications phares de l’UNESCO : monde, références de livres et d’articles, textes en
libre accès, rapports d’organisations internationales,
Apprendre à être (Faure, 1972) et L’éduca- descriptifs de sites, etc. Il est possible de s’y abonner.
tion : un trésor est caché dedans (Delors, [http://goo.gl/rrseD1].

N° 71 - avril 2016
@ ressources en ligne

L’enseignement de la musique :
initiatives et perspectives1
L’importance de l’enseignement des
étendu que la salle de classe, en raison des
synergies possibles entre enseignement
formel et non formel.
Nous terminons sur l’impact des tech-
nologies dans le domaine musical. Il existe
un choix important de logiciels, d’appli-
cations et d’activités en ligne qui favo-
risent aujourd’hui la pratique musicale.
disciplines artistiques et culturelles a été Les dernières ressources présentées
affirmée à plusieurs occasions : la confé- témoignent des perspectives qui
rence internationale de Lisbonne en 2006, s’ouvrent, par la technologie, en termes
l’agenda de Séoul (2010) pour garantir d’accès, d’interaction et d’apprentissage.
l’accès à un enseignement artistique de Sitographie arrêtée le 10 février 2016.
qualité et ériger l’art face aux défis socié-
taux de notre époque. Le cadre européen Institutions
de stratégie « Éducation et formation
2020 » a également inclus, dans son objec- International society for music
tif de créativité et d’innovation, la pro- education (ISME)
motion d’une « sensibilité culturelle ». L’ISME a été fondé lors d’une confé-
Parallèlement, de nombreux travaux rence de l’UNESCO en 1953, avec la mis-
de recherche2 se sont penchés sur la rela- sion de promouvoir l’éducation musicale
tion entre apprentissage artistique et per- au sein de l’enseignement général. L’ins-
12 formances cognitives. En 2008, un sym- titution s’est progressivement transfor-
posium international de recherche, à mée en réseau mondial d’éducateurs,
l’initiative des ministères français de la réunis à l’occasion d’un séminaire annuel
culture et de l’éducation, a conclu que peu autour des pratiques musicales et des
d’autres disciplines agissent positivement politiques de promotion. La 32e édition
sur une si large palette de compétences ; aura lieu en juillet 2016 à Glasgow et
toutefois, la pérennité de ces effets cogni- porte, entre autres, sur la musique
tifs dépendrait de la durée de l’enseigne- communautaire et l’enseignement de la
ment reçu. musique pour la petite enfance.
Dans cet article, nous présentons une https://twitter.com/official_isme
sélection d’institutions, de politiques et http://www.isme2016glasgow.org/
de pratiques éducatives dans un domaine
artistique précis : la musique. Nous avons International Music Council (IMC)
volontairement choisi un périmètre plus L’International Music Council, fondé
en 1949 par l’Unesco, est le plus important
réseau d’organisations œuvrant dans le
1. Pour faciliter la lecture, seule la racine des liens
Internet est mentionnée. Pour y accéder dans leur domaine, dans environ 15 pays. L’institu-
intégralité, consulter cet article sur le site du CIEP : tion publie une lettre d’information men-
http://www.ciep.fr/revue-internationale- suelle sur l’actualité de l’éducation musi-
deducation-sevres ou sur OpenEdition Revues.org :
http://ries.revues.org/ cale, les politiques sectorielles et les
2. La Documentation française, « Évaluer les effets travaux de recherche récents. Parmi ses
de l’éducation artistique et culturelle », symposium initiatives, on peut citer le programme
européen et international de recherche, Centre
Pompidou (2008) et OCDE, « L’art pour l’art ? L’impact « African Music Development Pro-
de l’éducation artistique » (2014). gramme », pour promouvoir le secteur

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musical dans des pays africains et le projet l’exception du Danemark, de l’Allemagne


Erasmus + : « Music and Resilience Sup- et de la Lettonie, qui optent pour un
port » (MARS) sur les liens entre psycho- personnel spécialisé à tout niveau d’ensei-
logie sociale et musique et la formation à gnement.
distance d’éducateurs spécialisés. http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice
http://www.imc-cim.org/
Le Royaume-Uni
European music council (EMC) Le Royaume-Uni s’est doté en 2012
Lié à l’International Music Council d’un plan national pour l’éducation
(voir supra), ce conseil régional pour musicale et de pôles sectoriels dédiés
l’Europe, créé en 1972, mène un travail (« musical hubs ») pour offrir à chaque
d’influence auprès des décideurs poli- enfant âgé de 5 à 18 ans la possibilité d’ap-
tiques pour la promotion de la musique. prendre un instrument – sur une durée
Parmi ses initiatives, on peut citer l’action préconisée d’un an. Le plan prévoit des
en faveur de la reconnaissance des quali- mesures comme la mise en place d’une
fications des musiciens (« Bologna and qualification d’éducateur musical, afin de
Music ») et la préparation du séminaire de professionnaliser le métier ; des prêts à
Bonn en 2011, qui a traduit les objectifs de taux zéro pour faciliter l’achat d’instru-
l’agenda de Séoul pour la musique. Parmi ments ; des modules de formation desti-
les recommandations de Bonn : encoura- nés aux enseignants. L’évaluation du pro-
ger l’accès et la participation à une activité gramme en 2014 semble positive : les
musicale, promouvoir l’emploi de per- pôles travaillent avec presque 84 % des
sonnel spécialisé dès les premières années écoles publiques, favorisent la création 13
d’école, former les musiciens à la pédago- d’orchestres d’élèves (surtout pour les
gie et les enseignants à la musique. enfants de 7 à 11 ans) et les trois quarts des
http://www.emc-imc.org élèves concernés ont acquis un niveau
débutant, bien que le plan soit trop récent
Politiques et initiatives pour connaître l’évolution dans le temps
de ces compétences.
« L’éducation artistique et culturelle http://www.artscouncil.org.uk/
à l’école en Europe »
Cette publication d’Eurydice de 2009 La France
porte sur l’enseignement des disciplines L’éducation musicale figure dans les
artistiques et culturelles, dont la musique, programmes scolaires français de la
dans l’enseignement primaire et secon- maternelle au collège et se poursuit au
daire inférieur de trente pays. Le pano- lycée sur une base facultative ; l’accent est
rama est hétérogène, en termes d’arti- particulièrement mis sur la pratique du
culation des programmes ou d’éventail chant, avec le lancement, en février 2015,
d’activités proposées – la musique fait de l’opération « l’école en chœur », une
partie des disciplines régulièrement sélection académique et nationale des
enseignées. Dans la moitié des pays, les meilleurs vidéos de chorales scolaires.
heures d’enseignement varient entre cin- Parmi les actions qui favorisent une pra-
quante et cent heures dans le primaire et tique instrumentale, on peut évoquer les
tendent à se réduire dans le secondaire. classes à horaires aménagés musique,
L’enseignement est confié à des éduca- dites « cham », qui permettent un aména-
teurs généralistes dans le primaire, à gement de l’emploi du temps des élèves

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afin d’inclure des cours de musique option dans les écoles d’expressions fran-
dans un conservatoire 3 et l’initiative çaises4 ; qu’en Côte d’Ivoire, elle figure
« Orchestres à l’école », lancée en 2000 par dans les programmes officiels mais subit
la chambre syndicale de la facture instru- une pénurie d’enseignants spécialisés et
mentale. Selon une évaluation de l’Insti- une influence excessive de la culture occi-
tut Montaigne en 2011, la pratique dentale – par exemple, l’enseignement de
orchestrale (pendant trois ans) se tradui- la théorie musicale est maintenu, malgré
rait par une amélioration de la moyenne une tradition locale principalement orale.
générale, des notes de vie scolaire et une http://musicinafrica.net/
meilleure attitude des élèves vis-à-vis de
l’école. http://eduscol.education.fr/ El Sistema
http://www.orchestre-ecole.com/ El Sistema est un système national
d’orchestres et de chœurs créé en 1975 au
La Confédération suisse Venezuela, s’adressant en priorité aux
En 2012, plus de 72 % des Suisses ont enfants des quartiers défavorisés des
voté par référendum en faveur de l’ins- grandes villes ; fortement appuyé par le
cription de la formation musicale dans gouvernement vénézuélien, ce pro-
leur constitution, pour défendre un accès gramme a été introduit dans les cursus des
plus égalitaire à la pratique de la musique. écoles publiques et a touché plus de
Le programme quinquennal pour la 500 000 enfants. Le modèle est actuelle-
culture 2016-2020 prévoit un finance- ment reproduit dans plus de 90 pays.
ment à hauteur d’un milliard de francs Les détracteurs dénoncent un effet
suisses ; parmi les mesures en musique : médiatique qui oublierait les plus dému-
14
le soutien de camps musicaux et de cours nis, des relations controversées avec le
de musiques pour les 6-20 ans, la forma- gouvernement, le manque de débouché
tion d’une centaine de moniteurs agréés pour les musiciens et la faible recherche
et une revue à la baisse des tarifs des écoles dans les effets sociaux du programme. La
de musique pour les élèves et les apprentis. banque interaméricaine de développe-
http://www.bak.admin.ch ment a cependant réalisé une évaluation
d’impact en 2012, qui démontre une
Music in Africa baisse liée du taux de décrochage scolaire
Le portail « Music In Africa » est géré et de criminalité. http://fundamusical.org.ve
par la fondation homonyme, fondée en
2013 en partenariat avec l’Institut Goethe
Technologie et perspectives
(https://www.goethe.de) et la Fondation
Siemens (http://www.siemens-fondation.fr/). Ce
Orchestre interactif
site propose de nombreuses ressources
« Online Orchestra » est un projet de
sur la pratique de la musique dans les pays
recherche mené par l’Université de Fal-
africains, en particulier sur les différentes
mouth (Grande-Bretagne), qui explore
politiques culturelles et éducatives : on y
les possibilités en termes de connectivité
découvre qu’à Madagascar, la musique est
pour rendre la pratique orchestrale plus
généralement une activité parascolaire en
accessible à des enfants et des musiciens

3. La base de données de la Cité de la musique 4. Écoles qui proposent à leurs élèves un enseigne-
recense 152 conservatoires impliqués dans un projet ment basé sur le programme scolaire français (et les
de classe « cham » : http://gpm.cite-musique.fr examens officiels).

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amateurs éloignés, en les amenant à jouer robotique, par exemple, expérimente les
ensemble « à distance ». Une première interactions musicales, l’improvisation et
performance a eu lieu en juillet 2015. La la collaboration en temps réel entre
même approche est également étudiée au hommes et machines. Le programme
Danemark : la Philharmonie de Copen- EarSketch, à destination d’étudiants de
hague proposera en mai 2016 une expé- lycée et d’université, explore l’utilisation
rience orchestrale en interaction et co- pédagogique de la musique pour dévelop-
création avec le public ; un projet per des compétences en informatique par
d’orchestre interactive, World Online la composition et « la sonification », la
Orchestra, semble également à l’étude transformation de jeux de données en
(une campagne de financement partici- musique (le nombre de mots dans un
patif a eu lieu en 2015). poème, les cotations boursières, etc.).
http://onlineorchestra.com/ http://gtcmt.gatech.edu n
http://www.copenhagenphil.dk/ Federica Minichiello, CIEP

Interaction son / musique /


mouvement
Musique Tech Fest est un temps de
création qui réunit inventeurs, artistes,
chercheurs et industriels autour des inno-
vations technologiques, pour explorer des

l
moyens inédits de jouer avec la technolo-
gie, le corps, la voix et donner vie à des
15
instruments et des expériences musicale-
ment novateurs. Dans le même domaine,
on peut également citer le travail de
l’institut de recherche français IRCAM :
partitions interactives, instruments aug- le point sur...
mentés, le projet d’interaction musicale
Rapid-Mix dans le cadre du programme
Horizon 2020, etc.5
http://musictechfest.net Les enjeux du développement
http://www.ircam.fr/ de tests de langues
non certifiants : l’exemple
GeorgiaTech Center du test français Ev@lang
for Music Technology
Ce centre de recherche étudie le Les outils d’évaluation des compé-
déploiement de technologies pour trans- tences en langue étrangère sont, dans la
former l’expérience musicale. L’unité plupart des cas, des certifications qui
conduisent, quand il s’agit d’un test, à la
délivrance d’une attestation ou, lorsque
5. Instruments augmentés : « instruments acous- que l’on se trouve en situation d’examen,
tiques auxquels sont intégrés des capteurs, afin de
transmettre en temps réel des paramètres ges- à celle d’un diplôme. Ils constituent un
tuels » ; projet Rapid-Mix : projet européen dont double enjeu pour les organismes certifi-
l’objectif est de « développer de nouveaux modes cateurs, tant sur le plan de la reconnais-
d’interaction musicale en intégrant des données
multimodales liées aux mouvements et au corps » sance internationale de leur expertise
(source : IRCAM). comme concepteurs d’outils de mesure

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que sur le plan économique, étant donné leur niveau de compétence en français et,
le dynamisme de ce marché dans un dans la majorité des cas, lorsqu’il s’agit de
grand nombre de pays. De nombreuses candidats adultes, de les faire valoir
institutions, très souvent européennes, auprès d’utilisateurs finaux, c’est-à-dire
mettent en avant leur savoir-faire dans ce de services administratifs qui exigent une
domaine en proposant une gamme de preuve de niveau de compétence en
tests ou d’examens. Toutefois, pour des langue française, dans le cadre de
raisons évidentes liées au très large public démarches de projets de vie spécifiques :
concerné, les plus connues à travers le accès à la naturalisation française,
monde sont celles qui se sont spécialisées demande d’immigration vers le Québec,
dans l’évaluation des compétences en admission dans un établissement d’ensei-
anglais : l’Américain Educational Testing gnement supérieur, obtention d’une
Service (ETS), en charge de deux grands bourse d’études, renouvellement d’un
tests d’anglais, le TOEFL (anglais, langue titre de séjour... Dans ces cas précis, les
générale) et le TOEIC (anglais, langue attestations et les diplômes délivrés s’ins-
des affaires), ainsi que le britannique crivent dans le cadre de certifications à
Cambridge English Assessment Lan- fort enjeu social pour le candidat.
guage1, département de l’université de Toutefois, ces outils d’évaluation
Cambridge qui dispose d’une gamme répondent assez peu aux besoins pronos-
complète de certifications en anglais tics ou diagnostics des candidats qui ne
(BULATS, KET, PET, FCE, CAE, CPE, souhaitent pas faire évaluer leur niveau de
BEC), constituent les précurseurs et les français en contexte de certifications. Bon
leaders mondiaux dans ce domaine. Mais nombre d’entre eux sont en quête de
16
l’anglais n’est pas la seule langue évaluée connaître leur niveau de compétence sans
dans le monde. Des certifications en qu’il figure pour autant sur une attes-
langues étrangères présentes au niveau tation officielle ou sur un diplôme. Cer-
international sont conçues et distribuées tains utilisateurs finaux également,
par d’autres organismes certificateurs comme les entreprises, sont moins à la
français (Centre international d’études recherche de certificats que d’une indi-
pédagogiques, Chambre de commerce et cation fiable d’un niveau. Ces dernières
d’industrie de Paris Île-de-France), espa- ont en effet besoin de connaître le niveau
gnols (Institut Cervantès en collabo- de compétence en langue étrangère de
ration avec l’Université de Salamanque), leurs collaborateurs pour les orienter vers
portugais (Université de Lisbonne), ita- des formations, leur proposer une mobi-
lien (Université de Pérouse), allemand lité internationale, envisager une pro-
(Goethe Institut, KMK), japonais (Japan motion ou un recrutement de leurs sala-
Foundation) ou chinois (ministère de riés. Les centres de formation linguistique
l’éducation), pour n’en citer que quelques ont souvent recours à des tests de posi-
uns. tionnement pour constituer leurs groupes
La France, au travers de ses princi- de niveau et, ainsi, orienter les étudiants
paux opérateurs, dispose d’une offre vers le groupe le mieux adapté à leurs
complète de tests certifiants et de besoins linguistiques et langagiers.
diplômes en français langue étrangère qui Contrairement à d’autres pays, les
permettent aux candidats d’attester de grands organismes certificateurs français
ne disposaient pas jusqu’à présent
1. Anciennement Cambridge ESOL d’offre de tests de positionnement non

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certifiants, souples d’utilisation et bon est rare que l’élaboration de ces tests
marché à proposer à d’éventuels candi- repose sur une solide méthodologie
dats en situation de recherche d’emploi, scientifique de conception. Par ailleurs, la
d’avancement professionnel ou de place- majorité de ces tests est gratuite et pro-
ment/orientation dans une formation. posée en ligne, mais n’est pas toujours en
Les outils disponibles (entre autres les accès libre car ces outils nécessitent sou-
examens du DELF, du DALF et le test TCF, vent une identification et la création d’un
premières certifications en français en compte. La durée des tests est très
termes de candidats) sont lourds d’utili- variable : de 10 minutes à 1 heure 30. Elle
sation car ils répondent à une logique de est souvent donnée à titre indicatif mais
calendriers fixes et limités d’épreuves, et rarement chronométrée, donc peu stan-
sont inéquitablement accessibles en ligne, dardisée. Enfin, la plupart des tests de
relativement onéreux et de durée de pas- placement n’évaluent qu’une seule langue
sation assez longue (au-delà d’une même si certains, comme Dialang et
heure). De plus, ETS et l’université de Transparent Language, en évaluent
Cambridge, les deux premiers orga- jusqu’à quatorze.
nismes certificateurs au monde, ne dis- À la lumière de ces éléments, force est
posent pas encore de test de placement de constater que les grands organismes
non certifiant en français mais offrent certificateurs s’intéressent à l’évaluation
déjà des tests sur Internet, peu coûteux et des langues étrangères autres que celles
en plusieurs langues. C’est le cas égale- qui constituent traditionnellement leur
ment de l’allemand TELC qui propose des expertise. Le CIEP a donc décidé de
tests en 14 langues. Tous ces organismes mettre en avant, au travers d’un test 17
étrangers s’intéressent à la langue fran- de nouvelle génération, son expertise de
çaise car elle représente un marché. Ainsi, trente ans en matière de conception d’ou-
le Test de français international (TFI), tils d’évaluation des compétences en fran-
conçu par ETS, a été agréé par le ministère çais et en langues étrangères. L’établisse-
français de l’intérieur entre 2012 et 2015 ment public français est donc en mesure
dans le cadre des démarches d’obtention de proposer, à destination des entreprises
de la nationalité française. et des centres de formation, un nouvel
D’après une étude conduite par le outil souple, fiable, peu coûteux et rapide,
Centre international d’études pédago- permettant une évaluation des compé-
giques en novembre 2014, il semblerait tences en plusieurs langues, afin de se
que les langues les plus évaluées grâce à positionner également sur ce marché des
ces tests de positionnement non certi- langues étrangères et de faire valoir, ainsi,
fiants, au travers de plateformes en ligne, l’expertise française dans ce domaine.
soient l’allemand, l’anglais, l’arabe, le Ce nouveau test, appelé Ev@lang, est
portugais du Brésil, le chinois, l’espagnol, disponible dans un premier temps pour
le français, l’italien, le japonais et le russe. l’évaluation des compétences en langues
La grande majorité des tests de position- française, anglaise et arabe (cette dernière
nement est axée sur les compétences version étant conçue en partenariat avec
grammaticales et lexicales, en particulier l’Institut du monde arabe). Il sera pro-
pour l’anglais, même s’ils sont, pour la chainement décliné en quatre autres
plupart, harmonisés sur les niveaux du langues : l’espagnol, le chinois, le russe et
Cadre européen commun de référence l’allemand. Comme pour le DELF/DALF
pour les langues (CECRL). Toutefois, il et le TCF, Ev@lang est aligné sur les six

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r
niveaux de compétences définis dans le repères
Cadre européen commun de référence
pour les langues (CECRL) et conduit à la sur les systèmes
délivrance de niveaux fins correspondant éducatifs
à des subdivisions des actuels niveaux du étrangers
Cadre. Ev@lang est proposé uniquement
en ligne et repose sur une méthodologie
adaptative, c’est-à-dire qu’à l’issue des
premières questions posées, d’autres, de
niveau de difficulté varié, sont posées au Repenser et refonder
candidat en fonction de ses capacités. Le l’école au Maroc :
niveau de difficulté augmentera en la Vision stratégique 2015-2030
fonction du nombre de bonnes réponses
données par le candidat. Ce test a donc Si de nombreux pays, à un moment
une durée de passation variable en donné de leur histoire, interrogent leur
fonction du niveau de compétence du école et ses missions, le Maroc n’échappe
candidat mais n’excède pas 35 minutes. pas à ces interrogations. L’évolution et le
Enfin, Ev@lang est modulaire et permet développement du système d’éducation
aux utilisateurs de constituer le format et de formation marocain, organisé en
souhaité à partir des activités langagières, niveaux primaire secondaire, profession-
en choisissant d’être évalués en compré- nel et supérieur ont certainement contri-
hension ou en production, que ce soit à bué, depuis l’indépendance du Maroc en
l’oral ou à l’écrit. 1956, à produire des générations de sco-
18 larisés et de diplômés. Mais aujourd’hui,
La mise à disposition de ce nouveau
test auprès du grand public renforce l’école fait objet d’interrogations sur sa
l’expertise française en matière de capacité à se mettre au niveau des défis
conception d’outils d’évaluation fiables, d’une éducation et formation du
ouverts sur d’autres langues que le fran- XXIe siècle. En effet, l’aptitude de l’école
çais, et reposant sur des technologies à générer une éducation de qualité prépa-
récentes. n rant les individus à affronter leur avenir
Bruno Mègre est mise à l’épreuve par une demande
Sébastien Portelli, CIEP sociale pressante. Ce qui a entraîné une
réflexion profonde pour repenser l’école
marocaine et la refonder dans le cadre
de l’élaboration d’une nouvelle vision
qui trace une nouvelle voie pour
l’éducation.

Les éléments du contexte


d’une réforme

La réforme de l’éducation lancée au


Maroc survient dans un contexte où inter-
agissent trois éléments : la pression
sociale sur l’école, une nouvelle Consti-
tution en 2011 et une évaluation de la
mise en œuvre de la Charte nationale de

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l’éducation et de la formation mise en formation et de la recherche scientifique.


œuvre de 2000 à 2013. (CSEFRS) est instauré comme « instance
de bonne gouvernance et de régulation »,
La pression sociale sur l’école à laquelle est confiée une mission
Sans arriver à satisfaire les différentes « consultative chargée d’émettre son avis
attentes, l’école publique marocaine a sur toutes les politiques publiques et sur
évolué vers une crise pour devenir la cible les questions d’intérêt national concer-
de critiques provenant de différentes nant l’éducation, la formation et la
sources. La société interpelle l’école pour recherche scientifique, ainsi que sur les
qu’elle soit le moteur et le miroir de son objectifs et le fonctionnement des services
développement humain. L’État tend à publics chargés de ces domaines. Ce
voir dans l’éducation une réussite de sa Conseil contribue également à l’évalua-
politique. Les familles transposent sur tion des politiques et programmes publics
l’école leurs aspirations pour qu’elle soit menés dans ces domaines » (article 168).
le vecteur qui réalise la mobilité sociale de C’est ainsi que le constituant lui assigne la
leurs enfants, l’entreprise voudrait que charge de l’élaboration des orientations
l’école forme une main d’œuvre qualifiée stratégiques, des avis et des évaluations
et opérationnelle sur le marché de pour impulser les réformes du système
l’emploi, et les jeunes élèves et étudiants d’éducation, de formation et de recherche
aspirent à ce que l’école leur offre le scientifique.
sésame du passage à l’âge adulte. C’est Le nouveau contexte créé par cette
ainsi que l’école est sous la pressions nouvelle constitution exige que le lien
d’une multitude d’attentes variées et dif- organique entre la Constitution, porteuse 19
férenciées, dont les logiques ne convergent d’un nouveau projet de société, et le projet
pas toujours. éducatif soit affirmé et annoncé à travers
une réforme profonde de l’éducation et
Une nouvelle Constitution en 2011 de la formation. L’idée directrice qui
Si le Maroc a connu depuis les années anime la nouvelle Vision est de concevoir
quatre-vingt-dix des réformes constitu- des réformes qui reflètent les principes et
tionnelles et politiques, les mouvements, les valeurs annoncés par le contrat social
communément appelés « printemps que représente la Constitution de 2011, au
arabe », qui ont émergé avec des manifes- niveau de l’organisation et du fonction-
tations d’une jeunesse revendiquant plus nement du système d’éducation et de
de justice, de démocratie et de développe- formation, des programmes pédago-
ment, ont accéléré le processus des chan- giques ainsi que des méthodes d’appren-
gements en 2011 avec l’élaboration d’une tissage et de formation.
nouvelle Constitution qui a apporté des
éléments nouveaux et fondamentaux Une évaluation de la mise en œuvre
de la Charte 2000-2013
pour l’éducation. Parmi ces éléments,
on trouve l’accès et le droit de chaque C’est dans le cadre de la mise en place
citoyen(ne) « à une éducation moderne, du CSEFRS, selon les nouvelles missions
accessible et de qualité » (article 31) et le que lui attribuent la Constitution et la loi,
fait que « l’enseignement fondamental est qu’a émergé le projet de repenser l’école
un droit de l’enfant et une obligation de la marocaine en réalisant une évaluation de
famille et de l’État » (article 32). Le la mise en œuvre de la Charte nationale
Conseil supérieur de l’éducation, de la d’éducation et de formation de 2000 à

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20131. Cette évaluation montre que mal- discrimination positive envers le rural et
gré les progrès réalisés, qui reflètent la l’obligation de la préscolarisation des
volonté d’appliquer les recommanda- enfants entre 4-5 ans. L’enseignement prés-
tions de la Charte, des défaillances per- colaire, qui répond aux normes de l’édu-
sistent dans le processus de mise en cation de la petite enfance, est limité aux
œuvre. Elle a permis d’identifier les grandes villes et généralement offert par le
nœuds sur lesquels il faudrait agir pour secteur privé. Il est devenu une source
rattraper le retard accumulé pour mettre d’inégalité entre les enfants, entre ceux
à niveau le système éducatif. dont les familles ont les moyens de financer
Suite à cette évaluation, la Vision stra- cet enseignement et ceux qui ne peuvent
tégique 2015-2030 a été élaborée. Ses voir leurs enfants y accéder. Pour instaurer
recommandations comportent quatre une égalité des chances, la Vision préconise
axes majeurs pour refonder l’éducation : son obligation pour la petite enfance.
équité ; qualité ; émancipation de l’indi- On ne peut mettre en œuvre le prin-
vidu et développement de la société ; cipe d’équité et d’égalité des chances sans
conduite du changement avec un lea- envisager de mettre les enfants à un même
dership efficace. Ces axes ou « fonde- niveau de capital culturel souvent acquis
ments » sont déclinés en 23 leviers et grâce à l’environnement social. La
134 dispositions pour orienter la mise en réforme recommande un soutien scolaire
œuvre des réformes à entreprendre. pour les élèves qui se trouvent fragilisés
dans le milieu scolaire, une éducation
inclusive des enfants handicapés, et un
Une nouvelle vision stratégique développement de l’attractivité de l’école
20 2015-20302 par les activités culturelles, artistiques,
L’équité et l’égalité des chances numériques et sportives pour créer un
environnement susceptible de réduire les
Pour que l’école soit une école de l’éga-
disparités. Ceci contribuera à la démocra-
lité des chances et non pas une institution
tisation de l’éducation, favorisera l’égalité
productrice des inégalités, la Vision érige
des chances et permettra d’atténuer de
l’équité comme un fondement pour la
manière substantielle le fossé qui se creuse
réforme à l’horizon 2030. Instaurer le prin-
entre une élite sociale qui protège ses
cipe d’équité à l’école, c’est œuvrer en pro-
enfants, en les plaçant dans des écoles pri-
fondeur contre les disparités sociales et
vées pour en faire des privilégiés, et le reste
territoriales à travers la généralisation de
des couches sociales, généralement défa-
l’éducation obligatoire, l’adoption de la
vorisées, qui optent par défaut pour
l’école publique.
1. Instance nationale d’évaluation auprès du Conseil Les principes d’équité et de l’égalité
supérieur de l’éducation, la formation et la recherche
scientifique (2014) : Rapport analytique. Mise en des chances, placés comme fondement de
œuvre de la Charte nationale d’éducation et de forma- la nouvelle réforme dans une société avec
tion 2000-2013. Acquis, enjeux et défis. Rabat Voir des disparités sociales, vise à faire de l’école
également : Atlas graphique et cartographique de la
décennie de l’éducation et de la formation 2000-2013 un vecteur producteur du lien social.
[en ligne] [http://www.csefrs.ma/pdf/ATLAS_Graphique.
pdf]. Voir site du Conseil (en arabe et en français) :
Œuvrer au profit d’une école
www.csefrs.ma de la qualité
2. CSEFRS : Pour une école de l’équité, de la qualité Soumettre l’éducation à l’exigence de
et de la promotion. Vision stratégique de la réforme
2015-2030, Rabat, 2015. Voir site du Conseil (en arabe la qualité constitue un des fondements
et en français) : [www.csefrs.ma] de la Vision stratégique. La mesure et

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l’évaluation de la qualité, à travers les pratiques et favoriser l’enseignement par


enquêtes internationales, les audits, et les alternance avec l’entreprise.
accréditations des programmes et des éta-
La Vision définit les choix linguis-
blissements, mettent à l’épreuve l’école et
tiques en accordant à chaque langue
l’université. S’agissant des acquis des
(l’arabe et l’amazigh, ainsi que les langues
élèves marocains, leur niveau en 4e année
étrangères) un positionnement dans le
du primaire, entre 2003 et 2011, a reculé
système d’éducation et de formation. Elle
en mathématiques et en sciences et
instaure une cohérence linguistique dans
n’atteint pas la moyenne en langues 3.
une perspective d’équilibre durable entre
Plusieurs facteurs contribuent à la dégra-
le principe de justice linguistique et l’im-
dation du niveau des acquis : la non géné-
pératif de la maîtrise des langues natio-
ralisation du préscolaire, le retard scolaire,
nales et étrangères. Elle recommande une
l’environnement pédagogique, le taux
nouvelle architecture pour l’enseigne-
d’encadrement, la charge horaire des
ment des langues et des langues d’ensei-
enseignants, l’état des établissements, le
gnement. Tout en consolidant le rôle pri-
non encadrement de l’accès aux techno-
mordiale des langues arabe et amazigh,
logies de l’information et de la communi-
langues nationales constituant les fonde-
cation (TIC) et l’environnement socio-
ments de l’identité marocaine comme
culturel de la famille.
langues d’enseignement et langues ensei-
La Vision appelle implicitement à
gnés, la réforme positionne dans l’ensei-
changer de paradigme éducatif. Cela
gnement deux autres langues : le français,
implique un travail de redéfinition du
à partir de la première année du primaire,
socle des connaissances à faire acquérir
et l’anglais, à partir de la quatrième année, 21
aux élèves pour chaque cycle, et percep-
comme langues d’ouverture sur l’inter-
tible de manière positive dans l’évaluation
national. La Vision invite également à ren-
de leurs acquis ; l’instauration de l’inno-
forcer et à moderniser les langues natio-
vation pédagogique dans les classes en
nales en lien avec la rénovation des
personnalisant les apprentissages par
méthodes pédagogiques, dans le cadre de
l’adoption de méthodes différenciées
l’élaboration d’un plan national pour le
pour chaque élève ; l’adaptation du
développement de ces langues.
rythme scolaire à l’environnement de
l’école, notamment en milieu rural. Dans C’est ainsi que la réforme consolide le
ce cadre, la Vision recommande une choix d’un pluralisme linguistique
réforme centrée autour de l’apprenant assumé et affirmé, tout en proposant une
avec une rénovation des méthodes péda- architecture du positionnement des
gogiques au niveau de la classe. langues tout au long du cursus, du pré-
Par ailleurs, l’accès à la formation pro- scolaire à l’enseignement supérieur. Ce
fessionnelle doit être lié à l’orientation pluralisme linguistique correspond à la
avec l’adoption de mesures de flexibilité pluralité inhérente à la culture marocaine,
en mettant en place des passerelles. Au une pluralité sanctuarisée par la Consti-
niveau pédagogique, il faudrait articuler tution de 2011, qui fait de l’identité maro-
les enseignements théoriques aux caine une identité plurielle.
Par ailleurs, le métier d’enseignant
3. Comme le montrent les enquêtes internationales connaît des évolutions importantes
TIMMS et PIRLS conduites en 2011 par l’International
Association for the Evaluation of Educational Achieve- partout dans le monde. Ces dernières sont
ment (IEA). liées aux changements survenus au niveau

N° 71 - avril 2016
de la génération actuelle des apprenants4 : La réforme doit renforcer l’autono-
mutations dans la culture des jeunes, mie des académies et des universités. La
attentes de la société, évolution des centralisation n’a pas favorisé la dynami-
méthodes d’apprentissage et développe- sation des liens entre services centraux et
ment des TIC, apparition de contenus entités décentralisées. Ce qui maintient la
numériques éducatifs, etc., sont autant de verticalité des décisions, du haut vers le
facteurs qui doivent déterminer le nou- bas, et laisse peu de marge pour l’autono-
veau profil du métier. Ainsi, l’enseignant mie des académies et des universités et
passe d’un rôle traditionnel de pour- pour la responsabilisation des acteurs
voyeur de connaissances ou d’instructeur régionaux et locaux. La Vision recom-
à celui d’animateur et de facilitateur, qui mande donc un renouvellement des
doit susciter la curiosité des apprenants et modes de gouvernance et de conduite du
leur communiquer l’art de chercher changement, avec un leadership efficace
des solutions aux problèmes posés. capable de mettre en œuvre les réformes
L’enseignant d’aujourd’hui doit avoir des et de les guider grâce à de nouvelles
compétences qui lui permettent de méthodes, tout en décentralisant et en
rénover les méthodes d’apprentissage, responsabilisant les leaders régionaux. Il
d’animer la classe, de tuteurer les élèves faudrait par ailleurs instaurer des méca-
dans l’usage des TIC. nismes de veille, de suivi et d’évaluation
En raison du rôle que joue la recherche tout en mettant en place des modalités de
scientifique dans le développement du pérennisation et de diversification des
pays et dans son positionnement par rap- ressources financières et en encourageant
port à la société de la connaissance, la la mobilisation de tous, à travers l’élabo-
22
Vision recommande d’instaurer une poli- ration d’un pacte national au profit de
tique proactive dont les orientations l’école.
visent à enraciner la culture scientifique En visant la qualité des apprentissages
dès le niveau primaire, de valoriser la et des méthodes pédagogiques pour amé-
recherche et ses résultats, de renforcer la liorer les acquis des élèves, la formation
pluridsciplinarité et la complémentarité des lauréats, la formation initiale et conti-
entre sciences fondamentales et sciences nue des étudiants, la Vision préconise
appliqués, ainsi que de créer des pôles l’amélioration de la performance du sys-
économiques et technologiques qui tème d’éducation et de formation ainsi
impliquent un partenariat entre univer- que le rendement interne et externe des
sités, centres de recherche et entreprises. écoles et des universités, en œuvrant pour
La gouvernance a été identifiée par une gouvernance de qualité, véritable
l’évaluation comme un nœud du dys- courroie de transmission du fonctionne-
fonctionnement du système d’éducation ment du système éducatif.
et de formation. Pour y remédier, il fau-
drait instaurer la cohérence d’un système Une école de l’émancipation
d’éducation et de formation qui fonc- de l’individu et du développement
tionne en sous-systèmes, tout en érigeant de la société
le rôle régulateur de l’État à travers ses
La Vision prône une école émancipa-
ministères.
trice de l’individu. Il est évident que la
valorisation des citoyens passe par la qua-
4. Voir S. Clerc et Y. Michaud (2010), Face à la classe, lité de l’éducation et de la formation et par
Gallimard. leur capacité à s’adapter à une société en

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


0 actualité internationale

plein changement et aux métiers nou- La Vision invite à une école à l’ambi-
veaux d’avenir, avec notamment le déve- tion rehaussée, capable d’assumer sa
loppement accéléré des technologies de fonction libératrice et émancipatrice de
l’information. L’intégration profession- l’individu afin de le préparer à son avenir
nelle et l’accès à l’emploi sont tributaires et à celui du pays.
des formations combinant les versants
académique et pratique, et de formations Conduire le changement
en alternance avec les milieux profession- avec un leadership efficace
nels, tout en dotant les diplômés d’ouver- Les réformes éducatives sont portées
ture d’esprit et de capacités d’initiative. par des hommes et des femmes, véritables
L’école et l’université sont également acteurs et agents du changement ; d’où le
des vecteurs du développement de la rôle actif que pourraient jouer ces acteurs
société dans le cadre d’une société égali- dans les processus d’amélioration de la
taire et démocratique. Elles consolident qualité de l’éducation. Ainsi, la Vision
cette fonction lorsqu’elles véhiculent et recommande de proclamer la période
transmettent à toute une génération les 2015-2030 comme une période de la
valeurs des droits humains, le sens civique, rénovation de l’école et de la positionner
les valeurs démocratiques, l’égalité entre comme une priorité nationale, afin de
les hommes et les femmes, le respect de mobiliser la Nation autour de son école.
l’environnement et assurent la formation Par ailleurs, pour lui assurer une conti-
tout le long de la vie. La Vision appelle nuité au-delà des vicissitudes de conjonc-
ainsi à « nettoyer » les manuels scolaires ture, il est recommandé de la consigner
des stéréotypes sur les femmes et dans une loi-cadre.5
23
invite à une réforme des contenus La mise en place des réformes et leur
d’enseignement. réussite sont tributaires de la conduite du
L’école doit œuvrer pour que les élèves changement et d’un leadership capable de
s’approprient les valeurs du vivre mobiliser, de piloter et de guider tout en
ensemble, quelles que soient leur appar- faisant participer et en impliquant les
tenance sociale, ethnique et religieuse et acteurs pédagogiques et toutes les parties
leur affiliation politique ; elle doit leur prenantes : parents d’élèves, collectivités
transmettre des valeurs créatrices du lien locales, ONG, entreprises... Il faut
social et les doter de capacités à intégrer s’appuyer sur des compétences en capa-
l’évolution de la société et du monde. cité de créer une dynamique mobilisatrice
autour de l’éducation.
La Vision recommande le développe-
L’ é co l e m a ro c a i n e s e t ro uve
ment de l’université pour qu’elle soit un
aujourd’hui face à des défis dus aux impé-
lieu de formation du savoir, de la recherche
ratifs socio-économiques d’une société en
et de l’innovation capable d’intégrer les
développement et aux exigences d’une
étudiants dans la société du savoir. L’uni-
globalisation qui impacte l’école et tout le
versité marocaine a une double responsa-
système d’éducation et de production du
bilité envers la société : la première est
savoir. Ceci interpelle l’État pour qu’il
sociale et développementale, la seconde
renouvelle l’école et ses missions, en
est universelle. Cette dernière fait de l’uni-
versité un espace de jonction avec l’inter-
national, pour l’actualisation des connais-
5. Au moment de la rédaction de cet article, une
sances, le transfert de la technologie et des commission interministérielle travaille sur l’élabora-
savoir-faire pédagogiques. tion de cette loi-cadre.

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conformité avec le projet de société porté
par la nouvelle Constitution.
La Vision stratégique 2015-2030
annonce une école renouvelée. Certes les
changements ont toujours été liés à
l’évolution des savoirs et des connais-
sances, aux progrès de la science et des
savoir-faire, et la nécessité d’introduire
des réformes a toujours fait partie de
n notes de lecture

« Internationalisation
et transformation des systèmes
éducatifs du Sud »,
Marie-France Lange et Nolwen Henaff
(sous la direction de), Revue
l’évolution de l’éducation et de l’école. Tiers-Monde, n° 223, juil-sept. 2015
Néanmoins, la situation de l’éducation
Par définition collectifs, les numéros
dans la société marocaine impose un sur-
de revues peuvent selon les cas être lus soit
saut collectif et une mobilisation de la
dans la perspective mise en avant par les
Nation.
responsables du numéro, soit pour cha-
Le caractère affirmé de ces réformes
cun des articles contributeurs. Cette
n’en fait pas de simples mesures de
livraison de Tiers-Monde (revue de l’Ins-
conjoncture . Il s’agit d’un changement de
titut d’étude et de développement écono-
paradigme qui inscrit le développement
mique et social de l’Université Paris 1), qui
de l’école et de l’université marocaines
consacre de temps à autre un numéro aux
dans une temporalité longue et pérenne,
questions d’éducation, permet les deux
afin de garantir une performance et des
entrées, les articles pouvant chacun
effets positifs, progressivement tangibles,
susciter un intérêt autonome pour le lec-
en ce qui concerne les acquis des élèves et
24 teur, par leur méthode comme par leurs
les qualifications des diplômés. Mais il
résultats.
faut aussi envisager les obstacles que peut
L’intention générale du numéro, telle
rencontrer une réforme qui se voudrait
que le précise l’introduction de Marie-
globale. L’histoire des tentatives de
France Lange et Nolwen Henaff, est de se
réforme successives et inachevées qu’a
demander jusqu’à quel point il est perti-
connues l’éducation au Maroc plane sur
nent, à propos de l’éducation, de mettre
toute nouvelle réforme. Le défi est d’arri-
en dialogue les deux termes de mondiali-
mer une Vision stratégique ambitieuse,
sation et d’internationalisation. Le pre-
capable d’intégrer les réponses aux
mier évoque les tendances à la standardi-
attentes exprimées par les diverses parties
sation dans le cadre d’un futur système
prenantes – familles, acteurs pédago-
mondial de convergence, le second ce qui
giques, secteur économique, médias –,une
relève bien encore de l’action des États,
prise de conscience collective des déficits
mais dans un cadre qui passe peu à peu
de l’école, à la capacité de la gouvernance
d’une logique de service public, encore
à traduire cette Vision en mesures et
tourné vers la formation des hommes, à
actions opérationnelles qui pourront
une logique de prestations, de services
générer de la performance et conduire les
divers, devenus concurrents, proposés
élèves vers la réussite. n
eux-mêmes à d’autres pays. Les auteurs
Rahma Bourqia, obser vent toutefois que les deux
Instance nationale d’évaluation « modèles », à peine distingués, se
auprès du CSEFRS, Maroc rejoignent, dans les évolutions contem-
poraines, la standardisation multipliant
les opportunités pour les acteurs de passer

re vu e i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


0 actualité internationale

d’un système à l’autre, et du coup en ren- mouvements d’importation partielle de


forçant la mise en concurrence. modèles scolaires, dotés d’un sens qui
Au cas où ce choix entre le quasi- n’était pas celui de la réforme ou ne cou-
même et le quasi-autre, entre le Charybde vrant qu’une partie d’un champ national
de la mondialisation et le Scylla de cette désormais éclaté, comme cela est montré
internationalisation laisserait encore au à propos de la formation professionnelle
lecteur quelque illusion de l’intérêt de au Maroc, en Algérie et en Tunisie dans
choisir, il est rappelé que tout se passe en l’article de Saïd ben Sedrine et al.
tout état de cause dans un bain de recom- Chacun de ces articles est tragique,
mandations coercitives, qui, dans un pourrait-on dire, en ce qu’ils montrent
cadre mondialisé, installent un discours tous les impasses où vont les pays, sans
qui, autour de quelques mots tels que illusion, mais sans autre possibilité. Le
« autonomie », « compétences », décen- conflit ivoirien, par exemple, étudié par
tralisation », devient incontournable. Anne-Charlotte Triplet, quand à la des-
Il l’est d’autant plus que, dans les pays truction massive des écoles répondirent
en développement, des bailleurs interna- comme elles le purent des ONG qui, fai-
tionaux, de différents statuts qui n’ont en sant le travail normal d’un gouvernement,
commun que de n’avoir aucune légitimité risquaient de contribuer à sa perte de sou-
démocratique, l’imposent aux gouverne- veraineté. Même gouvernement qui, à la
ments en face de promesses d’aide. paix rendue tira pour partie sa légitimité
L’intérêt de ce numéro par rapport à de sa capacité à collecter des fonds inter-
des choses déjà lues sur ces sujets est d’al- nationaux qui le rendaient encore plus
ler voir concrètement dans plusieurs sys- dépendant de l’aide. 25
tèmes éducatifs, et même pour certains De même, dans l’article de Sophie
articles, comme celui de Sarah Fichtner Lewandowski, la prétention bolivienne à
sur le Bénin, jusque dans les salles de une innovation curriculaire en rupture
classes, ce qu’il en est de l’inscription de majeure, celle du « Vivir bien », construit
ces idées voyageuses dans la réalité. politiquement contre le thème du « déve-
Les auteurs du numéro croient pou- loppement durable » dénoncé comme ne
voir observer trois mouvements : proposant pas vraiment de rupture vis-à-
- une « sédimentation » de ces réformes vis du développement capitaliste à faible
d’origine mondialisée quand elles préoccupation sociale et culturelle, n’ap-
impactent les réalités locales, cette sédi- paraît pas comme une porte de sortie, à la
mentation signifiant souvent une désé- fois par ses connotations religieuses et par
mantisation de la réforme ; finalement son hybridation avec des
- une paradoxale légitimation des modèles éducatifs autres. De même, cette
réformes pour les responsables politiques Université de Kinshasa, décrite par Marc
de pays ayant perdu une part de leur sou- Poncelet et al., qui se protège de l’interna-
veraineté, en raison de leur renommée tionalisation par un système d’éclatement
« internationale », ce dont Hélène du pouvoir en trente-six fiefs porteurs
Charton démonte de façon originale les d’intérêts particuliers, ne montre pas de
mécanismes, en analysant la trajectoire possibilité de solutions en dehors
biographique d’acteurs sénégalais entre de celles qui sortent de la machine
leur pays et la scène internationale ; internationalisée.
- au bout du compte, une grave segmen- L’article sur le Bénin déjà cité regarde
tation générale des systèmes, suite à divers comment la mise en œuvre de l’approche

N° 71 - avril 2016
par compétences s’effectue, dans le triple Aux heures suisses
cadre concret d’une classe, d’un module de l’école républicaine
de formation des enseignants et d’une Un siècle de transferts culturels
épreuve d’examen : demander de mettre et de déclinaisons pédagogiques
en place un curriculum par compétences dans l’espace franco-romand
dans une école dont les principes autori- Alexandre Fontaine, Demopolis,
taires n’ont changé ni le visage du profes- Paris, 2015, 307 pages
seur ni celui d’un examen toujours tourné
vers la régurgitation de savoirs, c’est créer Cet ouvrage, préfacé par Michel
un jeu de faux semblants (« teachers tend Espagne1, est bien plus qu’une étude de
to copy the form and the structure of cas circonscrite à l’espace franco-romand.
competency-based education, and pupils Il propose en effet, comme l’indique le
copy the content of what they are supposed titre de la première partie, de « relier les
to reproduce in tests »). espaces pédagogiques », en mettant en
Faux-semblant aussi mis en évidence lumière l’émergence des « internationales
dans l’article de Rachel Tsolomon Tsehaye de l’éducation et savoirs métissés » – c’est
qui s’intéresse, à partir de questionne- le titre de la deuxième partie – dans la
ment des acteurs, parents ou éducateurs, deuxième partie du XIXe siècle, pour
aux quatre systèmes éducatifs concur- démontrer que les spécificités nationales
rents de Djibouti (en fait deux fois deux) : en éducation sont plus le résultats d’em-
on croit voir s’opposer deux conceptions prunts et de réinterprétations ad usum
de l’école, l’une et l’autre aidées par des Galliae, comme l’indique la troisième
pays étrangers, d’ailleurs, celle inspirée de partie, pour ce qui concerne la France. La
26 pédagogie est un « transfert culturel »,
l’Occident à prétention scientifique et
universaliste, et celle inspirée de l’islam, résultant de connexions oubliées, que
qui s’oppose à la vision de la première, l’ouvrage remet en pleine lumière.
alors qu’en réalité s’opposent au sein de la Il constitue une plongée passionnante
société djiboutienne des milieux favori- dans les années du Second Empire fran-
sés, à qui l’international ne fait pas peur çais, qui provoque le départ de proscrits
(quitte à « panacher » pour leurs propres et l’émigration d’opposants républicains
enfants) et des laissés pour compte de en Suisse romande, comme Edgar Quinet
l’école comme de l’emploi, qui fré- ou Ferdinand Buisson, professeur à l’aca-
quentent medersas et école coraniques, et démie de Neuchâtel de 1866 à 1870, qui
qui, n’ayant rien à perdre, peuvent « faire sera l’un des architectes des grandes lois
de la déviance, si ce n’est de la violence, scolaires de la Troisième République.
une vertu ». Celles-ci n’ont pas été élaborées dans
Revue de chercheurs, cette livraison un cadre national fermé mais sont le
de Tiers-Monde peut décourager celui ou fruit d’échanges au sein d’une constel-
celle qui est investi(e) dans l’action : il ou lation pédagogique européenne, où se
elle gagnera toutefois à chercher les sens fécondent mutuellement les expériences
de ce qu’il fait dans ce paysage tellement
truffé d’impasses.
1. Directeur du Labex TransferS, ENS Ulm, Collège de
Roger-François Gauthier, France, Paris. Il s’agit d’étudier dans la très longue
IGAENR, Université Paris-Descartes durée les formes de resémantisation qui accom-
pagnent la circulation des textes, des modèles intel-
lectuels, des objets matériels, artistiques ou quoti-
diens, entre les cultures.

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bataves, germaniques, italiennes, espa- frontière, à comparer, à juger, à choisir et


gnoles, helvétiques et françaises. finalement à faire œuvre originale en
transposant ad usum Galliae tout ce que
Alexandre Fontaine met en perspec-
l’expérience d’autres peuples nous offrait
tive la naissance des organisations
de meilleur ». Si les mêmes observations
internationales : internationale des
valent pour l’éducation musicale, la gym-
travailleurs à Londres et Croix rouge en
nastique scolaire, les colonies de vacances,
Suisse en 1864, exposition universelle de
on jugera particulièrement intéressante
Paris (1867) et Ligue internationale pour
l’étude du transfert et de la réinterpréta-
la paix et la liberté à Genève en 1867, où la
tion des éléments de morale laïque de
Suisse confédérale, plus vieille démocratie
l’espace helvétique vers la France par les
du continent européen, sert de modèle à
cadres de l’école de la Troisième Répu-
une vaste confédération européenne. Dès
blique. « L’enjeu de cette morale républi-
ce premier congrès de la Ligue, la question
caine s’est peu à peu cristallisé, écrit
de l’éducation est posée car il est décisif de
Alexandre Fontaine, sur “la dimension
transformer les masses par l’instruction.
sacrée du politique et la dimension poli-
Ferdinand Buisson publie par exemple en
tique du sacré” ».
1868, dans la revue Les États unis d’Europe
(n° 16), un article manifeste intitulé Le résultat de cette étude, fruit d’une
« L’abolition de la guerre par l’instruc- recherche doctorale menée en cotutelle
tion ». On envisage donc une association internationale, consiste à « remettre
pédagogique universelle, dans laquelle la l’étranger au centre du débat ». C’est aussi
Suisse romande, au travers notamment d’interroger le concept de « modèle »,
du travail d’Alexandre Daguet et du qui conduit trop souvent à minorer les 27
rayonnement de son périodique, L’Édu- dynamiques d’échanges, les contamina-
cateur, jouera un rôle fédérateur. Invité tions et hybridations culturelles. Et un
par le ministre français Victor Duruy à appel à « ne pas se satisfaire d’une réalité
l’occasion d’une grande conférence de la compartimentée, mais plutôt de chercher
Sorbonne pour le perfectionnement des à éclairer les inclusions et retracer les mul-
instituteurs français, Daguet insiste sur tiples resémantisations des idées et des
« l’identité de but, d’efforts, d’aspirations savoirs scolaires ». En cela, il renouvelle
chez tous les instituteurs ». Se constitue notre regard sur la spécificité du modèle
un réseau international de presse pédago- d’éducation français.
gique, de Darmstadt à Vienne, en passant L’un de ses apports est de faire appa-
par Londres, Madrid, Milan et Paris, dont raître la fécondité des échanges franco-
le pivot est en Suisse romande. Le résultat romands dans un espace de communica-
de ce s i n ten s e s é ch a n ge s e s t ce tion pédagogique et éducatif ouvert, porté
q u’ A l e x a n d r e Fo n t a i n e a p p e l l e par l’idéal de paix universelle. On croise
« connexions et bigarrures pédago- dans cet ouvrage Courbet et Marx, Macé
giques », manifestes dans la composition et Garibaldi, Cousin et Pestalozzi. On ne
de l’équipe de rédaction du Dictionnaire serait pas surpris d’y rencontrer les pères
de pédagogie et d’instruction primaire de fondateurs de la classification universelle
Ferdinand Buisson, qui compte cinq des documents, l’américain Melvil Dewey
Helvètes, notamment Daguet, organisa- (classification décimale Dewey, 1876), ou
teur général de la partie helvétique. les belges Paul Otlet et Henri Lafontaine,
Buisson lui-même explique la nécessité créateurs de l’Institut international de
d’« apprendre à jeter les yeux par dessus la bibliographie (1895) et de la classification

N° 71 - avril 2016
décimale universelle (CDU) qui, à leur structurant pour le rapport entre le maître
tour, vingt ans avant la Première Guerre et ses élèves. Ce qui a changé considérable-
mondiale, reprendront les mêmes aspira- ment, en revanche, ce sont les conditions
tions fondamentales : il faut se connaître d’accès aux connaissances. Aussi doit-on
pour éviter la guerre. « Le livre, c’est le s’interroger sur ce qu’il faut conserver des
meilleur et le plus réfléchi de l’homme, le techniques de calcul d’hier dans une
lien social par excellence »… société où les machines peuvent faire plus
Jean-Pierre Véran, vite et mieux que nous. Quels automa-
IA-IPR (H) tismes, quelle mémoire, quelle compré-
hension des concepts ? Quelles nouvelles
Enseigner les mathématiques compétences ?
à l’ère du numérique Pour les auteurs, il y en a trois qui sont
Denis Butlen, Jean-Louis Durpaire, essentielles : savoir mémoriser, savoir
CANOPE, 2015, 108 p, [en ligne] traiter l’information, s’exprimer avec les
https://goo.gl/tBfLJR outils numériques.
Alors que les effets de la révolution À l’ère numérique, l’accès à la numé-
numérique sur l’apprentissage de la lec- ration est très différent de ce qu’il a été
ture et de l’écriture font l’objet de nom- depuis l’Antiquité jusqu’au XXe siècle de
breux colloques, séminaires, et publica- notre ère : en Mésopotamie, l’écriture a
tions, il n’en va pas de même en ce qui été inventée pour tenir l’état des stocks et
concerne le calcul et les mathématiques réaliser des échanges ; les premiers écrits
en général. On salue donc avec intérêt la étaient comptables et, des siècles durant,
28 publication en ligne et imprimée de cet la monnaie a joué un rôle capital pour
ouvrage concernant l’école primaire, par l’accès des enfants aux nombres. Cal-
un binôme composé d’un professeur culette, caisses automatiques, paiement
d’université directeur adjoint d’une école par cartes ou smartphones, toutes les
supérieure de formation des enseignants transactions sont devenues opaques
et d’un inspecteur général spécialiste aujourd’hui pour les enfants. L’école est
de l’enseignement primaire et du bien seule à leur faire approcher les
numérique. nombres de manière concrète.
Il se compose de deux parties : une Pour les auteurs, il importe de déve-
approche par domaines d’abord – les lopper la formation à l’intelligence du
nombres, le calcul, les grandeurs et calcul, en insistant sur la pratique quoti-
mesures, la géométrie, les problèmes dienne, fréquente et systématique du
numériques –,une approche transversale calcul mental, appuyée sur des logiciels
ensuite, posant les questions de l’évalua- disponibles en ligne.
tion, des élèves en difficulté, des équipe- Pour approcher grandeurs et mesures,
ments numériques, des ressources les auteurs conseillent de s’appuyer sur
pédagogiques et de la formation des une instrumentation diversifiée, tradi-
enseignants. tionnelle et numérique. Observant qu’au-
Avec la révolution numérique, les jourd’hui « tout est l’objet de mesures »,
temps et les lieux pour apprendre sont à les déplacements, les efforts, l’alimenta-
repenser. Et pourtant une classe de 2016 tion quotidienne, les auteurs insistent sur
ressemble bien souvent à une classe de la le fait que les instruments numériques de
fin du XIXe siècle, avec le tableau – parfois mesure, à la différence des instruments
devenu interactif – comme outil anciens (la balance, la chaîne d’arpenteur)

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0 actualité internationale

font disparaître le caractère concret de la des outils pour la classe et des ressources
mesure. Il faut donc trouver un équilibre pour la formation des enseignants.
entre instruments numériques et On retiendra la fin de leur conclusion :
traditionnels. « Les chiffres sont partout ; apprendre à
La géométrie est elle aussi profondé- les lire, à les traiter est une prise de pouvoir
ment transformée à l’ère numérique. Elle sur le monde. En ce sens, les mathéma-
donne la possibilité d’utiliser des jeux sur tiques sont un élément essentiel de la
écran, de créer aisément des formes, de formation du futur citoyen ».
mieux visualiser, d’approcher la géomé- Si l’ouvrage comporte des références
trie dynamique, de produire et travailler spécifiquement françaises (programmes
en autonomie, individuellement et de l’enseignement primaire, socle com-
collectivement. mun de connaissances de compétences et
L’importance des données dans la de culture, référentiel se compétences des
société numérique renforce l’importance personnels d’enseignement et d’éduca-
de l’enseignement de la proportionnalité. tion, mais aussi et surtout une connais-
Des outils numériques peuvent aider les sance pointue de l’enseignement des
élèves à la résolution de problèmes de pro- mathématiques et des expérimentations
portionnalité : pourcentages, échelles, en cours avec le numérique), il présente, à
vitesses, conversions d’unités. partir de cette spécificité nationale, une
Dans la deuxième partie, l’évaluation réflexion sur une question d’actualité
est orientée dans une perspective de pro- internationale, en s’appuyant sur les éva-
grès des élèves, en privilégiant les activités luations internationales comme sur des
pédagogiques encourageantes. Compter sources et expériences de divers pays
29
à l’ère du numérique, c’est savoir utiliser (Projet européen Fibonacci, expérience
les potentialités de calcul des ordinateurs : danoise d’examens autorisant l’accès à
utiliser un tableur, savoir déduire des Internet, travaux des Universités de
éléments pertinents de données numé- Genève et Laval, articles de la revue offi-
riques. Évaluer, désormais, c’est aussi cielle britannique Research in Mathema-
prendre en compte les capacités de tics Education). Il intéressera les
coopération, d’entraide, de production, spécialistes de l’enseignement des mathé-
de contribution à un travail collectif. matiques, mais aussi, bien plus largement,
Les auteurs proposent de passer de tous ceux qui se questionnent, comme
l’étude des difficultés des élèves à celle des nous l’avons fait dans le numéro 67 de la
élèves en difficulté. Ils préconisent une Revue internationale d’éducation de
pratique régulière de bilans de savoirs Sèvres, sur l’impact de la révolution
écrits, la production d’écrits collectifs et numérique sur les apprentissages des
le recours aux débats entre élèves. élèves. n
Pour compléter l’ouvrage, outre une Jean-Pierre Véran,
bibliographie, une sitographie propose IA-IPR (H)

N° 71 - avril 2016
dossier

Formation professionnelle
et employabilité

Introduction
Les défis de l’employabilité durable
La formation professionnelle initiale dans le monde

Christian Forestier
Ancien recteur

En décembre 2003, la Revue internationale d’éducation de Sèvres a publié,


dans son numéro 34, un dossier intitulé : « La formation professionnelle initiale :
une question de société ». Plus d’une décennie plus tard, le paysage actuel est-il
tellement différent qu’il mérite une nouvelle présentation ou le contexte inter-
national justifie-t-il que l’on revienne sur ce sujet ? La seconde hypothèse est la
31
bonne. On relira le dossier de 2003, notamment l’excellente présentation faite
par Anne-Marie Bardi, pour découvrir qu’il reste à ce jour entièrement d’actua-
lité. Il y a toujours la même diversité des situations et les interrogations n’ont
guère varié, notamment la question récurrente partout posée : comment adapter
la qualité et les flux de formation professionnelle initiale aux besoins écono-
miques du pays ? Éternelle question à laquelle il est toujours aussi difficile de
répondre. La réactivité des systèmes de formation est de plus en plus en décalage
par rapport au rythme des évolutions technologiques et économiques, mais
pourtant tout le monde interpelle les décideurs en matière de formation initiale
sur cette impossible adaptation, dans un contexte de crise, surtout si ce contexte
se traduit par de très grandes difficultés d’insertion des jeunes en fin de formation
initiale. Un bon dispositif de formation professionnelle est toujours un
compromis entre la satisfaction des besoins immédiats et une vision à moyen
terme.

