3,00 € mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO - N° 23 693 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

ÉTATS-UNIS MICHEL-ANGE
À DEUX SEMAINES DU CINÉMA, EXPOSITION : LE MYSTÈRE
SCRUTIN, TRUMP VEUT DE L’HOMME DERRIÈRE LE GÉNIE
TOUJOURS Y CROIRE PAGES 10 ET 11 DE L’ARTISTE PAGES 30 ET 31

AZERBAÏDJAN
Mingatchevir
et son barrage

Islamisme :
à la merci
des tirs arméniens
PAGE 9

ÉDUCATION

le gouvernement
L’enseignement
à distance
révolutionne
l’université PAGE 12
MÉDICAMENTS
Un ancien
antibiotique veut durcir
sa réponse
en test préclinique
contre le Covid-19
PAGE 13

FOOTBALL
Layvin Kurzawa : Face à la vague de colère et d’écœurement qu’a provoqué
« La finale,
une expérience la décapitation d’un professeur par un terroriste islamiste,
qu’on ne va pas le président ne peut plus s’en remettre aux mots. Désormais,
oublier » PAGE 14 il se sait attendu sur les actes de son gouvernement.
ASIE è LE PEN RÉCLAME UNE « LÉGISLATION DE GUERRE » è POUR LR, IL FAUT POSER LE DÉBAT
SUR L’IMMIGRATION è LA POLICE VEUT SÉCURISER LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES
Le rebond
JC MARMARA / LE FIGARO

è EXPULSION DES RADICALISÉS : DES PROCÉDURES ARDUES è LA FAMILLE ANZOROV D’ABORD DÉBOUTÉE
de l’économie DE L’ASILE À CAUSE D’UN « RÉCIT STÉRÉOTYPÉ » è LE PARCOURS DU TERRORISTE SE PRÉCISE
è BELLAMY : « LES FLEURS ET LES BOUGIES N’ONT JAMAIS GAGNÉ UNE GUERRE »
chinoise s’affermit Le ministre de l’Intérieur, è LE CONTRE-POINT DE GUILLAUME TABARD PAGES 2 À 8 ET L’ÉDITORIAL
PAGES 22 ET 23 Gérald Darmanin,
lundi, à la sortie
de l’Assemblée nationale.
Au Canada,
CHAMPS LIBRES

le cannabis
pour échapper CCIF, BarakaCity : Facebook, Twitter… la
à l’enfer
du Covid deux associations responsabilité des réseaux
n
La France
peut-elle sortir
radicales dans le viseur sociaux en question
Dès lundi, des contrôles ad- être dissoutes en Conseil des Lors du dernier Conseil de pour tenter de mettre en pla-
de la crise sans ministratifs visant une cin- ministres, sur proposition de défense, réuni dimanche, le ce rapidement de nouveaux
augmenter quantaine d’associations isla- Gérald Darmanin. D’ores et chef de l’État a réaffirmé sa outils qui permettent de lut-
les impôts ? mistes ont débuté. Deux déjà, BarakaCity a fait savoir volonté de mieux réguler les ter contre ce que l’exécutif
d’entre elles, le CCIF et Bara- qu’elle contesterait cette dé- contenus haineux en ligne. nomme désormais le
n
Un entretien kaCity, pourraient bientôt cision en justice. PAGES 4 ET 5 Le gouvernement s’active « cyberislamisme ». PAGE 6
avec Bernard
Rougier
n
Les tribunes ÉDITORIAL par Yves Thréard ythreard@lefigaro.fr
de Patrick
Stefanini et de
David Lisnard Réarmement

L
n
La chronique
de Renaud iberté, égalité, fraternité. Que gislatif pour dissoudre ici une association
Girard vaudra bientôt sa devise si la prosélyte, là fermer une mosquée fonda-
PAGES 16 À 19 France continue à courber l’échi- mentaliste. Ce n’est pas aux juges de faire
ne ? Intimidée, impotente, sou- la loi. La récente décision du Conseil

@
vent complaisante, elle se laisse constitutionnel qui a censuré un texte en-
FIGARO OUI piétiner, ronger de l’intérieur, défigurer cadrant les terroristes à leur sortie de pri-
FIGARO NON par un ennemi qui veut sa mort : l’islamis- son laisse pantois. Si la loi fondamentale est
me. L’atroce assassinat d’un professeur lacunaire, il convient de l’adapter. Les isla-
Réponses à la question va-t-il enfin sonner l’heure du sursaut ? Le mistes se jouent de nos excès de pudeur et
de lundi : pouvoir exécutif s’agite, mais les effets de nos tabous. La pre-
Est-ce que l’État d’annonce ne suffisent plus. Depuis 2012 et
Seul le mière des libertés est la
en fait assez pour Mohamed Merah, les attentats se suivent et réalisme sécurité.
que soit respectée les discours se ressemblent. Le réarmement doit, en-
la laïcité à l’école ? Le réarmement doit d’abord être moral.
viendra fin, être politique. Im-
OUI NON Des années de chantage à l’islamophobie et à bout du migration, droit d’asile,
10 % 90 % au racisme, de revendications identitaires mineurs isolés : les chif-
ont fracturé le pays. C’est ainsi que le ver fanatisme fres gonflent d’année en
TOTAL DE VOTANTS : 169 599 s’est installé dans le fruit. Voile, burkini, année et ne sont pas seulement imputables
menu hallal se sont imposés ; l’Éducation aux règles de l’Union européenne. Cet ac-
Votez aujourd’hui nationale compose pour ne pas faire de va- cueil massif n’est pas le signe de la frater-
sur lefigaro.fr
3’:HIKKLA=]UXUUW:?b@a@m@a@k";

gues ; des quartiers entiers se soumettent, nité, mais la traduction d’une incurie bu-
Faites-vous confiance dans l’indifférence, aux diktats de prédi- reaucratique doublée d’une absence de
au gouvernement pour cateurs… L’égalité dans la diversité a fermeté. Les trois quarts des expulsions
M 00108 - 1020 - F: 3,00 E

lutter contre l’islamisme ? ouvert la porte à la dictature des minorités. prononcées ne sont pas exécutées.
Ce réarmement doit ensuite être légal. Il Seul le réalisme viendra à bout du fanatis-
REBECCA COOK/REUTERS -
MUSÉE DU LOUVRE_DIST RMN GRAND faut en finir avec la tyrannie du juridisme me et permettra à la France de vaincre
PALAIS RAPHAËL CHIPAULT - qui empêche de muscler notre arsenal lé- ceux qui veulent la réduire au silence. ■
DADO RUVIC/REUTERS

AND : 3,20 € - BEL : 2,90 € - CH : 4,20 FS - CAN : 5,70 $C - D : 3,60 € - A : 3,60 € - ESP : 3,20 € - Canaries : 3,20 € - GB : 2,90 £ - GR : 3,40 € - DOM : 3,20 € - ITA : 3,30 €
A

LUX : 2,90 € - NL : 3,40 € - PORT.CONT : 3,30 € - MAR : 23 DH - TUN : 4,40 DT - ZONE CFA : 2.400 CFA ISSN 0182.5852
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
2 L'ÉVÉNEMENT
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
La République s’affaisse parce que,
sur ses principes, certains ont la main
qui tremble. (…) Un certain nombre de députés
Insoumis ne se comportent pas de façon
républicaine (et) sont grandement responsables
de ce qui existe dans ce pays.
BERNARD CAZENEUVE, HIER SUR FRANCE INTER
Macron contraint d’accélérer
contre l’islamisme radical
Le chef de l’État a haussé le ton.
Il se sait attendu, non plus
sur les paroles, mais sur les actes.
FRANÇOIS-XAVIER BOURMAUD
£@fxbourmaud
EMMANUEL MACRON n’a plus le
choix. Face à la vague de colère et
d’écœurement provoquée par la dé-
capitation d’un professeur par un
terroriste islamiste, le président ne
peut plus s’en remettre aux mots,
notamment ceux prononcés il y a
à peine plus de deux semaines
aux Mureaux (Yvelines) pour son
discours sur le séparatisme. Au re-
gard de l’horreur de l’assassinat de
Samuel Paty vendredi soir, ils appa-
raissent presque déjà dépassés. En
trois jours, c’est l’emprise de l’isla-
misme radical sur la société que ce
crime a fait apparaître, mettant à nu
les discours relativistes tentant de
minimiser le danger.
La cérémonie d’hommage natio-
nal « aura lieu dans la cour de la Sor-
bonne mercredi en fin d’après-midi »,
a indiqué l’Élysée. « Ce choix a été fait
en accord avec la famille du défunt »,
reçue lundi matin par Emmanuel
Macron, précise la présidence, qui
souligne que la Sorbonne est « le mo-
nument symbolique de l’esprit des Lu-
mières et du rayonnement culturel, lit-
téraire et éducatif de la France ». Le
chef de l’État prononcera un discours
pour mettre en avant les «serviteurs
de la République ».
Dimanche soir, Macron avait
commencé à hausser le ton. « La
peur va changer de camp, avait-il as-
suré lors du Conseil de défense. Les
islamistes ne doivent pas pouvoir dor-
mir tranquilles dans notre pays. »
Comme pour donner des gages, des
opérations de police ont été lancées
lundi matin contre « des dizaines
d’individus » évoluant dans la mou-
vance islamiste. Selon le ministère de
l’Intérieur, elles se poursuivront dans
les prochains jours. « Pas une minute
de répit pour les ennemis de la Répu-
blique », a juré Gérald Darmanin.
Fini les demi-mesures
Dans la foulée, le ministre de l’Inté-
rieur a assuré que 51 associations se-
raient contrôlées par l’État et que la
dissolution de « plusieurs d’entre el-
les » serait prononcée en Conseil des
ministres. Une liste qui devrait s’al-
longer d’ici à mercredi. Au ministère
de l’Intérieur, on recense toutes les
associations ayant émis des expres-
sions hostiles à la République. Le Col-
lectif contre l’islamophobie en Fran-
ce (CCIF) et l’association BarakaCity
sont d’ores et déjà dans le viseur. En
coulisses, des voix s’élèvent contre
l’Union des organisations islamiques
de France (UOIF). « Il ne faut pas
oublier qu’il s’agit du bras armé des
Frères musulmans en France », pointe
un député de la majorité.
Lundi soir, Gérald Darmanin a an-
noncé sur TF1 la fermeture de la
mosquée de Pantin dont l’imam
s’était réjoui de l’attentat. Objectif :
«Faire que la sidération change de
camp, a expliqué le ministre. Le but
de ces opérations, c’est d’intimider
ceux qui essayent de nous intimider ».
L’heure n’est plus aux demi-me-
sures. « Il faut faire une démonstration
de force républicaine : on débarque, on
coffre, on expulse, tranche-t-on au
sein de l’exécutif. Nous n’en sommes
plus aux lampions, aux bougies ou aux
banderoles. Les Français attendent de
A
nous une réponse ferme et radicale. »
Au-delà des mesures d’urgence, le
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
La République est en danger comme
elle l’a rarement été. En danger
de nos reculs, de nos renoncements,
de notre incapacité à nommer.
En danger par notre absence de courage
» collectif qui nous conduit à ce drame
GÉRARD LARCHER, HIER AU CONGRÈS DES RÉGIONS DE FRANCE
»
chef de l’État veut muscler le projet
de loi contre le séparatisme islamiste.
L’examen du texte reste program-
mé pour le 9 décembre. « Des mesu-
res d’enrichissement et d’approfon-
dissement si nécessaire sont en train
d’être étudiées », indique l’Élysée. Les
réseaux sociaux sont dans le viseur.
« La radicalisation sur internet, c’est
l’antichambre du terrorisme », poin-
te-t-on au ministère de l’Intérieur.
Lundi, Marlène Schiappa a présidé
une réunion avec les forces de l’ordre
pour renforcer la lutte contre « le cy-
berislamisme ». Mardi, la ministre a
convoqué les représentants français
des principaux réseaux sociaux.
Mais la détermination de l’État se
heurte parfois à des obstacles. Arrivé
Place Beauvau, Gérald Darmanin a
dû insister pour se voir remettre la
liste des 231 étrangers fichés S en si-
tuation irrégulière sur le territoire. Emmanuel Macron
« C’est un travail de longue haleine », vendredi devant
soupire un proche de ministre de le collège du Bois
l’Intérieur. Et une course de vitesse
d’Aulne, à Conflans-
Saint-Honorine,
contre l’opinion publique. Macron l’a au soir de l’assassinat
engagée. Ses opposants aussi. ■ de Samuel Paty.
+ » Lire aussi PAGES 18 ET 19
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
ABDULMONAM EASSA/AFP
Le Pen réclame une Pour LR, il faut poser
« législation de guerre » le débat sur l’immigration
« dans quelles conditions ce pro- dernière », dénonce le patron des
CHARLES SAPIN £@csapin fesseur consciencieux a pu être VIRGINIE LE TRIONNAIRE Républicains. « Il faut faire pres-
£@vletrionnaire
abandonné par sa hiérarchie, livré sion et obliger le gouvernement à
C’EST avec un brin de surprise à la vindicte de fanatiques reli- poser les sujets et y apporter des
que le parti de Marine Le Pen a gieux et laissé sans protection par « PENDANT trois ans, ils n’ont rien réponses », ajoute-t-il.
accueilli, ce matin, les annonces l’État », la présidente du Rassem- fait. Alors que Macron annonçait Si l’histoire se répète doulou-
du ministre de l’Intérieur, Gérald blement national a appelé à un un grand discours sur la laïcité en reusement, l’assassinat récent de
Darmanin : dissolution du Collec- réarmement « moral et matériel » 2018. Il lui a fallu deux ans pour Samuel Paty pourrait, tel un élec-
tif contre l’islamophobie en Fran- de l’État : armement obligatoire préparer le discours, alors combien trochoc, faire bouger la classe
ce (CCIF), de BarakaCity, nouvel- des polices municipales, création de temps pour préparer la loi ? », politique. La droite, elle, veut agir,
les expulsions de clandestins de centres pénitentiaires adaptés, s’est questionné Christian Jacob, et vite. LR propose un référendum
suivis pour radicalisation… réforme du code de la nationalité interrogé lundi sur le plateau du d’initiative partagée porté par
Autant de mesures portées de et mise en œuvre d’une déchéan- « Talk Le Figaro ». « La réalité, Olivier Marleix comportant entre
longue date par le parti à la flam- ce effective de la nationalité. « Il c’est qu’il faut poser le débat sur autres sujets des possibilités d’ex-
me et réaffirmées dans un « plan ne s’agit pas de mener une guerre Un Français l’immigration », a plaidé le prési- pulsion pour les étrangers en si-
de reconquête républicaine » pu- à une ou des religions, a tenu à dent des Républicains. Dénonçant tuation irrégulière. « On n’évitera
blié, début octobre, en réponse au rappeler la responsable nationa- fiché S pour un « manque de contrôle » et le be- pas la modification de la Constitu-
discours sur les « séparatismes » liste, mais de s’attaquer à la dérive islamisme soin urgent de revoir « les mesures tion », juge Christian Jacob, qui
du chef de l’État. sectaire d’un islam politique et de doit être de rétorsion, d’expulsion et de souhaite aussi changer le cadre ju-
Après l’attentat terroriste de son idéologie criminelle, l’islamis- sanction », il déplore que ces sujets ridique des réseaux sociaux. Or le
vendredi commis par un islamiste me. » poursuivi n’apparaissent pas dans le texte de processus est long et fastidieux,
à Conflans-Sainte-Honorine, le pour loi présenté par l’exécutif. Devant puisque 185 parlementaires doi-
Rassemblement national observe Un « moratoire intelligence la stratégie du gouvernement, vent en faire la demande et
l’exécutif muscler son discours et sur l’immigration » l’ancien ministre semble donc du- 4,7 millions de Français doivent
puiser dans ses fondamentaux. « Le terrorisme est un acte de avec bitatif : « Je rappelle qu’au départ, signer la pétition. La méthode la
Prenant la parole de manière guerre. Il exige une législation de l’ennemi, c’était une loi contre l’islamisme plus simple, conclut Jacob, serait
solennelle, depuis le siège de son guerre, a soutenu la députée du condamné et radical, après c’est devenu une loi que « l’exécutif inscrive cette loi » à
parti à Nanterre, Marine Le Pen a
préféré moquer, ce lundi, un
« président de la République qui se
Pas-de-Calais, défendant ainsi
des procédures policières et judi-
ciaires spécifiques. Aucun étran-
incarcéré
MARINE LE PEN
» contre le séparatisme et mainte-
nant on nous parle d’une loi sur la
laïcité. » Pour lui, il faut prendre le
l’agenda parlementaire. ■
trouve réduit, devant un acte de ger fiché S pour islamisme en si- THOMAS SAMSON/AFP problème à la racine. « La loi, on
guerre perpétré contre un citoyen tuation régulière ou irrégulière ne peut la faire évoluer », martèle le
français, à un très convenu et déjà doit pouvoir rester en France. Un député de Seine-et-Marne.
très tardif “Ils ne passeront pas”. » binational fiché S pour islamisme
Une allusion aux propos tenus, doit être déchu de sa nationalité La droite veut agir, et vite
quelques heures après l’attaque, et renvoyé. Un Français fiché S Assurant que, depuis 2015, LR a
par Emmanuel Macron devant le pour islamisme doit être poursuivi fait des propositions en perma-
collège de la victime. Déplace- pour intelligence avec l’ennemi, nence portées par entre autres
ment que Marine Le Pen aura condamné et incarcéré. » Éric Ciotti et Olivier Mar-
elle-même fait lundi matin « pour Établissant un lien direct entre leix, qui « n’ont jamais été
se recueillir sur les lieux du suppli- islamisme et immigration, la pré- reprises », il fustige l’im-
ce » de l’enseignant. sidente du Rassemblement natio- mobilisme de l’exécutif sur
Sans se féliciter des emprunts nal a profité de cette prise de pa- différents sujets comme les mi-
du gouvernement dans ses pro- role pour réclamer une nouvelle neurs non accompagnés (40 000
positions, la candidate d’ores et fois un « moratoire sur l’immigra- par an), « l’explosion » des titres
déjà déclarée à la présidentielle a tion et les naturalisations », com- de séjour (275 000 par an), la
voulu encore muscler ses recom- me pour dénoncer le « pacte sur la hausse des demandes d’asile et la
mandations. Outre la « mise en migration et l’asile » présenté par fermeture de lieux de culte. « Si, Christian Jacob, lundi,
œuvre immédiate d’une commis- la Commission européenne fin depuis 48 heures, c’est devenu pos- dans le studio du Figaro.
sion d’enquête » pour comprendre septembre. ■ sible, ça ne l’était pas la semaine JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
“ Grâce à la Fondation,
je réalise mon
rêve d’enfance :
soigner les animaux. ”
Ludivine,
docteur vétérinaire en chirurgie
au Centre hospitalier de Meaux.
Diplômée d’Oniris* en 2015.

Boursière de 2007 à 2014

(*) École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de l’alimentation, à Nantes

Depuis 2005, la Fondation d’entreprise

Francis Bouygues accorde des bourses
d’excellence d’études supérieures à des
bacheliers motivés et confrontés à des
difficultés financières.
Photo : Capa Pictures - Sophie Loubaton

Pendant son cursus, chaque élève

boursier est accompagné par un parrain,
collaborateur du groupe Bouygues, ou un
ancien boursier de la Fondation.
Depuis sa création, la Fondation a soutenu
989 étudiants.
www.fondationfrancisbouygues.com
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

4 L'ÉVÉNEMENT
Les associations islamistes dans le
En attendant la loi sur le séparatisme, le ministère de l’Intérieur propose à l’exécutif de dissoudre des
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
« UNE CINQUANTAINE de structu-
res associatives verront toute la se-
maine un certain nombre de visites des
services de l’État. Plusieurs d’entre
elles, à ma proposition puisque le pré-
sident de la République l’a demandé,
se verront dissoudre au Conseil des
ministres. » Interviewé ce matin sur
Europe 1, le ministre de l’Intérieur,
Gérald Darmanin, voulait incarner
la détermination de l’État face aux
dérives de multiples associations qui
vivent souvent de la manne publique
tout en rejetant, selon lui, les valeurs
de la République.
Le gouvernement a notamment
dans son collimateur le Collectif
contre l’islamophobie en France
(CCIF). L’hôte de Beauvau souhaite
que cet organisme très actif soit
proposé à la dissolution. Il se veut
intraitable : « Je le souhaite, dit-il,
parce que voilà une association mani-
festement impliquée puisque le père
qui a lancé une fatwa contre ce pro-
fesseur fait référence clairement à
cette association, c’est une associa-
tion qui touche des subventions
d’État, des déductions fiscales et qui
dénonce l’islamophobie d’État. Je le
souhaite car un certain nombre d’élé-
ments nous permettent de penser que
c’est un ennemi de la République. »
Le premier flic de France a
d’autres noms sur sa liste. « Je sou-
haite aussi que BarakaCity soit pro-
posée à la dissolution du Conseil des
ministres », a-t-il annoncé lundi.
Son fondateur, Idriss Sihamedi,
avait été interpellé mercredi pour
harcèlement en ligne après une
plainte déposée par Zohra Bitan,
chroniqueuse sur RMC.
« Ils ne passeront pas », avait dit
le président Macron au soir de
l’assassinat de Samuel Paty, le
16 octobre. Et « l’État ne laissera
rien passer », ajoute un préfet du
sud de la France, enthousiaste à
l’idée que « l’administration, qui
alerte depuis longtemps sur les déri-
ves communautaires portées par un
certain nombre de réseaux », selon
lui, ait « enfin les coudées franches
pour agir ».
“ Jamais
un gouvernement
n’avait mobilisé autant
de moyens pour lutter
contre cet islamisme
rampant, celui
des réseaux sociaux
GÉRALD DARMANIN
” sociation du fait du comportement
Les 51 structures concernées sont
de natures différentes : écoles,
lieux cultuels, collectifs, associa-
tions donc. Et comme internet est
devenu le vecteur de bien des dis-
cours, au mieux ambigus, au pire
franchement menaçants, « depuis
l’assassinat » du professeur Paty à
Conflans, « 80 requêtes ont été
ouvertes contre la haine en ligne,
contre tous ceux qui, de façon apolo-
gique, ont expliqué d’une façon ou
d’une autre que ce professeur l’a bien
cherché », a précisé le ministre de
l’Intérieur.
Ce lundi, Billal Righi, président
de l’association Ummah Charity, a
été placé en garde à vue dans l’Oise.
Il fait ainsi partie des personnes
interpellées dans le cadre des
grandes opérations de police que
l’hôte de Beauvau justifie par l’ur-
gence de la situation. « Jamais
un gouvernement n’avait mobilisé
autant de moyens pour lutter contre
cet islamisme rampant, celui des
réseaux sociaux », a assuré Gérald
Darmanin.
Comment ce qui était si difficile
hier devient soudain possible ? La
volonté politique certes peut faire
des miracles. Mais les bornes fixées
par les juges administratifs et judi-
ciaires n’ont pas disparu comme
par enchantement. « Il est certain
qu’il eut été plus confortable d’atten-
dre les dispositions de la future loi
contre le séparatisme », reconnaît
un haut fonctionnaire. Parmi ces
outils, se trouve la possibilité de
dissoudre ou de suspendre une as-
ou des discours qu’elle adopte, dès
lors qu’ils sont attentatoires à des
principes fondamentaux comme
l’égalité homme-femme, par
exemple.
« Actuellement, avoue un préfet,
pour fermer une structure douteuse,
comme un bar associatif repaire de
voyous ou une école coranique en-
doctrinant des enfants, il faut trouver
des voies parallèles, comme un non-
respect des mesures d’hygiène ou de
sécurité, alors que le problème de
fond est la nature même de l’activité
de l’organisation contrôlée. » En
attendant de nouvelles armes, la
Place Beauvau fait avec celles dont
elle dispose. ■

Le rôle « trouble » du Collectif

contre l’islamophobie en France
MARIE-ESTELLE PECH
£@MariEstellPech
DÉCRIT lundi comme un possible
« ennemi de la République » par
Gérald Darmanin, qui l’accuse
d’être « manifestement impliqué »
dans l’attentat de Conflans-Sainte-
Honorine, le Collectif contre l’isla-
mophobie en France (CCIF) a aussi-
tôt dénoncé des « calomnies, d’une
incroyable indécence compte tenu du
contexte ». Menacée de dissolution
par le ministre, l’association s’est
fait connaître en dénombrant les ac-
tes islamophobes en France. Ses dé-
tracteurs estiment que l’association
tente d’empêcher un discours criti-
que de s’exprimer à l’égard de l’is-
lam. Et l’accusent d’être proche
d’une forme d’islam politique, ce
qu’elle nie.
Depuis ce week-end, le nom du
CCIF, créé en 2003 pour apporter
une aide juridique aux personnes
victimes d’actes « islamophobes »,
revient sur toutes les lèvres. De
l’avocat Thibault de Montbrial, qui
l’a accusé d’avoir joué un rôle « trou-
ble », à Manuel Valls, qui demandait
sa dissolution. Le CCIF a par ailleurs
annoncé des poursuites pour diffa-
mation contre la députée Aurore
Bergé et la journaliste Zineb El Rha-
zoui, qui l’ont accusé d’avoir « parti-
cipé à la campagne de harcèlement »
contre le professeur Samuel Paty.
C’est notamment à cette associa-
tion que Brahim Chnina, le père
d’une collégienne de Conflans-
Sainte-Honorine, a fait appel pour le
conseiller. Ce père avait lancé une
campagne de calomnies sur les ré-
seaux sociaux, début octobre, à l’en-
contre du professeur d’histoire de sa
fille, campagne qui a probablement
joué un rôle dans l’assassinat. Bra-
him Chnina a fait référence à cette
association dans ses messages Face-
book, exhortant ses soutiens à faire
« au minimum un courrier au collège,
au CCIF, à l’inspection académique ou
au ministre de l’Éducation ou au pré-
sident ». Le numéro de téléphone du
collectif était indiqué dans l’un des
messages. Le CCIF, qui assure rece-
Marwan Muhammad, voir des « menaces de mort » depuis
ancien directeur du CCIF, l’affaire, s’érige en faux. « Ce père de
s’adresse à la foule
famille nous a contactés pour nous
lors de la Marche demander conseil. Mais nous en étions
contre l’islamophobie, encore au stade de l’examen de son
le 10 novembre 2019,
dossier. Nous n’avons mené aucune
à Paris. Le ministère
de l’Intérieur reproche action. De même que nous n’avons ni
à l’association de diffusé ni relayé les vidéos et messa-
« prêcher que l’islam est ges de Brahim Chnina. Notre lien avec
supérieur à la République l’affaire est plus que ténu », défend
et donc qu’il faut obéir l’un des avocats habituels du collec-
à l’islam et pas tif, Sefen Guez Guez.
à la République.»
Statistiques gonflées
Le fondement de la dissolution
« touche à l’apologie du terrorisme et
aux haines identitaires et religieuses
et au trouble à l’ordre public », a
expliqué la Place Beauvau. Le minis-
tère reproche à l’association de
« prêcher que l’islam est supérieur à
la République, et donc qu’il faut obéir
à l’islam et pas à la République ». Ce à
quoi Sefen Guez Guez objecte que
l’association « ne prêche rien, il
s’agit d’un collectif d’avocats et de ju-
ristes », et qu’elle n’a, en aucun cas,
« fait l’apologie du terrorisme ».
Créé par le militant associatif
Samy Debah, le CCIF agit essentiel-
lement sur le plan juridique et n’hé-
site pas à attaquer, régulièrement, la
presse pour diffamation. Surtout
quand elle ose dire qu’il pourrait être
proche idéologiquement des Frères
musulmans. Le collectif apporte de
l’aide à des personnes, notamment
aux femmes voilées, agressées ou

