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Introduction
Dans son discours du Trô ne de 2018, Sa Majesté le Roi a souligné qu’« Il est insensé que plus de cent
programmes de soutien et de protection sociale, de différents formats et se voyant affecter des dizaines
de milliards de dirhams, soient éparpillés entre plusieurs départements ministériels et de multiples
intervenants publics ».
Sa Majesté le Roi a également précisé qu’« En fait, ces programmes empiètent les uns sur les autres,
pèchent par manque de cohérence et ne parviennent pas à cibler les catégories effectivement éligibles».
Cependant, c’est à partir des années 1990 et selon le rapport sur les 50 ans de développement humain au
Maroc, les pouvoirs publics reconnaissent à la fois l’existence et l’étendue de la pauvreté et de l’exclusion
sociale. Le développement social est devenu prioritaire, en raison des impacts du Programme
d’Ajustement Structurel (PAS) de 1983 sur l’emploi et les secteurs sociaux (l'éducation, la santé,
l'habitat, le transport…). Pour y remédier, l’Etat a mis en place une stratégie sociale axée sur la lutte
contre la pauvreté et la réduction des inégalités, à travers le programme des priorités sociales, les
programmes d’approvisionnement en eau potable, de désenclavement et d’électrification rurale,
le programme de logement social et la compensation.
Les pouvoirs publiques ont commencé par remplacer partiellement le système de compensation par des
subventions plus ciblées, efficace et équitable, tels que les programmes sociaux qui sont en effet pris en
charge au niveau du budget général (éducation, santé, habitat, équipement, etc.), de certains comptes
spéciaux du Trésor (INDH, Fonds pour le développement rural et des zones de montagne, Fonds d’appui
à la cohésion sociale, etc.) et de certains services de l’Etat gérés de manière autonome (centres
hospitaliers,..).
Système de Compensation
Les produits compensés constituent un enjeu financier considérable. Entre 2011-2015, la valeur de
leurs importations a dépassé les 200 milliards DH, important coû t d’opportunité par rapport à
l’investissement public, le développement de l’infrastructure, ou à l’acquittement d’une partie de la
dette de trésor. L’action de l’Etat dans ce domaine devrait être à la hauteur de cet enjeu ;
La compensation est présentée comme un instrument pour la maîtrise de l’inflation et le soutien à la
compétitivité des entreprises et comme moyen de préservation du pouvoir d’achat des
populations et de stimulation de la demande et, par voie de conséquence, de la croissance
économique ;
En revanche, la compensation crée des effets pervers et des comportements antiéconomiques :
gaspillage de ressources ;
découragement pour l’utilisation des énergies renouvelables et pour l’efficacité énergétique ;
non incitation à la recherche de réduction des coû ts ;
effets de distorsion.
Dans les faits, c’est le contribuable qui supporte la charge de compensation en lieu et place du
consommateur, qu’il soit particulier ou professionnel ;
Globalement, le système de compensation est administré par l’Etat à travers, en particulier, la
fixation de la structure des prix. Bien que ce système ait été réaménagé de façon ponctuelle, il n’a
pas connu, pour autant, de réforme en profondeur ;
Le poids de la charge de compensation :
accentue la vulnérabilité macro-économique ;
réduit les marges budgétaires notamment en matière d’investissement ;
présente un risque majeur pour la croissance économique et l’emploi ;
En effet, la charge de compensation creuse le déficit budgétaire de l’Etat et celui de la balance
commerciale et des comptes extérieurs ;
Censée profiter principalement aux couches les plus défavorisées, la compensation s’est
transformée, au fil du temps, en une dépense budgétaire qui subventionne les producteurs,
notamment ceux opérant dans le secteur du transport et dans la production de l’énergie électrique,
des plantes sucrières et même dans certains secteurs industriels. Une part significative de la charge
de compensation profite aussi à l’Etat et aux autres organismes publics qui bénéficient de produits
compensés pour leur exploitation et leur parc de véhicules. Ces producteurs et professionnels
bénéficient de près des deux tiers des subventions de la compensation. Les ménages n’en
bénéficient que du tiers environ ;
Ainsi, le système de compensation a dévié de sa vocation originelle de stabilisation des prix
des denrées de base pour se transformer en mécanisme d’aide qui fausse la réalité des coûts
et masque la vérité des prix, en particulier dans les secteurs de l’énergie électrique et du
transport ;
Le système d’indexation des produits pétroliers liquides, mis en place en septembre 2013, présente
l’avantage de maîtriser la charge de compensation par rapport aux crédits inscrits dans la loi de
finances. Ce système ne permet pas, pour autant, de résoudre la problématique de cette charge et
pourrait même pérenniser son caractère structurel ;
Néanmoins, les mesures prises par le gouvernement en 2013 et 2014, sont de nature à atténuer la
charge de compensation à l’avenir ;
La fiscalité des produits compensés alourdit la charge de compensation supportée par l’Etat ;
La compensation finance indirectement les collectivités territoriales au titre de la part de la TVA qui
leur est affectée ;
La charge de compensation est amplifiée du fait de l’intégration des taxes intérieures à la
consommation dans l’assiette de calcul de la TVA applicable aux produits compensés.