Une mondialisation
croissante de la formation
professionnelle
En 2013, 39 millions de jeunes âgés de 16 à 29 ans dans les pays de
l’OCDE n’avaient pas d’emploi et ne suivaient ni études ni formation (formant
le groupe dit des NEET, pour Neither in Employment nor in Education or

N° 71 - avril 2016
Training), soit cinq millions de plus qu’avant la crise économique de 2008
(OCDE, 2015). C’est cette situation particulièrement dégradée (près de la moitié
des NEET, soit environ vingt millions de jeunes, ne sont même pas à la recherche
d’un emploi) qui nous amène à affiner nos outils d’évaluation des compétences
professionnelles et à tenter d’en déduire des bonnes pratiques : de l’utilité des
comparaisons internationales. Longtemps on s’est borné à publier les taux de
sortie de la formation initiale de chaque pays, niveau par niveau. C’est ainsi par
exemple qu’aujourd’hui, en France, chaque année, sur l’ensemble des jeunes qui
quittent la formation initiale, un peu moins de 20 % ne possèdent aucun diplôme,
un peu plus de 40 % ne possèdent qu’un diplôme de niveau second cycle
de l’enseignement secondaire (CAP, BEP ou baccalauréat), 25 % un diplôme de
l’enseignement supérieur professionnel court, du type BTS, DUT ou licence pas
nécessairement professionnelle, et donc un peu moins de 20 % un diplôme de
l’enseignement supérieur long (master ou doctorat) (MENSR, 2015). Ce type
de données est accessible au moins pour tous les pays développés mais insuffisant
pour pouvoir comparer les différents systèmes entre eux, et encore moins pour
renseigner sur la qualité des niveaux atteints.
Le moyen le plus universel pour tenter de comparer les niveaux de sortie
des systèmes de formation initiale de chaque pays est d’utiliser la Classification
internationale type de l’éducation ou CITE, dont la dernière version est connue
sous la référence CITE-2011 (la précédente étant la CITE-1997) (ISU, 2011). Si
32 ces données sont importantes, elles restent purement statistiques et ne renseignent
pas, ou peu, sur la qualité des formations ni surtout sur l’employabilité qui y est
attachée. Pour essayer d’aller plus loin, il faut s’interroger sur la relation établie
entre diplôme et compétences, notamment les compétences professionnelles
autres que les compétences de base. Longtemps la France a déconnecté diplôme
et qualifications, ces dernières étant définies par les partenaires sociaux dans le
cadre de conventions collectives, sur une échelle allant de VI à I, le niveau V
étant la préparation du CAP et non son obtention, et le niveau IV celle du
baccalauréat. À l’usage, il est apparu que ce découplage entre diplôme et quali-
fications, peut-être possible et même souhaitable en période de plein emploi (les
« Trente Glorieuses »), devenait impraticable dès lors que l’on était confronté à
des difficultés d’insertion : imaginer qu’un niveau V appuyé sur l’obtention d’un
CAP offrait les mêmes garanties qu’un niveau V appuyé sur un échec au CAP
était une grave erreur. D’où le retour à la seule obtention du diplôme, avec pour
conséquence paradoxale l’affaiblissement apparent de la notion de qualification.
Il s’agit là d’une situation plutôt singulière, la force symbolique du diplôme
restant un marqueur essentiel de la société française.
Cependant, cela n’empêche pas l’Europe de chercher à rendre compa-
rables les formations d’un pays à l’autre pour qu’un diplômé puisse être embauché
dans l’un des autres pays de l’Union. Pour cela, il est établi un Cadre européen
des certifications ou CEC, qui classe tous les diplômes sur une échelle de huit
niveaux, le niveau 1 correspondant aux savoirs généraux de base et le niveau 8

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

aux savoirs à la frontière la plus avancée d’un domaine de travail ou d’études et


à l’interface de plusieurs domaines. Pour aller plus loin et au-delà de l’espace
européen, l’OCDE a cherché à mesurer le niveau de compétences des adultes et
l’utilisation de ces compétences dans le domaine professionnel : c’est l’étude
PIAAC pour Programm for the International Assessment of Adults Compencies,
dont la première édition date de 2013 (OCDE, 2013). Il est extrêmement inté-
ressant d’observer les compétences évaluées :
– la capacité de comprendre et de réagir de façon appropriée aux textes
écrits (littératie) ;
– la capacité à utiliser des concepts numériques et mathématiques
(numératie) ;
– la capacité à accéder à des informations (trouvées, transformées et
communiquées) dans des environnements numériques, à les interpréter et à les
analyser (résolution de problèmes dans des environnements à forte composante
technologiques).
À la lecture de ces compétences évaluées, on comprend qu’il s’agit bien
d’un PISA pour adultes (à la différence du PISA1 pour les élèves de 15 ans en fin
de scolarité obligatoire) et que ce que l’on évalue reste globalement dans le domaine
de compétences plus générales que professionnelles, sauf à admettre in fine que
ces compétences sont nécessaires et suffisantes pour la maîtrise professionnelle :
nécessaires certainement, mais sont-elles suffisantes ? Tous les enjeux de la
formation professionnelle initiale sont contenus dans cette dernière interrogation. 33
Il n’est en tout cas pas étonnant que l’on puisse observer un lien étroit entre les
résultats des études PISA et ceux de l’enquête PIAAC puisque l’on évalue des
compétences comparables, ce qui conduit à affirmer qu’il n’est pas possible d’espérer
construire une formation professionnelle de qualité, qu’elle soit première – c’est
à dire initiale – ou seconde sur une formation de base insuffisante, et ceci à quelque
niveau que ce soit. Cette affirmation est très lourde de conséquences.
Les articles de ce dossier montrent, comme ceux du dossier de 2003,
que, parmi les caractéristiques communes à tous les pays, les formations profes-
sionnelles initiales infra CITE 52 accueillent essentiellement des élèves dont on
a considéré qu’ils n’avaient pas les aptitudes nécessaires pour suivre des forma-
tions généralistes. La caractérisation de ce public conduit à voir ces formations
comme des voies de remédiation mais cela n’exclut pas le mépris qui y est souvent
associé. Si l’orientation par l’échec vers la voie professionnelle et le mépris affé-
rent ne sont pas des phénomènes nouveaux et restent quasi universels, ce qui est
nouveau, par contre, c’est l’impossibilité aujourd’hui admise, en dehors du
secteur informel dans les pays en voie de développement, d’obtenir un niveau

1. PISA : Programme international pour le suivi des acquis des élèves.


2. Infra CITE 5 recouvre les formations professionnelles relevant du second cycle de l’enseignement secondaire
(CITE 3). Il s’agit de la formation des ouvriers, employés et techniciens ; CITE 5 correspond à l’enseignement supérieur
de cycle court et CITE 6 à l’enseignement supérieur de niveau licence ou équivalent.

N° 71 - avril 2016
satisfaisant d’employabilité sans assurer au préalable un niveau satisfaisant des
compétences fondamentales (le socle commun). Un tel constat disqualifie les
nostalgiques, en France ou ailleurs, de l’orientation précoce, et tous ceux qui
n’ont pas compris les enjeux des politiques d’élévation continue du niveau de
compétences générales de l’ensemble d’une population, jeune et adulte.

Des problématiques
communes, des réponses
complexes et différentes
Pour mettre en perspective l’ensemble des articles de ce dossier, il faut
revenir sur la commande initiale aux auteurs. Dans tous les pays, il existe une
différenciation forte en matière de formation professionnelle suivant le niveau
de qualification recherché, quatre niveaux étant parfaitement identifiables :
– la formation informelle, « sur le tas », correspond à des qualifications
que l’on pourrait rattacher à la CITE 2, voire parfois à la CITE 1 ;
– la formation des ouvriers et employés plus ou moins qualifiés et des
techniciens ; ces formations rattachées à la CITE 3, plus précisément CITE 353,
relèvent du second cycle de l’enseignement secondaire ;
– les formations supérieures professionnelles courtes (ESPC), celles des
techniciens supérieurs, un niveau stratégique dans presque tous les pays du
34 monde, sont définies par les CITE 5 et 6 (l’article des professeurs Yang Guo et
Lin Yang décrit le tournant qu’a pris la Chine sur ce segment et sa découverte
qu’un système d’ESPC protégé pouvait être plus performant que le système
universitaire classique) ;
– enfin, la formation des cadres correspondant aux CITE 7 et 84.
Il semblait opportun de limiter le dossier aux formations de niveaux
intermédiaires (CITE 3 à 6), en éliminant de fait les formations informelles (infra
CITE 3), qui ne concernent que les pays en voie de développement, et les forma-
tions de cadres, qui ont tendance à s’harmoniser, au niveau mondial, autour du
master et du doctorat. Sur ce créneau des formations, qui va des ouvriers et
employés aux formations de l’ESPC, on trouve, d’une part, les formations rele-
vant de la CITE 3, qui partout posent le plus de problèmes en termes d’employa-
bilité, et d’autre part celles des CITE 5 et 6, qui, au contraire, semblent garantir
les meilleures conditions d’accessibilité à l’emploi. Mais c’est aussi sur ce large
créneau que l’on trouve le plus de différences entre les systèmes, tant pour le
pilotage politique que pour le rôle confié à la sphère professionnelle.

3. La CITE 3 se décompose en CITE 34 pour tout ce qui est rattaché au deuxième cycle de l’enseignement secondaire
général et en CITE 35 pour tout ce qui est rattaché au deuxième cycle de l’enseignement secondaire professionnel. Au
sein de la CITE 35, on distingue la CITE 352 pour les formations ne permettant pas l’accès à un enseignement post-
secondaire (comme le CAP en France) et la CITE 354 pour les formations permettant un accès à l’enseignement supé-
rieur (comme le baccalauréat professionnel).
4. La CITE 7 correspond au niveau master et la CITE 8 au doctorat.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

Il était tentant de traiter des formations de haut niveau, qui concernent


le monde universitaire. Celles-ci pourraient faire l’objet d’un autre dossier, qui
traiterait de l’employabilité des étudiants5 à partir du niveau de la licence ou du
bachelor. On découvrirait alors que, contrairement aux messages diffusés par les
différents classements internationaux (comme celui de Shanghai), non seulement
il existe une grande harmonisation mondiale des modèles notamment sur les
plus hauts niveaux, master et doctorat, les classements y contribuant largement,
mais surtout que, dans la plupart des pays, l’employabilité à l’issue de ces forma-
tions n’est pas un véritable problème, par comparaison avec ce qui passe pour
les niveaux inférieurs. L’exemple français est de ce point de vue caractéristique :
en cette époque où le french bashing se porte bien, beaucoup n’ont toujours pas
compris que le chômage des jeunes français, comme partout dans le monde,
concerne beaucoup les non diplômés, un peu les faiblement diplômés, et pas
significativement les diplômés de l’enseignement supérieur, en dehors de quelques
cas particuliers notamment dans des pays émergents. Faut-il rappeler que 90 %
des Français qui accèdent à l’enseignement supérieur obtiendront un diplôme
supérieur au baccalauréat et que globalement près de 90 % des diplômés du
supérieur sont en emploi trois ans après la fin de leurs études initiales6 ? Cette
situation, que l’on rencontre dans tous les pays développés, doit relativiser les
débats sur l’enseignement supérieur : 80 % des 25-64 ans diplômés de l’ensei-
gnement supérieur de l’ensemble des pays de l’OCDE sont en emploi, contre
guère plus de 50 % de ceux qui ont un diplôme inférieur au second cycle de 35
l’enseignement supérieur (OCDE, 2015). S’il est avéré qu’un certain nombre de
pays émergents connaissent un chômage élevé des diplômés du supérieur dû à
une offre inadaptée aux besoins, l’enjeu est l’employabilité des niveaux intermé-
diaires, pour la plupart des pays développés.

La formation des ouvriers,


employés et techniciens
En limitant le champ de notre étude à la formation des ouvriers et
employés jusqu’aux techniciens, nous avons fait le choix de ne nous intéresser
qu’aux formations professionnelles sanctionnées par des diplômes de l’enseigne-
ment secondaire et du premier cycle de l’enseignement supérieur, sans traiter du
problème de la formation des cadres. L’aspect paradoxal du débat qui traverse

5. Un nouveau classement mondial des universités a été lancé en 2014 par l’Union européenne. Dénommé
U-Multirank, il est censé donner une image plus juste que les autres classements (type Shanghai), en prenant en
compte plus de critères et notamment le devenir des étudiants. Par ailleurs, en France, les universités doivent
aujourd’hui fournir des éléments sur l’employabilité de leurs étudiants. (NdA)
Lire : G. Filliatreau, P. Vidal (2010), « Le projet de classement européen des établissements d’enseignement supérieur
U-Multirank », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], n 54, septembre [http://ries.revues.org/996].
(NdlR)
6. Voir les études générationnelles du Céreq et notamment la cinquième édition de Quand l’école est finie,
l’Enquête 2013 sur la génération 2010.

N° 71 - avril 2016
nos sociétés apparaît clairement : médiatiquement, le problème de la formation
des cadres occupe un espace plus important que celui de la formation des
ouvriers, alors que les différences entre les pays semblent davantage liées à la
quantité et à la qualité des formations professionnelles de premier niveau ou/et
de niveau intermédiaire. Les résultats du très contestable classement de Shanghai
connaissent chaque année un retentissement médiatique plus important que ceux
du PIAAC et par ailleurs, la quasi-totalité des pays émergents se sont sponta-
nément adaptés au modèle LMD7, la plupart du temps bien avant de s’être inter-
rogés sur leur modèle de formation professionnelle de base. Il était donc légitime
de ne pas envisager a priori d’inclure dans ce numéro tout ce qui concerne la
formation des cadres. C’est d’autant plus légitime qu’à l’harmonisation planétaire
de la formation des cadres s’oppose la grande diversification de la formation des
non cadres. Sur ce champ, tous les pays se posent les mêmes questions, en y
apportant des réponses différentes. Signalons enfin que le parti a été pris de ne
parler que de la formation initiale mais l’article de Catherine Ramos et
S. Gopinathan rappelle opportunément, au travers des exemples de Singapour
et des Philippines, que cette distinction est de moins en moins légitime et qu’il
faut concevoir toute approche de la formation professionnelle dans le cadre de
la formation tout au long de la vie.
Regardons tout d’abord tout d’abord l’adéquation entre les flux de
formation et les besoins socio-économiques.
36 La vitesse d’évolution des technologies conduit à renoncer à toute poli-
tique adéquationniste à moyen ou long terme, dans une forme caricaturale. Si
le temps de l’école n’est pas le temps du politique, il n’est pas davantage celui
de l’entreprise ni de l’économie : politiques et entreprises vivent sur un rythme
plus rapide que le rythme des apprentissages des adolescents et jeunes adultes.
Il n’en demeure pas moins que la prospective ne peut être absente et que l’impos-
sibilité de l’adéquationnisme ne signifie pas le renoncement à l’étude des évolu-
tions prévisibles des qualifications recherchées à plus ou moins long terme. L’État
peut se charger de cette mission, comme en témoignent dans ce dossier Krzysztof
Symela pour la Pologne ou Laurence Solar-Pelletier pour le Québec, mais cela
peut aussi provenir des branches professionnelles, cas le plus fréquent en France.
Au-delà des flux, c’est la conception même des diplômes qui est un sujet
d’interrogation, notamment pour le degré de spécialisation. L’exemple français
du nombre de CAP illustre bien cette interrogation : si aujourd’hui il reste un
peu plus de 200 spécialités, il faut se souvenir qu’il y en a eu plus de 600 pendant
la période des Trente Glorieuses et on lira sur ce sujet l’article de Michel Rage.
Le rôle qu’il convient de faire jouer aux entreprises est une autre ques-
tion commune à tous les pays, s’agissant de la formation professionnelle initiale.

7. Cette affirmation peut surprendre car tous les pays n’ont pas formellement adopté le système LMD parti d’Europe
mais globalement, on retrouve partout trois niveaux et les deux derniers, master et doctorat, pratiquement dans tous
les systèmes.

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dossier

Deux modèles semblent s’opposer : la formation professionnelle in vitro, c’est à


dire en milieu scolaire, et la formation professionnelle in vivo, c’est à dire au
sein de l’entreprise. Dans la réalité, l’opposition tend à se réduire, tant s’agissant
du temps passé dans un environnement professionnel que du rôle alloué aux
partenaires professionnels.
Enfin, l’autre grande question est celle du pilotage politique de la forma-
tion professionnelle initiale. Que la formation de base soit une compétence de
l’État ou soit décentralisée, les situations sont remises en cause dès lors que l’on
se place sur le terrain de la formation professionnelle. En aucun cas l’État ne peut
être seul en responsabilité ; il doit partager tout ou partie de sa responsabilité avec
les partenaires sociaux (les employeurs toujours mais aussi, souvent, les employés).
Il est forcément aussi en partage de responsabilité avec les responsables politiques
locaux et c’est ainsi que l’on peut se retrouver, comme en Allemagne, avec un
pilotage quadripartite : État, collectivités territoriales, employeurs et employés.
Reste à aborder la problématique de l’orientation : à quel moment se fait
l’orientation vers une formation professionnelle et qui a le pouvoir de décision ?
Il est bien évident que la réponse à la première question n’est pas unique : l’orien-
tation vers une formation professionnelle de faible niveau (ouvrier, employé) est
nécessairement précoce, généralement à la fin de l’école obligatoire, alors que
l’orientation vers une formation professionnelle de plus haut niveau intervient
après la fin des études secondaires. Mais à quelque niveau que ce soit, l’orientation
37
vers une voie professionnelle traduit, sauf à de très rares exceptions (Allemagne,
Suisse), un renoncement à poursuivre dans une voie générale, renoncement dû
à des difficultés d’apprentissage, lorsqu’il s’agit d’orientation précoce, ou à
d’autres causes, lorsque l’on monte en qualification, et notamment des causes
financières. Constater que l’on est considéré comme n’étant pas en capacité de
poursuivre une formation générale est une chose, accepter ce constat en est une
autre et si, quoi qu’on dise, dans aucun système l’orientation vers une voie profes-
sionnelle des élèves considérés comme aptes aux études générales n’est significa-
tivement encouragée, la valorisation ou la non valorisation de cela peut prendre
des formes très différentes suivant les pays, notamment par la mise en place de
filières d’excellence dans la voie professionnelle. La valorisation sera d’autant plus
difficile que le constat d’absence d’aptitudes à poursuivre dans la voie générale
sera entaché d’une lourde suspicion de confusion entre aptitudes et origine
sociale. De ce point de vue, la France représente un cas d’école, puisque c’est celui
des pays développés où le poids du déterminisme social est le plus fort.

Un choix de pays difficile


Ce dossier propose dix études de cas et une tentative de synthèse de la
part d’experts de l’OCDE. Un choix partiel, voire partial, qui ne peut permettre
de tirer des conclusions définitives, surtout s’il est impossible de dégager des
invariants incontestables de l’employabilité.

N° 71 - avril 2016
Cet échantillonnage n’est pas scientifiquement incontestable et ne peut
prétendre couvrir toutes les situations mais il permet d’approcher des types de
réponses communes à plusieurs pays. On ne peut parler en France de formation
professionnelle sans évoquer le voisin allemand ; deux autres situations euro-
péennes sont évoquées, avec un pays latin, l’Italie, et un ancien pays communiste,
la Pologne. Un autre modèle souvent étudié en France, notamment pour son
efficacité, est le modèle québécois. Pour l’Asie, un article sur la Chine s’imposait
mais il était nécessaire de proposer d’autres pays d’histoire différente, c’est le cas
de Singapour et des Philippines. Pour l’Afrique, le choix du Maroc était incon-
tournable et on y a adjoint un pays de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire. Pour
l’Amérique du Sud, le choix s’est porté sur la Colombie, qui connaît aujourd’hui
une réforme importante de son modèle de formation professionnelle.
À un premier niveau de généralités, l’article d’Éric Charbonnier et
Stéphanie Jamet met en évidence quelques observations fondamentales caracté-
risant un bon système de formation professionnelle initiale. Les auteurs rappellent
tout d’abord que si l’on sait que l’accès à l’enseignement supérieur sera difficile,
voire impossible, il faut privilégier, au niveau du second cycle de l’enseignement
secondaire, la préparation à un diplôme professionnel. Ce constat peut paraître
trivial mais a pourtant des conséquences importantes pour les pays émergents
ayant pratiquement achevé la généralisation de l’école obligatoire. Ces pays savent
qu’ils sont obligés de construire des formations professionnalisantes au niveau
38 de l’enseignement secondaire s’ils ne veulent pas demeurer au niveau de l’informel,
et ils s’aperçoivent que c’est plus compliqué et surtout plus coûteux que de
construire un second cycle de l’enseignement secondaire à caractère général,
voire technique ou technologique. La presque totalité du continent africain est
aujourd’hui confrontée à ce défi. Les articles de Zayer El Majid et Maninga Gbato
à propos du Maroc et de la Côte d’Ivoire, tous deux ayant exercé d’importantes
fonctions dans le domaine de la formation professionnelle, sont tout à fait
convergents mais ils montrent aussi qu’il est difficile de ne pas refaire le chemin
de la vieille Europe. L’article sur la Colombie de Paula Marcela Escobar Correa
et Juliana López met en évidence un point sur lequel nous devons réfléchir : plus
on isole la formation professionnelle de niveau secondaire du reste du système
éducatif, plus l’on accentue la coupure de ce dernier du monde du travail, ce qui
n’est pas sans conséquences sur l’employabilité des autres diplômés, même de
haut niveau.
Le constat le plus important fait par les experts de l’OCDE, et qui semble
en voie de faire consensus sur l’ensemble de la planète, est la nécessité de
« renforcer la composante apprentissage en milieu professionnel ». Cette affir-
mation n’est aujourd’hui contestée par personne, alors qu’elle l’était encore il
n’y a pas si longtemps dans les pays qui, comme la France, mais aussi la plupart
des pays latins, refusaient d’admettre que l’entreprise puisse être un lieu de
formation, et mieux, qu’une situation de travail puisse produire de la qualifi-
cation. Toutefois, ce constat ne permet pas de trancher sur l’équilibre des pouvoirs

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

entre les différents acteurs. On lira, avec cette question en tête, les articles de
Laurence Solar-Pelletier sur le Québec et d’Isabelle Le Mouillour et Marthe
Geiben sur l’Allemagne. Dans ces deux pays, qui connaissent des taux de chômage
très faibles à la sortie de l’école, les professionnels sont systématiquement associés
à la réflexion sur les flux, les contenus de formation mais dans un cas, ils sont
en situation de cogestion avec une position dominante – en Allemagne –, dans
l’autre cas – au Québec –, le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur
et de la recherche scientifique « occupe une place prépondérante ». Le moins que
l’on puisse dire est que les deux systèmes sont très contrastés, pas seulement en
matière de formation professionnelle, pour des résultats comparables. Pour
essayer néanmoins de conclure sur l’importance de l’apprentissage en milieu
professionnel, on peut noter que les pays qui ont fait le choix de la formation
in vivo, c’est à dire en situation de travail, connaissent les taux de chômage des
jeunes les plus faibles, et qu’a contrario ceux qui sont restés au tout in vitro
connaissent tous un taux de chômage des jeunes élevé ; quant à ceux qui
combinent les deux modèles, comme la France où apprentissage et statut scolaire
tendent à converger, on trouve des situations très contrastées :12 % pour
l’ensemble du Canada, 40 % pour l’Italie. La recommandation telle que formulée
par les experts de l’OCDE est certainement une condition nécessaire mais pas
forcément suffisante.
Le problème de la place prise par les entreprises dans le processus de
formation professionnelle initiale a des incidences non seulement sur l’employa-
39
bilité des formés mais aussi sur le coût global des formations, comme l’indique
Marta Rapallini à propos de l’Italie, nous rappelant ainsi que si l’investissement
des entreprises ne compense pas un faible investissement des pouvoirs publics,
il est difficile d’espérer construire un système performant. Le coût de la formation
professionnelle est toujours supérieur à celui des formations générales.

Pas de formation sans


maîtrise des compétences
fondamentales
Pourquoi est-il bien difficile, comme dans la publication de 2003, de
tirer des conclusions ? La première explication qui vient spontanément à l’esprit
renvoie à la diversité des modèles qu’il serait illusoire de vouloir rapprocher. La
seconde, probablement plus importante, est que ce champ dépend tellement de
la conjoncture que toute vision affinée à moyen terme est pratiquement impos-
sible. Enfin, la production d’invariants semble beaucoup plus compliquée qu’il
n’y paraît. C’est pourtant ce que tente l’OCDE et, de ce point de vue, la contri-
bution de Charbonnier et Jamet aurait eu vocation à conclure ce dossier. Il est
tentant et tout à fait légitime d’adhérer à ces recommandations. Pourtant, d’un
point de vue plus politique, on peut parvenir à d’autres conclusions. Tout d’abord,
on doit être surpris de constater qu’un point n’est pas réellement abordé : celui

N° 71 - avril 2016
de la définition des compétences attendues et de l’aptitude des systèmes de forma-
tion à faire converger ces compétences attendues avec les compétences réellement
transmises, et la capacité à vérifier que ces compétences sont bien celles que les
étudiants estiment avoir acquises. En avril 2003, un avis du Haut Conseil de
l’évaluation de l’école (HCéé), s’appuyant sur un rapport de Marc Romainville
(2002), montrait que tout ceci était très loin d’être réalisé. Les connaissances que
nous avons sur les acquis des élèves et étudiants, au-delà des compétences fonda-
mentales, sont très fragmentaires et il existe un fort niveau de distorsion entre
les compétences que les élèves et étudiants pensent avoir acquises et celles qui
sont attendues des employeurs. On est alors tenté d’évaluer les modèles de forma-
tion professionnelle sur les seuls critères de l’employabilité, employabilité évaluée
elle-même à partir des seules statistiques de l’emploi. C’est ainsi que l’on peut
conclure rapidement que les Allemands ayant un taux de chômage des jeunes
parmi les plus faibles ont nécessairement un modèle de formation professionnelle
exemplaire. C’est peut-être aller un peu vite ! On ne peut en effet sérieusement
expliquer le chômage des jeunes, dans quelque pays que ce soit, uniquement au
travers du prisme de la formation professionnelle. Ainsi dans le cas de l’Allemagne,
personne ne peut nier que l’un des facteurs qui explique le taux de chômage des
jeunes le plus faible d’Europe tient aussi, au moins en partie, à une démographie
préoccupante. Et si l’on est capable de trouver un haut niveau de corrélation
d’un taux de croissance économique avec le niveau global de qualification de la
40 population active d’un pays, on n’a guère de preuve concernant l’impact des
formations professionnelles, notamment pour les premiers niveaux de qualifi-
cation. Il faut par ailleurs admettre que la tertiarisation d’un grand nombre
d’économies développées modifie profondément la nature des compétences
professionnelles attendues, ces compétences pouvant apparaître plus généralistes
que professionnelles et ayant pu conduire à mettre en place des cursus plus
proches d’un enseignement général dégradé que d’une formation vraiment
professionnelle. C’est à partir de là qu’il faut analyser les données fournies par
le PIAAC, en observant que lorsque l’on prétend évaluer les compétences profes-
sionnelles des adultes, on reprend de fait des évaluations qui reposent sur la
maîtrise de compétences fondamentales, telles que la littératie et la numératie,
sans prendre en compte les compétences purement professionnelles. À partir de
ces observations, il est donc tentant de relativiser l’importance des différents
modèles de formation professionnelle (infra CITE 7) par rapport à des politiques
d’élévation globale du niveau de formation générale de la jeunesse. La disparition
progressive du « geste professionnel » de l’ouvrier qualifié renforce le poids de
la formation générale dans l’employabilité, ce qui ne signifie pas pour autant
qu’il faille réduire la place des formations professionnelles du secteur secondaire
(industriel) : d’une part parce que l’on s’aperçoit que ces formations ont toujours
une meilleure employabilité que celles du secteur tertiaire, quel que soit l’emploi
recherché, et aussi parce que toute politique de ré-industrialisation des économies
développées met en évidence des insuffisances en matière de qualifications

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

scientifiques et techniques. Ce n’est pas un hasard si l’OCDE fait du poids des


formations scientifiques et techniques dans les systèmes de formation un facteur
de qualité.

Bibliographie
BARDI AM (coord.) (2003) : « La formation professionnelle initiale, une question de
société. Introduction », Revue internationale d’éducation de Sèvres, n° 34, décembre,
p. 31-35 [en ligne] [http://ries.revues.org/1582]
OCDE (2013) : Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : premiers résultats de
l’évaluation des compétences des adultes, Paris : OCDE, [en ligne] http://dx.doi.
org/10.1787/9789264204096-fr
OCDE (2015) : Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2015. Les jeunes, les compé-
tences et l’employabilité, 27 mai, Paris : OCDE [en ligne] http://dx.doi.
org/10.1787/9789264235465-fr
ROMAINVILLE M. (2002) : L’évaluation des acquis des étudiants dans l’enseignement
universitaire, rapport n° 8 pour le HCéé, décembre [en ligne] [http://goo.gl/bTHkw].
ROUAUD P., JOSEPH O. (coord.) (2014) : Quand l’école est finie. Premiers pas dans
la vie active de la génération 2010. Enquête 2013, Céreq.
UNESCO–UIS (Institut de statistique de l’Unesco) (2013) : Classification Internatio-
nale Type de l’Education 2011, CITE 2011, Unesco-UIS, [en ligne] [http://goo.gl/
huOSkP].
41

N° 71 - avril 2016
dossier

Formation
professionnelle
et employabilité dans
les pays de l’OCDE :
promesses et défis
Éric Charbonnier
OCDE

Stéphanie Jamet
OCDE

Dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de déve-


loppement économique (OCDE), la proportion de jeunes sans emploi qui ne
suivent ni étude ni formation (NEET, pour Neither Employed nor in Education
or Training) est beaucoup plus élevée pour ceux qui ne sont pas diplômés de
l’enseignement supérieur. Dans ce contexte, l’enseignement et la formation
professionnels (EFP) devraient jouer un rôle essentiel pour préparer les jeunes
au monde du travail, contribuer à développer les compétences des adultes et plus 43
globalement répondre aux besoins du marché de l’emploi. Les filières d’EFP ont
toutefois été négligées par le passé et reléguées au second rang dans le débat
politique, souvent éclipsées par l’attention croissante accordée à l’enseignement
académique général. Néanmoins, un changement s’est opéré ces dernières années
et de plus en plus de décideurs s’accordent désormais à reconnaître qu’un ensei-
gnement et une formation professionnels de qualité peuvent contribuer de façon
déterminante à la compétitivité économique des pays.

Des variations importantes


entre les pays de l’OCDE
En moyenne, dans les pays de l’OCDE en 2013, 46 % des élèves du
deuxième cycle du secondaire suivaient une filière professionnelle. Cependant,
ce résultat masque de grandes disparités entre ces pays. Ainsi, dans certains pays
comme l’Autriche, la Belgique, la Finlande, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore
la Suisse, les filières d’EFP jouent un rôle central dans la formation initiale des
jeunes, tandis que dans d’autres (Espagne, Estonie et Mexique par exemple), la
plupart des élèves sont scolarisés au lycée dans des filières générales. La manière
dont sont organisées les filières d’EFP varie également grandement entre les pays
de l’OCDE. Ces formations sont souvent dispensées uniquement en milieu
scolaire. Toutefois, un nombre grandissant de pays proposent des formations qui
combinent études et emploi, formations qui en général facilitent l’insertion

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professionnelle. Les filières professionnelles ont le double avantage de favoriser
les transitions vers l’emploi et de permettre le maintien dans le système scolaire
des élèves en difficulté. Mais, pour arriver à cet objectif, elles doivent être de
bonne qualité, répondre aux besoins sans cesse changeants du marché du travail
et s’articuler avec un enseignement initial (au primaire et au collège) performant.
Par ailleurs, pour réellement renforcer l’employabilité des jeunes, un ensei-
gnement professionnel moderne et de qualité doit s’accompagner de politiques
et d’institutions du marché du travail qui facilitent l’insertion des jeunes.
Aujourd’hui, les filières professionnelles cumulent souvent deux
problèmes majeurs : elles ne débouchent pas assez souvent sur des emplois quali-
fiés et n’offrent à leurs diplômés que des chances limitées de poursuivre des
études, alors même que certains programmes sont censés les accueillir. Certaines
initiatives récentes ont été mises en place au sein des pays de l’OCDE pour
améliorer la situation mais ces efforts devront se poursuivre pour améliorer
l’employabilité des jeunes issus de ces filières.

Constats sur l’employabilité


des jeunes diplômés
À niveau de diplôme égal, l’enseignement secondaire en filière profes-
sionnelle augmente les chances de trouver un emploi par rapport aux filières
44 générales dans la plupart des pays de l’OCDE.
Le système d’enseignement et de formation professionnels (EFP) peut
permettre d’établir une correspondance directe entre les compétences des jeunes
et les besoins du marché du travail. Des filières professionnelles de qualité, en
particulier au niveau du deuxième cycle du secondaire, contribueraient à resco-
lariser les jeunes en situation de démobilisation scolaire, à améliorer les taux de
réussite et à faciliter le passage de l’école à l’emploi (Quintini et Manfredi, 2009).
Le système d’EFP peut également aider les pays à se doter d’une main d’œuvre
qualifiée et diversifiée, en développant des compétences commerciales, tech-
niques, professionnelles et de gestion de niveau intermédiaire venant en
complément des compétences de haut niveau acquises à l’université. La crise
économique mondiale a suscité un regain d’intérêt pour l’EFP dans les pays de
l’OCDE, les pays dotés de systèmes performants en la matière, en particulier
l’Autriche et l’Allemagne, étant ainsi parvenus à conserver un taux d’emploi
relativement stable parmi les jeunes pendant toute sa durée.
Dans l’ensemble, au niveau du deuxième cycle de l’enseignement secon-
daire, ceux qui suivent une filière professionnelle auront globalement davantage
de chances de trouver un emploi, consacreront une part plus importante de leur
temps de travail potentiel à une activité rémunérée mais percevront un salaire
horaire légèrement inférieur par rapport aux élèves de filières générales (Brunello
et Rocco, 2014). Ainsi, en moyenne dans les pays de l’OCDE dont les données
sont disponibles, 79 % des 25-34 ans diplômés de la filière professionnelle du

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Graphique 1 : Taux d’emploi des 25-34 ans diplômés du deuxième cycle du secondaire
(niveau de formation le plus élevé atteint), selon l’orientation du programme (2014)

Filières générales (équivalent baccalauréat général et baccalauréat technologique


en France)
Filières professionnelles (équivalent baccalauréat proféssionnel et CAP/BEP en France)
90,00

80,00

70,00

60,00

50,00

40,00
Danemark
Pays-Pays
Israël

Moyenne OCDE
Portugal
Norvège
Suède
Luxembourg
Suisse
Canada
Islande
Allemagne
Autriche

Australie
Belgique

Royaume-Uni
Costa Rica
Lettonie
Slovénie

Rép. tchèque
Moyenne UE 21
Nouvelle-Zélande
Chili
Lituanie
France
Finlande
Pologne
Rép. Slovaque
Irlande
Turquie
Espagne
Italie
Grèce
Source : OCDE. Regards sur l’éducation 2015

deuxième cycle du secondaire occupent un emploi – soit un taux supérieur de 45


10 points de pourcentage à celui qui s’observe parmi les 25-34 ans diplômés de
la filière générale du deuxième cycle du secondaire. Cependant, certains pays
échappent à cette tendance. Ainsi, à niveau de diplôme égal, les chances de trouver
un emploi pour les jeunes issus des filières professionnelles en France, en Lettonie,
au Portugal, en République tchèque et au Royaume-Uni sont à peine supérieures
à celles des jeunes issus des filières générales (voir graphique 1).
Malgré l’avantage dont jouissent les jeunes diplômés de la filière profes-
sionnelle du deuxième cycle du secondaire en termes d’emploi, dans la plupart
des pays de l’OCDE, le pourcentage de jeunes sans emploi ne suivant ni études
ni formation (NEET) reste plus élevé parmi les titulaires d’un diplôme profes-
sionnel du deuxième cycle du secondaire que parmi les titulaires d’un diplôme
général de même niveau. La raison en est notamment que les élèves des filières
générales sont plus susceptibles de poursuivre leurs études après l’obtention de
leur diplôme.

Mesures susceptibles
d’assurer qualité
et employabilité
Les pays bénéficiant de dispositifs d’enseignement professionnel et
d’apprentissage bien établis et de qualité sont parvenus à améliorer les débouchés
de leurs jeunes sur le marché du travail ces dernières années. Cependant, pour

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un grand nombre de pays, des progrès sont encore nécessaires pour renforcer
l’attrait de ces filières pour les employeurs ainsi que pour garantir aux jeunes
qui les suivent de meilleures perspectives d’employabilité. L’OCDE met en avant
cinq mesures susceptibles d’assurer qualité et employabilité pour les filières
professionnelles.

Rehausser la qualité
et la valorisation des filières
professionnelles
Ce sont encore bien souvent les élèves ayant obtenu des résultats
médiocres au collège qui sont orientés vers la voie professionnelle au second
cycle du secondaire, cette dernière souffrant par conséquent d’un réel problème
d’image. Dans certains pays de l’OCDE, dans le deuxième cycle du secondaire,
les élèves des filières d’EFP sont ainsi 50 % plus susceptibles d’avoir un faible
niveau de compétences en numératie que les élèves des filières générales d’après
l’évaluation PIAAC de 2012 sur les compétences des adultes.
Ces écarts de compétences entre les étudiants des filières professionnelles
et des filières générales se poursuivent après le lycée. Ainsi, en Australie, aux
États-Unis, en Irlande, en Norvège, en Pologne et au Royaume-Uni, plus de 20 %
des jeunes de 16 à 29 ans qui suivent un programme d’EFP de niveau post-
46 secondaire ont obtenu un score en numératie relativement faible (inférieur au
niveau 2) dans le cadre de l’évaluation des compétences des adultes de 2012.
Cette proportion est bien plus élevée que pour les élèves/étudiants qui ont passé
le même nombre d’années qu’eux dans le système scolaire mais ont suivi une
filière générale.
La faiblesse des compétences cognitives d’une partie des élèves de l’EFP
peut être le signe que certains programmes ne sont pas suffisamment sélectifs,
ce qui peut être dû au fait qu’ils ont été maintenus malgré un manque d’intérêt
des employeurs. Cela reflète également les faiblesses dans les niveaux d’ensei-
gnement précédant l’enseignement professionnel. Ainsi, les critères d’admission
pour entrer dans les filières professionnelles au lycée divergent fortement entre
les pays de l’OCDE. Dans un groupe majoritaire, il n’existe pas d’exigences parti-
culières de qualifications ou de compétences préalables pour entrer dans les
programmes d’apprentissage, alors que dans un autre groupe plus restreint, un
assez haut niveau de compétences est requis des participants. Pourtant, la question
des critères de sélection des programmes d’EFP ne saurait être déconnectée de
celle de l’amélioration de la qualité de ces programmes ni de celle de l’amélio-
ration de l’enseignement initial. Lorsque des programmes ont démontré leur
efficacité sur le marché du travail, ils deviennent automatiquement sélectifs en
raison d’une demande plus forte.
À côté des compétences nécessaires pour un poste spécifique, les dispo-
sitifs d’EFP doivent veiller à renforcer les compétences cognitives, sociales et

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émotionnelles afin que le capital humain acquis ne soit ni trop généraliste ni


trop spécifique ou trop étroit. Les élèves ont besoin tout à la fois de compétences
concrètes, utiles pour un emploi spécifique – afin d’être immédiatement
employables et productifs, et donc de faciliter leur entrée sur le marché du
travail –, et de compétences plus larges et transférables, par exemple en calcul,
lecture, résolution de problèmes, travail en équipe, communication, flexibilité et
capacité à apprendre de nouvelles connaissances. Ces compétences sont impor-
tantes : beaucoup de diplômés de l’EFP occupant des emplois de spécialistes et
de techniciens risquent en effet de se voir confier des tâches complexes.
Améliorer la qualité des filières d’EFP permettrait de contrer l’image
négative qu’elles véhiculent dans de nombreux pays. La différence de rémuné-
ration entre les diplômés des filières d’EFP de l’enseignement post-secondaire et
tertiaire et ceux des filières générales, qui ne provient qu’en partie seulement des
écarts de compétence, contribue à la préférence des meilleurs élèves pour les
filières académiques. Cette différence est particulièrement marquée dans les pays
où la formation offerte dans le cadre des programmes d’EFP est de piètre qualité
et mal supervisée.

Renforcer l’apprentissage
en milieu professionnel
Tout programme d’EFP devrait comprendre une composante de 47
for mation en milieu professionnel de qualité, bien intégrée au programme
d’enseignement et pas trop spécialisée. Une telle obligation permettrait d’impli-
quer davantage les employeurs dans le système d’enseignement et de rationnaliser
de nombreuses formations, car celles qui n’intéressent guère les employeurs ne
parviendraient pas à satisfaire à ces critères. En plus d’aider les élèves/étudiants
à acquérir des compétences utiles, l’apprentissage pratique peut également leur
fournir de précieuses informations quant à savoir s’ils souhaitent ou non s’engager
dans une voie professionnelle donnée. En général, ces jeunes choisissent leur
domaine d’études sans avoir encore d’expérience professionnelle digne de ce
nom, ce qui peut avoir une incidence sur leur situation ultérieure sur le marché
du travail. La formation pratique peut donc, même lorsqu’elle est de courte durée,
être une composante importante de l’orientation professionnelle, en particulier
pour les élèves/étudiants qui ont la possibilité de travailler dans différents
domaines avant de décider de la suite de leurs études ou de leur formation.
Dans un nombre grandissant de pays, l’apprentissage en milieu scolaire
est maintenant largement combiné à un apprentissage en milieu professionnel.
Ces systèmes dits de « double formation » existent par exemple en Allemagne,
en Autriche, en Chine, au Danemark, en Hongrie, en Lettonie, aux Pays-Bas, en
République slovaque, en République tchèque et en Suisse. A contrario, moins de
10 % des élèves du deuxième cycle du secondaire en Belgique, en Estonie, en
Israël, en République tchèque, en République slovaque et en Suède suivant une

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filière d’EFP ont accès à un apprentissage en milieu professionnel (contre 37 %
en moyenne parmi les pays de l’OCDE). Cela signifie que plus de 90 % des élèves
en filière professionnelle dans ces pays sont formés uniquement dans les lycées
professionnels. La France, avec un peu plus d’un élève sur quatre scolarisés dans
les filières professionnelles ayant accès à un apprentissage, fait également partie
des pays devant faire un effort. Certes, le nombre d’apprentis a augmenté au
cours des dernières années en France mais ce sont surtout les jeunes les plus
qualifiés et scolarisés dans l’enseignement supérieur qui en bénéficient, alors que
le nombre d’apprentis aux niveaux de qualification plus faibles a, dans le meilleur
des cas, stagné. Les élèves des filières professionnelles ont besoin de meilleures
opportunités pour perfectionner leurs connaissances de base.

S’assurer de la qualité
des enseignants et formateurs
Il convient de s’assurer que les enseignants et les formateurs ont une
solide expérience professionnelle et qu’ils ont reçu une préparation, notamment
pédagogique. Pour cela il faut recruter suffisamment de formateurs, leur fournir
une formation pédagogique solide et leur permettre d’actualiser leur connais-
sance des besoins des entreprises. La formation initiale des enseignants ne doit
être ni trop générale ni trop théorique. Le travail à temps partiel en entreprise
permet aux formateurs de compléter cette formation initiale et de conserver des
48
connaissances en lien avec la demande sur le marché du travail. Certains pays
(par exemple l’Angleterre) encouragent les experts de certains secteurs à ensei-
gner dans les programmes d’EFP. Ceci requiert d’encourager les échanges et les
partenariats entre les établissements et les entreprises et de faciliter le recru-
tement de professionnels au sein du corps enseignant.
Il est primordial d’assurer un enseignement de qualité dans les matières
principales et d’attirer des enseignants hautement qualifiés, ce qui pourrait néces-
siter d’accorder une rémunération plus élevée aux enseignants des lycées profes-
sionnels, des possibilités d’évolution de carrière intéressantes ou des décharges
horaires. L’expérience a également montré que le fait de veiller à ce que les
enseignants aient une expérience professionnelle récente et à ce que les instruc-
teurs sur le lieu de travail disposent d’une formation pédagogique augmente le
taux de réussite de la formation professionnelle dans les pays de l’OCDE. Le
renforcement de la flexibilité des heures d’enseignement, calculées sur une base
annuelle et non plus hebdomadaire, faciliterait l’exercice de l’enseignement en
sus d’un autre travail.
Développer les programmes
dits de « seconde chance »
Les filières d’EFP constituent pour certains une seconde chance, en leur
permettant de réintégrer un cadre d’apprentissage et d’acquérir des compétences
qui renforceront par la suite leur employabilité. En Australie, la flexibilité du

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système d’EFP permet ainsi de répondre aux différents besoins jalonnant les
différentes étapes de la vie, qu’il s’agisse de se préparer pour un premier travail,
d’étoffer ses compétences dans le cadre d’un emploi en cours ou de relever son
niveau de formation.
Cependant, les élèves qui entament une formation à vocation profes-
sionnelle sont moins susceptibles d’en sortir diplômés que ceux qui suivent une
filière générale : en 2012, seuls 64 % des élèves ont réussi leur formation profes-
sionnelle dans le délai théorique imparti ; toutefois, après l’ajout de deux années
supplémentaires à ce délai, leur pourcentage augmente de 15 points. En moyenne,
dans le deuxième cycle du secondaire, les taux de réussite des élèves des filières
générales sont supérieurs de 13 points de pourcentage à ceux des élèves des
filières professionnelles, avec des écarts qui varient toutefois de plus de 40 points
de pourcentage au Danemark à 5 points de pourcentage, voire moins, au Chili,
en Israël et au Japon.
Les filières professionnelles ne peuvent donc pas constituer l’unique
système fournissant une seconde chance à ceux qui ont échoué dans leur
for mation initiale. D’autres dispositifs sont nécessaires. En France par exemple,
les jeunes n’ont pas suffisamment accès à ce type de système d’éducation. Les
résultats des quelques établissements dit de « deuxième chance » existant en
France (« écoles de seconde chance ») sont pourtant prometteurs. Ainsi, au cours
des trois dernières années, 58 % des jeunes ont quitté ces établissements en ayant
49
la possibilité de s’orienter vers des études ou d’entrer sur le marché du travail :
20 % en formation, 17 % dans un emploi régulier, 12 % en apprentissage et 9 %
dans un emploi aidé (Réseau E2C France, 2014).
Pour être performants, les dispositifs de « deuxième chance » doivent
fournir un enseignement de qualité associé à une approche très personnalisée,
qui combine l’acquisition de compétences en littératie, en numératie et dans les
TIC, de compétences spécifiques demandées sur le marché du travail et les liens
durables noués avec les employeurs. Il est important que les établissements
parviennent à se faire une bonne réputation pour séduire à la fois les étudiants
et les employeurs. Des aides publiques peuvent faciliter le développement de
l’apprentissage par le travail.

Vers un marché du travail


favorable à l’apprentissage
et à l’emploi des jeunes
Le financement des places de formation a une influence sur le nombre
de stages offerts par les employeurs, et donc sur le développement des systèmes
d’EFP et des autres dispositifs éducatifs comportant une composante bien inté-
grée d’apprentissage au travail. Il ne faut pas que la rémunération des stagiaires
soit un obstacle pour les employeurs, mais dans le même temps, il faut prendre
garde aux risques d’abus. Dans les pays qui ont réussi à développer des systèmes

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d’apprentissage, la rémunération des stagiaires est souvent négociée dans le cadre
des conventions collectives et dépend de l’expérience des étudiants. Dans ces
pays, les employeurs ont conscience des avantages qu’il y a pour eux à offrir des
stages et n’ont pas besoin d’incitations financières.
Toutefois, les employeurs seront moins enclins à participer à la formation
pratique en périodes de faible demande de main d’œuvre ou pour certains
groupes de jeunes. Les petites et moyennes entreprises ont tendance à investir
moins que les autres dans le développement des compétences en raison de
contraintes financières, d’un moins bon accès à l’information ou de problèmes
d’organisation. Par conséquent, des mesures temporaires peuvent être nécessaires
pour encourager l’offre de stages ou pour permettre l’acquisition de savoir-faire
hors du monde de l’entreprise en période de ralentissement économique prolongé.
Dans les pays où il n’existe pas de tradition d’engagement des parties prenantes
dans la formation professionnelle, des incitations des pouvoirs publics pourraient
aussi être nécessaires. Ces incitations financières doivent être bien calibrées en
termes de temporalité, d’étudiants et d’entreprises.
De façon générale, dans beaucoup de pays, les jeunes font face à de
nombreux obstacles institutionnels lors de leur entrée sur le marché du travail
qu’il convient d’atténuer. Ces obstacles proviennent du salaire minimum, des
dispositions relatives à la protection de l’emploi et de la fiscalité sur le travail.
Dans le cadre de l’apprentissage, les jeunes font souvent face à des conditions
50
particulières qui favorisent leur emploi. Toutefois, ces obstacles peuvent rendre
plus difficile la progression vers un emploi stable.

Créer des parcours de réussite


pluriels et flexibles
Bien que certains pays aient réalisé d’importants progrès dans l’établis-
sement de liens entre l’EFP et les autres composantes de leur système d’éducation,
en moyenne, moins de 15 % des jeunes obtenant un diplôme à l’issue d’une
filière professionnelle du deuxième cycle du secondaire poursuivent ensuite leurs
études dans l’enseignement post-secondaire. En moyenne, à niveau égal de
compétences en littératie, les diplômés des filières d’EFP du deuxième cycle du
secondaire sont près de cinq fois moins susceptibles de poursuivre leurs études
que ceux des filières générales.
Dans certains pays, ce constat s’explique par le fait que ces élèves
trouvent un emploi directement à l’issue de leur formation professionnelle du
deuxième cycle du secondaire (voir graphique 1). Dans d’autres cas, cette situation
est imputable au fait que les élèves suivant une filière d’EFP dans le deuxième
cycle du secondaire rencontrent des difficultés pour poursuivre leurs études.
Cependant, certains pays de l’OCDE ont réalisé des efforts pour diver-
sifier leur offre en termes de parcours scolaires. Ainsi, en Suisse, la mise en place
des doubles diplômes combinant une qualification d’EFP à une qualification

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dossier

d’entrée à l’université facilite l’accès à l’enseignement supérieur. En Allemagne,


l’accès des diplômés des filières d’EFP à l’université a été renforcé dans le cadre
institutionnel en 2009 et reçoit le soutien actif de campagnes des pouvoirs
publics. Enfin, aux Pays-Bas, les différents parcours d’apprentissage – y compris
les filières d’EFP – sont structurés de manière à permettre aux jeunes de progresser
dans la filière de leur choix pour atteindre l’équivalent d’un niveau de formation
tertiaire.
L’existence de passerelles entre les différents parcours est essentielle pour
permettre aux jeunes de changer de filière professionnelle, tout en tirant parti
des compétences qu’ils ont pu acquérir par le passé. À cet égard, il est également
important de certifier la partie formation des programmes par un système de
qualifications et de compétences reconnues aux plans national et international,
comme le font certains pays de l’OCDE.
Idéalement, il faudrait que les apprentissages acquis dans le cadre
professionnel soient reconnus pour accéder aux formations ou servent de dispense
pour une partie des enseignements – par exemple, qu’ils permettent d’entrer
directement en deuxième ou en troisième année de licence. La possibilité d’obtenir
des crédits avant le début de l’année scolaire ou de ne repasser que les examens
manqués l’année précédente pourrait permettre aux étudiants qui ont des
difficultés dans certaines matières de continuer à avancer dans leur formation,
en s’appuyant sur leurs atouts dans d’autres. Le problème vient souvent d’un
manque de transparence sur les relations entre les différentes formations ; peut-
51
être tient-il également au fait que les universités n’ont pas forcément intérêt à
cette souplesse, en particulier en ce qui concerne les dispenses pour certains
modules (OCDE, 2014c).

N
Un nombre croissant de pays s’accordent à reconnaître qu’un ensei-
gnement et une formation professionnels de qualité peuvent contribuer de façon
déterminante à leur compétitivité économique. À diplôme équivalent, les filières
d’EFP du deuxième cycle du secondaire peuvent développer davantage l’employa-
bilité des jeunes que les filières générales. Les pays dits d’apprentissage (Alle-
magne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suisse) ont le mieux réussi à assurer,
avec l’aide des partenaires sociaux, une formation de qualité à tous.
Les études menées par l’OCDE montrent que les programmes de
formation professionnelle de qualité doivent concilier deux impératifs. Ils doivent
doter les élèves d’un ensemble de compétences professionnelles très concrètes et
alignées avec les besoins du marché du travail, les rendant immédiatement
employables et productifs et facilitant leur entrée dans la vie active. De plus,
dans le cadre de ces programmes, les étudiants doivent acquérir un ensemble
plus large de compétences transférables (comme la compréhension de l’écrit et

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la maîtrise des chiffres, l’aptitude au travail en équipe, le sens de la communi-
cation, la flexibilité et la capacité à acquérir de nouvelles compétences) qui sont
nécessaires à l’emploi et à la poursuite des études.
Dans beaucoup de pays, il est essentiel d’améliorer la qualité des filières
d’EFP pour contrer l’image négative qu’elles véhiculent et créer davantage de
possibilités pour la poursuite des études. Pour ce faire, il convient d’impliquer
les partenaires sociaux aux différents niveaux des systèmes d’EFP, du secondaire
à l’enseignement supérieur, afin de développer les possibilités d’apprentissage en
milieu professionnel et de renforcer la flexibilité des dispositifs de formation
pour en faciliter l’accès aux adultes ayant déjà des obligations professionnelles
et familiales.

Bibliographie
BRUNELLO G., ROCCO L. (2014) : « The effects of vocational education on adult
skills and wages: What can we learn from PIAAC? », OECD Social, Employment and
Migration Working Papers, n° 168, Paris : Éditions OCDE. [http://dx.doi.org/
10.1787/5jrxfmjvw9bt-en]
QUINTINI G., MANFREDI T. (2009) : « Going separate ways ? School-to-work tran-
sitions in the United States and Europe », OECD Social, Employment and Migration
Working Papers, n° 90, Paris : Éditions OCDE. [http://dx.doi.org/10.1787/221717700447]
OCDE (2015a) : Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2015 : les jeunes, les compé-
52 tences et l’employabilité, Paris : Éditions OCDE.
OCDE (2015b) : Regards sur l’éducation 2015 : les indicateurs de l’OCDE, Paris :
Éditions OCDE.
OCDE (2015c) : « Zoom sur l’enseignement et la formation professionnels (EFP) »,
Indicateurs de l’éducation à la loupe, n° 33, Paris : Éditions OCDE.
OCDE (2015d) : « Vers un système d’éducation plus inclusif en France ? », Série
« Politiques meilleures » France, juillet.
OCDE (2014) : « Redresser la compétitivité », Série « Politiques meilleures » France,
juillet.
OCDE (2013) : Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de
l’évaluation des compétences des adultes, Paris : Éditions OCDE.
OCDE (2010) : Formation et emploi : Relever le défi de la réussite, Examens de l’OCDE
sur l’éducation et la formation professionnelles, Paris : Éditions OCDE. [http://
dx.doi.org/10.1787/9789264087491-fr]
RÉSEAU E2C FRANCE (2014) : « L’activité en 2013 », Châlons-en-Champagne.

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dossier

Formation
professionnelle et
technique au Québec :
un besoin de réforme
Laurence Solar-Pelletier
UQAM, Québec

Le système d’éducation du Québec a connu une réforme majeure au


cours des années 1960, alors que la responsabilité de l’éducation était donnée au
tout nouveau ministère de l’éducation. Dans la foulée, la formation profession-
nelle a connu une scission unique au régime québécois : elle est « profession-
nelle » au secondaire et « technique » au postsecondaire. Aussi, elle a été centrée
sur le milieu scolaire, marginalisant ainsi des stratégies éducatives d’alternance
travail-étude. Les divers acteurs du marché du travail ont été, eux aussi, mis au
second plan. Néanmoins, les détenteurs de diplômes professionnels connaissent
une bonne intégration sur le marché du travail.
Cet article traite de la formation professionnelle et technique (FPT) au
Québec. Après avoir présenté le système actuel, il récapitule brièvement son
53
histoire. Les responsabilités des différents intervenants, dominés par le réseau de
l’éducation, sont ensuite mises en relief. Il reste que l’obtention d’un diplôme
garantit l’employabilité à ses détenteurs et la demande pour ce type de formation
va croître au cours des années. L’article souligne, pour conclure, quelques enjeux
qui traversent la FPT.

Offre formation
professionnelle et technique

La formation professionnelle et technique au Québec se fait en milieu


scolaire avec, à l’occasion, des stages en milieu de travail. Deux réseaux se
partagent la responsabilité de la formation. D’une part les commissions scolaires,
avec leurs centres de formation professionnelle, offrent un cursus professionnel
de niveau secondaire. D’autre part, les cégeps assurent la formation postsecon-
daire. Tous deux fournissent aussi des formations continues plus courtes, axées
sur les besoins ponctuels du marché du travail.
Lorsqu’elle est suivie dans un établissement public, la formation initiale
est gratuite ou à faible coût, puisque financée par le ministère de l’éducation. Il
est également possible de s’inscrire dans un établissement privé, où la formation
coûte quelques milliers de dollars.

N° 71 - avril 2016
Formation professionnelle
au secondaire
Les centres de formation professionnelle (CFP) se spécialisent dans la
formation professionnelle au deuxième cycle du secondaire. Le Québec compte
227 CFP, dont 195 dans le réseau public et 29 dans le privé. En 2013, plus de
125 000 personnes ont fréquenté un CFP (MEERS, 2015a). Les étudiants qui
fréquentent ces établissements peuvent obtenir trois titres distincts : le diplôme
d’étude professionnelle (DEP), l’attestation de spécialisation professionnelle
(ASP) et l’attestation d’études professionnelles (AEP).
Le DEP prépare à un métier spécialisé tout en offrant une formation
générale ; il est de 600 à 1 800 heures. L’ASP est un programme plus court de
330 à 900 heures, qui permet à l’apprenant d’approfondir des compétences
acquises. Il faut avoir obtenu un DEP dans le domaine ou une demande de
reconnaissance des acquis pour accéder à cette formation. Finalement, relativement
nouvelle, l’AEP est une formation comprenant environ 60 % des modules de
formation du DEP. Elle se complète en 240 à 720 heures. Cette attestation est
considérée comme une formation initiale orientée en fonction des besoins à
court et moyen terme du marché du travail.
Les jeunes Québécois peuvent théoriquement s’inscrire dans un CFP dès
leur secondaire 3, au moment où ils sont âgés de 14 ans. Toutefois, dans le but
54 de favoriser l’obtention du diplôme d’études secondaires de la formation générale,
il faut avoir 16 ans au 30 septembre (début de l’année scolaire) pour pouvoir
s’inscrire dans un DEP. Selon le cheminement souhaité, le candidat doit avoir
obtenu ses unités de français, d’anglais et de mathématiques de la 3e ou 4e année
secondaire, bien qu’il soit parfois possible de faire ces unités en concomitance
avec la formation professionnelle. Les personnes ayant un diplôme d’études
secondaires, ou l’équivalent, sont automatiquement admissibles.
Malgré le bon taux d’insertion sur le marché du travail, la fréquentation
des programmes professionnels demeure marginale au Québec. Ainsi, tous âges
confondus, environ 18 % des élèves du secondaire sont en formation
professionnelle. Ce chiffre diminue drastiquement si l’on ne tient compte que
des jeunes, puisque l’âge moyen y est de 29 ans. Autrement dit, les CFP sont
davantage fréquentés par des adultes en changement de carrière que par des
jeunes qui décident tôt de s’orienter vers un métier spécialisé. Le taux de
diplomation de la filière professionnelle secondaire au Canada est à moins de
5 %, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 46 % et peut atteindre
90 % en Finlande (OCDE, 2015). Plusieurs facteurs expliquent le manque d’attrait
de la formation professionnelle, dont le fait qu’elle est vue comme une voie de
« garage » face à la voie « royale » qu’est la formation générale menant à
l’université (Bernier, 2011).