BarakaCity, cette ONG « humanitaire » proche des milieux salafistes

CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline
SUR LE SITE internet de BarakaCity,
des visages d’enfants africains ac-
compagnés d’appels aux dons pour
l’accès à l’eau et à l’éducation. Offi-
ciellement, l’association créée en
2010 et installée à Courcouronnes
(Essonne), est une ONG. « L’islam,
au service de l’humanitaire », expli-
que-t-elle. Populaire dans les quar-
tiers, ultraprésente sur les réseaux
sociaux, BarakaCity mobilise les mu-
sulmans sur des causes communau-
taires. En Birmanie pour les Rohin-
gyas, ces musulmans persécutés par
les extrémistes bouddhistes, en Irak,
en Syrie, à Gaza… Aujourd’hui, elle
est nommément dans le viseur du
ministre de l’Intérieur, Gérald Dar-
manin, avec le CCIF. Deux « associa-
tions ennemies de la République », es-
time-t-il, qu’il va proposer de
dissoudre en Conseil des ministres.
Voilà des années que BarakaCity
est dans le collimateur des autorités
en raison de ses liens avec la mou-
vance islamiste radicale et des sorties
de son président, Idriss Sihamedi.
Fiché S, cet ancien gérant d’une
agence de communication est pro-
A
qui explique qu’il refuse de serrer la
main à une femme. « Comme cer-
tains rabbins », précisait-il en 2016,
sur le plateau de Canal+. Ce 24 jan-
vier, lorsqu’on lui demande s’il
condamne Daech, il répond qu’il
« n’est pas équitable, pas juste de po-
ser la question à un musulman ».
Avant ce coup de projecteur, Idriss
Sihamedi avait créé plusieurs polé-
miques sur Twitter. « Je pense que la
musique peut être dangereuse, la po-
lygamie une alternative contre l’adul-
tère et le voile un signe de pudeur.
Suis-je fou ? », écrivait-il en sep-
tembre 2015.
Le 4 décembre prochain, l’homme
est attendu au tribunal correctionnel
d’Évry, où il sera jugé pour « harcèle-
ment au moyen d’un support numéri-
que ou électronique ». Placé en garde
à vue le 14 octobre, libéré sous
contrôle judiciaire le lendemain, il est
accusé de harcèlement par Zohra
Bitan, la chroniqueuse de RMC.
Laquelle, dans sa plainte, fait état de
120 tweets diffamatoires et de la
création d’un hashtag dénonçant sa
personne. Suffisant pour dissoudre
BarakaCity ? Une association peut
Sur le stand être administrativement dissoute en
de BarakaCity, lors Conseil des ministres dans des cas de
de la Foire musulmane provocation à la discrimination, à la
au parc des expositions haine ou à la violence, ou d’agisse-
du Bourget, en 2017. ments en vue de provoquer des actes
CORINNE SIMON/CIRIC de terrorisme. « Étant donné la cam-
pagne de harcèlement sur les réseaux
sociaux et l’invitation à beaucoup de
gens à participer à cela, il y a des billes
contre BarakaCity, estime Gilles Cla-
vreul, cofondateur du Printemps ré-
publicain. Jusqu’à présent, l’exécutif
était très prudent car il sait que le
Conseil d’État privilégie toujours la
liberté d’association. Il semble y
avoir aujourd’hui une vraie volonté
politique. »
« Allah, lui, a son plan ! »
Sur les vingt dernières années, seules
une trentaine d’associations ont ainsi
été fermées, pour les trois quarts à
l’extrême droite. « Avec son message
suivant lequel la France mènerait
une guerre contre les musulmans,
BarakaCity réalise un véritable travail
visée par une enquête pour « finan-
cement du terrorisme » et « associa-
tion de malfaiteurs terroriste », les in-
vestigations portant sur des
transferts de dons à l’étranger. Une
affaire finalement classée sans suite
par le parquet de Paris en 2019. De
quoi alimenter le discours victimaire
d’Idriss Sihamedi, qui ne perd jamais
une occasion de dénoncer l’achar-
nement de l’État. Sur les réseaux so-
ciaux, l’homme qui se présente com-
me un « journaliste » et un « lanceur
d’alerte » bénéficie de solides relais.
Sur Twitter, BarakaCity compte
près de 62 000 abonnés. Le 14 octo-
bre, jour de la perquisition chez lui et
dans les locaux de l’association, plu-
sieurs vidéos de soutien ont été pu-
bliées sur les réseaux sociaux. « Il y a
dans ce pays une liberté d’expression
qui appartient à une communauté et
qui est interdite à une autre », expli-
que l’une d’elles, sur YouTube.
Dans la journée du 19 octobre,
après les annonces de Gérald Dar-
manin, Idriss Sihamedi a quant à lui
multiplié les tweets. « Vous le voyez
pas, ne le sentez pas, mais derrière
toute cette répression nous vivons un
chapitre magnifique de notre vie.
Le début du changement. Darmanin

che des milieux salafistes. Même s’il de sape culturel », ajoute Gilles Cla- a son plan ? Allah, lui, a son plan ! », a-
préfère le terme « orthodoxe ». Ce vreul. En 2016, l’association était t-il écrit. ■

viseur de Beauvau
structures sans plus tarder et multiplie les gardes à vue.
victimes de discrimination. L’asso-
ciation publie régulièrement des
rapports sur l’augmentation des ac-
tes islamophobes en France et a, par
le passé, été accusée de gonfler ses
statistiques. Elle s’insurge aussi
contre les lois de 2004 et 2010 sur le
port du voile, promulguée par des
« lâches qui n’assument pas leur hai-
ne », milite pour que les mères voi-
lées puissent accompagner leurs en-
fants lors des sorties d’écoles, etc.
Elle s’est opposée, avec succès, en
2016, aux arrêtés pris dans plusieurs
villes de France contre le burkini. En
novembre 2019, le CCIF a fait partie
des organisateurs d’une « marche
contre l’islamophobie » controver-
sée. ■
Après Conflans, la police veut sécuriser les établissements scolaires
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
ET CAROLINE BEYER £ @BeyerCaroline
« PRÉVENIR tout acte qui pourrait
être commis par mimétisme. » Dans
son dernier télégramme envoyé
aux préfets spécifiquement en
charge des questions de sécurité, le
ministre de l’Intérieur, Gérald Dar-
manin, sonne la mobilisation pour
éviter que ne se reproduise un acte
aussi abominable que celui commis
le 16 octobre, avec la décapitation
par un terroriste islamiste de Sa-
muel Paty, professeur au collège de
Conflans-Sainte-Honorine.
Ses consignes sont adressées au
préfet de police à Paris, à celui des
Bouches-du-Rhône, aux préfets
des zones de défense. Il ordonne
l’« application de mesures de vigi-
lance accrue concernant les établis-
sements scolaires et les personnels
de l’éducation nationale ». « C’est
concret, direct, sans fioritures. Et
l’État ne se contente pas de répondre
à un tel défi sécuritaire par la mise en
place d’un simple numéro vert », se
réjouit un grand commis impliqué
dans cette nouvelle phase de « ri-
poste au séparatisme islamiste »,
selon ses termes.
Gérald Darmanin rappelle, en
D’inquiétants cas psychiatriques
Dans son télégramme du
18 octobre aux préfets en charge
des questions de sécurité
(préfet de police de Paris, préfet
de police des Bouches-du-Rhône,
préfets des zones de défense),
le ministre de l’Intérieur, Gérald
Darmanin, invite à la plus extrême
« vigilance ». « Dans le cadre
des cellules départementales
de suivi pour la prévention
de la radicalisation et
l’accompagnement des familles
(CPRAF), vous ferez en sorte de
prendre en charge efficacement,
tout cas, expressément, dans ce
document daté du 18 octobre, « la
nécessité de faire preuve d’une vigi-
lance accrue tout particulièrement
en ce qui concerne la protection des
établissements scolaires. »
Il les appelle à « organiser une
remontée rapide de toutes menaces
susceptibles de peser sur les person-
nels enseignants, les personnels tra-
vaillant dans les établissements sco-
laires ainsi que sur les élèves. » Les
préfets en question devront s’ap-
puyer sur « les groupes d’évaluation
départementaux (GED) » que ces
grands commis président. Il s’agira
de procéder « à toutes les réévalua-
tions (…) nécessaires, afin d’adapter
en tant que de besoin, les suivis sé-
curitaires déjà mis en place ». Les
fameux GED se réuniront même
désormais sur « un rythme hebdo-
madaire. »
Menaces téléphoniques
Par ailleurs, le premier flic de Fran-
ce leur enjoint de faire en sorte
« que tous les contenus détectés sur
les réseaux sociaux (appels à la hai-
ne, menaces spécifiques…) soient
pris en compte et fassent l’objet d’un
traitement approprié permettant
d’analyser le niveau de menace et de
mettre en place les mesures de pro-
FRANCE KEYSER/ MYOP
dans une perspective préventive
et pluridisciplinaire, les personnes
signalées en voie de radicalisation
(…). Vous vous attacherez
particulièrement à assurer
le suivi des individus souffrant
de troubles psychiatriques. »
Enfin, « vous veillerez également
à renouveler aux forces de
l’ordre les consignes de vigilance
qu’il convient d’observer pour leur
propre protection, dans l’exercice
de leurs missions mais également
en dehors du service », écrit
le ministre dans sa note. J.-M. L.
tection nécessaires. » Ce point a
déjà justifié, dans la nuit de diman-
che à lundi et ce lundi encore, de
multiples opérations de police en
plusieurs points du pays. Le minis-
tre invite aussi les préfets à signaler
par un « avis immédiat » à son ca-
binet « tout incident ou trouble à
l’ordre public », tant il est vrai que
le renseignement est le nerf de la
guerre en matière de sécurité.
La question des rassemblements
est d’autant plus délicate que, par-
L'ÉVÉNEMENT
Expulsion des radicalisés :
des procédures ardues
JEAN CHICHIZOLA
ATTENTAT après attentat, l’annon-
« deIl faut
longs mois
ce d’expulsions d’étrangers radica-
lisés vise à montrer à une opinion de
plus en plus meurtrie que l’État agit
pour parvenir fermement contre l’islam radical.
à évincer Le 31 mars 2018, huit jours après
l’attentat de Trèbes-Carcassonne,
des individus le ministre de l’Intérieur de l’épo-
dont certains que, Gérard Collomb, annonçait que
vivent en vingt radicalisés non-français en
situation régulière avaient été ex-
France depuis pulsés en 2017. En octobre 2019, peu
des décennies après l’attentat de la préfecture de
et y propagent police de Paris, les services du pre-
mier ministre d’alors, Édouard
l’islam radical Philippe, faisaient savoir que
370 étrangers en situation irréguliè-
re inscrits au fichier de traitement
des signalements pour la prévention
de la radicalisation à caractère ter-
roriste (FSPRT) avaient quitté le
territoire national depuis novembre
2017.
Ces derniers jours, Gérald Dar-
manin, nouveau locataire de la
place Beauvau, s’est à son tour plié
à l’exercice, en annonçant que
231 étrangers en situation irrégu-
lière inscrits au FSPRT seraient ra-
pidement invités à partir. Une ré-
solution affichée à deux reprises,
l’une après l’attentat du 25 sep-
tembre et l’autre après la décapi-
tation de Samuel Paty le 16 octo-
bre. Présentant, le 13 octobre
dernier, les chiffres de l’activité
des forces de l’ordre, Gérald Dar-
manin avait ainsi souligné que
4 111 étrangers étaient inscrits au
FSPRT, dont 851 en situation irré-
gulière. Et il détaillait ce dernier
contingent : sur ces 851 clandestins
très bien repérés, 661 font l’objet
de mesures d’éloignement. Mais
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
Gérald Darmanin a demandé
au Maroc de récupérer neuf
de ses ressortissants sans papiers
inscrits au fichier de traitement
des signalements pour la prévention
de la radicalisation à caractère
terroriste (FSPRT).
Un policier monte mi les différentes pressions exer-
la garde devant cées sur l’enseignant assassiné, se
un établissement
profilait la menace de manifesta-
scolaire parisien, tions ciblées d’islamistes devant
en 2017. l’établissement où il exerçait. La
Gérald Darmanin
Place Beauvau a aussi appris, mais
a ordonné l’« application
de mesures de vigilance seulement après le drame du
accrue concernant 16 octobre, selon elle, que des me-
les établissements naces téléphoniques avaient été
scolaires proférées lors d’appels au collège
et les personnels de de Conflans. D’autres établisse-
l’éducation nationale ». ments scolaires ont reçu ce type de
LUC NOBOUT/IP3 menaces par téléphone, sans que
les autorités de police en aient été
informées à temps. « Il faut que tout
remonte », réclame instamment un
haut fonctionnaire du ministère de
l’Intérieur.
« Avant de mettre des portiques
de sécurité et des policiers devant les
établissements scolaires, nous aime-
rions déjà que les enquêtes judiciai-
res et administratives aillent à leur
terme », estime Jean-Rémi Girard,
le président du syndicat d’ensei-
gnants Snalc. Dimanche soir,
l’académie de Versailles expliquait
avoir « mobilisé l’équipe Valeurs de
la République ». « Cette équipe est
venue sur place, au collège, pour
rencontrer le professeur et l’équipe
pédagogique (…) L’institution a tou-
jours été en soutien total à l’égard de
M. Paty, précise le communiqué.
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
5
seuls 428 étrangers sur ces 661 ont
bien quitté la France. Soit quelque
230 (233 au vu des chiffres, 231 se-
lon le ministre) clandestins restant
à expulser. Le 13 octobre, Gérald
Darmanin indiquait que sur ces
231 expulsables, 180 étaient incar-
cérés. Pour ceux-là, « consigne a
été donnée » pour une expulsion
dès leur sortie de prison, insistait
le ministre.
Agir en extrême urgence
Restent donc, pour les expulsa-
bles, 51 étrangers en situation irré-
gulière et non incarcérés. Diman-
che, deux jours après l’horreur de
Conflans, le ministre de l’Intérieur
a demandé aux préfets d’agir en
extrême urgence. Avec un petit
bémol : encore faut-il que leur ter-
re natale accepte d’accueillir ces
bombes à retardement. La semai-
ne dernière, Gérald Darmanin a
demandé au Maroc de récupérer
neuf de ses ressortissants sans pa-
piers inscrits au FSPRT. Des dé-
marches similaires sont adressées
à l’Algérie, à la Tunisie, à d’autres
pays encore. Peu enthousiastes à
l’idée de voir arriver des individus
souvent dangereux alors qu’ils
font face eux-mêmes au terroris-
me islamiste… Et encore faut-il
prendre en compte les étrangers
en situation irrégulière repérés
pour leur radicalisation « à carac-
tère terroriste » mais non expulsa-
bles en l’état du droit car venant
de pays en guerre ou susceptibles
d’être soumis à des mauvais trai-
tements dans leur pays d’origine.
On peut toutefois imaginer
qu’après un effort suivi des servi-
ces de l’État, une bonne partie de
ces fous de Dieu « clandestins »
partiront. Restera ensuite à pour-
suivre la lutte contre les prêcheurs
de haine étrangers en situation ré-
gulière. En l’état du droit, leur ex-
pulsion est encore plus compli-
quée. Elle demande un travail
important et minutieux des servi-
ces de renseignement et pose tou-
jours de gros problèmes (comme
l’impossibilité pour lesdits servi-
ces de révéler leurs sources à la
partie adverse). Il faut ainsi de
longs mois pour parvenir à évincer
des individus dont certains vivent
en France depuis des décennies et
y propagent l’islam radical. Ainsi
de l’imam marseillais El Hadi
Doudi qui, islamiste ayant fui l’Al-
gérie dans les années 1980, était
devenu des années durant une ré-
férence du salafisme dans toute la
région. Il a finalement quitté la
France en 2018 après une longue
procédure. Avec une simple ques-
tion après la décapitation vendredi
d’un professeur de collège amou-
reux de la liberté : combien de
Doudi restent-ils à expulser ? ■
L’inspection académique des Yveli-
nes a immédiatement prévenu l’en-
seignant de l’existence de ces vidéos
diffamatoires, lui a témoigné tout le
soutien et lui a recommandé de por-
ter plainte. »
Mais la situation dans laquelle se
trouvait Samuel Paty ne justifiait-
elle pas une protection policière ?
C’est la question que les professeurs
se posent aujourd’hui, au vu des
interrogations qui planent encore
sur le déroulé des faits. « Comment
un collège peut-il recevoir un père
accompagné d’un inconnu, qui n’est
en réalité par un inconnu, mais un
individu fiché S (Abdelhakim Se-
frioui, qui a accompagné le père
d’élève pour se plaindre de l’attitu-
de du professeur auprès de la prin-
cipale, NDLR) ? interroge Jean-Ré-
mi Girard. Qu’a fait l’inspecteur de
Valeurs de la République ? Qu’a-t-il
mis en place ? Alors que les vidéos
circulaient, pourquoi s’est-on limité
à une plainte ? C’est probablement
en comprenant ce qu’il s’est passé
qu’une réponse adaptée pourra être
apportée », ajoute-t-il. Pour com-
prendre l’enchaînement des faits
au sein de l’Institution, le ministre
de l’Éducation nationale, a d’ores
A
et déjà demandé l’ouverture d’une
enquête de l’inspection générale. ■
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

6 L'ÉVÉNEMENT
L’exécutif
veut mieux
encadrer les
plateformes
Certaines dispositions de la loi Avia,
retoquée par le Conseil
constitutionnel, pourraient être
intégrées au texte sur le séparatisme.
MATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd
ET INGRID VERGARA £@Vergara_i
DIMANCHE soir, lors du Conseil de
défense et de sécurité nationale, le
président de la République a réaffir-
mé sa volonté d’aller plus loin dans
la régulation des contenus haineux
en ligne, et notamment sur les ré-
seaux sociaux, qui ont joué un rôle
important dans le drame de Con-
flans-Sainte-Honorine. « Il a été
décidé d’intensifier l’action de détec-
tion et de veille sur les plateformes en
ligne et les mécanismes de riposte,
face aux appels à la violence », indi-
que l’entourage du chef de l’État.
Depuis lors, le gouvernement s’ac-
tive pour tenter de mettre en place
rapidement de nouveaux outils qui
permettent de lutter contre ce que
l’exécutif dénomme désormais « le
cyberislamisme ». Certaines des
mesures contenues dans la proposi-
tion de loi de la députée de la majo-
rité Laëtitia Avia constituent une
base de réflexion. Le texte de la ma-
croniste voulait contraindre les pla-
teformes à retirer sous 24 heures les
contenus « manifestement illicites »
signalés, sous peine de lourdes
amendes. Votée au Parlement, la loi
très controversée avait été très lar-
gement censurée en juin par le
Conseil constitutionnel, qui pointait
un risque d’atteinte aux libertés in-
dividuelles. Les Sages ont considéré
en effet que les plateformes ris-
quaient de supprimer des contenus
« qu’ils soient ou non manifestement
illicites » pour éviter toute sanction
financière. « Il y a un équilibre à
trouver entre le texte initial et la
position du Conseil constitutionnel »,
indique l’Élysée.
Obligation de moyens
Plusieurs options sont ouvertes, la
Chancellerie, Beauvau et le secré-
tariat au Numérique travaillent de
concert pour améliorer la détec-
tion et permettre la répression.
« Les réflexions portent aussi sur
comment protéger les enseignants
et plus largement les personnes dé-
positaires de l’autorité publique
pour éviter que leur nom ne soit jeté
en pâture sur internet, y compris
lorsqu’il n’y a pas forcément d’appel
La plateforme à la haine ou à la violence », ajoute
de signalement l’entourage du premier ministre.
Pharos a reçu plus « Il n’est pas impossible que la loi
de 500 signalements Avia revienne sur la table », pour-
en lien avec l’assassinat suit-on de même source. Certaines
de Conflans-
dispositions comme l’obligation de
Sainte-Honorine.
JEAN-CHRISTOPHE
moyens fixée aux plateformes pour
MARMARA/LE FIGARO la notification et le traitement de
contenus signalés, ou le blocage de
« sites miroirs » (des sites repre-
nant tout ou partie d’un site déjà
interdit par une autorité judiciaire)
pourraient être repris et intégrés
au projet de loi de lutte contre le
séparatisme, qui sera présenté en
décembre. « Tout doit se faire en
cohérence avec le Digital Service
Act », précise-t-on au gouverne-
ment. La Commission européenne
présentera à la fin de l’année cet
ambitieux projet de texte visant à
réguler les grandes plateformes
numériques sur un large éventail
de pratiques. Un volet sera consa-
cré à leurs obligations en matière
de lutte contre les contenus illé-
gaux et de désinformation, avec
des sanctions à la clé « proportion-
nées aux dommages créés », précise
Thierry Breton, le commissaire au
Marché intérieur.
Pour leur défense, les réseaux so-
ciaux font valoir les lourds investis-
sements consentis et les progrès
réalisés en matière de détection et
de modération ces dernières an-
nées. C’est l’argument que les re-
présentants français de Facebook,
Instagram, Google, Twitter, Snap-
chat et TikTok, devraient faire va-
loir mardi face à Marlène Schiappa,
la ministre déléguée en charge de la
Citoyenneté qui les a convoqués à
9 h 30 au ministère de l’Intérieur, en
présence du cabinet du garde des
Sceaux, Éric Dupond-Moretti.
Lundi, Marlène Schiappa a
échangé avec les enquêteurs de
la plateforme de signalement Pha-
ros, qui a reçu plus de 500 signale-
ments en lien avec l’assassinat
de Conflans-Sainte-Honorine. De-
puis le début de l’année, plus de
3 000 contenus terroristes ont été
retirés et 1 000 sites déréférencés
grâce à Pharos. « Les plateformes
viennent de payer leur irresponsabi-
lité car elles engagent la liberté d’ex-
pression à un niveau plus élevé que le
nôtre, pointe un conseiller proche
du dossier. Il y a des verrous à faire
sauter. » Un premier train d’an-
nonces doit être dévoilé dans la se-
maine, probablement lors du
compte rendu du Conseil des mi-
nistres, mercredi. ■

Responsabiliser les Gafa en leur appliquant le même statut que les médias
ANALYSE
Enguérand Renault
erenault@lefigaro.fr
VOULOIR à tout prix rafistoler une loi
Avia, largement critiquée par les médias
et censurée par le Conseil constitution-
nel, mène à l’impasse. Car empiler des
textes qui tentent de contraindre les ré-
seaux sociaux à faire eux-mêmes la poli-
ce des propos haineux, c’est oublier que
ces mêmes acteurs sont juridiquement
irresponsables. Ils sont, en effet, proté-
gés par un statut de simple hébergeur
des contenus qui circulent sur leurs ré-
seaux. Ce statut a été défini à la fin des
années 1990, aux temps des premiers
balbutiements d’internet.
Aux États-Unis, la section 230 et en
Europe la directive e-commerce, leur
garantissent une sorte d’impunité. Mais
aujourd’hui, des deux côtés de l’Atlanti-
que, un consensus est en train de naître.
La meilleure manière de réguler les
propos haineux sur les réseaux sociaux
serait de leur appliquer le même régime
de responsabilité a priori que les
médias ; celui d’éditeur de contenus.
Ce statut stipule que lorsqu’un média
publie un propos haineux ou diffama-
toire, son éditeur est automatiquement
responsable.
L’application des mêmes règles de
responsabilités entre médias et réseaux
sociaux est devenue indispensable. Car
en vingt ans, le numérique a changé la
donne. En 1996, quand la loi américaine
Communications Decency Act créait la
section 230, ni Facebook, ni Twitter, ni
YouTube n’existaient.
Agir pour la génération Z
Aujourd’hui, un sondage mené par Poli-
tico auprès de la génération Z - celle née
précisément après 1995 - souligne que
ces jeunes s’informent principalement
sur les réseaux sociaux. Ils sont 39 % à
aller au moins une fois par jour s’infor-
mer à propos des élections américaines
sur YouTube, 33 % sur Instagram, 27 %
sur Snapchat, 25 % sur Facebook et 21 %
sur Twitter… et seulement 5 % sur les si-
tes des journaux et 14 % sur les chaînes
de télé. Quand on informe ainsi large-
ment la jeunesse, il est inconcevable de
revendiquer le fait d’être irresponsable !
À la suite d’une de ses colères contre
Twitter, Donald Trump a décidé de ré-
former la fameuse section 230. Le 15 oc-
tobre, Ajit Pai, le Chairman de la Federal
Communications Commission (FCC), a
indiqué qu’il était résolu à mener à bien
cette réforme. « Le gouvernement fédé-
ral a exprimé de sérieuses préoccupations
au sujet de l’interprétation qui prévaut de
l’immunité énoncée à la section 230 », a-
t-il déclaré. Google, Twitter et Face-
book seront auditionnés, le 28 octobre,
par les sénateurs américains sur ce
sujet. Si l’initiative vient de Donald
Trump, la réforme du texte était aussi
demandée par le sénateur Bernie San-
ders, qui estime que « les plateformes ne
devraient pas être exonérées de leurs
responsabilités lorsqu’ils accréditent des
contenus qui encouragent et facilitent la
violence ».
En Europe, la nouvelle Commission
estime aussi qu’il est temps de réformer
la directive E-commerce, qui date de
vingt ans. La future directive Digital
Service Act, qui sera présentée à la fin
de l’année, prévoit elle aussi de respon-
sabiliser les plateformes les plus puis-
santes.
Les Gafa tentent de résister à cette
pression en arguant de la défense de la
liberté d’expression. Mais, déjà, Face-
book et Twitter serrent de plus en plus
les vis de leur politique de modération.
Encore un pas, et les Gafa devront ac-
cepter de basculer du côté des médias. ■

Trop laxiste ou trop zélé, Twitter entre deux feux sur la modération
SAMUEL KAHN £@centralpilote
TWITTER est sur la corde raide. Ac-
cusé par plusieurs associations
françaises de ne pas empêcher la
diffusion de discours de haine, il es-
suie également les critiques d’une
partie de la classe politique améri-
caine, qui estime que ce réseau so-
cial censure les voix républicaines.
En cause, la politique de modéra-
tion du réseau social, laxiste pour
les premiers, trop stricte et orientée
pour les seconds.
Lundi, la justice française a or-
donné à Twitter d’engager une mé-
diation avec quatre associations
françaises, l’Union des étudiants
juifs de France (UEJF), SOS Homo-
phobie, SOS Racisme et J’accuse.
Depuis le mois de mai, elles récla-
ment un bilan complet des moyens
de modération de la plateforme.
Cette expertise viserait à mieux
comprendre la façon dont Twitter
modère ses contenus. Les plai-
gnants invoquent la loi de 2004
pour la confiance dans l’économie
A
dont ils limitent la diffusion de
contenus illicites. Ils citent égale-
ment une étude selon laquelle le
nombre de contenus haineux pos-
tés sur Twitter a progressé de 43 %
pendant le confinement. Twitter
n’en aurait supprimé que 1 sur 10.
De son côté, Twitter distille les
informations au compte-gouttes
dans son « centre de transparen-
ce », dont les derniers chiffres da-
tent de 2019.
Si la demande des associations
aboutit, Twitter sera forcé de four-
nir toutes les informations néces-
saires à une meilleure compréhen-
sion de ses outils de modération.
Pour éviter cela, le réseau social a
huit jours pour se mettre d’accord
avec elles.
« Une passivité coupable »
L’audience, qui s’est tenue trois
jours après l’attentat de Conflans, a
commencé par une minute de silen-
ce en hommage à sa victime, Sa-
muel Paty. Son meurtre résonne
particulièrement, puisque le terro-
riste aurait été inspiré par des mes-
présidente de l’UEJF, Noémie Ma-
dar, il y a un lien direct entre cette
attaque et la façon dont Twitter mo-
dère ses contenus. « Les mots ar-
ment les terroristes, accuse-t-elle.
Les auteurs des vidéos sont-ils complices ?
Peut-on considérer moment le père de famille
que Brahim Chnina n’appelle, même
et Abdelhakim Sefrioui, implicitement, à s’en prendre
par leurs vidéos, sont au professeur. On est
complices de l’assassin de en présence d’une difficulté
Samuel Paty ? Juridiquement, juridique », décrypte l’expert.
rien n’est moins sûr. « D’un Tout au plus aurait-il pu être
point de vue criminologique, poursuivi « pour diffamation
il y a une forme de complicité ou pour injure », ayant traité
par incitation. Mais Samuel Paty de « voyou »
juridiquement, cela sera dans une vidéo, avance
difficile à prouver », Didier Rebut. Mais
commente Didier Rebut, la procédure s’effondre
professeur de droit pénal avec la mort du professeur.
à Paris-II et membre du Club « Le principe de base, c’est
des juristes. Pour déterminer la liberté d’expression. Il n’y a
qu’un individu est impliqué pas de texte qui sanctionne
dans un crime, le droit exige ce genre de propos,
une causalité directe, quand bien même il serait
Les grandes plateformes ont la res-
ponsabilité de supprimer les contenus
qui peuvent les inciter à passer à
l’acte. Il y a une forme de passivité
coupable de Twitter sur ce sujet. »
une campagne de ce type
et diffuser des vidéos »,
confirme Me Anthony Bem,
spécialiste du droit
de l’internet.
« Le père a été malin, peut-
être sans le savoir, en ne
prononçant aucun mot
qui l’aurait fait entrer
dans le délit », ajoute-t-il.
Les juristes interrogés
s’accordent à dire que cet
épisode souligne à quel point
le droit français doit être
mis à jour, à l’heure où les
réseaux sociaux et internet
ont changé notre manière
de s’exprimer. Circonscrire la
liberté d’expression en ligne
De l’autre côté de l’Atlantique,
c’est exactement le contraire qui
est reproché au réseau social.
Twitter a limité la diffusion d’un
article du New York Post visant le
fils du candidat démocrate, Joe Bi-
den. Facebook a pris une décision
similaire.
Foudres des républicains
Pour justifier son choix, Twitter a
argué que des informations conte-
nues dans l’article avaient été obte-
nues grâce à un piratage, ce qui
contrevient aux règles d’utilisation
du réseau social. Il est finalement
revenu sur sa décision, mais le
compte Twitter du New York Post
reste verrouillé à ce jour.
Cela lui a attiré les foudres
d’élus républicains, qui accusent
l’entreprise de censurer injuste-
ment des informations favorables
à leur bord politique. Le Sénat,
majoritairement républicain, doit
voter ce mardi pour assigner le
PDG de Twitter, Jack Dorsey, et
celui de Facebook, Mark Zucker-
berg, à comparaître devant la

numérique, qui impose aux héber- sages lus sur Twitter et a revendiqué indéniable. « Ici, à aucun extrémiste. On peut mener leur paraît inévitable. W. G. B. Chambre. L’audition devrait se te-
geurs de communiquer sur la façon son acte sur la plateforme. Pour la nir vendredi. ■