Vers une décompensation graduelle
A l’issue d’une décompensation progressive qui a commencé en 2012, les produits pétroliers liquides
ont été libéralisés en décembre 2015, ce qui a contribué à la baisse du poids de la charge de
compensation de 6.5 % du PIB en 2012 à 1.4 % du PIB en 2016.
Les marges dégagées à travers cette réforme ont permis dans un premier temps de ramener les
dépenses aux seuils autorisés par la loi de finances, d’apurer les arriérés de la compensation, puis de
renforcer les budgets alloués aux secteurs sociaux dans le cadre d’une transition qui vise à améliorer
l’efficience des dépenses publiques et un soutien plu ciblés des populations pauvres et vénérables.
Une réforme structurelle accompagner par un changement de paradigme est indispensable vers
une justice sociale
A la lumière de ce qui précède, il se dégage que, hors réforme structurelle, rien ne laisse présager une
baisse permettant une baisse de la charge de compensation à un niveau soutenable pour les finances
publiques. Ces constats militent en faveur d’une réforme destinée à recadrer le système de compensation
selon une logique de rationalité économique et de ciblage social.
Cependant, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi, dans son message Royal au 3ème Forum parlementaire
sur la justice sociale en février 2018, le modèle de développement du Maroc « ne permet plus, désormais,
de répondre aux demandes et aux besoins croissants des citoyens, ni de réduire les inégalités sociales et
les disparités spatiales. Il ne peut, en conséquence, favoriser l’avènement d’une justice sociale ».
L’instauration d’une meilleure justice sociale ne peut être réalisée, de mon point de vue, sans un
diagnostic précis, une vision claire, un changement moins fréquent des lois, une appropriation de la
légistique par les acteurs, un respect de la loi et une reddition des comptes.
Un diagnostic fiable de la situation de la justice sociale exige une information plus rigoureuse et
transparente sur les revenus et les patrimoines. Le Haut-Commissariat au Plan en est conscient. Il
reconnait que « la mesure des revenus sur la base des déclarations des ménages présente des difficultés.
Si la dépense des ménages permet de donner une mesure exacte des conditions de vie de la population,
elle ne donne pas une image exacte du revenu de cette dernière ». Aussi, est-il indispensable de lier les
phénomènes macroéconomiques tels que la croissance, la privatisation, l’accumulation du capital ou la
dette publique « aux tendances microéconomiques concernant les inégalités (notamment les revenus des
individus et les transferts sociaux, le patrimoine et l’endettement des ménages) ». Cette méthode
novatrice consiste donc à combiner entre les données de la comptabilité nationale et celles de la
comptabilité du secteur public. Ce diagnostic permet de mieux connaitre les réalités sociales sur le
terrain et de rendre claire la vision des pouvoirs publics en vue d’élaborer des politiques sociales plus
adaptées. Au Maroc, force est de constater que la volonté de réduire les inégalités est indéniable.
Toutefois, certaines mesures prises pour faire face à une conjoncture défavorable ont eu pour résultat de
brouiller l’image pour les opérateurs économiques et ont généré bien évidemment des distorsions qui
ont poussé les agents économiques à modifier leur comportement.