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dossier

Formation technique
au postsecondaire
Au cégep, deux formations mènent à l’obtention du diplôme d’études
collégiales (DEC). La filière préuniversitaire de deux ans prépare, comme son
nom l’indique, à l’entrée à l’université. La filière technique, de trois ans, est une
formation qualifiante menant au marché du travail. Les collèges offrent également
des attestations d’études collégiales (AEC), une formation plus courte, qui est
décrite comme une formation continue en lien direct avec les besoins des
entreprises et de la main d’œuvre. Toutefois, dans les faits, cette attestation
constitue souvent une formation initiale ou, pour les nouveaux arrivants, un
accès rapide à un diplôme québécois pour faciliter l’intégration au marché du
travail (Bérubé, 2007).
Le Québec a 48 cégeps publics et 49 cégeps privés. En 2014, le réseau a
accueilli environ 189 000 étudiants en DEC. Un peu moins de la moitié, soit
87 600 d’entre eux, étaient en formation technique, dont 6 800 dans le privé
(MEERS, 2015b). En ce qui concerne l’AEC, environ 22 000 personnes étaient en
formation à l’automne 2014, dont près du tiers dans le réseau privé.
Il faut avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, ou l’équivalent,
pour être admissible à la formation collégiale. Toutefois, l’accès aux études supé-
rieures pour les détenteurs de DEP peut se révéler plus difficile, y compris pour
une formation postsecondaire dans un champ similaire : la continuité des 55
parcours entre les deux niveaux de formation est, dans les faits, presque inexis-
tante. Les passerelles sont limitées, malgré les efforts d’harmonisation lancés par
le gouvernement au début des années 2000.
Les conditions d’accès aux formations en AEC sont assez similaires à
celles du DEC, avec quelques ajouts pour éviter que des jeunes passent direc-
tement des études secondaires à une AEC. Ainsi, toute personne est admissible
si elle a interrompu ses études depuis au moins deux sessions consécutives, si
elle est bénéficiaire d’un programme gouvernemental d’accès à l’emploi ou, pour
les employés, s’il y a une entente avec leur employeur.
Avec ces diverses conditions d’admissibilité, les Québécois accèdent à la
formation technique autour de 16 ou 17 ans. Toutefois, la moyenne d’âge y est
de 23,8 ans. Ce chiffre est nettement plus élevé pour les étudiants en AEC, qui
ont en moyenne plus de 30 ans.

Une offre distincte


de formation
Il est possible, au Québec, de suivre une autre formation, qui se trouve
en dehors du giron du ministère de l’éducation. Emploi-Québec propose un
certificat de qualification professionnel : le programme d’apprentissage en milieu
de travail (PAMT). Contrairement au DEP et au DEC, le PAMT se déroule exclu-
sivement en entreprise. L’apprentissage dure entre 3 à 36 mois, en fonction du

N° 71 - avril 2016
métier et de l’expérience préalable de l’apprenti. Ce dernier est suivi par un
compagnon qui a été formé à cet effet. Pour être admissible, il faut avoir plus
de 16 ans et être en emploi. Ce programme est basé sur les normes profession-
nelles qui décrivent les compétences à détenir pour occuper un métier. Le PAMT
est financé en grande partie par Emploi-Québec.

Brève histoire
de la formation initiale
et continue
La structure actuelle de la formation professionnelle et technique a été
formatée par le système social, politique et économique particulier de la province
et du fédéralisme canadien. Ainsi, chaque province a juridiction pour organiser
à sa convenance la formation initiale. La formation de la main d’œuvre est sous
la responsabilité fédérale, mais le Québec fait exception à ce sujet depuis 1997.
Un premier rapport a jeté les bases des transformations qu’a connues
le système éducatif. Le rapport du Comité d’étude sur l’enseignement technique
et professionnel, ou rapport Tremblay, pose comme principe en 1962 que chaque
étudiant doit avoir accès à une qualification professionnelle avant de quitter le
système scolaire. Pour Bérubé (2007), un tel principe a eu comme effet de mettre
l’école au cœur de la qualification de la main d’œuvre et d’écarter implicitement
56 l’apprentissage en milieu de travail.
C’est toutefois un autre rapport qui marquera définitivement la struc-
ture du système d’éducation québécois. Paru en 1965, le rapport Parent
recommande de créer deux réseaux pour la formation professionnelle : un dans
les polyvalentes (écoles secondaires) et un dans les cégeps. En plus de diviser la
formation professionnelle entre le « professionnel » et le « technique », cette
réforme met cette formation sous responsabilité du ministère de l’éducation
(Monchatre, 2008). Dans la foulée, le milieu du travail se voit marginalisé en
formation initiale. Les jeunes commencent aussi à s’éloigner de la formation
offerte dans les CFP (Bernier, 2011).
À ce mouvement s’ajoute le rapport du Comité sur la formation profes-
sionnelle par l’apprentissage, le rapport Lair, qui recommande que la formation
par apprentissage et la qualification de la main-d’œuvre relèvent du ministère
du travail. Cela accroît l’éclatement de la formation pour les jeunes et pour les
adultes et confirme l’exclusion de l’apprentissage du cheminement scolaire
(Bérubé, 2007). De la sorte, alors que des pays comme la Suisse ou l’Allemagne
font de l’apprentissage une voie normale au sein du cursus scolaire, le Québec
a adopté une tout autre approche.
La réforme Ryan de 1986, qui souhaite relancer la formation profession-
nelle (Monchatre, 2008), confirme que le ministère de l’éducation a toutes les
compétences en matière de formation professionnelle. La réforme cherche aussi à
assurer une adéquation entre la formation et l’emploi, ce qui entraîne l’introduction

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dossier

de l’approche par compétences en formation professionnelle : les fonctions de


travail serviront à définir les compétences à développer. Il faudra attendre 1993
pour que cette approche soit introduite partiellement au collégial (Monchatre,
2008). Selon Bernier (2011), cette approche a mis un certain temps à s’implanter
en formation continue mais a permis de raffermir les liens écoles-entreprise. Elle
reste encore d’actualité dans la construction des programmes d’étude.
Au fil des années, la formation de la main d’œuvre a connu elle aussi
plusieurs réformes. En 1995, le Québec adopte la « Loi du 1 % », qui oblige les
entreprises à investir 1 % de leur masse salariale dans la formation des employés.
L’argent recueilli ainsi sert notamment à financer le PAMT. Cette loi a aussi mené
à l’intégration d’une politique d’intervention sectorielle (Bernier, 2011). En 1997,
une entente fédérale-provinciale reconnaît le Québec comme seul responsable
des politiques d’adaptation de la main d’œuvre et de la formation professionnelle
dans la province. Il en est résulté la création en 1998 d’Emploi-Québec et de la
Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), deux acteurs clés en
matière de formation de la main d’œuvre et de collaboration avec les intervenants
du marché du travail.
Le dernier changement majeur en formation continue des adultes date
de 2002, avec l’adoption de la « Politique gouvernementale des adultes et de
formation continue : apprendre tout au long de la vie ». Elle a pour effet
notamment de redistribuer les rôles entre l’État, les entreprises et les individus
(Bérubé, 2007). En matière de formation de la main d’œuvre, il y a une volonté
57
d’instaurer un partenariat entre le gouvernement, le patronat et les syndicats,
ainsi que l’établissement d’un équilibre entre l’offre et la demande d’emploi dans
les réseaux d’enseignement (Bernier, 2011). Le gouvernement mise alors sur la
formation continue en lien avec l’emploi et l’implication de nombreux parte-
naires du marché du travail.
Il est important aussi de souligner que le Québec, au gré des gouverne-
ments, a eu parfois deux ministères responsables de l’éducation. S’il y a toujours
eu un ministère de l’éducation pour s’occuper de la formation générale, il y a
parfois eu un ministère pour l’éducation et de la formation postsecondaire, le
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comme le souligne
Monchatre (2008), cela a créé une séparation artificielle entre les deux niveaux
de formation professionnelle, rendant difficiles la concertation et la mise en place
de passerelles entre les diplômes. Depuis l’automne 2015, les ministères ont été
fusionnés.

Un partage relatif
des responsabilités
Le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la
recherche scientifique (MEERS) domine en matière de formation générale,
professionnelle et technique. Les employeurs, les travailleurs, les ministères ou

N° 71 - avril 2016
autres acteurs de la société restent marginaux dans la prise de décision et le
développement de programmes. Cette réalité change dans le cadre de la formation
continue, où il y a un plus grand partage et une diversité d’intervenants.

Le réseau de l’éducation
Le MEERS occupe une place prépondérante dans le système d’éducation
au Québec. Il délivre les diplômes professionnels et techniques (DEP et DEC) et
veille sur l’ensemble des programmes d’études. Il finance en grande partie la
formation. Les commissions scolaires, et encore plus les cégeps, jouissent cepen-
dant d’une certaine marge de manœuvre.
Le MEERS élabore et révise les programmes de formation profession-
nelle et technique, qui se basent sur les compétences actuelles et à venir pour
occuper un emploi. Afin de les identifier, le ministère a adopté depuis les
années 1990 une approche sectorielle, basée sur la concertation, permettant de
définir les compétences requises pour exercer un métier. C’est dans ce cadre que
divers partenaires, dont Emploi-Québec, les comités sectoriels de main d’œuvre
et les associations patronales et syndicales peuvent intervenir, avec leur connais-
sance fine du marché du travail.
En effet, le processus de révision de programme se divise en plusieurs
étapes. La première dresse un portrait du secteur et se base sur des enquêtes
sectorielles permettant de définir les écarts entre les besoins de compétences et
58 la formation offerte. Il s’ensuit une étude plus détaillée à l’échelle d’un métier
ou d’une fonction de travail, afin d’identifier les transformations les affectant.
Le MEERS procède alors à une analyse de situation de travail qui réunit des
professionnels du métier, des formateurs et des représentants du milieu du travail
et de l’éducation. Cette étape permet de définir les compétences de base néces-
saires à l’entrée sur le marché du travail.
Une fois l’analyse de situation de travail terminée, les partenaires
externes sont de nouveau exclus de la prise de décision. La structuration du
programme est réservée au réseau de l’éducation. Pour la formation profession-
nelle secondaire, ce sont les experts du MEERS qui vont définir les contenus et
les activités d’apprentissage. Les collèges, qui ont plus d’autonomie, se basent
sur les compétences fixées par le MEERS pour définir eux-mêmes un cursus ainsi
que les activités d’apprentissage en fonction des ressources et des opportunités
locales (Monchatre, 2008).
Les attestations d’études sont, quant à elles, délivrées par les commis-
sions scolaires (AEP) et les cégeps (AEC). Les AEP sont développées avec l’auto-
risation et sous les conditions du MEERS. Les collèges délivrent les AEC. Ils
peuvent créer à leur discrétion des AEC en formation continue sans avoir d’auto-
risation ministérielle dans les programmes où ils possèdent déjà un programme
technique. Si ce n’est pas le cas, ils doivent obtenir une autorisation ministérielle.
Ces formations sont nettement plus ancrées dans les besoins du marché du
travail, tel qu’identifié notamment par Emploi-Québec.

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Emploi-Québec et la CPMT
Il y a davantage d’intervenants impliqués dans la formation de la main
d’œuvre. Un acteur majeur est Emploi-Québec, qui évalue des besoins de main
d’œuvre et gère le système d’apprentissage. Il établit les prévisions pour la quali-
fication de main d’œuvre et cerne les compétences recherchées à l’aide de divers
partenariats.
Sur la base des informations collectées sur le marché du travail, Emploi-
Québec effectue des achats de formation continue. Ces formations, dont le coût
est encadré par une entente entre Emploi-Québec et le MEERS, sont de courte
durée et sont offertes dans les cégeps et les CFP. Elles peuvent même être des
AEP ou des AEC. Les participants ou les employeurs doivent débourser l’équi-
valent de 2 $1 par heure de formation, Emploi-Québec finançant le reste. Cette
offre varie d’une région à l’autre. Ainsi, les 17 directions régionales d’Emploi-
Québec sélectionnent les formations pour leur zone géographique. Par exemple,
une formation courte sur AutoCAD pourra être financée à Montréal mais pas à
Trois-Rivières.
Les actions d’Emploi-Québec s’appuient sur la Commission des parte-
naires du marché du travail (CPMT), un organisme qui mobilise les différents
partenaires du marché du travail. C’est à travers la CPMT que sont élaborées les
politiques d’emploi et de main d’œuvre et les différentes stratégies d’Emploi-
Québec. Dans ses démarches, la CPMT fait appel aux associations d’employeurs 59
et de travailleurs, aux établissements de formation et aux comités sectoriels de
main-d’œuvre. Elle est une interface entre l’État et les acteurs du marché du
travail (Bernier, 2011). Différents conseils régionaux du marché du travail sont
liés à la CPMT et contribuent à définir les problématiques de main-d’œuvre à
une échelle plus locale. La CPMT est aussi responsable de gérer les fonds obtenus
suite aux cotisations des entreprises dans le cadre de la Loi du 1 %.

Autres intervenants
Ce portrait montre la place limitée des intervenants non gouvernemen-
taux en formation initiale et continue, par comparaison avec d’autres pays où
associations patronales et syndicales sont davantage impliquées dans l’ensemble
du processus de formation professionnelle. Par exemple, les employeurs financent
la formation de leurs employés et ont discrétion dans le choix des contenus et
des fournisseurs de formation.
Depuis 2002, le pilotage de la formation professionnelle et technique
est assuré par un comité national des programmes d’études professionnelles et
techniques (CNPEPT). Ce comité comprend des représentants des employeurs,
des centrales syndicales, des commissions scolaires, des cégeps, d’établissements

1. Un dollar canadien vaut 0,668 E (avril 2016). (NdlR)

N° 71 - avril 2016
d’enseignement privé et d’Emploi-Québec. Il conseille le MEERS sur les grands
enjeux de la formation professionnelle et technique et sur les orientations et les
développements relatifs à l’offre de service (Monchatre, 2008).
À travers leur implication à la CPMT et dans les comités sectoriels, les
entreprises et les représentants des travailleurs réussissent à se faire entendre.
Les 29 comités sectoriels de main d’œuvre jouent un rôle important dans l’analyse
des besoins de formation et des tendances dans leurs secteurs respectifs. Ils sont
impliqués activement dans le développement de normes professionnelles et
certains offrent des formations adaptées aux besoins de leur industrie. Ces
organismes autonomes ont des conseils d’administration paritaires composés
d’employeurs, de représentants de travailleurs et de l’éducation.
Le secteur de la construction se distingue par son autonomie. En effet,
depuis 1987, c’est la Commission de la construction du Québec (CCQ) qui
s’occupe, entre autres, de développer la formation professionnelle et la gestion
de la main d’œuvre. Elle veille à l’apprentissage et au perfectionnement dans son
secteur.
En somme, au Québec, il y a une analyse systématique du marché du
travail tant au niveau sectoriel que régional afin d’identifier les besoins de main
d’œuvre. Les mêmes intervenants sont impliqués dans la définition des normes
professionnelles et des compétences à posséder pour exercer un métier. Leurs
connaissances sont mobilisées lors des premières étapes de la révision de
60 programme du MEESR. Mais le ministère conserve un quasi-monopole sur la
formation initiale.

Insertion professionnelle
Les personnes ayant terminé une formation professionnelle et technique
ont de belles perspectives d’avenir. En effet, le Québec ne fait pas exception à la
tendance mondiale concernant la qualification de la main d’œuvre (Emploi-
Québec, 2012). Le gouvernement du Québec a prévu que 250 000 emplois seraient
créés d’ici 2021, en plus des remplacements. Alors que le segment de la gestion
et des diplômés universitaires va connaître la plus forte croissance avec un taux
de 1,3 %, la formation professionnelle et technique s’en approche, avec une prévi-
sion de 0,8 %. Plus précisément, cette croissance va concerner la main d’œuvre
dite « intermédiaire », c’est-à-dire qui a suivi un enseignement postsecondaire
professionnel court. De la sorte, 85 % de l’augmentation prévue concernent les
emplois liés au collégial (88 000 emplois), et seulement 15 000 emplois pour les
détenteurs d’un secondaire professionnel. Afin d’orienter les jeunes vers les
formations en demande, le gouvernement du Québec met annuellement en ligne
la liste des « métiers d’avenirs », c’est-à-dire les emplois requérants une formation
professionnelle ou technique et pour lesquels il y a une forte demande2.

2. Voir le site : [http://www.toutpourreussir.com]

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dossier

Année après année, les nouveaux diplômés de la formation profession-


nelle ou technique connaissent de bons taux d’insertion. Ainsi, en 2014, neuf
mois après l’obtention de leur diplôme, les titulaires d’un DEP étaient à 76 %
en emploi et 11 % aux études (MEERS, 2015c). Les diplômés collégiaux, dix mois
après la fin de leurs études, sont à 61 % en emploi et à 34 % en poursuite de
leurs études, surtout en lien avec leur formation (MEERS, 2015d). Aussi, le salaire
moyen de départ des techniciens s’établissait à 716 $ hebdomadaire, légèrement
inférieur aux 723 $ des diplômés professionnels. Il reste que ce sont d’excellents
salaires d’entrée, puisque le salaire hebdomadaire moyen au Québec s’élevait à
845 $ en 2014 (ISQ, 2015).
L’intégration réussie des nouveaux diplômés est cohérente avec les
données de l’Institut de la statistique du Québec pour l’ensemble de la population
active (ISQ, 2015). La détention d’un diplôme accroît l’accès à l’emploi. Ainsi,
en 2014, le taux de chômage des détenteurs de diplômes d’études secondaires
(incluant les DEP) était de 8,4 %, et de 7 % pour les détenteurs de DEC. À titre
de comparaison, ceux qui ne détenaient pas de diplôme avaient un taux de
chômage de 15,5 %, pour une moyenne provinciale de 8,3 %.

Enjeux
Le système d’éducation a été conçu à une époque ou les Québécois
étaient faiblement scolarisés. Dans ce contexte, les réformateurs souhaitaient 61
mettre l’accent sur le rehaussement de la qualification en milieu scolaire, ce qui
est resté la norme. En conséquence, les intervenants externes au réseau de
l’éducation se sont vu marginaliser. Les collaborations école-entreprise restent
exceptionnelles. Néanmoins, il semble y avoir actuellement un mouvement de
fond pour changer la donne. Ce désir de changement, soutenu par le gouver-
nement, est aussi porté par des acteurs de l’éducation et du monde du travail.
Ces derniers seront confrontés à trois enjeux notamment : assurer la continuité
des parcours, diversifier les parcours de formation et multiplier les acteurs
impliqués dans la formation initiale.
Il est grand temps que soient créées des passerelles entre les formations
DEP et DEC. Les difficultés rencontrées actuellement freinent l’accès des détenteurs
de DEP aux études supérieures. Or le développement économique et la croissance
de l’emploi seront plus forts pour la formation professionnelle postsecondaire
(Emploi-Québec, 2012). L’arrimage ne sera pas un processus aisé mais il est essen-
tiel pour faciliter les transitions et le rehaussement des qualifications.
La formation reste encore presque exclusivement inscrite dans le cursus
scolaire ou exclusivement en milieu de travail comme le PAMT. Il n’y a pas de
juste milieu. Quelques formules d’alternance existent, que ce soit sous forme de
stage ou, très rarement, une formation DEP donnée presque entièrement en
entreprise. Or de plus en plus de pays ont opté pour des formules telles que
l’apprentissage, qui impliquent employeurs et employés dans la formation et

N° 71 - avril 2016
dans le processus pédagogique lui-même (OCDE, 2015). Avec leur longue tradi-
tion d’apprentissage, la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne sont exemplaires à ce
sujet.
Ceci est intimement lié au troisième enjeu, puisque pour favoriser
l’alternance, il faut que davantage d’intervenants soient impliqués. Même si la
révision des programmes mobilise une variété d’acteurs, la conception et l’offre
de formation restent la prérogative du réseau de l’éducation. Il est nécessaire de
développer une plus grande collaboration et ouverture au ministère de l’éducation,
mais également dans les autres ministères et les milieux patronaux et syndicaux,
peu habitués à s’impliquer dans ce type de dossiers. L’ensemble de ces
transformations pourra venir consolider et revaloriser la formation professionnelle
et technique, qui en a grandement besoin.

Bibliographie
BERNIER C. (2011) : Formation et employabilité : regard critique sur l’évolution des
politiques de formation de la main-d’œuvre au Québec, Québec : Les Presses de
l’Université Laval.
BÉRUBÉ M. (2007) : Petite histoire des relations Canada-Québec autour des politiques
sur la formation de la main-d’œuvre, Université Laval, Cahier de l’ARUC :
CT-2007-002.
EMPLOI-QUÉBEC (2012) : Le marché du travail au Québec : perspectives à long terme
62 2012-2021, Québec : Emploi-Québec.
ISQ (2015) : Travail et rémunération. Annuaire québécois des statistiques du travail :
portrait des principaux indicateurs du marché et des conditions de travail (2004-2014),
Québec : Institut de la statistique du Québec.
MONCHATRE S. (2008) : L’« approche par compétences », technologie de rationalisa-
tion pédagogique. Le cas de la formation professionnelle au Québec, UQAM, CIRST
2008-01.
MEERS (2015a) : Statistique de l’éducation. Éducation préscolaire, enseignement
primaire et secondaire. Édition 2014, Québec : MEERS.
MEERS (2015b) : Statistique de l’enseignement supérieur. Édition 2014, Québec :
MEERS.
MEERS (2015c) : Rapport de l’enquête 2013. La relance au secondaire en formation
professionnelle : la situation d’emploi des personnes diplômées en 2011-2012, Québec :
MEERS.
MEERS (2015d) : Rapport d’enquête 2012/2013/2014. La relance au secondaire en
formation technique : la situation d’emploi des personnes diplômées, Québec : MEERS.
OCDE (2015) : Regards sur l’éducation 2015. Indicateurs de l’OCDE, Paris : OCDE.

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dossier

L’engagement
des entreprises
dans le dispositif de
formation professionnelle
en Allemagne
Isabelle Le Mouillour
Institut Fédéral Allemand
de la formation professionnelle (BIBB)

Marthe Geiben
Institut Fédéral Allemand
de la formation professionnelle (BIBB)

Depuis quelques années, le modèle de formation professionnelle duale


connaît un regain d’intérêt qui semble être justifié par le faible taux de chômage
que connaissent les diplômés du système dual en Allemagne. Les liens institu-
tionnalisés entre les acteurs publics du système de formation et les acteurs du
monde professionnel semblent jouer en faveur d’une meilleure orientation de la
formation vers les besoins du marché du travail. L’Allemagne compte environ 63
438 000 entreprises actives en formation professionnelle initiale, dont une large
proportion de PME (environ 97 % des entreprises formatrices ont moins de
249 salariés ; 49 % moins de 9 salariés), 20,7 % des entreprises allemandes parti-
cipaient ainsi à la formation duale de niveau initial en 2013 (BIBB, 2015).
Le système de formation professionnelle duale en Allemagne comptait
environ 1,5 million d’apprentis dans 327 métiers à formations réglementées
(Ausbildungsberufe) qui mènent à des postes d’employés et d’ouvriers qualifiés
en 2014 (BIBB, 2015). Les acteurs du monde professionnel comprennent, dans
le système allemand, les entreprises et les organisations les représentant (par
exemple, la Fédération nationale des organisations patronales allemandes) ou les
chambres consulaires ainsi que les organisations syndicales, comme la Fédération
des syndicats allemands.
L’État et les acteurs de monde du travail partagent la responsabilité de
la définition des règlements de formation, de la mise en place, de l’organisation
et du contrôle de la formation duale ainsi que de son financement. Une autre
responsabilité partagée se trouve au niveau juridique, en respect des principes
du fédéralisme en matière d’éducation et de la Loi fondamentale (Grundgesetz) :
l’État fédéral (Bund) et les Länder ont différentes responsabilités dans le système
de formation professionnelle, et celles-ci sont fixées dans le cadre de la loi fédé-
rale sur la formation professionnelle. Tandis que l’État fédéral est responsable
des éléments cadres de la formation en entreprise, les Länder sont responsables

N° 71 - avril 2016
de la formation en milieu scolaire. On parle d’une dualité visible dans plusieurs
domaines : deux lieux d’apprentissage (l’entreprise pour environ 60 à 70 % et
l’école professionnelle pour 30 à 40 % du temps de formation), un financement
assuré par l’État et les entreprises, des bases juridiques doubles en raison du
principe de subsidiarité en matière de formation scolaire, avec la loi de 2005 sur
la formation professionnelle au niveau national (Berufsbildungsgesetz) et les lois
scolaires des Länder, un modèle de gouvernance partagée entre l’État et les orga-
nisations représentant le monde professionnel (employeurs, syndicats).
Nous abordons dans cet article les différents aspects de l’intervention et de
la participation des acteurs du monde professionnel dans le système de formation
duale en Allemagne. Nous considérons ici le système de formation professionnelle
duale initiale, qui accueille en Allemagne une majorité des jeunes au niveau du
deuxième cycle du secondaire (à partir d’environ 16 ans)1 et qui mène à des certifi-
cations de niveau 2 à 4 du cadre allemand de certifications2. Plus de 50 % d’une classe
d’âge a choisi en 2013 une formation professionnelle de type dual, dont environ 25 %
détenteurs d’un baccalauréat ou d’une certification équivalente (BIBB, 2015).

Le système de formation
professionnelle duale
La formation initiale duale (apprentissage) en Allemagne est réglée par
64 la loi sur la formation professionnelle de 2005 (Berufsbildungsgesetz) et le code
de l’artisanat (Handwerksordnung) ; le code a été révisé pour la dernière fois
en 2004 pour prendre en compte les développements européens. Martinot (2015)
souligne dans son analyse comparative la stabilité des textes législatifs en matière
de formation professionnelle, puisque la loi fédérale fondatrice date de 1969 et
n’a été révisée qu’une seule fois en 2005. Elle prévoit une durée générale de
formation entre 2 et 3 ans. L’apprenti et l’entreprise formatrice signent pour la
durée de la formation un contrat de formation, et ce contrat fait de l’apprenti
un membre du personnel de l’entreprise, avec tous les droits et devoirs qui lui
sont liés (rémunération, cotisation d’assurance maladie et vieillesse, vacances,
etc.). L’entreprise s’oblige à respecter les heures de scolarité, le plan de formation
en entreprise et doit veiller à ce que l’apprenti aille en école professionnelle, au
titre de la loi sur la protection des mineurs et de la loi sur le temps de travail.
Pour comprendre le fonctionnement du système de formation duale et
la place du monde professionnel dans ce système, il est nécessaire de se pencher
sur certaines caractéristiques et principes fondamentaux qui guident l’action de
tous les acteurs de la formation professionnelle, garantissent sa qualité et sont
codifiés dans la loi sur la formation professionnelle :

1. Des programmes au premier cycle du secondaire sont des programmes de formation générale uniquement. Ici, il y
a des programmes d’orientation comme des stages en entreprises par exemple ou la « découverte d’une profession »,
qui sont intégrés dans les matières générales.
2. Les niveaux du cadre allemand de certifications sont équivalents à ceux du cadre européen de certification.

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dossier

Le principe de consensus. Ce dernier exprime la volonté et la capacité


d’établir un compromis entre les associations patronales, les syndicats et la Fédé-
ration sur les questions de formation professionnelle. La coopération entre les
différents acteurs est institutionnalisée dans le comité principal de l’Institut
fédéral de la formation professionnelle (BIBB), parfois également qualifié de
« parlement » de la formation professionnelle, et dans le processus de dévelop-
pement et d’actualisation des règlements de formation (voir infra). Le principe
de consensus a sous-tendu l’action commune qui a mené en 2004 le gouver-
nement fédéral et les principales fédérations représentatives des entreprises à
conclure pour la première fois le « pacte national pour la formation et la relève
en main d’œuvre qualifiée », qui prévoyait une intensification de l’engagement
de tous les acteurs de la formation professionnelle. Reconduit en 2010, ce pacte
est devenu en 2014 une « alliance pour la formation initiale et continue » pour
améliorer la situation sur le marché de la formation pour les jeunes et les entre-
prises. Cette alliance est portée par l’État fédéral, les organisations représentatives
des syndicats et des entreprises et les Länder.
Le principe de responsabilité commune à plusieurs niveaux. Il fait référence
au partenariat entre l’entreprise et l’école professionnelle dans le système dual
face à leur obligation d’agir pour la réussite de l’apprenti. En outre, il comprend
la responsabilité commune de l’État et des organisations du monde professionnel
ainsi que la responsabilité commune de la Fédération et des Länder.
Le principe « Beruf » ou la référence à un métier. La loi sur la formation 65
professionnelle allemande définit l’apprentissage par son but : « transmettre les
compétences, connaissances et capacités professionnelles nécessaires à l’exercice
d’une activité professionnelle qualifiée dans un monde du travail en mutation » (Loi
sur la formation professionnelle, 2005). Cette approche par le métier inclut le déve-
loppement de la personnalité et l’insertion sociale et pose les bases pour un appren-
tissage tout au long de la vie. Ce principe se retrouve dans les règlements de formation
dans une profession sanctionnée par un diplôme d’État (métier). Le métier est également
facteur d’identité collective, en ce qu’il assure une forte lisibilité des compétences
acquises sur un marché du travail par ailleurs très segmenté (Lasserre, 2014).
Validité nationale des règlements. Les règlements de formation pour une
profession sanctionnée par un diplôme d’État sont des règlements cadres ayant
une validité dans toute l’Allemagne, tout en laissant une certaine marge pour
une adaptation aux contextes économiques et industriels régionaux. Le contenu
de ces règlements doit être transmis pendant la formation et est examiné à la
fin de la formation initiale. Les examens mènent à des diplômes reconnus natio-
nalement, délivrés par les chambres consulaires.
Formation professionnelle en milieu de travail. La formation profession-
nelle se déroule dans une vaste majorité en entreprises ou au sein de réseaux
d’entreprises. Les règlements de formation pour une profession sanctionnée par
un diplôme d’État élaborés pour les 327 métiers fixent le contenu de la formation
en milieu de travail.

N° 71 - avril 2016
Personnel formateur qualifié. Les entreprises sont soumises à certaines
réglementations pour être habilitées à offrir une place d’apprentissage. L’une
d’elles est l’obligation d’employer un collaborateur titulaire de la qualification
reconnue de formateur par apprentissage (technicien/ contremaître/ maître
artisan). Les contenus de cette formation sont fixés dans le règlement sur l’apti-
tude des tuteurs.
Recherche institutionnalisée, orientée vers les besoins exprimés par la
mise en œuvre de la politique et des pratiques en formation professionnelle. La
recherche institutionnalisée est réalisée en grande partie par l’Institut fédéral de
la formation professionnelle (BIBB). Ses résultats sont publiés sous forme de
rapport annuel sur la formation professionnelle, de guides pédagogiques pour
la mise en pratique des référentiels ; les projets de recherche font l’objet de
discussion avec les acteurs du monde professionnel et sont organisés dans le
cadre du programme annuel de recherche du BIBB. Le BIBB travaille de concert
avec l’Institut fédéral d’analyse du marché du travail (IAB), un centre de recherche
rattaché à l’Agence fédérale pour l’emploi.

Responsabilité partagée
En Allemagne, le système de l’apprentissage repose sur un texte législatif
majeur élaboré en 1969 et révisé en 2005. La loi se contente d’énoncer les principes
66 généraux sans lesquels il n’y aurait pas de système national cohérent d’apprentis-
sage : règlements de formation (similaires aux référentiels de certification en
France), contenu des examens, droit du contrat de travail (durée, période d’essai,
temps de travail, conditions de travail des mineurs), coordination et répartition
des compétences entre les acteurs. Elle régit également le fonctionnement et les
missions de la tête de réseau du système (BIBB), ainsi que les principes fonda-
mentaux des remontées statistiques s’imposant à tous les acteurs. La loi laisse une
certaine latitude aux Länder et aux entreprises formatrices pour l’adaptation de
la réglementation aux réalités professionnelles et régionales : organisation et finan-
cement des écoles professionnelles, règles régissant les conditions d’accès au titre
de maître d’apprentissage, contrôle de l’apprentissage (Martinot, 2015).
La Loi fédérale sur la formation professionnelle en Allemagne règle la
responsabilité des différents acteurs et les mécanismes de codécision. La respon-
sabilité partagée tripartite passe par un partage des tâches selon le schéma suivant :
– les partenaires sociaux (les syndicats de salariés et associations patro-
nales) négocient le montant de l’indemnité d’apprentissage, contribuent à définir
des règlements de formation professionnelle et siègent dans les commissions des
examens organisées par les chambres consulaires ; les conseils d’entreprise super-
visent la formation en entreprise ;
– l’État finance, supervise et contrôle le système de formation profes-
sionnelle publique, organise la recherche institutionnalisée sur la formation, veille
à actualiser les règlements de formation et assiste les jeunes sans emploi,

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

défavorisés ou affectés d’un handicap dans leur recherche de formation ; en outre,


il apporte une aide à l’orientation professionnelle et fait mieux connaître la
formation professionnelle duale ;
– les chambres consulaires3 agissent comme des organisations intermé-
diaires : elles conseillent les entreprises formatrices, forment le personnel forma-
teur, accréditent ou habilitent les entreprises formatrices, contrôlent la formation
en entreprises (équipements, formateurs, etc.), assistent les entreprises dans leur
recherche d’apprentis, enregistrent les contrats de formation, organisent les
examens partiels et finaux et sont médiateurs en cas de conflit entre l’apprenti
et l’entreprise. Ce sont les chambres qui délivrent les diplômes du système de
formation duale. De fait, la responsabilité pour la qualité de la formation profes-
sionnelle en entreprise est déléguée aux chambres consulaires.
La responsabilité partagée et la codécision en Allemagne sont institu-
tionnalisées dans le comité principal (Hauptausschuss) du BIBB. Sa composition
est fixée par la loi sur la formation professionnelle. S’y retrouvent des délégués
des employeurs, des salariés et des Länder en nombre identique ainsi que des
délégués des ministères fédéraux compétents. Un délégué ou une déléguée de
l’Agence fédérale pour l’emploi, des associations de communes au niveau fédéral
ainsi que du conseil scientifique du BIBB peuvent participer aux réunions du
comité principal avec une voix consultative. Les missions du comité principal
sont entre autres le conseil auprès du gouvernement fédéral sur les questions
fondamentales relatives à la formation professionnelle. De plus, il décide du 67
programme annuel de recherche du BIBB, peut émettre des recommandations
sur l’application uniforme de la loi sur la formation professionnelle et un avis
sur les projets de règlements de formation préparés au BIBB.

Financement de la formation
professionnelle
Le système de formation professionnelle duale repose entre autres sur un
partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des
16 Länder. Le financement de la partie de la formation organisée dans les écoles
professionnelles est de façon générale assuré par les Länder ; ces derniers prennent
en charge les frais liés aux bâtiments, équipements et personnel enseignant. Les
entreprises prennent en charge les frais liés à la formation en entreprises, ce qui
comprend les frais d’équipement des apprentis (vêtements, protection, outils,
etc.), les matériaux et machines, ainsi que la rémunération des apprentis (charges
sociales incluses) et de leurs formateurs. Les entreprises ne sont cependant pas
tenues de former ni de participer, comme en France, à un dispositif de mutuali-
sation financière de l’effort de formation (Lasserre, 2014). Les financements publics

3. En Allemagne, les entreprises ont obligation d’être membres d’une chambre.

N° 71 - avril 2016
en Allemagne tendent à se concentrer sur les jeunes en difficulté4. Ils prennent
également la forme de programmes et initiatives spécifiques pour les petites et
moyennes entreprises, par exemple pour la formation de centres interentreprises,
et sont mobilisés de manière importante dans le cadre du soutien au dévelop-
pement économique et social. L’État assure le financement des frais de moderni-
sation des référentiels de formation depuis les travaux de recherche jusqu’à leur
publication, ainsi que la grande majorité des travaux de recherche effectués au
BIBB. Les dépenses publiques pour la formation professionnelle en milieu scolaire
s’élèvent à environ 7,6 milliards d’euros au total en 2014 ; 6,9 milliards d’euros sont
utilisés pour le financement des 8 855 écoles professionnelles, dont 1 559 écoles
participant au système de formation duale pour un budget de 2,9 milliards d’euros.
Les 0,6 milliard d’euros restants financent des mesures fiscales, de contrôle et
d’aide (BIBB, 2015 ; Statistisches Bundesamt, 2015).
La participation financière des entreprises au système de formation
duale est largement considérée comme des frais d’investissement. En moyenne,
les coûts bruts pour une entreprise s’élèvent à environ 17 933 E par an et par
apprenti. La rémunération des apprentis est le poste le plus important dans ce
calcul, puisqu’il représente en moyenne 61 % des coûts bruts de formation. Ces
dépenses doivent être relativisées car le coût brut s’amortit en moyenne largement
– voire souvent intégralement – dans nombre d’entreprises, au fil des deux à
trois années d’apprentissage, grâce à la contribution productive croissante de
68 l’apprenti au cours de sa formation. Une étude sur les coûts et bénéfices de
l’apprentissage menée régulièrement au BIBB estime à environ 12 535 E par
apprenti et par an le retour sur investissement, de sorte que les coûts nets s’élèvent
à environ 5 398 E par an et par apprenti (BIBB, 2015). Les coûts et produits de
la formation varient en fonction des régions, de la taille de l‘entreprise formatrice,
du domaine de formation (commerce, artisanat, agriculture, professions libérales,
service public), de la profession concernée, de l’utilisation d’atelier de formation
et de la durée de formation (Jansen et al., 20155). La rémunération des apprentis
varie entre 375 E en première année et 1 300 E par mois en troisième année de
formation en Allemagne, selon la branche, l’âge, le niveau de formation ou encore
les conventions collectives spécifiques du secteur6. La rémunération moyenne
s’élève en 2014 à 795 E (BIBB, 2015).

4. Par exemple, des jeunes dans des régions ayant des infrastructures insuffisantes, des jeunes ayant un besoin de
support spécifique.
5. Étude réalisée sur les coûts de la formation duale et les pratiques de recrutement par le BIBB pour l’année
2012/2013 auprès de 3 032 entreprises formatrices et 913 entreprises ne participant pas au système de formation
duale.
6. Datenbank Ausbildungsvergütungen (base de données sur la rémunération des apprentis) :
https://www.bibb.de/de/12209.php

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dossier

La définition des besoins


et contenus des règlements
en formation duale
Le développement ou l’actualisation des référentiels est une bonne illus-
tration du rôle et de l’implication du monde professionnel dans le système alle-
mand de formation professionnelle duale. Il s’agit d’un travail conjoint entre des
spécialistes du BIBB, des experts représentant les partenaires sociaux et des repré-
sentants des Länder. Ce processus est administré par le BIBB. 155 métiers préparés
par l’apprentissage ont vu leurs référentiels modifiés entre 2005 et 2015, parmi
lesquels 24 nouvelles certifications ont vu le jour. En 2014, neuf référentiels ont
été actualisés. Le référentiel ou règlement de formation (Ausbildungsordnung)
fixe la dénomination de la profession, la durée de la formation, les savoir-faire,
connaissances et capacités professionnels qui feront au minimum l’objet de la
formation professionnelle (profil de la profession reconnue officiellement), les
instructions concernant les programmes et les horaires requis pour inculquer les
savoir-faire, connaissances et capacités professionnels (plan cadre de formation),
les attentes pour satisfaire aux examens (Loi fédérale, article 5). Ces référentiels
régissent ainsi les modalités concrètes de la formation professionnelle duale dans
les entreprises et les écoles professionnelles. Ils sont à la base de l’éventail d’offres,
du suivi et du soutien à la formation duale dans toute l’Allemagne.
Dans la plupart des cas, les employeurs, les associations patronales ou 69
les syndicats identifient un besoin de création ou de modernisation d’un réfé-
rentiel. Cela peut correspondre à l’émergence de nouveaux secteurs d’activité
dans les entreprises ou à l’apparition de nouvelles technologies, par exemple en
matière d’informatique ou de gestion de l’environnement. Ce besoin est géné-
ralement relayé auprès du ministère fédéral compétent. Ce dernier délivre un
ordre de mission au BIBB. Le BIBB met en place un groupe d’experts composés
de spécialistes du métier concerné, de représentants des entreprises (nommés
par les chambres compétentes) et de représentants des syndicats. Ce groupe
travaille pendant environ un an à l’actualisation du référentiel, et dix-huit
mois1en moyenne pour la création d’un référentiel . En respect du principe de
subsidiarité en matière de formation professionnelle et d’éducation, deux sous-
groupes sont établis pour travailler l’un avec le BIBB sur les aspects relevant de
la formation en milieu de travail et l’autre sous la direction des acteurs repré-
sentant les Länder. Suite à cette phase de développement, un projet de règlement
est établi qui, de façon complémentaire aux travaux des deux sous-groupes,
s’attache à régler l’articulation des phases et contenus d’apprentissage entre les
deux futurs lieux de formation (milieu de travail et école professionnelle). Cette
ébauche complète du référentiel est soumise au comité principal du BIBB (Haup-
tausschuss) pour formuler une recommandation auprès du gouvernement fédéral.
Le règlement de formation est ensuite publié au Journal officiel et la formation
peut être offerte dès l’année scolaire suivante, au 1er août (BIBB, 2014b).

N° 71 - avril 2016
Le monde professionnel
comme lieu de formation
Comme mentionné ci-dessus, la formation professionnelle duale
s’effectue pour environ 70 % de sa durée en milieu professionnel. Les chambres
consulaires et les organisations patronales soutiennent l’effort des entreprises
dans cette mission. Sa mise en place obéit à certaines normes prescrites par la
loi sur la formation professionnelle. Ainsi, l’entreprise doit couvrir et être capable
de former à toutes les tâches professionnelles fixées dans le règlement de
for mation ; elle doit également posséder l’équipement technique et un environ-
nement favorable ; ce dernier concerne entre autres la gestion du personnel (sani-
taire, vestiaire, etc.) et la mise à disposition du personnel qui sera en charge de
l’accompagnement et de la formation de l’apprenti. L’entreprise est ainsi soumise
à une accréditation comme entreprise formatrice réalisée par la chambre consu-
laire compétente. Si une entreprise n’est pas en mesure d’assurer la formation
pour des différentes raisons telles que le manque d’équipements techniques ou
technologiques ou que son processus de production ne permet pas la trans-
mission de certains savoir-faire ou connaissances, l’entreprise peut faire appel à
des programmes de formation qui se déroulent en dehors de l’entreprise, en
centre inter-entreprises ou au sein de réseaux d’entreprises. Cette extension est
soumise à un accord préalable de la chambre consulaire compétente.
70 La loi fédérale demande aux entreprises de sélectionner au sein de leur
personnel des collaborateurs qui seront en charge de la formation professionnelle.
En 2013, 85 548 personnes ont passé l’examen d’accréditation pour être forma-
teurs en entreprise dans les secteurs de l’industrie, du commerce, de l’artisanat,
de l’agriculture et de la fonction publique (BIBB, 2015). Ces examens portent
sur les aptitudes personnelles, pédagogiques et professionnelles du personnel en
charge de la formation. Aucune personne ayant enfreint la loi ou n’étant pas
autorisée à employer des enfants et des jeunes n’est autorisée à former en entre-
prise. Les coûts de cette formation varient en fonction des prestataires et peuvent
ou non être pris en charge par l’entreprise. À ces coûts s’ajoutent pour les entre-
prises le temps de travail du formateur et du personnel mis à disposition pour
la formation de l’apprenti. Dans les entreprises, l’équipe formatrice comprend
souvent des formateurs accrédités en application de la législation mais également
des salariés expérimentés exerçant cette activité de formation et d’accompa-
gnement à titre accessoire.

Insertion sur le marché


du travail
L’insertion des jeunes diplômés immédiatement après une formation
duale en Allemagne n’est pas facile à décrire d’un point de vue statistique. Les
chiffres disponibles ne couvrent qu’en partie la réalité. Nous avons à notre

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dossier

disposition le taux d’embauche par des entreprises et le taux de chômage après


la formation initiale.
Pour l’année 2012, le taux d’embauche suite à une formation initiale
duale s’élève à 66 % en moyenne en Allemagne (BIBB, 2014a). Ce taux atteint
50 % pour les entreprises formatrices de moins de dix salariés et plus de 75 %
pour les entreprises formatrices de plus de cinquante salariés. Beaucoup de
grandes entreprises forment au-delà de leur besoin interne en main d’œuvre
nouvelle. De façon générale, les entreprises considèrent la formation profession-
nelle comme un pré-recrutement ou, comme mentionné ci-dessus, comme un
investissement d’avenir. Deux apprentis sur trois trouvent ainsi un emploi dans
l’entreprise qui les a formés. En 2015, selon une étude du BIBB sur les pratiques
de recrutement dans les domaines de la maintenance de véhicule et des soins
infirmiers au cours des cinq dernières années, environ 55 % des entreprises du
secteur de la maintenance automobile indiquent qu’au moins 30 % de leurs
nouveaux ouvriers qualifiés sont des débutants ayant achevé une formation
professionnelle duale (mécatronicien automobile). Seules 18 % des entreprises
n’ont pas recruté de débutants. Dans le domaine des soins infirmiers, environ
30 % des entreprises n’ont pas recruté de débutants tandis que 26 % des entre-
prises ont recruté au moins 50 % de débutants parmi leurs nouveaux salariés
(au niveau des ouvriers qualifiés) (Grollmann et al., 2016).
Le taux de chômage après une formation initiale était de 31 % en
71
moyenne en 2013 (BIBB, 2015). On observe des différences entre les régions,
avec un taux plus élevé pour la partie orientale (41 %) que pour la partie occi-
dentale du territoire. Ce taux porte sur les inscriptions au registre du chômage
juste après la finalisation de la formation professionnelle. Nombre de jeunes
s’inscrivent au chômage comme phase de transition avant de commencer des
études supérieures, une formation continue (pour obtenir un diplôme de Meister)
ou lorsqu’ils disposent d’une promesse d’embauche non encore réalisée en fin
de formation. Ces statistiques nationales donnent une indication à un moment
précis des parcours individuels professionnels. Les chiffres de l’OCDE indiquent
que sur le long terme, 85 % des personnes ayant entre 25 et 34 ans et un diplôme
de formation professionnelle duale et 79 % des personnes ayant entre 25 et 64 ans
sont actives en Allemagne. La proportion des personnes ayant entre 15 et 29 ans
sans emploi, éducation ou formation s’élève à 10 %, un chiffre inférieur à la
moyenne des pays membres de l’OCDE (15 %) (OCDE, 2014).
Ces statistiques montrent dans leur ensemble que l’insertion sur le
marché du travail pour les diplômés d’une formation duale fonctionne bien.
Lorsque les jeunes ne sont pas employés par l’entreprise qui les a formés, la
capacité d’absorption du marché du travail est une donne importante.

N
N° 71 - avril 2016
41 % des entreprises estiment que le fait de soutenir la tradition de
formation duale est un facteur important de leur motivation et 63 % qu’il s’agit
d’une tâche de responsabilité sociétale (Jansen et al., 2015). Par tradition, fondée
à la fois sur l’expérience historique et sur la loi, les organisations du monde profes-
sionnel sont reconnues comme l’opérateur principal de la formation professionnelle
initiale. C’est aux entreprises que revient l’initiative de recruter les apprentis, de
s’engager en formation et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour la mener
à bien. Leur engagement est largement motivé par leur besoin en main d’œuvre
qualifiée qu’elles recrutent d’autant plus qu’elles connaissent bien les apprentis au
bout de trois ans de formation. 83 % des entreprises interrogées déclarent qu’elles
forment ainsi leurs propres ouvriers et employés qualifiés qui resteront sur le long
terme dans l’entreprise (Jansen et al., 2015). Les organisations syndicales sont
également largement impliquées dans la définition et la mise en œuvre de la
formation professionnelle duale. L’engagement des entreprises dans le système de
formation professionnelle duale reste néanmoins un défi permanent, de leur nombre
dépend largement le succès de la formation professionnelle. Le succès du système
dual en Allemagne est également lié à la structuration du marché du travail et au
fait que l’accès à certaines professions n’est ouvert qu’aux personnes titulaires d’un
diplôme de formation professionnelle duale.

72
Bibliographie
BIBB (2014a) : Datenreport zum Berufsbildungsbericht. Informationen und Analysen
zur Entwicklung der beruflichen Bildung, BIBB Datenreport, Bonn: Bundesinstitut für
Berufsbildung.
BIBB (ed.) (2014b) : Training regulations and how they come about, Schriftenreihe des
Bundesinstituts für Berufsbildung, 6e édition révisée, Bonn: BIBB.
BIBB (2015) : Datenreport zum Berufsbildungsbericht. Informationen und Analysen zur
Entwicklung der beruflichen Bildung, BIBB Datenreport, Bonn: Bundesinstitut für
Berufsbildung.
GOUVERNEMENT FÉDÉRAL (2005) : Loi sur l’enseignement professionnel, Bonn.
GROLLMANN P. et al.(2016) : Muster betrieblicher Rekrutierungs- und Einarbeitungs-
prozesse in ausgewählten Ländern Europas, Abschlussbericht zu Forschungspro-
jekt 1.5.304 (JFP 2011), Laufzeit I/12-II/15, Bonn: Bundesinstitut für Berufsbildung.
JANSEN A. et al. (2015) : Ausbildung in Deutschland weiterhin investitionsorientiert
– Ergebnisse der BIBB-Kosten-Nutzen-Erhebung 2012/13, BIBB-Report, vol. 1/2015,
Bonn: Bundesinstitut für Berufsbildung.
LASSERRE R. (2014) : La formation professionnelle en Allemagne. Dynamiques socio-
économiques et capacités d’adaptation d’un système, Note du Cerfa, n° 112, mai 2014.
MARTINOT B. (2015) : L’apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes Plan
d’action pour la France tiré de la réussite allemande. Institut Montaigne / METI, Paris.
OCDE (2014) : Education at a glance 2014: country note Germany, Paris : Éditions OCDE.
STATISTISCHES BUNDESAMT (2015) : Bildung und Kultur – Berufliche Schulen,
Fachserie 11, reihe 2, Wiesbaden: Statistisches Bundesamt.

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dossier

Améliorer
l’apprentissage
et l’alternance
entre l’école
et le monde du travail
Le cas de l’Italie1

Marta Rapallini
Institut national de documentation
et de recherche éducative (INDIRE), Italie

Contexte économique,
social et de l’emploi
en Italie
L’année 2014 a vu les premiers signes de reprise dans l’Eurozone depuis
la crise de 2008. En effet, le taux moyen de chômage a été pour la première fois
inférieur à celui de l’année précédente (10,2 %)2. En ce qui concerne l’Italie, cet
indicateur est moins bon (12,7 %) et la préoccupation majeure reste celle du 73
chômage des jeunes, qui non seulement a constamment augmenté depuis 2008
mais a dépassé 40 % en 2014. En 2014 toujours, seuls 74,8 % des jeunes euro-
péens entre 20 et 34 ans ont trouvé du travail trois ans après la fin de leurs
études, alors qu’en 2008, ils étaient plus de 80 % ; en Italie, ils ne sont que 45 %.
De plus, s’il est vrai qu’à un niveau d’étude supérieur correspond une
plus forte et meilleure insertion des jeunes dans le marché du travail, ce n’est
pas le cas en Italie, où seuls 53 % des diplômés de la laurea (bac + 3) trouvent
du travail dans les trois années qui suivent la fin de leur diplôme, alors que la
moyenne pour l’Europe à 28 est de 80,5 % en 2014. Seuls 30,5 % des diplômés
italiens sont embauchés trois ans après la fin de leurs études (40,2 % pour les
diplômes professionnels), alors que la moyenne européenne est de 60 %. Le pays
enregistre un retard important également en matière de création de parcours de
niveaux tertiaires non académiques. En effet, si 40 % des jeunes européens entre
25 et 34 ans possèdent l’équivalent de la laurea, ils sont seulement 22 % en Italie.
Cette grande différence est due également à une faiblesse de l’éducation technique
supérieure italienne, qui est assez récente et ne concerne encore qu’un nombre
trop faible d’étudiants.

1. Article traduit par Agnès Pallini-Martin.


2. Données Eurostat 2014.

N° 71 - avril 2016
Abandon scolaire
et « maillon faible »
du système
En Italie, environ 18 % des jeunes de 18 à 24 ans ne sont pas diplômés,
ne possèdent aucune qualification professionnelle et ne fréquentent aucune
formation. L’objectif de l’Union européenne pour 2020 est de réduire cette
proportion à 10 % pour tous les pays européens, ce qui est déjà le cas dans la
majorité des pays.
Si l’on considère les données relatives aux divers parcours d’études, il
apparaît qu’en Italie, 73 % des décrocheurs viennent du système technico-
professionnel (Tuttoscuola, 2014). « Les instituts professionnels3 (IP) semblent
être en particulier le maillon faible du système, avec plus de 50 000 décrocheurs
par rapport aux inscrits cinq ans auparavant » (Conferenza delle regioni e delle
province autonome, 2014). En revanche, comme nous le verrons plus loin,
l’éducation et la formation professionnelles (EFP) 4 est l’un des parcours qui offre
les meilleurs résultats, en particulier en ce qui concerne le décrochage scolaire.

Le second cycle d’éducation


et la formation professionnelle
L’un des objectifs posés par la réforme des lycées, mise en œuvre à la
74 rentrée 2010/2011, a été la volonté de dépasser la dichotomie entre « culture »,
apanage de l’école, et « monde du travail », qui caractérise la formation profes-
sionnelle. En effet, aujourd’hui, les deux systèmes, autant celui de l’éducation
que celui de la formation professionnelle, partagent un même « profil éducatif,
culturel et professionnel » et doivent garantir, à la fin du parcours d’études, un
corpus de résultats sur la base du principe de « l’équivalence des formations »5.
Un autre objectif à la base de la réforme était de diviser l’école d’après l’obli-
gation scolaire en deux segments : d’un côté les lycées préparatoires aux études
universitaires et d’un autre, l’EFP régionale, ce qui aurait dû ressembler au
système dual allemand. Cette séparation n’est pas pleinement réalisée mais elle
a été suffisante pour produire une sorte de « lycéisation » des parcours d’éduca-
tion techniques et professionnels, affaiblissant leur identité et faisant de l’EFP,
comme nous l’avons dit, le maillon faible du système.
Avec l’approbation de la première réforme du titre V de la Constitution6
et de la loi 53/2003, l’ancienne formation professionnelle, qui constituait un
cadre de formation distinct du système scolaire, devient « éducation et formation
professionnelle » (EFP). Le système d’EFP, qui relève de la compétence des

3. Istituti Professionali. (NdT)


4. Istruzione e Formazione Professionale (IeFP). (NdT)
5. « Le profil éducatif, culturel et professionnel de l’étudiant au terme du second cycle du système scolaire d’éduca-
tion et de formation » (annexe A au décret 226/05).
6. Loi du 18 octobre 2001 n° 3.

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régions, expérimenté en 20037, a été appliqué officiellement au cours de l’année


scolaire 2011/2012 comme partie intégrante du second cycle du système scolaire
italien et en tout point égal à lui8.
Actuellement, le système national s’articule en deux « sous-
systèmes » :
– l’éducation secondaire supérieure, de compétence régalienne ;
– l’« éducation et formation professionnelles » (EFP), placées sous la
compétence des régions.
Le premier se compose de parcours d’une durée de cinq ans dans les
lycées (six filières), les instituts techniques (deux secteurs et onze filières) et
instituts professionnels (deux secteurs et six filières). Après le premier cycle
d’éducation (qui correspond à la certification EQF1 de l’European Qualifications
Framework), un jeune peut choisir trois types de parcours :
– le parcours scolaire du système d’éducation secondaire supérieure
dans une école d’État ou sous contrat ; ce parcours dure cinq ans et est sanctionné
par un diplôme d’éducation supérieure EQF4 ;
– le parcours de formation du système EFP, qui dure trois ans (sanc-
tionné par un diplôme professionnel EQF3) ou quatre ans (diplôme professionnel
EQF4) dans des instituts de formation ou des instituts professionnels accrédités
par les régions et qui opèrent dans des voies complémentaires ou intégrées9 ;
– un parcours de formation en apprentissage, qui dure trois ou quatre
ans (sanctionné par une certification ou un diplôme professionnel à partir de 75
15 ans révolus)10.

Éducation et formation
professionnelles
Les parcours d’EFP constituent l’un des canaux par lequel les jeunes de
14 à 17 ans peuvent prétendre au « droit/devoir à l’éducation et à la formation »,
dans le cadre de l’obligation scolaire, et peuvent atteindre au moins une quali-
fication professionnelle avant leurs 18 ans11.
De plus, cela permet à ces jeunes de poursuivre leurs études dans des
parcours de niveau supérieur de la formation : parcours d’éducation et de forma-
tion technique supérieures (Istruzione e Formazione Tecnica Superiore : IFTS) et
parcours des instituts techniques supérieurs (Istituti Tecnici Superiori : ITS).

7. Accord cadre de la conférence État-région du 19 juin 2003.


8. Accord de la conférence État-région du 26 avril 2010.
9. Les « instituts de formation » sont les structures de formation accréditées par les régions pour répondre au droit/
devoir à l’éducation et à la formation, en particulier le respect de l’accomplissement de l’obligation scolaire,
règlement du ministère de l’éducation n° 139/07. Les régions (et les provinces autonomes), dans leurs procédures
d’accréditation des instituts de formation, à gestion autonome, suivent un cadre de référence national.
10. Décret du 14 septembre 2011 n° 167 : « Texte unique sur l’apprentissage ».
11. Les enfants sont soumis à l’obligation scolaire entre 6 et 16 ans, alors que la formation scolaire est un droit/devoir
des jeunes qui ont terminé la scolarité obligatoire, à recevoir une formation jusqu’à l’âge de 18 ans.