Le parcours du terroriste se précise
L’entourage du jeune Tchétchène avait repéré sa radicalisation. L’enquête tente de déterminer des complicités.
JEAN CHICHIZOLA
UN TERRORISTE qui semble se ré-
véler de moins en moins solitaire et
un État qui décide de harceler la
mouvance de l’islam radical et no-
tamment ceux qui se sont réjouis de
la décapitation de Samuel Paty.
L’enquête sur l’attentat du 16 octo-
bre a continué à progresser. Quinze
personnes étaient toujours placées
en garde à vue lundi. Parmi elles,
trois groupes distincts.
Le premier est constitué des pro-
ches du terroriste Abdoulakh Anzo-
rov : ses parents, son grand-père,
l’un de ses frères âgé de 17 ans, et
quatre de ses relations à Évreux. Au
cœur des interrogatoires de ce pre-
mier groupe : la radicalisation du
jeune Tchétchène, son projet et son
passage à l’acte. Les gardés à vue ex-
pliquent qu’il a exprimé sa colère.
Une de ses relations reconnaît l’avoir
conduit en région parisienne en voi-
ture, l’autre l’avoir accompagné
pour l’achat d’un couteau qu’on a
retrouvé en possession du terroriste
le 16 octobre. C’est avec cette arme
qu’il a foncé sur les policiers avant
d’être tué. Une bonne partie de ces
personnes reconnaissent avoir repé-
ré une radicalisation au cours des
derniers mois. Mais nient avoir eu
La famille Anzorov d’abord déboutée
de l’asile à cause d’un « récit stéréotypé »
JEAN-MARC LECLERC £@leclercjm
« RÉCIT STÉRÉOTYPÉ ». C’est la
formule employée par un magistrat
pour expliquer pourquoi le père du
« décapiteur » de Conflans-Sainte-
Honorine s’était d’abord vu refuser
le statut de réfugié par l’Office fran-
çais pour la protection des réfugiés
et des apatrides (Ofpra), le 19 no-
vembre 2010, avant que la Cour na-
tionale du droit d’asile (CNDA) ne
lui accorde, en appel, cette protec-
tion internationale, le 25 mars 2011.
« Par ricochet », explique ce magis-
trat, son fils a pu bénéficier du sta-
tut de réfugié et obtenir, de façon
automatique, une carte de séjour de
dix ans, en mars dernier, à sa majo-
rité. Abdoulakh Anzorov était né à
Moscou le 12 mars 2002.
« La logique de l’Ofpra est simple,
explique un connaisseur : quand une
demande d’asile est déposée, le par-
cours personnel du demandeur est
croisé avec la situation dans son pays
d’origine. » Cette source explique :
« La famille Anzorov a quitté la Tchét-
chénie dès juin 2007. Or, entre 2007 et
2011, la situation en Tchétchénie était
effectivement explosive et les deman-
des d’asile des ressortissants de ces
territoires étaient nombreuses. »
Selon les chiffres publiés par le
Forum réfugiés dans son dernier
« état des lieux » sur l’asile, en 2010,
plus de 2 425 Russes ont déposé une
demande d’asile en France (le
contingent de demandeurs russes le
plus élevé depuis vingt ans) et 2 206
l’année suivante. Sur ces milliers de
Russes réclamant l’application de la
Convention de Genève, « 40 %
étaient, à l’époque, originaires de
Tchétchénie », se souvient un juge
de l’asile. Et le taux de protections
accordées à ces personnes était
alors très élevé : 45 % en 2010 et en
2011. Alors que le taux moyen d’ac-
cord, tous pays confondus, était,
E AU
UV
NO
connaissance d’un projet d’attentat.
Second groupe de gardés à vue : les
inspirateurs présumés, directs ou in-
directs, en la personne du père de fa-
mille ayant porté plainte et dénoncé
un professeur « voyou » et de ses
deux acolytes, l’islamiste Abdelha-
kim Sefrioui et son épouse. Selon
BFMTV, le terroriste a tenté d’entrer
en contact avec les deux hommes
pour demander des détails. Sans
qu’on sache si le lien a été établi. Une
quatrième personne peut être ratta-
chée à ce groupe. Il s’agit d’un indi-
vidu déjà condamné pour des faits de
terrorisme et qui a déclaré spontané-
ment aux enquêteurs avoir été en
contact avec Abdoulakh Anzorov. Ce
qui semble ancrer davantage le dé-
funt dans une mouvance islamiste
radicale.
Analyse du téléphone
Enfin, et dans un tout autre registre,
quatre collégiens étaient également
en garde à vue lundi. Ils doivent
s’expliquer sur les conditions dans
lesquelles le tueur aurait donné de
l’argent à certains d’entre eux pour
qu’ils lui désignent le professeur
dont il avait déjà le nom.
Le parcours terroriste d’Abdou-
lakh Anzorov se précise donc. Celui
d’un radicalisé d’Évreux sans lien
apparent avec Conflans-Sainte-Ho-
ces années-là, respectivement de
27,4 % et 25,3 %.
Les Tchétchènes avaient donc
presque deux fois plus de chance
d’obtenir l’asile en France que la
moyenne des étrangers deman-
deurs du statut de réfugié.
Seulement voilà : malgré ce
contexte favorable, l’Ofpra, après
audition du père Anzorov, n’a pas
donné crédit à son récit. « L’Office
n’a pas cru qu’il était, comme il le
prétendait, persécuté en Tchétché-
nie », explique un haut fonctionnai-
re du ministère de l’Intérieur.
Tentative en Pologne
Le père d’Abdoulakh Anzorov dé-
clarait pourtant craindre des persé-
cutions s’il devait rentrer dans son
pays. Il prétendait avoir apporté son
soutien à des combattants en guerre
au Caucase russe. Il disait notam-
ment avoir hébergé cinq combat-
tants et leur avoir servi de chauffeur
à trois reprises, à la demande d’un
« cousin ». Par la suite, il aurait, se-
lon lui, été dénoncé aux autorités
prorusses, kidnappé, enfermé,
norine mais qui décide de mener son
djihad en connexion avec d’autres
radicaux sur les réseaux sociaux. Sur
ce point, l’analyse de son téléphone
portable et des comptes internet
prend une dimension essentielle.
Selon une source proche du dossier,
on n’aurait pas ou pas encore décou-
vert de documents liés à Daech dans
son téléphone. En revanche son
maltraité durant une semaine en
juillet 2005. Ses tourmenteurs
étaient masqués, armés, en tenue
paramilitaire, selon lui. Il n’aurait
dû sa libération qu’au versement
d’une rançon.
Il a ensuite relaté un autre épisode
quand, en avril et mai 2007, il lui
aurait été demandé à deux reprises,
par des hommes en uniforme, selon
lui, de se rendre dans un poste de
police pour y être interrogé. Une
chose est sûre : il prend le large avec
sa famille le 9 juin 2007 pour rejoin-
dre le « pays des droits de l’hom-
me ». L’Ofpra a douté de ses dires.
Et avant elle, son équivalent en Po-
logne, où le père Anzorov avait ten-
té sa chance une première fois en
2005.
Mais la CNDA a estimé, elle, en
formation collégiale, à trois juges
donc, que l’intéressé craignait
« avec raison » d’« être persécuté en
cas de retour dans son pays ». Elle ne
pouvait alors imaginer le funeste
destin de cette famille entrée dans
l’actualité, au détour d’un acte bar-
bare que nul n’a su prévenir. ■
Un personnage hors normes réincarné en président des États-Unis, en homme le plus puissant du monde !
Un scénario invraisemblable que l’Histoire retiendra de toutes les manières.Toutes les clés pour comprendre
12,90
180 pages
L'ÉVÉNEMENT
Véhicule de police compte Twitter, créé à l’été 2020,
à Éragny, ville proche révèle une radicalisation ascendan-
de Conflans-Sainte- te. En juillet 2020, ce compte
Honorine, le 16 octobre. @Tchetchene_270 administré par
Quinze personnes « al Ansar » fait l’objet de deux si-
sont actuellement
gnalements à la plateforme Pharos
en garde à vue dans
le cadre de l’enquête sur (Plateforme d’harmonisation,
l’assassinat de Samuel d’analyse, de recoupement et
Paty. A. EASSA/AFP d’orientation des signalements) du
ministère de l’Intérieur. Dans ses
Procès « Charlie » :
la mauvaise histoire
belge d’un accusé
STÉPHANE DURAND-SOUFFLAND
sdurandsouffland@lefigaro.fr
AU PROCÈS des attentats de jan-
vier 2015, le président vient de ren-
dre hommage à Samuel Paty, pro-
fesseur assassiné pour avoir montré
en classe des caricatures de Maho-
met. Il invite Metin Karasular à se
lever. Ce Belge d’origine turque est
accusé d’avoir fait partie du réseau
logistique d’Amedy Coulibaly, en ce
qui concerne la fourniture d’armes
pour ces attaques.
Si les circonstances n’étaient pas
dramatiques, on s’amuserait.
M. Karasular est de ces individus
qui donnent l’impression de mentir
La famille d’Abdoulakh
Anzorov réside comme ils respirent. De surcroît,
à Évreux (Eure). plus il s’explique, moins on le com-
Elle a obtenu prend. Invité à relater comment il
le droit d’asile en 2011. avait rencontré l’un de ses coaccu-
PHILIPPE LAVIEILLE/ sés, Ali Polat, très proche de Couli-
PHOTOPQR/ baly et résidant en région parisien-
LE PARISIEN/MAXPPP ne, il déclare : « Il s’est présenté à
mon garage car sa voiture était en
panne. » Le coup de la panne aux
assises, c’est assez rare. Et de dé-
peindre Ali Polat en colporteur dé-
bonnaire désireux d’acheter des
dattes en Belgique, pays connu pour
l’excellence de sa production, afin
de les revendre en France pendant
le ramadan. Le reste est du même
tonneau.
Metin Karasular affirme que
l’abus de cannabis l’a rendu amné-
sique. Mais il n’a pas oublié ses
convictions humanistes : « Les ter-
roristes, qu’ils crèvent ! Faut pas me
parler de ces gens. Ils sont musul-
mans, ces chiens-là ? Vous ne pensez
pas que je savais ce qu’ils allaient
faire, ces fils de p… et que j’aurais
rien dit ? »
L’accusé s’enflamme car un as-
sesseur, Stéphane Duchemin, le
PRÉSENTE
ce phénomène inédit et les enjeux des élections américaines…
EN VENTE ACTUELLEMENT
chez tous les marchands de journaux et sur www.figarostore.fr
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
7
deux messages, Anzorov promou-
vait le djihad contre la Chine et en
Afghanistan. Un contenu ne justi-
fiant pas, en l’état de la législation et
de la bonne volonté des réseaux so-
ciaux, une fermeture du compte.
Dans la France de 2020, où la réalité
est que de tels messages sont légion,
aucune surveillance n’est engagée.
Le 27 juillet, la Licra signale un
contenu antisémite mais à Twitter-
Support et pas à Pharos qui n’en
aurait pas eu connaissance.
Enfin quand, fin août, Anzorov
publie une décapitation mise en scè-
ne, la chose n’aurait pas fait l’objet
d’un signalement et le compte n’est
toujours pas surveillé. Reste à savoir
si certains de ses interlocuteurs sur
Twitter étaient, eux, surveillés.
Autant d’éléments qui démontrent
une nouvelle fois la responsabilité
des réseaux sociaux dans la propa-
gande islamiste. Dans le week-end,
Pharos a reçu des dizaines de signa-
lements dénonçant des comptes se
réjouissant de la décapitation de Sa-
muel Paty. Plus de 80 enquêtes ont
été ouvertes. Les 34 opérations de
police réalisées lundi visaient no-
tamment certaines de ces person-
nes. Par ailleurs, le ministre de l’In-
térieur a annoncé lundi la fermeture
de la mosquée de Pantin qui avait re-
layé la vidéo visant Samuel Paty. ■
soumet à un remarquable interro-
gatoire. Il rappelle qu’on a trouvé à
Charleroi, dans son « garage » - les
guillemets s’imposent, car M. Kara-
sular, expert ès tripots, admet qu’il
n’y entend rien en mécanique - des
éléments compromettants : une liste
de sa main, répertoriant plusieurs
types d’armes et des tarifs. Une
autre, de la main de M. Polat, sur le
même thème. Il avait aussi reçu un
virement de 1 434 euros, correspon-
dant, quel hasard, au prix d’un pis-
tolet Tokarev. Plusieurs armes ont
été découvertes, dissimulées sur le
toit du « garage », à la grande sur-
prise du propriétaire. Il oppose des
arguments dont la faible crédibilité
est renforcée par une surabondance
de serments théâtraux (« que je
meure si je mens », « sur la tombe de
ma mère », « sur la tête de mes six
enfants », etc.).
Rencontre avec Coulibaly
Metin Karasular, délinquant belge
de médiocre envergure, a-t-il ac-
cepté de trouver des armes pour
MM. Coulibaly et Polat, venus le
rencontrer à Charleroi, le premier
se comportant en chef redouté du
second ? Une voiture obtenue via
une escroquerie a-t-elle servi de
monnaie d’échange ? Possible. Mais
le faux garagiste savait-il à qui il
avait affaire ?
Ses connaissances en matière re-
ligieuse semblent succinctes - « Je
ne suis pas pratiquant, que Dieu me
pardonne. » Il ne paraît se distinguer
ni par une intelligence supérieure,
qui n’est certes pas requise en l’es-
pèce, ni par une discrétion à toute
épreuve, autrement plus précieuse.
Ce qui lui a valu - voilà qui en dit
long sur l’état des prisons - « des
menaces » à Fleury-Mérogis, pour
avoir « balancé Coulibaly ». ■
A
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

8 L'ÉVÉNEMENT
Bellamy : « Les fleurs et les bougies
n’ont jamais gagné une guerre » François-Xavier Bellamy,
en janvier 2019.
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/
LE FIGARO

L’eurodéputé dénonce la « vacuité » du projet

de loi sur le séparatisme et invite les
musulmans à « choisir pleinement » la France.
PROPOS RECUEILLIS PAR
EMMANUEL GALIERO egaliero@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Que dit l’assassinat
de Samuel Paty sur la société française
face au terrorisme islamiste ?
François-Xavier BELLAMY. - Elle dit ce
que nous savions déjà : la liberté est
profondément menacée. Après des mili-
taires, des journalistes, un prêtre, assas-
sinés pour ce qu’ils incarnaient, c’est
au tour d’un professeur, mort d’avoir
fait son métier : tout ce qui a fait la France
est ciblé.
Les Français doivent-ils se résigner
à vivre des cycles récurrents de colère,
d’indignation et de recueillement ?
C’est par cette répétition que l’islamisme
veut asphyxier la liberté. 40 % des pro-
fesseurs déclaraient récemment à l’Ifop
s’autocensurer pour éviter des inci-
dents… Comment attendre d’eux qu’ils
prennent le risque d’enseigner normale-
ment quand la moindre susceptibilité
tout : nos libertés, notre conscience,
notre silence, et il viendra nous chercher
si nous le lui refusons. Le gouvernement
croit combattre un scénario de « sépara-
tion », parce qu’il persiste dans l’illusion.
Et c’est bien ce dont témoigne la vacuité
de ce projet de loi sur le séparatisme.
Gérald Darmanin ne vient-il pas d’exiger
l’expulsion de 231 radicalisés ?
C’est son travail élémentaire ! Pourquoi
faut-il attendre qu’un professeur soit dé-
capité pour « expulser des expulsables » ?
Cette annonce révèle seulement l’am-
pleur de l’incurie générale… Comment se
fait-il que des imams étrangers puissent
“ Le politique n’a pas
à s’immiscer dans
continuer de prêcher la haine de la Fran-
un débat sur la nature
ce sans être arrêtés ? Que si peu de mos- de l’islam. Le premier
quées salafistes soient fermées ? Nous rôle du gouvernement,
avons vu le rôle joué par la mosquée de c’est simplement
Pantin dans le lynchage de Samuel Paty,
et l’écosystème islamiste qui y évolue : de faire appliquer la loi
comment se fait-il qu’elle soit encore en pas épouser notre culture, nos lois et no- de parler de nos racines chrétiennes ? partout sur le territoire
activité ? tre goût de la liberté sont bien sûr libres L’urgence aujourd’hui, si nous voulons national
Comment jugez-vous la réaction
de la communauté musulmane ?
d’aller vivre dans des pays qui corres-
pondent à leurs aspirations.
vraiment éviter la fracturation commu-
nautariste de notre société, n’est pas
d’augmenter l’enseignement de l’arabe,
”
FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY

peut les conduire à être accusés d’isla-
mophobie, à subir le soupçon de leur
propre institution, à courir le risque de le
payer de leur vie ? Il est temps de se res-
saisir : nous avons non seulement le droit,
mais le devoir de défendre nos libertés, et
en particulier la liberté pédagogique, née
il y a des siècles avec les universités
médiévales en Europe. Cela suppose de
combattre et de prendre des risques : les
fleurs et les bougies n’ont jamais gagné
une guerre.
Vous appelez à une réaction
mais ne venons-nous pas d’entendre
un discours sur le séparatisme
promettant de nouvelles mesures ?
J’ai toujours pensé que le mot « sépara-
tisme » était une nouvelle version du déni
pour tenter de garder les yeux fermés sur
notre ennemi, qui a pourtant un nom très
clair : l’islamisme. Parler de « séparatis-
me », c’est se rassurer à bon compte en
La communauté musulmane est aussi le
terrain de jeu de cette bataille idéologi-
que. Il faudrait que tous les musulmans
de France disent sans équivoque leur
horreur devant ces crimes. Mais comme
dans le cas des menaces visant la jeune
Mila, bien des condamnations ressem-
blent à des excuses : après avoir dénoncé
l’idéologie qui avait conduit à l’assassinat
de Samuel Paty, j’ai vu fleurir de nom-
breux commentaires prétendant que
l’enseignant l’avait un peu cherché. Un
article dans vos colonnes a raconté com-
ment, le soir même de sa mort, bien des
jeunes devant son collège relativisaient
l’événement en lui prêtant une part de
responsabilité : « Il a insulté notre prophè-
te. » L’islamisme cherche à prendre en
otage la communauté musulmane : nous
devons mener le combat pour desserrer
l’étau qui pèse sur elle, mais cela suppose
aussi que les musulmans de notre pays
reconnaissent qu’ils ont un rôle à jouer.
Mais comment le politique peut-il régler
ce problème ?
Le politique n’a pas à s’immiscer dans un
débat sur la nature de l’islam. Le premier
rôle du gouvernement, c’est simplement
de faire appliquer la loi partout sur le ter-
ritoire national. Expulser les étrangers en
situation irrégulière, mettre un terme à la
fraude sociale, identifier et détruire les
réseaux de radicalisation, mener une lut-
te implacable aux trafics de drogue qui
gangrènent les quartiers et financent le
terrorisme : bref, arrêter de reculer. Et le
deuxième défi fondamental est celui de
l’éducation.
N’est-ce pas ce que dit le chef de l’État
en évoquant l’enseignement de l’arabe
ou la création d’un institut d’islamologie ?
Parce que des attentats ont eu lieu, l’État
devrait verser des millions d’euros pour
des chaires d’islamologie ? C’est un nau-
frage intellectuel. Comment Emmanuel
mais de garantir enfin l’enseignement du
français. Le vrai défi est de faire en sorte
que chaque jeune qui grandit en France
se sente français par la culture, la langue,
le sentiment d’appartenance, l’amour
d’un patrimoine commun et le même
émerveillement devant ce que notre pays
nous lègue.
De tels objectifs vous semblent-ils
accessibles ?
Peut-être est-il trop tard ; mais si nous
avons encore une chance de reconstrui-
re, alors cela vaut la peine de s’y donner
totalement. ■
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Lisibilité politique et viabilité

considérant que nos adversaires se
contenteront de cultiver les marges dans
lesquelles ils se sont imposés. L’islamis-
me ne veut pas rester aux marges. Il veut
Puisque c’est au nom de l’islam qu’on
tue, il leur appartient de dénoncer avec
force cette violence et de choisir pleine-
ment la France. Et ceux qui ne voudront
Macron peut-il affirmer que la civilisa-
tion musulmane « fait partie de la Fran-
ce », après avoir dit aux Bernardins en
2018 qu’il était hors de question pour lui
juridique des réponses

L
Prééminence des règles de la République : isibilité, rapidité, faisabilité :
ce sont les trois conditions
supplémentaire devra être inattaquable.
Reviennent ainsi dans le débat deux textes

les sénateurs « tendent la main » au pouvoir de toute réponse à la nouvelle

EMMANUEL GALIERO
egaliero@lefigaro.fr
LA BALLE est dans le camp du gouverne-
ment. Lundi soir, sans surprise, les séna-
teurs ont voté à l’unanimité, par 229 voix
pour, une proposition de loi visant à affir-
mer la prééminence des règles de la Ré-
publique dans la Constitution. Cette ini-
tiative discutée une première fois en
commission des lois en 2015 et relancée
en février, a pris une nouvelle dimension
après la tragédie de Conflans-Sainte-Ho-
norine. « Si l’Assemblée n’y fait pas obsta-
cle - car elle détient ici le pouvoir d’empê-
cher - c’est le peuple français lui-même qui
proclamera ce nouveau principe constitu-
tionnel en se prononçant par référendum »,
a souligné le sénateur de la Manche Phi-
lippe Bas, initiateur du projet avec le sou-
tien de la majorité sénatoriale.
Cette proposition contient deux arti-
cles dont le but est de consolider le res-
pect des valeurs républicaines. Le pre-
mier propose l’écriture du principe
simple selon lequel « nul individu ou nul
groupe ne peut se prévaloir de son origine
ou de sa religion pour s’exonérer de la rè-
gle commune ». Le second article prévoit
de priver les partis politiques commu-
nautaristes de financements publics en
cas de non-respect de la laïcité.
Une fois la haie sénatoriale franchie, le
parcours de ce texte est loin d’être termi-
né. Il devra d’abord être adopté dans les
mêmes termes à l’Assemblée, puis, si
c’est le cas, passer par un référendum.
« Ce n’est pas un chemin pavé de roses mais
un référendum donnerait à ce texte une
force particulière », reconnaît Hervé Mar-
seille. Le président du groupe Union cen-
triste veut croire qu’après « l’événement
pathétique » lié à l’assassinat d’un ensei-
gnant, le gouvernement étudiera avec
attention la proposition des sénateurs.
« C’est l’épreuve de vérité »
Pour Bruno Retailleau, le pouvoir a l’oc-
casion de prouver la réalité de ses inten-
tions. « C’est l’épreuve de vérité pour le
gouvernement. Nous voyons qu’il montre
les muscles depuis quelques jours mais tant
que nous n’écrirons pas cette règle au som-
met de la hiérarchie des normes juridiques,
nous aurons des faiblesses. C’est une occa-
Philippe Bas, sénateur LR de la Manche,
a initié le projet avec le soutien
de la majorité sénatoriale.
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
sion de faire l’unité nationale et d’écouter
l’opposition. Que le gouvernement prenne
la main qu’on lui tend », propose le prési-
dent du groupe LR. Le sénateur de la
Vendée veut croire que la PLC puisse être
adoptée au printemps si rien ne s’y oppo-
se. Et compte tenu de la gravité de la
situation, il est favorable à la voie réfé-
rendaire. « Le référendum est de droit dans
le cadre d’une proposition de loi constitu-
tionnelle. Et aujourd’hui, le peuple français
attaque islamiste. En affichant
dès lundi matin sa ferme intention
d’obtenir la dissolution du CCIF,
le Collectif contre l’islamophobie
en France, Gérald Darmanin a frappé fort.
Jointe à des démarches immédiates
contre des associations suspectes
de complicité avec l’islam radical,
cette annonce exprime à tout le moins
une détermination à ne pas perdre
de temps. C’est une première condition
de crédibilité. Il va aussi sur un terrain
où son opposition de droite donnait
rendez-vous au pouvoir actuel,
le mettant au défi de pas rester
dans le domaine de l’incantation.
Surtout, avec cette intention,
le ministre de l’Intérieur met le doigt
sur le nœud du problème. L’islamophobie
est en effet le prétexte officiel de tous ceux
qui dénient la réalité de la menace
et pour qui toute dénonciation du
radicalisme ou des tentations totalitaires
d’un islam politique n’est qu’une forme
déguisée d’un racisme anti-musulman.
S’en prendre au CCIF et, indirectement,
à un certain nombre de ses compagnons
de route objectifs (partis, syndicats
ou associations), c’est refuser la dictature
d’un discours idéologique interdisant
de s’attaquer concrètement à l’islamisme.
Rapidité, lisibilité, donc. Mais il reste
la troisième condition : la faisabilité.
Rien de pire en effet que des proclamations
votés au Parlement mais retoqués
par le Conseil constitutionnel et qui ont
peut-être privé l’État d’outils utiles :
la proposition de loi Avia sur la haine
en ligne et celle de Yaël Braun-Pivet,
la présidente de la commission des lois,
instaurant des mesures de sûreté contre
les auteurs d’infractions terroristes
à l’issue de leur peine. Double rendez-
vous manqué ? Il y aurait beaucoup à dire
sur le premier texte qui, dans
ses intentions premières, affichait
précisément sa volonté de combattre
« l’islamophobie » et non l’islamisme.
Mais traquer le second sur les réseaux
sociaux et pister des terroristes
à leur sortie de prison serait nécessaire.
On notera que dans les deux cas,
il s’agissait de propositions de loi d’origine
parlementaire qui, contrairement
aux projets de loi, issus du gouvernement,
ne sont pas passées par le tamis préalable
du Conseil d’État. D’où une faiblesse
juridique qui n’a pas échappé aux Sages
de la rue Montpensier. Peut-être faut-il
retoucher la Constitution elle-même
pour éviter qu’elle soit, à son insu, un frein
à l’action. C’est le sens du texte de la droite
sénatoriale (lire ci-contre). Rien ne serait
pire en effet qu’une volonté politique
bloquée pour insuffisance de garanties
ou de possibilités juridiques. Les ennemis
de la République en souriraient. ■

Les informés
doit être consulté car une guerre ne se mène
pas sans le peuple. C’est une question es-
sentielle », insiste Retailleau, convaincu
de Jean-François Achilli, du lundi au vendredi de 20h à 21h que la consolidation de la Constitution sur
ses valeurs républicaines est le moyen ef-
ficace d’envoyer un message clair aux ju-
ges et aux magistrats. Une manière forte
A
restant lettre morte faute d’assise
juridique. Dans le cas du CCIF, le ministre
de l’Intérieur s’appuie sur le relais
éventuellement apporté par cette
organisation aux dénonciations ayant
conduit à l’assassinat de Samuel Paty.
Mais cela devra être étayé avant

chaque mardi avecc d’affirmer que la France « ne transige plus de pouvoir passer aux actes. De même,
avec le concept de laïcité ». ■ tout arsenal répressif ou défensif
 LE FIGARO mardi 20 octobre 2020

INTERNATIONAL 9

Brexit : Bruxelles et Londres continuent de se jauger

Après les échanges tendus de la fin de semaine dernière, les négociateurs de l’UE et du Royaume-Uni se sont entretenus lundi.
ANNE ROVAN £@AnneRovan
CORRESPONDANTE À BRUXELLES
EUROPE Vont-ils enfin entrer dans le
dur ? Après les montées en température
et échanges d’amabilités des derniers
jours, Bruxelles et Londres tentaient lundi
de faire repartir les négociations. Le
temps presse puisque la période de transi-
tion s’achève au 31 décembre, dans dix
semaines donc.
Le matin se réunissait à Londres le co-
mité joint chargé de la bonne mise en
œuvre de l’accord de divorce et piloté
par le vice-président de la Commission
Maros Sefcovic et le ministre britanni-
que Michael Gove. L’occasion pour les
Européens de mettre, à nouveau, en
garde Londres sur le respect du protoco-
le irlandais.
L’après-midi, Michel Barnier et David
Frost, en charge de la négociation des re-
lations futures, essayaient de voir com-
ment organiser la suite des discussions
alors que les deux parties bloquent tou-
jours sur trois sujets : les règles de concur-
rence équitable, la pêche et la gouvernan-
ce de l’accord. Pas d’avancées majeures.
Bruxelles et Londres continuent de se jau-
ger et de se tester. Et, comme toujours, les
Britanniques ne sont pas les derniers à ce
jeu-là. Michael Gove a encore reproché
lundi aux Européens de ne pas avoir res-
pecté la date butoir du 15 octobre alors
qu’il est maintenant officiellement ques-
tion de se donner jusqu’à la fin octobre et
jusqu’à mi-novembre officieusement. « Il
n’y a aucun sens à continuer à négocier.
Tant que l’UE maintient sa position, de tel-
les discussions n’auront pas de sens », a-t-
il par ailleurs déclaré. Voilà pour la forme
toujours très tonique.
Sur le fond, il y a pourtant eu la volonté
de repartir du bon pied. Michel Barnier a
fait savoir que l’« UE restait disponible
pour intensifier les discussions à Londres
cette semaine, sur tous les sujets et sur la
base des textes juridiques ».
« Commedia dell’ arte »
Le négociateur en chef et ses équipes ont
toujours considéré qu’il ne servait à rien
d’avancer sur les textes juridiques s’il n’y
avait pas d’accord de fond sur les points
clés. Mais, c’était, de longue date, une de-
mande de Londres. Et Gove y a vu lundi
une petite victoire vis-à-vis de Bruxelles.
« Évidemment, nous devons nous assurer de
travailler sur la base de l’intensification
qu’ils proposent », a-t-il déclaré, chan-
geant ainsi de pied. « Je préfère regarder
vers l’avenir avec optimisme que regarder en
arrière avec colère », a-t-il ajouté. Du côté
des Européens, on se montre beaucoup
moins optimiste. « Cette histoire de textes
juridiques, c’est la commedia dell’arte »,
soupire une source européenne. Si Londres
et Bruxelles se disent désormais prêts à re-
prendre les discussions, reste à savoir à
quel moment ce sera possible. Les diver-
gences demeurent. Lundi soir, aucun ren-
dez-vous de négociations n’était program-
mé. Michel Barnier et David Frost doivent
se parler à nouveau par téléphone mardi. ■

Mingatchevir
et son barrage
à la merci des
tirs arméniens
En Azerbaïdjan, les habitants de cette
localité proche du Haut-Karabakh
soutiennent l’offensive de leur armée.
EMMANUEL GRYNSZPAN £@EmGryn
ENVOYÉ SPÉCIAL À MINGATCHEVIR (AZERBAÏDJAN)
CAUCASE Ce lundi, les habitants
de Mingatchevir ont deux thèmes
de discussion : la guerre et le Co-
vid-19. De l’horizon bouché par un
léger brouillard proviennent fré-
quemment des grondements. Le
son d’obus de gros calibre s’abat-
tant sur la plaine limitrophe du
Haut-Karabakh. Dimanche, les
confiance », tempête ce quadragé-
naire portant masque sous le nez. Il
fait référence à la trêve humani-
taire annoncée samedi soir à mi-
nuit, et qui n’a tenu que quelques
heures. Une pause destinée à per-
mettre aux deux camps de récupé-
rer les cadavres abandonnés sur le
champ de bataille. Voire d’échan-
ger les prisonniers, ce qui reste à
prouver étant donné la brutalité
extrême des deux camps. Les Ar-
méniens espéraient souffler, mais
Lundi, à une soixantaine
de kilomètres au sud
de Mingatchevir,
en Azerbaïdjan,
une usine de coton
a été détruite par
des bombardements
arméniens
neveu au front, près de Talysh, le
premier village arménien du Haut-
Karabakh capturé par l’armée
azerbaïdjanaise, la semaine der-
nière. « J’ai des nouvelles de lui par
ma sœur. On ne peut pas l’appeler
sur son portable, c’est
l’époque stalinienne. « Si le barrage
cède, tout le pays sera inondé, pas
seulement Mingatchevir », prédit-
elle en pinçant son masque sur le
nez, alors qu’un groupe d’hommes
sans masques approche son étal.
« Si les Arméniens ne font
précis, la digue peut céder. » Le
4 octobre, une roquette de type
Smerch s’était plantée dans le bi-
tume juste devant la centrale hy-
droélectrique, située sous le barra-
ge. Samedi dernier, à une heure du
matin, deux très fortes détonations

chocs étaient sporadiques, mais
lundi, c’est devenu un barrage
d’artillerie. Parfois jusqu’à dix im-
pacts par minute. Mingatchevir a
beau se trouver à 60 km des posi-
tions arméniennes les plus avan-
cées dans le Haut-Karabakh, ses
100 000 habitants entendent l’écho
des combats. Difficile de déter-
miner la nature ou les coordonnées
des cibles de l’artillerie. Le blocage
des réseaux sociaux et le contrôle
des médias gênent la circulation
des informations.
Comme ses voisins, le marchand
de journaux Vougar Ismaïlov
ignore d’où vient le vacarme des
explosions, mais conspue leurs
auteurs. « Les Arméniens ne res-
pectent jamais le cessez-le-feu. Il
est impossible de leur faire
Bakou a été clair dès l’annonce :
pas question de mettre fin à l’as-
saut du Haut-Karabakh.
Toutefois, en fin de journée lun-
di, le premier ministre arménien
Nikol Pachinian et le président
azerbaïdjanais, Ilham Aliev, décla-
raient tous deux être prêts à enga-
ger des pourparlers à Moscou. C’est
la première fois depuis le début du
conflit, le 27 septembre, que les
deux hommes envisagent de se
parler directement.
Le marchand de journaux, lui,
préfère quand son président fait
parler la poudre. « Nous devons al-
ler jusqu’au bout, jusqu’à la victoire
totale ! Nous avons été bernés pen-
dant trente ans et maintenant nous
possédons une solide armée capable
de résoudre le problème. » Il a un
AZIZ KARIMOV/REUTERS
605
interdit. Mais lui ap- pas un malheur, le virus ont retenti au-dessus de la ville. Un
pelle sa mère de temps s’en chargera », peste- ou deux missiles auraient été abat-
en temps pour donner elle, une fois le groupe à tus par la défense antiaérienne.
des nouvelles. Il va distance. « Aujourd’hui, Ilgar pense qu’avec la capitale
bien, dit que l’ennemi ils [les autorités] ont fer- Bakou, Mingatchevir est la ville la
est en pleine débanda- km 2 mé toutes les écoles. Ça mieux protégée du pays à cause du
de et qu’on va bientôt La superficie va mal, ça va mal », gé- danger existentiel représenté par le
gagner », croit le de la retenue d’eau mit-elle en levant les barrage. « Regardez sur la crête
marchand. du barrage bras au ciel. surplombant la ville : vous voyez ces
D’autres frémissent de Mingatchevir L’aspect massif et in- radars ? Ils font partie du système
à la pensée qu’une es- destructible du barrage israélien Iron Dome », assure l’in-
calade s’étende à est illusoire, confirme génieur. L’Azerbaïdjan aurait
Mingatchevir. « Si les Arméniens Ilgar, ingénieur et militaire réser- acheté ces systèmes en 2016, mais
visent notre barrage, nous risquons viste, qui préfère ne pas donner se refuse à le confirmer officielle-
de tous périr », grommelle Sevda, son nom de famille. « Le barrage a ment. Ce qui inquiète l’ingénieur,
marchande des quatre saisons. Elle un défaut de construction, dit-il, et c’est que, selon lui, nul ne connaît
montre de la tête l’énorme barrage les Arméniens le connaissent. » Pour l’issue d’un duel entre le missile
haut de 65 mètres dominant la vil- lui, l’ennemi n’est pas encore passé hypersonique Iskander (« SS-26 »)
le. Mingatchevir vit paisiblement aux choses sérieuses. « Ils nous ont de fabrication russe, et Iron Dome.
sous une immense retenue artifi- envoyé un avertissement. S’ils tirent L’escalade reste probable, mais le
cielle d’eau de 605 km construite à
2 un [missile] Iskander à un endroit pire n’est jamais certain. ■

Irak : le premier ministre réclame l’appui de Paris

Face aux milices chiites pro-iraniennes, Mustapha Kazemi, en visite en France, souhaite que le partenariat bilatéral s’intensifie.
dissement de la capitale, Mustapha chiites pro-iraniennes, désireuses tion internationale contre les reli- tion, etc.). Le ministre de la Dé-
GEORGES MALBRUNOT £@Malbrunot Kazemi a déjeuné à l’Élysée. Il était de bouter les États-Unis hors quats de cellules dormantes et fense, Jumaa Enad al-Jbouri,
entouré de nombreux ministres : d’Irak, qui refusent de passer sous toujours dangereuses de Daech. pourrait revenir dans un mois
MOYEN-ORIENT Un mois et demi Défense, Affaires étrangères, Fi- le contrôle de son gouvernement. Mais les rumeurs de départ des finaliser les négociations en cours.
après la première visite en Irak du nances, Agriculture et Transport, Dernière illustration de leur ca- troupes américaines d’Irak, sou- Avant de partir pour Berlin, puis
président de la République, Em- tandis que, côté français, Bruno Le pacité de nuisance : samedi, plu- haité par Donald Trump, entre- Londres, le premier ministre ira-
manuel Macron, le premier minis- Maire (Économie) avait rejoint ses sieurs centaines de miliciens ont tiennent le flou. D’autant qu’après kien a rencontré une poignée de

tre irakien, Mustapha Kazemi,
s’est rendu lundi en France, pour
son premier déplacement dans
l’Hexagone en tant que chef du
gouvernement, celui qui détient la
réalité du pouvoir dans le système
confessionnel irakien. Une visite
aussi brève que celle du chef de
l’État français à Bagdad - à peine
une journée à Paris - et placée sous
le triple signe de la sécurité, des
affaires et de la diplomatie.
Après un rendez-vous chez le
premier ministre, Jean Castex, en
présence de Jean-Yves Le Drian
(Affaires étrangères) et de Floren-
collègues Le Drian et Parly.
Caisses vides à Bagdad
Malgré une importante présence
ministérielle, cette visite a été en-
tourée d’une grande discrétion,
aucune conférence de presse
n’étant venue conclure le rendez-
vous élyséen entre deux dirigeants
qui s’apprécient. La France sou-
tient Mustapha Kazemi - ancien
patron des services de renseigne-
ments qui joua un rôle dans le
transfert de djihadistes français du
nord-est syrien vers Bagdad -
dans sa tâche délicate de renforcer
250
incendié dans le centre de Bagdad
le siège du plus puissant parti kur-
de, le Parti démocratique du Kur-
distan (PDK), allié des États-Unis,
qui contrôle les régions kurdes
soldats autonomes du nord du pays. Signe
français de la faiblesse du gouvernement
de M. Kazemi - qui ne dispose ni
ont quitté l’Irak. de parti politique, ni de base par-
au printemps. lementaire -, le dispositif policier
Il en reste encore déployé autour du siège du PDK
autant dans le pays n’a rien pu faire.
Pour consolider sa position,
M. Kazemi souhaite que la France
renforce sa coopération militaire
et sécuritaire avec Bagdad. Paris
les menaces américaines de quit-
ter l’Irak si les attaques de milices
contre leurs intérêts ne cessaient
pas, ces groupes armés proches de
l’Iran ont donné à Mustapha Kaze-
mi jusqu’à la fin de l’année pour
qu’il leur présente un calendrier
de retrait des 3 200 soldats améri-
cains encore en Irak. La France,
qui en a retiré 250 au printemps,
en compte encore autant. Mais si
les troupes américaines devaient
lever le camp, les militaires fran-
çais pourraient-ils rester ? Pas
sûr. En attendant, Bagdad a des
besoins en termes d’équipements
grands patrons au Medef. Pour
cause d’insécurité et de corruption
galopante, les affaires entre Paris
et Bagdad ne sont pas à la hauteur
des espérances de chaque camp.
La visite de M. Kazemi s’est tra-
duite par la signature d’un contrat
entre Thales et Bagdad sur la four-
niture de quatre radars militaires à
longue portée d’une valeur de
100 millions d’euros. Un contrat
enregistré en fait en début d’an-
née. En revanche, il faudra encore
attendre pour la finalisation du
métro de Bagdad (Alstom), les
caisses de l’État irakien sont vides,
A

ce Parly (Défense), une halte à la souveraineté de l’Irak. M. Ka- continue de participer à la guerre et d’armes qui ont été transmis à asséchées par la chute des cours du
l’École militaire dans le 15e arron- zemi doit affronter les milices antiterroriste menée par la coali- Paris (hélicoptères, instruc- pétrole et la crise du Covid-19. ■
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
10 INTERNATIONAL
À deux semaines
du vote, Trump
veut croire que
rien n’est perdu
Les démocrates espèrent la victoire, mais restent
hantés par la défaite surprise de 2016.
ÉTATS-UNIS À deux semaines du
scrutin, l’étrange élection prési-
dentielle américaine a beau se dé-
rouler sur un fond inédit de pan-
démie et de crise économique,
républicains comme démocrates
restent obnubilés par le précédent
de 2016.
Les premiers espèrent repro-
duire l’exploit qui avait permis la
victoire surprise de Donald Trump
contre Hillary Clinton, à l’époque
favorite dans les sondages. Les se-
conds craignent de voir se repro-
duire le scénario catastrophe
d’une victoire populaire suivie par
une défaite au collège électoral,
qui décide de l’élection dans le
système américain.
Avec 11 points d’avance Joe Bi-
den, le candidat démocrate, de-
vance largement depuis plusieurs
semaines son adversaire dans les
sondages nationaux. Mais ce sco-
re, en apparence confortable, rap-
pelle de façon troublante aux dé-
mocrates les 10 points dont était
créditée Hillary Clinton à quinze
jours du vote quatre ans plus tôt.
Et l’avance de Joe Biden se réduit
dans quelques-uns des États clés,
où va se jouer l’élection.
“ J’en ai fait plus en
47 mois à la présidence
que Joe Biden en 47 ans
de carrière politique
DONALD TRUMP EN MEETING
” pugnacité peu commune de
Les démocrates, qui ont mené
une campagne active pour
convaincre leurs électeurs de vo-
ter malgré l’épidémie et les tra-
casseries administratives, crai-
gnent que cette avance ne
contribue à les démobiliser. Plus
enclins que les républicains à vo-
ter par correspondance, ils redou-
tent aussi que leurs bulletins ne
soient pas tous comptabilisés,
pour des motifs variés, en parti-
culier dans les États où l’élection
pourrait se jouer comme il y a
quatre ans à quelques dizaines de
milliers de voix. Mais surtout, de-
meure la peur presque supersti-
tieuse de voir Donald Trump par-
venir à arracher de nouveau la
victoire en faisant mentir son-
dages, enquêtes et pronostics.
Du côté républicain, la nervosité
est aussi grande, et la confiance
dans la capacité de Donald Trump
à rattraper son retard a été ébran-
lée par sa contamination par le Co-
vid-19. Après avoir été contraint
d’interrompre pendant dix jours
sa campagne, Trump a repris de-
puis la semaine dernière ses tour-
nées électorales. Presque chaque
jour, le président sortant s’envole
vers l’un des États contestés à bord
de l’avion présidentiel Air Force
One. Le plus souvent, sur le tar-
mac, devant son appareil, il tient
un rassemblement devant ses par-
tisans en liesse. Faisant tout pour
montrer que la maladie ne l’a pas
diminué physiquement, il esquisse
fréquemment des pas de danse,
avant de repartir.
Trump n’a rien perdu de son
énergie et de sa pugnacité. Ni de
son sens presque intuitif de la po-
litique. Sa campagne est elle aussi
largement inspirée par son élec-
tion de 2016, qui l’avait vu pren-
dre en défaut presque tous les
sondages et remporter la victoire.
Tentant à la fois de conserver les
États qu’il a arrachés in extremis
aux démocrates quatre ans plus
A
tôt, comme le Wisconsin, le Mi-
chigan et la Pennsylvanie, Trump
essaye de renouveler son exploit
de 2016 en mobilisant des élec-
teurs imprévus et faire ainsi bas-
culer des États qui lui avaient
échappé de peu, comme le Neva-
da, faisant lui-même le décompte
devant ses partisans.
Il a aussi repris tous les thèmes
de sa campagne de l’époque. Il es-
saye de discréditer Joe Biden com-
me il l’avait fait avec Hillary Clin-
ton, en le présentant comme un
politicien corrompu qui « fait
presque passer Hillary Clinton pour
une amatrice ». À presque chacun
de ses discours, il insiste sur le fait
qu’il a « fait plus en 47 mois à la
présidence que Joe Biden en 47 ans
de carrière politique ».
Mais la pandémie de Covid-19,
qui continue de se répandre aux
États-Unis, et notamment dans les
États républicains, rend moins
convaincantes les charges de
Trump contre l’« état profond »
et les « politiciens corrompus »,
thèmes déjà développés en 2016.
Même si Trump évite autant que
possible le sujet, l’épidémie et ses
conséquences économiques res-
tent le principal sujet de préoccu-
pation d’une grande partie des
Américains. Et l’attitude bravache
de Trump vis-à-vis des risques de
contamination ne séduit guère au-
delà de ses partisans les plus
convaincus.
La personnalité hors norme et la
Trump continuent pourtant de
fasciner ses partisans comme ses
adversaires. Comme si le précé-
dent de 2016 avait frappé de su-
perstition les milieux politiques
américains, personne n’ose publi-
quement envisager une victoire
massive de Joe Biden.
« Personne ne le dira en public »,
écrivait la semaine dernière Peggy
Noonan, chroniqueuse dans le
journal conservateur Wall Street
Journal : « Les journalistes parce
qu’ils ne veulent pas avoir l’air bête
s’ils se trompent, les démocrates
parce qu’ils ne veulent pas démobi-
liser leurs électeurs par excès de
confiance, les républicains parce
qu’ils ne veulent pas démoraliser
leurs troupes, et les médias parce
qu’ils doivent tenir tout le monde
en haleine. » ■
A. J. (À WASHINGTON)
Samedi, à Muskegon dans le Michigan, les partisans républicains écoutent un discours de Donald Trump largement consacré à la sauvegarde
du mode de vie américain. CARLOS BARRIA/REUTERS
Poursuivant une
campagne marathon,
Donald Trump a fait
halte, samedi,
sur le tarmac d’un
aéroport privé
de Muskegon,
pour un dernier
meeting dans
le Michigan,
avant de s’envoler
pour le Wisconsin.
MANDEL NGAN/AFP
Dans le Michigan, la messe semble dite po
MAURIN PICARD £@MaurinPicard
ENVOYÉ SPÉCIAL À HOLLY ET DAVISBURG
(MICHIGAN)
ELISSA SLOTKIN l’avoue, du
bout des lèvres : elle est soulagée.
Voilà quelques jours encore, cet-
te élue du Michigan à la Chambre
des représentants tirait la son-
nette d’alarme auprès de ses
pairs démocrates. Les condam-
nations des émeutes et des pil-
lages par l’équipe de campagne
de Joe Biden, le candidat prési-
Michigan
dentiel, n’étaient pas suffisam-
ment audibles face aux appels ré-
pétés de Donald Trump à imposer
« la loi et de l’ordre ».
Dans son État des Grands Lacs,
où Slotkin se bat pour sa réélec-
tion dans un environnement hos-
Détroit
Davisburg
tile, l’argument pouvait porter
auprès des « seniors », voire des
« white suburban women », cette
Holly catégorie prisée qui regroupe les
Lansing femmes blanches diplômées des
quartiers résidentiels. Fustigé
Comté pour sa gestion calamiteuse de la
200 km d’Oakland pandémie de Covid-19, Donald
Trump était-il sur le point d’opé-
rer un come-back aussi mira-
culeux qu’en 2016 ?
Dans la lumière rasante de l’été
indien, sous les frondaisons rouges
et or de sa ferme familiale de Holly,
à une heure au nord-ouest de Dé-
troit, cette ancienne analyste de la
CIA âgée de 44 ans a vu ses craintes
infondées : « J’étais inquiète,
confesse-t-elle, lorsque Trump a
commencé à utiliser cet argument
de la loi et de l’ordre et tenté d’ef-
frayer les gens, en particulier les
femmes des quartiers résidentiels.
J’avais peur que cela marche. Puis
nous avons vu dans les sondages que
ça ne prenait pas. Les gens sont plus
intelligents qu’on ne le croit. Au fond
de leur cœur, ils restent pragma-
tiques, et raisonnables. »
Et ce milieu, indubitablement,
paraît plus friable que jamais en cet
automne mouvementé. Elissa Slo-
tkin, certes, n’a pas encore gagné
la bataille pour sa réélection. Mais
elle commence à entrevoir la lu-
mière. Son rival, le républicain
Paul Junge, n’hésite pas à s’affi-
cher auprès d’individus douteux,
comme un certain Adam Hoover,
qui minimise le danger des extré-
mistes locaux, à l’instar de treize
miliciens d’extrême droite arrêtés
jeudi 8 octobre, tandis qu’ils pré-
paraient le rapt de la gouverneur
démocrate Gretchen Whitmer, et
qualifie leurs arrestations de
« tyrannie comparable à celle de
Saddam Hussein ».
L’allusion au dictateur de Bag-
dad n’a rien de fortuit : arabo-
phone, Elissa Slotkin a effectué
“ Il y a tant de gens
qui n’envisageront
jamais de voter
pour un démocrate.
Ça ne sera jamais
une campagne facile
ELISSA SLOTKIN,
ÉLUE DÉMOCRATE DU MICHIGAN
”
trois tours d’opération en Irak et
s’est illustrée dans la traque d’al-
Qaida, puis des djihadistes du
groupe État islamique. De source
diplomatique, elle s’est même vue
décerner le titre de chevalier de la
Légion d’honneur, pour éminents
services rendus à la France après
les attentats de 2015 à Paris.
L’histoire de son éveil à la politi-
que est éloquente. En 2018, en pos-
te au Pentagone, elle est outrée par
le comportement de Donald
Trump et ses compromissions avec
la Russie de Vladimir Poutine. Ju-
geant le 8e district du Michigan in-
gagnable, le Parti démocrate la
laisse choir. Elle s’imposera au for-
ceps, détrônant le républicain
Mike Bishop qui se croyait intou-
chable. L’exploit est majuscule.
Deux ans plus tôt, Donald Trump
s’était certes imposé dans le Mi-
chigan par à peine 10 704 voix
d’écart (+ 0,2 %), face à Hillary
Clinton. Mais dans le comté
d’Oakland, où réside Slotkin, il a
creusé l’écart avec 7 points
d’avance. « Nous sommes dans une
région très conservatrice, observe
Nancy Strole, une retraitée répu-
blicaine de Davisburg, qui a rejoint
les rangs anti-Trump. Ici, le 8e dis-
trict a été redécoupé par gerryman-
dering [NDLR : technique visant à
redessiner les frontières d’une cir-
conscription pour noyer les voix
des opposants dans un vivier plus
favorable]. » Ce fameux district,

our le président sortant
qui s’étend sur 160 kilomètres de
Lansing à Détroit, fait partie des
scrutins les plus décisifs des États-
Unis : à 80 % Blanc, il est « mau-
ve », c’est-à-dire ni vraiment
« bleu » démocrate, ni « rouge »
républicain. Oakland, à l’est, est
conservateur mais les idées libéra-
les y creusent leur sillon. Livings-
tone, au centre, est un fief rural et
ultraconservateur. Ingham, à
l’ouest, englobe Lansing, est réso-
lument démocrate.
Elissa Slotkin a la partie presque
gagnée, même si elle se refuse à
vendre la peau de l’ours. « Il y a
tant de gens qui sont des partisans
inconditionnels, qui n’envisageront
jamais de voter pour un démocrate,
explique-t-elle. Ça ne sera jamais
une campagne facile. Je me bats
contre le président Trump, contre la
gravité et contre le Covid-19 ! »
Son destin est intimement lié à
ce président des États-Unis,
qu’elle refusa d’abord de critiquer
ouvertement pour ne pas s’aliéner
les électeurs républicains tentés de
voter pour elle. La colère, le dégoût
sont tels au sein de la population
envers Donald Trump qu’un re-
port des voix s’opère sur les candi-
dats démocrates, tant à l’élection
présidentielle que dans les scrutins
parlementaires, de Biden à Slotkin.
« Le GOP (Grand Old Party,
conservateur) a perdu mon respect,
maugrée Nancy Strole. Il a égaré en
route ses convictions, ses valeurs qui
dataient de Ronald Reagan. Il est
devenu l’ombre de ce qu’il était. »
La course semble mal engagée
pour le 45e président des États-
Unis : il accuse 8 points de retard
dans la dernière enquête d’opinion
du NY Times Siena College, au
point que l’équipe Trump juge à
mots couverts le Michigan perdu.
« Le fossé me paraît en effet insur-
montable, tranche Jeff Timmer,
ancien directeur exécutif du Parti
républicain du Michigan, qui lui
aussi soutient Joe Biden en 2020.
Ce qui change la donne, c’est le
1,2 nouveau million d’électeurs ins-
crits en quatre ans. Ils sont très ma-
joritairement démocrates. Il y avait
4,8 millions d’électeurs en 2016, et il
y en a désormais 6 millions ! »
Dans le comté d’Oakland, ce fief
républicain où a grandi le sénateur
Mitt Romney, ce sont les femmes
qui vont inverser la donne. « En
2018, nous avons compris que si
nous frappions à la porte et que le
mari nous ouvrait, il demandait
d’abord : “De quel parti êtes-
vous ?”, s’enthousiasme Elissa
Slotkin. Puis il nous éconduisait en
disant : “Il n’y a pas de démocrates
dans cette maison”. Alors nous
avons commencé à frapper à la por-
te et passer des coups de fil à
d’autres heures de la journée. Nous
sommes allés à la rencontre des
femmes sur les marchés fermiers
durant la semaine, aux réunions de
bibliothèque ou dans les écoles. Il y a
même eu de vrais faux clubs de lec-
ture, organisés par des femmes qui
disaient carrément à leur mari
qu’elles allaient à un club de lecture,
alors qu’elles venaient pour parler
politique, voire se porter volontaires
pour notre campagne ! »
L’une de ces volontaires, inter-
viewée au téléphone, se nomme
Claudia Luckenbach-Boman. Cet-
te étudiante en sciences politiques
âgée de 23 ans, originaire d’une fa-
mille républicaine traditionnelle,
ne se remet pas d’avoir voté
Trump en 2016. « Comme tous mes
proches, confie-t-elle. J’étais très
mal informée, et je regretterai cette
décision toute ma vie. »
« Raz-de-marée »
Pour Stan Greenberg, un influent
sondeur démocrate, « les femmes
du comté d’Oakland sont ébranlées
par cette violence, le racisme sys-
témique, la répression anti-immi-
grants, l’omniprésence des armes,
tout ce que selon elles le président
n’a cessé d’encourager. La rébel-
lion des quartiers résidentiels
contre Trump est assez profonde. Il
y a un tsunami féminin qui couve. Il
est le plus puissant, sans doute,
parmi les femmes diplômées. Elles
mènent la danse, et elles en sont
très conscientes. »
« La meilleure chose qui puisse
arriver, c’est un raz-de-marée en
faveur de Joe Biden, sourit Nancy
Strole. Nous allons mettre Donald
Trump dehors, qui a cru qu’il allait
nous faire peur avec ses histoires de
chaos général, sa “loi” et son “or-
dre”. C’est tellement insultant en-
vers les gens comme moi. Mais que
croit-il ? Que nous, les femmes, al-
lons trembler comme une feuille ? »
La septuagénaire piquée au vif se
redresse dans son fauteuil, pour
délivrer l’estocade finale. « Qu’il
aille paître ailleurs ! » ■
En Pennsylvanie, les démocrates se
mobilisent dans un climat de défiance
ADRIEN JAULMES £@AdrienJaulmes
ENVOYÉ SPÉCIAL À PHILADELPHIE
CHAQUE jour depuis le début du
mois, une longue file se forme de-
vant le City Hall de Philadelphie.
Sous la grande façade de style Se-
cond Empire de l’édifice, copie
presque conforme de l’hôtel de
ville de Paris, des dizaines et des di-
zaines de personnes attendent de-
bout, patiemment, pendant plu-
sieurs heures, les écouteurs dans les
oreilles ou un livre à la main, une
bonne distance entre chacun
d’eux. Les uns sont venus voter en
avance, les autres s’inscrire sur les
listes électorales. « J’ai opté pour le
vote anticipé pour être certain que
ma voix soit bien comptabilisée »,
explique Michael Stutman, un avo-
cat de Philadelphie. « Cette élection
présidentielle est d’une importance
incroyable. J’ai envisagé de voter en
personne le jour du vote, comme je le
fais d’habitude, mais je préfère
prendre toutes les précautions possi-
bles. Je n’ai aucune confiance dans
notre président actuel et me méfie
des jeux auxquels il joue avec les ser-
vices postaux : je suis donc venu dé-
poser mon vote moi-même », dit-il.
Michael Stutman ne fait pas mys-
tère de son vote en faveur du can-
didat démocrate. « J’espère que
notre victoire sera suffisamment
massive pour rendre impossible
toute contestation. »
« C’est la première fois qu’on vote
en avance, mais nous avons préféré
prendre cette précaution pour éviter
les longues files d’attente le jour de
l’élection, et aussi à cause de l’épidé-
mie de Covid », disent Marnie et
Fred, un couple âgé qui vient de
déposer son bulletin et arbore le
petit macaron autocollant disant :
« J’ai voté aujourd’hui ». « On a en-
visagé de voter par correspondance,
mais c’est trop incertain. Le vote en
avance nous a paru un compromis
acceptable. »
Cachet de la poste
La Pennsylvanie est l’un des prin-
cipaux enjeux de l’élection du
3 novembre prochain. Avec ses
20 grands électeurs, elle est le
cinquième État le plus important
du pays. Divisée de façon presque
équitable entre démocrates et
républicains, elle avait été rem-
portée d’un cheveu par Donald
Trump en 2016 avec moins de
45 000 voix, scellant la défaite de
Hillary Clinton.
Quatre ans plus tard, les démo-
crates entendent reprendre la
Pennsylvanie, et appellent massi-
vement leurs électeurs à voter. No-
Pennsylvanie tamment dans les villes, comme
Philadelphie, qui rassemble à elle
seule près d’un votant sur huit.
Scranton Joe Biden, originaire de Scran-
ton, une petite ville de l’État, a
Harrisburg multiplié les visites en Pennsylva-
nie depuis le mois de septembre, et
Philadelphie les deux camps y dépensent massi-
vement en publicités télévisées.
150 km Mais la tenue du vote dans l’un des
Samedi, à Philadelphie (Pennsylvanie), une électrice démocrate manifeste son soutien à Joe Biden
en passant devant un bureau de vote. MARK MAKELA/AFP
INTERNATIONAL
États les plus contestés de l’élection
s’annonce déjà semée d’embûches.
La Pennsylvanie a autorisé pour la
première fois de son histoire le vote
par correspondance, auparavant
limité à des cas précis et sur justifi-
catif. L’épidémie de Covid-19 a vu
exploser le nombre de demandes
de bulletins. Entre deux et trois
millions de demandes ont déjà été
déposées, soit dix fois plus qu’en
2016, débordant les services élec-
toraux. Beaucoup de demandes ont
été rejetées en raison de doublons.
D’autres électeurs n’ont jamais
reçu leurs bulletins. Les électeurs
démocrates ont été trois fois plus
nombreux à demander un bulletin
par correspondance.
Dans la file devant le City Hall,
Suzan Lee Barton est plongée dans
le livre de Patrisse Khan-Cullors,
l’une des fondatrices du mouve-
ment antiraciste Black Lives Mat-
ters. « Je suis venu réclamer mon
bulletin de vote, que j’aurais dû rece-
voir par la poste », explique cette
dame, qui travaille pour une ONG
religieuse. « Si j’arrive à l’obtenir,
j’espère aussi pouvoir voter aujour-
d’hui. Je n’ai aucune confiance dans
le vote par correspondance cette an-
née. J’attends depuis deux heures,
“ Une seule chose
est sûre pour
cette élection, c’est
que la participation
va être massive
”
UNE SYMPATHISANTE DÉMOCRATE
mais je ne partirai pas sans mon bulle-
tin », dit-elle. « Une seule chose est
sûre pour cette élection, c’est que la
participation va être massive. Je
connais des gens des deux bords, dé-
mocrates et républicains. Tous sont
déterminés à voter. Et surtout les dé-
mocrates, dont beaucoup s’étaient
abstenus en 2016, parce qu’ils
n’aimaient pas Hillary Clinton, ou
pensaient que sa victoire était acquise.
Cette année, ils vont tous voter. »
Si la participation s’annonce
massive, les problèmes potentiels
abondent aussi. La nouvelle légis-
lation prévoit que les bulletins
pourront être envoyés jusqu’au
jour du scrutin, le 3 novembre, le
cachet de la poste faisant foi, et
comptabilisés jusqu’à plusieurs
jours après l’élection. La chambre
des représentants de Pennsylvanie,
à majorité républicaine, ayant re-
fusé le décompte anticipé des bul-
letins, comme c’est le cas dans
d’autres États, des délais supplé-
mentaires sont à craindre.
Dans un climat de polarisation
extrême, républicains et démocra-
tes se préparent déjà à un scénario
comparable à celui de la Floride en
2000, quand cet État n’avait pas pu
donner les résultats de l’élection
le 3 novembre, plongeant le pays
dans plusieurs semaines d’incerti-
tude, avant que la Cour suprême
ne finisse par trancher en inter-
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
11
rompant le recompte des voix.
Le scénario catastrophe serait de
voir Trump donné vainqueur le
soir du scrutin, avant que le dé-
compte complet n’accorde la vic-
toire à Biden plusieurs jours plus
tard, une fois le décompte final.
Les deux camps ont rassemblé
des équipes d’avocats, prêts à
porter plainte en cas de litige.
Les démocrates ont accusé les
républicains d’avoir sciemment
désorganisé les services postaux,
afin de limiter le vote par corres-
pondance.
Trump, qui répète que le vote par
correspondance va donner lieu à
des fraudes massives en faveur des
démocrates, laisse entendre que
cette fraude est la seule possibilité
qu’il soit battu en Pennsylvanie.
« Il se passe de vilaines choses à
Philadelphie », a déjà mis en garde
le candidat républicain. Sa campa-
gne a tenté une action en justice et
dénoncé la fraude potentielle due
au vote par correspondance, ainsi
que la mise en place d’urnes publi-
ques pour déposer son bulletin
avant l’élection. Elle réclame aussi
le droit de déployer des « observa-
teurs » dans des bureaux de vote où
ils ne sont pas enregistrés. Mais un
juge fédéral, pourtant nommé par
Trump, a rejeté cette plainte au
motif qu’elle repose sur de « pures
spéculations ».
Des incidents, comme lorsque
plusieurs sacs de bulletins ont été
retrouvés abandonnés dans le
comté de Luzerne, ont nourri les
plus folles rumeurs.
La méfiance envers les services
postaux fait préférer à de nom-
breux électeurs les urnes publiques.
À quelques mètres du porche du
City Hall, une grosse boîte métalli-
que blindée comme un coffre-fort
et scellée dans le trottoir permet de
déposer son bulletin à l’avance.
« Vous l’avez bien signé ? », de-
mande Marylin B. aux électeurs qui
s’approchent avec leur enveloppe.
« Assurez-vous que l’enveloppe est
bien scellée. »
Cette volontaire est venue de
New York pour offrir une aide bé-
névole aux électeurs, dans les
rangs du Parti des familles de
travailleurs, petite formation de
gauche. « Beaucoup de gens sont
désorientés par les nouvelles procé-
dures, ou ne connaissent pas très
bien leurs droits, en particulier ceux
qui votent pour la première fois »,
dit cette activiste. « On sent une
grande motivation pour voter, mais
aussi une grande anxiété, due à la
fois à la pandémie de Covid, mais
aussi aux nombreuses rumeurs qui
entourent cette élection, notam-
ment celles relayées par Donald
Trump lui-même. »
Problèmes d’organisation
« On a vu ce matin un individu qui
prenait en photo les gens venus vo-
ter, certains étaient inquiets. On es-
saye de les rassurer. » Cette mili-
tante est persuadée que les
problèmes d’organisation rencon-
trés par les électeurs sont délibérés.
« La chambre des représentants de
Pennsylvanie a multiplié les difficul-
tés, affirme-t-elle. Ils ont changé les
emplacements des urnes publiques,
ou les horaires d’ouverture de cer-
tains bureaux de vote. Ils savent que
les électeurs démocrates sont majo-
ritaires parmi les votes anticipés ou
par correspondance, et font tout
pour les empêcher de voter. » ■
EN BREF
Le dauphin d’Evo
Morales remporte la
présidentielle en Bolivie
Luis Arce, le candidat de la
gauche et dauphin de l’ancien
chef de l’État Evo Morales,
a remporté dimanche la
présidentielle en Bolivie dès
le premier tour avec plus de
52 % des voix. L’ex-président
bolivien, réfugié en Argentine
après avoir démissionné
en novembre 2019 alors
qu’il était accusé de fraude
électorale par l’opposition,
a déclaré lundi qu’il rentrerait
« tôt ou tard » dans son pays.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