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Comme nous l’avons vu, l’EFP relève des compétences exclusives des
régions. Cela signifie que, une fois fixés les « standards communs » de l’État,
c’est-à-dire les niveaux essentiels de performances12, chaque région définit, sur
la base des spécificités de son territoire, son système d’EFP13.
Les régions ont la mission fondamentale de programmer l’offre de
formation, autant pour les parcours scolaires que pour l’EFP. Outre les régions,
qui dialoguent et se concertent avec les différents acteurs des territoires, deux
ministères sont engagés dans la définition, le financement et le suivi des parcours
d’EFP : le ministère de l’éducation, de l’université et de la recherche et le minis-
tère du travail et des politiques sociales.
En effet, la définition des profils de qualification, des parcours, des stan-
dards minimaux de formation, des compétences de bases et des compétences
technico-professionnelles communes et spécifiques, en cohérence avec l’European
Quality Framework (EQF), sont le résultat d’accords entre les régions et l’État
(conférences État-région)14. Les qualifications et les diplômes professionnels, de
compétence régionale, sont reconnus à un niveau national et communautaire,
regroupés dans un répertoire national. Il existe 22 parcours de formation de trois
ans pour acquérir une qualification professionnelle (EQF3) et 21 parcours de
formation de quatre ans (3+1) pour acquérir un diplôme professionnel (EQF4).
Ces formations peuvent être assurées par :
– les instituts de formation accrédités par les régions et dont la mission
76 est de proposer ces formations ;
– les instituts professionnels accrédités, qui ont la possibilité de proposer
une offre de formation qui sera 15 soit « intégrée », pour les étudiants inscrits
dans les parcours de cinq ans et qui peuvent obtenir, au terme de la troisième
année, une qualification professionnelle, soit « complémentaire », pour les
étudiants qui s’inscrivent à des cours différents de ceux proposés mais qui
répondent aux standards régionaux de l’EFP.
Les cours d’EFP se composent de 1 000 heures réparties entre une activité
en classe, en atelier de pratique et un stage de fin de première année. L’EFP est
un système qui, par nature, a une forte composante d’alternance école/monde
du travail. Ce système s’appuie sur une didactique par compétences, reconnaît
la valeur formatrice du travail et s’appuie en général sur un lien étroit entre
l’école et l’entreprise.

12. Définis au paragraphe III du décret 226/2005.


13. La modification constitutionnelle actuellement en débat au Parlement modifiera les compétences dans le cadre
de l’EFP.
14. Accord en conférence État-région de juillet 2011, mis à jour dans l’accord de janvier 2012.
15. Entente en conférence État-région de décembre 2010.

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dossier

Résultats
des parcours d’EFP
Les données de l’année scolaire 2013-2014 confirment la tendance à la
croissance des cours d’EFP depuis leur création (ISFOL, 2015b). Le nombre total
d’inscrits aux parcours triennaux est de 316 000, en augmentation par rapport
à la précédente année scolaire. Le nombre d’inscrits en EFP rejoint pratiquement
le nombre d’inscriptions dans les instituts professionnels (figure 2).
Le système d’EFP présente de grandes différences entre le nord, le centre
et le sud si l’on considère les établissements d’affectation : dans les régions du
sud, l’EFP est confiée, à pratiquement 90 %, aux établissements scolaires (alors
que le projet prévoyait pour les écoles un rôle d’insertion et de complémentarité).
Dans le Nord, 60 % des cours d’EFP sont confiés à des agences de formation
accréditées. Si l’on prend en compte les seules régions italiennes, on constate
une augmentation des inscrits dans 18 régions sur 22 ; les Pouilles, la Calabre
font exception. En général, l’augmentation la plus importante a lieu dans le
Centre-Nord, en particulier pour les inscrits dans les établissements scolaires
plutôt que dans les établissements de formation. On observe également que 50 %
des jeunes trouvent un emploi et que 42,1 % sont au chômage16.
Les jeunes sortant des instituts de formation et en situation d’emploi
représentent 55 %, alors que les jeunes qualifiés du système scolaire sont 38 %.
77
Figure 1. Inscrits en 2003-2014 dans les parcours d’EFP (3 ans)
et aux cours des instituts professionnels (5 ans) par années de formations

600 560 138


525 399
500

400

300
316 018
200

100
72 034
0
04

/10

/11

/12

/13

/14
/0

/0

/0
/0

/0

10

12
11

13
/

09
04

06
03

08
05

07

20
20

20

20
20
20

20
20

20

20

20

EFP IP

Source : ISFOL (2015b)

16. D’après une recherche de l’ISFOL qui a concerné 5 000 diplômés de parcours de trois ans en 2008/2009, inter-
rogés plus de trois ans après l’obtention de leur diplôme.

N° 71 - avril 2016
[Ces parcours, tout en étant attractifs pour] « une population faible, du point
de vue socio-culturel, réussissent également à attirer des jeunes qui choisissent
ces parcours, pas seulement à la suite d’échecs scolaires mais de plus en plus
par vocation, et ce immédiatement après le cycle I de la scolarité. (ISFOL, 2015b)

Figure 2. Inscrits en EFP en première Les cours d’EFP prouvent qu’ils


année des instituts de formations sur un sont efficaces pour lutter contre l’abandon
total d’inscrits par années de formation, précoce des études17, même s’ils souffrent
2010-2014 (en %)
d’un manque de visibilité pour les familles
100 italiennes (Scalmato, 2014).
90
80
Il faut également admettre que
70 l’EFP reste encore un système incomplet,
60
50 fragmentaire et peu solide économique-
40 ment. La compétence exclusive régionale,
30
20 en l’absence d’une définition des niveaux
10
0
essentiels de performances et d’un suivi
2002/03
2003/04
2004/05
2005/06
2006/07
2007/08
2008/09
2009/10
2010/11
2011/12
2012/13
2013/14

systématique des résultats de la part du


gouvernement, a permis à quelques
régions seulement d’organiser correcte-
Source : ISFOL ment le système d’EFP.

Financement
78
Le financement de l’EFP a atteint en 2012 environ 880 millions d’euros,
répartis ainsi :
– 27,2 % de fonds étatiques, dont 21,5 % à charge du ministère du
travail et des politiques sociales et 5,7 % à charge du ministère de l’éducation,
de l’université et de la recherche ;
– 72,8 % provenaient de financements régionaux et européens (44,2 %
et 28,6 % respectivement).
Les financements transférés par l’État aux régions sont en constante
diminution, préfigurant un avenir incertain de l’EFP. De plus, la dualité entre
instituts de formation et écoles, dans un tel contexte de sous-financement, loin
de créer une synergie positive, fait émerger une tendance favorable aux établis-
sements scolaires motivée par la pénurie de financements plutôt que par l’exi-
gence d’améliorer les performances, comme les résultats le montrent.
En effet, les parcours en ISS (enseignement secondaire) sont entièrement
pris en charge par l’État, alors que les parcours dans les instituts de formations
sont à la charge des régions. La révision constitutionnelle, actuellement en cours
d’examen au Parlement, pourrait introduire des modifications importantes dans
la gouvernance et de ce fait dans le financement de l’EFP.

17. Une enquête de la Chambre des députés souligne la capacité à remotiver les jeunes par « modèle pédagogique
et didactique ancré dans les meilleures expériences de l’EFP et comparé à l’abandon scolaire (personnalisation,
tutorat, didactique active) » (Camera dei Deputati, 2014).

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dossier

L’EFP à la lumière
de la nouvelle réforme
constitutionnelle
La réforme constitutionnelle actuellement examinée au Parlement italien
aura des répercussions sur le système d’EFP car elle se donne pour objectif le
dépassement de la concurrence des compétences entre l’État et région. Cela
signifie que l’État aura une compétence législative exclusive sur les « dispositions
générales et communes sur l’éducation et la formation professionnelle » comme
pour l’éducation et d’autres thématiques, et les régions une compétence rési-
duelle18. De plus, aux domaines de compétences législatives exclusives des régions
a été ajoutée la formation professionnelle (avec la suppression des mots « et
éducation et formation professionnelle »). De cette manière, la formation profes-
sionnelle, devenue une compétence exclusivement régionale, ne concernera plus
les domaines de l’éducation, y compris les établissements d’éducation et de
formation techniques supérieures (Istruzione e Formazione Tecnica Superiore :
IFTS) et les instituts techniques supérieurs (Istituti Tecnici Superiori : ITS), mais
ne concernera que la formation continue, à distance et à destination des adultes.
Cette interprétation interroge sur la possibilité de la distinguer des politiques
actives pour l’emploi qui relèvent de l’État (Alulli, 2015).
Cette innovation intègre les critiques d’un système qui a produit 21 systèmes
régionaux différents, que ce soit sur le plan qualitatif ou en raison des objectifs
79
définis. Au final, l’EFP a été également insérée dans le « régionalisme différencié »,
c’est-à-dire dans ces domaines pour lesquels les régions, sur une demande explicite
et avec une loi d’entente, pourraient obtenir de plus grandes compétences législa-
tives et administratives19. Cette disposition particulière permettra de ne pas perdre
des résultats importants en termes de qualité de formation et de gouvernance du
système que seules quelques régions avaient atteints.

Relations entre l’école


et le monde du travail
D’importants changements institutionnels récents ont orienté le système
vers une plus grande collaboration entre école et monde du travail, soutenus par
un développement de l’autonomie des établissements comme la création
d’établissements polytechniques professionnels (Poli Tecnico-Professionali) et
d’instituts techniques supérieurs (ITS), et en favorisant la création de parcours
de formation commune, et en particulier :
– le développement de l’offre de formation par alternance école-travail,
prévue dans la loi intitulée « Bonne école » 20 ;

18. « Dans chaque domaine qui ne relève pas expressement de la compétence exclusive de l’État », Constitution
italienne, article 117, alinea 3, dernier paragraphe.
19. Constitution italienne, article 116, alinea 1, lettre o.
20. Loi du 13 juillet 2015 n° 107.

N° 71 - avril 2016
– la valorisation de l’apprentissage par l’acquisition d’un diplôme
d’éducation secondaire supérieure sur la base des nouveautés introduites dans
le « Jobs Act »21 ;
– le développement de la formation tertiaire non universitaire.

Alternance école-travail
L’alternance école-travail consiste en la réalisation de parcours prédé-
finis, mis en œuvre, vérifiés et évalués, sous la responsabilité de l’institution
scolaire ou de formation, sur la base des conventions spécificiques avec les entre-
prises, les associations de représentants, les chambres de commerce, d’industrie,
d’artisanat et d’agriculture ou avec les organismes publics et privés, y compris
ceux du secteur tertiaire, disponibles pour accueillir les étudiants pour une
période d’apprentissage en situation de travail, qui ne constituent pas un contrat
de travail. Le nouveau règlement introduit l’alternance école/travail dans l’offre
de formation de toutes les filières des établissements scolaires de second degré
comme faisant partie intégrante des parcours scolaires, modifiant substantiel-
lement la nature de la réponse à la demande individuelle de formation de la part
des étudiants ; l’alternance est maintenant introduite dans le parcours scolaire
et devient une composante structurelle de la formation.
La nouvelle alternance prévoit un modèle de projet commun de la part
de l’école et de l’entreprise, en partant de la reconnaissance des exigences et des
80
besoins en formation propres au territoire, en cohérence avec les filières produc-
tives qui travaillent avec les établissements polytechniques professionnels là où
ils sont présents, pour arriver à la définition des formations.

Vers l’éducation tertiaire


non universitaire
La loi 144/99 a prévu, « pour requalifier et développer l’offre de formation
destinée aux jeunes et aux adultes, non chômeurs et chômeurs (…) le système
d’éducation et de formation techniques supérieures (IFTS) ». Il s’agit d’un système
géré par les régions. L’idée était d’accoler au système universitaire un système
d’éducation technique supérieure, comme celui créé dans d’autres pays dans les
années soixante-dix, tel que les Fachhochschulen allemandes. La grande différence
est que cette expérience n’a en Italie pas donné vie à des institutions durables. Il
s’agit en effet d’un système qui ne s’est jamais vraiment développé.
Les 82 ITS actuels sont une nouveauté dans le panorama italien : ils ont
été créés en 2008 comme une évolution des IFTS, dans la volonté de d’améliorer
le système 22. En effet, la loi prévoit la création d’une « fondation de partici-
pation » qui implique, outre l’école, une institution de formation régionale, un

21. Décret du 15 juin 2015, n° 81.


22. Décret du Président du Conseil du 25 janvier 2008.

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dossier

organisme de recherche, une collectivité locale et une entreprise à laquelle est


confiée la présidence de la fondation. Le financement étatique est stable, à la
différence des IFTS. Les résultats en termes d’insertion dans le monde du travail
dans l’année qui suit la fin de la formation sont très encourageants (près de
80 %). Les ITS touchent environ 300 entreprises sur le territoire.

Les établissements
polytechniques professionnels
(Poli Tecnico-Professionnali)
Il s’agit d’une innovation institutionnelle qui développe tous les
processus décrits plus haut. Bien qu’ils aient été créés par la même loi qui insti-
tuait les ITS23, ils ne sont devenus opérationnels qu’en 201224.
Les Poli représentent une modalité opérationnelle du partage des ressources
publiques et privées disponibles, et également les moyens pour rendre plus effi-
ciente et efficace l’utilisation des espaces de souplesse organisationnelle des
institutions scolaires et de formation, en utilisant les moyens prévus par les
systèmes en vigueur. 25
Pour la constitution d’un pôle, au moins deux instituts techniques et
professionnels doivent s’unir, ainsi que deux entreprises, un institution de
for mation régionale, un IST, à travers un accord de réseau définissant les objec-
tifs, les structures et les processus décisionnels.
81
Les entreprises
Les entreprises sont impliquées à différents niveaux et de différentes
manières dans la définition des profils régionaux de l’IFP, afin que ces profils
aient les caractéristiques essentielles qui correspondent aux compétences prévues
et demandées par le marché du travail. Elles sont également impliquées dans la
réalisation des stages en entreprises, qui sont des éléments essentiels du processus
de formation dans le cadre de l’EFP.
Cependant, cette implication n’est pas comparable à celle présente dans
d’autres modèles de formation professionnelle (comme le modèle dual allemand),
dans lesquels les entreprises sont impliquées également dans la définition du
contenu de l’offre de formation et dans l’approche méthodologique.

Une évaluation comparée


du modèle italien d’EFP
Dans une recherche récente, Busemeyer et Trampusch présentent une
vue d’ensemble qui porte sur environ vingt années de recherche comparée sur

23. Loi n° 40 du 31 janvier 2007.


24. Décret du 9 février 2012, n° 5, article 52.
25. Feuille de route pour réaliser les mesures de simplication et de promotion de l’éducation technique et profession-
nelle : accord en conférence unifiée de septembre 2012.

N° 71 - avril 2016
les systèmes de formation des compétences dans les économies de marché
contemporaines (Busemeyer et Trampusch, 2012). Pour en proposer une classi-
fication, ils suggèrent de prendre en considération la manière dont se comportent
les acteurs essentiels qui ont en charge les coûts de formation : les institutions
publiques et les entreprises. Il obtiennent le schéma suivant :

Figure 3. Typologie du système de formation des compétences

Implication des entreprises dans la formation


professionnelle initiale

peu élevée élevée

Systèmes étatiques Systèmes collectifs


élevée
Implication de l’État (France, Suède) (Allemagne)
dans la formation professionnelle Systèmes libéraux Systèmes segmentés
peu élevée
(États-Unis) (Japon)

Source : Busemeyer et Trampusch (2012).

Les quatre zones représentent quatre typologies différentes. La colonne


de gauche caractérise les systèmes à faible contribution des entreprises. La cellule
en haut à gauche en particulier, définie par Busemeyer et Trampusch « d’éta-
82 tique » est caractérisée par un fort investissement de l’État dans la formation des
compétences. Les pays à systèmes « étatiques » sont la France et les pays scandi-
naves (à l’exception du Danemark). Les entreprises y restent en dehors de la
gestion du système et contribuent d’une manière autonome, en particulier avec
des stages et des apprentissages. Elles ont de faibles charges et de grands béné-
fices : sans investir beaucoup et en économisant sur la formation initiale du
personnel, elles parviennent à des profils qualifiés formés sur financement de
l’État.
En bas à gauche, se trouvent les systèmes dits « libéraux », c’est-à-dire
les États-Unis, l’Irlande et une partie du Royaume-Uni. Dans ces systèmes égale-
ment, la production des compétences est confiée exclusivement à la puissance
publique mais ici, les curricula sont généralistes et non professionnalisants. Les
entreprises embauchent des diplômés et des lauréats ayant de solides compétences
technico-professionnelles et socio-relationnelles et contribuent à leur formation
en complétant leur compétence « sur le tas ».
Dans la colonne de droite se trouvent les deux systèmes dans lesquels
les entreprises investissent le plus. En haut à droite, figurent les systèmes « collec-
tifs », parmi lesquels se détache l’Allemagne. La formation des compétences se
situe dans un système intégré entre école technico-professionnelle et entreprises,
défini comme « système dual ». Les entreprises, à travers les associations profes-
sionnelles, c’est-à-dire les acteurs publics non étatiques, participent avec l’État
à la gestion du système.

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dossier

La cellule en bas à droite regroupe les systèmes de type « segmenté »,


dont le Japon est l’exemple le plus significatif. Dans ces systèmes, les entreprises
sont protagonistes de la formation des compétences en mettant en œuvre
d’importants investissements dans la formation initiale des employés (corporate
university par exemple). Ballarino (2013) soutient que le système italien peut
être inséré dans le système « libéral », étant caractérisé par des investissements
peu importants dans la formation professionnelle tant de la part de l’État (y
compris les régions) que des entreprises. On assiste en fait à une tendance à une
« lycéisation » des instituts professionnels et de l’EFP, et les entreprises puisent
dans les écoles en formant au fur et à mesure, « sur le tas », les compétences
dont elles ont besoin.
Cependant, d’une part, l’alternance école-travail s’étend et est renforcée
par la loi 107/2015 qui prévoit – tout au moins dans l’intention du législateur –
également une cogestion plus importante des processus de formation, et d’autre
part, la formation professionnelle est intégrée plus profondément au système
scolaire, comme le prévoit la loi de révision constitutionnelle actuellement en
examen au Parlement, ce qui entraîne un investissement plus important de l’État
dans la formation professionnelle.
À ceci s’ajoute l’autonomie scolaire26, trait identitaire du système scolaire
italien, renforcé par les récentes normes de réduction des dépenses qui ont favo-
risé l’unification des écoles et entraîné une extension et un accroissement des
compétences des chefs d’établissement. 83
En définitive, les nouveaux instituts nés dans le cadre de l’éducation et
de la formation technique supérieure sont caractérisés par une forte centralité
des établissements scolaires, dont le rôle devient moteur en matière d’intégration
des réalités productives, de formation supérieure et de formation scolaire. Ces
éléments devraient garantir une relation renforcée et plus stable des entreprises
aux écoles, contrastant avec la dérive de « lycéisation » que connaît actuellement
l’éducation technique et professionnelle.
Ballarino, en analysant l’alternance école-travail telle qu’elle a été définie
jusqu’en 2013, observe que celle-ci n’est pas suffisante pour configurer en Italie
un système dual de type allemand (ou « collectif » dans le schéma de Busemeyer
et Trampusch), parce qu’il manque une co-gestion des acteurs de la société ; dans
le système allemand, les parcours de l’école et du travail ne sont pas simplement
alternés mais intégrés.
Selon nous, une meilleure intégration entre école et travail dans le cadre
d’une responsabilité de l’État plus forte dans une école publique fondée sur la
présence interne d’une forte filière technico-professionnelle est la meilleure voie
pour l’Italie, alors que les entreprises de ce pays ne sont actuellement pas en
mesure d’augmenter leurs investissements dans la formation des compétences.

26. Décret du Président de la République n° 275 du 8 mars 1999, « Règlement de l’autonomie scolaire », qui définit
l’autonomie comme didactique, organisationnelle, de recherche, d’expérimentation et de développement.

N° 71 - avril 2016
Les régions, grâce à leur plus grande capacité de dialogue avec le secteur
productif et les acteurs sociaux du territoire, restent un acteur institutionnel
privilégié dont l’implication doit être attentivement redessinée dans le nouveau
cadre institutionnel qui sera mis en œuvre après la réforme constitutionnelle.
La voie italienne de la formation professionnelle ne peut que combiner l’action
de l’État et des autres acteurs, dans un contexte où les institutions territoriales
(régions et collectivités locales) sont fortement connectées aux entreprises.

Bibliographie
ALULLI G. (2015) : « Chi governerà la formazione professionale dopo la riforma della
Costituzione ? », Il Sole24Ore, 11 février 2015.
BALLARINO G. (2011) : Modelli di istruzione e formazione professionale. La Toscana
nel quadro delle principali esperienze italiane e internazionali, Florence : IRPET.
BALLARINO G. (2013) : Istruzione, formazione professionale, transizione scuola-lavoro.
Il caso italiano in prospettiva comparata, Florence : IRPET.
BUSEMEYER M. et TRAMPUSCH R. (2012) : « The Comparative Political Economy
of Collective Skill Formation », in Busemeyer M., Trampusch R. (coord.), The Poli-
tical Economy of Collective Skill Formation, Oxford : Oxford UP, p. 3-38.
CAMERA DEI DEPUTATI (2014) : Indagine conoscitiva sulle strategie per contrastare
la dispersione scolastica, 7° Commissione Cultura, Scienza e Istruzione, Atti Parlamen-
tari XVII Legislatura, Rome.
84 CEDEFOP (2014) : Relazione sull’istruzione e la formazione professionale (IFP) in
Italia, Centro europeo per lo sviluppo della formazione professionale (Cedefop),
Luxembourg : Office des publications de l’Union européenne.
CNOS-FAP (2014) : « Istruzione e Formazione Professionale », dossier, septembre 2014.
ESPOSITO M. : Istruzione Statale e Formazione Professionale nell’assolvimento dell’ob-
bligo scolastico : pluralismo o concorrenza ? [www.edscuola.it].
GAMBIN L. (2009) : Initial vocational education and training (IVET) in Europe :
Review, Thessalonique (Grèce) : CEDEFOP.
IRPET (2014) : La formazione per lo sviluppo della Toscana. Analisi e proposte, octobre
2014.
ISFOL (2015a) : Relazione ex Lege 845/78 Art. 20 sullo stato delle attività di Forma-
zione Professionale Annualità 2013-2014, octobre 2015, Rome.
ISFOL (2015b) : Rapporto sul sistema IeFP, septembre 2015, Rome.
ISFOL (2015c) : Istruzione e Formazione Professionale una chance vocazionale A.F.
2013-2014. XIII Rapporto di monitoraggio delle azioni formative realizzate nell’ambito
del diritto-dovere, mars 2015, Rome.
CONFERENZA DELLE REGIONI E DELLE PROVINCE AUTONOME (2014) : Per un
sistema educativo professionalizzante in Italia, approuvé le 27 novembre 2014.
SCALMATO V. (2014) : Disinformazione di sistema. Prima indagine ISFOL sulla conos-
cenza del sistema educativo, Rome : ISFOL.
TUTTOSCUOLA, Dispersione nella Scuola secondaria superiore, dossier, juin 2014.

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dossier

L’enseignement
professionnel au cœur
des innovations
Le cas de la France

Michel Rage
Inspection générale de l’éducation nationale

Le modèle français d’enseignement technique apparaît à plus d’un titre


original par rapport à la plupart des systèmes étrangers. Trois particularismes
nationaux ont contribué, chacun à leur manière, à en former l’image.
1) La rupture introduite dans le système de formation corporatiste par
le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier (1791) : en rupture avec l’ancien système
d’apprentissage proche des métiers, elle permet le développement d’un ensei-
gnement scolarisé des techniques, puis des technologies ce qui rend la situation
française sensiblement différente du système allemand.
2) La difficulté à dépasser, sur le plan culturel, les représentations néga-
tives associées au monde du travail et de la production. La vieille distinction
entre les arts libéraux et les arts mécaniques est toujours présente. La définition 85
de « mécanique » dans l’édition de 1865 du dictionnaire de conversation comme
« adjectif désignant les professions qui semblent demander plus au bras qu’à
l’intelligence » marque aujourd’hui comme hier l’image de l’enseignement tech-
nique et surtout professionnel et constitue, en France, un handicap à son
développement.
3) L’ambivalence des milieux professionnels, qui revendiquent la respon-
sabilité de la formation professionnelle, tout en se montrant rapidement très
réticents à la prendre en charge dans sa totalité et dont la culture de l’appren-
tissage reste très limitée.
Ces particularités rendent compte des péripéties de l’histoire de l’ensei-
gnement technique. Depuis quelques décennies, on ne peut plus parler d’un
enseignement technique autonome mais plutôt de voies et filières du système
éducatif qui préparent leurs élèves à des diplômes technologiques ou profession-
nels. Elles restent néanmoins mal connues et font parfois l’objet de critiques tant
internes qu’externes malgré les richesses dont elles sont porteuses, en particulier
sur le plan pédagogique : intégration interactive des aspects théoriques et
pratiques de la formation, implication des élèves dans des activités de projet,
relations diversifiées et enrichissantes avec les milieux professionnels.
L’histoire nous rappelle qu’un système d’enseignement est toujours le
fruit des débats, des contingences, des volontarismes et des peurs de son époque,
et ne saurait donc être figé. Si les mêmes débats ressurgissent, c’est sans doute

N° 71 - avril 2016
que les équilibres entre professionnalisation et formation générale requièrent des
arbitrages, des compromis variables selon les époques.
Les divers arguments avancés depuis la naissance de la formation profes-
sionnelle, par les principaux protagonistes en présence pour instaurer des certi-
fications ayant une valeur nationale ou, au contraire, pour maintenir et développer
des certifications spécialisées à telles ou telles branches économiques, montrent
la difficulté à imposer une certification unique validant l’acquisition de
compétences.
Jusqu’au début du XIXe siècle, le seul modèle existant était celui du
compagnonnage. Dès 1880 et la création des écoles manuelles d’apprentissage,
l’éducation et l’industrie s’opposent sur la tutelle de l’enseignement professionnel
et technique. La problématique est longtemps – toujours ? – restée la même :
une formation dont les contenus permettent une opérationnalité immédiatement
ou une formation incluant plus d’enseignements généraux pour accroître le
potentiel d’évolution.
C’est après la Deuxième Guerre mondiale que se met en place la struc-
ture actuelle par niveaux de formation, le technique court (CAP, BEP), le tech-
nique long (baccalauréats technique et des sciences et techniques) et les écoles
d’ingénieur. Les trente années d’après guerre ont été marquées par une croissance
économique exceptionnelle permettant aux enseignements technique et profes-
sionnel de constituer des voies d’accès aux études prolongées pour les jeunes
86 majoritairement issus des classes populaires. Ces enseignements ont permis,
durant cette période, une mobilité sociale importante par les promotions de
carrière. L’intégration de la formation professionnelle dans l’appareil scolaire et
la massification d’une poursuite d’étude au sein de la voie générale érigée en
politique, en fixant l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalau-
réat, ont mis fin à cet âge d’or. La création du baccalauréat professionnel, au
début des années 1980, est une réponse à une demande de l’Union des industries
métallurgiques et minières (UIMM), qui s’inscrit dans le cadre d’une politique
scolaire instituant le baccalauréat en norme, appliquée à tous les secteurs profes-
sionnels. Cette création marque le développement d’une réflexion influençant
encore aujourd’hui la structuration des filières technolog iques et
professionnelles.
Historiquement les premières certifications adoptées concernent un petit
nombre de formations : celles proposées par les écoles pratiques de commerce
et d’industrie (EPCI) et les écoles nationales professionnelles (ENP), qui devien-
dront des lycées techniques, sont censées former des ouvriers instruits, aptes à
devenir contremaîtres et chefs d’atelier. Mais leur généralisation à l’apprentissage
d’un métier reste controversée jusqu’en 1919. C’est en effet à cette date que la
loi Astier institue le certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Ce dernier
succède au certificat de capacité professionnelle (créé en 1911), qui devait
permettre de reconnaître les connaissances pratiques, théoriques et techniques
possédées par ses titulaires. Mais si le diplôme est finalement retenu comme

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dossier

mode de certification des formations professionnelles avant la Seconde Guerre


mondiale, les modalités de sa délivrance, l’organisation des examens ont continué
à dépendre des contingences locales jusqu’à la fin des années 1930. C’est donc à
la faveur d’une conjoncture politique qui renforce le pouvoir de l’État républicain
et d’une évolution du marché du travail que la délivrance des diplômes et leur
organisation sont devenues le monopole de l’État. Désormais, les représentants
des organisations professionnelles patronales sont seulement associés à leur
élaboration et à celle des examens qui leur sont attachés. L’adoption des diplômes
nationaux, sorte de mesure de la valeur d’échange sur le marché du travail, ne
s’accompagne pas d’une disparition des certifications professionnelles, mais
celles-ci ne sont généralement que des spécifications de ceux-là.
C’est à la Libération que se mettent en place les bases de l’organisation
actuelle des formations professionnelles scolarisées. Les centres d’apprentissages,
futurs collèges des enseignements techniques (CET), puis lycées d’enseignement
professionnel (LEP) et enfin lycées professionnels (LP) sont destinés à la
for mation des ouvriers et se posent en concurrents directs de l’apprentissage.
Les collèges techniques et les écoles nationales professionnelles (ENP) sont exclu-
sivement consacrés à la formation de techniciens, annonçant leur transformation
en lycées techniques en 1959. Parallèlement l’AFPA 1 est organisée dès 1945 et
vise plus particulièrement la formation d’adultes.

87
Commissions
professionnelles
consultatives et diplômes
garantis par l’État
De 1945 à 1985, en accompagnant la massification de la scolarité obli-
gatoire, l’enseignement professionnel a connu un accroissement ininterrompu
de ses effectifs jusqu’à scolariser 30 % des lycéens, l’enseignement technique
progressant également mais de manière moins spectaculaire. Afin de réglementer
les formations professionnelles et de standardiser leur mode de certification à
l’échelle nationale, l’État crée en 1948 les commissions nationales professionnelles
consultatives, qui deviendront les commissions professionnelles consultatives
(CPC) actuelles. Structurées par branches d’activités, les CPC peuvent modifier,
créer ou supprimer des diplômes en fonction des besoins manifestés par les
représentants des professions.
On compte de nos jours quatorze CPC relevant du ministère de l’éducation
nationale, cinq du ministère de l’emploi et de la solidarité, une du ministère des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, une du ministère de la jeunesse et des

1. L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) est un organisme français de for-
mation professionnelle au service des régions, de l’État, des branches professionnelles et des entreprises. Elle
propose des formations qualifiantes sanctionnées par un titre professionnel du ministère du travail.

N° 71 - avril 2016
sports et une relevant de l’agriculture. Elles sont amenées à définir des profils
d’emplois, des contenus de formations et des règlements d’examens. Elles sont le
lieu de concertation entre le ministère (direction générale de l’enseignement scolaire
et inspection générale pour l’éducation nationale), le ministère du travail, les
représentants des organisations patronales et ouvrières, des syndicats d’enseignants
et des parents d’élèves. Les diplômes négociés dans les CPC, reconnus dans les
conventions collectives et garantis par l’État, jouent le rôle de véritables instruments
de mesure de la qualification. Les diplômes professionnels de l’éducation nationale
sont automatiquement inscrits au répertoire national des certifications profession-
nelles (RNCP) du fait de l’existence des CPC. Le référentiel des activités profes-
sionnelles (RAP), présent dans tous les diplômes, garantit la légitimité des diplômes
professionnels auprès des employeurs et des salariés français, en déclinant les tâches
couvertes par les activités visées par le diplôme ; constitue un langage commun
pour les échanges entre tous les acteurs de la formation et de la certification profes-
sionnelle ; fournit une référence concrète pour l’évaluation des compétences.
C’est donc à partir des activités professionnelles correspondant à des
processus de travail, décomposées en tâches (ensemble d’opérations élémentaires
mises en œuvre pour réaliser le travail prescrit) que nous pouvons établir des
relations avec les compétences2 professionnelles.

88
Diplômes,
titres et certifications
Le paysage de la formation professionnelle a été bouleversé dans les
années 1980. Les entreprises adoptent de nouvelles organisations du travail et
de gestion de la main d’œuvre rompant avec l’organisation « taylorienne ». On
passe ainsi d’une logique « un homme, une machine » à « un système, une
équipe » et les premières révolutions techniques dues au numérique font leur
apparition. L’État crée alors un nouveau diplôme, le baccalauréat professionnel
donnant naissance à un nouveau type d’ouvrier qualifié dont les entreprises
attendent une maîtrise élargie des compétences techniques, une aptitude à
travailler en équipe et une véritable culture industrielle. Il faut insister sur la
profonde mutation qu’ont subie les lycées professionnels, par l’élévation du
niveau des qualifications d’une part, et de l’autre par les exigences d’apport de
culture générale dues au choix stratégique d’un baccalauréat et non d’un quel-
conque diplôme professionnel. Les enseignants se sont formés, ont su intégrer
les évolutions techniques et ont conservé les pratiques pédagogiques. Cette
élévation du niveau de qualification conjugué à l’objectif proclamé de 80 % d’une

2. L’Association française de normalisation (AFNOR) a proposé une normalisation de la mesure des compétences
souscrivant, en les approfondissant, aux préconisations du fascicule de documentation FD X50-183. Cette norme est
complétée par les définitions suivantes : « la compétence est “une capacité éprouvée à mettre en œuvre des connais-
sances, des savoir-faire et comportements en situation d’exécution. C’est la capacité éprouvée à résoudre des pro-
blèmes dans un contexte donné” ».

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

classe d’âge au niveau du baccalauréat a contribué à la modification profonde


de l’offre de formation professionnelle. Les CAP ont été progressivement aban-
donnés au profit d’un cursus BEP – baccalauréat professionnel. Le taux d’accès
dans les formations CAP passe ainsi de 15 % d’une classe d’âge en 1981 à 1,5 %
en 1991. Le CAP perd son identité de premier diplôme qualifiant, se prépare
principalement par apprentissage et devient, excepté pour l’artisanat et dans
quelques spécialités porteuses d’emploi à ce niveau (électricité, restauration par
exemple), réservé à certaines catégories d’activités peu valorisantes ou destiné à
offrir une formation minimale aux exclus de l’école.

Graphique 1. Filière chaudronnerie : évolution des flux entrants et sortants de 1997 à 2013
pour la voie scolaire
6000
1re année CAP
2de année BEP / Seconde bac pro (3 ans)
5000
Terminale bac pro (2 ou 3 ans)
1re année BTS
4000
Expérimentation bac pro 3 ans
3000
Généralisation bac pro 3 ans

2000
89
1000

0
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
20

20
20
20

20
19

20

20
20
20
19
19

20

20
20

20
20

La chute des effectifs de BEP est spectaculaire mais l’effet du passage en trois ans du baccalauréat professionnel
a réussi à inverser la courbe et permis le redressement des CAP, dorénavant seuls diplômes de niveau V et qui
représentent en moyenne 25 % des entrants post troisième en lycée professionnel. Les effectifs en BTS sont
stables, grâce à la présence de plus en plus importante des baccalauréats professionnels (en moyenne 25 % du
flux d’entrée, tous BTS confondus mais avec de fortes variations selon le champ d’activités).

D’une façon générale, au niveau individuel, l’obtention d’un diplôme


demeure « rentable » en termes d’insertion sur le marché du travail, même si son
rendement relatif s’est érodé depuis vingt ans. Les constats sont structurels et
constants depuis deux décennies : le niveau de diplôme des individus est le facteur
prépondérant d’insertion professionnelle et de positionnement au sein du marché
du travail. Plus le niveau de formation augmente, plus les difficultés d’insertion
professionnelle décroissent. Diverses études de l’Insee et du Céreq le montrent, les
jeunes diplômés restent moins longtemps au chômage ; ils se placent à de meilleurs
postes et sont globalement mieux rémunérés que les non-diplômés.

N° 71 - avril 2016
Un titre professionnel est une certification professionnelle délivrée par
le ministère chargé de l’emploi. Il en existe environ 260, tous enregistrés dans le
Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Un titre profes-
sionnel est constitué d’une ou plusieurs unités représentant chacune un ensemble
cohérent de compétences, aptitudes et connaissances : les certificats de compé-
tences professionnelles (CCP).
Le compromis établi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui
met le diplôme en adéquation avec la formation et l’associe à la détermination
des grilles de classification dans les conventions collectives, est toujours resté
l’objet de discussions et de tentatives d’infléchissements de la part des milieux
professionnels, qui ont développé leurs propres certifications.
Depuis l’accord interprofessionnel du 1 er mars 1989, les commissions
paritaires nationales de l’emploi (CPNE) des branches professionnelles peuvent
mettre en œuvre de véritables politiques de formation initiale et continue (Ilardi
et al., 2015), produire leur propre normes de certification et délivrer des certi-
ficats de qualification professionnelle (CQP). Ce nouveau système de certification
s’est largement développé et s’adresse principalement aux salariés d’entreprise
mais aussi aux jeunes en situation de chômage ou de perfectionnement. Les CQP
dispensent avant tout des savoirs directement opérationnels dans l’activité visée
et minimisent fortement les connaissances générales. Ceci se traduit également
dans les pratiques d’évaluation, qui privilégient les savoir-faire professionnels.
90 Les CQP constituent donc une rupture avec le monopole de la délivrance
des diplômes professionnels par l’État, ces derniers n’étant plus, de fait, reconnus
comme le seul débouché légitime de la formation.
L’accord national interprofessionnel de décembre 2013 tend à élargir
encore le rôle des branches professionnelles, qui disposent de trois instances
impliquées dans la politique emploi-formation. La commission paritaire natio-
nale de l’emploi et de la formation professionnelle (qui succède à la CPNE),
organe politique paritaire de la branche, est chargée de structurer l’offre de
formation et de favoriser le développement des compétences des salariés. L’obser-
vatoire des métiers des qualifications et des compétences (OPMQC), institution-
nalisé depuis l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2003 produit les
données de la branche pour piloter, orienter et informer. L’OPCA (organisme
paritaire collecteur agréé), récemment réformé, met en œuvre la politique de la
branche en fournissant aux entreprises un appui en matière d‘ingénierie et de
financement de la formation, grâce à la collecte de la taxe d’apprentissage.
La comparaison met à la fois en évidence la relative proximité entre les
titres et les CQP, mais également leurs différences avec un diplôme. En effet, le
diplôme intègre une importante proportion d’enseignements généraux. Pour ce
qui concerne les enseignements professionnels, les situations professionnelles
sont également plus larges pour le diplôme pour lequel le RAP est basé sur
l’emploi que pour les titres et les CQP qui correspondent à des qualifications
plus précises.

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dossier

L’alternance
dans les formations
professionnelles
La mise en place d’un ensemble de pratiques et de dispositifs divers, à
partir des années 1970, désigné sous le nom d’alternance est l’un des changements
majeurs intervenus dans les modes de formation. Ce terme représente la recherche
d’une coopération entre les institutions de formation (publiques et privées) et
les entreprises. Le fait d’alterner de façon formative, et non par simple juxtapo-
sition, des périodes d’études et de travail, se heurte à de multiples oppositions
structurant les esprits et les institutions entre théorie et pratique, savoirs forma-
lisés et savoir-faire, logique de formation et logique de production… Former en
alternance, c’est ouvrir le champ éducatif à de nouveaux acteurs, avec lesquels
il faut négocier, contractualiser, redéfinir des rôles professionnels, en
partenariat.
Si l’on admet que l’apprenant apprend par son action de travail – prin-
cipe de base de la validation des acquis de l’expérience –, c’est passer d’une
logique de formation par consommation de savoirs à une logique de formation
par production de savoirs. Mais il faut aussi exploiter, d’un point de vue didac-
tique, l’expérience acquise en situation de travail. Ceci suppose que les ensei-
gnants acceptent d’inverser en partie leur logique disciplinaire pour entrer dans
une logique interdisciplinaire de production de savoir, à partir de l’explicitation 91
et de la problématisation des situations vécues. L’alternance permet d’acquérir
ce qui ne s’apprend pas à l’école et qui, pourtant, constitue l’essentiel de la
compétence : l’expérience du travail réel. Le rapport théorie-pratique est aussi
fait de réappropriation et d’investissement.
L’alternance sous statut scolaire s’affirme en 1985, avec la création des
périodes de formation en milieu professionnel pour les baccalauréats profession-
nels, et s’étend en 1992, par la généralisation des stages en entreprise, à toutes
les formations et en particulier à des diplômes de l’enseignement technique et
professionnel. Les périodes de formation en milieu professionnel se distinguent
des périodes de stage en ce qu’elles permettent non seulement l’application de
compétences et de connaissances acquises en établissement de formation mais
également l’acquisition de compétences et de connaissances qui ne peuvent être
mises en œuvre que dans des situations réelles de production.
C’est cette raison qui a prévalu lorsque les périodes de formation en
milieu professionnel ont été créées. Elles apparaissaient en effet comme la garantie
de la professionnalité des titulaires du diplôme et, en conséquence, comme un
atout pour leur insertion dans la vie active, dans un pays où l’expérience profes-
sionnelle est très souvent une condition nécessaire à l’embauche. C’est pour
afficher et conforter ce rôle qu’elles ont dès l’origine fait l’objet d’une évaluation
certificative dans le cadre d’une épreuve spécifique de l’examen, à laquelle sont
associés les représentants de l’entreprise ou de la structure d’accueil.

N° 71 - avril 2016
L’introduction des périodes de formation en milieu professionnel n’a
pas donné lieu à une réelle prise en compte d’une pédagogie de l’alternance.
Mais ceci a été sans conséquence tant que les durées de formation ont permis
une redondance des enseignements et des activités professionnelles. Depuis 2009,
avec la généralisation des baccalauréats professionnels en trois ans, c’est à une
rupture des pratiques pédagogiques et organisationnelles à laquelle la voie profes-
sionnelle doit faire face. Cette évolution a été beaucoup plus délicate et peut-être
moins perçue et aussi, moins bien accompagnée. À l’aspect « temps disponible
de formation » s’ajoutent d’autres éléments comme l’hétérogénéité des élèves,
l’individualisation (qu’il faudrait réaliser pour conjuguer des aspirations diffé-
rentes des jeunes en classe de terminale entre emploi et poursuite d’études), le
rajeunissement des élèves, les modalités de certifications (avec le contrôle en
cours de formation, traduit de manière très disparate par les disciplines et de
façon très chronophage) et enfin des jeunes qui contestent de plus en plus le
rôle traditionnel d’un professeur uniquement dispensateur de savoirs.
L’apprentissage, qui représente la plus ancienne forme d’alternance, est
rarement évoqué comme un mode typique de formation et fait actuellement
l’objet d’interventions répétées de l’État pour son développement. En déclin
rapide dans les années 1960, il connaît un essor significatif ensuite pour atteindre
340 000 apprentis en 2000, de sorte que 25 % des CAP, BEP et baccalauréats
professionnels sont préparés en apprentissage. Ce mode de formation s’est depuis
92 fortement étendu à d’autres catégories professionnelles que celles consacrées par
la tradition des métiers et on constate un accroissement des formations en BTS,
licences professionnelles et écoles d’ingénieurs. En 2015, on comptabilise environ
400 000 apprentis (chiffre encore éloigné de l’objectif de 500 000 apprentis en
2017) et environ 265 000 nouveaux contrats signés, en baisse par rapport aux
années précédentes.

Les données de la formation


professionnelle liées
à l’insertion
Le Céreq3 et l’INSEE4 sont deux organismes qui proposent de nombreuses
enquêtes sur les sorties de l’appareil éducatif et l’entrée au travail. À la fin des
années quatre-vingt-dix, le Céreq a mis en place un dispositif original d’enquêtes
qui permet d’étudier l’accès à l’emploi des jeunes à l’issue de leur formation
initiale. Tous les trois ans, une nouvelle enquête est réalisée auprès de jeunes qui
ont en commun d’être sortis du système éducatif la même année, quel que soit
le niveau ou le domaine de formation atteints, d’où la notion de « génération ».
L’enquête permet de reconstituer et d’analyser les parcours des jeunes au cours
de leurs trois premières années de vie active, au regard notamment du parcours

3. Céreq : Centre d’étude et de recherche sur les qualifications. (NdlR)


4. INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques. (NdlR)

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

scolaire et des diplômes obtenus. Certaines cohortes sont interrogées plusieurs


fois pour suivre les débuts de carrière. Selon le compte rendu de la dernière
enquête en date, « génération 2010 »,
« les jeunes titulaires de CAP et BEP, et, dans une moindre mesure, les bacheliers
professionnels, rencontrent en 2013 les plus grandes difficultés sur le marché du
travail. D’abord berceau de la « scolarisation des apprentissages » au niveau V,
puis vecteur d’accès au niveau du baccalauréat pour un nombre croissant de jeunes
d’origine populaire, l’enseignement secondaire peut sembler aujourd’hui perdre
de son importance au sein de la société. Mais l’accent mis sur le développement
de l’enseignement supérieur et l’attention portée aux décrocheurs ne doivent pas
faire oublier qu’un tiers des jeunes entrent sur le marché du travail avec pour
bagage un diplôme de l’enseignement professionnel secondaire.

Pour la génération sortie du système éducatif en 2010 comme pour les précé-
dentes, mieux vaut toujours intégrer le marché du travail avec un diplôme de
premier niveau que sans aucun diplôme du tout. Toutefois, les diplômés de
CAP-BEP voient leur désavantage s’accroître par rapport aux bacheliers profes-
sionnels. Cet effet global est cependant à nuancer selon les spécialités de
for mation. (Ilardi, Sulzer, 2015)

Les enquêtes « Insertion dans la vie active » (IVA) et « Insertion profes-


sionnelle des apprentis » (IPA) rendent compte de la première insertion des
sortants des formations professionnelles de lycée, sept mois après la fin de leur 93
formation initiale. Cette enquête est réalisée par les académies et les lycées publics
et privés sous tutelle du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche, quelquefois en partenariat avec les instances régio-
nales. Elles mettent en valeur une insertion facilitée lorsque le diplôme est obtenu
par apprentissage.
L’INSEE publie périodiquement, depuis 1970, en collaboration avec les
ministères de l’éducation, du travail et le Céreq, les bilans formation/emploi qui
renseignent sur l’insertion professionnelle des jeunes au sein des mouvements
qui affectent l’emploi. L’angle d’approche adopté permet de mettre en évidence
d’autres phénomènes que ceux décrits par les études du Céreq. C’est ainsi
qu’apparaissent certaines données structurelles caractéristiques des dernières
décennies : la part des jeunes dans l’ensemble des recrutements reste stable, quel
que soit le volume des recrutements.

N
C’est un regard global qu’il est nécessaire de porter sur les systèmes de
formation en France, dans un contexte politique lié à la décentralisation de la
voie professionnelle. Il s’agit d’avoir pour ambition d’assurer la satisfaction des
besoins des personnes et des territoires, dans une double perspective de for mation
tout au long de la vie et de création d’une offre territoriale cohérente de service

N° 71 - avril 2016
et de formation. Cette exigence nécessite la construction de réponses intégrées
et concertées sur un même territoire. Complexité, confusion et cloisonnement
caractérisent le secteur de la formation professionnelle ; des attitudes trop idéo-
logiques entraînent obligatoirement une perte de fonctionnalité, d’efficacité et
une augmentation inévitable des coûts de structures et de moyens humains. La
finalité première des diplômes professionnels est l’insertion immédiate sur le
marché du travail mais la demande sociale, qui vise aussi à la reconnaissance de
l’égale dignité des voies de formation, cherche à développer les possibilités de
poursuite d’études, notamment en section de technicien supérieur. Cette possi-
bilité est indispensable dans les secteurs pour lesquels le niveau d’accès à l’emploi
s’est accru. Depuis 2005, tous les élèves ou apprentis qui ont obtenu une mention
bien ou très bien au baccalauréat professionnel sont admis de droit dans une
section de technicien supérieur (STS) et quelques classes préparatoires aux études
supérieures (CPES) se sont ouvertes dans certaines régions. La réussite de ces
jeunes est étroitement liée aux modalités d’accueil et à la qualité de leur prépa-
ration en amont.
L’une des missions primordiales de l’établissement de formation est
d’offrir à tout jeune une solide formation générale de base autorisant l’accès à une
vie professionnelle et sociale de qualité. Ainsi, l’établissement doit assurer le
développement des capacités de travail personnel, de raisonnement, de jugement,
de communication, de travail en équipe et de prise de responsabilités. La réforme
94 de la formation professionnelle est déjà un succès pour au moins un objectif, celui
de l’élévation du niveau de qualification des jeunes, puisque la part des bacheliers
professionnels dans une génération est dorénavant d’environ 20 %, en augmentation
par rapport à 2010. Parallèlement, le CAP attire un nombre croissant d’élèves, ce
qui permet d’être optimiste sur l’atteinte du deuxième objectif : la baisse de sorties
sans qualification. Le lycée polyvalent, apparu à la suite de la réforme des lycées
de 1992, est l’un des outils politiques de recomposition de l’offre de formation dans
une académie, par la mixité sociale des apprenants qu’il propose. La proximité
immédiate des différentes voies de formation est un gage de meilleure gestion des
parcours de formation, de passerelles et donc de réussite pour les jeunes. C’est aussi
un signe fort de l’inscription de la formation professionnelle dans l’environnement
scolaire. La France a la chance de disposer d’un outil de formation performant et
prospectif. Les régions se sont engagées dans des actions de rénovation des locaux
et de modernisation des équipements qui offrent aux jeunes des lieux d’apprentissage
performants et de très grande qualité. Cet outil exceptionnel, qui fait la convoitise
de nombreux pays étrangers, est trop souvent ignoré ou méprisé. Il mérite, comme
les démarches pédagogiques innovantes développées par le corps enseignant, d’être
mis en valeur et mieux utilisé.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

Bibliographie
Association française de normalisation, AFNOR (2002) : Outils de management :
Ressources humaines dans un système de management de la qualité. Management des
compétences. FDX50-83, juillet, Saint-Denis La Plaine : AFNOR
AGULHON C. (1994) : L’enseignement professionnel, quel avenir pour les jeunes ?,
Éditions de l’atelier, Paris.
D’AGOSTINO A., DIF-PRADALIER M., QUINTERO N. (2015) : « L’appui des
branches professionnelles aux entreprises : trois logiques d’action », Bref du Céreq
n° 338, septembre.
ILARDI V., SULZER E. (2015) : « CAP-BEP : des difficultés d’insertion encore
aggravées par la crise » Bref du Céreq, n° 335, mai.
Formation Emploi (2015), « Le bac pro a 30 ans », n° 131, Paris : La Documentation
française.
Formation emploi (2007) : « Les usages sociaux de la compétence », n° 99, Paris :
La Documentation française.
PELPEL P. et TROGER V. (1993) : Histoire de l’enseignement technique, Paris :
Hachette.
TANGUY L. (1991) : L’enseignement professionnel. Des ouvriers aux techniciens,
Paris : PUF.
TANGUY L. (2000) : « Histoire et sociologie de l’enseignement technique et profes-
sionnel en France : un siècle en perspective », Revue française de pédagogie, vol. 13,
n° 1, p. 97-127.
95

N° 71 - avril 2016
dossier

Une réforme
systémique
de la formation
professionnelle
Le cas de la Pologne1

Krzysztof Symela
lnstitut des technologies d’exploitation,
Centre national de recherches

L’organisation
du système de formation
professionnelle
En Pologne, l’obligation scolaire concerne la fréquentation de l’école
élémentaire et du collège. La scolarité est obligatoire à partir de 7 ans jusqu’à la
fin du collège (16 ans). L’instruction, quant à elle, est obligatoire (comme le
stipule la Constitution) jusqu’à 18 ans et peut être assurée au sein d’établisse-
ments d’enseignement secondaire, publics ou non, sous forme de cours dans un 97
cadre extrascolaire, dans le cadre de l’activité éducative proposée par des
personnes physiques ou morales ou encore sous forme de préparation à un métier
chez un employeur.
Le processus de réformes du système de formation professionnelle a été
engagé en Pologne le 1er septembre 2012, avec l’objectif d’améliorer l’efficacité
du système, afin qu’il puisse répondre aux besoins changeants du marché du
travail et aux enjeux de l’économie moderne, basée sur les connaissances. Une
éducation professionnelle de grande qualité est une des priorités de la politique
éducative de l’État, comme l’indiquent les documents publiés par le gouver-
nement : « Stratégie de développement du pays 2020 », « Stratégie de dévelop-
pement du pays à long terme. Pologne 2030 », entre autres. Ces documents
instaurent un nouveau modèle de formation professionnelle, qui s’appuie davan-
tage sur l’apprentissage pratique et sur des voies plus souples d’apprentissage,
sur la promotion de la formation professionnelle et technique, sur l’intégration
des employeurs dans l’organisation de la formation professionnelle et sur un
système d’identification et de pronostic des besoins en qualifications-métiers sur
le marché du travail.
Conformément à la Loi sur le système éducatif, depuis septembre 2012,
la formation peut être dispensée dans différents établissements d’enseignement

1. Article traduit par Anna Polewka.

N° 71 - avril 2016
secondaire du deuxième cycle (publics et non publics), y compris ceux qui
forment aux métiers (graphique 1) :
– les écoles professionnelles fondamentales (trois ans), qui donnent droit
à un diplôme certifiant les qualifications professionnelles, après avoir passé les
examens qui confirment les qualifications pour un métier donné ; elles permettent
également de continuer la formation à partir de la deuxième année d’un lycée
d’enseignement général pour adultes ;
– les lycées d’enseignement général (trois ans), qui permettent d’obtenir
un diplôme de « maturité » (baccalauréat) après avoir passé l’examen de
baccalauréat ;
– les écoles techniques (quatre ans), qui donnent droit à un diplôme
certifiant les qualifications professionnelles, après avoir passé les examens qui
confirment les qualifications pour un métier donné, ainsi qu’au diplôme du
baccalauréat après avoir passé les examens du baccalauréat ;
– les écoles post-lycée (2,5 ans maximum), pour les élèves ayant terminé
l’enseignement secondaire du deuxième cycle, permettent d’obtenir un diplôme
certifiant les qualifications professionnelles après avoir passé les examens qui
confirment les qualifications pour un métier donné ;
– les écoles spéciales de préparation professionnelle (trois ans) préparent
au travail les élèves ayant un handicap mental ou polyhandicapés, qui obtiennent
un certificat confirmant la préparation au travail.
98 La formation initiale est assurée par les trois premiers types d’établis-
sements. Il convient cependant de signaler qu’en Pologne, la formation profes-
sionnelle initiale désigne la formation professionnelle proposée dans les
établissements scolaires, habituellement avant l’entrée dans la vie professionnelle.
La majorité des élèves des écoles professionnelles termine le cycle initial de
formation professionnelle à l’âge de 19 ou 20 ans.
Quatre types d’écoles pour adultes fonctionnent également dans le
système scolaire : écoles élémentaires et collèges pour adultes, lycées d’ensei-
gnement général et écoles post-lycée pour adultes. L’organisation de la scolarité
dans ces établissements est distincte et l’admission se fait à partir de 18 ans. En
outre, les adultes (dès 18 ans) ont la possibilité d’obtenir ou de compléter les
qualifications professionnelles (du niveau des écoles professionnelles fondamen-
tales ou des écoles techniques) sous forme de cours de cycles courts dénommés
cours professionnels qualifiants ou cours de savoir-faire professionnels (voir
graphique 1).
Au cours de l’année 2014/2015, 54,66 % des élèves sortant du collège ont
choisi la voie de la formation professionnelle. Selon les données de l’Office central
de statistique, 2 023 écoles techniques ont formé 511 700 élèves (dont 40,3 % de
femmes) en 2014/2015 et 114 000 élèves ont été diplômés des écoles techniques
en 2013/2014 ; 190 100 élèves étaient inscrits en 2014/2015 dans 1 721 écoles
professionnelles fondamentales (dont 32,3 % de femmes), et 43 300 élèves (dont
20,2 % de femmes) ont été diplômés de ces écoles en 2013/2014.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

Le nombre total d’écoles post-lycée était de 2 382 en 2014/2015. Leur


particularité étant de former en cycle plus court que les autres types d’établis-
sements, et comme elles sont plus dépendantes des mécanismes du marché, leur
nombre, ainsi que le nombre de leurs élèves, est plus fluctuant. Ainsi, en
2012/2013, le nombre d’élèves a augmenté de 3 700, alors qu’il a baissé
en 2014/2015, de même que le nombre d’écoles (soit une baisse de respectivement
3,4 % et 5,1 % par rapport à 2013/2014).
520 cours professionnels qualifiants ont été organisés dans les établis-
sements d’enseignement secondaire du deuxième cycle en 2014/2015, pour
13 550 participants. Dans les écoles pour adultes, 20 100 personnes ont suivi
750 cours. Dans les établissements d’enseignement secondaire du deuxième cycle
pour jeunes, la majorité des 13 548 participants ont suivi les cours organisés dans
les écoles techniques (70,5 %) ou dans les écoles professionnelles fondamentales
(27,4 %) ; enfin, 2 % des participants ont suivi les cours en écoles post-lycée.
La formation professionnelle est assurée en conformité avec la classifi-
cation des métiers de l’enseignement professionnel (Klasyfikacja Zawodów Szkol-
nictwa Zawodowego, KZSZ), définie par le ministère de l’éducation (MEN)2. La
KZSZ indique les métiers et les types d’établissements pouvant assurer la forma-
tion ; les ministères ayant demandé d’inscrire le métier dans la classification ; la
durée de formation dans l’école professionnelle donnée et les qualifications déter-
minées à l’intérieur de chaque métier, enseignées dans le cadre de cours profes-
sionnels qualifiants. 99

Graphique 1. Types d’écoles professionnelles


et voies de formation professionnelle initiale en Pologne

Lycée
Collège d’enseignement Baccalauréat
pour adultes général pour adultes (matura)

Lycée
d’enseignement
général
(3 ans) Cours
professionnels qualifiants,
École post-lycée cours de savoir-faire
École élémentaite

(2,5 ans max.) professionnels


-
Collège

École technique
(4 ans)

Examens confirmant
École professionnelle qualifications pour métier
fondamentale
(3 ans)

2. Décret du ministre de l’éducation nationale du 23 décembre 2011 relatif à la classification des métiers de l’ensei-
gnement professionnel, Journal des lois [Dziennik Ustaw]) de 2012, point 7 modifié le 8 août 2014 et le 19 juin 2015.