12 SOCIÉTÉ
L’enseignement
à distance
révolutionne
l’université
L’« hybridation », cette approche
mêlant cours en présentiel
et télétravail, devient une réalité.

CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline Du cours magistral transposé tel

ÉDUCATION L’« hybridation » des
enseignements, cette approche
mêlant cours en présentiel et à dis-
tance, est en train de devenir une
réalité à l’université. D’autant que
le gouvernement a limité, depuis le
5 octobre, la capacité d’accueil des
universités à 50 %, dans les zones
d’alerte renforcée et maximale. Le
terme « hybridation », réservé
jusqu’alors aux initiés, est donc sur
toutes les lèvres. Et avec lui, une
ribambelle d’anglicismes.
Il y a l’enseignement « synchro-
ne », qui permet à un groupe
d’étudiants, qu’ils soient sur place
ou à distance, d’apprendre en
même temps, avec des interac-
tions en temps réel. L’« asynchro-
ne », lui, propose des contenus
(documents, vidéos) accessibles à
la demande. Depuis le confine-
ment, puis la reprise de l’épidémie
en septembre, c’est toute une
gamme de pratiques que déclinent
chaque université, chaque disci-
pline, voire chaque professeur.
quel en format filmé, aux contenus
plus élaborés, les étudiants ne sont
pas logés à la même enseigne. Cer-
taines universités avaient déjà an-
ticipé depuis l’été. D’autres conti-
nuent un « bricolage » de moins en
moins accepté par l’opinion. Au
Sgen-CFDT, Franck Loureiro
pointe un retard technique et des
investissements étatiques insuffi-
sants au vu du chantier.
Car il faut équiper en visioconfé-
rence des amphis souvent vétus-
tes, augmenter la puissance des
serveurs, recruter des profils dé-
sormais incontournables. « Infor-
maticiens, techniciens, ingénieurs
pédagogiques… Les conditions de
travail et de rémunération qui leur
sont proposées dans les universités
sont insuffisantes au regard de la
concurrence du secteur privé »,
constate Franck Loureiro. lI re-
grette que le financement de
l’«hybridation» par l’État n’ait pas
concerné l’ensemble des universi-
tés. Après le confinement, c’est par
un appel à projet que le gouverne-
ment a débloqué des fonds. Quinze
Le 13 octobre, projets concernant 90 établisse-
un enseignant ments du supérieur ont été rete-
de Paris-Panthéon - nus. Ils commencent à se déployer.
Sorbonne donne son Pour l’université Paris-Saclay,
cours devant un public réputée dans le domaine scientifi-
clairsemé d’étudiants.
que - elle est arrivée cette année
Le gouvernement a fixé
la capacité d’accueil 14e au classement de Shanghaï -,
pour les universités c’est 1,5 million d’euros qui a été
à 50 %. mis sur la table, pour un projet
SEBADELHA JULIE/ABC/ comptant des partenaires comme
ANDIA.FR les universités d’Évry et de Ver-
sailles Saint-Quentin. Près de la
moitié sera consacrée à l’accom-
pagnement des enseignants-cher-
cheurs et au recrutement d’ex-
perts en innovation pédagogique.
« C’est là qu’il faut mettre le pa-
quet », résume Éric Briantais, di-
recteur de l’innovation pédagogi-
que à Paris-Saclay. Pour « passer
d’une hybridation subie à une hybri-
dation choisie », le projet prévoit
une trentaine de parcours hybri-
des, de la licence au master, dans
les domaines de la santé publique,
de la physique, de la chimie, du
traitement du signal. « Dans ces
nouveaux modes d’enseignement,
c’est la qualité des ressources, de la
couleur au son, qui va tout porter »,
poursuit Éric Briantais. La « vir-
tualisation » des travaux pratiques
(TP), déterminants dans les cursus
scientifiques, est prévue, avec de la
simulation calculatoire, de la mo-
délisation de molécules… Des pro-
jets qui donnent le vertige.
Un petit robot
Un petit robot programmé par un
étudiant qui interagit à distance
avec un autre… Cela pourrait de-
venir une réalité, en septembre
2021, à l’Université de technologie
de Compiègne (UTC), qui porte un
projet d’hybridation à 2,5 millions
d’euros, avec une vingtaine
d’autres établissements. « Presque
aussi enthousiasmant que l’inven-
tion du téléphone », s’emballe
Étienne Arnoult, directeur forma-
tion et pédagogie à l’UTC. Prendre
le contrôle à distance de l’ordina-
teur d’un étudiant pour corriger la
trajectoire fictive d’un lanceur
Ariane est déjà devenu possible
depuis le confinement. La crise a
accéléré l’innovation et ouvert les
horizons. Davantage, pour l’heure,
dans les universités scientifiques.
Reste à convaincre les ensei-
gnants-chercheurs de partager
leurs contenus et de travailler avec
les ingénieurs pédagogiques et les
audiovisualistes. «La vidéo, ce
n’est pas poser une caméra quelque
part. C’est scénariser pour médiati-
ser. Il faut des contenus de qualité.
Les entreprises privées ont bien
compris le potentiel du design sen-
soriel et de la réalité augmentée »,
explique Sandrine Karam, prési-
dente de l’Association nationale
des services Tice et audiovisuels
(Anstia) de l’enseignement supé-
rieur. «Mais il ne s’agit, en aucun
cas, de remplacer l’enseignant»,
ajoute-t-elle. ■

« Le problème, c’est que chaque prof Comment l’école de commerce

est libre de faire comme il le souhaite »
POUR Juliette, 20 ans, en licence
de sciences sociales à Paris-Des-
cartes, c’est une semaine sans.
Sans cours à l’université, même à
distance, sans profs. « Seulement
des textes à lire, des exercices et
des “slides”. Pas de quoi remplir
une semaine. Et surtout pas très
stimulant », raconte l’étudiante,
qui a du mal à comprendre la si-
tuation. Sa promo, pourtant ré-
duite (200 élèves) a été divisée en
deux groupes qui suivent, une
semaine sur deux, les enseigne-
ments sur le site de Boulogne.
oblige. Mais à Paris-Saclay,
Hugo, 18 ans, en licence de
maths-physique, est heureux,
même si sa première année de fac
ne colle pas à ce qu’il s’était ima-
giné. De grands amphis, une vie
étudiante trépidante… Dans sa fi-
“ Avec le distanciel,
il y a beaucoup trop
de tentations,
de distractions
”
HUGO, 18 ANS, EN LICENCE
certains cours sont plutôt bien
faits, avec des séances de ques-
tions-réponses au professeur par
petits groupes. » Sur le plateau de
Saclay, Hugo préfère aller tra-
vailler à la bibliothèque de l’école
Centrale, « qui est chauffée »,
contrairement à celle de son uni-
versité…
Inscrit en prépa droit-éco ,
Ferdinand, 18 ans, étudie à la
fois à Tolbiac et au lycée de Ca-
chan. Il passe d’un protocole
sanitaire à un autre. Un masque
obligatoire à Cachan, comme
Audencia, à Nantes, est devenue
un « super cluster »
THIBAULT DUMAS
NANTES
MILLE TREIZE tests pour 212 étu-
diants positifs au Covid-19 depuis
la rentrée. Soit 24,1 % de taux de
positivité, contre 7,1 % en Loire-
Atlantique. C’est peu dire que les
statistiques de l’école de commer-
ce Audencia, à Nantes, étaient
alarmantes début octobre. « Il
Des consignes sont édictées par la
direction de l’école, qui avait déjà
annulé le week-end d’intégra-
tion et le triathlon Audencia de
La Baule, où beaucoup d’élèves
sont bénévoles. Mais rien n’y fait.
Les fêtes privées s’accumulent la
semaine du 14. C’est le « point de
départ d’une transmission plus
importante au sein des première et
seconde années », selon l’ARS
Pays de la Loire.

« Les profs font donc les mêmes
cours pendant quinze jours. Même
pour eux, c’est nul ! On leur a de-
mandé pourquoi ils ne se filmaient
pas. Ils nous ont répondu que les
caméras, prévues cet été,
n’avaient pas encore été instal-
lées. »
Incompréhension, inquiétude
à l’idée de vivre une « année
PowerPoint ». Quelques semaines
après la rentrée, beaucoup d’étu-
diants se sentent déjà perdus,
alors que leurs professeurs leur
prédisent, un peu plus chaque
jour, un basculement imminent
dans le tout-distanciel.
« Le problème, c’est que cha-
que prof est libre de faire comme
il le souhaite. En tout cas à Pa-
ris-I », estime Raphaëlle, 19 ans,
étudiante en philosophie, qui
suit la moitié de ses cours à dis-
tance. « Le format Zoom est celui
qui reproduit le mieux le vrai
cours », ajoute-t-elle. Un tiers
de ses enseignants l’ont adopté.
Quand les cours ont lieu sur pla-
ce, les temps d’aération des sal-
les empiètent un peu trop sur les
enseignements. « La dernière
fois, mon cours de trois heures a
été réduit à deux. Le reste nous a
été donné en podcast. Une im-
mense perte de temps et d’éner-
gie », confie l’étudiante, qui
trouve davantage son rythme
dans le distanciel.
A
DE MATHS-PHYSIQUE, À PARIS-SACLAY
lière, où les candidats se bouscu-
lent moins qu’en droit ou en
sciences humaines, 70 % des
cours sont assurés en présentiel.
Les TP (travaux pratiques) ont
été maintenus, par groupes de
vingt. « Avec le distanciel, il y a
beaucoup trop de tentations, de
distractions, explique le jeune
homme qui vit en colocation. Mais
Quelques semaines après la rentrée, beaucoup d’étudiants se sentent déjà
l’exige l’enseignement secon-
daire. Une distanciation physi-
que stricte en plus dès lors qu’il
franchit la porte de l’université,
où les cours ont lieu à distance
une semaine sur deux. Un para-
doxe loin de perturber cet étu-
diant, qui s’inquiète plutôt d’un
éventuel reconfinement. « Ce ne
serait pas viable économique-
ment », conclut-il. ■
C. B.
24,1 %
s’agit de l’un des plus gros clusters
observés en France », avait alors
reconnu Patricia Salomon, direc-
trice déléguée de l’agence régio-
de taux de nale de santé (ARS) en Loire-At-
lantique.
positivité Aujourd’hui, il est « maîtrisé »,
chez les étudiants d’après les autorités. En effet, avec
de l’école contre 7,1 % l’aval de l’ARS Pays de la Loire, la
dans le département majorité de ces 1 500 étudiants de
de la Loire-Atlantique semestre 1 (S1) et semestre 3 (S3)
ont repris le chemin des cours le
13 octobre (à distance ou sur pla-
ce), après deux semaines d’isole-
ment. Sauf ceux qui sont encore
positifs au Covid-19, tous avec des
symptômes légers. « L’école re-
grette simplement que les étudiants
n’aient pas respecté dans leur vie
personnelle les règles strictes que
nous appliquons. On ne peut rien
leur imposer à ce niveau-là », dit
aujourd’hui la direction d’Auden-
cia. D’où de nouvelles mesures de
sensibilisation. Comme l’installa-
tion de 36 référents Covid-19 chez
les étudiants, chargés d’informer
autant que d’alerter. Ou encore la
tenue d’une visioconférence avec
un médecin du CHU.
Une multiplication
des fêtes privées
Car l’origine de ce cluster est bien
identifiée. Dès la rentrée scolaire,
les premiers cas positifs au Co-
vid-19 sont détectés. Quatre étu-
diants, nouvellement arrivés, la
Un seul des seize programmes
d’enseignement dispensés chez
Audencia est concerné par cette
contamination en chaîne. L’éta-
blissement est organisé en trois
sites distincts, près du campus
universitaire, à la gare maritime
et sur l’île de Nantes. Soit quelque
5 600 étudiants et 136 ensei-
gnants-chercheurs en tout.
« Dans tous les autres program-
mes, l’ensemble des étudiants ont
continué de suivre un mix de cours
en présentiel et en distanciel, avec
un taux de contamination très bas
constaté […]. Les mesures barriè-
res et la distanciation sociale ont
bien été respectées au sein des
campus d’Audencia », observe
l’ARS Pays de la Loire, qui a donc
maintenu ouverts, avec l’aval de
la préfecture de Loire-Atlanti-
que, les trois sites.
Ce que confirme anonyme-
ment un professeur : « Depuis la
rentrée, on ne peut pas s’appro-
cher d’un étudiant, toucher son
ordinateur ou lui prêter un stylo.
On doit tout désinfecter en perma-
nence. C’est très contraignant
pour un enseignant ! »
Une première alerte était ve-
nue en septembre de la faculté de
médecine de Nantes avec au final
20 cas positifs sur près de
450 étudiants testés. Plutôt pré-
servée par rapport aux autres
métropoles françaises jusqu’ici,

L’université a fait une rentrée perdus, alors que leurs professeurs leur prédisent, un peu plus chaque jour, première semaine de septembre. Nantes est passée en état d’ur-
plus ubuesque que jamais, Covid un basculement imminent dans le tout-distanciel. FIZKES - STOCK.ADOBE.COM Le double la semaine suivante. gence sanitaire le 14 octobre. ■