N° 71 - avril 2016
À ce jour, la KZSZ comporte 206 métiers qui contiennent 262 qualifi-
cations. Plusieurs ministères sont partie prenante dans la formation profession-
nelle. La KZSZ est conforme à la classification des métiers et spécialités
(Klasyfikacja Zawodów i Specjalności, KZiS) définie par le ministère du travail et
de la politique sociale (décret du 7 août 2014) et qui compte à ce jour 2 443 métiers
et spécialités, dont les métiers de la KZSZ. La conformité des deux classifications
(KZSZ et KZiS) constitue la condition élémentaire des relations entre l’ensei-
gnement professionnel et les besoins du marché de travail.
La formation professionnelle initiale peut être effectuée dans le cadre
de cycles courts sous forme de cours professionnels qualifiants basés sur les
programmes d’enseignement respectant les programmes de base de formation
aux métiers pour une qualification donnée. L’organisme offrant le cours profes-
sionnel qualifiant est tenu d’inclure dans son programme d’enseignement pour
ce cours toutes les composantes correspondant à la qualification donnée et défi-
nies dans les programmes de base de formation aux métiers. Le fait d’avoir
terminé ce cours ouvre le droit à l’examen organisé par la commission d’examens
décentralisée confirmant les qualifications dans le métier, dans le champ de cette
qualification. La personne ayant réussi l’examen reçoit alors un certificat confir-
mant les qualifications dans le métier. Le diplôme confirmant les qualifications
professionnelles dans un métier donné peut être obtenu par une personne ayant
atteint le niveau d’enseignement exigé pour ce métier (enseignement profes-
100 sionnel fondamental ou secondaire du deuxième cycle) et possédant les certificats
attestant de sa réussite aux examens pour toutes les qualifications définies pour
le métier donné. Les cours professionnels qualifiants peuvent être organisés par :
– des écoles publiques ;
– des écoles non publiques ayant les droits des écoles publiques ;
– des établissements de formation continue, de formation pratique, des
centres de perfectionnement professionnel ;
– des institutions du marché de travail opérant dans le secteur de
l’éducation/formation, conformément à la loi du 20 avril 2004 (article 6) modi-
fiée en 2008 ;
– des acteurs du secteur de l’éducation, conformément à la loi sur la
liberté d’établissement.
Quant aux cours de savoir-faire professionnels, ils sont, comme les cours
professionnels qualifiants, basés sur les programmes d’enseignement respectant
les programmes de base de formation aux métiers mais ne couvrent qu’une partie
de cette base. La personne ayant suivi le cours de savoir-faire professionnel peut,
en présentant une attestation, s’engager en cours professionnel qualifiant et être
dispensée de suivre des contenus déjà acquis. Cette mesure ouvre la possibilité
de valider les apprentissages et répond aux besoins des adultes qui poursuivent
une formation professionnelle ou se perfectionnent tout en travaillant.
L’Union artisanale polonaise (Związek Rzemiosła Polskiego, ZRP) est un
partenaire important de la formation professionnelle initiale et de son adaptation

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

aux besoins du marché de travail. L’apprentissage du métier est une des missions
principales des organisations artisanales, conformément à la Loi sur l’artisanat
du 22 mars 1989, modifiée le 5 décembre 2015. La préparation aux métiers
artisanaux comprend trois éléments propres au système dual d’apprentissage :
l’apprentissage pratique chez l’artisan est basé sur le contrat de travail, l’ensei-
gnement théorique à l’école et le contrôle du déroulement de la préparation au
métier sont habituellement assurés par la corporation (cech), sur autorisation de
la chambre de l’artisanat (izba rzemieślnicza). Les artisans confirment leurs quali-
fications professionnelles en passant les examens de compagnon (czeladnik) et
de maître (mistrz). Un maître-artisan peut former des apprentis. L’artisanat
dispose d’une large offre de formation. Les chambres de l’artisanat faisant partie
de la ZRP administrent 30 écoles professionnelles non publiques ayant les droits
des écoles publiques et forment 6 000 jeunes3.
La formation professionnelle initiale est également assurée, au sein du
système éducatif, par les Corps de travail bénévoles (Ochotnicze Hufce Pracy,
OHP), qui s’adressent aux jeunes provenant de milieux défavorisés en ce qui
concerne l’accès au marché du travail. L’OHP est un organisme d’État, sous tutelle
du ministère de la famille, du travail et de la politique sociale, qui administre
des centres éducatifs dans tout le pays. Ces centres offrent des opportunités de
formation, de perfectionnement professionnel et d’emploi et fonctionnent en
accord avec les autorités locales au niveau du district. Les OHP s’adressent aux
jeunes âgés de 15 à 18 ans qui ont terminé l’école élémentaire et se trouvent dans 101
une situation financière, familiale ou personnelle difficile. Les jeunes en situation
particulièrement difficile sont internes, gratuitement. Un participant pris en
charge dans les OHP termine l’enseignement général du niveau de l’école élémen-
taire ou du collège et est préparé, en parallèle, à un métier ou obtient des quali-
fications professionnelles du niveau de l’école professionnelle fondamentale.
L’enseignement général est effectué dans les écoles publiques. La préparation
professionnelle pratique a lieu chez des employeurs (par exemple des artisans)
ou dans les ateliers des OHP. L’apprentissage d’un métier dure trois ans (en
fonction du programme d’enseignement). La préparation du jeune au travail
dure jusqu’à ce qu’il ait fini le collège mais ne peut excéder 22 mois et débouche
sur un certificat de fin de scolarité puis, après avoir passé l’examen de préparation
au métier, sur un titre professionnel ou une attestation de fin de préparation au
travail. Le certificat de fin de scolarité en école professionnelle fondamentale
permet de continuer la formation, par exemple au niveau de l’école secondaire
du deuxième cycle. La formation et les examens sont gratuits4.
La formation professionnelle initiale est assurée par les enseignants de
disciplines générales, d’apprentissage théorique du métier, d’apprentissage
pratique du métier et par des formateurs d’apprentissage pratique du métier. Les

3. Informations disponibles sur le site du MEN (en polonais) : [https://goo.gl/YsuuXS].


4. Informations disponibles sur le site de l’OHP [http://www.ohp.pl/?id=820&id_menu_r=91].

N° 71 - avril 2016
changements rapides survenant dans l’enseignement professionnel imposent aux
personnels enseignants une formation et un perfectionnement professionnel plus
réguliers. La nécessité de l’apprentissage continu, la disposition à s’auto-former,
à chercher de nouveaux savoirs et à compléter ses connaissances sont les carac-
téristiques essentielles du métier d’enseignant. En Pologne, les diverses formes
de développement professionnel ne sont pas imposées mais ont une incidence
directe sur le développement de la carrière et les augmentations de salaire.
D’autres activités liées au développement professionnel, comme la participation
à des formations courtes, à des conférences, à des réseaux collaboratifs ou à des
projets éducatifs enrichissent le savoir-faire technique de l’enseignant mais
n’augmentent pas formellement son niveau de qualification.
Le Centre national de soutien à l’éducation professionnelle et continue
(Krajowy Ośrodek Wspierania Edukacji Zawodowej i Ustawicznej, KOWEZiU)
est l’organisme central en matière de perfectionnement des enseignants des écoles
professionnelles. Il dépend du MEN et couvre tout le pays. Son objectif est
d’initier, de préparer et de coordonner toutes les activités relatives à la formation
et au perfectionnement professionnel des enseignants de la formation profes-
sionnelle et des établissements pour adultes : soutien aux établissement publics
de perfectionnement d’enseignants, élaboration de programmes et de matériels
didactiques, de programmes nationaux de perfectionnement d’enseignants et de
conseillers d’orientation, conception, mise en œuvre et promotion de solutions
102 innovantes en matière de formation professionnelle et continue, telles que la
formation à distance, la mise en place d’un réseau national collaboratif et d’auto-
apprentissage pour les enseignants d’écoles professionnelles formant aux métiers
uniques (KOWEZiU, 2013a).

La place du monde
professionnel
dans le dispositif
de formation
La réforme actuelle du système éducatif renforce notamment les aspects
pratiques de la formation professionnelle et crée l’opportunité d’une meilleure
collaboration entre les écoles professionnelles et les entreprises. Cette direction
est confirmée dans la « Programmation d’une perspective financière 2014-2020.
Contrat de partenariat » adoptée par le ministère de l’infrastructure et du déve-
loppement le 21 mai 2014. Ce document donne à l’intégration des employeurs
dans le processus de formation professionnelle et d’examens, au niveau central,
un caractère stratégique (inclusion dans le système d’identification des besoins
en qualifications-métiers et participation à la conception de l’offre de formation)
et pratique (plus forte implication dans la préparation de programmes d’ensei-
gnement et l’organisation de la formation pratique des élèves). Les employeurs
seront également impliqués dans la modernisation des contenus et des méthodes

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

de formation et d’enseignement, ainsi que dans le pronostic des besoins en quali-


fications-métiers sur le marché de travail.
L’engagement effectif des employeurs dans la formation professionnelle
devrait offrir aux jeunes une préparation au travail qui sera reconnue par eux
et, en même temps, répondra aux défis que présente le marché du travail euro-
péen. Le ministère de l’éducation nationale a conclu plusieurs accords avec des
organisations patronales. Des accords similaires peuvent également être conclus
au niveau local. Pour garantir à leurs élèves l’apprentissage pratique d’un métier,
les écoles s’activent pour conclure des contrats de collaboration avec les entre-
prises reconnues sur le marché du travail.
Le 23 janvier 2015, quatre ministres (économie, éducation nationale,
travail et la politique sociale et budget) ont signé un accord de collaboration
pour le développement de la formation professionnelle afin, entre autres, d’assurer
la cohérence et la complémentarité des actions en faveur du développement d’une
formation professionnelle adaptée aux besoins des employeurs, du marché du
travail au niveau local et d’une économie moderne et innovante. L’implication
dans les travaux de programmation des partenaires sociaux représentatifs des
secteurs de la formation professionnelle (associations professionnelles, patro-
nales, syndicats, ainsi que d’autres parties prenantes) est un élément clé de la
qualité de la formation professionnelle et du développement stratégique du pays.
De plus, le ministère de l’éducation nationale collabore avec les minis-
tères compétents en ce qui concerne l’ouverture de formations préparant aux 103
nouveaux métiers. De nouveaux métiers sont introduits dans la classification des
métiers de la formation professionnelle, entraînant l’élaboration d’un programme
de base ainsi que de modèles de programmes d’enseignement. Le MEN initie des
rencontres avec les employeurs et récompense également les écoles ayant colla-
boré avec des entreprises, dans le cadre de concours.
La mise en place de « clusters d’éducation professionnelle », avec la
participation de zones économiques spéciales, est une nouvelle mesure visant à
faciliter la collaboration entre les établissements d’éducation et le monde des
affaires, afin que les élèves diplômés des écoles professionnelles ou techniques
soient à la hauteur des attentes des entreprises. Cette collaboration est indispen-
sable pour former les élèves dans des conditions réelles de travail et, surtout,
leur faire découvrir des technologies modernes et coûteuses5.
Pour adapter l’offre éducative aux besoins du marché du travail régional
et local, les conseils de l’emploi des voïvodies6 et des districts doivent émettre
des avis avant l’ouverture des formations préparant aux nouveaux métiers ; les
employeurs ont plus de possibilités de s’impliquer dans le processus de formation,
en contribuant à l’élaboration des programmes d’apprentissage du métier, surtout

5. Clusters éducatifs [en polonais] : [http://goo.gl/1KAJKP].


6. Une voïvodie est une unité administrative de la Pologne correspondant au niveau régional. (NdlR)

N° 71 - avril 2016
en ce qui concerne l’apprentissage pratique et le perfectionnement des ensei-
gnants au sein des entreprises (KOWEZiU, 2013b).
La forme la plus répandue de collaboration entre écoles et employeurs
est l’organisation commune de l’apprentissage pratique du métier. En école
professionnelle fondamentale, cet apprentissage se fait sous forme de cours
pratiques et, dans les écoles techniques et post-lycée, sous forme de stages profes-
sionnels. Les cours peuvent être effectués chez l’employeur, sur le principe du
système dual d’apprentissage, à partir : 1) d’un contrat de travail conclu entre
le mineur et l’employeur ; 2) d’un contrat d’apprentissage pratique du métier,
conclu entre le directeur de l’école et l’employeur recevant les apprentis.
La formation pratique a ainsi lieu chez l’employeur, en parallèle à la
formation théorique, qui peut être assurée à l’école ou sous forme
extrascolaire.
L’objectif des cours pratiques dispensés aux élèves et aux jeunes mineurs
est l’acquisition de savoir-faire professionnels indispensables pour travailler dans
un métier donné et – dans le cas d’une formation duale – l’application et l’appro-
fondissement, dans les conditions réelles du travail, des connaissances et savoir-
faire professionnels acquis. Les cours pratiques sont assurés pendant la période
de cours didactiques et éducatifs. Le financement des cours pratiques en école
professionnelle fondamentale et des stages pratiques dans les écoles technique
et post-lycée est assuré sur subvention du ministère de l’éducation.
104 Dans les années à venir, un fort accent sera mis sur la popularisation
de toutes les formes de collaboration entre les écoles professionnelles et les
employeurs dans le domaine de la formation professionnelle. Il sera très
important d’encourager les entreprises, à tous les niveaux, à s’impliquer
davantage dans l’organisation de la formation professionnelle et des examens,
ce qui concerne :
– l’identification des besoins en qualifications-métiers sur le marché du
travail ;
– l’évaluation des exigences en qualifications fondées sur les programmes
de base de formation aux métiers ;
– la conception de l’offre de formation dans les écoles et sous forme
extrascolaire ;
– la contribution à l’élaboration des programmes d’apprentissage des
métiers ;
– l’organisation des cours pratiques et des stages professionnels pour
les élèves ;
– l’organisation, avec les écoles, des cours professionnels qualifiants ;
– une meilleure participation des employeurs à l’organisation des stages
pour les enseignants de formation professionnelle ;
– l’amélioration de l’accès des élèves et des enseignants aux nouvelles
techniques et technologies ;
– la mise en place des centres d’examen chez les employeurs.

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dossier

Le financement de ces actions sera principalement assuré par la nouvelle


perspective de financement 2014-2020, dans le cadre du programme opérationnel
Savoir, éducation, développement (PO WER).

La programmation
des besoins en qualification
à court et moyen termes
La dynamique du marché du travail demande une analyse permanente
des changements, particulièrement importante pour mettre en adéquation les
compétences, potentielles et réelles, des employés et les attentes des employeurs.
C’est dans cette optique qu’a été lancé le projet Bilan du capital humain (Bilans
Kapitału Ludzkiego, BKL), un système de surveillance du marché du travail,
unique à l’échelle du pays et de l’Europe7. Pendant cinq ans, l’Agence polonaise
de développement de l’entrepreneuriat (Polska Agencja Rozwoju Przedsiębiorczości,
PARP), en collaboration avec l’Université Jagellonne, a étudié les transformations
de la structure des compétences sur le marché du travail. L’objectif principal
assigné au BKL était de guider les institutions et les moyens publics vers les
actions visant à remédier au manque de compétences au niveau national et
régional. L’atteinte de cet objectif contribuera à la réalisation d’un objectif stra-
tégique plus large d’amélioration de la qualité du capital humain et d’adaptation
des compétences des employés aux besoins des employeurs. 105
Chaque édition, de 2010 à 2014, a donné lieu à des rapports thématiques
pour chaque module de recherche et à un rapport de clôture présentant, de façon
transversale, les problèmes identifiés. Tous les facteurs de changement de la dyna-
mique du marché du travail ont été analysés : employeurs, employés, personnes
sans emploi, institutions de formation, étudiants, élèves du secondaire deuxième
cycle, ainsi que les offres de travail et les disciplines de formation. Grâce à cette
approche globale, les rapports présentent une source fiable d’informations sur
les manques de compétences diagnostiqués ; les besoins de connaissances et de
savoir-faire concrets chez les employeurs ; le potentiel de compétences des
employés, actuels et futurs, et son adéquation avec les besoins des employeurs ;
l’adaptation des disciplines de formation au marché du travail polonais.
L’inscription d’un nouveau métier dans la classification de métiers de
formation professionnelle (qui permet l’organisation de la formation profession-
nelle initiale) peut avoir lieu seulement si aucun des métiers inscrits n’englobe
toutes les qualifications définies pour ce métier.
La modification de la classification commence par l’identification, pour
chaque métier, des qualifications comprenant les connaissances, les savoir-faire
et les compétences personnelles et sociales indiqués dans les programmes de base
de formation au métier. Dans le processus de formation, chaque qualification

7. Bilan du capital humain : [http://bkl.parp.gov.pl/projekt].

N° 71 - avril 2016
peut être confirmée séparément par le système d’examens externe. Si le marché
de travail enregistre la demande pour cette qualification, il sera possible de mettre
rapidement en place la formation correspondante, sous forme d’un cours profes-
sionnel qualifiant, bien plus court que le cycle d’apprentissage à l’école.
Les associations professionnelles, les autorités économiques locales, les
organisations d’employeurs et d’autres entités économiques peuvent adresser aux
ministères compétents une demande d’instauration d’un nouveau métier dans
la formation professionnelle.
Les conseils sectoriels de compétences (Sektorowe Rady ds. Kompetencji,
SRK) qui seront établis à partir de 2016, constitueront une nouvelle solution
systémique de soutien à la programmation des besoins en qualifications et savoir-
faire. Leurs missions consisteront à :
– recommander des solutions ou des changements législatifs dans le
domaine de l’éducation et de son adaptation au marché de travail, pour un
secteur donné ;
– collaborer à la mise en place d’accords éducatifs rapprochant l’édu-
cation et les employeurs ;
– définir les champs d’études relatifs aux compétences dans un secteur
et commander la réalisation de ces études ;
– identifier les besoins de mise en place des cadres des qualifications
sectoriels et des qualifications ;
106 – transmettre l’information concernant les besoins en compétences aux
établissements éducatifs et organismes du marché de travail, dont les agences
pour l’emploi, nationale et de district ;
– transmettre l’information concernant les besoins en compétences
spécifiques à un secteur aux partenaires sociaux qui vérifient l’identification des
besoins en développement des entreprises de ce secteur8.
À terme, il est prévu de mettre en place 19 SRK pour différents secteurs.
Peuvent faire partie des SRK les entrepreneurs, les acteurs du développement
économique, de l’emploi, du développement des ressources humaines ou du
potentiel d’adaptation des entreprises, les partenaires sociaux et économiques,
les organisations patronales, syndicales, les autorités économiques locales. Les
SRK seront établis sous forme d’appels à projet au deuxième trimestre 2016.
Le Conseil de programmes des compétences (Rada Programowa ds.
Kompetencji, RPK) sera chargé de la coordination et du suivi des actions des
SRK. Il sera composé de représentants des ministères en charge du dévelop-
pement, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et du travail, d’organisations
non-gouvernementales, d’établissements d’enseignement supérieur et d’entre-
preneurs. Les RPK et SRK seront nommés par le ministre chargé du
développement.

8. Conseils sectoriels de compétences (SRK) : [http://goo.gl/6sHDe1].

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dossier

La mise en place de la surveillance des métiers déficitaires et en surplus,


une des principales missions des autorités locales (voïvodies et districts) dans le
domaine de la politique économique, constitue une mesure de soutien à l’activité
de pronostic de la demande pour les métiers-qualifications sur le marché du
travail. Toutefois, la surveillance de métiers déficitaires et en surplus étant basée
principalement sur les données statistiques concernant le chômage, elle ne reflète
pas pleinement la réalité des relations entre l’offre et la demande au niveau
régional. Elle peut servir, avant tout, de base de programmation des disciplines
de formation pour les personnes sans emploi, conformément aux besoins signalés
par les employeurs locaux. Comme jusqu’à présent la surveillance ne servait que
de diagnostic de la situation actuelle, une nouvelle méthodologie de surveillance
des métiers déficitaires et en surplus a été conçue à l’initiative du ministère du
travail et communiquée aux agences pour l’emploi en 2015. Elle prévoit deux
dispositions centrales : 1) l’enrichissement des données concernant les offres de
travail par les données provenant d’Internet, collectées par les agences pour
l’emploi des voïvodies deux fois par an ; 2) la conduite, par les agences pour
l’emploi des districts, d’une enquête annuelle auprès des entreprises, permettant
de formuler des pronostics à court terme concernant les besoins signalés par les
employeurs sur le marché de travail local (Ministère du travail et de la politique
sociale, 2015).

107
Quelle relation entre
formation et chômage ?

Les résultats de l’étude annuelle « Bilan du capital humain », menée à


l’échelle nationale pour les années 2009-2014, révèlent que 75 % des employeurs
polonais ont des difficultés pour trouver des candidats appropriés ; 30% des
employeurs qui n’investissent pas dans le développement professionnel de leurs
employés indiquent comme raison principale un manque d’offre éducative
correspondant à leurs besoins. Ces problèmes touchent notamment les plus
petites entreprises, les plus nombreuses sur le marché du travail polonais.
La situation générale des jeunes sur le marché de l’emploi est relative-
ment plus difficile que celle des personnes de plus de 30 ans (pour lesquelles la
probabilité d’être sans emploi diminue d’environ 50 %). Quand la situation du
marché se dégrade, le taux de chômage augmente pour les deux groupes. Mais
ce sont les jeunes qui sont le plus touchés par une conjoncture défavorable. Cela
peut avoir de graves conséquences sociales. Les facteurs ayant le plus d’influence
sur la situation professionnelle des jeunes sont leur niveau de formation, la
discipline d’études, le lieu d’habitation et le genre. Plus le niveau d’éducation
est élevé, plus la probabilité de se trouver sans emploi est faible, quel que soit
l’âge des personnes concernées. L’inégalité devant les opportunités profession-
nelles est perceptible chez les sortants des écoles d’enseignement secondaire du

N° 71 - avril 2016
deuxième cycle non par rapport au niveau de formation atteint mais par rapport
au type de formation choisie. Ce sont les diplômés des écoles techniques qui ont
le plus de difficultés à trouver un emploi (pour les métiers classifiés comme
« autres », correspondant aux métiers de bureau ou de services). Le taux signi-
ficativement peu élevé de personnes en activité professionnelle enregistré parmi
les diplômés des écoles professionnelles fondamentales dans le domaine des
services peut s’expliquer par le nombre important de femmes diplômées de ces
disciplines dans les écoles professionnelles fondamentales (métiers d’ouvrier et
de services) (Jelonek et al., 2015).
Par rapport aux personnes en emploi âgées de plus de 30 ans, les jeunes
diplômés de la formation professionnelle initiale déclarent moins souvent n’avoir
pas suivi de cours durant les douze derniers mois et n’avoir pas l’intention de
suivre une formation ou un cours de perfectionnement. Les types de formation
continue suivie le plus fréquemment sont les cours ou formations de courte
durée. Le pourcentage élevé de personnes déclarant avoir suivi des cours de
perfectionnement parmi les jeunes diplômés peut se traduire par l’obligation,
pour les personnes sans emploi et n’ayant pas encore 25 ans, de participer aux
Corps de travail bénévoles (OHP).
Parmi les élèves déclarant le plus fréquemment l’intention de quitter la
Pologne après avoir terminé leur scolarité, la majorité provenait d’écoles profes-
108 sionnelles, techniques et lycées profilés (qui n’existent plus), essentiellement dans
les disciplines liées au secteur du bâtiment, de la mécatronique, de la mécanique
automobile et de la technique-informatique.
Au printemps 2013, la demande des entreprises pour de nouveaux
employés a baissé, tant en ce qui concerne les intentions d’embauches qu’en
matière d’étendue de la demande. Si, au cours des années précédentes, 16 à17 %
des employeurs recherchaient de nouveaux employés, ce pourcentage a diminué
jusqu’à 14 % en 2013 et il s’agissait majoritairement de grandes entreprises à
fort développement, insatisfaites du niveau de compétences de leurs personnels
et localisées principalement en Mazovie, dans les secteurs du bâtiment et du
transport. Il faut néanmoins souligner que les employeurs de ces secteurs ont
significativement diminué leur demande par rapport aux années précédentes
(Górniak, 2014).
On observe que, comme pour les années précédentes, la catégorie
d’employés de travaux simples est relativement surreprésentée parmi les chômeurs.
Le manque de qualifications concrètes est la cause principale des difficultés à
trouver un emploi. Le surplus de l’offre d’employés caractérise également les
métiers de service-commerce et de bureau. En revanche, les employés qualifiés,
opérateur/monteurs et spécialistes ont enregistré le taux le moins élevé de
personnes en recherche d’emploi par poste à pourvoir. Les difficultés de recru-
tement identifiées sont dues au manque de qualifications concrètes (dont la
motivation au travail) des candidats.

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dossier

Les résultats de l’enquête PISA indiquent que les jeunes Polonais de


15 ans sont de mieux en mieux éduqués. Il est important de soutenir le déve-
loppement de leurs compétences à tous les niveaux de formation. En revanche,
si la conjoncture ne favorise pas l’entrepreneuriat en Pologne et si de nouveaux
emplois attractifs ne sont pas créés, l’effort éducatif débouchera sur un flux
croissant d’émigration pour des raisons économiques. Ce diagnostic est déjà
largement partagé. S’il est difficile de passer d’une prise de conscience générale
à l’action visant à changer la situation, c’est parce que les recettes ne sont
qu’apparemment simples. Dans le contexte social, les transformations dans un
champ sont interconnectées avec les changements de modes d’action dans
d’autres champs, entraînant des résistances individuelles et de certains groupes
d’intérêt. La condition sine qua non d’une économie innovante est la capacité à
mener des innovations sociales difficiles, qui demandent un pilotage politique
à plusieurs niveaux et dans plusieurs champs, tout comme l’innovation dans
l’économie demande un esprit d’entreprise.
Le changement essentiel en matière de qualité des qualifications deman-
dées sur le marché de travail a été apporté par la loi du 22 décembre 2015 relative
au système de qualifications intégré (Zintegrowany System Kwalifikacji, ZSK).
Toutes les qualifications incluses dans le ZSK ayant le niveau du cadre polonais
des qualifications seront inscrites dans le registre intégré de qualifications. Une
qualification intégrée au ZSK pourra être attribuée par un organisme certifiant
habilité. Chaque institution attribuant les qualifications intégrées au ZSK sera 109
intégrée dans le système d’assurance de qualité de la certification, interne et
externe, contrôlé par le ministre compétent.
Les solutions et mécanismes introduits devraient permettre de relever
le niveau du capital humain en Pologne grâce à l’augmentation du nombre de
personnes en formation, à l’amélioration de l’efficacité de l’investissement en
capital humain et à l’adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du
travail, particulièrement en ce qui concerne les qualifications externes au système
éducatif et d’enseignement supérieur. Les changements engagés par le gouver-
nement dans le domaine de la formation professionnelle et qui auront un impact
sur les projets dans la nouvelle perspective financière 2014-2020 concernent en
particulier : la collaboration des écoles professionnelles avec les employeurs ; le
développement des formes extrascolaires de formation et d’apprentissage ;
le développement du conseil d’orientation et du système d’information éducative
et professionnelle ; le soutien aux écoles et aux établissements offrant une
for mation professionnelle ; le suivi des carrières des diplômés d’écoles profes-
sionnelles ; l’amélioration du processus de validation des acquis de la formation
professionnelle ; la promotion de la formation professionnelle.

N° 71 - avril 2016
Bibliographie
GÓRNIAK J. (coord.) (2014) : Kompetencje Polaków a potrzeby polskiej gospodarki,
Raport podsumowujący IV edycję badań BKL z 2013 r [Les compétences des Polonais
et les besoins de l’économie polonaise, Rapport de clôture de la 4e édition d’études
BKL de 2013], Varsovie : Agence polonaise de développement de l’entrepreneuriat.
JELONEK M., KASPAREK K. et MAGIEROWSKI M. (2015) : Młodzi na rynku pracy
– pracownicy, przedsiębiorcy, bezrobotni. Na podstawie analizy kierunków kształcenia
zrealizowanej w 2014 roku w ramach V edycji projektu Bilans Kapitału Ludzkiego
Edukacja a rynek pracy – tom IV [Les jeunes sur le marché de travail : employés,
entrepreneurs, sans emploi [À partir d’une analyse des disciplines de formation
réalisée en 2014 dans le cadre de la 5e édition du projet Bilan du capital humain –
éducation et le marché de travail, vol. IV], Varsovie : Agence polonaise de dévelop-
pement de l’entrepreneuriat.
KOWEZiU (2013a) : Kształcenie zawodowe i ustawiczne. Vademecum [Formation
professionnelle et continue. Vademecum], Varsovie.
KOWEZiU (2013b) : Współpraca szkół zawodwych z pracodawcami. Przykładowe
rowziązania [Collaboration d’écoles professionnelles avec des employeurs. Exemples
de solutions], Varsovie.
Ministère du travail et de la politique sociale (2015) : Zawody deficytowe i nadwyżkowe,
Informacja sygnalna z I półrocze 2015 [Métiers déficitaires et en surplus, Information
signalétique pour le 1er semestre 2015], Varsovie.

110

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

Comment mieux
prendre en compte les
besoins économiques ?
Enseignement supérieur et formation professionnelle
en Colombie*

Paula Escobar
Département national de planification

Juliana López
Département national de planification

La formation professionnelle en Colombie s’est construite par change-


ments successifs et parcellaires de la réglementation de l’enseignement post-
secondaire et elle est soumise aux grands enjeux de la formation universitaire,
sans suivre une planification qui lui reconnaisse une autonomie et des objectifs
propres, comme par exemple répondre aux demandes du marché du travail ou
développer des compétences spécifiques. C’est pourquoi le principal défi de
l’enseignement postsecondaire réside dans l’élaboration d’une politique nationale 111
faite d’interventions systémiques qui apportent des solutions aux problèmes
structurels auxquels il est traditionnellement difficile de répondre.
Il existe en Colombie un profond décalage entre l’offre et la demande
de capital humain en raison de l’absence de canaux de communication et de
vocabulaire commun entre le marché du travail et l’offre de l’enseignement post-
secondaire. Cela conduit à l’élaboration unilatérale de programmes d’études qui
ne répondent pas aux besoins des emplois disponibles pour les nouveaux
diplômés. Cette situation affecte le développement économique du pays puisque
les universités, qui concentrent 65,7 % des diplômés de l’enseignement supérieur,
sont présentes dans 100 des 1 102 villes du pays, ce qui génère une concentration
du capital humain, de la connaissance et de l’innovation sur 9,07 % du territoire
national. Par conséquent, les régions à potentiel économique ne disposent pas
du personnel qualifié pour le développement durable de l’industrie et du
commerce (Ministère de l’éducation nationale, 2015).
C’est pour cette raison que le gouvernement colombien, dans le cadre
du plan national de développement (2014-2018) « Tous pour un nouveau pays »1,
a lancé officiellement la restructuration de l’enseignement postsecondaire à
travers la mise en œuvre du Système national d’enseignement supérieur (Sistema

* Article traduit par Sylvaine Herold.


1. « Todos por un Nuevo País » en espagnol. (NdT)

N° 71 - avril 2016
Nacional de Educación Terciaria, SNET). Ce système, qui consiste en une reconfi-
guration des différents niveaux d’enseignement postsecondaire en deux parcours,
selon l’orientation universitaire ou professionnelle des étudiants : i) enseignement
supérieur et ii) formation professionnelle. Chacun de ces parcours est organisé
en fonction de sa complexité et de sa spécialisation propres, et la mobilité entre
eux est facilitée.
Il est donc important de comprendre le fonctionnement actuel de l’ensei-
gnement postsecondaire en Colombie, en mettant l’accent sur la formation profes-
sionnelle, ses principales difficultés et les stratégies d’intervention mises en œuvre
à travers le SNET. Dans cet article, l’enseignement supérieur comprend la formation
professionnelle et la formation universitaire ; il existe également en parallèle en
Colombie un enseignement professionnel supérieur court2 institutionnalisé, appelé
l’« éducation pour le travail et le développement humain »3 (graphique 1).

Le système actuel
de formation
du capital humain
La réglementation et les politiques publiques ont façonné un système
de formation du capital humain divisé entre une formation à caractère univer-
sitaire et une formation professionnelle. En outre, la réglementation établit une
112 distinction entre l’éducation formelle et le système d’éducation pour le travail.
Font partie de l’éducation formelle l’éducation primaire et secondaire, ainsi que
l’enseignement technique, technologique et universitaire (qui comprend des
premiers cycles et des cycles supérieurs). Le système d’éducation pour le travail
comprend, quant à lui, des programmes courts qui visent à former à la perfor-
mance professionnelle ou à des compétences spécifiques. Afin de favoriser la
mobilité entre ces deux systèmes, la loi reconnaît la possibilité d’une formation
par cycles propédeutiques, qui vise à faire progresser dans les différents niveaux
de formation et reconnaît les certificats d’apprentissage antérieurs. Des méca-
nismes d’assurance qualité des programmes sont également définis pour chacun
de ces deux systèmes.
Par conséquent, à l’issue de l’éducation secondaire, un jeune a la possi-
bilité de suivre une éducation pour le travail et le développement humain, une
formation professionnelle à travers des programmes techniques et technologiques
ou la voie universitaire, qui comprend des premiers cycles et des cycles supérieurs.
Dans la pratique, cette multiplicité d’options pâtit néanmoins du manque de
connexions, de mobilité et de hiérarchisation entre les niveaux de formation. Le
graphique suivant illustre le système actuel de formation du capital humain.

2. Enseñanza superior profesional corta (ESPC) en espagnol. (NdT)


3. L’éducation pour le travail et le développement humain a pour origine l’éducation non formelle. Elle se caractérise
par la reconnaissance institutionnelle de ses centres de formation qui certifient des aptitudes professionnelles mais
ne peuvent pas délivrer de diplômes pour les études (loi 1064/2006).

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dossier

Graphique 1. Structure du système de formation du capital humain en Colombie

Éducation pour le travail et le développement humain

Système national de formation professionnelle

Éducation formelle

Universitaire
Enseignement
supérieur Technologique

Technique

Éducation
secondaire Académique Technique
(2e cycle)

Éducation de base Secondaire (1er cycle)

Primaire

Source : d’après le Département national de planification, 2010.

113
L’accès à l’un ou l’autre de ces deux types de formation postsecondaire
dépend en grande partie de quatre facteurs : l’accès au second cycle de l’éducation
secondaire, l’orientation professionnelle, l’information que reçoivent les étudiants
et leurs conditions socioéconomiques.
En premier lieu, l’accès au second cycle du secondaire est un goulet
d’étranglement traditionnel pour l’accès à l’enseignement supérieur. Selon la loi,
il est nécessaire d’avoir achevé le second cycle du secondaire pour accéder à un
programme d’enseignement supérieur, mais ce niveau éducatif n’est devenu obli-
gatoire qu’en mai 2015. De plus, il n’est disponible que dans certains établisse-
ments scolaires et son taux de couverture est très faible (inférieur à 50 %). Si
bien que de nombreux élèves, une fois qu’ils ont terminé l’éducation primaire,
se dirigent vers des programmes d’éducation pour le travail au lieu de poursuivre
le second cycle du secondaire qui leur permettrait d’accéder à un enseignement
technique, technologique ou universitaire.
En second lieu, l’orientation professionnelle est généralement peu déve-
loppée. Elle n’est proposée que dans certains établissements scolaires de base ou
bien, pour les établissements d’enseignement supérieur, elle est restreinte à leurs
propres programmes. En outre, bien que le ministère de l’éducation nationale
dispose d’un observatoire de l’emploi pour l’éducation, qui publie des informa-
tions sur les conditions du marché du travail en lien avec les profils de formation
les plus demandés, ce dernier est peu consulté et peu diffusé. Dans de nombreux

N° 71 - avril 2016
cas, la décision de formation obéit à des imaginaires locaux sur les programmes
les plus prestigieux ou à même d’offrir un meilleur avenir professionnel en termes
d’employabilité et de revenus.
Enfin, lorsque les conditions socioéconomiques représentent une
contrainte pour l’accès aux programmes universitaires, il est habituel que les
étudiants commencent par des programmes de courte durée ou des niveaux
techniques et technologiques qui, au sein d’un parcours de cycles propédeutiques,
leur permettront de réaliser une transition vers des programmes d’enseignement
universitaire une fois qu’ils auront un emploi.
D’un point de vue de politique publique, les lignes directrices concer-
nant le système de formation du capital humain sont à la charge de deux orga-
nismes de niveau hiérarchique équivalent au sein du gouvernement national, ce
qui complique la définition de lignes directrices uniques ou au moins articulées.
Tandis que le ministère de l’éducation nationale est le chef de file pour le secteur
éducatif et l’éducation formelle, le ministère du travail est responsable des orien-
tations de l’éducation pour le travail. Bien que les deux organismes soient de
même niveau hiérarchique, le ministère de l’éducation bénéficie d’une influence
plus grande sur le système et sur la définition de la formation du capital humain
dans son ensemble.
En ce qui concerne l’offre de programmes, ceux-ci sont développés par
quatre types d’établissements d’enseignement supérieur publics et privés : les
114 universités, les établissements universitaires, les instituts technologiques et les
établissements professionnels. La troisième catégorie comprend le service national
d’apprentissage (Servicio Nacional de Aprendizaje, SENA). Cet organisme public
dépend du ministère du travail et propose des programmes aussi bien d’éducation
formelle (technique et technologique) que d’éducation pour le travail. L’ensei-
gnement qu’il propose est gratuit et il est présent sur tout le territoire colombien.
En outre, le SENA est en charge de l’élaboration des normes de compétence
professionnelle en lien avec les entreprises et il développe les processus de certi-
fication professionnelle.
Cependant, bien que dans sa conception le système de formation du
capital humain colombien recherche l’articulation entre l’éducation formelle et
l’éducation pour le travail, et ambitionne de générer des mécanismes d’assurance
qualité et d’offrir des programmes pertinents en lien avec les besoins des entre-
prises, un diagnostic un peu plus détaillé fait ressortir certaines difficultés.

Faible mobilité
entre les établissements et
entre les niveaux de formation
Les difficultés de mobilité sont l’un des obstacles auxquels est confrontée
la formation professionnelle dans ses relations à la formation universitaire, en
raison du manque de connexion entre les niveaux et les types de formations

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postsecondaires. Cette déconnexion provient du fait que les « …interrelations


découlent de processus historiques et de préoccupations particulières et ne contri-
buent pas à un fonctionnement systémique et synergique » (Ministère de l’éduca-
tion nationale, 2015). Cela signifie qu’une fois qu’une personne a choisi la formation
professionnelle ou universitaire, il ne lui est pas possible de suivre un parcours
personnalisé en fonction de ses intérêts professionnels et de ses compétences.
La déconnexion entre formation professionnelle et universitaire provient
en partie de la réglementation régissant le secteur éducatif, qui régule de manière
fractionnée les processus d’admission à l’enseignement postsecondaire. De fait,
l’existence de lois différentes concernant l’enseignement postsecondaire d’une
part et l’éducation primaire et secondaire de l’autre a divisé le système dès sa
conception. Le même phénomène se produit pour l’enseignement postsecondaire
puisqu’il existe des lois, des décrets et des résolutions différentes pour l’éducation
pour le travail, la formation professionnelle et l’enseignement universitaire. Au
niveau institutionnel, cela se traduit par l’existence de différents types d’établis-
sements d’enseignement supérieur avec différents niveaux d’autonomie, des
sources de financement variables, des systèmes d’assurance qualité indépendants,
des niveaux de développement inégaux, et ne communiquant pas entre eux afin
de favoriser la mobilité.
La faible mobilité est également due à l’absence d’un cadre national de
certification qui permette à toutes les parties d’utiliser un langage commun basé
sur l’approche par compétences définissant les connaissances, aptitudes et habi- 115
lités que les personnes devraient acquérir à travers chaque processus de formation.
L’absence d’un tel cadre de référence limite la capacité des établissements à
reconnaître les acquis, même lorsque ceux-ci sont certifiés et malgré l’existence
de systèmes de crédits universitaires dans de nombreux établissements. L’un des
défis les plus importants pour la création de ce cadre se situe au niveau de la
corrélation entre les domaines de connaissance, les domaines professionnels et
la classification des professions4.
Cela conduit à une rigidité des systèmes administratifs, ce qui entrave
le développement des processus de base pour favoriser la mobilité entre les diffé-
rents types et niveaux de formation, comme par exemple la reconnaissance des
diplômes. Cette difficulté s’étend à l’ensemble du système puisque deux
programmes appartenant aux mêmes domaine et sous-domaine de connaissance
ne sont souvent pas compatibles (par exemple, le programme de formation
professionnelle « technique professionnelle de comptabilité » et le programme
universitaire « comptabilité publique », appartenant au même domaine ou sous-
domaine de connaissance, ne sont pas compatibles dans tous les cas car, entre

4. Actuellement en Colombie, la classification des professions est basée sur la classification nationale des profes-
sions (Clasificación Nacional de Ocupaciones, CNO48) et sur la classification internationale type des professions
CITP-08, ce qui complique la standardisation en domaines de connaissance, domaines professionnels et
compétences.

N° 71 - avril 2016
ces deux formations, il n’existe pas de vocabulaire commun pour la mobilité
verticale et horizontale qui permettrait à une personne de passer du programme
a) au programme, b) en faisant reconnaître tout ou partie de ses acquis anté-
rieurs). Seuls les établissements dotés de programmes et de curriculums organisés
en cycles propédeutiques offrent une plus grande mobilité entre les niveaux de
formation. De même, on constate une plus grande mobilité lorsqu’il existe des
accords particuliers entre établissements pour faciliter la reconnaissance des
diplômes et le passage entre niveaux, mais ce sont des cas spécifiques d’alliances
ponctuelles et non la norme.

Peu d’articulation entre l’offre


éducative et les besoins
des entreprises
La communication entre les organismes responsables des processus de
formation et les entreprises varie considérablement entre la formation universi-
taire et l’éducation pour le travail. Dans le premier cas, la conception des
programmes de formation suit la plupart du temps les avancées de la recherche,
de la science et de la technologie dans les différents domaines de la connaissance
(selon la classification internationale type de l’éducation 2011, CITE-11). En ce
qui concerne l’éducation pour le travail, il existe des mécanismes destinés à
faciliter la communication entre le secteur productif et celui de la formation,
116 afin de favoriser la pertinence des programmes.
D’un point de vue de politique publique, le leadership du système
national de formation professionnelle a été confié au SENA afin d’unifier la
qualité de la formation du talent humain. Ses responsabilités portent sur la
pertinence de l’offre de programmes de formation, la normalisation des compé-
tences professionnelles et leur certification. Pour répondre à ces objectifs, des
tables rondes sectorielles (Mesas Sectoriales), instances de concertation entre les
entreprises, les travailleurs, les établissements de formation et les organes de
régulation, ont été créées.
Leurs principaux objectifs sont l’élaboration et l’actualisation des normes de
compétence professionnelle et des outils d’évaluation, de proposer de nouveaux
programmes de formation au SENA et aux autres organismes du secteur de
l’éducation pour le travail et le développement humain, de promouvoir l’utili-
sation des normes pour la gestion des ressources humaines dans les entreprises,
mais aussi d’appuyer les projets de certification en normes de compétence
professionnelle, pilotés par le SENA, pour les travailleurs indépendants et sans
emploi. (Econometría, 2014).

Les tables rondes sectorielles sont ainsi au cœur du dispositif de


formation du talent humain basé sur les compétences, qui se renforce en Colombie
depuis 1997.
Les productions des tables rondes sectorielles visent à répondre à ces
trois processus en générant des analyses sectorielles, des normes de compétence

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professionnelle utilisées pour la formation et des normes de compétence profes-


sionnelle utilisées pour la certification, les diplômes et les qualifications (Econo-
metría, 2014). Il existe plus de 80 tables rondes sectorielles au sein du SENA,
réparties selon la classification nationale des professions, la CNO, qui est établie
par domaines professionnels. Cependant, le degré d’achèvement des productions
varie considérablement selon les tables rondes. Beaucoup ne disposent pas
d’analyses sectorielles, ni de mises à jour régulières, ce qui fait qu’elles n’ont pas
l’apport de base pour déterminer les normes, certifications et programmes dont
chaque secteur a besoin. De la même manière, certaines tables rondes sont plus
actives que d’autres en ce qui concerne l’élaboration de normes de compétence
professionnelle (Econometría, 2014). La structure tripartite de ces tables rondes
(gouvernement, établissements de formation et entreprises) vise à impulser du
dynamisme, mais dans la réalité cela dépend de la participation effective de
chaque partie, tant du niveau hiérarchique de ses représentants que de leur
présence dans chacun des espaces des tables rondes. Généralement, la partici-
pation des trois parties aux tables rondes sectorielles engendre les bénéfices
suivants : identification des besoins en formation dans les différents secteurs
économiques, création de synergies entre le secteur public et le secteur privé,
accès aux informations pertinentes et création de consensus entre les entreprises
et le secteur éducatif (Econometría, 2014).
Finalement, les tables rondes sectorielles, en tant que mécanismes d’arti-
culation entre l’offre de programmes et les besoins du secteur privé, ont obtenu 117
des résultats à la fois positifs et négatifs. Elles sont généralement parvenues à
devenir un espace de connaissance des besoins des entreprises et à produire des
méthodologies pour que le secteur éducatif, en particulier celui de l’éducation
pour le travail, puisse les intégrer dans ses programmes. Cependant, le manque
d’analyses sectorielles reflète l’absence de suivi permanent des secteurs, de sorte
que les apports pour la normalisation et la certification ne sont pas mis à jours
ni standardisés et ne reflètent donc ni la réalité des secteurs ni leurs besoins. En
outre, le SENA, qui est responsable à la fois des processus de formation et des
processus de normalisation et de certification, devient juge et partie du système,
ce qui conduit un grand nombre d’acteurs à questionner son rôle par rapport à
celui que devraient jouer les ministères de l’éducation et du travail.
En conséquence, bien que les programmes d’enseignement supérieur
(tant universitaires que de formation professionnelle) disposent de profils de
sortie types, ceux-ci ne répondent pas nécessairement au dialogue mené avec les
entreprises ou à un dialogue basé sur des informations à jour et standardisées.
Cela se traduit, par exemple, par le fait que la moitié des entreprises du pays
font état de difficultés au moment de recruter, la principale cause étant l’absence
de compétences techniques adaptées (Consejo Privado de Competitividad, 2015).
Un obstacle supplémentaire à la communication entre le secteur
productif et l’offre éducative réside dans le fait que le vocabulaire utilisé par
chacun diffère, sans avoir de correspondance. Autrement dit, tandis que l’offre

N° 71 - avril 2016
éducative propose des programmes au sein de différents domaines et sous-
domaines de connaissance adaptés de la CITE-11 (par exemple, domaine :
économie, administration, comptabilité et analogues ; sous-domaine : adminis-
tration ; programme : administration bancaire et financière), du côté des entre-
prises, les emplois disponibles, leurs fonctions et les tâches associées sont adaptés
de la classification professionnelle CITP-08, dans laquelle les groupes de profes-
sions associés au domaine administratif sont répartis dans cinq des neuf domaines
professionnels (par exemple, groupe 1 : directeurs, administrateurs et commer-
ciaux ; groupe 2 : spécialistes en organisation de l’administration publique et des
entreprises ; groupe 3 : professionnels de niveau intermédiaire en opérations
financières et administratives). Cela est dû à l’absence d’un cadre national de
certification, comme cela a été mentionné précédemment.

Sous-positionnement
des programmes d’éducation
pour le travail et de formation
professionnelle
Il existe en Colombie une vision largement répandue selon laquelle la
formation universitaire est plus valorisée que l’éducation pour le travail et la
formation professionnelle.
[…] l’éducation pour le travail manque de la reconnaissance nécessaire comme
118
parcours de formation et de progression professionnelle ; reconnaissance qu’elle
a dans d’autres pays. Quelque chose de semblable est arrivé à la formation
technique et technologique professionnelle. À tort, le pays a sous-valorisé
l’éducation pour le travail, la considérant comme une solution obligée pour les
jeunes ne pouvant pas accéder aux programmes d’enseignement supérieur.
(CESU, 2014)

Cela s’observe, par exemple, si l’on compare les rendements privés5 et


sociaux de chaque niveau de formation. Les rendements privés sont de 26,5 %
pour les programmes techniques et technologiques, de 14,3 % pour les
programmes de niveau universitaire et de 27,9 % lorsque l’on passe d’un diplôme
professionnel à un diplôme universitaire de cycle supérieur (Penagos et Zarama,
2013) ; les taux estimés des rendements sociaux sont de 21,6 %, 23, 3 % et 48,2 %
respectivement (Penagos et Zarama, 2015).
Les chiffres de l’intégration sur le marché du travail illustrent également
cette vision. En 2013, le taux d’intégration sur le marché du travail en ce qui
concerne la formation professionnelle était de 64,7 % pour les techniciens profes-
sionnels et de 68,2 % pour les technologues, contre 79,2 % pour les diplômés
de premier cycle universitaire et 92,3 % pour les diplômés de cycle supérieur.

5. « Les taux marginaux de rendement privé de l’éducation indiquent la différence moyenne de salaire entre des
travailleurs dont le niveau éducatif diffère d’un an » (Penagos et Zarama, 2013).

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dossier

En outre, la rémunération mensuelle initiale 6 des diplômés de la formation


professionnelle était, en 2013, de 533,23 USD en moyenne pour les techniciens
professionnels et de 572,27 USD pour les technologues. Ces chiffres montrent
que les options les plus attractives résident dans les programmes de formation
universitaire. Cela a conduit, en 2014, les universités à accueillir 65,66 % de la
totalité des étudiants inscrits (Ministère de l’éducation nationale, 2015).
Ce manque de reconnaissance est également aggravé par le faible niveau
d’accréditation de la qualité des établissements et programmes de formation
professionnelle et universitaire, la démarche d’accréditation de la qualité étant
volontaire selon la loi, et inexistante dans le cas de l’éducation pour le travail et
le développement humain. Par conséquent, seuls 5,51 % de l’ensemble des
programmes des établissements techniques professionnels sont accrédités ; 6,7 %
pour les établissements technologiques.
Enfin, du côté de la demande, les entreprises ne contribuent pas non
plus à la reconnaissance de la formation professionnelle : elles ne définissent pas
systématiquement leurs besoins en techniciens, ne disposent pas de modèles
pédagogiques reproductibles à l’ensemble de la formation professionnelle et ne
financent la formation des travailleurs qu’à travers de modestes unités profes-
sionnelles d’apprentissage en entreprises7 pour la formation à des compétences
professionnelles spécifiques.

119
Vers un nouveau système
de formation du capital
Les trois problèmes décrits précédemment sont de notoriété publique
pour tous les acteurs du système, à des degrés différents d’acceptation. Il existe
cependant un consensus sur la nécessité de développer des stratégies traitant à
la fois des problèmes de quantité (i.e. couverture), de qualité (i.e. compétences
et contenus, assurance qualité et reconnaissance) et de pertinence (i.e. articula-
tion avec le secteur productif ) de l’enseignement universitaire et de la formation
professionnelle. Pour cela, le gouvernement colombien a décidé de construire
une réponse systématique en restructurant les parcours et les dynamiques exis-
tants dans l’enseignement postsecondaire.
Le système national d’enseignement supérieur (Sistema Nacional de
Educación Terciaria, SNET), créé en 2015 par le plan national de développement
pour le pays, en vigueur jusqu’en 2018, est une réponse qui comprend à la fois
une amélioration de la qualité, l’universalisation de l’accès, la viabilité financière

6. La rémunération mensuelle initiale est calculée en prenant en compte le taux représentatif du marché annuel
moyen du dollar en 2013 équivalent à 1 868,90 pesos colombiens de cette même annuité (Banco de la República,
2016).
7. Unidades Vocacionales de Aprendizaje en la Empresa (UVAE) en espagnol : les unités professionnelles d’appren-
tissage en entreprises sont un dispositif mis en place en 2013 par le ministère du travail colombien pour favoriser la
formation au sein des entreprises afin de préparer et former les travailleurs aux compétences requises par les procé-
dés spécifiques de l’entreprise. Source : Ministère du travail colombien. (NdT)

N° 71 - avril 2016
et l’autorégulation du système. Le SNET vise à renforcer la formation profes-
sionnelle à travers les programmes techniques et technologiques, à renforcer
l’approche par compétences avec la création et la mise en œuvre d’un cadre
national de certification et, simultanément, à organiser un système d’information
intégrateur de l’offre pour sa mise en relation avec les demandes du secteur
productif. De manière générale, le SNET prévoit la création de deux piliers indé-
pendants de formation (universitaire et professionnel), qui communiquent entre
eux grâce au cadre national de certification et à un système de transfert et
d’accumulation de crédits. De même, le SNET cherche à intégrer les systèmes
d’assurance qualité existant à l’heure actuelle, de manière à couvrir non seulement
l’enseignement universitaire mais également l’enseignement technique profes-
sionnel, comme cela est illustré dans le graphique 2.

Graphique 2. Les axes éducatifs du système national d’enseignement supérieur


Système d’enseignement supérieur

Enseignement universitaire Enseignement professionnel

Doctorat

Maîtrise – Maîtrise technique –


spécialisation universitaire spécialisation technique
120
Enseignement supérieur
Enseignement supérieur technique
universitaire
Cours préparatoire optionnel
Cours préparatoire optionnel

Éducation Éducation
Niveaux 10 et 11 Technique
secondaire (2e cycle) : Technique pour le
travail

Source : Ministère de l’éducation nationale, 2015

Les cinq piliers stratégiques


du Système national
d’enseignement supérieur
(SNET)
Les cinq piliers du SNET visent à promouvoir l’excellence de l’ensei-
gnement supérieur, une couverture régionale accrue, l’efficacité de l’assurance
qualité, la viabilité financière et la structuration de la formation professionnelle
(Ministère de l’éducation nationale, 2015).
Le premier pilier du SNET, qui a pour objectif la promotion de l’excel-
lence, comprend : i) une formation de haut niveau via le niveau de qualification

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du personnel enseignant ; ii) un système de recherche consolidé avec une


production scientifique de haut niveau répondant aux besoins du pays ; et iii) un
environnement de bien-être pour les étudiants qui leur permette de terminer
leurs études avec succès, comprenant des infrastructures adaptées et des méca-
nismes pour favoriser la persévérance des étudiants et l’obtention de diplômes.
Ce pilier vise essentiellement à surmonter la déconnexion entre les secteurs
productif et éducatif afin d’améliorer la programmation des ressources humaines
à court et moyen terme, à un stade naissant actuellement.
Le second pilier cherche à élargir l’accès à l’enseignement supérieur
(universitaire et professionnel) à travers un plan de régionalisation qui rende cet
enseignement disponible dans toutes les régions du pays et qui permette d’orga-
niser la mobilité des étudiants en différents lieux par le biais d’un système de
réseaux entre établissements. Ce pilier prévoit également de créer des mécanismes
de financement et d’admission différenciés en donnant la priorité au niveau
régional, afin de surmonter la concentration du savoir dans les principales villes
du pays.
Le troisième pilier porte sur la structuration de la formation profession-
nelle. Il est prévu de renforcer, de transformer ou de créer des établissements à
caractère public et privé pour la formation technique et technologique de niveau
basique et spécialisé. De cette manière, le pays disposera d’établissements qui
auront pour objet unique de formation et de recherche l’un de ces niveaux de
formation. Il est également prévu de renforcer le profil des enseignants qui 121
dispensent la formation professionnelle et de doter ces établissements d’infras-
tructures adaptées. De même, il est proposé de concevoir les curriculums en se
référant aux qualifications, par le biais de processus d’élaboration conjoints entre
entrepreneurs, employeurs et travailleurs, pour qu’ils répondent aux évolutions
du monde du travail, aux spécificités des différentes régions et du pays, et aux
exigences du contexte international. Cela comprend, entre autres, la standardi-
sation de l’offre éducative, ce qui devrait faciliter l’articulation entre les niveaux
de la formation professionnelle et l’enseignement universitaire.
Le quatrième pilier propose de développer un système de financement
basé sur l’offre et la demande, qui permettrait de générer une gestion globale,
souple et soutenable des ressources, mais aussi de promouvoir l’efficacité, l’équité
et la qualité de l’éducation. Ce pilier donne la priorité aux étudiants à faible
revenu grâce à un système de ciblage national, encourage le crédit dans des
établissements agréés par le ministère et promeut également les nouvelles sources
de financement.
Enfin, le dernier pilier se concentre sur la création du système national
de qualité de l’enseignement supérieur (Sistema Nacional de Calidad de la Educa-
ción Terciaria, SISNACET), qui sera basé sur des critères d’excellence internatio-
nale pour les deux types de formation. Il permettra de surmonter les goulets
d’étranglement du système d’assurance qualité actuel ; cela, grâce à une « parti-
cipation active aux réseaux et aux scénarios qui permette de transmettre et de

N° 71 - avril 2016
rendre visibles les processus d’évaluation nationaux ; mais également de progresser
vers des processus d’accréditation internationaux qui nous permettent d’interagir
avec d’autres régions en matière de qualité » (Ministère de l’éducation nationale,
2015).

Bibliographie
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el apoyo y fortalecimiento de la educación para el trabajo y el desarrollo humano
establecida como educación no formal en la Ley General de Educación [Loi 1064 de
2006 établissant les normes pour le soutien et le renforcement de l’éducation pour le
travail et le développement humain établie comme éducation non formelle dans la
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2015-2016 [Rapport national sur la compétitivité 2015-2016], [en ligne] [http://goo.
gl/Sa5c4T].
Ministerio de Educación Nacional (2015) : Bases para la Construcción del Plan
Nacional de Educación Terciaria [Bases pour la construction du plan national d’ensei-
gnement supérieur].
Ministerio de Educación Nacional (2015) : Bases para la Construcción de los Linea-
mientos de Política Pública del Sistema Nacional de Educación Terciaría (SNET) [Bases
pour l’élaboration des lignes directrices de politique publique du système national
d’enseignement supérieur], [en ligne] [https://goo.gl/7niMKZ].
PENAGOS J.F. et ZARAMA R. (2013) : Educación como inversión privada y social :
retornos de la educación terciaria en Colombia [L’éducation comme investissement
privé et social : rendements de l’enseignement supérieur en Colombie].
PENAGOS J.F. et ZARAMA R. (2015) : Una propuesta para financiar educación
terciaria de alta calidad para las mentes más brillantes de Colombia [Une proposition
pour financer un enseignement supérieur de haute qualité pour les esprits les plus
brillants de Colombie].

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dossier

Un besoin mondial
d’enseignement
supérieur
professionnel court
L’exemple du Maroc

Zayer El Majid
École normale supérieure
de l’enseignement technique de Mohammédia

Une dizaine d’années après la traduction de la Charte de l’éducation et


de la formation au Maroc (Royaume du Maroc, 1999) en mesures d’application
(textes de loi et décrets) adoptées par le parlement, il paraît légitime aujourd’hui
d’en mesurer les résultats quantitatifs et qualitatifs.
La réforme a-t-elle rempli tous les objectifs qu’on lui avait assignés ?
A-t-elle répondu à tout ou partie des attentes des Marocains ? Faut-il réformer
la réforme ou s’accommoder de quelques retouches apportées ici et là en fonction
des vicissitudes politiques ? Ces interrogations vont jalonner cette contribution
et renverront sans doute à un précédent article publié par la Revue internationale 123
d’éducation de Sèvres (El Majid, 2003).
Nous consacrons cet article plus particulièrement à l’enseignement supé-
rieur professionnel court et à l’employabilité au Maroc. Nous y traitons de
l’évolution du système d’éducation et de formation, de ses missions, de sa gouver-
nance et de ses capacités à s’adapter aux changements d’une économie mouvante,
d’une complexité croissante, ainsi qu’aux nouvelles exigences que lui impose le
marché de l’emploi. Notons au passage que le système d’éducation et de formation
est encore traversé par des courants qui privilégient la continuité au lieu d’anti-
ciper les changements pédagogiques, technologiques et économiques.
À l’instar de plusieurs systèmes dans le monde, le système d’éducation
et de formation au Maroc reste caractérisé par son inertie et par un certain
conservatisme.
Plus les changements sont rapides et urgents, plus les pédagogues se
raidissent sur des positions presque dogmatiques, de peur de se voir submergés
par les innovations imposées par les contraintes internes et externes au système.
Pourtant, sans qu’elle y prenne garde, cette communauté de pédagogues est déjà
en train de composer avec les intrus que sont les moyens audiovisuels et multi-
média (radio, télévision, presse, Internet, réseaux sociaux, etc.) sans compter les
opérateurs et fournisseurs privés de cours en présentiel ou en ligne.
Au sein de cette communauté frileuse, les formateurs de l’enseignement
technique et professionnel constituent peut-être une exception. La raison en est

N° 71 - avril 2016
que, depuis plus de vingt ans, on y est convaincu que la formation doit précéder
les technologies et les machines. D’où le succès des formations continues desti-
nées aux formateurs de l’enseignement technique et professionnel et aux person-
nels des entreprises.
De grandes questions demeurent toutefois sans réponse, alors que les
lauréats de l’enseignement technique et professionnel court ont de meilleures
chances d’insertion sur le marché de l’emploi que les autres. Ces formations
restent peu ou pas assez prisées par une jeunesse pourtant à la recherche d’une
intégration sociale, à laquelle le travail représente une première porte d’accès.
Dans cet article, nous proposons quelques rappels des objectifs que la
réforme avait fixés au système ainsi que du niveau de leur réalisation. Un trai-
tement particulier sera réservé à l’enseignement professionnel supérieur court
en rapport avec l’employabilité. Il y sera question de pilotage et de gouvernance,
d’orientation, d’implication ou non des opérateurs économiques, sans oublier la
capacité du système à répondre aux différents besoins en ressources humaines
clairement exprimés par les différentes stratégies sectorielles1.

Évolution de l’éducation
et de la formation au Maroc
Les objectifs fixés par la Charte de l’éducation et de la formation (2000)
124 étaient les suivants :
– une proportion de 50 % des personnes professionnellement qualifiées
arrivant chaque année sur le marché du travail à l’horizon 2010, alors qu’en 2000
elles n’étaient que 20 % ;
– une formation par apprentissage de 10 000 jeunes à partir de 2000,
40 000 jeunes à partir de 2005 et 60 000 en 2010 ;
– une formation alternée de 12 000 jeunes à partir de 2000 et 30 000 à
partir de 2005 ;
– l’orientation vers les branches scientifiques techniques et profession-
nelles des deux tiers de l’effectif total de l’enseignement secondaire et
supérieur ;
– un développement de l’appareil de formation, dont les effectifs
globaux des stagiaires, tout mode de formation confondus, passeraient de 149 600
en 2000 à 360 600 en 2011 ;
– la mise sur le marché du travail de 170 000 personnes diplômées ou
qualifiées à l’horizon 2011 contre 72 000 en 2000 ;
– le doublement des effectifs des lauréats des sections de brevets de
techniciens supérieurs ;
– la mise en place du baccalauréat professionnel.

1. Pacte Émergence industrielle (ministère de l’industrie), plan Maroc vert (ministère de l’agriculture), plan Azur
(ministère du tourisme), plan Halieutis (ministère de l’agriculture et de la pêche maritime), Initiative nationale de
développement humain (ministère de l’intérieur).

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dossier

En ce qui concerne les réalisations sur la période 2000-2013 (CSEFRS,


2014), on assiste à une augmentation du taux de scolarisation spécifique des
enfants de 6 ans (+ 28,6 points) passant de 66,4 à 95,1 %. C’est une avancée
remarquable. Toutefois, ceci ne doit pas cacher des taux de décrochage qui restent
importants, notamment en milieu rural. Car même si l’école est obligatoire, il
n’y a ni mesures contraignantes ni sanctions pénales prévues à l’encontre des
parents ou des tuteurs qui n’y maintiennent pas les enfants. De ce fait, plusieurs
jeunes restent en marge de l’école, sans la moindre qualification. Le processus
de formation par apprentissage, qui intervient un peu plus tard, exigerait toujours
un minimum de connaissances de base. Dans l’ensemble, des progrès importants
ont été accomplis en matière d’éducation et de formation au niveau quantitatif
et même qualitatif, notamment en matière de scolarisation des filles (dont le
nombre est quasi équivalent à celui des garçons, avec 49,5 % du total). Ce même
accroissement des effectifs s’est retrouvé ensuite dans l’enseignement collégial et
secondaire, au point qu’on parle d’une massification qui touche jusqu’à l’ensei-
gnement supérieur. C’est ainsi que le nombre de bacheliers est passé de 90 362
en 2000 à 193 252 en 2013, soit un accroissement annuel moyen de l’effectif des
bacheliers de l’ordre de 6 %. En 2013, 49 % des bacheliers étaient issus de la
filière de sciences expérimentales. Entre 2000 et 2013, les bacheliers techniques
ont affiché le plus fort taux de croissance annuel moyen (17,8 %), passant de
1 676 à 14 125 bacheliers. Enfin, entre 2001 et 2013, le nombre d’étudiants dans
l’enseignement supérieur est passé de 311 349 à 715 943 ; le nombre d’étudiants 125
en formation professionnelle post-bac a connu le plus grand taux d’accroissement
(+ 18,2 % en moyenne par an), passant de 10 619 en 2000 à 93 671 en 2013.

La formation professionnelle
L’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail
(OFPPT) reste le grand opérateur de la formation professionnelle publique au
Maroc (tous modes de formation confondus), avec 310 000 stagiaires en formation
en 2013 et 370 000 en 2014. Entre 2000 et 2011, on note une augmentation des
effectifs de diplômés par mode de formation résidentielle et alternée, qui passent
de 65 862 à 132 045. Entre 2001 et 2010, les effectifs des lauréats de la formation
par apprentissage sont passés de 787 à 18 065 lauréats.

Le Programme d’urgence
2008-2012
Il importe de signaler qu’entre la mise en œuvre de la Charte de
l’éducation et de la formation en 2000 et l’évaluation du système réalisée par
l’instance nationale de l’évaluation en 2013, il y a eu la mise en place d’un
Programme d’urgence qui a apporté les moyens financiers nécessaires pour
résorber les déficits, rattraper les retards et accélérer la réalisation des objectifs
préconisés par la Charte, voire en soutenir de nouveaux (MENESFCRS, 2008).

N° 71 - avril 2016
Entre 2000 et 2013, le Maroc a adopté le système européen LMD lorsqu’il
a intégré le processus de Bologne. Son système d’enseignement supérieur s’est
rapproché de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique. Parmi les objectifs assignés à l’enseignement supérieur par le
programme d’urgence, on trouve :
– l’amélioration du rendement interne de l’enseignement supérieur et
l’employabilité de ses lauréats sur le marché du travail ;
– le développement d’une offre d’enseignement supérieur adaptée aux
besoins du marché de l’emploi, notamment avec la mise en place et le dévelop-
pement des licences professionnelles ; dans ces licences, des modules sont
dispensés par des professionnels et orientés vers les secteurs en pénurie de main
d’œuvre (techniciens et cadres moyens) ;
– le développement d’une offre de formation technique et profession-
nalisante, avec le doublement de la capacité d’accueil des BTS, DUT et licences
professionnelles en 2012 ;
– la mise en place d’un système d’information et d’orientation
efficient.

Principaux constats
Le pilotage politique du système d’éducation et de formation au Maroc
126 demeure marqué par une départementalisation, hormis le timide rapprochement
de l’enseignement scolaire et de la formation professionnelle au sein du même
ministère. L’enseignement supérieur est placé aujourd’hui sous une autre tutelle.
Ceci se traduit sur le terrain par une faible coordination entre les universités,
les académies régionales de l’éducation et de la formation et les représentations
régionales de l’OFPPT, alors que les textes prévoient que ces institutions soient
toutes représentées dans les différentes instances de gouvernance. À croire que
des résistances au changement s’opposent toujours à la mise en place d’un pilo-
tage cohérent, à même de répondre à l’attente et aux sollicitations de la société
marocaine, au moment où celle-ci connaît de grandes mutations. On assiste à
une croissance soutenue de la population urbaine et à une augmentation continue
des besoins en scolarisation. Le système d’éducation et de formation doit tenir
compte de ces changements, qui auront inéluctablement des répercussions sur
les attentes d’une jeunesse qui aspire à devenir autonome et appréhende les
difficultés de l’entrée sur le marché de l’emploi. Ce dernier a, du fait de la
mondialisation, élevé le niveau des compétences professionnelles qu’exige un
secteur économique national aspirant à promouvoir sa place sur le marché
mondial ainsi que la montée d’une économie basée de plus en plus sur le savoir
et les technologies nouvelles.
Aujourd’hui, on peut dire que la mise en œuvre de la Charte de l’éducation
et de la formation, d’une part, et du Programme d’urgence d’autre part, ont contribué
en partie à répondre à certaines attentes et réduire quelques déficits. Néanmoins,

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malgré tous les efforts déployés, des difficultés persistent notamment en matière de
qualification et d’insertion professionnelle des jeunes diplômés.
Comme nous nous limitons à l’enseignement supérieur professionnel court
et à l’employabilité dans cet article, il nous paraît intéressant de dérouler ce constat
en ce qui concerne l’insertion professionnelle, le rôle de la formation professionnelle
dans le système éducatif, le métier d’enseignant, la professionnalisation et l’employa-
bilité, l’instauration du système LMD dans l’enseignement supérieur et enfin
l’orientation pédagogique éducative et professionnelle (MENESFCRS, 2008).

L’insertion professionnelle
Selon les données disponibles, résultats des enquêtes réalisées annuel-
lement par le Haut commissariat au plan, les diplômés des facultés (établisse-
ments à accès ouvert) connaissent un taux de chômage élevé depuis le début de
la décennie (23,4 % en 2011). Cependant, ces données ne permettent pas de
mesurer le niveau de correspondance entre les qualifications des diplômés et les
emplois occupés ; encore moins de fournir une précision sur les niveaux de
diplômes, les filières ou les établissements les plus touchés par ce chômage.
L’analyse des données sur les sortants du système éducatif, de la formation
professionnelle ainsi que celles d’une enquête sur l’insertion professionnelle réalisée
auprès des diplômés de deux universités font ressortir quelques constats importants :
l’insertion s’avère très difficile pour les jeunes qui décrochent avant la fin du cycle
de la scolarité obligatoire. Qu’il s’agisse du primaire ou du collégial, seulement une 127
infime partie trouve une place dans le système de formation professionnelle.
Concernant la formation professionnelle et malgré son extension, son
mode essentiellement résidentiel en limite l’impact et les opportunités d’insertion
pour les jeunes stagiaires. Pour les sortants des niveaux supérieurs, les chances
d’insertion sont plus grandes. Le sortant de niveau baccalauréat reste celui qui
a le plus de chances d’accéder à une formation alternative diplômante (niveau
technicien), tandis que quelque 40 % des sortants du secondaire qualifiant
peuvent entreprendre une formation de niveau qualification.
Quant aux diplômés de la formation professionnelle de niveau supérieur
(technicien, technicien spécialisé), ils sont mieux insérés que leurs homologues
de niveau inférieur après 48 mois.
Pour les diplômés de l’enseignement supérieur, la moyenne de la durée
d’attente pour trouver un emploi après 34 mois est de 4 mois après obtention
du diplôme, avec toutefois des disparités entre les diplômes et les établissements.
En règle générale, les difficultés d’insertion ont tendance à s’estomper au fur et
à mesure que le niveau de l’éducation et de la formation s’élève.

Rôle de la formation
professionnelle
La formation professionnelle est une composante importante du système
d’éducation et de formation au Maroc. Elle dispose aujourd’hui d’une longue

N° 71 - avril 2016
expérience en matière de qualification. Elle a développé un double dispositif de
formation initiale et de formation continue qui représente un double atout :
– une réponse à une demande sociale de réintégration professionnelle
des jeunes sortant du système éducatif pour les qualifier pour un métier ;
– une intervention au niveau de la formation professionnelle initiale et
continue pour répondre aux besoins des entreprises et d’une économie en plein
essor en ressources humaines qualifiées. Les acquis de ce secteur demandent à
être affirmés pour renforcer l’articulation avec l’enseignement scolaire et l’ensei-
gnement supérieur.

Une évolution du rôle


et de la formation
des enseignants
Le métier d’enseignant connaît des évolutions au Maroc comme dans
de nombreux pays. Il est en train de passer d’un rôle de transmetteur de
connaissances, disponibles et abondantes aujourd’hui sur Internet, à celui
d’animateur, de tuteur du e-learning et d’encadrant qui initie les étudiants et les
stagiaires aux méthodes de recherche. Rappelons que les attentes des jeunes
diplômés sont focalisées sur l’obtention d’un diplôme qui leur permettra de
trouver un emploi à l’issue des cycles d’études ou de formation. Ceci requiert
128 de l’enseignant de nouvelles aptitudes, afin de pouvoir trouver un équilibre entre
réflexion théorique, savoir, culture et savoir-faire scientifique, technique et
pédagogique.

Professionnalisation
et employabilité
L’école marocaine est de plus en plus confrontée aux exigences du
secteur économique et des attentes de la société. Cette pression implique la coor-
dination et la convergence des départements en charge du système d’éducation
et de formation ainsi que des opérateurs économiques, des entreprises et du
marché de l’emploi, pour répondre à la demande sociale d’insertion.
Le défi de la professionnalisation et de l’employabilité implique une
cohérence et un partage des rôles entre le système de formation et d’éducation,
le monde économique, le monde de l’entreprise et le marché de l’emploi, pour
définir clairement les besoins à travers un observatoire de l’emploi.

Instauration du LMD
dans l’enseignement supérieur
Ce système a été mis en place de façon progressive depuis la rentrée
universitaire 2003-2004. D’abord introduit dans les établissements à accès ouvert,
il a ensuite été adopté dans les établissements à accès régulé et les formations

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médicales. Les programmes d’étude sont conçus sous forme de modules et de


filières, ce qui permet, en principe, d’adapter l’offre de formation à l’évolution
des besoins de l’économie et de la société à travers l’évaluation et l’accréditation
continue des filières.
Le système LMD a également permis de diversifier les formations. Ainsi,
le nombre de filières professionnelles a été multiplié par 20, passant de 65 filières
en 2005-2006 à 1 264 en 2013-2014.
La mise en place des licences professionnelles est de nature à offrir, entre
autres, des possibilités d’accès à l’enseignement universitaire aux étudiants des
classes préparatoires aux grandes écoles, des classes de brevets de technicien
supérieur (délivrés par l’éducation nationale) ainsi qu’aux titulaires du diplôme
de technicien spécialisé délivré par l’OFPPT.
Même si la réforme LMD présente des aspects positifs en termes de
rénovation et de professionnalisation des filières, elle s’est heurtée à la réalité
des établissements à accès non régulé, caractérisés par le sureffectif des étudiants.

Orientation éducative
et professionnelle
Bien que la Charte considère l’orientation comme faisant partie inté-
grante du processus d’éducation et de formation qui accompagnera et facilitera 129
un choix de parcours d’études mûrement réfléchi ainsi que la réorientation des
apprenants, au besoin, dans les trois composantes du système (scolaire, profes-
sionnel et supérieur), ce levier important est loin d’avoir atteint ses objectifs, au
point que cette orientation reste sous-encadrée et peine à répondre aux attentes
des jeunes et de leurs familles.
Qu’il s’agisse des classes préparatoires aux grandes écoles ou des BTS,
qui relèvent de l’éducation nationale, ou bien des bacheliers qui accèdent aux
formations professionnelles, qui relèvent de l’OFPPT, ou encore des filières tech-
niques et professionnelles (DUT, licences professionnelles), qui relèvent de
l’enseignement supérieur, les accès se font sur la base de concours après des
présélections dans lesquelles l’orientation encadrée est conseillée n’a que très
peu de place.
Le taux d’affluence au niveau national, qui mesure le niveau de satis-
faction de la demande sociale de formation professionnelle des jeunes, demeure
encore élevé. En 2013, ce taux s’établit à 2,3 soit 173 319 places offertes contre
404 974 inscrits aux concours d’accès. Certaines filières, notamment celles rele-
vant de l’OFPPT croulent sous la demande, particulièrement celles qui forment
pour les métiers mondiaux du Maroc. Cette pression trouve son origine dans
l’attractivité qu’exercent ces nouveaux métiers sur les jeunes, notamment les
lycéens et les bacheliers, puisque ces filières sont souvent synonymes d’insertions
professionnelles réussies.

N° 71 - avril 2016
Encadrement des stagiaires
de l’OFPPT et des étudiants
dans le supérieur
L’effectif du corps enseignant de l’enseignement supérieur universitaire
a connu depuis 2001 une progression de 22 %. Mais cette progression a surtout
profité aux filières à accès régulé, dont l’effectif d’enseignants a progressé de plus
de 54 %, alors que celui des filières à accès non régulé n’a progressé que de 8 %.
Certes, le Programme d’urgence a alloué des moyens conséquents à la création
de nouveaux postes d’enseignants mais la massification de l’enseignement supé-
rieur, conjuguée à des départs à la retraite au cours des prochaines années, va
nécessiter des réponses appropriées du système pour recruter de nouvelles
ressources.
Dans le secteur de la formation professionnelle publique, on note
plusieurs avancées en matière d’amélioration des ressources humaines, notamment
la création de centres de développement de compétences et l’établissement d’une
certification des formations et des établissements. Toutefois, certaines insuffi-
sances en matière de recrutement et de formation de formateurs demeurent.
La part des vacataires reste très importante au sein des opérateurs publics et la
plupart des formateurs chargés du suivi des stagiaires ne sont pas formés à la
méthodologie de l’alternance.
130 Sur la période du Programme d’urgence, pour laquelle des données sont
disponibles, on observe un taux d’encadrement des stagiaires relativement élevé
à l’OFPPT. Ce taux se situait à 28 stagiaires par classe en 2009, pour rester presque
au même niveau en 2013.

Réponse aux besoins


en qualification à court,
moyen et long terme
En l’absence d’un système d’orientation et d’un dispositif de tutorat
efficient et même en l’absence d’un système de suivi des lauréats ou encore en
l’absence d’un observatoire de l’emploi et des compétences, le système de
l’éducation et de formation au Maroc a dû s’adapter, en essayant de coller et de
répondre aux différentes stratégies de développement sectorielles.
L’ensemble des grands chantiers lancés par l’État, comme le pacte Émer-
gence industrielle, le plan Azur pour le tourisme, le plan Maroc vert pour l’agri-
culture, le plan Énergie, l’Initiative nationale pour le développement humain, le
plan Halieutis ont tous précisé les besoins en ressources humaines à court, moyen
et long terme.
Pour répondre aux besoins de développement sectoriels, les différents
départements chargés de l’enseignement supérieur professionnel court ont, en
partenariat avec les acteurs socio-économiques concernés, élaboré des cursus,

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ouvert des filières ou développé d’autres qui existaient. À titre d’exemple et afin
d’accompagner la forte croissance des secteurs mondiaux du Maroc (offshoring,
automobile, aéronautique et spatial, électronique, textile et cuir, agro- alimentaire),
les départements en charge de la formation se sont engagés à former, en quantité
et qualité suffisantes, les ressources humaines ayant les qualifications adaptées
aux besoins identifiés.
Ils ont développé leur capacité d’accueil et multiplié les filières de
formation. Les effectifs atteints cités plus haut attestent de cet effort. Ne serait-ce
que pour répondre aux besoins du pacte Émergence, les universités se sont
engagées à former 72 000 diplômés (cadres supérieurs, cadres intermédiaires et
techniciens supérieurs). Pour cela, les effectifs des nouveaux inscrits dans les
filières sciences de l’ingénieur, technologie, commerce et gestion, sciences et
techniques ont été multipliés par deux à trois ; près de 25 % des étudiants du
cycle licence optent pour les licences professionnelles et plus de 50 % des
étudiants du cycle master optent pour les masters spécialisés.
Le plan Azur pour le tourisme a défini dans sa vision 2020 les besoins
du secteur, soit 130 000 jeunes à former. Le plan Maroc vert a fixé ses besoins à
45 000 jeunes dans 20 filières. Le plan Énergie et les autres plans ont eux aussi
défini avec précision leurs besoins en ressources humaines bien formées.

N 131

Au Maroc comme dans d’autres pays, le rôle primordial de l’éducation


et de la formation est partout souligné, mais presque partout les systèmes éduca-
tifs sont contestés. Aucun pays ne peut imposer son modèle. Certes la situation
varie d’un pays à l’autre. Néanmoins, cette remise en cause générale des systèmes
d’éducation et de formation montre qu’il n’y a sans doute pas de réponse miracle
aux problèmes posés. Le système marocain, à l’instar des systèmes des autres
pays, est toujours sujet à beaucoup d’interrogations. Comment répondre à la
forte demande sociale d’éducation dans un contexte de croissance faible, alors
que la population réclame plus d’éducation ? En un mot comment faire plus avec
moins de moyens et un taux de chômage des jeunes élevé ? Comment s’adapter
au contexte technico-économique international ? On sait que l’éducation et la
formation jouent dans tous les pays un rôle de filtre pour l’acquisition de posi-
tions sociales, de même qu’il est admis que c’est aussi un facteur de dévelop-
pement économique essentiel. Toutefois, l’éducation à elle seule ne suffit pas à
influer sur la croissance économique.
En réalité, le remède à la crise du système éducatif et l’adaptation aux
exigences de la technologie et de la mondialisation ne passe pas nécessairement
par un surcroît d’éducation, mais plutôt par de nouvelles relations entre
l’éducation et le monde du travail. Le Maroc, qui aspire à développer son
économie, est conscient de la nécessité d’élever le niveau d’éducation de sa

N° 71 - avril 2016
population pour accompagner ce développement. C’est pourquoi il s’est engagé
dans un processus continu de réforme de son système d’éducation et de formation,
avec la mise en œuvre de la Charte en 2000 et du Programme d’urgence en 2008.
L’objectif était d’améliorer l’efficience et le rendement du système, afin qu’il
réponde au mieux et au plus près des besoins du pays en pleine transition
démographique.
Quinze années après, on est toujours convaincu de la nécessité de main-
tenir cette dynamique de la réforme, d’où la nouvelle Vision stratégique 2015-2030,
car la réforme n’a que partiellement atteint ses objectifs.
Pour l’enseignement supérieur professionnel court, même si dans tous
les pays dits émergents, il a été fortement développé et a contribué à leur essor
(Brésil, Inde, Malaisie, Indonésie), au Maroc, cette composante du système a
certes répondu en partie aux besoins exprimés par les différentes stratégies secto-
rielles mais souffre encore de quelques handicaps. Le premier handicap est la
multiplicité des intervenants en matière de pilotage et de gouvernance. Le
deuxième est l’absence d’une ingénierie globale, qui ne doit négliger ni la culture
ni la technologie ni le savoir être et encore moins le savoir-faire. Le troisième
est la non restructuration de la formation des formateurs et de la place que
doivent prendre les professionnels dans l’encadrement des formations. Le
quatrième est le manque criant d’un véritable système d’information et d’orien-
tation au plus près des jeunes et de leurs familles. Enfin, le cinquième handicap
132 est l’absence d’un observatoire national des emplois et compétences avec une
mission particulière de suivi et d’insertion des lauréats du système. Car on ne
peut continuer de naviguer à vue. Il est temps que la formation d’une ressource
humaine nombreuse et de qualité serve de véritable levier pour drainer l’inves-
tissement et produire de la croissance et de la création de la valeur.

Bibliographie
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nale de l’éducation et de la formation [en ligne] [http://goo.gl/dO0iZo]).
Royaume du Maroc, Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la
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d’éducation et de formation 2000-2013. Acquis, déficits et défis, rapport analytique [en
ligne] [http://goo.gl/Bvi1Cz].
EL MAJID Z. (2003) : « Un projet politique majeur », Revue internationale d’éducation
de Sèvres, n° 34, p. 63-72. [en ligne] [http://ries.revues.org/1638]
Royaume du Maroc, Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur,
de la formation des cadres et de la recherche scientifique (MENESFCRS), Rapport de
synthèse du programme d’urgence 2009-2012 [en ligne] [http://goo.gl/0E6UU6].

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dossier

Construire un système
de formation
professionnelle
L’expérience ivoirienne

Maninga Gbato
Ministère de l’emploi, des affaires sociales
et de la formation professionnelle

L’un des reproches faits couramment aux systèmes de formation profes-


sionnelle des pays en développement, pour ne pas dire « en quête d’émergence »,
comme la Côte d’Ivoire, est de produire des diplômés peu ou pas qualifiés, mais
surtout inadaptés au marché de l’emploi. Les causes de l’échec sont multiples :
absence de planification, de relations véritables entre l’école et l’entreprise, de
moyens, de politique cohérente et lisible, de volonté en dépit des discours sédui-
sants, de compétences véritables des acteurs…
L’une des réponses à cette crise du système passe par la mise en œuvre
de solutions alternatives fiables, pragmatiques et durables comme, par exemple,
l’introduction des pratiques d’alternance dans les établissements d’enseignement 133
et de formation. Cette volonté d’introduire de nouvelles formes d’enseignement
ne doit pas se limiter au niveau du seul discours : elle doit être accompagnée.
En effet, la maîtrise des pratiques propres à l’alternance, les contraintes pédago-
giques et l’organisation des périodes de formation, relèvent d’un véritable savoir-
faire qui nécessite un apprentissage de la part des différents acteurs. Actuellement,
et malgré des efforts louables, l’alternance scolaire reste très perfectible.
Cependant, dans cet article, mes propos ne vont pas viser la mise en
œuvre proprement dite de l’alternance, mais le contexte adéquat devant permettre
son développement et plus particulièrement, le développement de la formation
professionnelle.

L’alternance, solution
alternative fiable
de la formation
professionnelle
La formation professionnelle doit répondre, naturellement, aux besoins
des entreprises. Cette exigence suppose que les entreprises et leurs organisations
professionnelles soient capables d’identifier et de quantifier leurs propres besoins
(seules ou accompagnées) et que le système de formation maîtrise les méthodes
de traduction de ces besoins en actions de formation.

N° 71 - avril 2016
Les besoins de formation professionnelle n’existent pas, ce qui existe ce
sont des réponses par la formation à des besoins nés du travail (Fourniol, 2004,
p. 52).
Cette affirmation rappelle qu’en formation professionnelle, l’objectif est
beaucoup plus la recherche d’une qualification en vue d’un emploi rémunérateur
qui rendra l’individu autonome que le seul plaisir d’apprendre (même si les deux
objectifs sont souvent complémentaires).
Un observatoire de l’emploi et de la formation devrait être capable de
fournir des informations relativement fiables sur le marché de l’emploi et sur
celui de la formation. Données de contexte, données historiques, données poten-
tielles en termes statistiques, en termes d’évolution ou de transformation des
métiers. Une gestion moderne des emplois et des formations ne peut plus faire
l’économie des informations fournies par de tels organismes qui, certes, donnent
des images des situations, mais qui – et c’est à notre sens le plus important –
incitent à la réflexion prospective, aident les responsables à la définition de poli-
tiques cohérentes et à la prise de décision pertinentes.
Que la formation soit alternée ou non, le système d’emploi et de
formation a l’obligation de satisfaire à cette exigence minimale, en vue de contri-
buer à améliorer les connaissances des domaines professionnels sectoriels dans
le système, ce qui pourrait favoriser l’efficacité des formations mises en œuvre.
En Côte d’Ivoire, nous nous sommes également interrogés sur la capacité
134 des secteurs professionnels à être de véritables partenaires de l’école pour la
formation des jeunes de ce pays.
Nous sommes arrivés à la conclusion que l’organisation des secteurs
professionnels n’était pas de nature à favoriser la mise en œuvre efficace d’une
formation moderne et adaptée aux besoins de notre économie. Des questions
restaient sans réponses :
– comment mieux cerner les besoins des entreprises, aux fins de
formation ?
– dans quels cadres faut-il valider les référentiels professionnels ?
– qui peut être considéré comme représentatif d’une filière
d’activité ?
– existe-t-il une nomenclature officielle des formations qui pourrait
faciliter le dialogue entre l’école et l’entreprise, par des représentations collectives
convergentes et consensuelles ?
– et bien d’autres questions.
C’est à la mise en place de cet environnement novateur pour notre pays
que nous, acteurs de la formation professionnelle, nous nous employons
depuis 2012, en partenariat avec le secteur privé productif et avec l’appui des
partenaires au développement, notamment, l’Agence française de développement
(AFD).

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dossier

La formation professionnelle
en Côte d’Ivoire, un secteur
en pleine structuration
La formation professionnelle en Côte d’Ivoire est aujourd’hui un secteur
en pleine structuration, tant au niveau du pilotage du système, du partenariat
avec les secteurs productifs que de l’ingénierie de formation, en vue de proposer
des réponses adéquates aux vrais besoins des entreprises. Et pour donner
également de l’espoir aux jeunes par le développement de compétences en vue
de s’insérer dans l’activité économique de manière décente et durable.
Nos établissements ont été construits, pour certains, avant les indépen-
dances, pour d’autres dans les années 1960-1980, les plus récents datant d’une
quinzaine d’années déjà. Ils sont, pour la plupart, dans un état de dégradation
avancée : dégradation des infrastructures et des équipements, obsolescence des
programmes de formation mais aussi dégradation dans les relations avec leurs
environnements professionnels.
Le premier obstacle au développement de la formation professionnelle
est le manque de pertinence des formations et d’actualisation par rapport aux
vrais besoins des emplois. La pertinence des formations est une exigence fonda-
mentale. Si cette pertinence n’est pas assurée, l’on peut injecter des moyens
énormes dans la formation, moyens financiers, matériels et humains, les résultats
seront toujours un lot sans cesse croissant de jeunes certes diplômés mais qui 135
ne trouvent pas à s’employer, alors que l’économie est à la recherche de compé-
tences avérées qu’elle ne trouve pas. Paradoxe ! Pour assurer la pertinence et,
au-delà, l’efficacité des formations, il faut de la méthode qui s’adapte mal à
l’improvisation.
Il faut créer un environnement propice cohérent, des outils de pilotage
innovants, une démarche d’ingénierie structurante et, bien sûr, former des
acteurs.
Comment peut-on en effet assurer la pertinence des formations, leur
adéquation avec les besoins des emplois, si l’école et l’entreprise s’ignorent et si
l’école ne se dote pas d’outils innovants pouvant lui permettre de bien identifier
les vrais besoins de l’entreprise ? Comment l’école peut-elle apporter des vraies
réponses aux vrais besoins de l’entreprise, si elle ignore ces besoins qui peuvent
évoluer très vite selon les secteurs professionnels ? C’est à ces préoccupations
que la réforme de l’enseignement technique et de la formation professionnelle
cherche à donner des solutions.
Au-delà de l’organisation structurante des secteurs professionnels, la
gouvernance des établissements ivoiriens connaît une évolution vers le renfor-
cement du partenariat et vers l’autonomie. Ainsi, un nouveau schéma de la
gouvernance en partenariat et en autonomie introduit un conseil de gestion et
un comité stratégique de l’établissement où siègent les professionnels du secteur
concerné.

N° 71 - avril 2016
Une réforme cohérente
et structurante de l’ETFP
Souvent, on pense que le premier obstacle au développement de la forma-
tion professionnelle est le manque de moyens financiers. C’est d’abord avant tout,
une politique, une démarche cohérente et structurante que la réforme de l’ensei-
gnement technique et de la formation professionnelle (ETFP) s’attelle à construire.
C’est cette démarche cohérente et structurante que les partenaires techniques et
financiers soutiennent aux côtés des efforts de l’État, car les enjeux et les défis à
relever sont très importants et peuvent même conditionner la paix sociale.
En Côte d’Ivoire, trois ordres d’enseignement ont en charge l’éducation
et la formation des jeunes et de toute autre catégorie de personnes en âge d’être
formées ou désireuses de l’être : le ministère de l’éducation nationale (MEN),
qui a en charge le préscolaire, le primaire et le secondaire général ; le ministère
de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ; le ministère de
l’enseignement technique 1 et de la formation professionnelle. La réforme du
secteur éducation/formation, concrétisée par une lettre de politique éducative,
assigne à chacun des trois sous-secteurs des missions spécifiques.
Par ailleurs, il convient de signaler que les effectifs des apprenants de
l’ETFP représentent globalement entre 5 et 8 % de l’effectif total du secteur et
que les dépenses de fonctionnement sont du même ordre.
Une politique bien concertée entre les trois ordres d’enseignement et de
136
formation, basée sur une stratégie cohérente, permettra de former l’Ivoirien
nouveau, gage de l’émergence. Parce que l’émergence, c’est d’abord la qualité des
hommes avant les – ou parallèlement aux – infrastructures ; des femmes et des
hommes bien éduqués et bien formés, conscients de leurs responsabilités, de
leurs droits et devoirs vis à vis de la communauté. Tout ceci pour dire le rôle
très important que l’École doit jouer dans notre quête de l’émergence.
La réforme du système de la formation professionnelle et technique que
nous sommes en train de mettre en œuvre s’appuie sur ces principes simples :
en partenariat avec les secteurs productifs, avoir de la lisibilité des besoins des
emplois, secteur professionnel par secteur professionnel et apporter des réponses
adéquates ; des réponses évolutives adaptées aux caractéristiques des jeunes en
quête de formations, ce qui permettra de former cet Ivoirien nouveau.

Gestion globale du système


de formation professionnelle
et technique2
Les jeunes, aujourd’hui, sont formés, diplômés, mais les qualifications
sont parfois absentes. Ce qui nous interpelle énormément sur les responsabilités

1. L’enseignement technique a été géré par le MEN de novembre 2012 à janvier 2016, quand la formation profession-
nelle était dans un vaste ensemble de l’emploi, du travail et des affaires sociales.
2. Les principaux indicateurs (2011-2013) sont fournis en annexe.

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dossier

qui sont les nôtres dans la gestion globale du système de formation profession-
nelle et technique.
C’est dans tous les secteurs professionnels qu’on a besoin de formation,
parce qu’il faut former tous les acteurs. Dans un pays comme la Côte d’Ivoire
qui aspire à l’émergence, la pratique d’une activité professionnelle devrait être
précédée d’une formation professionnelle adaptée. À mon avis, c’est la formation
qui confère les compétences et la qualité à l’activité économique et qui conduit
à des emplois décents, formels et non précaires.
Les moyens de l’État étant souvent limités, des appuis de partenaires
extérieurs viennent nous aider dans nos projets de formation.
Ainsi, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle que
nous conduisons, plusieurs projets sont en cours, en partenariat avec les secteurs
productifs.
Je commencerai par l’appui de l’Agence française de développement
(AFD) à travers le Contrat de désendettement-développement (C2D) première
phase. Dans ce cadre, le ministère en charge de la formation professionnelle et
de l’enseignement technique est en train d’aider le secteur privé à se structurer
en branches professionnelles, et de doter ces dernières d’outils permettant de
rendre lisibles les besoins en compétences et toutes les données liées à la problé-
matique d’emplois, de sorte qu’il sera plus aisé de configurer des offres de forma-
tions pertinentes et adaptées. Treize branches professionnelles ont été stabilisées,
les comités de branches installés et leur outillage est en cours. 137
Je voudrais insister sur ce partenariat en cours avec le secteur privé, car
sans cela, on continuerait à mettre en place des formations pour former, sans
pour autant apporter de réponses adéquates aux vrais besoins exprimés par les
secteurs productifs. Le ministère en charge de l’enseignement supérieur s’est
inscrit également dans cette démarche structurante pour conférer au système
licence-master-doctorat (LMD) des contenus qui tiennent compte des besoins
de l’économie.
La création de nouveaux lycées professionnels, véritables centres secto-
riels de ressources, est basée sur ce partenariat étroit avec les secteurs profes-
sionnels concernés : définition des objectifs de la formation, des filières à ouvrir,
participation au processus de l’ingénierie, implication dans l’élaboration des
référentiels, à la gouvernance de l’établissement, etc.
Dans ce contexte, un nouveau lycée professionnel de formation aux
métiers de l’agroalimentaire et de la maintenance industrielle sera construit à
Yopougon, un quartier de la ville d’Abidjan ; la rénovation et l’extension du lycée
professionnel de Daoukro, au centre-est du pays, pour la formation aux métiers
du bâtiment et des travaux publics est planifiée. Dans une seconde phase, toujours
en partenariat avec les secteurs professionnels, seront construits, à terme, quatre
autres lycées professionnels de formation aux métiers du transport et de la logis-
tique à Abidjan, aux métiers de la maintenance de véhicules et engins, également
à Abidjan, aux métiers des mines et métiers annexes à Man, à l’ouest du pays, et

N° 71 - avril 2016
pour la formation aux métiers agricoles à Botro, ville située au centre du pays.
Les financements sont déjà approuvés par le conseil d’administration de l’AFD,
et la démarche d’ingénierie est déjà en cours.
Toujours dans ce cadre, cinq établissements existants seront réhabilités :
les centres de formation professionnelle (CFP) d’Abengourou, de Bongouanou,
à l’est du pays ; de Daloa 1, du lycée professionnel de Mankono, au centre-ouest,
et du Centre de perfectionnement aux métiers du bâtiment de Koumassi ; tout
comme l’école des malentendants et malvoyants de Yopougon.
L’Institut pédagogique national de l’enseignement technique et profes-
sionnel (IPNETP) sera également réhabilité et bénéficiera de deux appuis complé-
mentaires, celui de l’AFD et celui de l’Union européenne.
Il faut signaler aussi l’appui de la Banque mondiale, qui vise à déve-
lopper l’apprentissage des jeunes, en vue de les qualifier davantage et les adapter
aux emplois, qu’ils soient urbains ou ruraux. Après le Projet « Emploi jeune et
développement des compétences » (PEJEDEC) première phase, un appui complé-
mentaire a été obtenu pour développer ce programme très important. Dans ce
cadre, outre le dispositif proprement dit de l’apprentissage, nous allons engager
un diagnostic de l’ensemble des autres établissements existants, en vue d’avoir
des données permettant des réponses adéquates et soutenables, pour leurs réha-
bilitations au fur à mesure que les financements seront disponibles.
138 En troisième lieu, je citerai l’appui de l’Union européenne, exécuté par
l’Onudi à travers le projet Proforme, qui vise à réhabiliter huit établissements,
en termes d’infrastructures, d’équipements et de gouvernance. Il s’agit des lycées
professionnels de Jacqueville et de San-Pedro, des centres de formation profes-
sionnelle de Bondoukou, de Guiglo, de Korhogo, de Man, d’Odienné et de Touba.
Cet appui vise également le développement des formations qualifiantes de courte
durée à visée d’insertion professionnelle.
L’IPNETP bénéficiera également d’un appui pour sa réhabilitation,
comme je l’ai dit plus haut. Deux établissements du ministère en charge de
l’agriculture seront également réhabilités dans ce cadre.
En quatrième lieu, il faut mentionner les appuis apportés par les bail-
leurs de fonds des pays arabes : la réhabilitation du lycée professionnel d’Odienné,
qui forme aux métiers de l’agroalimentaire, de la construction de l’établissement
professionnel de formation aux métiers agricoles situé à Bouna et de celui de
Zouan-Hounien, sur un financement de la Banque islamique de développement
(BID) ; la construction des centres techniques de Bouaflé et d’Issia, du lycée
professionnel hôtelier de Yamoussoukro et la réhabilitation du Centre de bureau-
tique, de communication et de gestion de Bouaké, sur financement du Fonds
saoudien. Il faut également noter l’appui de la Banque arabe pour le dévelop-
pement économique de l’Afrique (BADEA) au Centre d’électronique et d’infor-
matique appliquée, au centre de formation professionnelle de Gagnoa et au lycée
professionnel de Ferké.

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dossier

La Fondation Mohamed VI offre également, « clé en main », un lycée


professionnel multisectoriel, notamment en hôtellerie, restauration et tourisme
à Yopougon.
Tous ces projets, construits selon une ingénierie adaptée, vont contribuer
à augmenter la capacité du dispositif, en améliorant la qualité des formations et
l’employabilité des formés.
Il faut savoir que la formation professionnelle coûte cher. Mais les parte-
naires au développement nous aident à implanter des infrastructures qui doivent
être entretenues et optimisées au profit des jeunes, dont le nombre s’accroît
d’année en année.
La volonté politique existe et les bailleurs de fonds sont plus ouverts,
aujourd’hui, pour accompagner le développement de la formation professionnelle
lorsque la politique en la matière est cohérente et réaliste.
Cependant, gardons-nous de penser que l’État peut former toute sa
jeunesse. C’est pour cela que le concours de tous les acteurs est nécessaire, surtout
les initiatives privées en formation professionnelle auxquelles l’État a déjà concédé
une part de ses prérogatives, et dont les coûts doivent aussi être à la portée des
parents.

N
La formation professionnelle en Côte d’Ivoire n’est pas l’affaire des 139
jeunes de la ville. Que l’on soit urbain ou rural, chacun a besoin d’être formé
pour être efficace dans ses activités, dans toutes les activités.
Il faut s’insurger contre une idée largement répandue qui voudrait qu’on
se dirige vers la formation professionnelle lorsqu’on a échoué partout ailleurs.
Cette façon de considérer la formation professionnelle constitue également l’un
des freins à son développement. Si les acteurs du monde professionnel ne sont
pas bien formés, l’économie reste informelle et ne peut offrir de perspectives
heureuses durables aux jeunes et au pays. C’est aussi l’une des conditions de la
paix sociale. Les attentes vis à vis de la formation professionnelle sont fortes et
le système, dans son ensemble, va essayer d’y apporter des réponses pertinentes
et adéquates. La mise en œuvre des pratiques d’alternance va conduire nécessai-
rement à l’adoption de « bonnes démarches » conduisant à des qualifications
appréciables.
Car l’entreprise ne voudra pas suivre l’école dans des stratégies
d’apprentissage sans se reconnaître et se voir reconnaître comme partenaire de
l’école, autour d’objectifs et de responsabilités clairement définis.
Une formation, qu’elle soit en alternance ou non, doit reposer sur cette
connaissance structurelle des domaines professionnels des emplois. La survie du
système formel ivoirien de formation professionnelle en dépend. Si cet exercice
nécessaire, quoi que contraignant, d’analyse préalable des besoins de qualification
n’est pas fait, on assistera au dérèglement progressif et total du système formel

N° 71 - avril 2016
de formation professionnelle, avec pour conséquence la naissance généralisée de
systèmes hybrides, informels, mercantiles.
Nous l’avons dit, cet exercice d’explicitation et de clarification de l’envi-
ronnement professionnel va conduire le système à la nécessité de redéployer les
formations vers de nouveaux secteurs, afin qu’elles soient plus adaptées à des
spécificités nationales ou régionales, et notamment le secteur agricole, le secteur
rural dans son ensemble et l’informel.

Bibliographie
FOURNIOL J. (2004) : La formation professionnelle en Afrique Noire : pour une évolu-
tion maîtrisée, l’Harmattan.

Principaux indicateurs de la Côte d’Ivoire


pour le Plan d’action à moyen terme (2011-2013)
Valeurs initiales Valeurs
Indicateurs
2011 Réalisé 2012 Réalisé 2013
Population de Côte d’Ivoire 19 389 954 19 839 750 20 265 259
Nombre total d’élèves en ETFP 46 495 59 146 79 434
% ET 48 % 53 % 63 %
140 % FP 52 % 47 % 37 %
% élèves dans l’industriel 26,4 % 27,5 % 22,0 %
% de filles dans ET/FP 47,5 % 48,8 % 48,9 %
% de filles dans l’industriel 17,0 % 17,8 % 13,7 %
% de filles dans les services 58,4 % 60,6 % 58,8 %
% d’élèves dans le privé 60,6 % 60,4 % 68,7 %
% d’élèves dans le public 39,4 % 39,6 % 31,3 %
% de filles dans le public 38,1 % 41,1 % 39,7 %
% de filles dans le privé 53,6 % 53,9 % 53,1 %
Nombre d’apprenants 240 298 392
pour 100 000 habitants

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dossier

Les mutations
de l’enseignement
professionnel
supérieur en Chine*
GUO Yang
Institut de formation professionnelle et technique,
Académie des sciences de l’éducation de Shanghai

YANG Lin
Institut de formation professionnelle et technique,
Académie des sciences de l’éducation de Shanghai

Ce que l’on appelle « enseignement professionnel supérieur » en


République populaire de Chine désigne un concept particulier d’enseignement
technique1 qui se réfère à une forme émergente d’enseignement supérieur, née
de la réforme et du développement de l’éducation en Chine ces dernières décen-
nies. Empreint de caractéristiques spécifiquement chinoises, il englobe l’ensei-
gnement supérieur et de l’enseignement professionnel, offre aux jeunes qui y
sont éligibles l’opportunité d’aller à l’université et les prépare à leurs carrières
141
futures en leur apprenant les compétences et l’expertise requises. L’enseignement
professionnel supérieur a également un rôle central à jouer pour faire évoluer
l’enseignement supérieur d’un enseignement d’élite à un enseignement universel.

Principales caractéristiques
Une filière diplômante
de l’enseignement supérieur
L’enseignement professionnel supérieur chinois est construit sur le
modèle de l’enseignement universitaire court. En tant que filière de l’enseigne-
ment supérieur (i.e. un enseignement universitaire à temps plein), les établisse-
ments supérieurs de formation professionnelle offrent un enseignement menant

* Article traduit depuis l’anglais par Sylvaine Herold.


1. Le terme « formation professionnelle » utilisé en Chine est synonyme du terme « enseignement et formation tech-
niques et professionnels » (EFTP) défini par l’Unesco. Selon la définition de la loi sur l’éducation professionnelle, la
Chine établit « un système de formation professionnelle dans lequel éducation scolaire et formation professionnelle
coexistent, la formation professionnelle communiquant avec d’autres types d’éducation et se développant harmo-
nieusement avec d’autres types d’enseignement ». L’« enseignement supérieur professionnel » fait référence à
« l’enseignement supérieur technique et professionnel dans les établissements supérieurs de formation
professionnelle ».

N° 71 - avril 2016
à un diplôme universitaire – un choix stratégique pragmatique qui vise à prendre
en compte les principales caractéristiques nationales. L’enseignement profes-
sionnel supérieur a crû de façon considérable ces dernières années. En 2014, le
nombre d’établissements supérieurs de formation professionnelle2 admettant des
étudiants pour des études diplômantes s’élevait à 1 327, soit 52,47 % de l’ensemble
des établissements d’enseignement supérieur.

Une filière recrutant


des diplômés du secondaire
L’enseignement professionnel supérieur est proposé à des jeunes qui y
sont éligibles et leur offre la possibilité de débuter un cursus universitaire et
d’apprendre des compétences et une expertise professionnelles qui les aideront
à obtenir un emploi rémunérateur. La plupart des étudiants sont sélectionnés
parmi les diplômés de l’enseignement secondaire et des lycées professionnels
pour trois années d’études, à l’issue desquelles ils obtiennent un diplôme univer-
sitaire certifié. En 2014, les admissions dans les établissements supérieurs de
formation professionnelle s’élevaient à 3,38 millions, soit 46,85 % des effectifs
totaux de l’enseignement supérieur du pays.

142
Former des techniciens qualifiés
pour la production industrielle,
la construction, les services
et la gestion
L’enseignement professionnel supérieur constitue une alternative excep-
tionnelle à l’enseignement supérieur. Sa mission est de fournir une main d’œuvre
qualifiée pour la production industrielle, la construction, l’industrie des services
et la gestion au niveau de la production de base. Cet enseignement a également
un rôle indispensable à jouer afin de soutenir l’engagement du pays en faveur
de l’industrialisation, de l’urbanisation et de la construction des villes nouvelles.
En Chine, on attend des techniciens et ouvriers spécialisés, appelés « sel de la
terre », qu’ils soient tout d’abord dotés d’un sens moral irréprochable, mais
également qu’ils maîtrisent toute l’expertise acquise lors de leur formation profes-
sionnelle et qu’ils fassent preuve de la richesse et de l’étendue des connaissances
professionnelles accumulées pendant leurs études supérieures.

2. Dans cet article, le terme « établissements supérieurs de formation professionnelle » désigne l’ensemble des
établissements indépendants de l’enseignement supérieur technique et professionnel, y compris les établissements
supérieurs techniques spécialisés, les établissements supérieurs techniques professionnels et les « universités
professionnelles ».

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dossier

Préparer les étudiants,


une responsabilité
de l’État en association
avec les entreprises
Un cadre pour une gouvernance plurielle de l’enseignement supérieur
technique et professionnel est progressivement mis au point en Chine : le gouver-
nement assure le pilotage, l’industrie et le commerce sont associés, les entreprises
jouent un rôle à part entière, toutes les forces vitales participent, et les établissements
supérieurs de formation professionnelle gouvernementaux et non gouvernementaux
se développent simultanément. Tout est fait pour promouvoir un modèle d’appren-
tissage qui combine travail productif et pratique sociale. Ce modèle doit également
mener à la réforme des curriculums, des programmes et des méthodes d’appren-
tissage, et faire progresser les partenariats en matière de gouvernance d’établisse-
ments, d’enseignement, d’emploi et de développement. Un système prend forme,
dans lequel les établissements supérieurs de formation professionnelle préparent
les étudiants à des carrières, en étroite collaboration avec les entreprises.

Intégrer production,
enseignement et recherche
au service du développement
et de l’emploi 143
Dans l’ensemble du pays, les établissements supérieurs de formation
professionnelle ont pris l’initiative d’orienter leurs enseignements en fonction
des besoins du développement socioéconomique, de formuler leurs objectifs
éducatifs en lien avec le marché du travail et de définir leur positionnement en
fonction du contexte économique et industriel régional. Ils s’attachent à former
des employés qualifiés à la fois compétents en technologie appliquée, dotés d’une
excellente éthique professionnelle, prêts à descendre au niveau de la production
industrielle de base et à y rester, et capables de mettre en application ce qu’ils
ont appris. En parallèle, ils veillent tout particulièrement à aligner l’enseignement
dispensé en classe sur les besoins industriels, et à le maintenir sur la voie asso-
ciant production, enseignement et recherche. Les concepts, mécanismes et moyens
adaptés à cette fin sont mis en œuvre tout au long de l’enseignement.

Un développement rapide
Un statut légal établi
après dix-huit ans d’existence
(1980-1998)
Afin de compenser les graves pénuries de travailleurs qualifiés mais
également de ressources dans l’enseignement supérieur dans sa phase initiale de
réforme et d’ouverture, certaines villes du centre du pays ont ouvert des « universités

N° 71 - avril 2016
professionnelles » à la scolarité payante et offrant des programmes courts, mais sans
organiser d’internat ou de débouchés professionnels pour leurs diplômés. Ces
« universités professionnelles » furent les premiers établissements du pays à se ranger
sous la bannière de l’enseignement supérieur professionnel (Guo, 2010). En 1985,
les décisions du comité central du parti sur la réforme institutionnelle de l’éducation
invitaient à développer activement les établissements supérieurs de formation
professionnelle et à remédier au ratio déséquilibré entre enseignement supérieur et
enseignement de premier cycle. En 1994, une conférence nationale sur la formation
professionnelle approuva la décision de développer l’enseignement supérieur profes-
sionnel à travers la refonte du mode de gouvernance des établissements et le réajus-
tement des objectifs pédagogiques des établissements supérieurs de formation
professionnelle existants, ainsi que de certains établissements de formation tech-
nique de niveau postsecondaire et universités pour adultes indépendantes ; si cela
n’était pas suffisant, les lacunes seraient comblées par la mise à niveau d’un petit
nombre d’établissements secondaires professionnels autorisés et par l’organisation
de cours de formation professionnelle postsecondaires (Xue, 2000). Ces lignes direc-
trices permirent d’élargir la voie pour le développement de l’enseignement supérieur
professionnel en Chine.
La loi sur la formation professionnelle de la République populaire de
Chine, promulguée en 1996, divise l’enseignement et la formation professionnels
(dénommés « formation professionnelle » par la suite) en formation profession-
144 nelle élémentaire, secondaire et postsecondaire. L’une de ses dispositions stipule
que « lorsque que cela est nécessaire et possible, l’enseignement supérieur profes-
sionnel est dispensé par des établissements supérieurs de formation profession-
nelle ou des universités traditionnelles ». Cette loi établit également le statut légal
de l’enseignement supérieur professionnel et des établissements supérieurs de
formation professionnelle en Chine, statut détaillé dans la loi sur l’enseignement
supérieur de la République populaire de Chine, adoptée en 1998.

Un changement d’échelle
(1999-2005)
Le conflit entre la demande d’enseignement supérieur et la mise à dispo-
sition des ressources nécessaires s’est aggravé au début du XXI e siècle du fait
d’une croissance économique soutenue et de l’accélération des changements
sociaux. En 1999, les décisions du comité central du parti et du Conseil d’État
pour l’approfondissement de la réforme de l’éducation et la promotion de la
formation du caractère3 à tous les niveaux déclarent que « l’enseignement supé-
rieur professionnel, en tant que partie intégrante de l’enseignement supérieur,
doit être fortement développé ». L’enseignement supérieur professionnel

3. Le terme « formation du caractère », « character education » en anglais, est un terme générique utilisé pour
décrire les enseignements qui visent à développer chez l’enfant le caractère moral, civique critique, etc., en abordant
tous les aspects de l’élève comme individu, apprenant et citoyen. Source : Ministère de l’éducation de l’Ontario. (NdT)

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représente depuis lors le plus gros de la croissance des inscriptions dans l’ensei-
gnement supérieur, inscriptions qui ont explosé au fil des ans.
Les principes de gestion des établissements supérieurs de formation profes-
sionnelle, définis en 2004 dans les propositions du ministère de l’éducation pour
l’approfondissement de la réforme de l’enseignement supérieur professionnel
orientée par le marché du travail, sont les suivants : suivre les tendances du marché
du travail ; associer production, enseignement et recherche ; s’adapter aux besoins
du développement socioéconomique ; orienter les objectifs pédagogiques selon les
besoins en emplois ; définir la place de l’enseignement supérieur professionnel dans
le contexte économique et industriel régional ; redoubler d’efforts pour réorganiser
le modèle éducatif ; continuer de répondre aux besoins des secteurs de la production,
de la construction, des services et de la gestion en formant du personnel qui soit à
la fois qualifié, prêt à descendre au niveau de la production de base et à y rester,
adapté aux exigences des emplois, compétent dans le travail pratique et doté d’une
excellente éthique professionnelle. Lors de la sixième conférence sur la formation
professionnelle organisée en 2005, le Conseil d’État a décidé de construire 100 établis-
sements supérieurs de formation professionnelle modèles (Ma et Guo, 2008), une
décision qui a fait entrer l’enseignement supérieur professionnel dans une phase
majeure de développement et d’opportunités stratégiques.

Établissements modèles 145


et amélioration de la qualité
(2006-2015)
En 2006, les propositions du ministère de l’éducation et du ministère des
finances pour la mise en œuvre du Plan national pour construire des établissements
supérieurs de formation professionnelle modèles et accélérer la réforme et le déve-
loppement de l’enseignement supérieur professionnel ont été publiées en même
temps que les propositions du ministère de l’éducation visant à relever la qualité de
l’enseignement dans l’enseignement supérieur professionnel à tous les niveaux. Ces
deux documents indiquent la voie à suivre pour que l’enseignement supérieur
professionnel développe une « identité » spécifique, mais également pour accélérer
la réforme et améliorer la qualité de l’enseignement (Ma et Guo, 2009). Le gouver-
nement central a alloué 2 milliards de yuan à ces fins. La construction de ces
100 établissements supérieurs de formation professionnelle modèles a modifié la
façon dont les travailleurs qualifiés sont formés ; elle a également intensifié le pilotage
par la politique gouvernementale et permis de développer un modèle de formation
professionnelle différent de celui des universités. Lorsque l’économie chinoise a été
touchée par la crise financière mondiale et que le nombre total de diplômés de
l’enseignement supérieur du pays a atteint un niveau record, l’enseignement supé-
rieur professionnel a prospéré comme jamais sous cette double pression, et le taux
d’accès à l’emploi des diplômés des établissements supérieurs de formation profes-
sionnelle n’a cessé d’augmenter depuis.

N° 71 - avril 2016
Le programme cadre d’État pour la réforme et le développement de
l’éducation à moyen et long terme (2010-2020) invite à mettre en place un
système moderne de formation professionnelle d’ici 2020. Pour cela, le ministère
de l’éducation appelle les enseignants de la formation professionnelle à se concen-
trer sur l’amélioration de la qualité, la spécificité de leur enseignement, la promo-
tion des partenariats dans la gouvernance des établissements, l’enseignement,
l’emploi et le développement, et à bâtir un enseignement supérieur professionnel
chinois de rang mondial. Le gouvernement central a alloué 2 milliards de yuans
au financement d’un programme d’amélioration de cette offre, qui a débuté avec
un petit nombre de projets pilotes avant de s’appliquer à tous les établissements
supérieurs de formation professionnelle de Chine. Ainsi, l’enseignement supé-
rieur professionnel est entré dans une nouvelle phase de développement, dans
laquelle la qualité de l’enseignement doit être améliorée à tous les niveaux
(Li, 2013). Dans le même temps, la publication de rapports annuels sur l’ensei-
gnement supérieur professionnel par les établissements supérieurs de formation
professionnelle, les provinces et le niveau national est devenue la norme. L’auto-
rité nationale de l’éducation chinoise a confié à une organisation tierce la publi-
cation du rapport annuel sur l’enseignement supérieur professionnel. Les
établissements supérieurs de formation professionnelle, les services de l’éducation
dans les provinces et l’autorité éducative au plan national publient donc leurs
propres rapports annuels sur l’enseignement supérieur professionnel depuis 2012,
146 afin de présenter les réussites et les limites de l’enseignement supérieur profes-
sionnel, reconnaissant ainsi la nécessité d’une supervision par la société.

Situation actuelle
Résultats et apports
de l’enseignement supérieur
professionnel
Les établissements supérieurs de formation professionnelle, dédiés à la
formation de techniciens qualifiés, diffèrent des universités (de recherche en parti-
culier) en ce que le public attend de leurs étudiants qu’ils soient immédiatement
employables après l’obtention de leur diplôme. L’aptitude technique et profession-
nelle des diplômés est donc le critère intuitif le plus courant pour évaluer la qualité
de l’enseignement des établissements supérieurs de formation professionnelle. Le
nombre de diplômés des établissements supérieurs de formation professionnelle
s’est élevé à plus de 3 millions par an grâce à l’essor de l’enseignement supérieur
professionnel dans le pays, et les attentes du public sur l’employabilité de ses
diplômés ont progressé au même rythme. Selon les statistiques de l’enquête du
Rapport annuel sur l’enseignement supérieur technique et professionnel en Chine, le
taux d’emploi et le salaire moyen des diplômés des établissements supérieurs de
formation professionnelle ont augmenté de manière régulière ces dernières années.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

C’est comme si l’on utilisait la même toise pour mesurer la taille d’un garçon afin
d’en conjecturer sa trajectoire de croissance. La qualité de l’enseignement, telle
qu’elle est présentée dans ce rapport annuel, semble sur une pente ascendante et,
si on la rapporte à des statistiques antérieures, elle fournit alors une référence ou
un point de départ pour élaborer des plans futurs.
Comment se fait-il que l’enseignement supérieur professionnel florissant
ait mieux résisté au difficultés croissantes d’employabilité qui ont affecté les
universités du fait de la croissance ininterrompue des effectifs de premier cycle ?
En termes d’environnement extérieur, les établissements supérieurs de formation
professionnelle sont pourtant confrontés à des défis bien plus complexes que
ceux auxquels sont confrontées les universités, et ils ne disposent donc que de
peu d’avantages concurrentiels, à proprement parler. En termes d’investissement
financier de l’État, les dépenses du gouvernement pour un étudiant en
établissement supérieur de formation professionnelle ne représentent en moyenne
que 65 % de celles pour un étudiant de premier cycle universitaire, selon les
statistiques de l’annuaire chinois des dépenses éducatives. À en juger par l’origine
des inscrits, environ 90 % des étudiants des établissements supérieurs de
formation professionnelle étaient les premiers membres de leurs familles à aller
à l’université, selon l’enquête statistique sur les diplômés des établissements
supérieurs de formation professionnelle réalisée par l’institut MyCOS. Sélectionnés
après que les universités ont fini d’inscrire leurs étudiants de premier cycle, les
étudiants des établissements supérieurs de formation professionnelle appartiennent 147
à un groupe de jeunes marginalisés par l’enseignement supérieur traditionnel
– c’est l’enseignement supérieur professionnel qui leur permet d’ouvrir une
nouvelle page pour leur vie et leur carrière future. Ils représentent une génération
de jeunes qui, admis dans l’enseignement supérieur avec de faibles résultats aux
examens d’entrée, finissent l’université en tant que spécialistes de haut niveau
pouvant mettre à profit leurs capacités pour servir la nation. Du point de vue
d’un initié, ce rapport raconte la manière dont les enseignants de la formation
professionnelle luttent envers et contre tout afin de créer une niche pour le
maintien, la qualité et le développement de l’enseignement supérieur professionnel,
en établissant un statut pour les étudiants, en recherchant l’innovation et en
gagnant le soutien du gouvernement (Shanghai Academy of Educational Sciences
et MyCOS Institute, 2012). C’est en cela que résident l’originalité, l’inventivité
et le caractère indispensable de l’enseignement supérieur professionnel.
Par exemple, selon ces statistiques, 91 % du nombre total d’étudiants
des établissements supérieurs de formation professionnelle diplômés en 2014
étaient les premiers de leurs familles à s’être inscrits à l’université, un taux qui
s’est maintenu ces six dernières années. Au cours de cette même période, on
estime par ailleurs que près de 17 millions de familles ont ainsi « produit » leur
première génération d’étudiants de l’enseignement supérieur. Sur le nombre total
d’étudiants diplômés des établissements supérieurs de formation professionnelle
en 2014, 52 % étaient issus de familles de « paysans ou ouvriers paysans ». Près

N° 71 - avril 2016
de 30 % provenaient de comtés ou de districts pauvres, des régions de l’ouest
ou de régions habitées par des minorités. Plus de 80 % des diplômés des établis-
sements supérieurs de formation professionnelle de ces régions ont pu achever
leurs études dans leurs provinces d’origine. Pour les familles, les établissements
supérieurs de formation professionnelle ont permis à leurs enfants d’aller à
l’université sans quitter leur domicile, et à un coût abordable.