SCIENCES
Un ancien suppositoire antibiotique
en test préclinique contre le Covid-19
L’Institut Pasteur de Lille aurait obtenu des résultats intéressants in vitro avec le clofoctol.
TRISTAN VEY £@veytristan
MÉDICAMENTS La molécule « mira-
cle » étudiée par l’Institut Pasteur de
Lille (IPL) pour le traitement du Co-
vid-19 serait le clofoctol (nom com-
mercial : Octofene). Révélée par
l’agence spécialisée AEF Info, son
identité tenue secrète a été confir-
mée au Figaro par le Pr Philippe Fro-
guel, généticien et membre du
conseil scientifique de l’IPL. Le labo-
ratoire immunité et transmission de
l’Institut de biologie François Jacob
du CEA, situé à Fontenay-aux-Ro-
ses, en région parisienne, nous a
également confirmé travailler sur la
molécule en qualité de prestataire
pour le compte de l’IPL, sans pouvoir
donner plus de précision sur les es-
sais en cours. La direction de l’IPL
s’est quant à elle refusée à confirmer
ou infirmer l’information. « Nous
pensons qu’il est dans l’intérêt de nos
chercheurs de ne pas divulguer le nom
de la molécule afin qu’ils puissent tra-
vailler en toute sérénité », nous a ré-
pondu Xavier Nassif, directeur géné-
ral de Pasteur Lille.
Chacun jugera de la réussite de
cette stratégie, le feuilleton s’étirant
maintenant depuis près d’un mois !
Le 25 septembre, La Voix du Nord ré-
vélait en effet que le « criblage » de
près de 2 000 molécules entrepris par
l’institut lillois en collaboration avec
la biotech Apteeus, spécialiste du re-
positionnement de médicaments, a
abouti. Si plusieurs molécules se sont
montrées efficaces in vitro, l’une
d’entre elles serait particulièrement
prometteuse. Mais ni son identité, ni
les résultats obtenus ne sont claire-
ment divulgués. « Nous ne pouvons
donner son nom. Les stocks sont limi-
tés et nous avons besoin de réserves
Couvre-feu : « Le Conseil scientifique a perdu le monopole de la parole »
PROPOS RECUEILLIS PAR
ANNE-LAURE FRÉMONT
£@alaurefremont
« LA VIE CONTINUE. Il n’y a aucune
raison, mis à part pour les populations
fragilisées, de modifier nos habitudes
de sortie. » Le 6 mars, Emmanuel
Macron se rend au théâtre et appelle
à ne pas « se départir de bon sens »
face à l’épidémie de coronavirus. Dix
jours après, il annonce le confine-
ment général, qui démarre le lende-
main. Pourquoi une telle précipita-
tion ? Comment cette mesure
inédite a-t-elle pu être présentée
comme le seul choix possible par un
Conseil scientifique créé cinq jours
plus tôt et légalisé après coup ? À
l’issue d’une quarantaine d’entre-
tiens avec des acteurs de la crise,
quatre sociologues, parmi lesquels
Henri Bergeron, directeur de re-
cherche au CNRS, reviennent, dans
l’ouvrage Covid-19 : une crise orga-
nisationnelle*, sur les mécanismes à
l’œuvre dans l’une des décisions po-
litiques « les plus importantes des cin-
quante dernières années ».
LE FIGARO. - Pourquoi n’a-t-on
pas pris la mesure du risque, malgré
les déclarations de l’OMS
et la situation en Italie ?
Henri BERGERON. - Au début de
l’année 2020, on est dans une sé-
quence politique particulière, qui
marque de son empreinte tout le dé-
but de gestion de crise. « Gilets jau-
nes », opposition à la réforme des re-
traites et grèves massives, élections
municipales : que ce soit au niveau de
l’exécutif, de l’opposition ou des
corps intermédiaires, on est vrai-
ment sur autre chose. Les éléments
transmis par des agences comme
Santé publique France sont noyés
dans ce contexte fortement politique.
Vous parlez du « risque scélérat » :
en quoi ce phénomène
d’accoutumance à des phénomènes
graves a-t-il pu retarder la prise de
conscience ?
pour l’essai clinique. Nous souhaitons
également éviter toute frénésie. Si cela
fonctionne, sa production sera aug-
mentée dans la sérénité et non sur la
base d’une demande sauvage », assu-
rait alors Benoît Déprez, directeur
scientifique de l’IPL et cofondateur
d’Apteeus. Pendant plusieurs jours,
le chercheur répond aux sollicita-
tions médiatiques (France 3 Région,
20 Minutes, etc.), nourrissant de
grands espoirs, sans apporter beau-
coup plus d’éléments… Il manque
par ailleurs 5 millions d’euros pour
poursuivre les investigations, précise
la biotech dans un communiqué le
29 septembre.
La campagne de communication
Ce n’est pas la première fois qu’un
virus survient. À ce moment-là, on
pense qu’on sait gérer, car on a déjà
eu à faire face à ce type de situation.
Il y a aussi le souci de ne pas surréa-
gir, comme cela a pu être reproché
en 2009 lors de l’épidémie de grip-
pe H1N1, d’où aussi une sous-esti-
mation des signaux d’alerte.
D’où vient cet excès
de confiance ?
Il y a d’abord l’effet très paradoxal
des multiples plans de préparation.
Plan blanc, plan pandémie, cellule
interministérielle de crise, plan
Orsec… Il existe tout un arsenal de
plans conçus pour répondre aux si-
tuations de crise et assurer la coor-
dination entre les organisations. Ils
font l’objet de répétitions réglées où
chacun occupe sa place. Or, du fait
des rotations ou des promotions
(notamment dans le domaine de la
gestion de crise), les personnes qui
font ces simulations ne sont pas for-
cément celles qui auront à prendre
des décisions le moment venu. En
outre, le morcellement dans l’af-
fectation de chacun et la multipli-
cation des procédures favorisent
cette illusion de contrôle. Ajoutez à
cela le sentiment d’un dispositif cu-
ratif solide, et vous obtenez ce sen-
timent indu de préparation.
Vous revenez sur la « sidération »
qui a suivi, puis sur l’enchaînement
des décisions. Est-ce que cela a été
aussi rapide dans les autres pays ?
Un peu partout, les décisions ont
été prises rapidement, par nécessi-
té. L’originalité, en France, c’est
cette gestion élitaire de la crise,
autour d’une formation très res-
serrée : le président, le premier
ministre, son ministre de la Santé
et le Conseil scientifique. Pourtant,
le domaine de la santé est doté
d’une multitude d’organisations
expertes (agences, ordres, etc.). Et
le champ médical est justement un
secteur qui a développé des métho-
dologies pour faire face à ce genre
de situation : la Haute Autorité de
Depuis un mois,
la direction de l’Institut
Pasteur de Lille laisse
filtrer des informations
au compte-goutte
mais rechigne
à communiquer
l’identité de la molécule
afin que les chercheurs
« puissent travailler
dans la sérénité ».
SYLVAIN LEFEVRE/HANS
LUCAS/AFP
Henri Bergeron,
directeur de recherche
au CNRS : « Pour régler
une crise, il est essentiel
d’apprendre à agir
collectivement,
à davantage organiser
les organisations . »
COLLECTION PERSONNELLE
est fructueuse : le 9 octobre, l’IPL an-
nonce que LVMH vient de faire don
de cette somme. « Pour voir », dirait-
on à une table de poker. Le conseil
régional des Hauts-de-France y va
aussi de sa participation, avec près de
785 000 euros, quelques jours plus
tard, pour mener à bien une campa-
gne de tests sur animaux (qui serait
menée au CEA sur des macaques, se-
lon AEF Info).
Cachotteries
« Cet argent est évidemment le bien-
venu mais ce n’était pas notre motiva-
tion pour communiquer », assure
aujourd’hui Xavier Nassif. « Nous
avons communiqué par souci de
santé est une machine à produire
des guides de bonnes pratiques
pour affronter l’incertitude. Or ces
agences n’ont même pas été
conviées aux premières réunions
du Conseil scientifique.
Pourquoi ne pas les avoir davantage
impliquées ?
On nous rétorque : « Il fallait aller
vite. On n’allait pas commencer à
multiplier les discussions avec tou-
tes sortes d’institutions. » Mais ce
choix manifeste surtout une mé-
fiance vis-à-vis de celles-ci. Car,
quand elles sont invitées à la table
des discussions, ces institutions ap-
portent leur expertise, leurs infor-
mations, mais aussi leurs enjeux,
leurs éventuels conflits et leurs pro-
cédures. Le gouvernement, dans un
tropisme très macronien, a proba-
blement voulu se mettre dans une
capacité de décision rapide et auto-
nome, pour ainsi éviter les lour-
deurs qui auraient freiné la réaction
transparence (sic), pour expliquer à
quoi notre campagne de criblage mo-
léculaire annoncée en mars avait
abouti. »
Pourquoi tant de cachotteries ? La
polémique autour de l’hydroxy-
chloroquine est évidemment dans
tous les esprits, mais l’argument de
l’hystérie collective ne tient pas
avec le clofoctol. Car l’antibiotique
bactériostatique (c’est-à-dire qui
perturbe le fonctionnement des
bactéries, sans les tuer) a longtemps
été vendu en France par le labora-
toire Fournier sous forme de suppo-
sitoires (sous le nom d’Octofene)
mais n’est plus commercialisé dans
notre pays depuis… 2005. Il était
face au Covid-19. C’est sans doute
pour cette raison que le plan de
pandémie grippale, élaboré après
l’épidémie de sras et spécialement
conçu pour ce genre de situation,
n’a pas été activé : il aurait automa-
tiquement déclenché un ensemble
de mesures et fait monter à bord des
organisations en lesquelles les diri-
“ Si on avait eu
des spécialistes
de la pauvreté,
de l’économie, il y
aurait sans doute eu
moins de consensus
sur cette décision
de confinement
”
geants n’avaient pas forcément
confiance pour gérer cette crise.
La décision du confinement
aurait-elle été différente ?
On est très clairs dans notre livre :
on ne remet pas en cause cette dé-
cision dans le contexte où elle a été
prise. Cependant, même s’il réunit
une sociologue et un épidémiolo-
giste, ce Conseil scientifique est très
hospitalo-centré, ce qui provoque
un cadrage de la crise très orienté
autour du sanitaire, notamment du
curatif (l’hôpital étant le lieu où se li-
vrait la « guerre », NDLR). Si on
avait eu des spécialistes de la pau-
vreté, de l’économie, il y aurait sans
doute eu moins de consensus sur
cette décision.
À la lumière de vos travaux
sur la première vague, comment
interprétez-vous l’annonce
du couvre-feu ?
On peut voir des similarités, avec
une décision encore une fois inédi-
te, qui n’a été envisagée par aucun
plan, qui n’a jamais été mise en
œuvre à cette échelle. Or une telle
mesure fonctionne dans une dyna-
mique sociale et culturelle particu-
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
13
utilisé pour le traitement d’infec-
tions respiratoires bénignes, no-
tamment en milieu hospitalier et
chez les enfants, mais devant le
manque de preuve de son efficacité,
et certains effets indésirables (bron-
chospasmes), les agences de sécuri-
té sanitaire ont fini par le dérem-
bourser puis l’interdire. Il reste en
revanche commercialisé ailleurs en
Europe, notamment en Italie sous le
nom de Gramplus, car il ne serait ef-
ficace que contre les bactéries Gram
positives (ce test colorimétrique ré-
vélant un type de paroi cellulaire
particulier).
Ni Apteeus ni Benoît Deprez
n’ayant répondu à nos sollicitations,
nous ne pouvons malheureusement
pas en savoir beaucoup plus sur la
manière dont cet antibactérien peut
agir contre le virus du Covid-19.
Une étude chinoise parue dans le
Journal of Clinical Investigation en
2019 a montré chez la souris un effet
du clofoctol contre les glioblasto-
mes, des tumeurs cérébrales mali-
gnes courantes. La molécule indui-
rait la mort des cellules cancéreuses.
Est-ce un mécanisme similaire qui
serait à l’œuvre sur les cellules in-
fectées par le Covid-19 ?
Comme aucune donnée n’est pu-
bliée, nous n’avons aucune idée du
dosage envisagé, de son mode d’ad-
ministration (par voie rectale ?) ou de
son degré d’efficacité in vitro. On ne
connaît pas plus le calendrier des es-
sais qui pourraient être menés en cas
de résultats positifs chez l’animal, ni
la stratégie envisagée. Seront-ils me-
nés en ville ou à l’hôpital ? Chez des
sujets à risque ou en population gé-
nérale ? L’Institut Pasteur de Lille
promet que tous les résultats des es-
sais qui seront menés seront rendus
publics, quels qu’ils soient. ■
lière, difficilement transposable
d’une population à une autre. On a
donc très peu d’éléments sur les
modalités de mise en œuvre, et on a
du mal à estimer l’efficacité et les
conséquences possibles de cette
mesure. Ce qui est différent par rap-
port au printemps, c’est que les ob-
jectifs économiques et sociaux ont
repris une ascendance manifeste.
Pourquoi le Conseil scientifique,
pour cette décision, n’a-t-il pas été
mentionné par le président ?
D’un organe central, quasi unique,
sur lequel s’est reposé le président
pour prendre ces décisions, on est
passé à une gestion multipolaire de
cette crise, qui n’est plus aiguë mais
chronique. Le Conseil scientifique a
perdu le monopole de la parole. On
peut aussi imaginer que l’exécutif a
tiré des leçons en termes de com-
munication, alors qu’il lui a été re-
proché de ne pas assumer ses choix
politiques.
Quelles leçons tirer de tout cela
pour les crises à venir ?
Le mythe du leader comme étant un
individu aux qualités exceptionnel-
les et qui va tout régler tout seul est
devenu un produit de consomma-
tion dans toutes les écoles de com-
merce. Mais, pour régler une crise, il
est essentiel d’apprendre à agir col-
lectivement, à davantage organiser
les organisations. Donc de former
des décideurs ayant la capacité d’in-
duire cette coopération. On peut
aussi pointer les conséquences des
évaluations de gestion de crise qui
ne tirent jamais vraiment de leçons
du passé : les rapports parlementai-
res cherchent à identifier des cou-
pables individuels, des défaillances
techniques, mais ne regardent pas
suffisamment les dysfonctionne-
ments systémiques.■
*« Covid-19 : une crise
organisationnelle »,
d’Henri Bergeron, Olivier Borraz,
A
Patrick Castel, François Dedieu,
Presses de Sciences Po.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
14 SPORT
Kurzawa :
« La finale,
une expérience
qu’on ne va pas
oublier »
Le latéral gauche du PSG débute
la nouvelle Ligue des champions
face à Manchester United, ce mardi.
PROPOS RECUEILLIS PAR
C’est un peu tôt pour dire si on est
CHRISTOPHE REMISE £@CRemise77 mieux armés ou pas, mais on va
travailler pour cela, pour se don-
ner les moyens de faire une aussi
Layvin Kurzawa, le retour. Suspen-
du pour six matchs après avoir vu
rouge contre l’OM (0-1), le 13 sep-
bonne, voire meilleure saison.
L’expérience
tembre dernier, l’international tri- de la dernière campagne jusqu’à
colore de 28 ans est disponible pour la finale peut aussi être un atout…
affronter Manchester United ce Oui, c’était une expérience formi-
mardi (21 heures, RMC Sport et Té- dable, une expérience qu’on n’est
léfoot), lors du lancement de la Li- pas près d’oublier. On a ressenti
gue des champions. Ambitions, qu’un groupe s’était formé, un
temps de jeu, mea-culpa, l’ex-Mo- groupe solide, et on l’a encore
négasque se confie au ressenti en ce début de
Bio
Figaro, après avoir saison, dès les entraî-
pris le temps d’échan- nements. On espère
ger, par écrans inter- que ça va continuer.
posés, avec un jeune EXPRESS En tout cas, je ne vois
supporteur parisien 1992 pas pourquoi ça ne
hospitalisé à l’hôpital Naissance à Fréjus. continuerait pas dans
Necker (Paris) dans le 2010 ce sens-là.
cadre des tradition- Premier match
nelles rencontres or- professionnel Revenons sur le récent
ganisées par la Fonda- avec Monaco. PSG-OM
tion PSG. 2014 et votre coup de sang.
Première sélection Que s’était-il passé
LE FIGARO. - Le PSG en équipe de France pour en arriver là ?
retrouve Manchester (13 sélections à ce Je l’avais déjà un peu
United un an et demi expliqué sur les ré-
jour).
après l’élimination seaux sociaux… Je ne
2015
face à ces mêmes Red Transféré au Paris SG. suis pas fier de ce que
Devils en 8es de j’ai fait, mais c’est fait.
2016
finale. Un sentiment Premier de ses quatre Maintenant, je suis
de revanche anime le titres de champion de passé à autre chose, le
groupe aujourd’hui ? France avec le PSG, club aussi. Je n’ai pas
Layvin KURZAWA. - vainqueur de la Coupe grand-chose d’autre à
Oui et non. C’est un de France et de la dire… C’était une
match de Ligue des Coupe de la Ligue. réaction à chaud que je
champions, un 2020 n’aurais pas dû avoir.
match important. Il Finaliste de la Ligue Basta. (Kurzawa avait
faut bien commencer des champions. donné un coup de pied
la compétition et ga- au Marseillais Amavi
gner, tout simplement. Si on ne les dans une fin de match électrique,
avait pas affrontés en 2019, on NDLR.)
l’aurait abordé de la même façon.
Y avait-il eu des sanctions en
Le PSG est-il mieux armé cette interne ? La leçon est retenue ?
saison pour décrocher cette Ligue Non, pas de sanction, mais des
des champions ? discussions. La leçon est retenue.
Mieux armé, je ne sais pas. On est
armés (sourire). On a perdu des Avec cette suspension, vous
joueurs importants, c’est vrai. n’avez plus joué depuis plus d’un
Mais on s’est aussi bien renforcé. mois. Êtes-vous prêt à débuter ?
Rennes, un bizuth en Ligue des champions plein d’ambition
patrons, le trio vient de conclure
BAPTISTE DESPREZ £@Batdesprez un premier été par un mercato sé-
duisant (80 M€ dépensés, 50 M€
UN VRAI BAPTÊME du feu. Et une de vente) des recrues attractives
petite musique de la Ligue des comme la jeune pépite belge de
champions attendue par toute une 18 ans, Jérémy Doku, achetée
région sur les coups de 21 heures 26 M€ (joueur le plus cher de l’his-
ce mardi soir, pour affronter le toire du club) ou le défenseur ita-
club russe de Krasnodar. Tout du lien de la Juventus Daniele Rugani.
moins par les 5 000 supporteurs Pour un bilan que seul les résultats
rennais présents au Roazhon valideront ou non mais qui témoi-
Park, crise du Covid-19 oblige. gne déjà du potentiel du club
Pour la première fois de son exis- auprès des joueurs. Et de l’effort
tence, le Stade Rennais s’apprête à opéré par la famille Pinault pour
plonger dans le grand bain de la installer Rennes dans le haut de ta-
plus belle des Coupes d’Europe. bleau de la Ligue 1 et briller en Eu-
Avec gourmandise, ambition mais rope. « L’actionnaire a assumé le
non sans crainte. Une présence risque Covid, qui est loin d’être neu-
inédite qui récompense aussi la tre, plante Nicolas Holveck. On a
direction prise ces dernières an- pu avancer grâce à son soutien et ne
nées par le club détenu depuis pas prendre en compte la perte de
1998 par la famille Pinault (5e plus recettes sur la billetterie et les hospi-
riche de France en 2020, selon talités, soit entre 10 et 15 millions
Challenges) et la mise en place d’euros. C’est un luxe. » Ce dont ne
1
d’un triumvirat Nicolas Holveck peut témoigner, par exemple, An-
(président, 49 ans) – Florian Mau- dré Villas-Boas avec ses patrons
rice (directeur sportif, 46 ans) - américains à l’OM…
Julien Stéphan (entraîneur, Certes, la Ligue des champions
A
40 ans) au regard neuf et ambi- séduit pour recruter de nouveaux
tieux. Fort d’un appui total de ses éléments, mais le travail et la réus-
Layvin Kurzawa, Physiquement, je me sens très passé rapidement, j’ai vite réflé-
lors de la finale bien. Le temps de la suspension chi, et j’ai décidé de prolonger. Il y
de la Ligue m’a permis de beaucoup tra- a eu des négociations, et on a fini
des champions
vailler, de m’entraîner, de faire par arriver à quatre ans. Je suis
perdue par le PSG des choses en plus qu’on ne peut heureux de rester au PSG et à Paris
contre le Bayern
pas faire quand on joue tous les avec ma famille. Ça fait cinq ans
de Munich,
le 28 août dernier trois jours. Et je le ressens aujour- qu’on est ici, on est bien. Tout le
à Lisbonne. d’hui. J’espère que ça va conti- monde était content.
PETER SCHATZ / POOL VIA nuer, qu’une fois sur le terrain je
REUTERS me sentirai encore mieux. Après le départ de Thiago Silva,
Marquinhos a été promu capitaine
Vous étiez en fin de contrat en juin du Paris SG. Quel type de leader
dernier. On a un temps cru que est-il ?
vous ne signeriez qu’une pige de C’est comme Thiago, un leader
deux mois, à l’image de Thiago naturel. Il n’a pas besoin d’avoir le
127
Silva. Et finalement, vous avez brassard pour montrer qu’il est là.
obtenu une prolongation de Le brassard, c’est un bonus, pour
quatre ans… lui. Ça montre à tout le monde que
On y a tous cru (sourire). Moi-mê- c’est lui, le patron, sur le terrain et
me, j’ai été surpris ! Dans le foot, en dehors. Ce n’est pas quelqu’un
matchs
comme dans la vie, ça va vite… Il qui parle énormément, mais, dès
disputés par Layvin s’est passé que Leonardo a qu’il prend la parole, c’est pour
Kurzawa avec le PSG contacté mon agent, j’ai eu une dire des choses sensées et impor-
depuis 2015 discussion avec Leonardo en tête à tantes. C’est bien de l’avoir dans le
(et 13 buts marqués) tête et il m’a dit qu’il voulait me vestiaire, et surtout sur le terrain !
prolonger de quatre ans. Ça s’est On sentait que si Thiago partait,
site de Rennes valident aussi la tra-
jectoire prise ces dernières années.
Dans la quiétude, le club breton
progresse et les regards changent à
son égard. Déjà une première vic-
toire au sein du petit monde du
football français, qui a longtemps
raillé le club rouge et noir en le
taxant de « loser ». Une tendance
confirmée par Julien Stéphan, pré-
senté par certains comme la figure
montante des entraîneurs français
sur le marché des techniciens.
« Nos résultats récents (3e de Li-
gue 1 la saison passée, vainqueur de
la Coupe de France en 2019, NDLR)
nous enlèvent cette étiquette de lo-
CHRISTOPHE SAIDI/FEP/PANORAMIC
sers », témoigne le fils de Guy, ad-
joint de Didier Deschamps en
Bleus, impatient à l’idée de se frot-
ter au gotha européen.
« L’équipe a un rêve... »
Dans un groupe composé aussi de
Chelsea, auteur d’un mercato XXL
(223 M€ dépensés) et du FC Séville,
six Ligues Europa au palmarès
quand la France dans sa globalité ne
Acheté 26 M€ pendant le mercato, le Belge Jérémy Doku compte que deux succès sur le
(18 ans) est le joueur le plus cher de l’histoire du Stade Rennais. Vieux Continent, la réception de
c’est lui qui prendrait le relais, et
c’est exactement ce qui s’est passé.
Avec la blessure de Juan Bernat,
comment voyez-vous votre rôle,
et quel a été le discours que
Thomas Tuchel vous a tenu ?
On n’a pas vraiment parlé de cela
avec le coach. Tout dépendra de
mes prestations, et il fera ses
choix. Après, c’est à moi de faire
les meilleurs matchs possibles,
d’être le meilleur possible. Et de
continuer à faire comme je le fais
aujourd’hui : travailler, travailler
et travailler. Je ne vois pas pour-
quoi je ne jouerais pas si je conti-
nue à travailler et si mes presta-
tions sont bonnes. Après, il y a
Mitch (Bakker) et Abdou (Diallo).
À moi de prouver au coach que,
malgré la blessure de Juan,
aujourd’hui, je peux avoir le
temps de jeu que j’ai toujours vou-
lu avoir. Je vais bosser pour l’avoir
et m’imposer, enfin, dans cette
équipe.
“ Je suis heureux
de rester au PSG et à
Paris avec ma famille.
Ça fait cinq ans qu’on
est ici, on est bien
LAYVIN KURZAWA
”
Vous avez échangé avec un jeune
malade de l’hôpital Necker mardi
dernier. Comment s’est passée
la rencontre ?
C’était un jeune de 14 ans, Char-
les, qui a reçu une greffe de la
moelle épinière. On n’en a pas
trop parlé, plus du PSG. Mais il
était cool, il a posé des questions
sur le PSG, on lui a posé des ques-
tions sur ce qu’il aimait à Paris,
son joueur préféré… C’était un
bon moment. On était un peu tou-
chés, c’est grave à cet âge-là
d’être opéré de la moelle épiniè-
re… À n’importe quel âge, en fait !
On espère que ça va bien se passer
pour lui dans le futur et qu’on le
verra au Parc des Princes prochai-
nement.
En tant que jeune papa, ce genre
de moment est-il encore plus
touchant, émouvant ?
Oui, mais j’ai toujours été sensible
aux personnes touchées par la
maladie, même avant d’être papa.
Mais c’est vrai que ça peut chan-
ger mon regard aujourd’hui, on
peut se mettre à la place des pa-
rents, ça ne doit pas être facile
tous les jours… Courage aux pa-
rents, courage à lui aussi… ■
1RE JOURNÉE
LIGUE DES CHAMPIONS
GR. F ZENIT 18h55 BRUGES
GR. G KIEV - JUVENTUS
21h KRASNODAR
GR. E RENNES
GRE. E CHELSEA - SÉVILLE
GR. F LAZIO ROME - DORTMUND
GR. G BARCELONE - FERENCVAROSI
GR. H PARIS SG - MAN. UNITED
GR. H LEIPZIG - ISTANBUL
Tous les matches sur RMC Sport
Krasnodar, septième du cham-
pionnat russe, donnera déjà le ton
des ambitions rennaises, ce mardi.
Une défaite entamerait déjà bien
les espoirs du club quand une vic-
toire laisserait libre cours à tou-
te(s) ambition(s). Officiellement,
Rennes vise au moins la troisième
place du groupe, synonyme de re-
versement en Ligue Europa à l’is-
sue des phases de groupe, officieu-
sement, la deuxième place,
qualificative pour les huitièmes de
finale, occupe les esprits de Sté-
phan et son groupe. Ce qui serait
un vrai exploit pour l’actuel 107e
au classement UEFA. « L’équipe a
de l’ambition mais sait rester hum-
ble, souffle François-Henri Pi-
nault, fils de l’homme d’affaires et
mari de l’actrice mexicaine Salma
Hayek. Elle a un rêve et les yeux
fixés vers où elle veut aller. » Dans
ses rêves les plus fous, ce dernier la
voit se hisser jusqu’en finale. On
n’en demandera pas tant au Stade
Rennais. Une victoire et le baptê-
me du feu resteraient à jamais
dans les annales du club. Il y aurait
pire comme bizutage. ■