Orientations politiques
L’objectif général de développement économique et social de la Chine
est de bâtir une société prospère à tous les niveaux d’ici 2020. La volonté de faire
de notre pays une nation puissante en termes de ressources humaines nécessite
inévitablement un effort renouvelé pour accroître la qualité de l’enseignement
supérieur professionnel. La qualité de l’enseignement est en effet essentielle afin
de renforcer les capacités de développement personnel et les aptitudes profes-
sionnelles des étudiants. Mais, en tant qu’initiative récente, l’enseignement supé-
rieur professionnel chinois demeure confronté à de nombreux problèmes et défis.
Par exemple : les établissements supérieurs de formation professionnelle sont
peu adaptés aux demandes de développement qualitatif de l’éducation ; le mode
de gestion des établissements n’est pas satisfaisant au regard du système de forma-
tion professionnelle moderne ; et les enseignants ne sont pas au niveau des néces-
sités du développement industriel. En particulier, alors que l’économie chinoise
148
entre dans une ère de « nouvelle normalité »4 et qu’elle poursuit l’amélioration
de la qualité, de la performance et une mise à niveau complète, l’optimisation
de la structure industrielle et l’amélioration de la qualité et de l’efficacité indus-
trielles vont modifier l’orientation de l’emploi ; de nouveaux besoins en termes
de développement des ressources humaines vont apparaître. La réforme de
l’enseignement supérieur professionnel doit passer par des changements institu-
tionnels. Mais les industries et les entreprises manquent d’incitations et d’orien-
tations efficaces, et elles ne participent pas suffisamment à l’enseignement
supérieur professionnel, ce qui est devenu le principal goulet d’étranglement
pour le développement d’une formation professionnelle moderne.
En 2014, le président Xi Jinping a formulé des orientations pour accé-
lérer le développement de la formation professionnelle :
Nous devons poursuivre l’intégration de la production et de l’éducation, la
coopération entre les entreprises et les établissements, l’association du travail
et des études et l’unité entre le savoir et l’action, mais également conduire la
communauté, en particulier les industries et les entreprises, à soutenir activement
la formation professionnelle et nous efforcer de bâtir un système de formation
professionnelle avec des caractéristiques chinoises.

4. Le terme fait référence à l’infléchissement récent de la politique économique chinoise. La Chine est en effet entrée
dans une nouvelle ère de « normalité » économique : plutôt que d’entretenir une croissance rapide au prix d’une
détérioration de l’efficacité, le pouvoir chinois a décidé de mener des réformes structurelles, qui vont de pair avec un
certain ralentissement économique à court terme. Source : Société Générale. (NdT)

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dossier

Il convient de noter que l’intégration de la production et de l’éducation,


ainsi que la coopération entre les entreprises et les écoles sont des nécessités
absolues pour le développement de l’enseignement supérieur professionnel. Les
décisions du Conseil d’État pour améliorer le système soulignent la nécessaire
participation des entreprises à la formation professionnelle pour faire en sorte
qu’elles jouent pleinement leur rôle. Cela a fourni aux établissements supérieurs
de formation professionnelle des orientations politiques importantes pour se
développer de manière spécifique, s’adapter à la modernisation industrielle et
améliorer la qualité de leur enseignement ; clarifiant ainsi la voie des innovations
dans l’enseignement supérieur professionnel. D’une part, la mise à niveau des
industries traditionnelles et le développement des industries de pointe nécessitent
que les établissements supérieurs de formation professionnelle développent des
caractéristiques propres. D’autre part, nous espérons qu’un plus grand nombre
d’entreprises d’excellence, qui sont des partenaires importants pour le dévelop-
pement des spécificités des établissements supérieurs de formation profession-
nelle, pourront participer à cet enseignement, promouvoir le développement de
spécialités et de contenus de formation liés à la modernisation industrielle et
aux normes professionnelles, mais également participer à la publication des
rapports annuels sur l’enseignement supérieur professionnel, et ainsi jouer plei-
nement leur rôle pour le développement spécifique de l’enseignement supérieur
professionnel en Chine (Shanghai Academy of Educational Sciences & MyCOS
Institute, 2015). 149

Défis et perspectives
Un système de formation professionnelle moderne devrait être aligné
sur le développement économique, donner la priorité au développement centré
sur l’étudiant et assurer le développement coordonné de l’enseignement profes-
sionnel secondaire et postsecondaire. Cependant, il existe un conflit de valeurs
en termes de philosophie de l’enseignement supérieur professionnel, qui génère
des contradictions entre le besoin utilitaire de faire correspondre le contenu de
l’enseignement aux exigences des emplois et la préoccupation des enseignants
pour le développement de leurs étudiants tout au long de leur vie.
Il est attendu de l’agriculture et des zones rurales, des petites et moyennes
entreprises ainsi que des villes de troisième rang qu’elles constituent le vivier
principal des établissements supérieurs de formation professionnelle, à la lumière
de la stratégie nationale pour un développement régional équilibré ; elles
devraient également représenter des zones privilégiées pour le développement
de l’enseignement supérieur professionnel. Afin d’appuyer le développement des
villes nouvelles, l’urbanisation et le développement industriel, les établissements
supérieurs de formation professionnelle devront former davantage de travailleurs
qualifiés, prêts à descendre et à rester au niveau de la production de base pour

N° 71 - avril 2016
faire fructifier au maximum ce qu’ils ont appris à l’université. Ils joueront
également un rôle important dans le développement des régions stratégiquement
importantes, qui ont encore à bénéficier de l’essor de l’enseignement supérieur
professionnel.
L’effort pour mettre en œuvre le concept de développement scientifique
et la volonté de faire de la Chine une nation puissante en termes de ressources
humaines nécessitent inévitablement une amélioration du potentiel interne de
l’enseignement supérieur professionnel et une meilleure qualité d’enseignement ;
potentiel interne et qualité de l’enseignement ne sont pas seulement des éléments
cruciaux pour renforcer les capacités de développement personnel et les aptitudes
professionnelles des étudiants, ils doivent également constituer le fondement
même de l’enseignement supérieur professionnel afin de résister à la mondiali-
sation de l’enseignement. Un grand nombre d’établissements supérieurs de
formation professionnelle ont déjà des stratégies mondiales et sont rompus aux
règles du jeu mondial ; ces établissements doivent désormais aller de l’avant pour
mettre en œuvre la stratégie de « main tendue vers le monde » de la nation. Ils
devront également contribuer à fournir un accès à l’enseignement supérieur et
la formation professionnelle à un plus grand nombre de personnes dans les pays
en développement. L’impact mondial de l’enseignement professionnel supérieur
chinois devrait donc progresser régulièrement dans le futur.
Selon certains experts, c’est probablement avant tout via l’enseignement
150 supérieur professionnel que le secteur éducatif chinois devrait aller à la rencontre
du monde et lui apporter sa contribution (Jiang, 2015). Le nombre d’établisse-
ments supérieurs de formation professionnelle en Chine est passé de 6 en 1980
à plus de 1 300 aujourd’hui. Un tel développement, à une telle échelle et à un tel
rythme, a certainement ses propres contraintes. La Chine est actuellement la
deuxième économie du monde. À long terme, la vitalité inimitable de son ensei-
gnement supérieur professionnel, sa contribution irremplaçable et sa valeur
sociale unique ne manqueront pas d’attirer l’attention du gouvernement et de
la société en Chine.

Bibliographie
GUO Yang (2010) : An Outline of Chinese Vocational Higher Education, Pékin : Science
Popularization Press, 50.
JIANG Dayuan (2015) : « Unique contribution of Chinese Vocational Higher Educa-
tion to world education », Chinese Vocational and Technical Education, 2015(36).
LI Jin (2013) : Development Record Vocational Higher Education in New China. Shan-
ghai : Shanghai Education Press, 110.
MA Shuchao et GUO Yang (2009) : Chinese Vocational Higher Education: Historical
Choice. Pékin : Higher Education Press, 214.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

MA Shuchao et GUO Yang (2008) : Vocational Higher Education: Leap-Transformation-


Enhancement. Pékin : Higher Education Press, 187.
Shanghai Academy of Educational Sciences et MyCOS Institute (2012) : 2012 Annual
Report on Technical and Vocational Higher Education in China. Pékin : Foreign
Language teaching and Research Press, 8.
Shanghai Academy of Educational Sciences et MyCOS Institute (2015) : 2015 Annual
Report on Technical and Vocational Higher Education in China. Pékin : Foreign
Language teaching and Research Press, 58.
XUE Ximin (2000) : Theory and Practice of Vocational Higher Education, Shanghai :
Fudan University Press, 9.

151

N° 71 - avril 2016
dossier

La formation
professionnelle
et continue au service
de l’employabilité
à Singapour
et aux Philippines*

Catherine Ramos
Head Fondation

S. Gopinathan
Head Fondation

Singapour est connue dans le monde de l’éducation, à l’échelle inter-


nationale, pour avoir réussi à mettre en place un système éducatif jugé très
performant par les enquêtes du programme PISA (Programme international pour
le suivi des acquis des élèves), et pour avoir élaboré des projets de développement
du capital humain à la fois dynamiques, orientés vers l’avenir et liés à l’industrie. 153
Dotée d’une forte culture de la réforme, d’une formation préalable à l’emploi et
d’une formation continue jouissant de généreux financements, Singapour est
parvenue avec succès à répondre à la demande de compétences à chacune des
phases de son développement. Les différents états des lieux du système éducatif,
dressés par Gopinathan, indiquent que même au tout début de son indépendance
de la Malaisie en 1965, l’éducation a joué un rôle central dans la construction
de l’économie de Singapour (Gopinathan, 2013). Il était impératif de bâtir une
économie à partir du capital humain et non des ressources naturelles. Un rapport
de l’OCDE (2011) note que l’un des principaux facteurs de l’avantage concur-
rentiel dont bénéficie Singapour réside dans « la capacité du gouvernement à
concilier avec succès l’offre et la demande en matière de formation et de compé-
tences ». Le rapport fait également l’éloge d’une culture dans laquelle sont valo-
risés le perfectionnement constant, le leadership, la capacité à entrevoir un idéal
et à mettre en adéquation politique et pratique, comme autant de facteurs clés
de la réussite du développement de l’éducation à Singapour. La réussite de Singa-
pour ne se reflète pas seulement dans son système éducatif, mais dans l’ensemble
de son économie : en 1965, le PIB par habitant avoisinait les 500 US$ 1 ; il est
aujourd’hui d’environ 55 000 US$2.

* Article traduit par Jérôme Quintana.


1. Soit 452 €. (NdlR)
2. Soit 49 731 €. (NdlR)

N° 71 - avril 2016
Plus récemment, début 2015, le gouvernement de Singapour a lancé le
projet SkillsFuture, mouvement national visant à mettre l’accent sur le besoin de
renforcer les compétences et leur pertinence, afin de garantir une formation de
qualité et un emploi tout au long de la vie, alors que Singapour poursuit sa
transition vers une économie de l’innovation. La mondialisation, les boulever-
sements qu’entraîne la technologie, le chômage des jeunes à travers le monde,
tout cela a dynamisé les décideurs à Singapour. Les trois principaux objectifs du
projet SkillsFuture sont les suivants : intégrer la formation et l’évolution profes-
sionnelles, encourager l’industrie à aider les individus à progresser dans leur
carrière grâce à leurs compétences, accentuer les efforts pour favoriser une culture
de la formation tout au long de la vie.
Cet article présente la formation technique et professionnelle (FTP) telle
qu’elle est proposée dans le cadre du système éducatif de Singapour, mais aussi
dans celui de la formation continue qui couvre également la formation profes-
sionnelle. Le projet SkillsFuture, mis en place il y a peu, et le système relativement
récent de qualification de la main d’œuvre, sont ici examinés. La FTP aux Philip-
pines est également abordée, en faisant valoir l’idée que les différences d’approche
dans ce domaine dépendent du niveau de développement économique d’un pays.
Ainsi, l’étude comparative de la FTP en Asie peut constituer une difficulté car
cela demande d’énoncer un certain nombre de mises en garde, étant donné la
diversité des contextes politiques et socioéconomiques. Singapour jouit d’un
154 statut de pays développé, comparé à d’autres pays du Sud-Est asiatique considérés
comme étant à faibles revenus ou à revenus intermédiaires, et bien plus peuplés
que Singapour. Le contexte constitue par conséquent un élément clé pour appré-
hender les politiques et les approches propres aux systèmes éducatifs et
comprendre comment les pays abordent le problème des compétences. En Asie,
les déséquilibres de compétences, leurs causes et leurs solutions, diffèrent selon
les économies, car celles-ci sont fortement influencées par leur niveau de déve-
loppement et leurs structures industrielles.

La formation préalable
à l’emploi et la formation
continue à Singapour
Il est possible de décrire les systèmes éducatifs nationaux selon un
certain nombre de caractéristiques, les plus courantes étant les établissements et
les qualifications. Concernant les établissements, on distingue deux secteurs à
Singapour : la formation préalable à l’emploi et la formation continue. Jusqu’en
septembre 2015, le secteur du post-secondaire ou de la formation préalable à
l’emploi était tout à fait séparé du système de formation continue, ces deux
secteurs relevant alors de deux ministères différents : le ministère de l’éducation
pour la formation préalable à l’emploi et le ministère de la main d’œuvre pour
la formation continue, chacun avec son propre portefeuille national. Mais fin

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

2015, deux ministres de l’éducation sont nommés : l’un chargé des écoles, depuis
l’enseignement préscolaire et primaire jusqu’à l’enseignement secondaire et aux
junior colleges de l’enseignement préuniversitaire ; l’autre chargé de l’ensei-
gnement supérieur et du développement des compétences, supervisant les établis-
sements d’enseignement technique, les instituts polytechniques, les universités
et le projet SkillsFuture. Les raisons de ce changement ont été expliquées par les
deux ministres lors d’une déclaration commune :
La décision du Premier ministre de nommer deux ministres de l’éducation
constitue un signal fort : alors que le système se développe à la fois en termes
de volume et de complexité, nous sommes déterminés à continuer de bâtir
davantage de parcours d’études, de meilleure qualité, afin que les Singapouriens
puissent poursuivre leurs passions et satisfaire leurs aspirations. (Channel
NewsAsia, 2015)

La formation préalable
à l’emploi
La formation préalable à l’emploi recouvre (le secondaire mis à part)
les junior colleges et les centralised institutes, préparant [en respectivement deux
et trois ans] au diplôme de fin d’études secondaires, le GCE (General Certificate
of Education) ou « A Level » ; l’Institute of Technical Education (ITE), préparant
à différents certificats : le Master NITEC [National Institute of Technical Education 155
Certificate], le Higher NITEC (degré supérieur), le NITEC et le certificat de
compétences de l’ITE ; les instituts polytechniques (délivrant des diplômes et
des diplômes supérieurs) ; enfin, les universités (délivrant des diplômes univer-
sitaires et des diplômes universitaires supérieurs), ainsi qu’un certain nombre
d’établissements privés. Le nombre d’établissements d’enseignement post-
secondaire a augmenté durant la dernière décennie, notamment celui des univer-
sités et des instituts d’enseignement technique. Ces établissements, regroupés
collectivement sous l’étiquette de « formation préalable à l’emploi », sont bien
établis à Singapour et jouissent d’une certaine reconnaissance sociale dans le
pays mais aussi à l’échelle internationale. Ils préparent les apprenants à entrer
sur le marché du travail en leur fournissant une large formation générale, en
leur permettant de développer leurs connaissances académiques et, dans le cas
des instituts d’enseignement technique et des instituts polytechniques, en leur
offrant une préparation professionnelle complète de haute qualité qui leur ouvre
l’accès à leur premier emploi.
L’enseignement obligatoire à Singapour s’arrête à la fin du primaire mais
les jeunes sont quasiment tous scolarisés. Les diplômés de l’enseignement secon-
daire peuvent poursuivre leurs études dans la voie générale ou professionnelle
selon les notes obtenues, et ceux qui suivent la voie générale devront suivre un
enseignement de deux années dans un junior college ou obtenir le diplôme d’un
institut polytechnique au bout de trois ans d’études pour pouvoir entrer à

N° 71 - avril 2016
l’université. Les diplômés de l’enseignement polytechnique sont considérés
comme étant « prêts à l’emploi », mais de nombreux jeunes issus de cette filière
souhaitent aller jusqu’à l’obtention d’un diplôme universitaire car les prétentions
salariales et les perspectives de carrière sont moindres avec un diplôme de l’ensei-
gnement polytechnique. Les diplômés de l’enseignement secondaire qui n’ont
pas été acceptés dans la voie générale peuvent accéder à la voie professionnelle
dans les instituts d’enseignement technique (ITE).3 Ces établissements sont les
principaux prestataires de FTP à Singapour, de niveau technicien et semi-
professionnel. À l’issue de la formation professionnelle, les diplômés peuvent
opter pour un emploi ou poursuivre leurs études dans un institut polytechnique
ou dans un autre établissement.
L’objectif de la formation dispensée dans les ITE est de fournir aux
étudiants les connaissances techniques nécessaires pour répondre aux besoins de
main d’œuvre des différentes industries. Environ 25 % des étudiants à Singapour
fréquentent des ITE à plein temps dans la continuité de leurs études secondaires.
En 2014, près de 90 % des diplômés des ITE ont trouvé un emploi dans les six
mois qui ont suivi l’obtention de leur diplôme (Ministère de l’éducation, non
daté). Des formations à temps partiel sont également proposées aux diplômés
des ITE et aux apprenants adultes. Pour ce qui est des frais de scolarité dans les
ITE, les citoyens singapouriens ne paient que 320 à 570 S$ (dollars singapouriens)
par an (soit 209 à 372 €), tandis que les résidents permanents paient de 4 250 à
156 7 600 S$ (2 778-4 968 €) et les étudiants étrangers de 10 650 à 19 000 S$
(6 962-12 420 €). Des aides financières, allant de 300 S$ (196 €) à 1 200 S$ (784 €)
sont proposées aux citoyens selon les revenus du foyer (Ministère de l’éducation,
non daté).
Les ITE s’inscrivent dans le cadre de l’offre de formation professionnelle
au sein du système éducatif singapourien. Il existe néanmoins un système national
de reconnaissance et de certification des titres de compétences, le Workforce Skills
Qualifications (WSQ) system, qui a également vocation à dispenser de la forma-
tion professionnelle et contribue par ailleurs à promouvoir la formation continue.

La formation continue
Le gouvernement singapourien a souligné l’importance de son enga-
gement en faveur de la croissance économique fondée sur les compétences, l’inno-
vation et la productivité, qui implique la mise en place d’un « système de
formation continue à la fois national, complet et de très haute qualité », au sein
duquel l’apprentissage et l’acquisition de nouvelles compétences tout au long de
la vie deviennent la norme pour chaque Singapourien (rapport de l’ECS, Economic
Strategies Committee, 2010).

3. Un schéma disponible sur le site du ministère singapourien de l’éducation permet de visualiser les parcours pos-
sibles : [https://www.moe.gov.sg/education/landscape]. (NdlR)

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dossier

Ce système propose des programmes de formation pour adultes, géné-


ralement au niveau post-secondaire, sous forme de formations courtes ou à temps
partiel dans des domaines professionnels spécifiques, avec pour objectif principal
de favoriser l’employabilité. Au début de la récession économique mondiale
de 2008, Singapour s’est appuyée sur le système national de formation continue
pour aider les entreprises et les salariés à gérer la crise en investissant dans le
développement des compétences. La mise en place du Skills Programme for Upgra-
ding and Resilience (SPUR), visant à une amélioration des connaissances et de
la capacité de résistance fondée sur le renforcement des compétences, a donné
lieu à tout un ensemble de programmes axés sur les compétences et apportant
un soutien financier accru aux entreprises et aux salariés. Cela a permis aux
entreprises de réduire les coûts, de sauver des emplois et, parallèlement, aux
salariés de se recycler et de se perfectionner. Ce soutien financier s’est traduit
par une prise en charge des frais d’inscription aux formations et par l’octroi de
congés-formation en faveur des salariés que l’on envoyait se former au sein de
structures de formation relevant du programme « SPUR ».
On a également renforcé l’aide à l’emploi et augmenté le nombre de
programmes de formation à destination des demandeurs d’emploi.
Le système de formation continue à Singapour a connu un important
coup d’accélérateur en 2008, lorsque le Premier ministre Lee Hsien Loong a
annoncé la création d’un plan directeur de la formation continue afin de préparer
les salariés singapouriens à intégrer les secteurs émergents et en plein essor en 157
tant que nouveaux entrants, employés en reconversion ou en perfectionnement.
Afin de soutenir cette action, le gouvernement a augmenté les ressources allouées
à l’apprentissage tout au long de la vie, les faisant passer de 800 millions de
dollars en 2008 à 3 milliards, puis 5 milliards de dollars singapouriens4 (Ministère
de la main d’œuvre, 2008). Les employeurs qui versent une contribution au nom
de la taxe pour le développement des compétences jouent un rôle crucial dans
le cadre de ce plan. Adopté à l’origine en 1979, puis révisé en octobre 2008, le
taux de contribution s’élève à 0,25 % de la rémunération mensuelle de chaque
employé, le montant minimum étant de 2 S$ (1,3 €) pour les revenus de moins
de 4 500 S$ (2 941 €) par mois, et le maximum de 11,25 S$ (7,35 €) pour les
revenus dépassant les 4 500 S$ par mois. Les sommes ainsi recueillies sont versées
au fonds consacré au développement des compétences pour soutenir les
programmes de formation de la main d’œuvre et accorder aux employeurs des
subventions lorsqu’ils envoient leurs employés suivre des stages dans le cadre du
système national de formation continue. La taxe pour le développement des
compétences et le fonds consacré au développement des compétences sont gérés
par la Singapore Workforce Development Agency (WDA), l’agence gouvernementale
chargée des programmes nationaux de formation, dont le but est d’aider la main
d’œuvre à rester compétitive et employable.

4. Soit 523 millions d’euros en 2008, puis 2,96 milliards d’euros et 3,2 milliards d’euros. (NdlR)

N° 71 - avril 2016
Le Workforce Skills
Qualifications (WSQ)
Le Workforce Skills Qualifications (WSQ) joue un rôle-clé, en tant que
système national de certification des compétences, pour faciliter la transition du
secteur traditionnel de formation préalable à l’emploi vers le secteur de la forma-
tion continue. Le WSQ a été mis en place en 2005 et conçu pour aider les salariés
à obtenir un emploi, à avancer dans leur carrière, à assumer de nouvelles fonc-
tions, à effectuer la transition d’un emploi à un autre, voire d’un secteur d’activité
à un autre. C’est ce qu’on appelle les « 4M », à partir du terme move en anglais :
move into work (intégrer un emploi), move up in position (être promu à un poste
supérieur), move between organisations (passer d’une structure à une autre), move
across industry (passer d’un secteur d’activité à un autre).
Trois catégories de compétences forment la base du WSQ : les compé-
tences liées au métier (occupational skills), celles liées au secteur d’activité
(industry skills) et celles liées à l’employabilité (employability skills). Les compé-
tences liées au métier sont celles requises pour exercer un emploi précis. Les
compétences liées au secteur d’activité sont les compétences générales et les
savoir-faire généraux. Les compétences liées à l’employabilité sont d’ordre géné-
rique et transférables à tous les secteurs. Le WSQ comporte six niveaux : 1) certi-
ficat ; 2) certificat de niveau supérieur (Higher Certificate) ; 3) certificat de niveau
158 avancé (Advanced Certificate) ; 4) diplôme ; 5) diplôme spécialisé ; 6) diplôme
d’études supérieures (Graduate Degree) ou certificat d’études supérieures
(Graduate Certificate). Les formations proposées dans le cadre du WSQ ont été
conçues à dessein pour être fondées sur les compétences, axées sur le travail et
l’emploi, professionnelles par essence, d’accès libre, dirigées par les différents
secteurs et s’adressant aux apprenants adultes. Ces programmes de certification
professionnelle sont dispensés par tout un ensemble de prestataires spécialisés
dans la formation, à la fois publics et internes aux entreprises.
Le développement du WSQ implique une étroite collaboration avec les
secteurs d’activité concernés, notamment par un recensement sectorisé des
compétences de la main d’œuvre (Sectoral Manpower Skills) et la mise en place
de comités chargés de la formation (Training Councils). Au sein de chaque comité,
un chef de file du secteur occupe la fonction de président. Parmi les membres,
on compte des acteurs jouant un rôle essentiel dans ce secteur, des associations,
des représentants syndicaux, des agences économiques et des représentants du
gouvernement. Le rôle de chaque secteur d’activité est d’établir un certain
nombre de recommandations en matière de développement et de mise en œuvre
du WSQ, et de soutenir la démarche. Les normes nationales élaborées par la
Workforce Development Agency (WDA), en collaboration avec divers secteurs,
fournissent la base des cadres de référence sectoriels utilisés dans ce système. Le
WSQ permet ainsi de professionnaliser les secteurs, d’accroître la flexibilité du
marché du travail et d’améliorer le transfert des compétences (WDA, non daté).

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dossier

Outre les comités propres à chaque secteur, les autres éléments essentiels
à prendre en compte dans le cadre du WSQ incluent le cadre national de certi-
fication spécifique à la formation continue, le système d’assurance qualité et les
établissements spécialisés dans la formation continue. Sur le plan de l’assurance
qualité, les prestataires doivent obtenir une autorisation avant de dispenser des
formations dans le cadre du WSQ, chacune de ces formations devant recevoir
un agrément. Par ailleurs, les formateurs doivent respecter un certain nombre
de normes et de critères. D’autres éléments visant à garantir la qualité comprennent
notamment le respect systématique des points suivants : passage en revue des
points à améliorer, définition de directives générales, apport de soutien et de
conseil aux organismes de formation, gestion de la délivrance des titres et des
certificats dans le cadre du WSQ.
L’engagement du gouvernement singapourien d’investir dans le renfor-
cement des compétences se constate dans les aides financières généreuses qu’il
octroie. Les frais d’inscription aux formations sont pris en charge à hauteur de
50 à 90 % du coût, pour les personnes finançant elles-mêmes leur formation. Le
montant des aides dépend de l’agrément que les formations ou les organismes
de formation ont reçu de la WDA. Il dépend aussi de l’âge de la personne, de sa
nationalité et du niveau de formation envisagé, selon que la formation s’adresse
aux cadres, dirigeants et assimilés (Professionals, Managers and Executives : PME)
ou aux non-cadres (Non-PME). Outre l’aide accordée pour la prise en charge
des frais d’inscription aux formations, une indemnité de formation s’élevant à 159
4,50 S$ (2,94 €) de l’heure est également octroyée aux citoyens singapouriens
âgés d’au moins 35 ans et gagnant 1 900 S$ (1 242 €) par mois. Pour les forma-
tions prises en charge par l’employeur, le gouvernement octroie à l’employeur
le même type d’aide allant de 50 à 90 % du coût de la formation, ainsi qu’une
indemnité pour absence du salarié équivalant à 80-95 % des salaires horaires de
base, sans dépasser certains plafonds. L’aide financière accordée aux employeurs
varie aussi selon que la formation se déroule en interne ou est dispensée par des
prestataires extérieurs à l’entreprise, ou encore selon la taille de l’entreprise. Des
aides plus élevées sont accordées aux petites et moyennes entreprises. L’aide
financière pour absence du salarié constitue un moyen de financer le salaire des
employés durant leur formation.

SkillsFuture : un mariage
entre le plan directeur
de la formation continue
et l’étude ASPIRE
Le projet SkillsFuture, en tant que mouvement national, est le fruit de
recommandations émises dans le cadre de deux initiatives nationales : l’étude
ASPIRE, acronyme de Applied Study in Polytechnics and ITE REview (étude appli-
quée à l’examen des centres polytechniques et des instituts d’enseignement

N° 71 - avril 2016
technique) et le « plan directeur 2020 » pour la formation continue. Les quatre
objectifs principaux de SkillsFuture sont les suivants : 1) aider les personnes à
s’informer et à prendre des décisions en toute connaissance de cause dans le
domaine de l’éducation, de la formation et de l’orientation professionnelle ;
2) mettre en place un système intégré d’enseignement et de formation, de haute
qualité et répondant aux besoins en constante évolution de l’industrie ; 3) encou-
rager les employeurs à reconnaître le mérite de leurs employés et favoriser l’évo-
lution de carrière, en s’appuyant sur les compétences et la maîtrise ; 4) favoriser
une culture qui soutienne et prône les valeurs de l’apprentissage tout au long de
la vie (WDA, 2015). Les programmes et les initiatives qui s’inscrivent dans le
cadre du projet SkillsFuture sont regroupés par bénéficiaires : étudiants, salariés
en début de carrière, salariés en milieu de carrière et au-delà, employeurs, pres-
tataires et organismes de formation / formateurs pour adultes. 5 On y trouve
également un répertoire des personnes à contacter pour les divers programmes,
dont nous résumons ci-après les grands axes :
Programmes à destination des étudiants : formation et orientation profes-
sionnelle ; facilitation des stages en entreprise ; portefeuille d’apprentissage indi-
viduel consistant en un portail unique en ligne dédié à la formation et à
l’orientation professionnelle, afin d’aider les personnes à mieux planifier leur
formation et leurs perspectives d’évolution professionnelle ; programme destiné
aux jeunes talents ou encore le programme d’immersion à l’étranger pour les
160 étudiants des centres polytechniques et des ITE.
Programmes à destination des salariés en début de carrière : formation et
orientation professionnelle ; portefeuille d’apprentissage individuel tel que
détaillé ci-dessus ; P-Max, ou programme de maximisation du potentiel ; crédits
de formation dans le cadre de SkillsFuture ; programme Earn and Learn (gagner
des revenus tout en apprenant) ; récompenses attribuées aux stagiaires méritants.
Les étudiants peuvent bénéficier d’aides à l’orientation professionnelle au sein
de leur établissement, tandis que les adultes salariés peuvent bénéficier des
services de formation et d’accompagnement professionnels proposés par le réseau
de centres d’orientation professionnelle de la WDA. Le P-Max est un programme
visant à faciliter la formation par l’insertion professionnelle (place-and-train)
des cadres, dirigeants et assimilés au sein des petites et moyennes entreprises.
Les crédits de formation dans le cadre de SkillsFuture visent à encourager les
personnes à assumer elles-mêmes le développement de leurs compétences et à
prendre en charge leur apprentissage tout au long de la vie, en octroyant aux
Singapouriens âgés de 25 ans et plus un crédit de 500 S$ (324 €) à compter de
janvier 2016, avec ponctuellement des aides complémentaires pour payer les frais
de formation, en plus des aides gouvernementales dont elles bénéficient. Ce crédit
est sans limite dans le temps. Le programme Earn and Learn dans le cadre de
SkillsFuture vise à aider les jeunes diplômés des centres polytechniques et des

5. Ces programmes et initiatives font l’objet d’une présentation claire et détaillée sur le site www.skillsfutre.sg/

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dossier

ITE à s’insérer professionnellement, tout en poursuivant leur formation (place-


and-train), en leur permettant d’acquérir des compétences utiles dans leur secteur
grâce à une formation structurée d’alternance en entreprise et en institut de
formation. Les récompenses attribuées au mérite dans le cadre de SkillsFuture
prennent la forme d’une bourse de 5 000 S$ (3 242 €) attribuée à 500 salariés en
début et milieu de carrière, à compter d’octobre 2015. Plus tard, le nombre de
bénéficiaires sera porté à 2 000 par an.
Les salariés en milieu de carrière bénéficient des mêmes programmes que
ceux en début de carrière, mais aussi d’un certain nombre d’autres programmes :
formations modulaires fondées sur les compétences ; programme de renfor-
cement des capacités de direction et d’encadrement (leadership) ; octroi d’aides
aux Singapouriens âgés de 40 ans et plus, couvrant jusqu’à 90 % des frais pour
les formations financées par la WDA ; enfin, toujours dans le cadre de SkillsFuture,
des bourses d’un montant de 10 000 S$ (6 484 €) accordées à 100 personnes à
compter de 2016, afin de les aider à acquérir la maîtrise de leur domaine de
spécialisation.
Les employeurs bénéficient du programme P-Max (les petites et moyennes
entreprises reçoivent une formation dans le domaine du recrutement, des
ressources humaines, de la communication ; elles reçoivent par ailleurs une aide
de 5 000 S$ lorsqu’elles retiennent pendant six mois les nouveaux cadres embau-
chés). Les employeurs peuvent également bénéficier de prévisions de besoins en
main d’œuvre par secteur, afin de mieux développer les stratégies et les oppor-
161
tunités de croissance ; d’un programme Earn and Learn donnant droit à une aide
de 15 000 S$ (pour compenser le coût lié à l’élaboration et à la mise en œuvre
de la formation en structure professionnelle destinée aux jeunes diplômés des
centres polytechniques et des ITE) ; de récompenses attribuées aux employeurs ;
d’un groupe de mentors pour les petites et moyennes entreprises.
Ces initiatives dans le cadre du projet SkillsFuture sont très coûteuses
en termes de ressources et il est possible qu’une révision permanente de la mise
en œuvre du programme s’impose, pour veiller à ce que ces initiatives soient
véritablement conformes aux objectifs ou à l’effet escompté.

Comparaison
avec la formation continue
des pays voisins
Singapour possède d’excellentes techniques de résolution des problèmes
lorsqu’il s’agit de traiter les questions de politiques et réagit relativement vite
lorsque certaines politiques ne fonctionnent pas aussi bien qu’on l’aurait souhaité.
Le gouvernement conduit sa politique et gère le pays de manière efficace, car il
a les mains propres et n’est pas corrompu. En tant que petite ville-État, Singapour
se distingue de ses voisins, dont la superficie et la population sont bien plus
grandes et auxquels il manque un certains nombre d’éléments propres au bon

N° 71 - avril 2016
fonctionnement du gouvernement, ce qui se traduit par leur difficulté à mettre
en place de bonnes politiques pour obtenir les résultats escomptés et aboutir à
de bonnes pratiques. Si Singapour adopte une approche futuriste dans sa façon
de planifier le développement des compétences, d’autres pays asiatiques en sont
toujours à régler leurs problèmes, à la fois anciens et persistants, mais aussi
actuels. De ce fait, il est peut-être difficile d’établir une comparaison avec certains
autres pays asiatiques, tant sur le plan des programmes et des initiatives que sur
celui des résultats, étant donné les différents degrés de développement et la
diversité des contextes géopolitiques. Il nous semble toutefois utile aux lecteurs
qui n’auraient pas une bonne connaissance du contexte asiatique de présenter la
FTP d’un de ces pays.

La formation technique
et professionnelle
aux Philippines
L’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) aux
Philippines sont régis par l’Office de l’enseignement technique et du développe-
ment des compétences (TESDA). Ce bureau fut créé en août 1994 avec l’adoption
de la Loi de la République n° 7 996 sur le développement des compétences et la
formation technique, visant à encourager la participation et la mobilisation pleine
162 et entière de l’industrie, du monde du travail, des structures gouvernementales
locales ainsi que des établissements de FTP, dans le cadre du développement des
compétences. Le TESDA est né de la fusion de trois institutions gouvernemen-
tales : le Conseil national de la main d’œuvre et de la jeunesse du ministère du
travail et de l’emploi ; le Bureau de la formation technique et professionnelle du
ministère de l’éducation, de la culture et des sports ; enfin, le programme de
formation d’apprenti du bureau d’emploi local rattaché au ministère du travail
et de l’emploi (TESDA, non daté). L’objectif essentiel du TESDA est d’élaborer
un plan global de développement de la main d’œuvre de niveau intermédiaire.
Il entreprend des actions de formation, dispensées par un réseau d’établissements
publics et privés selon diverses modalités : programmes de technologie en milieu
scolaire, en centre de formation, en entreprise ou à l’échelle communautaire.
Les programmes en milieu scolaire comprennent une offre de formation
post-secondaire de durée variable, n’excédant pas trois années. Il existe 57 établis-
sements scolaires gérés par le TESDA : 31 écoles d’apprentissage des métiers,
19 collèges agricoles et 7 écoles de pêche. Les programmes en centre de formation
sont dispensés dans 60 centres (15 centres régionaux et 45 centres provinciaux).
Parmi les centres de formation spécialisée, on citera le Centre des femmes, qui vise
à faire progresser le statut économique des femmes ; l’Institut des langues (regrou-
pant 31 centres à l’échelle nationale), qui s’adresse essentiellement aux salariés
désireux de travailler à l’étranger et propose des formations notamment en anglais,
coréen, mandarin, japonais et espagnol ; le Centre de formation en technologies

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


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de l’information de Corée-Philippines, situé dans deux centres polytechniques et


deux centres régionaux de développement des compétences. La formation à l’échelle
communautaire pour le développement de l’entreprise s’adresse principalement
aux catégories défavorisées et en marge de la société qui n’ont pas accès à l’offre
classique de formation ou qu’il est difficile de faire accéder à cette offre. Les
programmes en entreprise sont des programmes de formation mis en œuvre au
sein des entreprises et qui peuvent prendre la forme d’un apprentissage de quatre
à six mois, d’une formation qualifiante au sein de l’entreprise d’une durée maxi-
male de trois mois, d’une formation en alternance où l’enseignement et la formation
se déroulent à la fois en établissement scolaire / centre de formation et en entreprise
(TESDA, non daté). Pour garantir la qualité de la formation proposée par les
prestataires, le TESDA exige que 60 % des diplômés trouvent un emploi dans
l’année suivant leur formation. Il demande par ailleurs que les diplômés se
soumettent à une évaluation de leurs compétences (Legaspi, 2012).
L’ETP a également été introduit dans un certain nombre d’établisse-
ments secondaires via le programme renforcé d’ETP mis en place par le ministère
de l’éducation dans 282 établissements secondaires publics dans 16 régions du
pays, conformément aux objectifs du mouvement mondial d’Éducation pour
tous (EPT), aux objectifs du Développement pour le millénaire aux Philippines,
et au programme d’action en dix points du gouvernement philippin (Valles,
2012). Les principaux objectifs du programme renforcé d’ETP sont les suivants :
fournir aux diplômés du secondaire l’occasion d’acquérir des compétences tech- 163
niques et professionnelles pouvant aboutir à une certification, leur offrant ainsi
davantage de possibilités de poursuivre leurs études post-secondaires, par exemple
dans un établissement d’enseignement supérieur ou au sein d’une formation
technique courte, dans l’entrepreneuriat et dans l’apprentissage débouchant sur
de l’emploi (Valles, 2012). Le programme renforcé d’ETP permet de développer
des partenariats stratégiques avec différentes agences, à travers certains méca-
nismes comme le cofinancement, le copartage des ressources et de l’expertise, le
consortium, les programmes de bourses d’études et les activités de formation,
les programmes Adopt-a-School ou encore Adopt-a-Student, pour ne citer que
ces derniers. Les agences concernées comprennent le SEAMEO Innotech, c’est-
à-dire le Centre régional de l’innovation éducative et de la technologie rattaché
au SEAMEO (l’Organisation des ministres de l’éducation du Sud-Est asiatique),
l’Office de l’enseignement technique et du développement des compétences
(TESDA), les structures gouvernementales locales, les organisations non gouver-
nementales, le secteur privé, ainsi que les établissements techniques et profes-
sionnels, les universités et les instituts proposant des spécialisations dans le
domaine technique et professionnel (Valles, 2012).
L’enseignement et la formation techniques et professionnels aux Philip-
pines ont dû faire face à d’épineux problèmes, tels que la piètre qualité des infras-
tructures ou encore la faiblesse du curriculum. De ce fait, des recommandations
ont été formulées pour améliorer l’enseignement et la formation, dont certaines

N° 71 - avril 2016
provenant d’une étude de la Banque mondiale (di Gropello, Tan et Tandon, 2010),
qui préconise les actions suivantes :
– encourager une plus grande participation du secteur privé pour
réduire les dépenses gouvernementales tout en améliorant l’efficacité ;
– continuer de soutenir les programmes communautaires tout en rééva-
luant l’efficacité de certains programmes en milieu scolaire ;
– réduire les coûts engagés par le gouvernement en rationalisant le
recours aux prestataires d’enseignement et de formation techniques et
professionnels ;
– élaborer des critères de performance appropriés pour les prestataires
d’ETP ;
– actualiser et appliquer les critères d’agrément ;
– favoriser des liens plus étroits entre l’école et le secteur industriel,
notamment pour les programmes en milieu scolaire, afin d’améliorer la perti-
nence du curriculum en termes de besoins du marché du travail ;
– accroître la participation de l’industrie au conseil d’administration
du TESDA.
– mieux cibler l’aide financière allouée à l’enseignement et à la formation
techniques et professionnels.

164 N
Les étudiants et les salariés à Singapour ont suffisamment l’occasion
d’entreprendre des activités d’apprentissage tout au long de la vie et de renforcer
leurs compétences en termes d’employabilité, et ce grâce à une planification
méticuleuse, à des financements élevés, à une mise en œuvre énergique des
actions, et à une évaluation des politiques qui permet d’améliorer la mise en
place de stratégies nationales en matière de compétences, stratégies qui font
défaut à de nombreux pays asiatiques. La nécessité impérative de garantir un
développement économique et sociétal continu à Singapour contribue à ce que
chaque ministère soit particulièrement au fait du rôle qu’il a à jouer. Outre le
secteur économique, les secteurs de l’éducation et du travail ont joué un rôle
fondamental dans le développement économique du pays, qui devrait continuer
de progresser car il ne connaît aucune autre voie.
Aux Philippines, en dépit de certains progrès, il reste beaucoup à faire,
depuis la question du financement jusqu’à celle des partenariats, en passant par
une meilleure allocation des ressources et par le fait de gagner en pertinence,
d’améliorer l’assurance de la qualité, etc. Le TESDA fait l’objet d’incessantes
réformes via l’actualisation de nombreuses réglementations relatives à la
formation, afin de satisfaire la demande croissante de formation et de main
d’œuvre adéquates et de qualité dans le domaine des compétences techniques et
professionnelles, à l’échelle locale ou internationale.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

Bibliographie
Channel News Asia (CAN) (2015) : Our portfolios are ‘integrated, synergistic’, say
Acting Education Ministers, 5 octobre, [en ligne] [http://goo.gl/RHwBTg]
Economic Strategies Committee (ESC) (2010) : High skilled people, innovative
economy, distinctive global city, rapport, Economic Strategies Committee.
GOPINATHAN S. (2013) : Education and the nation state: the selected works of
S. Gopinathan, London : Routledge.
DI GROPELLO E., TAN H., TANDON P. (2010) : Skills for the Labor Market in the
Philippines, Library, [en ligne] [http://doi.org/10.1596/978-0-8213-8614-9]
LEGASPI M. G. (2012) : « Skills development for SMEs and micro enterprises in the
Philippines », dans Skills Development Pathways in Asia, Paris : OECD.
Ministry of Education (MOE) (n.d.) : Post-secondary education: Bringing out your best
with different learning styles, Singapore : Ministry of Education. [en ligne] [http://
www.moe.gov.sg/education/post-secondary/files/post-secondary-brochure.pdf]
Singapore Ministry of Manpower (MOM) (2008) : Factsheet on CET Masterplan,
Singapore : Ministry of Manpower.
Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) (2011) : Strong
Performers and Successful Reformers in Education: Lessons from PISA for the United
States, Paris : OECD Publishing.
Technical Education and Skills Development Authority (TESDA) (n.d) : Training
Programs, voir [http://www.tesda.gov.ph].
VALLES M. C. (2012) : « Integrated skills: an approach for strengthening the Tech- 165
nical and Vocational Education Program (STVEP) in the Philippines », dans Skills
Development Pathways in Asia, OECD.
Workforce Development Agency (WDA) (2015) : SkillsFuture, voir [www.wda.gov.sg].
Workforce Development Agency (WDA) (n.d) : What is WSQ, voir [www.wda.gov.sg].

N° 71 - avril 2016
dossier

Références
bibliographiques
du dossier « Formation
professionnelle
et employabilité »

Hélène Beaucher
Centre de ressources
et d’ingénierie documentaires, CIEP

Le chômage des jeunes constitue une préoccupation majeure dans le monde. L’enseignement
et la formation professionnels (EFP) peuvent jouer un rôle essentiel dans leur préparation au
monde du travail (OCDE, 2015). Pour relever le défi de l’insertion professionnelle et sociale
des jeunes, les institutions internationales préconisent de renforcer le rôle et l’efficacité de l’EFP.
De nombreux pays accordent aujourd’hui une importance particulière, dans leurs politiques
publiques, à la formation en alternance et à l’apprentissage, considérés comme des outils favo-
risant particulièrement l’employabilité des jeunes.
Les filières d’EFP diffèrent considérablement d’un pays à l’autre et il est impossible de rendre
compte de toutes les spécificités des systèmes et de tous les enjeux liés à cette thématique. Pour
cette bibliographie non exhaustive sur la formation professionnelle et l’employabilité, le choix
s’est porté sur des publications très récentes. Après quelques références sur les jeunes et
l’employabilité, une première partie recense des publications internationales sur les tendances 167
et enjeux de l’EFP dans le monde. Une deuxième partie porte sur la formation en milieu
professionnel (apprentissage et alternance). Une troisième partie propose des analyses régio-
nales, avec un focus sur l’Europe. La dernière partie s’intéresse plus particulièrement à la
situation française. Une sélection de sites complète cette bibliographie arrêtée le 24 février 2016.

Les jeunes et l’employabilité


Eurydice : réseau d’information sur l’éducation en Europe, CEDEFOP : Centre euro-
péen pour le développement de la formation professionnelle, Tackling early leaving
from education and training in Europe: strategies policies and measures, Office
des publications de l’Union européenne/Luxembourg, novembre 2014, 224 p. [en
ligne]
Le rapport fournit un état des lieux des stratégies, politiques et mesures prises pour réduire
l’abandon précoce de l’éducation et de la formation en Europe. Il expose les recherches récentes
qui mettent en lumière le rôle de l’enseignement et de la formation professionnels pour éviter
le décrochage des jeunes et favoriser leur réinsertion, indépendamment de leur parcours anté-
rieur. http://goo.gl/2LEUs3

MOURSHED Mona, PATEL Jigar, SUDER Katrin, Education to employment:


Getting Europe’s youth into work, McKinsey & Company/New York, janvier 2014,
118 p. [en ligne]
Le chômage des jeunes est l’un des plus grands défis pour l’Europe. Dans quelle mesure est-il
dû au manque d’emplois, au manque de compétences ou au manque de coordination entre le
monde de l’éducation et celui de l’emploi ? Quels sont les obstacles auxquels font face les jeunes

N° 71 - avril 2016
dans leur accès à l’emploi ? Quels sont les groupes de jeunes et les employeurs en Europe les
plus en difficulté ? Qu’est-ce qui peut être fait pour résoudre ces problèmes ? Le rapport propose
une analyse de la situation à partir de ces quatre questions. http://goo.gl/J4zJa4

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques, Perspec-


tives de l’OCDE sur les compétences 2015 : Les jeunes, les compétences et
l’employabilité, OCDE/Paris, mai 2015, 134 p.
Plus de 35 millions de jeunes âgés de 16 à 29 ans dans les pays de l’OCDE n’ont pas d’emploi
et ne suivent ni études ni formation (formant le groupe dit des NEET, pour neither in employ-
ment nor in education or training). Comment les systèmes éducatifs préparent-ils les jeunes à
affronter le monde du travail ? Les compétences des jeunes répondent-elles à la demande du
marché ? Comment les jeunes sont-ils insérés dans la vie active ? S’appuyant sur les résultats
de l’évaluation des compétences des adultes de 2012, l’ouvrage montre combien une stratégie
d’ensemble est nécessaire pour améliorer l’employabilité des jeunes. http://goo.gl/rxG7qU

La situation de l’EFP
dans le monde
EICHHORST Werner, RODRIGUEZ-PLANAS Nuria, SCHMIDL Ricarda, et al.,
A roadmap to vocational education and training systems around the world,
IZA: Institute for the study of labor/Bonn, décembre 2012, 43 p. [en ligne]
L’EFP est souvent considéré comme la solution au problème du chômage des jeunes. Afin de
168 mieux comprendre l’EFP à travers le monde, les auteurs proposent une typologie des systèmes
professionnels en trois groupes – l’éducation en milieu scolaire, un système mixte dans lequel
l’enseignement scolaire se combine à la formation en entreprise, la formation informelle – et
examinent les différentes facettes de ces types de formation. Ils analysent les preuves de l’effi-
cacité de l’EFP par rapport à l’enseignement général et comparent l’efficacité des trois systèmes.
http://goo.gl/zs6b4s

MAROPE P.T.M., CHAKROUN B., HOLMES K.P., Unleashing the potential:


transforming technical and vocational education and training, UNESCO/Paris,
2015, 225 p. [en ligne]
L’ouvrage fait le point sur les exigences et les attentes croissantes auxquelles font face les
systèmes d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) du monde entier.
Il présente les tendances actuelles des politiques dans ce domaine et montre ce qu’il faut faire
pour libérer le potentiel des systèmes d’EFTP. Les auteurs proposent une démarche analytique
intégrée tenant compte de facteurs tels que la croissance économique, l’équité sociale et les
aspects liés à la durabilité afin que l’EFTP puisse mieux contribuer à la solution des problèmes
actuels tels que le chômage des jeunes, l’inégalité entre les sexes et le changement climatique.
Dans l’ensemble, ils préconisent une transformation des systèmes. http://goo.gl/SIzSbr

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques, Formation


et emploi : relever le défi de la réussite, OCDE/Paris, 2010, 238 p.
Ce rapport évalue les politiques de formation professionnelle de 17 pays membres de l’OCDE.
Il offre une diversité d’exemples qui ont pour but d’aider les pays à mieux adapter leur système
de formation professionnelle aux besoins du marché du travail. Il est organisé en six chapitres :
le défi de la formation professionnelle ; les besoins du marché du travail ; l’orientation profes-
sionnelle ; les enseignants et formateurs ; la formation en entreprise ; les outils.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

UNESCO-UNEVOC, Revisiting global trends in TVET: reflections on theory and


practice, UNESCO-UNEVOC/Bonn, 2013, 346 p. [en ligne]
Les différents essais regroupés sous le titre « Réexamen des tendances mondiales de l’EFTP :
réflexions sur la théorie et la pratique » analysent les thèmes liés aux développements que
connaît actuellement l’EFTP dans le monde et fournissent un aperçu des pratiques, idées et
discussions dans le domaine. La première partie porte sur la reconceptualisation de ce domaine
et son développement par une approche des capacités humaines et de la justice sociale. La
deuxième partie s’intéresse à la professionnalisation de l’enseignement secondaire et supérieur
tandis que la troisième aborde l’attractivité de l’EFTP. Les chapitres suivants traitent de l’appren-
tissage par la pratique et en situation de travail. Les derniers chapitres portent sur l’orientation
et l’information professionnelles, les compétences entrepreneuriales et la transformation rurale.
http://goo.gl/BUBmv1

UNESCO-UNEVOC, Global forum on skills for work and life: post 2015:
14-16 October 2014, Bonn, Germany, UNESCO-UNEVOC/Bonn, 2015, 79 p. [en
ligne]
Le rapport rend compte du forum mondial sur le thème des compétences pour le travail et la
vie post-2015. Deux grands défis sont identifiés : l’employabilité des jeunes et le développement
durable ; la manière d’y faire face par les compétences vertes et l’EFTP. Le rapport souligne en
particulier trois recommandations : un EFTP transformateur implique la conception d’une
vision nouvelle de ses objectifs ; les démarches relatives au chômage des jeunes et à l’éco-
responsabilisation de l’EFTP devraient aller de pair ; des mécanismes plus puissants de prévision
des compétences sont nécessaires. http://goo.gl/oEiz8Y

169
Formation professionnelle supérieure

MAZERAN Jacques, EXPERTON William, FORESTIER Christian, et al., Les ensei-


gnements supérieurs professionnels courts : un défi éducatif mondial, Hachette
Éducation/Paris, 2007, 191 p.
Cet ouvrage prolonge les réflexions amorcées au CIEP en 2005 lors d’une conférence inter-
nationale sur les enseignements supérieurs professionnels courts (ESPC). La première partie
situe le contexte historique de cette thématique et dégage les caractéristiques communes aux
différents systèmes. Une série d’études de cas (Canada, Chili, Corée du Sud, France, Mexique
et Tunisie) est ensuite proposée. L’analyse des principaux dispositifs de formation identifiés
met en évidence les éléments déterminants du bon fonctionnement de ces systèmes et conduit
à dégager les grandes tendances.

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques, Apprendre


au-delà de l’école : rapport de synthèse, OCDE/Paris, 2015, 131 p.
Les marchés du travail évoluent rapidement. Quel type de formation est nécessaire pour
répondre aux besoins d’économies en pleine mutation ? Comment financer les programmes ?
Comment les relier aux programmes d’enseignement général et supérieur ? Sur la base de vingt
études nationales, le rapport étudie les politiques nationales en matière de formation
professionnelle postsecondaire et examine la façon dont les pays de l’OCDE font face à la
demande grandissante de compétences. L’étude recense les bonnes pratiques, émet des
recommandations sur l’articulation formation initiale/formation continue, sur la coopération
nécessaire avec les partenaires sociaux et sur une visibilité accrue de la formation professionnelle
supérieure. http://goo.gl/xGJld3

N° 71 - avril 2016
Les enseignants et la pédagogie de l’EFP

LUCAS Bill, Vocational pedagogy: what it is why it matters and how to put in
practice: report of the UNESCO-UNEVOC virtual conference 12-26 May 2014,
UNESCO-UNEVOC/Bonn, 2014, 24 p. [en ligne]
Si la littérature scientifique sur l’enseignement général abonde, l’enseignement technique et
professionnel fait l’objet de recherches bien moins nombreuses. La notion de pédagogie profes-
sionnelle est en général insuffisamment étudiée et n’a guère encore été abordée dans le débat
mondial sur l’EFTP. Le rapport rend compte des débats de la conférence de 2014 sur la péda-
gogie de l’enseignement professionnel. Les contributions s’attachent à cerner quelles méthodes
fonctionnent le mieux, en quoi elles peuvent se distinguer de l’enseignement général et comment
les enseignants peuvent gagner en confiance et en compétence. http://goo.gl/XHgcx2

CEDEFOP : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle,


Vocational pedagogies and benefits for learners: practices and challenges in
Europe, Office des publications de l’Union européenne/Luxembourg, septembre 2015,
118 p., bibliogr. (Cedefop research paper n° 47) [en ligne]
Le rapport examine l’impact sur les pratiques pédagogiques des approches fondées sur les
acquis des apprentissages dans l’enseignement et la formation professionnels de 15 États
membres de l’Union européenne. Les auteurs s’intéressent aux pédagogies spécifiques à ce
secteur éducatif, en particulier aux pédagogies centrées sur l’apprenant. S’appuyant sur dix
études de cas, ils suggèrent les bonnes pratiques mises en œuvre afin de surmonter les obstacles
identifiés en Europe. Ces pédagogies sont une caractéristique essentielle de nombreuses stra-
tégies de lutte contre le décrochage scolaire. http://goo.gl/BYUuAL
170
UNEVOC : International Centre for Technical and Vocational Education and Trai-
ning, Strengthening TVET teacher education: Report of the UNESCO-UNEVOC
online conference: 25 June to 6 July 2012 moderated by Masriam Bukit,
UNESCO-UNEVOC/Bonn, 2012, 16 p. [en ligne]
Les différentes contributions mettent en évidence le rôle capital de la qualité des enseignants
de l’EFTP dans la formation des compétences des futurs travailleurs. Les enseignants ont à
maîtriser des problèmes et des défis assez différents de ceux de leurs homologues de l’ensei-
gnement général, et il importe de définir les compétences et aptitudes spécifiques qu’ils doivent
actualiser en permanence parallèlement à l’évolution technologique et aux liens avec les entre-
prises. http://goo.gl/sYJwFZ

Certifications et cadres des certifications

DIJOUX Jean-Jacques, CÉNAT Hélène (sous la direction de), Le rôle des entreprises
dans la certification des compétences professionnelles en Europe, AGEFA PME/
Puteaux, 2013, 103 p. [en ligne]
L’étude analyse le rôle des entreprises en matière d’EFP et de certification dans 14 pays euro-
péens. Pour chaque pays, la place des entreprises dans le système de formation professionnelle
et leur rôle dans l’identification et la certification des compétences, dans le déroulement et le
contrôle de la formation sont examinés. Les auteurs montrent que les entreprises, au travers
de leurs différentes formes de représentation, ne sont que très rarement les acteurs décision-
naires de la certification des compétences. http://goo.gl/c9KQYS

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

UIL: Unesco institute for lifelong learning, ETF: European training foundation,
CEDEFOP: Centre européen pour le développement de la formation professionnelle,
Global inventory of regional and national qualifications frameworks: volume I :
thematic chapters, UNESCO Institute for lifelong learning/Hambourg, mai 2015,
64 p. [en ligne]
L’inventaire mondial des cadres régionaux et nationaux des qualifications examine comment
les résultats d’apprentissage de tous types (formel, non formel, informel) sont intégrés dans
les cadres régionaux et nationaux des certifications. Les auteurs étudient l’impact des cadres
nationaux des certifications, le développement des niveaux de référence mondiaux pour les
certifications, ainsi que les liens entre les cadres des certifications et les dispositifs de validation
de l’apprentissage. Le volume II (http://goo.gl/S10VuM) fournit un inventaire des 85 cadres nationaux
et 7 cadres régionaux examinés. http://goo.gl/e7u96B

La formation en milieu
professionnel : un remède
contre le chômage des jeunes ?
BOUDESSEUL Gérard éd., CART Benoit éd., COUPPIÉ Thomas éd., « Alternance et
professionnalisation : des atouts pour les parcours des jeunes et les carrières ?
XXIIes journées d’étude sur les données longitudinales dans l’analyse du marché du
travail, Lille, 10-11 décembre 2015 », Relief, n° 50, décembre 2015, 480 p. [en ligne]
Les contributions abordent la question de la professionnalisation des formations en France et
en Europe. Cette dernière est particulièrement sujette à controverse, alors que les difficultés
d’insertion professionnelle des jeunes persistent, et qu’il est en même temps régulièrement fait 171
état de difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs d’activité. L’explication de ce
paradoxe serait la mauvaise ou insuffisante adaptation du contenu des formations aux besoins
des emplois. Selon les auteurs, cette réponse est peut-être hâtive et inappropriée, alors que les
mesures visant à « professionnaliser » les formations n’ont jamais été aussi développées.
http://goo.gl/LDvkDz

CAHUC Pierre, FERRACI Marc, L’apprentissage : donner la priorité aux moins


qualifiés, Presses de Sciences Po/Paris, octobre 2015, 104 p.
Depuis une trentaine d’années en France, les formations en alternance se développent princi-
palement dans l’enseignement supérieur, au détriment des moins qualifiés. Selon les auteurs,
l’efficacité de l’apprentissage en matière d’insertion professionnelle – très élevée pour les moins
qualifiés – est pratiquement nulle pour les plus diplômés. Il faut donc concentrer l’aide publique
sur le second cycle de l’enseignement secondaire. L’ouvrage montre enfin comment modifier
le financement des formations en alternance et la gouvernance de l’enseignement professionnel
pour atteindre cet objectif en France.