LE CARNET DU JOUR
Les annonces sont reçues
avec justification d’identité
du lundi au vendredi
de 9h à 13h et de 14h à 18h
(excepté les jours fériés)
et tous les dimanches
de 9h à 13h.
par courriel
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par téléphone
01 56 52 27 27
sur notre site
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naissances
Mme Agnès
de LAPOINTE-DOISY
Mme Odile JÉGOU
ont la joie d'annoncer
la naissance de leur petite-fille
Axelle
le 1er octobre 2020,
à Compiègne (Oise), chez
Gonzague
LE BON de LAPOINTE
et Aude JÉGOU
M. et Mme Adrien P. MONIOT
sont heureux de faire part
de la naissance de leur fille
Olga Florine Béatrice
le 11 octobre 2020.
deuils
M. et Mme Philippe Arnaud,
leur fille et leur gendre,
Mme Michèle Arnaud
et M. Frédéric Jullien
et leur fille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Janine BERTHON-ARNAUD
docteur en droit,
avocat honoraire,
rappelée à Dieu
le 15 octobre 2020,
à l'âge de 96 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu dans la stricte intimité
familiale, en l'église
Saint-Jacques-du-Haut-Pas,
à Paris (5e),
le jeudi 22 octobre, à 10 heures,
suivie de l'inhumation
dans le caveau familial au
cimetière de Bièvres (Essonne).
Muriel,
son épouse,
Emmanuel et Anne,
ses enfants,
Sarah,
sa petite-fille,
ses frères et sœurs
ont l'immense tristesse
de faire part
du rappel à Dieu de
Jean-Jacques de BOISSIEU
Saint-Cyr, promotion
Lieutenant-Colonel Jeanpierre,
diacre permanent
du diocèse de Paris,
le dimanche 18 octobre 2020,
dans sa 86e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu le mercredi 21 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou,
à Paris (7e).
L'inhumation se déroulera
à Lyon, le jeudi 22 octobre,
dans l'intimité familiale.
Sophie et Jean-Philippe
Arnould,
Véronique Charret,
Caroline et Damien Dupouy,
ses enfants,
Joséphine et Victor,
Louis, Clémence et Léonore,
Charlotte, Victoire et Emma,
ses petits-enfants,
en union avec
Françoise Charret (†)
ont l'immense tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Christian CHARRET
le 16 octobre 2020.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 21 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Honoré-d'Eylau,
64 bis, avenue
Raymond-Poincaré, Paris (16e).
L'inhumation aura lieu
dans l'intimité familiale,
au cimetière
de Sainte-Foy-lès-Lyon.
Mme Brigitte Charbonniaud,
son épouse,
Janine Portier,
sa sœur, et son époux,
Christine, Jean, Julien, Marie,
ses enfants,
et leurs conjoints,
Franck, Madeleine, Fabienne
et François,
Carine Guidon,
Antoine, Clément,
Adrien et Camille Grenier,
ses beaux-enfants
et leurs conjoints,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
et tous ses proches
ont la tristesse
de faire part du décès de
Claude CHARBONNIAUD
commandeur
de la Légion d'honneur,
commandeur
de l'ordre national du Mérite,
croix de guerre 1939-1945,
croix du combattant
volontaire de la Résistance,
préfet honoraire,
conseiller maître
à la Cour des comptes,
grand maitre d'honneur
de la Grande Loge nationale
française,
survenu à son domicile,
le 17 octobre 2020,
dans sa 96e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 21 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Saint-François-Xavier
de Soccoa, à Ciboure,
(Pyrénées-Atlantiques),
suivie à 17 heures,
de la crémation,
dans l'intimité familiale.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Résidence
Le Panorama Ursuia,
19, avenue du 8 Mai 1945,
64100 Bayonne.
Orléans.
Antoine et Anne Deschamps,
Madeleine, Pauline, Charles,
Thibaud, Jean-Baptiste,
Stéphane et Stéphanie
Deschamps,
Alexandre, Maylis,
Charlotte et Frédéric
Le Mallier,
Victor,
Eugénie et Paul Morinière,
Martin et Paul
ont la tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
M. Patrice DESCHAMPS
leur père, beau-père
et grand-père,
le 18 octobre 2020, à Orléans.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 22 octobre,
à 14 h 30, en l'église
de Sandillon (Loiret),
suivie de l'inhumation
au Grand cimetière d'Orléans.
Caen (Calvados).
Anne et Guillaume Hamel,
Renaud et Magali Duhamel,
Aurore Duhamel
et Jean-Jacques Hubert,
ses enfants,
Antoine, Clément, Alice,
Violette, Suzanne,
Anna, Ernest,
ses petits-enfants,
Alain, Martine,
Patrice, Dominique,
ses frères et sœurs,
ainsi que toute sa famille
ont la tristesse de faire part
du décès du
professeur Jean-François
DUHAMEL
membre de l'Académie
nationale de médecine,
officier de la Légion d'honneur,
survenu le 17 octobre 2020,
dans sa 80e année, à Caen.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église de
l'Abbaye-aux-Dames, à Caen,
le mercredi 21 octobre 2020,
à 15 h 30.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Jocelyne Hamon,
son épouse,
Pascale Creux,
sa compagne,
Claire et Lisette Hamon,
ses filles,
Alexandra et Jean-Charles
Labeyrie,
ses petits-enfants,
ont l'immense tristesse
de vous faire part
de la disparition de
Jean HAMON
le 18 octobre 2020,
à Bullion (Yvelines).
Un hommage lui sera rendu le
vendredi 23 octobre, à 16 h 30,
au crématorium des Yvelines,
52, rue de la Nouvelle-France,
Les Mureaux.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Michel Four,
son époux,
Pierre et Valérie Four,
ses enfants,
Raphaële et Rudy,
Maxime et Alexis,
Cécile,
ses petits-enfants,
Madeleine,
son arrière-petite-fille,
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Louise FOUR
née Nédelec,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
survenu le 2 octobre 2020,
à l'âge de 92 ans.
La cérémonie religieuse
a eu lieu le 9 octobre 2020,
en l'église du Saint-Esprit,
à Paris (12e), suivie
de l'inhumation au cimetière
de Morsang-sur-Orge.
Ervan et Laetitia Pouliquen,
Quentin et Christine Watteau,
Donatienne du Jeu,
Charles-Edouard du Jeu,
ses enfants,
Henry et Laetitia
de Beauchesne,
Michaël et Solange du Jeu,
ses beaux-enfants,
ses quinze petits-enfants
font part du rappel à Dieu de la
vicomtesse Patrick du JEU
née Aurore
de Feuilhade de Chauvin,
le 18 octobre 2020,
à Vallon-sur-Gée (Sarthe).
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Saint-Symphorien,
à Loué (Sarthe),
le jeudi 22 octobre, à 11 heures,
dans le respect strict
des restrictions sanitaires.
L'inhumation aura lieu
dans l'intimité familiale,
au cimetière de La Comelle
(Saône-et-Loire).
Une messe sera célébrée
ultérieurement à Paris.
Hjalmar et Marguerite
Kjellberg,
son fils et sa belle-fille,
Göran Kjellberg et Nelly Jacob,
Ivar Kjellberg
et Jérémie Boisselier,
Cédric Rampelberg
et Marie-Hortense Moheng,
ses petits-enfants,
Louise et Samuel,
ses arrière-petits-enfants,
Stéphane et Elina Rampelberg
ainsi que les familles Perrault
et Roelants
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Françoise
KJELLBERG-MOUFFLET
survenu le 18 octobre 2020,
dans sa 100e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 22 octobre,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Honoré-d'Eylau,
66 bis, avenue
Raymond-Poincaré, Paris (16e),
suivie de l'inhumation
au cimetière du Montparnasse,
3, boulevard Edgar-Quinet,
Paris (14e).
Cet avis tient lieu de faire-part.
Hjalmar Kjellberg,
6, rue Carpeaux,
92400 Courbevoie.
hjalmar_kjellberg@yahoo.fr
Cédric Rampelberg,
2, rue Saint-Placide,
75006 Paris.
crampel75@hotmail.com
Angers (Maine-et-Loire).
En union avec
Mme René Lacombe (†),
née Monique
Audemard d'Alançon,
M. et Mme Xavier Lacombe,
M. et Mme Loïc Lacombe,
Mme Bénédicte Hering,
M. et Mme Bruno Lacombe,
M. et Mme Thierry Mathé,
M. et Mme Gabriel Lacombe,
M. et Mme Baudoin Desclèves,
ses enfants,
ses 29 petits-enfants
et 5 arrière-petits-enfants
ont la tristesse de faire part
du rappel à Dieu de
M. René LACOMBE
le 17 octobre 2020
à l'âge de 86 ans, à Angers,
munie des sacrements
de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Laud, à Angers,
le jeudi 22 octobre, à 10 h 15.
L'inhumation aura lieu
au cimetière
de Saint-Jean-de-Linières.
Cet avis tient lieu de faire-part.
« Dieu est Amour : celui qui
demeure dans l'Amour
demeure en Dieu,
et Dieu en lui. »
1 Jean 4, 16.
Sabine et Philippe
Giraud-Sauveur,
Jean-Daniel et Armelle Lainé,
Véronique et Eric Edelfelt,
Aliette et Thierry Arnaud,
Myriam Regnié,
ses enfants,
ses 11 petits-enfants
et leurs conjoints,
ses 15 arrière-petits-enfants
ont la profonde tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Raymond LAINÉ
née Odile Marret,
le vendredi 16 octobre 2020,
dans sa 105e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 23 octobre,
à 10 h 30,
en l'église Saint-Clodoald
de Saint-Cloud.
« Tu es précieux à mes yeux,
n'aie pas peur
car je suis avec toi. »
Esaïe 43, 4-5.
M. Arnaud Leenhardt,
son époux,
Sabine et Thierry Davin,
Armelle et Antoine Nouis,
Régis et Véronique Leenhardt,
Frédéric Leenhardt
et Patricia Guzman,
Laurent et Delphine Leenhardt,
ses enfants,
ses 17 petits-enfants
et leurs conjoints,
ses 12 arrière-petits-enfants
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
Andrée LEENHARDT
survenu le 16 octobre 2020,
à l'âge de 87 ans.
Le service religieux
sera célébré
en l'église réformée de l'Étoile,
54, avenue
de la Grande-Armée, à Paris,
ce mardi 20 octobre 2020,
à 15 heures.
Ni fleurs ni couronnes,
des dons à l'EMPP
(Entraide médicale protestante
pastorale),
47, rue de Clichy, 75017 Paris.
Bourgvallées, Soulles
(Manche).
Mme Le Prévost
de La Moissonnière, née
Odile Le Gouz de Saint Seine,
son épouse,
M. et Mme Edouard
Le Prévost de La Moissonnière,
Iris et Eloi,
le comte et la comtesse
Yves de Reviers de Mauny,
Constance, Sixtine, Hugues,
Domitille, Camille,
M. et Mme Arthur
Le Prévost de La Moissonnière,
William, Sixte, Ariane,
le comte et la comtesse
Hugues d'Anselme,
Isaure, Augustin, Ombline,
Grégoire, Louis,
ses enfants et petits-enfants,
ont la douleur
de vous faire part du décès de
M. LE PRÉVOST
de LA MOISSONNIÈRE
ancien maire de Soulles,
ancien administrateur du
Centre national de la propriété
forestière de Normandie,
officier du Mérite agricole,
ancien combattant d'Algérie,
survenu le 15 octobre 2020,
à Soulles, dans sa 82e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
ce mardi 20 octobre, à 14 h 30,
en l'église de Soulles.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Château de Soulles,
50750 Bourgvallées.
Lyon.
Christian Moyne,
Bertrand et Caroline Moyne,
Bruno et Marie-Ange Moyne,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
les familles Moyne et Ginon
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Louis MOYNE
croix de guerre 1939-1945,
survenu le 18 octobre 2020,
à l'âge de 102 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Pothin, Lyon (6e),
le jeudi 22 octobre 2020,
à 10 heures,
suivie de l'inhumation
auprès de son épouse,
Magdeleine,
décédée en 1974.
Mme Nicole Marty,
son épouse,
ses enfants,
ses petits-enfants
et toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
M. Guy MARTY
le 16 octobre 2020,
à l'âge de 80 ans.
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 22 octobre,
à 10 h 30,
en l'église Sainte-Thérèse
de Boulogne-Billancourt.
Les familles Pazery, Doreau,
Fodor, Javer
ont la tristesse de faire part
du décès de leur tante
Christiane PAZERY
survenu à Versailles,
le 14 octobre 2020,
à l'âge de 95 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le vendredi
23 octobre, à 14 h 30, en l'église
Notre-Dame de Versailles,
suivie de l'inhumation
au cimetière des Gonards
de Versailles.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Le gouverneur des Invalides,
le directeur,
le président du Foyer,
les pensionnaires
et les bénévoles de
l'Institution nationale
des Invalides
font part avec tristesse
du décès de
Mme Jeanne POURTHIER
pensionnaire de l'Institution
nationale des Invalides.
Ils lui feront leurs adieux
le jeudi 22 octobre 2020,
à 10 h 30, en la cathédrale
Saint-Louis des Invalides,
Paris (7e).
Tourgéville (Calvados).
Ses amis
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Mme Annie PROST
ancienne vice-présidente
en charge du planning
stratégique du groupe Havas,
survenu dans sa 75e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 23 octobre 2020,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Pierre de Tourgéville,
suivie de l'inhumation
au cimetière.
Condoléances sur registres.
Fleurs naturelles uniquement.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Paris (7e).
Mme Bernard Sanoner,
son épouse,
Mme Jacqueline Petitdidier,
sa sœur,
M. et Mme
Jean-Sébastien Sanoner,
M. et Mme Arnaud Sanoner,
M. et Mme Yves Mahiu,
le capitaine de vaisseau
et Mme Frédéric Sanoner,
ses enfants,
M. et Mme Cédric Feaugas,
Mlle Juliette Feaugas,
M. Pierre Sanoner,
le lieutenant Jean Sanoner,
Mlle Astrid Sanoner,
M. Guillaume Sanoner,
M. Ulrich Sanoner,
M. et Mme Hubert Mahiu,
Mlle Sybille Mahiu,
Mlle Clémence Mahiu,
M. Adrien Mahiu,
M. et Mme Raphaël Aujame,
Mlle Marie-Lætitia Sanoner,
M. et Mme Pierre-Olivier Bru,
M. Jean-Baptiste Sanoner,
ses petits-enfants
et arrière-petite-fille,
ont la grande tristesse
de faire part du décès de
M. Bernard SANONER
ancien de la 2e DB,
survenu le 17 octobre 2020,
à l'âge de 96 ans, à Paris, muni
des sacrements de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou,
92, rue Saint-Dominique,
à Paris (7e),
le vendredi 23 octobre 2020,
à 14 heures.
Ni fleurs ni couronnes,
des messes à son intention.
Ellen et Xavier Berthoud,
Bernard et Sylvie Saltiel,
ses enfants,
Margaux et Victoria Saltiel,
Laurent Berthoud
et son épouse Lyse,
ses petits-enfants,
Carl Berthoud,
son arrière-petit-fils,
Sofia, Maria
et l'équipe d'assistantes de vie
ont la tristesse de faire part
du décès de
Christiane SALTIEL
née Vercasson,
survenu le 12 octobre 2020,
à son domicile,
dans sa 94e année.
L'inhumation a eu lieu dans la
plus stricte intimité familiale.
Elle a rejoint son époux Jacques,
décédé en 2015.
ellenberthoud@orange.fr
bernardsaltiel@salonikas.com
Mme Philippe Setton,
son épouse,
Gilly et Elie Zilkha,
sa sœur et son beau-frère,
Jackie et Hélène Setton,
son frère et sa belle-sœur,
Stella et Joe Dana,
sa belle-sœur et son beau-frère,
les familles Setton, Wallier,
Bouhanna, Brownstein, Dana,
ses neveux et nièces,
les familles Setton et Smouha,
ses cousins,
René de Picciotto,
son cousin et associé,
ont l'immense douleur
de vous faire part du décès de
Philippe SETTON
qui nous a quittés
le 15 octobre 2020.
L'enterrement a eu lieu
le 16 octobre 2020.
M. et Mme Jacques Pénigault,
M. et Mme Hervé le Tanneur,
M. et Mme
Guillaume O'Byrne,
le contre-amiral et Mme
Roger Levesque,
M. et Mme
Xavier Ogier du Terrail,
M. et Mme Jean le Tanneur,
ses enfants,
Alix et Charles-Henri,
Erwan, Aurélie, Guillaume,
Marine, Clémence et Héloïse,
John, Adrien et Hortense,
Thomas, Pierre-Moana
et Benjamin,
Jean,
Alexis, Arthur et Aymeric,
ses petits-enfants,
ses 29 arrière-petits-enfants,
Mme Hugues de Lestapis,
M. Martin Desprez,
sa belle-sœur
et son beau-frère,
ont la grande tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Yves le TANNEUR
née Christiane de Lestapis,
dans sa 95e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le jeudi 22 octobre 2020,
à 14 h 30, en l'église
du Cœur Immaculé de Marie,
23, rue de Verdun,
à Suresnes (Hauts-de-Seine).
Antoine et Lucille Bonenfant,
Antoine et Ségolène Benoist,
ses enfants,
Héloïse, Anatole, Augustine,
Lazare,
ses petits-enfants,
Delphine Guyon,
Christian et Bathilde Barthes,
Brice Barrillon,
ses frère, sœurs et beau-frère,
leurs enfants et petits-enfants,
Laurent et Evelyne Teil,
Marie-Pierre Teil (†),
Yves et Geneviève
Gueguen-Teil,
Frédéric et Aigline Teil,
ses beaux-frères
et belles-sœurs,
leurs enfants et petits-enfants
ont la douleur
de faire part du décès de
Mme Hervé TEIL
née Valérie Barrillon,
survenu à Paris,
le 17 octobre 2020,
à l'âge de 69 ans.
La célébration religieuse
aura lieu
le vendredi 23 octobre,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Pierre-du-Gros-Caillou,
Paris (7e),
suivie de l'inhumation
au cimetière de Montmartre,
Paris (18e).
mardi 20 octobre 2020
15
Chatou (Yvelines).
Saint-Galmier (Loire).
Mme Éric Tardy,
Marie, Louis, Laetitia,
Delphine et Franck,
ses enfants,
M. et Mme Didier Tardy,
ses parents,
leurs enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants
ont la douleur
de vous faire part du décès de
M. Éric TARDY
rappelé à Dieu
à l'âge de 56 ans.
La messe de funérailles
aura lieu
le mercredi 21 octobre 2020,
à 15 heures,
en l'église de Saint-Galmier.
Patrick Villet,
son mari,
Camille et Alexandre,
ses enfants,
Alma, sa petite-fille,
ont la douleur
de vous faire part
de la disparition de
Dominique VILLET
née Langlois-Gaignard,
à l'âge de 70 ans, des suites
d'une longue maladie.
Nos remerciements vont
à Cécile Yavicko
qui l'a accompagnée
durant cinq années.
La cérémonie religieuse
aura lieu en l'église
de Grez-sur-Loing,
le jeudi 22 octobre, à 14 h 30.
16, rue de Varenne, 75007 Paris.
30, rue du Vieux-Pont,
77880 Grez-sur-Loing.
Laurent Weil,
Xavier Weil et Heidi Tierens,
Jonathan Weil,
Elodie Weil et Harrison Grass,
ses enfants,
Alexandre et Chloé Weil,
Ella Rose Grass,
ses petits-enfants,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Gilbert David WEIL
le mercredi 14 octobre 2020,
à l'âge de 66 ans.
L'inhumation a eu lieu
dans l'intimité, à Bruxelles,
au cimetière juif
de Wezembeek-Oppem.
Des dons peuvent être faits
à l'attention du rabbin
Emmanuel Taubenblatt
pour l'association
Orh Menachem
sur bh12.fr
hommage@weil.be
souvenirs
Il y a dix ans, le 20 octobre 2010,
Etienne CALAS
entrait dans la Paix de Dieu.
« Tu n'es plus là où tu étais
Mais tu es partout
là où je suis. »
Victor Hugo.
Son épouse Suzette,
ses filles,
Bernadette et Odile,
et tous les siens.
En mémoire de
Yves de LABRUSSE
décédé le 19 octobre 2000.
Engagement, tradition,
transmission.
Il y a 20 ans.
Nous nous souvenons de
Yves et de Hélène son épouse.
Il y a un an, le 20 octobre 2019,
Danielle VIENS
nous quittait.
Que ceux qui l'ont connue
et aimée aient une pensée
ou une prière pour elle.
De la part de
Gérard, son mari,
Nicolas et Stéphanie,
ses enfants,
et ses 6 petits-enfants.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
16 CHAMPS LIBRES
ENQUÊTE
Au Canada, le cannabis
pour échapper à l’enfer du Covid
Ludovic Hirtzmann
A
Montréal
ux confins de la Petite-Italie et du
quartier montréalais de Rose-
mont-Petite-Patrie, il existe une
boutique où la marijuana se vend
sous toutes ses déclinaisons. C’est
une succursale de la Société qué-
bécoise du cannabis (SQDC). Rares
sont les magasins qui peuvent s’enorgueillir d’une
telle affluence en cette fin de journée d’automne
frisquette. Une centaine de personnes attendent pa-
tiemment en file indienne à l’extérieur du magasin
pour acheter ce cannabis que les Québécois appel-
lent « pot ». « J’achète ici, parce que c’est le fun », as-
sure une jeune fille. Rien de nouveau. Robert Charle-
bois chantait déjà en 1973 : « Entre deux joints tu
pourrais faire quelque chose ». Au bonheur des
psychotropes, l’État québécois vendeur de cannabis
aligne plus d’une centaine de produits dans ses bou-
tiques : cannabis séché, en gélules, en huile et même
sous forme de vaporisateurs. Il y en a pour tous les
goûts et les teneurs en Tétrahydrocannabinol (THC)
sont bien indiquées. Dans ces paradis des brumes ar-
tificielles, des employés proprets, salariés de l’État,
pilotent les ventes. La SQDC renvoie l’image d’une
entreprise dont les travailleurs respirent la santé. Sa
quarantaine de magasins ressemblent plus à des
pharmacies qu’à des fumeries clandestines. Un jeu-
ne vendeur confie pourtant que la majorité des
clients, souvent âgés de 25 à 35 ans, se moquent bien
des enjeux de santé. Quelles sont les senteurs dis-
ponibles pour rejoindre le « nirvana » ? Boisé, fruité
ou encore une étrange mouffette (putois). Le gou-
vernement canadien s’est intéressé depuis long-
temps à la légalisation des stupéfiants. Au tournant
des années 2000, le premier ministre Jean Chrétien
avait promis la légalisation du « pot ». Seul le canna-
bis médical avait finalement été autorisé en 2001.
Justin Trudeau a brisé le tabou. Les Canadiens peu-
vent depuis le 17 octobre 2018 acheter et consommer
de la marijuana à des fins récréatives, si tant est
qu’ils soient âgés d’au moins 18 ans et de 21 ans au
Québec. Contrairement au reste du pays, la Belle
Province interdit à ses concitoyens de cultiver du
cannabis chez eux.
Produits de qualité
à la traçabilité certifiée
En légalisant les ventes d’herbe, le principal objectif
d’Ottawa est d’empocher les profits des réseaux cri-
minels du cannabis et d’affaiblir ces derniers. L’État a
aussi voulu diminuer les risques d’accidents sur la
santé en proposant aux consommateurs de stupéfiants
des produits de qualité, à la traçabilité certifiée. Aux
opposants à la légalisation, les autorités ont rétorqué
qu’à défaut de légaliser la drogue, les acheteurs se
tourneront vers des dealers. Le criminologue Serge
Brochu, professeur à l’université de Montréal, juge
que « la légalisation fait en sorte qu’une grande part des
profits (20 à 30 %) autrefois empochés par les milieux
criminels est maintenant dans les coffres de nos gouver-
A
nements. Cette part sera en croissance encore pour
quelques années. »
Légalisé depuis Pourtant, si les autorités ont remplacé les trafi-
quants dans plusieurs points de vente, les fonctionnai-
octobre 2018, l’usage res du cannabis ne sont pas aussi « performants » que
les dealers, longtemps restés seuls sur le marché. En-
viron 80 % du marché reste aux mains des criminels.
récréatif du cannabis
Le professeur Brochu précise que ces derniers « offrent
des services que les détaillants légaux ne sont pas en me-
a explosé pendant sure de dispenser : livraison à domicile rapide et à toute
heure du jour et de la nuit, des prix très compétitifs, des
le confinement. produits non disponibles, l’achat en grande quantité et
la vente aux mineurs ». Le professeur Jean-Sébastien
Les profits de la très Fallu, de l’École de psychoéducation de l’université de
Montréal, dresse pourtant un bilan « relativement po-
officielle Société sitif ». « Il n’y a pas eu d’apocalypse, pas d’effets néga-
tifs notables. La consommation est demeurée relative-
québécoise du cannabis ment stable », souligne-t-il. Selon Serge Brochu,
« avec la légalisation du cannabis, on craignait une aug-
(SQDC) ont été multipliés
mentation de la conduite automobile sous intoxication.
(…) Le taux est inchangé par rapport à la situation
d’avant la réglementation ». Le spécialiste estime que
par sept entre mars et la légalisation a permis de normaliser les rapports avec
les usagers de cannabis et de mieux transmettre les
juin. Pourtant, les réseaux messages de prévention. La nouvelle réglementation a
été un chantier juridique titanesque. Il a fallu adapter
criminels continuent de le droit du travail, des assurances et de nombreux as-
pects de la vie quotidienne. Si chaque province est li-
garder la main sur la plus bre d’organiser la vente de marijuana comme bon lui
semble, parfois via la sphère privée, la plupart des ter-
grande partie du marché. ritoires vendent le produit dans des boutiques d’État.
Le prix du gramme de cannabis légal y varie entre 6 et
10 dollars canadiens (entre 4 et 6,4 euros).
Usines de marijuana
Au pays du cannabis décomplexé, les habitants étaient
pour près des deux tiers favorables à la légalisation. La
consommation n’est plus un tabou. Les politiciens,
750 km soucieux de leur image dans l’électorat, avouent pres-
que tous avoir consommé des joints dans leur jeunes-
se. Même l’ex-premier ministre canadien Brian
1. Nouveau-Brunswick Mulroney, à 80 ans, a rejoint il y a deux ans le conseil
2. Île-du-Prince-Édouard d’administration d’une firme de cannabis, Acreage
3. Nouvelle-Écosse Holdings. Le marché légal du cannabis est très struc-
turé. La SQDC dispose de conseillers en image et re-
crute ces jours-ci un conseiller en médias sociaux. La
Yukon Terr. du Nunavut société d’État jure sur son site internet : « Notre mis-
Nord-Ouest sion est d’assurer la vente au détail du cannabis dans
Terre-Neuve- une perspective de protection de la santé, afin d’intégrer
Alberta et-Labrador les consommateurs au marché licite du cannabis et de les
Colombie- Manitoba y maintenir. (…) Notre mandat est avant tout social ».
Brit. Saskatchewan Québec Si les achats d’herbe sont modestes, en moyenne
Ontario 2
1
3 20 euros par client, ils ont explosé pendant le confine-
Ottawa Montréal ment. La SQDC a multiplié ses profits par sept entre
ÂGE LÉGAL POUR L’ACHAT mars et juin. Surtout, le marché du cannabis ne se li-
DE CANNABIS AU CANADA mite pas aux ventes des 400 magasins de marijuana au
18 ans 19 ans 21 ans Canada. Les grands producteurs de cette drogue ont
Source :
Infographie gouvernement canadien construit des usines de marijuana. Les écoles ont for-
mé des techniciens. Les étudiants y ont appris l’horti-
culture, le marketing, la botanique appliqués au can-
nabis. Les gouvernements provinciaux ont légiféré et
organisé les ventes d’un marché dont les revenus, très
Les jeunes ne connaissent rien sur
les effets du cannabis. On a légalisé sans
»
faire de la prévention. C’est scandaleux
GABRIELLA GOBBI, PSYCHIATRE
Des clients de la Société
québécoise du cannabis
(SQDC) étudient,
le 17 octobre, dans
une boutique de Montréal,
au Québec, la carte
des produits disponibles
avant de procéder
à un achat.
CHRISTINNE MUSCHI/REUTERS
variables selon les sources, seraient annuellement de
5 milliards de dollars canadiens (3,2 milliards
d’euros). L’Institut national statistique Canada préci-
se : « En comparaison, la taille de l’industrie du tabac
était d’un milliard de dollars et la taille de l’industrie de
la bière était de 2,9 milliards de dollars ». La légalisa-
tion a fait le bonheur des spéculateurs à la Bourse de
Toronto où un indice marijuana a même été créé. Si
l’industrie a connu des hauts et des bas, la capitalisa-
tion boursière des plus grandes sociétés de « pot » a
parfois dépassé celle des grandes industries canadien-
nes. Selon l’institut canadien Bedford Group, Brian
Mulroney aurait ainsi perçu 13,9 millions de dollars en
2019 d’Acreage Holdings.
Les enjeux de santé publique ont été passés sous
silence, malgré les mises en garde du corps médical. Si
des chercheurs et des médecins se sont inquiétés des
effets du « pot » sur la santé de la jeunesse, l’ex-minis-
tre de la Santé, Jane Philpott, avait balayé tout risque :
« La légalisation du cannabis n’est pas un fardeau, mais
bien une occasion de protéger nos jeunes ». Tout au plus
a-t-on créé au Québec un fonds de prévention sur le
cannabis, dont l’action est bien discrète, au regard des
enjeux sanitaires. Selon l’Institut national de la santé
publique du Québec, 22 % des jeunes québécois âgés de
15 ans à 17 ans consomment du cannabis. Plus de 8 %
n’ont que 13 ans ! Partant du principe que les adoles-
cents iront de toute façon acheter du cannabis par des
canaux illégaux s’ils n’ont pas le droit de le faire légale-
ment, le professeur Jean-Sébastien Fallu assure que
« l’interdiction de consommation dans les lieux publics
et avant l’âge de 21 ans sont de mauvaises politiques ».
Ce point de vue est partagé par de nombreux ex-
perts. D’autres voix s’élèvent pour dire qu’un tel rai-
sonnement mènerait à légaliser la vente de « pot » dès
l’âge de 12 ans. Pire, la dépénalisation de la marijuana
la rendrait plus attrayante et moins dangereuse aux
yeux des adolescents. Lors d’une commission parle-
mentaire sur le cannabis, la psychiatre montréalaise
Gabriella Gobbi s’est émue : « Les jeunes ne connais-
sent rien sur les effets du cannabis. On a légalisé sans
faire de la prévention. C’est scandaleux ». Comme
d’autres médecins, Gabriella Gobbi dénonce l’absen-
ce de règles sur la teneur en THC dans la marijuana.
« On a la permission de posséder 30 grammes (de can-
nabis sur soi) sans une limite de pourcentage de THC.
On peut avoir 10 %, 20 %, 30 % de THC. Ce sont des
quantités énormes à donner à un jeune de 18 ans ». Et la
professeur de psychiatrie de l’université McGill d’ex-
pliquer : « Si quelqu’un souffre d’un cancer, on donne
entre 0,5 gramme et un gramme de cannabis par jour
contre la douleur ». Selon une étude de l’Institut cana-
dien d’information sur la santé, plus d’une trentaine
de jeunes âgés de 10 ans à 24 ans, principalement des
adolescentes de 12 ans à 16 ans, sont hospitalisés quo-
tidiennement au Canada des suites de la consomma-
tion de cannabis. Avec, au menu, des syndromes de
schizophrénie, des envies suicidaires et des troubles
de l’humeur ! Parmi eux, quelques dizaines d’adoles-
cents décèdent chaque année, sans que l’on sache si le
cannabis consommé provenait d’un achat légal ou
non. Le débat sur les drogues est loin d’être clos. La
médecin-chef du Canada, Theresa Tam, a récemment
invité les autorités à réfléchir à la légalisation d’autres
stupéfiants. La professeur Gobbi a, elle, interpellé les
parlementaires : « Ce qui doit être à la première place,
au-delà des intérêts des compagnies qui produisent le
cannabis ou des gouvernements qui perçoivent les im-
pôts, c’est la santé des jeunes. » ■