CHATZICHRISTOU Stelina, ULICNA Daniela, MURPHY Ilona, et al., La forma-


tion en alternance : un pont au-dessus des eaux troubles ? Étude, Parlement
européen/Bruxelles, juin 2014, 210 p. [en ligne]
Au cours des cinq dernières années, la majorité des pays européens ont engagé des réformes
de leur système d’EFP. Cette étude examine les différentes formes de formation en alternance
dans le contexte éducatif, social et économique de chaque État membre de l’Union européenne.
Les auteurs analysent les récentes réformes des programmes et exposent des exemples de bonnes
pratiques. Il existe, dans la grande majorité des pays, au moins une filière proposant une
formation par le travail combinée systématiquement à l’apprentissage scolaire. Ces filières
jouissent toutefois d’une popularité variable. http://goo.gl/t2Y4rP

N° 71 - avril 2016
DELAUTRE Guillaume, Le modèle dual allemand : caractéristiques et évolutions
de l’apprentissage en Allemagne, DARES : direction de l’animation de la recherche,
des études et des statistiques/Paris, septembre 2014, 34 p. [en ligne]
L’auteur analyse l’organisation institutionnelle du modèle allemand et son insertion dans le
système éducatif. Il établit un portrait statistique des bénéficiaires de l’alternance avant de
présenter les différentes problématiques liées aux entreprises et le phénomène de déséquilibres
entre l’offre et la demande de places d’alternance observé actuellement. Une dernière partie
rend compte des estimations en termes de coût financiers pour les différentes parties prenantes
du système allemand. En conclusion, l’auteur juge que ce système repose sur des principes
difficiles à transposer dans le contexte français. http://goo.gl/M94gkd

DESESSARD Jean, DURAIN Jérôme, FORISSIER Michel, et al., Le système


d’apprentissage en Allemagne et en Autriche : un modèle à suivre ?, Sénat/Paris,
septembre 2015, 58 p. [en ligne]
Les systèmes d’apprentissage allemand et autrichien sont souvent présentés comme des modèles.
Le nombre d’apprentis formés, la qualité des formations dispensées et le taux d’insertion des
jeunes sur le marché du travail ont peu d’équivalents ailleurs en Europe. Le rapport présente
les principales caractéristiques de ces systèmes d’apprentissage, les raisons de leur succès ainsi
que les défis auxquels ils sont confrontés. http://goo.gl/GtpY2T

DIF-PRADALIER Maël, ZARKA Samuel, Redonner ses chances à l’apprentissage :


une comparaison France Suisse Italie, CFTC/Pantin, octobre 2014, 239 p. [en
ligne]
Les jeunes passés par l’apprentissage répondraient davantage aux attentes des employeurs et
seraient de ce fait plus employables. En France comme en Italie, la référence au modèle dual,
172 dominant en Allemagne et en Suisse, est fréquemment invoquée pour justifier du bien-fondé
d’une inflexion significative de la politique éducative. En adoptant une perspective comparative
entre la France, la Suisse et l’Italie, l’étude interroge la promotion de l’apprentissage qui se
manifeste dans ces trois pays au regard des évolutions de leurs institutions de formation profes-
sionnelle respectives, et vise à identifier les logiques et acteurs au principe de ces évolutions.
http://goo.gl/zQAm63

GUYON Régis, MILLET Mathias, MOREAU Gilles, et al., « Mosaïque de l’alter-


nance », Diversité, n° 180 ; 2015, 128 p.
Depuis de nombreuses années, l’alternance et l’apprentissage sont positionnés comme des
leviers pour lutter contre le chômage des jeunes – dans la lutte contre le décrochage scolaire
et pour une meilleure insertion professionnelle. Le monde de l’entreprise encourage en parti-
culier au développement de ces cursus, dans une perspective d’employabilité. Ce numéro
propose de rappeler les cadres précis de l’alternance et de l’apprentissage et de mieux en
connaître les publics, les limites et les enjeux, au-delà de la seule question de l’employabilité.

KERGOAT Prisca coord., CAPDEVIELLE-MOUGNIBAS Valérie coord. « Les forma-


tions par l’apprentissage », Revue française de pédagogie, n° 183, juin 2013,
p. 3-69
Les contributions visent à éclairer les transformations des formations par apprentissage en
France et en Suisse en interrogeant leurs relations avec le système éducatif et le système
productif. Les performances souvent mises à leur actif en matière d’accès à l’emploi et de
promotion sociale doivent être relativisées et inscrites dans une perspective socio-historique.
Le renversement opéré entre la primauté accordée à une formation en école et celle attribuée
à une formation en entreprise soulève des questions essentielles sur les finalités de la formation
dispensée ainsi que sur la diversité des usages de ce mode de formation par ses publics en
fonction de leur origine sociale, de leur parcours scolaire et de leur sexe.

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

MARTINOT Bernard, Apprentissage : un vaccin contre le chômage des jeunes :


Plan d’action pour la France tiré de la réussite allemande, Institut Montaigne/
Paris, mai 2015, 112 p. [en ligne]
Le recours à l’apprentissage est en chute libre en France depuis plusieurs années. Il s’agit
pourtant d’un levier incontournable pour favoriser un accès durable à l’emploi, comme le
montre l’exemple de l’Allemagne, où seuls 8 % des jeunes sont au chômage et 16 % sont en
apprentissage. Cette étude analyse les systèmes allemand et français et formule des propositions
pour conduire davantage de jeunes vers l’apprentissage, revaloriser cette voie et augmenter la
capacité des entreprises à les accueillir et à les former dans les meilleures conditions.
http://goo.gl/uu99qO

STEEDMAN Hilary, Vue d’ensemble des systèmes et questions d’apprentissage :


Contribution de l’OIT au groupe de travail du G20 sur l’emploi, BIT : Bureau
international du travail/Genève 2014, 26 p. [en ligne]
Ce document examine aussi bien l’apprentissage informel que l’apprentissage formel, ainsi que
les avantages de chacun par rapport aux perspectives d’emploi des jeunes, notamment dans
les systèmes formels. En se basant sur des exemples de pays du G20, l’auteure expose les condi-
tions nécessaires au développement de l’apprentissage et analyse les rôles des principaux acteurs.
http://goo.gl/PB4rlE

SMITH Erica, KEMMIS Ros Brennan, Towards a model apprenticeship framework:


a comparative analysis of national apprenticeship systems, ILO: International
labour organization/Genève, Banque mondiale/Washington, 2013, 146 p. [en ligne]
Ce rapport étudie les systèmes d’apprentissage de onze pays développés et en voie de dévelop- 173
pement : Afrique du Sud, Allemagne, Angleterre, Australie, Canada, États-Unis, Égypte, France,
Inde, Indonésie, et Turquie. Les auteurs examinent les différents systèmes d’apprentissage et
analysent les bonnes pratiques et tendances clés afin d’élaborer un système d’apprentissage
modèle. Les différentes études de cas confirment que l’apprentissage, combiné avec des poli-
tiques nationales de stimulation de la croissance et de l’emploi, permet de réduire le chômage
des jeunes. http://goo.gl/mdEJJ0

Analyses régionales

CONFEMEN : Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français


en partage, OIF : Organisation internationale de la Francophonie, Assises sur
l’enseignement et la formation techniques et professionnels : quelles compé-
tences professionnelles et techniques pour une meilleure insertion socio-
économique des jeunes ? : Actes 4-7 septembre 2012, Ouagadougou, Burkina
Faso, CONFEMEN/Dakar, décembre 2012, 372 p. [en ligne]
À Ouagadougou, la priorité a été accordée à l’EFTP dans les politiques éducatives et de forma-
tion pour les années à venir. Ce rapport des assises examine l’EFTP orientés vers l’acquisition
des compétences requises par le marché de l’emploi : orientation politique et structures gouver-
nementales ; gestion centrale de la formation formelle et informelle et développement des
compétences comme responsabilité partagée. Il présente les différentes stratégies mises en place
et propose des recommandations pour l’ensemble des États et gouvernements membres de la
Confemen. http://goo.gl/mjtJCg

N° 71 - avril 2016
JACINTO Claudia coord., NOVELINO BARATO Jarbas, FLORES-CRESPO Pedro,
et al., Incluir a los jóvenes. Retos para la educación terciaria técnica en América
Latina, UNESCO/IIPE/Paris, 2013, 397 p. [en ligne]
Un des défis auquel les systèmes éducatifs de l’Amérique latine sont confrontés actuellement
est l’élaboration d’options pour l’éducation post-secondaire, étant donné le nombre croissant
de diplômés du secondaire et les exigences d’un système de production. Ce rapport présente
les résultats d’une enquête sur l’éducation post-secondaire technique en Amérique latine. La
recherche comprend trois études de cas au Brésil, en Colombie et au Mexique ainsi qu’une
synthèse comparative. Chaque cas est axé sur des questions concernant les modèles institu-
tionnels, l’équité d’accès au monde du travail et les relations avec celui-ci. http://goo.gl/uq2BB5

LENEY Tom, Governance of vocational education and training in the Southern


and Eastern Mediterranean, ETF/Turin, 2015, 79 p. [en ligne]
Ce rapport est l’aboutissement d’une cartographie, d’une analyse et d’une auto-évaluation de
la gouvernance de l’enseignement et de la formation professionnelle dans neuf pays du Sud et
de l’Est de la Méditerranée. L’analyse porte sur trois principaux domaines d’action de la gouver-
nance de l’EFP : la planification et la gestion, les finances et le financement, l’assurance de la
qualité. L’accent est mis sur l’analyse des rôles et fonctions des différents acteurs du secteur
public et privé qui pourraient jouer un rôle clé dans la gouvernance de l’EFP. http://goo.gl/KFe8OZ

MACLEAN Rupert ed., JAGANNATHAN Shanti ed., « Skills for inclusive and
sustainable development: perspectives from the Asia Pacific region and beyond:
open file », Prospects, vol. XLIV, n° 2 - n° 170, juin 2014, p. 159-296
Les compétences pour un développement inclusif et durable sont une problématique parti-
culièrement d’actualité pour les pays d’Asie-Pacifique, qui connaissent des taux de croissance
174 économique sans précédent. Les articles montrent que l’éducation au développement durable
et l’enseignement et la formation technique et professionnelle peuvent répondre aux défis
locaux et mondiaux. Ils traitent notamment de l’employabilité, de la qualité et de l’image de
l’EFTP, de l’adéquation entre compétences et emplois.

Aperçu de la politique européenne en matière d’EFP


BRUCY Guy, MAILLARD Fabienne, MOREAU Gilles (sous la direction de), « Les
“petits” diplômes professionnels en France et en Europe », Cahiers de la recherche
sur l’éducation et les savoirs, 2013, Hors-série n° 4, 201 p. [en ligne]
À l’heure où la généralisation de l’accès à l’enseignement supérieur est considérée par l’Union
européenne comme l’un des grands enjeux éducatifs, ce dossier s’attache à considérer l’autre
versant de cette politique : celui des « petits » diplômes professionnels. La première partie offre
deux panoramas d’ensemble de la situation européenne avec, pour l’un, un inventaire des
divergences et convergences observées dans huit pays européens en matière de curricula de
l’enseignement professionnel et, pour l’autre, une étude de l’influence de la politique euro-
péenne. La seconde partie décrit quatre diplômes en France, en Suisse et en Allemagne. Enfin,
trois articles articulent politique des diplômes et marché du travail. http://goo.gl/bNe6x7

CEDEFOP : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle,


Stronger VET for better lives: Cedefop’s monitoring report on vocational educa-
tion and training policies 2010-14, Office des publications de l’Union européenne/
Luxembourg, mars 2015, 140 p. [en ligne]
Ce rapport de suivi donne un aperçu complet de ce que les pays européens ont fait pour
répondre aux priorités définies pour l’EFP en 2010, dans le communiqué de Bruges qui

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

reprenait les objectifs du cadre « Éducation et formation 2020 ». Il constate une progression
encourageante des réformes de la formation professionnelle, qui portent principalement sur
l’amélioration des systèmes (législation ou politiques visant à créer adapter les programmes,
filières et certifications) et de la qualité de la formation, ainsi que sur l’attrait de l’EFP pour
les jeunes. Le Cedefop recommande une collaboration plus étroite des employeurs et des parte-
naires sociaux avec les autorités éducatives, ainsi qu’une amélioration des compétences de base.
http://goo.gl/oHEVUU

CEDEFOP : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle,


Attractiveness of initial vocational education and training: identifying what
matters, Office des publications de l’Union européenne/Luxembourg, 2014, 267 p.
[en ligne]
En dépit des efforts déployés dans de nombreux pays européens, la formation professionnelle
demeure souvent un second choix. Cette étude porte sur l’attractivité de l’EFP dans les États
membres de l’Union européenne. Elle montre que de nombreuses politiques se sont concentrées
sur l’amélioration de certains aspects spécifiques des systèmes, tels que les passerelles vers
l’enseignement supérieur ou l’harmonisation des cadres de certification. Si ces caractéristiques
sont importantes, l’attractivité d’un système d’EFP tient à un plus large éventail de facteurs.
http://goo.gl/zhdiwm

Commission européenne, Work-Based learning in Europe: practices and policy


pointers, Commission européenne/Bruxelles, juin 2013, 37 p. [en ligne]
Ce manuel fournit des orientations politiques illustrées par des études de cas dans différents
États membres de l’Union européenne afin de renforcer la formation en milieu de travail (FMT)
dans l’EFP. Après une présentation des trois principaux modèles de FMT en Europe – l’appren-
tissage, les stages en entreprise et la FMT intégrée à un programme scolaire –, le document 175
résume les avantages d’une FMT de qualité. Trois facteurs de succès pour une FMT efficace
sont analysés : la gouvernance, la qualité et les partenariats. http://goo.gl/SgtHf5

Commission européenne, Programmes d’apprentissage et de stages dans les


27 pays de l’UE : principaux facteurs de réussite : guide à l’intention des concep-
teurs de politiques et des praticiens, Commission européenne/Bruxelles, décembre
2013, 35 p. [en ligne]
Les programmes d’apprentissage et de stages ont un impact crucial sur la transition des jeunes
de l’école au monde du travail. Ce guide présente un aperçu de tous les programmes qui ont
été mis en place dans les États membres de l’Union européenne entre 2007 et 2012. L’accent
est mis sur leur impact sur l’emploi et leur efficacité globale. Chaque fiche-pays examine le
dispositif, son financement, sa gouvernance, le rôle des principaux acteurs, les entreprises
engagées, et les résultats obtenus en matière d’emploi. Une analyse transnationale complète ce
guide, ainsi qu’une évaluation plus précise des programmes d’apprentissage en Italie et en
Angleterre. http://goo.gl/3K2KAF

ETF : European training foundation, Processus de Turin 2014 : rapport trans-


national : perfectionner les compétences ensemble : tendances, défis et succès
dans l’enseignement et la formation professionnels dans les pays partenaires
de l’ETF, ETF/Turin, avril 2015, 44 p. [en ligne]
Depuis 2010, le processus de Turin suit l’évolution des aspirations des pays partenaires de la
Fondation européenne pour la formation (pays de l’Europe du Sud-Est, d’Europe orientale,
d’Asie centrale, du Sud et de l’Est de la Méditerranée, Turquie) concernant les changements
de leurs systèmes d’EFP. Le rapport fait le point sur les tendances et défis et résume les indi-
cations pour l’avenir. http://goo.gl/m1cb1i

N° 71 - avril 2016
France
CUISINIER Jean-François, CARAGLIO Martine, DURAND Bénédicte, et al., Les
parcours des élèves de la voie professionnelle : évolution des parcours depuis la
mise en œuvre de la rénovation de la voie professionnelle et nouveaux enjeux,
Ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche/
Paris, décembre 2013, 67 p. [en ligne]
Quatre ans après la mise en œuvre de la nouvelle organisation de la voie professionnelle, le
rapport analyse les évolutions des parcours des élèves de la voie professionnelle, depuis la fin
du collège jusqu’aux premières années de l’enseignement supérieur. Les auteurs considèrent
l’augmentation très forte des bacheliers professionnels dans l’enseignement supérieur et le défi
pédagogique que cela représente. Ils émettent des préconisations pour améliorer la réussite des
élèves et réduire les sorties en cours de formation. http://goo.gl/LhiZqh

DEMONTÈS Christelle, Évaluation du partenariat de l’éducation nationale et


de l’enseignement supérieur avec le monde économique pour l’insertion profes-
sionnelle des jeunes : rapport final, Ministère de l’éducation nationale de l’ensei-
gnement supérieur et de la recherche/Paris, 2015, 103 p. [en ligne]
La préoccupation de l’école pour l’insertion professionnelle présente une acuité particulière
dans le contexte actuel, notamment au vu des écarts entre diplômés et non-diplômés ainsi
qu’entre diplômes. Le partenariat avec le monde économique est aujourd’hui marqué par la
multiplicité des actions et des dispositifs. Le rapport évalue cette politique partenariale afin,
en particulier, de recenser ces actions et de vérifier leur efficacité et leur efficience au regard
de l’objectif final d’insertion professionnelle. Il contient 40 propositions qui s’inscrivent dans
les réformes actuellement mises en œuvre par le ministère de l’éducation nationale, de l’ensei-
176 gnement supérieur et de la recherche. http://goo.gl/eN3O3Z

JELLAB Aziz, L’émancipation scolaire : pour un lycée professionnel de la réussite,


Presses universitaires du Mirail/Toulouse, 2014, 205 p.
Comment caractériser le lycée professionnel aujourd’hui et quelle place occupe-t-il au sein du
système scolaire ? Comment les élèves s’y engagent-ils, y construisent-ils un sens à leurs études
et quelles stratégies les enseignants mettent-ils en place afin de favoriser la réussite d’un public
provenant majoritairement de milieu populaire ? S’appuyant sur des enquêtes de terrain menées
depuis plusieurs années, cet ouvrage aborde les effets de la réforme du baccalauréat profes-
sionnel en trois ans, l’émergence des projets de poursuite d’études dans l’enseignement supé-
rieur court, et s’interroge sur le devenir du CAP.

LERMINIAUX Christian, Améliorer la poursuite d’étude dans l’enseignement


supérieur des bacheliers professionnels, Ministère de l’éducation nationale de
l’enseignement supérieur et de la recherche/Paris, décembre 2015, 175 p. [en ligne]
Après un état des lieux, ce rapport de mission présente un plan d’action en onze points afin
d’améliorer la poursuite d’études des bacheliers professionnels dans l’enseignement supérieur.
L’auteur propose, plutôt que de créer un nouveau diplôme, de moderniser et d’adapter le
système actuel en augmentant modérément ses capacités d’accueil et en améliorant son effi-
cacité dans une démarche intégrant tous les acteurs de la formation. http://goo.gl/l1BPDV

PALHETA Ugo, La domination scolaire : sociologie de l’enseignement profes-


sionnel et de son public, PUF/Paris, août 2012, 354 p.
L’auteur interroge, à partir d’un travail de contextualisation historique et sociale, le sens des
trajectoires scolaires et sociales des élèves de l’enseignement professionnel (lycéens et apprentis).
Dans la première partie, il veut montrer que, malgré la démocratisation scolaire, la stratification

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - S È V R E S


dossier

du système d’enseignement n’a pas été remise en question. La deuxième partie étudie le rapport
des élèves de filières professionnelles à cet enseignement du fait de leur origine sociale. La
dernière partie est consacrée à l’étude des divisions internes à l’enseignement professionnel.

THIBERT Rémi, Voie professionnelle, alternance apprentissage : quelles arti-


culations ? IFÉ/Lyon, Dossier de veille de l’IFÉ, n° 99, février 2015, 28 p. [en ligne]
L’enseignement professionnel dans le secondaire demeure mal considéré par les élèves comme
par la société. Pourtant, depuis la réforme de 2009, les élèves sont de plus en plus nombreux
à choisir cette orientation. La voie professionnelle reste une priorité nationale et européenne
car son développement permet de faire accéder à des qualifications un plus grand nombre de
personnes. Ce dossier de veille tente une synthèse de ce que dit la recherche sur les questions
de formation professionnelle initiale, d’apprentissage et d’alternance. http://goo.gl/zdWkjw

VERGNIES Jean-Frédéric, FRIGUL Nathalie, TROGER Vincent, et al., « Le Bac


pro a 30 ans : dossier », Formation emploi, 2015, n° 131, 200 p.
Ce dossier explore plusieurs facettes significatives du baccalauréat professionnel. Il présente un
état des recherches récentes menées sur ses évolutions et perspectives d’avenir : le titre et la
qualification donnés au diplôme, ses destinations, ses curricula et ses procédures de certifica-
tions, ainsi que les rapports des familles et des élèves à ce nouvel environnement diplômant.

Sitographie
Alliance européenne pour l’apprentissage
L’EAfA rassemble des États et d’autres acteurs clés (entreprises, partenaires sociaux, chambres
de commerce, organismes d’EFP, régions, etc.) et a pour but de renforcer la qualité, l’offre et 177
l’image de l’apprentissage en Europe. http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1147&langId=fr

CEDEFOP : Centre européen pour le développement de la formation professionnelle


Agence de l’Union européenne, le Cedefop contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre de
la politique européenne en matière d’EFP. Le site propose de nombreuses ressources sur l’analyse
des politiques, l’identification des besoins de compétences, la compréhension des qualifications,
le développement de l’éducation et la formation tout au long de la vie, ainsi que des rapports
nationaux sur les systèmes d’EFP, des statistiques. http://www.cedefop.europa.eu/fr

Céreq : centre d’études et de recherches sur les qualifications


Établissement public français dépendant du ministère de l’éducation nationale et du ministère
du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le Céreq mène
des recherches sur les qualifications, évalue les formations, les dispositifs et les politiques
publiques mis en œuvre, et formule des avis et des propositions. http://www.cereq.fr/index.php

Compétences au service de l’emploi/Skills for employment


Lancée à l’initiative de l’OIT, la plate-forme publique-privée de partage des connaissances à
l’échelle mondiale sur les compétences au service de l’emploi bénéficie de l’appui et de la
collaboration de l’OCDE, de l’Unesco et de la Banque mondiale. Elle a pour but de renforcer
les liens entre l’éducation et la formation et le travail, en faisant connaître les méthodes, les
informations et les expériences qui se sont révélées utiles.
http://www.skillsforemployment.org/KSP/fr/index.htm

CNRAA : Centre national de ressources pour l’alternance en apprentissage


Créé par le ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche,
le CNRAA propose de nombreuses ressources sur l’apprentissage en France.
http://eduscol.education.fr/cnraa

N° 71 - avril 2016
ETF : European training foundation
Dans le cadre des politiques extérieures de l’Union européenne, l’ETF aide les pays en voie de
développement et en transition à exploiter le potentiel de leurs ressources humaines par la
réforme de leurs systèmes d’EFP et du marché du travail. Le portail fournit de nombreuses
ressources sur les systèmes d’EFP ainsi que sur les compétences, l’éducation à l’entrepreneuriat,
l’emploi et l’employabilité, les systèmes de certifications, le processus de Turin, etc.
http://www.etf.europa.eu/web.nsf/pages/home

OECD Policy reviews of vocational education and training (VET) – Country


studies
Consacré aux examens sur l’éducation et la formation professionnelles, le site propose de
nombreux rapports nationaux, rendant compte de l’évaluation des politiques d’éducation et de
formation professionnelles par l’OCDE. http://www.oecd.org/fr/edu/innovation-education/countrystudies.htm

OIT : Organisation internationale du travail


Agence spécialisée de l’ONU, l’OIT a pour principaux objectifs de promouvoir dans le monde
entier les droits du travail, d’encourager la création d’emplois décents, de développer la
protection sociale et de renforcer le dialogue social dans le domaine du travail.
http://www.ilo.org/global/lang--en/index.htm

UNESCO-UNEVOC: International centre for technical and vocational educa-


tion and training/Centre international pour l’enseignement et la formation
techniques et professionnels
Centre spécialisé de l’Unesco pour l’ETFP, l’Unevoc aide les États membres de l’Unesco à
renforcer et à améliorer leurs systèmes. Il encourage le partage des connaissances par la diffusion
178 de travaux de recherche portant sur l’EFTP et au moyen de différents outils, parmi lesquels le
e-Forum, le portail du Réseau Unevoc et TVETipedia, un glossaire des termes couramment
utilisés dans le domaine. La base de données EFTP – informations nationales fournit des
informations sur les systèmes d’EFTP du monde entier. http://www.unevoc.unesco.org/go.php?lang=fr

Skills Panorama
Réalisé par le Cedefop avec le soutien de la Commission européenne, « sorte d’observatoire
des emplois et des compétences » multi-sectoriel et européen, le site entend aider les décideurs
à s’appuyer sur les données du marché du travail pour prendre leurs décisions en matière
d’emploi et de compétences dans les États membres de l’Union européenne.
http://skillspanorama.cedefop.europa.eu/en

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dossier

Abstracts

Vocational training and employability


Coordination: Christian Forestier
Introduction
The challenges of sustainable employability
Initial vocational training across the world p. 31
Christian Forestier

Vocational training and employability in OECD countries:


Pledges and challenges p. 43
Eric Charbonnier, Stéphanie Jamet
Vocational education and training (VET) pathways have in the past been neglected and sidelined in
the political debate, often eclipsed by the increasing attention focused on general academic teaching.
Yet employers, teachers and students in OECD countries are increasingly turning to VET in their
search for learning pathways conducive to a smooth transition between school and working life. At
a time when the younger generations are severely impacted by unemployment, recent OECD data
highlight VET’s strengths and challenges in terms of increasing the chances of success of those with
qualifications on the labour market.
Vocational and technical training in Quebec: A need for reform p. 53
Laurence Solar-Pelletier
In Quebec, vocational training is split between the “vocational” training delivered at secondary school
and the “technical” training provided by general and vocational colleges, or cégeps. These programmes
are delivered almost exclusively in schools and are largely monopolized by the education network.
Representatives of the labour market have a relatively marginal role, although they take part in 179
identifying the skills required in a given occupation. In a context of forecasted growth in the hiring
of vocationally qualified labour, several actors are calling for the reform of an education system that
has changed little since the 1960s.
The engagement of business in Germany’s vocational training system p. 63
Isabelle Le Mouillour, Marthe Geiben
Dual vocational training in Germany could not function without the engagement of actors repre-
senting the world of work. Businesses, professional organizations, chambers of commerce and
industry as well as trade unions all enjoy the same stakeholder status as the federal and Länder
ministries responsible for education and training. This tripartite cooperation is in fact an instance
of legislatively mandated co-responsibility. This article gives an overview of the different domains
of action and responsibility of actors from the world of work.
Improving learning and dual education in school and the workplace
The case of Italy p. 73
Marta Rapallini
In recent years education and vocational training in Italy have undergone reforms that have reinforced
the role of the regions while also creating new qualification pathways. This has resulted in a widely
divergent framework across the regions – both in terms of quality and objectives – and in many
cases inadequate integration with the world of work. The most recent reforms, which apply in equal
measure to schools and the world of work, seek to address these shortcomings by building shared
educational pathways and conferring a central role to the school system, through improvements to
both learning and dual education delivered in schools and the workplace.
Vocational education as a focus for innovation
The case of France p. 85
Michel Rage
Technical and vocational education in France is characterized by its complexity. Rooted in political
and social history, it expresses the tensions that exist between the different actors involved: the state,

N° 71 - avril 2016
employers and trade unions. Business is omnipresent in the landscape of vocational training and
the branches of industry play the leading role in developing qualifications: they design, deliver and
finance their own diplomas. The creation of the streamlined three-year vocational baccalauréat has
restructured the qualifications offer, checked the fall in numbers and given the vocational career
path a more positive image by improving access to further studies, mainly courses that lead to the
qualification of senior technician. The creation of diversity-enhancing multi-pathway lycées is a sign
that vocational training is implanted in the school environment.
A systematic reform of vocational training
The case of Poland p. 97
Krzysztof Symela
In Poland, high-quality vocational education is a political priority. This article describes the main
changes that have occurred in the initial vocational training system since 2012. The reform began
by identifying, for each profession, the qualifications covering the knowledge, know-how and personal
and social skills indicated in the core curriculum for occupational training programmes, in accord-
ance with the classification of vocational education occupations and the Polish qualifications frame-
work. The segmentation of occupations and collaboration between vocational education institutions
and employers are essential in order to improve the quality of initial vocational training and bring
it closer to the constantly changing labour market.
How can economic needs be better taken into account?
Higher education and vocational training in Colombia p. 111
Paula Escobar, Juliana López
In a context in which the education system is being legislatively carved up and economic develop-
ment poses major challenges, vocational training in Colombia is facing three main difficulties: poor
mobility between higher education institutions and the different levels of training; a disconnect
between the educational offer and the needs of the economy; and the sidelining of vocational training.
The Colombian government is attempting to remedy this situation by creating a higher education
system that gives vocational training a leading role.
180
A global need for short-cycle vocational higher education
The example of Morocco p. 123
Zayer El Majid
Despite persistent difficulties, Morocco’s short-cycle vocational higher education system is currently
enjoying a favourable climate. This is because it partly responds to the needs of a constantly changing
economy and also because, in a context of high unemployment among young higher education
graduates, it offers course leavers opportunities for employment and labour market integration. The
country has embarked on an ongoing process of political, economic and social reforms, with the
deployment of strategic sectoral plans. Vocational training continues to face certain challenges,
namely the reorganization of the policy of careers guidance and information for young people and
their families and the establishment of an employment and qualifications observatory.
Building a system of vocational training
The experience of Côte d’Ivoire p. 133
Maninga Gbato
Vocational training in Côte d’Ivoire is in the process of structural development with a view to
adapting to technological and organizational changes. These changes are leading actors within the
system to ask the “right questions” at the “right moment”, particularly in order to improve the quality
of training, by reinforcing the employability of trainees. However, as X. Greffe has noted, “though
vocational training courses can contribute to the proper functioning of the economies of developing
countries, they are highly dependent on the opportunities provided by the economy, even more so
than in developed countries”.
Changes to higher vocational education in China p. 141
GUO Yang, YANG Lin
Higher vocational education in China is recent and has already undergone remarkable expansion,
both in the rise in the number of people registering onto courses and the employability of those
graduating from them. The government’s aim is to implement a training policy that produces quali-
fied technicians for industrial production, construction, the service sector and management, as well

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dossier

as to invent an academic model that takes into account the needs of businesses. Over the last decade,
efforts have focused on creating model institutions and improving quality in order to develop a
model of vocational training that is distinct from that of universities. In the face of such a rate and
scale of development, many challenges remain: in particular, ensuring that education institutions
adapt to changes in the industrial sector and that businesses are involved in vocational training.
Vocational and continuing training at the service of employability
in Singapore and the Philippines p. 153
Catherine Ramos, S. Gopinathan
This article considers pre-employment training and continuing training in Singapore, focusing on
technical and vocational training, the national SkillsFuture project and the labour force qualification
system. The article also covers technical and vocational training in the Philippines, developing the
idea that the different approaches in this domain depend on the degree of development and the
geopolitical context. Context is also key in grasping the policies and approaches specific to education
systems and understanding the way in which countries tackle the skills issue.

181

N° 71 - avril 2016
Resúmenes

Formación profesional y empleabilidad


Coordinación: Christian Forestier

Introducción
Los retos de la empleabilidad duradera
La formación profesional inicial en el mundo p. 31
Christian Forestier

Formación profesional y empleabilidad en los países de la OCDE: promesas y retos p. 43


Eric Charbonnier, Stéphanie Jamet
Las carreras de enseñanza y la formación profesional (EFP) fueron a menudo descuidadas en el
pasado y relegadas al segundo rango en el debate político porque la atención creciente otorgada a
la enseñanza académica general las ocultaba. Sin embargo, son cada vez más numerosos los emplea-
dores, docentes y estudiantes de los países de la OCDE que se dirigen hacia la EFP en busca de
pasarelas propicias a una transición armoniosa entre la escuela y la vida activa. Mientras que las
jóvenes generaciones se ven duramente afectadas por el paro, unos datos recientes de la OCDE echan
nueva luz sobre las fuerzas y los desafíos de la EFP en lo que toca al aumento de las posibilidades
de éxito de diplomados en el mercado laboral.

Formación profesional y técnica en Québec: una reforma necesaria p. 53


Laurence Solar-Pelletier
182 En Quebec, la formación profesional se divide entre lo “profesional” en la enseñanza secundaria y
lo “técnico” en los cégeps. Estas carreras se dan casi exclusivamente en medio escolar y son bajo el
casi monopolio de la red escolar. Los conferenciantes que proceden del mercado laboral desempeñan
un papel bastante marginal aunque contribuyan a la identificación de las competencias necesarias
para ocupar un empleo. En un contexto de anticipación del crecimiento relativo a la contratación
de una mano de obra diplomada profesionalmente, varios actores desean una reforma de un sistema
educativo que ha cambiado muy poco desde los años sesenta.

El compromiso de las empresas en el dispositivo de formación profesional


en Alemania p. 63
Isabelle Le Mouillour, Marthe Geiben
La formación profesional dual en Alemania no podría funcionar sin el compromiso de los actores
que representan el mundo profesional. Empresas, asociaciones profesionales, cámaras consulares,
organizaciones sindicales se implican de la misma manera que los ministerios federales y los de los
Länder encargados de la formación y de la educación. La cooperación tripartita es en realidad una
corresponsabilidad establecida legislativamente. El presente artículo ofrece una aproximación a los
distintos dominios de acción y de responsabilidad de los actores del mundo profesional.

Mejorar el aprendizaje y la alternancia entre la escuela y el mundo laboral


El caso de Italia p. 73
Marta Rapallini
En estos últimos años, la educación y la formación profesional en Italia han sido objeto de reformas
que reforzaron el papel de las regiones creando al mismo tiempo nuevas trayectorias de calificación.
De este proceso nació un marco muy diferente según las regiones, tanto en términos de calidad como
de objetivos y, en numerosos casos, una integración insuficiente en el mundo laboral. Las reformas
más recientes, que tocan tanto a la escuela como al mundo laboral, procuran remediar estos defectos
por la construcción de recorridos comunes confiriéndole un papel destacado al sistema escolar al
mejorar el aprendizaje y la alternancia entre escuela y mundo laboral.

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dossier

La educación profesional en el centro de las innovaciones


El caso de Francia p. 85
Michel Rage
La educación técnica y profesional se caracteriza en Francia por su complejidad. Echa sus raíces en
la historia política y social y revela las tensiones entre los distintos actores implicados: Estado,
patronato y sindicatos. La empresa es omnipresente en el paisaje de la formación profesional y las
ramas sectoriales son los principales actores de la construcción de los diplomas : conciben, emiten
y financian sus propias certificaciones. La creación del bachillerato profesional y una formación
reducida a tres años han permitido la recomposición territorial de la oferta de diplomas, han frenado
la caída de los efectivos y han dado una imagen más positiva de la vía profesional, al permitir un
mejor acceso a la continuación de estudios, principalmente en la sección de técnico superior. La
creación de institutos polivalentes, que sostienen la diversidad social, es una señal de la inscripción
de la formación profesional en el entorno escolar.

Una reforma sistemática de la formación profesional


El caso de Polonia p. 97
Krzysztof Symela
En Polonia, una enseñanza profesional de calidad es una prioridad política. El artículo describe los
principales cambios que intervinieron en el sistema de la formación profesional inicial desde el año
2012. La reforma tuvo como punto de partida la identificación, para cada oficio, de unas calificaciones
que contienen los conocimientos, las habilidades y las competencias personales y sociales, indicadas
en la base de programas de formación para los distintos oficios, en conformidad con la clasificación
laboral de la educación profesional y el marco de las calificaciones polacas. La segmentación de los
oficios en calificaciones y la colaboración de los establecimientos de educación profesional con los
empleadores son esenciales para mejorar la calidad de la formación profesional inicial y acercarla a
un mercado laboral en constante mutación.

¿Cómo tomar en cuenta más y mejor las necesidades económicas?


Enseñanza superior y formación profesional en Colombia p. 111 183
Paula Escobar, Juliana López
En un contexto de fragmentación legislativa del sistema educativo y de grandes retos en materia de
desarrollo económico, la formación profesional en Colombia se encara con tres grandes dificultades:
una movilidad débil entre los establecimientos de enseñanza superior y los diferentes niveles de
formación; una desconexión entre la oferta educativa y las necesidades del sector productivo; una
posición deficiente de la formación profesional. El gobierno colombiano procura remediarlo creando
un sistema de enseñanza superior que otorgue un papel central a la formación profesional.

La necesidad mundial de educación superior profesional corta


El ejemplo de Marruecos p. 123
Zayer El Majid
A pesar de unas dificultades persistentes, el sistema de enseñanza superior profesional corto en
Marruecos beneficia hoy en día de un clima favorable ya que responde en parte a las necesidades de
una economía en constante evolución y permite, en un contexto de fuerte paro de los jóvenes diplo-
mados de la enseñanza superior, ofrecer unas oportunidades de empleo y de inserción de los jóvenes
diplomados. El país se ha lanzado en un proceso continuo de reformas políticas, económicas y sociales
con el despliegue de unos planos estratégicos sectoriales. La formación profesional aún debe vencer
algunos desafíos: la reorganización de la política de orientación y de información destinada a los
jóvenes y a sus familias así como la instauración de un observatorio de los empleos y de las
calificaciones.

Construir un sistema de formación profesional


La experiencia de la Costa de Marfil p. 133
Maninga Gbato
La formación profesional en Costa de Marfil se sitúa en un proceso de plena estructuración con el
fin de adaptarse a las evoluciones tecnológicas y organizacionales. Éstas conducen a los actores del
sistema a formular las “preguntas adecuadas” en los “momentos oportunos”, para mejorar, más
peculiarmente, la calidad de las formaciones al reforzar la empleabilidad de los alumnos formados.

N° 71 - avril 2016
Sin embargo, como lo dice X. Greffe, “si las formaciones profesionales pueden contribuir al buen
funcionamiento de las economías de los países en vía de desarrollo, dependen mucho de las posibi-
lidades brindadas por la economía, aún más que en los países desarrollados”.
Las mutaciones de la educación profesional superior en China p. 141
GUO Yang, YANG Lin
La educación profesional superior en China es reciente y ya conoce un desarrollo notable, tanto en
lo que toca al alza de las inscripciones como a lo relativo a la empleabilidad de los diplomados. Se
trata, para el gobierno, de instaurar una política destinada a formar técnicos calificados para la
producción industrial, la construcción, los servicios y la gestión, e inventar un modelo académico
que tenga en cuenta las necesidades de las empresas. Durante la última década, el esfuerzo se
concentró en la creación de unos establecimientos modelos y en la mejora de la calidad para
desarrollar un sistema de formación profesional distinto del de las universidades. Frente a un tal
desarrollo, de semejante escala y ritmo, numerosos retos quedan por vencer y, sobre todo, los de la
adaptación de los establecimientos de educación a las mutaciones del sector industrial y de la parti-
cipación de las empresas en la formación profesional.
La formación profesional y continua al servicio de la empleabilidad
en Singapur y en las Filipinas p. 153
Catherine Ramos, S. Gopinathan
Este artículo se centra en la formación previa al empleo y en la formación continua en Singapur al
interesarse más particularmente por la formación técnica y profesional, por el proyecto nacional
SkillsFuture (« Competencias porvenir ») así como por el sistema de calificación de la mano de obra.
Se habla también de la formación técnica y profesional en Filipinas, valiéndose de la idea de que las
diferencias de aproximación en este dominio dependen del grado de desarrollo y del contexto geopo-
lítico. El contexto constituye así un elemento clave para aprehender las políticas y las aproximaciones
propias de los sistemas educativos y entender la manera con la que los países consideran el problema
de las competencias.

184

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les auteurs

Les auteurs

Dossier

Hélène Beaucher est documentaliste au centre de ressources et d’ingénieries documentaires du Centre


international d’études pédagogiques (CIEP). Courriel : beaucher@ciep.fr

Éric Charbonnier, diplômé d’un troisième cycle universitaire en économie et en statistiques (Université
de Dauphine), travaille à la direction de l’éducation et des compétences de l’OCDE, qui publie chaque
année Regards sur l’Éducation, et tous les trois ans les résultats de l’étude PISA. Le Programme des
indicateurs des systèmes d’enseignement (INES), qu’il dirige, fournit des données sur la performance
des systèmes d’éducation des 34 pays membres de l’OCDE et d’un ensemble de pays partenaires.
Convaincu qu’« une statistique est souvent plus fiable qu’une idée reçue », il anime un blog du Monde
intitulé « l’Éducation déchiffrée ». Courriel : Eric.CHARBONNIER@oecd.org

Paula Escobar est économiste, titulaire d’un master en économie et d’un master en administration
publique et développement international de l’Université de Harvard. Actuellement sous-directrice de
l’éducation du département national de planification de Colombie, elle coordonne les activités de
recherche, d’élaboration, de budgétisation et d’évaluation des politiques publiques dans les secteurs
de l’éducation, de la culture et du sport. Courriel : pescobar@dnp.gov.co.

Zayer El Majid est enseignant chercheur à l’École normale supérieure de l’enseignement technique de
Mohammédia (Université Hassan II Casablanca, Maroc), un établissement qu’il a dirigé (1985-2000)
ainsi que celui de Rabat (1998-2000). Il a été directeur de la technologie au ministère de l’enseignement
supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifiques (2004-2012). Titulaire d’un
doctorat ès sciences (chimie), d’une maîtrise de sciences et techniques de fabrication et emploi des 185
matériaux et d’un DUT de génie mécanique de l’Université de Bourgogne (Dijon), il est l’auteur de
plusieurs publications et communications dans les domaines de la formation technique et professionnelle
et de la formation de formateurs. Courriel : elmajidzayer@hotmail.com

Christian Forestier est actuellement chargé de mission sur la formation professionnelle à la Conférence
des présidents d’université et préside le conseil d’administration de la Fondation des étudiants de
France. Il avait auparavant été administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers
(CNAM). Ingénieur diplômé de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon, docteur ès-sciences,
il a dirigé un IUT puis présidé l’université de Saint-Etienne, avant d’occuper divers postes de
responsabilité : recteur d’académies (Reims, Dijon, Créteil, Versailles), directeur des lycées et collèges
au ministère de l’éducation nationale, directeur général des enseignements supérieurs, directeur de
cabinet du ministre de l’éducation nationale. Il a en outre été professeur associé à l’université de
Marne-la-Vallée, président du conseil d’administration du Céreq et il participe au comité directeur
de l’Institut Montaigne. Membre du Haut conseil de l’évaluation de l’école puis du Haut conseil de
l’éducation, il a notamment fait partie du comité de pilotage de la concertation sur la loi d’orientation
et de programmation de la refondation de l’école (2012). Également président du conseil des Espé de
Créteil et Guyane, il est l’auteur de plusieurs ouvrages. Courriel : christianforestier@yahoo.fr

Maninga Gbato , docteur en sciences de l’éducation, est inspecteur général des sciences et techniques
industrielles et directeur général de la formation professionnelle au ministère de l’emploi, des affaires
sociales et de la formation professionnelle de Côte d’Ivoire. Courriel : gbato2006@yahoo.fr

Marthe Geiben travaille depuis 2010 à l’Institut fédéral de la formation professionnelle (BIBB)
(Allemagne) dans la division « Internationalisation, monitoring et veille des systèmes de formation
professionnelle ». Elle est spécialiste des questions relatives aux débuts de carrière et aux processus de
réforme de la formation professionnelle dans le cadre des coopérations et projets internationaux. Son
doctorat (Université des sciences de l’éducation de Fribourg) portait sur la comparaison des systèmes
de formation professionnelle initiale et continue en France et en Allemagne.
Courriel : Geiben@bibb.de

N° 71 - avril 2016
S. Gopinathan est professeur adjoint à la Lee Kuan Yew School of Public Policy, qui dépend de l’Université
nationale de Singapour. Il a également été doyen de la Faculté d’éducation de l’Institut national
d’éducation rattaché à la Nanyang Technological University. Il est par ailleurs conseiller principal à la
fondation HEAD, basée à Singapour, dont la mission est de réfléchir à la manière d’améliorer politique
et pratique dans le domaine de l’éducation en Asie. Courriel : s_gopinathan@ymail.com

Guo Yang est professeur de recherche et directeur de l’Institut de formation professionnelle et technique
de l’Académie des sciences de l’éducation de Shanghai. Il a notamment dirigé un rapport à l’échelle
nationale sur l’éducation professionnelle en Chine en 2013. Courriel : gyribb@163.com

Stéphanie Jamet travaille à la direction de l’éducation et des compétences de l’OCDE. Elle est en charge
de la publication Perspectives sur les Compétences, dont chaque édition porte sur un aspect particulier
du rôle des compétences, et des politiques qui les accompagnent, dans les économies et sociétés. Elle
s’intéresse particulièrement aux questions de l’éducation, du marché du travail et des inégalités. Elle est
titulaire d’une thèse en économie de l’université Panthéon Sorbonne.
Courriel : Stephanie.JAMET@oecd.org

Isabelle Le Mouillour dirige la division « Internationalisation, monitoring et veille des systèmes de


formation professionnelle » au sein de l’Institut fédéral allemand de la formation professionnelle
(BIBB) depuis 2012. Elle mène des études comparatives sur des sujets liés à l’agenda européen pour
la formation professionnelle, tels que l’apprentissage en Europe, la gouvernance des systèmes, le
développement des systèmes d’éducation et de formation. Elle a auparavant travaillé au Cedefop sur
le développement des cadres de certification, des systèmes de crédits et l’approche par les acquis
d’apprentissage en formation professionnelle. Courriel : LeMouillour@bibb.de

Juliana López est diplômée en administration et relations internationales (spécialité gestion publique)
de l’Université Externado de Colombie. Elle est actuellement conseillère auprès des sous-directions de
l’éducation et de l’emploi du département national de planification de Colombie pour le développement
186 des compétences professionnelles dans le système national de formation du capital humain. Elle
enseigne en outre les méthodes d’analyses des politiques publiques à l’Université Externado. Ses
publications portent sur le développement des compétences non cognitives pour l’insertion
professionnelle, le renforcement de la formation professionnelle et l’éducation pour le travail et le
développement humain. Courriel : jlgama@dnp.gov.co.

Michel Rage est ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan, agrégé de génie mécanique et a
enseigné à l’ENSET de Rabat avant d’occuper diverses responsabilités dans les académies de Lyon et
de Clermont-Ferrand. Nommé inspecteur général de l’éducation nationale en 2009, il est aujourd’hui
doyen du groupe des sciences et techniques industrielles. Il est co-auteur de plusieurs rapports
concernant la voie professionnelle, la structuration des établissements scolaires et l’utilisation des blocs
de compétences dans les diplômes de l’éducation nationale. Courriel : rage.michel@wanadoo.fr

Catherine Ramos est responsable de la recherche et de la publication à la fondation HEAD. Auparavant,


elle a travaillé à l’Institute for Adult Learning, où elle s’est investie dans le programme de l’OCDE
pour l’évaluation internationale des compétences des adultes et dans les recherches menées à Singapour
sur l’utilisation des compétences. Elle a également travaillé dans le domaine des ressources humaines,
de la gestion de programmes de formation, de la recherche en matière de politiques et de la gestion
de projet aux Philippines et à Singapour. Elle est diplômée en administration publique et en économie
du développement de l’Université des Philippines. Courriel : catherine.ramos@headfoundation.org

Marta Rapallini est architecte et docteur en histoire des sciences et des techniques de construction. Elle
a poursuivi des activités de recherche et d’enseignement dans les universités de Florence et de Rome
La Sapienza et a également présidé l’Association des doctorants et docteurs italiens. Ces dernières
années, elle a travaillé comme experte dans les domaines de l’éducation, de la haute formation et de
la recherche pour la Région Toscane, le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la
recherche italien et l’agence régionale pour le droit au travail de Toscane ; elle travaille actuellement
pour l’Institut national de documentation et de recherche éducative (INDIRE). Depuis 2008, elle
préside l’Institut Gramsci Toscan Onlus. Courriel : martarap@gmail.com

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - SÈVRES


les auteurs

Laurence Solar-Pelletier fait de la recherche depuis plus d’une dizaine d’années sur l’éducation des
adultes et la formation en entreprise. Ses intérêts se concentrent sur le développement des compétences,
l’employabilité, ainsi que l’impact de la formation sur le développement économique et social. Dans
le cadre de son doctorat, elle a étudié les stratégies de gestion de la main-d’œuvre adoptées par les
petites et moyennes entreprises. Elle travaille comme chercheuse à l’Université du Québec à Montréal
(UQAM, où elle collabore avec l’Observatoire Compétences-Emplois et le Centre interuniversitaire de
recherche et développement sur l’éducation et la formation (CIRDEF).
Courriel : laurence.solar-pelletier@hec.ca

Krzysztof Symela , docteur en sciences humaines (pédagogie) et maître ingénieur-mécanicien, est


responsable du Centre de pédagogie du travail de l’économie innovante à l’Institut de technologies
d’exploitation, Centre de recherche national (Instytut Technologii Esploatacji – Państwowy Instytut
Badawczy. Spécialiste des questions relatives à la modernisation du système d’éducation professionnelle,
à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes d’enseignement modulaires, il mène
des recherches sur la connaissance des métiers et les diagnostics/pronostics de nouveaux savoir-faire
et compétences dans le champ des technologies industrielles avancées. Il est co-créateur de la
méthodologie d’élaboration de standards nationaux de compétences professionnelles, requis par les
employeurs. En 2008-2009, il a dirigé le département de la formation professionnelle et continue au
ministère de l’éducation nationale polonais. Courriel : krzysztof.symela@itee.radom.pl

Yang Lin est professeure assistante de recherche et secrétaire des affaires étrangères de la formation
professionnelle et technique à l’Académie des sciences de l’éducation de Shanghai.

Actualité internationale

Rahma Bourqia est sociologue et professeur des universités. Elle a, entre autres, été présidente de
l’Université Hassan II de Mohammédia 2002-2010. Elle a publié sur les thématiques suivantes : l’État,
les femmes, les jeunes et la culture politique. Elle était membre du conseil d’administration de 187
l’Université des Nations unies Tokyo (2010-2016), membre fondateur et présidente du Conseil arabe
des sciences sociales Liban (2005-2014), membre du bureau de l’Association internationale des
sociologues de langue française (AISLF). Elle est aujourd’hui directrice de l’instance d’évaluation du
Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) du Maroc.
Courriel : bourqiarahma@gmail.com

Roger-François Gauthier , inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la


recherche, est professeur associé à l’Université Paris-Descartes (France) et membre du Conseil supérieur
des programmes. Ses travaux, au sein des institutions françaises et comme chercheur ou consultant
auprès de plusieurs organisations internationales (Unesco, Organisation internationale de la
Francophonie-OIF), relèvent soit d’études spécifiques à un pays soit des comparaisons internationales.
Ils portent notamment sur les contenus d’enseignement et les politiques curriculaires.
Courriel : roger-francois.gauthier@education.gouv.fr

Bruno Mègre a été enseignant et formateur d’enseignants de français langue étrangère (FLE) pendant
de nombreuses années en France et à l’étranger. Il est actuellement responsable du département
évaluation et certifications au Centre international d’études pédagogiques (CIEP), qui a en charge,
entre autres, la conception et la distribution, dans plus de 170 pays, des examens du DELF-DALF et
du Test de connaissance du français (TCF). Il est également chargé de cours, spécialisé dans la
méthodologie de l’évaluation en langue étrangère et des techniques d’écrit en classe de FLE, dans le
cadre des masters en didactique des langues des universités de la Sorbonne Nouvelle et Paris Descartes.
Courriel : megre@ciep.fr

Federica Minichiello est chargée de veille au centre de ressources et d’ingénierie documentaires (CRID)
du Centre international d’études pédagogiques (CIEP). Courriel : minichiello@ciep.fr

Bernadette Plumelle, ingénieure de recherche, est responsable du centre de ressources et d’ingénierie


documentaires (CRID) du Centre international d’études pédagogiques (CIEP).
Courriel : plumelle@ciep.fr

N° 71 - avril 2016
Sébastien Portelli est professeur certifié d’anglais et a enseigné pendant de nombreuses années. Il est
actuellement responsable du bureau des tests intégré au département évaluation et certifications au
Centre international d’études pédagogiques qui a en charge, entre autres, la conception et la distribution
du test de connaissance du français (TCF) et d’ev@lang dans ses différentes versions linguistiques.
Courriel : portelli@ciep.fr
Jean-Pierre Véran est inspecteur d’académie (H). Il intervient en formation de l’encadrement en
académie et à l’École supérieure de l’éducation nationale (ESEN) sur la gouvernance des organisations
éducatives, les politiques éducatives et l’éducation aux médias et à l’information.
Courriel : jeanpierreveran@gmail.com
Blog : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/

188

re vue i nte rnationa l e d’é ducation - SÈVRES


la revue

Revue spécialisée dans le champ de l’éducation et de la formation à travers le monde,


la Revue internationale d’éducation de Sèvres est éditée par le Centre international d’études
pédagogiques (CIEP), membre de la Communauté d’universités et d’établissements Sorbonne
Universités.
Elle publie en langue française trois numéros par an pour un public de responsables
et d’acteurs de l’éducation, ainsi que d’universitaires et de chercheurs issus des sciences
humaines et sociales concernés par les questions d’éducation. La majorité des auteurs sont
étrangers et les articles s’inscrivent dans une perspective de recherche. Les numéros sont orga-
nisés autour d’un dossier central, portant sur un thème qui fait l’objet de débats dans le monde.
Ils proposent également des informations et des ressources documentaires dans le champ des
politiques éducatives ou des pratiques pédagogiques.
La revue s’appuie sur un conseil scientifique international et un comité de rédaction
qu’elle réunit régulièrement. Depuis sa création en 1994, elle a publié 850 auteurs de 100 pays.
Repérée dans différents classements internationaux et bases de données, la revue a rejoint
en 2012 la plateforme d’édition en sciences sociales et humaines OpenEdition. Ses numéros
sont disponibles en libre accès après deux ans sur Revues.org : [http://ries.revues.org/]

Procédures de soumission
La revue annonce chaque année sur son site, au plus tard en novembre, les thèmes
des dossiers de l’année suivante. Chaque dossier thématique est confié à un coordinateur invité,
avec lequel la revue construit les sollicitations qu’elle adresse aux auteurs. Elle peut également
publier les articles qui lui sont soumis spontanément, après avis du comité de rédaction et 189
sous réserve qu’ils s’inscrivent dans la problématique traitée dans le dossier ou dans la ligne
éditoriale de la revue.
Les textes proposés à la revue sont adressés à la rédaction au plus tard six mois avant
la publication de chaque numéro à l’adresse suivante : revue@ciep.fr. Les articles peuvent être
soumis en français, anglais, allemand, espagnol, italien. Ils sont ensuite traduits en français par
la revue. Les articles sont soumis à relecture et sont validés par le comité de rédaction. Ils
n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Les consignes aux auteurs sont disponibles
en ligne sur le site de la revue : [http://ries.revues.org/2358]

Articles du dossier
Les articles du dossier proposent nécessairement une analyse comparative ou une
étude dans un pays donné du thème traité par le dossier. Ils ne peuvent excéder 25 000 signes
(soit 4 000 mots en français, 3 500 mots en anglais), y compris les références et notes de bas
de page. Ils sont accompagnés d’un résumé et d’une notice biographique pour chacun des auteurs
(100 mots chacun maximum). Les tableaux et graphiques sont limités au strict nécessaire.

Autres rubriques
Outre le dossier thématique, la revue propose dans chaque numéro des rubriques
regroupées sous l’intitulé « L’actualité internationale en éducation ».
– Rubrique « Le point sur l’actualité internationale en éducation » : ces articles
courts et factuels (6 à 8 000 signes) permettent de présenter des réformes en cours dans les
systèmes éducatifs, des difficultés de mise en œuvre ou encore des événements notables.
– Rubrique « Repères sur les systèmes éducatifs » : ces articles visent à présenter de
façon problématisée l’organisation des systèmes éducatifs et les principaux enjeux qui sont les
leurs (18 000 signes).
– Rubrique « Notes de lecture » : ces articles ne peuvent excéder 6 000 signes.
numéros disponibles

Revue internationale d’éducation – Sèvres

71 Formation professionnelle et employabilité (avril)


70 Les langues d’enseignement, un enjeu politique, décembre 2015
69 Pourquoi enseigner l’histoire ?, septembre 2015
68 L’éducation en Asie, avril 2015
67 Pédagogie et révolution numérique, décembre 2014
66 L’école dans les médias, septembre 2014
65 Le financement de l’éducation, avril 2014
64 Les espaces scolaires, décembre 2013
63 L’école et la diversité des cultures, septembre 2013
62 Les attentes éducatives des familles, avril 2013
61 Enseignement et littérature dans le monde, décembre 2012
60 Le métier de chef d’établissement, septembre 2012
59 Éducation et ruralités, avril 2012
58 Les ONG et l’éducation, décembre 2011
57 Le plaisir et l’ennui à l’école, septembre 2011
56 Le curriculum dans les politiques éducatives, avril 2011
55 Former des enseignants, décembre 2010
54 Palmarès et classements en éducation, septembre 2010
53 Qualité, équité et diversité dans le préscolaire, avril 2010
52 Un seul monde, une seule école ? décembre 2009 191
51 Un renouveau de l’enseignement des sciences, septembre 2009
50 En classe : pratiques pédagogiques et valeurs culturelles, avril 2009
49 Quel avenir pour les études en sciences humaines ? décembre 2008
48 L’École et son contrôle, septembre 2008
47 Enseigner les langues : un défi pour l’Europe, avril 2008
46 L’émergence d’une autre école, décembre 2007
45 L’enseignement supérieur, une compétition mondiale ?, septembre 2007
44 L’élève, futur citoyen, avril 2007
43 Que savent les élèves, décembre 2006
42 L’éducation artistique, septembre 2006
41 École primaire, école de base, avril 2006
40 L’éducation dans le monde, décembre 2005
39 La formation des élites, septembre 2005
38 Les défis de l’orientation dans le monde, avril 2005
37 Diplômes et examens de l’enseignement secondaire, décembre 2004
36 École et religion, juillet 2004
35 Décrochages et raccrochages scolaires, avril 2004
34 La formation professionnelle initiale : une question de société, décembre 2003
33 L’enseignement des langues vivantes à l’étranger : enjeux et stratégies, septembre 2003
32 Le processus de décision dans les systèmes éducatifs, mars 2003
31 Les parents et l’école, novembre 2002
30 Le métier d’enseignant en Europe, juin 2002
29 L’élève aujourd’hui : façons d’apprendre, mars 2002
28 Les grands débats éducatifs aujourd’hui – Europe, décembre 2000
27 Les grands débats éducatifs aujourd’hui – Afrique, Amérique, Asie, octobre 2000
26 L’évaluation des systèmes éducatifs aujourd’hui, juin 2000
25 Le droit à l’éducation : vers de nouveaux contenus pour le XXIe siècle, tome 2, mars 2000
24 Le droit à l’éducation : vers de nouveaux contenus pour le XXIe siècle, tome 1, décembre 1999
23 La formation ouverte et à distance, septembre 1999
22 Dimension économique des politiques éducatives, juin 1999
21 La formation des enseignants. II – Des problématiques convergentes, mars 1999
20 La formation des enseignants. I – Des approches constrastées, décembre 1998
19 Langue maternelle, langue d’enseignement, septembre 1998
18 Les technologies nouvelles, juin 1998
17 Enseigner la diversité culturelle, mars 1998
16 La formation tout au long de la vie, décembre 1997
15 Les grands débats éducatifs aujourd’hui, septembre 1997
14 L’éducation scientifique, juin 1997
13 Ruptures politiques, enseignement de l’histoire, mars 1997
12 Programmes et politiques éducatives, décembre 1996
11 L’évaluation des élèves, septembre 1996
10 L’école en milieu rural, juin 1996
9 Des langues vivantes à l’école, mars 1996
7 Enseignements bilingues, septembre 1995
192 3 Les langues régionales et l’Europe, septembre 1994
1 Approches comparatives en éducation, mars 1994

À paraître en 2016
72 Confiance et autorité (septembre)
73 Qu’enseigne-t-on à l’école obligatoire ? (décembre)

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2016
n° 71 : Formation professionnelle et employabilité (avril) 71 4964 6 16 
n° 72 : Confiance et autorité (sept.) 71 4989 2 16 
n° 73 : Qu’enseigne-t-on à l’école obligatoire ? (déc.) 71 5026 2 16 
2015
n° 68 : L’éducation en Asie (avril) 34 1122 4 16 
n° 69 : Pourquoi enseigner l’histoire ? (sept.) 34 2233 6 16 
n° 70 : Les langues d’enseignement, un enjeu politique (déc.) 34 3344 7 16 

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