La France peut-elle sortir de la
crise sans augmenter les impôts ?
Ne pas accroître
Manon Malhère
la pression fiscale £@ManonMalhere
est une condition
pour sortir FISCALITÉ Alors que l’épidémie du
de la crise. Le pays coronavirus frappe l’économie française
depuis plusieurs mois, le gouvernement
va devoir durcir n’infléchit pas sa ligne. La fiscalité
n’augmentera pas pour payer la facture
sa discipline de la crise, martèlent les ministres dès
que l’occasion se présente. « On ne ré-
budgétaire soudra pas une crise comme celle-ci en
augmentant les impôts », soutenait, lui-
pour réduire même, Emmanuel Macron, en juillet
dernier. Mieux, à dix-huit mois du pre-
le fardeau mier tour de l’élection présidentielle, le
gouvernement assure qu’il ne touchera
de la dette, pas aux trajectoires de baisse de certains
prélèvements obligatoires – dont la sup-
à moyen terme. pression de la taxe d’habitation - déjà
engagées pour un montant global de
45 milliards d’euros entre 2018 et 2021.
L’inquiétude des Français est toutefois
justifiée, conscients que c’est une tradi-
tion française de régler tous les maux re-
latifs à la hausse de l’endettement en
taxant davantage. Chaque jour, les chif-
fres sont un peu plus vertigineux. L’exé-
cutif a déjà mobilisé quelque 468 mil-
liards d’euros de mesures d’urgence
- dont 300 milliards de mesures de ga-
ranties publiques - auxquels s’ajoute le
plan de relance de 100 milliards. Or, en
face, les recettes publiques se sont effon-
drées. Cette année, le déficit public de-
vrait s’établir à 10,2 % (contre 3 % l’an
dernier), la dette exploser à 116,2 % du
PIB en 2020, soit plus de 2 640 milliards
d’euros.
Dans ce contexte, la France peut-elle
réellement sortir de la crise et engager
son désendettement, le tout sans aug-
menter les impôts comme le soutiennent
mordicus Matignon et l’Élysée ?
❙ UNE CONDITION POUR
SORTIR DE LA CRISE
Ne pas augmenter les impôts est la
condition impérative pour sortir de la
crise au cours des deux prochaines an-
nées consacrées à la relance, s’accordent
à dire bon nombre d’économistes. C’est
assez mécanique en réalité : plus la pres-
sion fiscale augmente, plus l’activité
s’affaiblit en raison d’une contraction
des revenus des ménages et donc de leur
consommation, alors que l’investisse-
ment des entreprises s’affaisse. La crise
financière de 2008 est à ce sujet élo-
quente. Les gouvernements ont accru la
pression fiscale pour redresser leurs
1 En pleine crise, le gouvernement veut
maintenir les baisses d'impôts engagées
PRINCIPALES MESURES DE LA BAISSE DES IMPÔTS
D’UN MONTANT TOTAL DE 45 MILLIARDS D’EUROS ENTRE 2018 ET 2021
Ménages 22 Entreprises 23
Réforme du barème de l’impôt sur le revenu Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33% à 25%
5 8,1
Suppression de la taxe d'habitation Suppression des impôts de production
12,6 10
Réforme de la fiscalité sur le capital CICE
5 5,2
2 Dans la Zone euro, la hausse de la pression
fiscale après la crise des subprimes
a fait rechuter l’activité
PRESSION FISCALE CROISSANCE DE LA ZONE EURO, PIB EN %
DANS LA ZONE EURO,
EN % DU PIB
0
40
-6
39
-12
38 -18
2002 2008 2014 2020 2002 2008 2014
Source : Natixis
CHAMPS LIBRES
ÉCONOMIE
comptes et ainsi tenter de contrer la
crise des dettes souveraines. Les consé-
quences ont été particulièrement néfas-
tes sur la reprise économique.
En France, les prélèvements obligatoires
sont passés de 41 % à 45 % du PIB en six
ans. Ce sont plus spécifiquement les
hausses d’impôts sur les classes moyen-
nes engagées sous Nicolas Sarkozy puis
François Hollande qui sont pointées du
doigt. Les chiffres ne trompent pas : la
croissance a chuté de 2,2 % en 2011 à
0,2 % en 2012 avant de stagner autour de
1 % les années suivantes, avec un impact
considérable sur le pouvoir d’achat.
Selon une étude de l’Insee, les réformes
socio-fiscales entreprises entre 2008
et 2016 ont amputé de 1,4 % les revenus
disponibles des ménages.
« Aujourd’hui, il est d’autant plus impor-
tant de ne pas toucher les impôts que de
nombreuses incertitudes sanitaires et
économiques continuent de peser sur
l’activité », précise Philippe Martin,
président du Conseil d’analyse écono-
mique. La priorité dans le contexte ac-
tuel est de regagner la confiance des
ménages largement ébranlée à l’heure
où la France fait face à une deuxième va-
gue de l’épidémie. « Beaucoup d’épargne
a déjà été accumulée durant cette crise
(plus de 80 milliards d’euros). Il faut évi-
ter que les ménages thésaurisent cet ar-
gent de peur que les impôts augmentent »,
souligne Xavier Timbau, directeur de
l’Observatoire français des conjonctu-
res économiques.
❙ UNE
DETTE QUI DOIT
RESTER SOUTENABLE
C’est après le redémarrage de l’économie
que l’heure des comptes viendra. La
question du désendettement se reposera
nécessairement, avec un niveau de dette
largement supérieur à 100 % du PIB, bien
loin des 60 % préconisés par les règles
budgétaires européennes en temps nor-
mal. C’est avant tout la crédibilité de la
France sur les marchés financiers qui est
en jeu. Autrement dit, sa capacité à
maintenir un niveau de dette qui ne soit
pas risqué aux yeux des investisseurs
pour conserver un coût d’emprunt faible
et, in fine, éviter la faillite de l’État. « La
France n’est pas mortelle, contrairement
aux ménages. Le problème n’est donc pas
de rembourser la dette mais d’en assurer
sa soutenabilité », insiste Philippe Martin.
L’exercice n’est pas aisé. Jusqu’à pré-
sent, le gouvernement s’est reposé sur la
politique des taux bas menée par les
banques centrales depuis plus de dix ans.
Celle-ci permet d’emprunter à très bas
prix sur des marchés globalement rassu-
3 En France, le poids des prélèvements obligatoires
s'est accentué après la crise de 2007…
44
38
32
26
1999 2000 2001 2002 2003 2004
4 … et a impacté
le revenu des ménages
EN
MILLIARDS
EN EUROS EN % DU
PAR REVENU
D’EUROS MÉNAGE DISPONIBLE
Mesures relatives
aux prélèvements -21,2 -750
Mesures relatives
aux prestations sociales 6,9 250
Ensemble -14,3 -500
Au total, entre 2008 et 2016, les mesures nouvelles
concernant les prélèvements et les prestations sociales
incluses ont réduit le revenu disponible des ménages
2020 de 14,3 milliards d’euros.
Source : Insee
rés, sans faire d’importantes économies.
Grâce aux taux bas, la France emprunte
chaque année un peu plus (260 milliards
d’euros en 2021) et voit les intérêts de sa
dette baisser, de plus de 50 milliards
d’euros en 2012 contre 37 milliards l’an-
née prochaine…
L’exécutif ne pourra compter éternelle-
ment sur la politique monétaire ultra-
accommodante. Rien ne garantit en effet
que les taux se maintiendront à des ni-
veaux aussi bas à moyen terme. Et la
moindre hausse serait financièrement
dramatique. Selon Bercy, dans l’hypo-
thèse où ils devaient remonter de 1 %,
les intérêts à rembourser augmente-
raient de 29 milliards en 2030. Une
hausse de 2 % ferait alors doubler ce
montant. « C’est une question difficile à
trancher. Si les taux devaient remonter,
on aurait des ennuis », reconnaît Éric
Chaney, économiste à l’Institut Montai-
gne. La France pourrait rencontrer
d’importantes difficultés à trouver de
nouveaux créanciers privés pour se fi-
nancer et se retrouver dans une situa-
tion grave.
Mais même si les taux restent faibles
comme l’anticipent de nombreux ex-
perts, « il ne faut pas écarter le risque
d’une crise des finances publiques car les
marges sont très contraintes », alerte
François Ecalle, fondateur du site Fipeco
et ancien magistrat de la Cour des comp-
tes. Les gouvernements successifs n’ont
pas suffisamment profité des périodes
d’embellie économique ces dernières
décennies pour s’attaquer aux déficits
accumulés. La France en paie le prix, en
subissant la plus forte récession depuis
1945 avec des comptes dégradés.
❙ L’ILLUSION
D’UNE
CROISSANCE MIRACLE
Pour l’heure, l’exécutif parie en grande
partie sur le seul retour de la croissance
à un niveau d’avant-crise d’ici à 2022,
sans toucher aux impôts donc, pour ré-
sorber progressivement la dette Covid.
L’exécutif défend une idée séduisante :
le plan de relance doit redonner du to-
nus à l’activité économique. À partir de
là, la production et les revenus devraient
augmenter et, par voie de conséquence,
permettre d’engranger des recettes fis-
cales qui réduiront les déficits et per-
mettre d’engager le désendettement. Ce
scénario suscite des réserves. En juin
dernier, la Cour des comptes tirait déjà la
sonnette d’alarme sur l’illusion d’une
croissance qui serait à nouveau sur pied
rapidement. « Il apparaît plus vraisem-
blable que la crise laissera sur nos capaci-
tés économiques des séquelles durables,
Après une baisse en 2009 due au plan de relance,
le poids des prélèvements obligatoires en France a crû
de presque 4 points de PIB jusqu’à presque 45 % en 2013
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
5 Le désendettement,
un enjeu crucial à moyen terme
PROJECTION DE LA DETTE PUBLIQUE, EN % DU PIB
140
-2 120
100
0,6
80
-1,4
60
40
1997
Source : Gouvernement
mardi 20 octobre 2020
LE FIGARO
17
avec un impact persistant sur les ressour-
ces publiques », soulignait son président,
Pierre Moscovici.
❙ UNE
BAISSE DE LA
DÉPENSE PUBLIQUE
C’est une évidence, la France peut diffi-
cilement s’en sortir sans assainir les
finances publiques. « Sans action de re-
dressement, le déficit risque d’être dura-
blement très élevé (…) La trajectoire de
dette ne serait alors pas maîtrisée »,
avertissaient aussi les magistrats de la
rue Cambon, au début de l’été.
La première solution, farouchement
défendue par la gauche, consisterait à
refaire les erreurs du passé en augmen-
tant la fiscalité. Ce serait un coup fatal
pour l’activité. Et puis les marges de
manœuvre sont désormais réduites à
peau de chagrin. « Avec le niveau élevé
de la pression fiscale, les craintes des ef-
fets sur la demande et la concurrence fis-
cale entre les pays, les États ne sont plus
libres d’augmenter les impôts » pour ré-
tablir la solvabilité budgétaire, souligne
Patrick Artus, économiste en chef de
Natixis, dans une récente note. C’est
d’autant plus vrai que la France reste le
membre de l’OCDE où les prélèvements
obligatoires sont les plus élevés. N’en
déplaise à certains, « pour revenir à une
situation d’avant-crise à moyen terme, il
faudrait que la France réduise drastique-
ment sa dépense publique », poursuit
François Ecalle.
Il reste à voir si, après la débâcle écono-
mique, le pays saura alors renoncer à
son penchant naturel pour la création de
nouveaux impôts et engagera, à la place,
de sérieuses économies. Ce n’est pas un
hasard si, au gouvernement, on com-
mence doucement à préparer les esprits.
« Des réformes structurelles seront né-
cessaires le moment venu. Non seulement
pour réduire notre dette, mais pour déga-
ger un meilleur équilibre entre dépenses et
recettes (…) Je le redis, la réforme des re-
traites est une priorité absolue », a ré-
cemment martelé le patron de Bercy,
Bruno Le Maire. Soit, mais rien n’est ac-
quis. Tout juste présenté, le rapport Va-
chey sur le financement de la cinquième
branche de la Sécurité sociale, dédiée à
la perte d’autonomie, préconise – une
fois encore - de jouer sur les prélève-
ments obligatoires.
La tâche s’annonce d’autant plus ardue
que le débat se posera dès 2022, en plei-
ne campagne des élections présidentiel-
les. Il y va, toutefois, de la santé finan-
cière d’un pays endetté comme jamais,
qui n’est désormais plus armé pour pa-
rer à une prochaine crise… ■
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES, EN % DU PIB
44,1
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
117,4 %
2005 2015 2025
A
Infographie
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
18 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
Bernard Rougier : « Samuel Paty a été victime
d’un terrorisme “communautariste” »
+
» Lire aussi PAGES 4 À 7 PROPOS RECUEILLIS PAR
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
ALEXANDRE DEVECCHIO £@AlexDevecchio
LE FIGARO. - Pourquoi l’assassinat
sauvage de Samuel Paty diffère-t-il
des précédents attentats islamistes
qui ont frappé la France ?
Bernard ROUGIER. - Il y a quelque chose
d’inédit dans cet assassinat. Si on s’ap-
puie sur les éléments d’information dis-
ponibles à ce jour, l’assassin, Abdoullakh
Anzorov, ne revendiquait aucune appar-
tenance à une organisation djihadiste
transnationale - ni al-Qaida, ni État isla-
mique. Il n’a pas agi en vertu d’un ordre
venu de l’extérieur. Il était connu pour
des faits de droit commun, mais n’émar-
geait à aucun fichier lié à des faits de ter-
rorisme. En revanche, il évoluait dans
des milieux islamistes et paraissait de
plus en plus sensible à cette idéologie,
comme en témoignerait son compte
Twitter ces derniers mois. On sait qu’il a
fréquenté en 2018-2019 une salle de lutte
à Toulouse où régnait une dévotion isla-
mique particulière : respect des horaires
de prière, refus de la mixité, etc. Quel-
ques jours avant le meurtre, il y a eu une
forte mobilisation militante pour dénon-
cer sur les réseaux sociaux « l’offense is-
lamophobe » de Samuel Paty. En ce sens,
on peut poser l’hypothèse d’un « terro-
risme communautariste », différent du
terrorisme djihadiste qui a frappé la
France auparavant, où l’exécutant,
nourri par les vidéos et les tweets de dé-
nonciation du professeur, s’est autopro-
clamé vengeur du Prophète de l’islam,
sans mot d’ordre préalable émanant d’un
groupement djihadiste.
La question demeure de savoir comment
le jeune Tchétchène a eu connaissance de
la mobilisation bruyante des entrepre-
neurs de colère islamique, puis comment
il s’est persuadé, sans doute à l’intérieur
d’un groupe de pairs, de la nécessité
d’agir pour « ordonner le bien et interdire
le mal » selon une prescription islamique
classique dont les islamistes ont redéfini le
contenu pour leur propre compte.
Une vidéo diffusée sur Facebook,
le 8 octobre,
par un homme se
présentant comme
BERNARD ROUGIER le père d’une élève
du professeur
Spécialiste de l’islamisme en France, le sociologue* semble avoir été
analyse l’écosystème islamiste qui a concouru l’un des éléments
à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie. déclencheurs
Le fruit amer du désarmement de l’État
L ’
horrible attentat
de Conflans nous oblige
à réfléchir à la politique
mise en œuvre à l’égard
des ressortissants étrangers
présents sur le territoire
français. L’auteur de l’attentat s’était vu
délivrer une carte de résident de dix ans
au motif qu’il avait obtenu le statut de
réfugié, refusé par l’Ofpra, mais accordé
ensuite par la Cour nationale du droit
d’asile. La preuve a, hélas, été faite qu’il
n’était nullement intégré à la société
française dont il a bafoué les valeurs les
plus élémentaires. Avec le recul du temps,
l’attribution automatique d’une carte de
résident valable 10 ans à certaines
catégories d’étrangers apparaît comme
une erreur. La délivrance d’une telle
carte, automatiquement renouvelable,
doit être la récompense d’un effort,
le couronnement d’un processus
d’intégration vérifié. Cette délivrance
DESSINS FABIEN CLAIREFOND
doit être subordonnée à trois conditions :
une bonne maîtrise du français,
une adhésion sans faille aux valeurs
de la République et un emploi stable.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui. De même,
certaines catégories d’étrangers ne
doivent plus obtenir de plein droit une
carte de résident au motif notamment de
leur situation familiale (parent d’enfant
français, conjoint
de français) sans
PATRICK STEFANINI vérification sérieuse
de leur degré
La société française n’a plus les moyens de se défendre d’intégration.
dont elle disposait encore voilà quarante ans. Les « ar- En matière
mes » du ministère de l’Intérieur ont été rognées. Et d’intégration,
la France,
l’idée d’imposer des devoirs aux ressortissants étran- à la différence
A
gers vivant en France a été disqualifiée, déplore l’ancien de plusieurs de ses
secrétaire général du ministère de l’Immigration*. voisins européens
du passage à l’acte terroriste. Que
révèlent cette vidéo et son utilisation ?
La vidéo, qui a connu une diffusion virale
en quelques heures, représente un mo-
ment fondamental dans le processus
meurtrier, en tant qu’étape indispensable
dans la construction de l’indignation col-
lective. Son auteur, Brahim C., parent
d’une élève du lycée du Bois d’Aulne à
Conflans-Sainte-Honorine, fait un récit
tendancieux de l’offense présumée. Il in-
siste d’abord sur une discrimination ima-
ginaire : le comptage des élèves musul-
mans, puis l’ordre de quitter la salle de
cours pendant la présentation par diapo-
ramas des caricatures de Charlie Hebdo. Il
décrit ensuite de manière horrifiée une
caricature présentant Mahomet dénudé
en pleine génuflexion. Il incite enfin à une monde musulman. Quant au CCIF, il a été
protestation organisée contre le profes-
seur, qualifié de « voyou indigne d’ensei-
« Les entrepreneurs islamistes ont réussi ser des plaintes en
à développer une cause émotionnelle
qui élargit leur influence auprès d’une partie ciaire contre Sa-
des croyants qui ne se reconnaissent pas
nécessairement dans leur idéologie
gner l’histoire-géographie ». L’émotion
du parent d’élève à l’évocation de la nudi-
té de l’image souligne l’importance du
corps dans le discours islamiste - un corps
redéfini par des règles de pudeur religieu-
se à partir desquelles son exposition de-
vient taboue, que ce soit dans les vestiai-
res sportifs chez les hommes, ou dans la
rue chez les femmes. Or, le témoignage de
ce père de famille, Brahim C., trahit la
réalité des choses. Il s’appuie sur le témoi- géographie. Quant à la mosquée de Pan-
gnage présumé de sa fille, alors que celle-
ci, exclue du collège, n’aurait pas été pré- C., jouant à cette occasion le rôle de caisse
sente pendant le cours. Son récit est une
outrance idéologique, et lui-même sem-
ble largement imprégné de militantisme
islamiste : sa page Facebook restitue, par
la qualité des « amis » qui y figurent, l’in- tures de mobilisation islamiste, d’où le re-
tégralité du spectre islamiste en France ;
sa demi-sœur est partie dans les rangs de
l’État islamique, selon une information li-
vrée par le procureur du parquet national
antiterroriste.
Différents acteurs de l’islamosphère
auraient également joué un rôle dans
la campagne de harcèlement contre
Samuel Paty. Les observateurs évoquent le
CCIF, la mosquée de Pantin ou
dont l’Allemagne ou l’Italie, fait semblant.
Des cours de langue française sont
organisés pour les primo-arrivants,
mais atteindre un niveau minimum
en français n’est pas la condition de
l’obtention d’un premier titre de séjour.
Les étrangers peuvent se contenter
de faire état de leur assiduité aux cours.
Comme si l’obligation de résultat était un
gros mot. Il faut rompre avec ce laisser-
aller. Les étrangers qui n’ont pas atteint
un niveau minimum en français doivent
obtenir une simple autorisation de séjour
(pour 3 ou 6 mois). Et ceux qui ne sont pas
titulaires d’un CDI doivent seulement
se voir délivrer un titre de séjour d’un an.
L’appréciation de l’intégration d’un
étranger doit être le fait du préfet, seul à
même de disposer d’informations précises
sur la dangerosité de certains individus,
et du maire, le mieux placé pour savoir
ce qui se passe dans sa commune.
En matière de sécurité, en outre,
prévention et répression doivent aller
de pair. Or s’agissant des étrangers,
l’équilibre entre ces deux formes d’action
a été totalement rompu ces dernières
décennies.
Jusqu’au milieu des années 1990,
le ministre de l’Intérieur pouvait expulser
un étranger dont la présence représentait
une menace grave pour l’ordre public.
Pour les profils les plus dangereux,
porteurs d’une menace pour la sécurité
de l’État, l’expulsion pouvait se faire en
urgence absolue. À la fin des années 1980,
en ma qualité de sous-directeur des
étrangers au ministère de l’Intérieur,
je soumettais chaque semaine à mon
directeur plusieurs dizaines de dossiers
d’expulsion. Depuis, cet élément
de l’arsenal de défense de l’État et
de la société a perdu beaucoup de son
le prédicateur islamiste Abdelhakim
Sefrioui. Qui sont ces acteurs ?
Dès le début de l’affaire, Brahim C. s’est
associé à un agitateur islamiste proche
d’une frange radicalisée des Frères mu-
sulmans, le prédicateur Abdelhakim
Sefrioui, qui a tourné à son tour une vidéo
sur le « scandale » et appelé à manifester
devant le collège. Sefrioui avait créé un
Collectif Cheikh-Yassine où la cause pa-
lestinienne servait de paravent à un déni-
grement systématique de la France pour
cause d’« islamophobie ». Il a fallu onze
jours pour que ce petit monde rejoue à leur
manière l’affaire des caricatures montée
en 2005-2006 par deux cheikhs inconnus
dans la ville d’Aarhus au Danemark qui
ont cherché à mobiliser l’ensemble du
cité dans les vidéos comme la principale
référence associative vers laquelle les pa-
rents étaient en-
couragés à dépo-
vue d’instruire
une action judi-
muel Paty. C’est
» une organisation
qui utilise toutes
les ressources du
droit pour faire
reconnaître par les institutions judiciaires
le délit « d’islamophobie » et empêcher
par là même toute critique de l’islam. Ce
faisant, cet organisme, même s’il
condamne le recours à la violence, donne
une légitimation aux formes ultérieures de
passage à l’acte contre les auteurs jugés
coupables d’actes ou de paroles relevant
de « l’islamophobie » - à l’instar de Sa-
muel Paty pendant son cours d’histoire-
tin, elle aurait relayé la vidéo de Brahim
de résonance de l’indignation construite
par les entrepreneurs de colère. La com-
mune de Conflans-Sainte-Honorine
n’était pas connue pour disposer de struc-
cours à la vidéo et à des « compétences »
extérieures pour donner un poids supplé-
mentaire à la revendication.
Cet attentat peut-il être vu comme
une réplique au discours du président
de la République sur le séparatisme ?
L’attentat s’accomplit dans un contexte
particulier, celui d’une mobilisation isla-
miste de large ampleur contre les initiati-
ves du président en matière de lutte
importance. Le nombre des expulsions
d’étrangers pour menace à l’ordre public
qui était de 5 330 en 1977 n’est plus que
de 1 465 en 1981. Il remonte à 1 746 en
1987 avant de s’effondrer à 383 en 1990.
La France a baissé la garde il y a plus
de trente ans et la gauche en porte très
largement la responsabilité.
La priorité a été donnée aux mesures
d’interdiction du territoire prononcées
par un juge. C’est une erreur sur laquelle
il faut revenir. L’interdiction judiciaire
du territoire fait partie de la panoplie
répressive, mais ne peut être prononcée
qu’à l’issue d’un procès après qu’ont été
commises des infractions d’une grande
gravité. Par définition, quand elle
intervient, le mal a déjà été fait.
La force de l’expulsion décidée par
le ministère de l’Intérieur est qu’elle est
une mesure administrative à caractère
préventif : dès lors qu’il estime que
la présence d’un étranger sur le territoire
est une menace pour l’ordre public,
le ministre doit pouvoir la décider.
Même si l’intéressé n’a pas fait l’objet
d’une condamnation, puisque l’objectif
est précisément d’éviter le passage
à l’acte d’un individu potentiellement
dangereux. Par exemple, le prosélytisme
de certains prédicateurs et leur capacité
à se tenir en retrait d’actes commis
par des esprits faibles qu’ils ont inspirés
doivent pouvoir être sanctionnés par
l’État indépendamment de l’appréciation
de la justice. Et un étranger ayant purgé
une peine de prison doit pouvoir être
expulsé à sa sortie de prison même
si la juridiction qui l’a condamné
n’a pas assorti cette condamnation
d’une interdiction judiciaire du territoire.
C’est au ministre de l’Intérieur et
à lui seul que doit de nouveau incomber
contre le séparatisme islamiste. Depuis le
discours des Mureaux, les réseaux sociaux
islamistes dépeignent une France officiel-
lement « islamophobe », persécutrice des
musulmans, à l’image de la Chine avec les
Ouïgours ou de la Birmanie avec les
Rohyngas. Pour certains islamistes, la
France laïque est devenue le principal
théâtre en Occident du combat pour la
victoire de l’islam contre la mécréance.
Dans ce contexte, les activistes islamistes
font feu de tout bois : tout devient exploi-
table pour faire accroire l’idée d’une per-
sécution d’État contre les musulmans de
France. Brahim C. et Abdelhakim Sefrioui
s’inscrivaient dans cette démarche idéo-
logique. La vague d’indignation actuelle
suscitée par l’horreur de l’assassinat et les
mesures annoncées (comme l’expulsion
annoncée par le ministre de l’Intérieur de
231 étrangers en situation irrégulière
ayant fait l’objet d’un signalement) seront
immanquablement interprétées comme
une campagne de dénigrement des mu-
sulmans, entretenant un cercle vicieux
dans un climat de plus en plus crispé.
Peut-on combattre le terrorisme sans
reconquérir les enclaves communautaires
que vous décrivez ?
Les milieux islamistes en France forment
des écosystèmes fortement ancrés dans la
réalité sociale locale, entre cours dans les
mosquées, clubs de sport et associations
humanitaires - dont l’aide est cruciale
par temps de Covid. Les réseaux sociaux
islamistes contribuent à unifier ce milieu
sur un plan idéologique, ce qui explique
en partie comment un jeune Tchétchène
vivant dans l’Eure, à 80 kilomètres de
Conflans-Sainte-Honorine, a pu se
convaincre d’agir pour décapiter Samuel
Paty. Avec le thème de la défense du Pro-
phète Mahomet, et la cristallisation de
cette question depuis l’affaire des carica-
tures et les attentats de Charlie Hebdo, les
entrepreneurs islamistes ont réussi à dé-
velopper une cause émotionnelle qui
élargit leur influence auprès d’une partie
des croyants qui ne se reconnaissent pas
nécessairement dans leur idéologie. Em-
pêcher le succès de cette entreprise im-
plique une activation de la société civile à
l’échelle des quartiers et des communes
pour faire contrepoids à leur influence.
* Professeur à l’université Sorbonne
Nouvelle Paris-III et directeur du Centre
des études arabes et orientales.
L’auteur a dirigé l’ouvrage collectif
« Les Territoires conquis de l’islamisme »
(PUF, 2020, 368 p., 23 €).
la charge d’apprécier la menace
qu’un étranger représente pour la société
française.
De façon plus générale, la surveillance
des étrangers, perçue comme une mission
naturelle du ministère de l’Intérieur
jusqu’aux années 1980 et en large partie
abandonnée depuis, a une justification.
Par exemple, une vigilance particulière
s’impose pour les personnes ayant
sollicité ou obtenu le statut de réfugié.
Le risque existe en effet que certains
ne soient tentés d’importer en France
des passions idéologiques ou religieuses.
La seule solution, pour l’autorité
publique, est donc d’assumer de nouveau
la mission de surveillance des étrangers,
dans le respect, naturellement, des
libertés. Même entouré de précautions,
le mot de « surveillance » n’a pas bonne
presse. Mais il importe de redonner
au ministre de l’Intérieur la capacité
à faire surveiller, dès le premier signal
faible, un ressortissant étranger
qui n’emprunterait pas le chemin
d’une bonne intégration.
Et les informations ainsi recueillies
par police et gendarmerie doivent
permettre si nécessaire d’étayer une
procédure d’expulsion à titre préventif.
On m’objectera que l’appréciation,
par le ministre de l’Intérieur, de la
menace à l’ordre public est subjective,
voire arbitraire. C’est ignorer que sa
décision peut faire l’objet d’un recours
devant le juge administratif.
Sur tous ces sujets, cessons enfin
de faire semblant !
* Conseiller d’État honoraire.
« Immigration : ces réalités qu’on nous
cache » (Éditions Robert Laffont),
de Patrick Stefanini, est à paraître
le 15 novembre.
 mardi 20 octobre 2020

CHAMPS LIBRES
LE FIGARO

OPINIONS 19
CHRONIQUE
Renaud Girard
rgirard@lefigaro.fr
Le détournement massif du droit d’asile

L
a famille du terroriste
tchétchène qui a décapité
dans la rue le professeur
Samuel Paty résidait
régulièrement en France,
bénéficiant du droit d’asile.
Réfugié politique, le tueur était porteur
d’une carte de séjour régulière, valide
jusqu’en 2030. Pour manifester
sa gratitude à la République de lui avoir
donné l’asile, de lui avoir fourni
gratuitement soins et instruction,
de l’avoir aidé à se loger, Abdoulakh
Anzorov n’a pas trouvé mieux à faire
qu’assassiner un des hussards de cette
même République, qui remplissait avec
enthousiasme sa mission d’enseigner
l’histoire et l’instruction civique.
Dans le système juridique français,
le droit d’asile apparaît à la Révolution.
Il n’est pas énoncé dans la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de
1789, mais il est prévu par la Constitution
de 1793, qui dit que le peuple français
« donne asile aux étrangers bannis de leur
patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse
aux tyrans. » L’idée à l’époque est que la
France révolutionnaire, mère de la liberté
politique et de l’égalité des droits, doit
accueillir chez elle les écrivains qui,
militant pour les valeurs issues
des Lumières françaises, sont persécutés
dans les monarchies où ils résident.
Cette idée est reprise dans
le préambule de la Constitution de 1946,
qui dit que « tout homme persécuté en
raison de son action en faveur de la liberté
a droit d’asile sur les territoires de la
République ». Cette disposition, intégrée
dans la Constitution de la Ve République,
est toujours en vigueur. Dans son
histoire, la République française
s’est pratiquement toujours montrée
accueillante à l’égard des personnes
victimes de persécutions, qu’elles soient
raciales ou politiques. Si l’on s’en tient
au XXe siècle, on a vu la France accueillir
chaleureusement les rescapés du
génocide arménien de 1915, les Russes
blancs refusant le bolchevisme,
les républicains espagnols fuyant
le franquisme, les Juifs allemands
ou polonais victimes du nazisme,
les boat people d’une Indochine passée
sous la férule communiste.
Ces personnes ont ensuite mis un
point d’honneur à défendre les valeurs
de la patrie qui les avait accueillies.
Parmi les soldats héroïques de la France
passionnément leur pays d’adoption
et servirent brillamment les Sciences
et les Lettres françaises.
Ces Juifs d’Europe centrale, qui sont
venus en France entre 1880 et 1950,
se sont parfaitement intégrés dans
une société française qui était à l’époque
très majoritairement de confession
catholique. Ils n’ont jamais fait aucun
problème et n’auraient jamais osé
demander qu’on ne serve pas de porc
à la cantine de l’école ou qu’on ne
travaille pas le samedi. Comme Romain
Gary, ils combattirent pour la liberté
de la France et enrichirent sa culture.
Jamais, au grand jamais, ils n’auraient
sifflé la Marseillaise dans un stade.
La même parfaite intégration
se fit pour les Arméniens, les Russes,
les Espagnols, les Indochinois, tous
amoureux de la civilisation française.

@
libre qui combattent sous les ordres Mais, à partir des années 1980, l’État
du général Kœnig à la bataille de Bir commit la grave erreur de donner l’asile
100 000 citations
ENTRE GUILLEMETS
UN COIN DE TABLE (DÉTAIL)/ HENRI FANTIN LATOUR/JOSSE/LEEMAGE

et proverbes sur evene.fr Hakeim, arrêtant, en juin 1942, pendant à des personnes dépourvues d’amour
quinze jours, la progression de l’Afrika particulier pour la France. Qui plus est,
20 octobre 1854 : naissance d’Arthur Rimbaud. Korps vers Alexandrie, on trouve une l’État a négligé l’intégration
proportion importante de ces Européens et l’adhésion de leurs familles
de l’Est s’étant réfugiés en France après aux valeurs de la République.
avoir fui les totalitarismes nazi ou Nombre d’entre elles, en effet,
Lettre à Paul Demeny (1871) stalinien. Aimant la France, ils l’ont professent un islam salafiste, qui méprise

Le Poète se fait voyant

servi encore plus vaillamment que
beaucoup de Français de souche.
Le père du grand philosophe français
par un long, immense Jankélévitch était un médecin russe
ashkénaze d’Odessa qui, voulant fuir
les valeurs fondamentales de la
civilisation française, comme les libertés
de conscience, de pensée, d’expression,
comme l’égalité entre les hommes et les
femmes, comme la nécessaire séparation

et raisonné dérèglement les pogroms et les discriminations,

choisit la France comme terre d’asile.
entre le politique et le religieux.
Massivement détourné comme

de tous les sens»

C’était au moment de l’affaire Dreyfus.
Mais sa réaction fut : « un pays où,
si vous êtes juif, vous pouvez quand même
devenir capitaine et où la moitié
de la population manifestera pour vous
si on vous accuse injustement, ne peut être
un mauvais pays ! ». Samuel et son fils
Vladimir Jankélévitch aimèrent
produit d’appel par les trafiquants
d’êtres humains en Afrique et au
Moyen-Orient, par ces passeurs dont
les profits surpassent ceux des
trafiquants de drogue, le droit d’asile
n’est plus que l’ombre de sa vision
républicaine. C’est la porte d’entrée
favorite des migrants économiques.

Il est crucial de lutter aussi

contre l’islamisme « à bas bruit »

S
+ » Lire aussi PAGES 2 À 8
amuel Paty a été décapité
par un fondamentaliste
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
refusé ceux-ci dans les cantines ;
quand nous avons refusé de décaler
de terrorisme ou en lien avec une
entreprise terroriste qui doivent sortir
islamistes. Ceux qui refusent la mixité
dans les piscines sont des islamistes.
islamiste pour avoir exercé les kermesses des écoles lorsque prochainement de prison. Ceux qui, au nom de leur religion,
son métier de professeur le ramadan était en juin ; quand Les caricatures incriminées, refusent de serrer la main d’une femme
et avoir voulu expliquer nous avons affiché les caricatures comparées à celles publiées sur d’autres ou de s’asseoir là où une femme était
à ses élèves pourquoi après l’attentat contre Charlie Hebdo religions, doivent désormais figurer assise auparavant sont des islamistes.
la raison et l’esprit critique doivent et tenu une exposition de tels dessins dans les programmes scolaires Ceux qui refusent que leur femme soit
l’emporter sur les passions de presse dans le quartier République ; obligatoires. Tout parent exerçant auscultée par un médecin homme sont
et le fanatisme religieux. quand nous avons imposé, avant une pression pour des raisons des islamistes. Ceux qui font pression
L’urgence n’est plus seulement que cela ne soit repris ailleurs, religieuses ou politiques contre pour que des femmes voilées puissent
de lutter contre ce terrorisme qui tue une charte de la laïcité aux associations, les membres de l’éducation nationale être accompagnatrices lors de sorties
mais de combattre l’idéologie islamiste qui nous permet en cas en raison de tel ou tel cours - puisque scolaires ou pour que des menus religieux
qui le nourrit, qui se déploie de manifestations communautaristes, l’histoire de France ou de la Shoah soient proposés dans les cantines sont
sur les réseaux sociaux, à travers de supprimer les subventions fait aussi l’objet de plus en plus des islamistes. Ceux qui prescrivent
certaines mosquées et par le biais et retirer l’accès aux locaux de contestations - doit être sanctionné le port du burkini aux femmes sont
d’associations qui relaient un discours et équipements municipaux. pénalement. des islamistes. Ceux qui refusent que les
visant à substituer à bas bruit la loi Sur le plan national, des mesures Nous devons expulser tout étranger caricatures de Mahomet soient exposées,
islamique aux lois de la République. massives doivent être prises, qui ne respecte pas nos lois. discutées, visibles sont des islamistes.
C’est toute une nation qui doit en commençant par la fermeture Nous devons mettre fin à une Ceux qui condamnent les attentats en
se lever. C’est tout un peuple qui doit de la mosquée de Pantin qui a publié immigration massive qui accentue ajoutant systématiquement un « mais »
faire rempart pour éradiquer ce mal. la vidéo à l’encontre de Samuel Paty, les problèmes d’intégration et fait à leur discours sont des islamistes. Ceux
En tant que maire de Cannes, le contrôle effectif de toutes le lit de l’intégrisme. qui estiment que la charia est compatible
je continuerai de mener ce combat les mosquées et la fermeture de celles La France ne doit plus jamais avec les lois de la République sont des
par des actions concrètes, par un refus qui seraient à risques ainsi que rien céder aux salafistes, aux Frères islamistes. Et ceux qui défilent avec ces
ferme et catégorique de céder le renvoi des imams étrangers prêchant musulmans, aux associations comme gens-là comme au mois novembre 2019
aux pressions ou autres menaces. Ce fut la haine et incitant au séparatisme ; le CCIF. Toutes ces organisations et n’ont de cesse de les défendre
déjà le cas quand notre municipalité la fermeture des commerces et officines qui en dépendent sont les complices idéologiques
n’a pas cédé aux revendications et boutiques qui sont des lieux de trafic ont la volonté de mobiliser une jeunesse des islamistes, des collabos.
de séparation des filles et des garçons pour alimenter le terrorisme, issue de l’immigration en l’enfermant La lutte contre l’islamisme, comme
dans les piscines ; quand nous avons l’expulsion des islamistes étrangers, dans un déterminisme religieux qui lui le fut en d’autres temps celle contre le
les premiers interdit les tenues de bain l’information, par l’État, des maires interdirait d’épouser l’art de vivre, nazisme, le fascisme ou le communisme
à connotation islamique et réglé sur les individus radicalisés en donnant la culture, la civilisation française. est le combat de notre époque.
CLAIREFOND

des troubles à l’ordre public générés le pouvoir de les interdire d’accéder Il faut les interdire et les démanteler. Un combat pour notre avenir et celui
sur les plages par des femmes à la fonction publique et de participer En voulant faire sécession, ces de nos enfants afin qu’ils puissent vivre
en burkini aux associations ; la déchéance entrepreneurs politico-religieux ont libres et debout en France.
au lendemain de nationalité des terroristes ouvert la voie à un processus de guerre Pour que vive notre République, que
de l’attentat binationaux et leur mise hors d’état civile dont ils portent l’entière chacun puisse y trouver sa place quelles
DAVID LISNARD de Nice ; quand de nuire, la déchéance de nationalité responsabilité. Ils fracturent la société que soient ses croyances et ne cherche
Pour le maire (LR) de Cannes*, c’est l’islamisme nous avons interdit et l’expulsion du territoire française pour mieux la détruire et nous jamais à les imposer aux autres par
des aliments des naturalisés récents qui remettent imposent un défi civilisationnel majeur. la force. Pour que vive la France
dans son ensemble, y compris sous à connotation en cause l’enseignement républicain Il faut être clair. Ceux qui lancent qui ne mérite pas ces barbares.
ses manifestations les moins violentes, religieuse durant et nos règles de vie ; la stricte des fatwas contre un enseignant comme *Vice-président et porte-parole
qui constitue une grave menace. les kermesses et surveillance des détenus pour faits à l’encontre de Samuel Paty sont des de l’Association des maires de France.

“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions Philippe Gélie (International), Directeur artistique FIGAROMEDIAS Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy
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Aurore Domont
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Cahier 4
Dassault, Olivier Costa Anne-Sophie von Claer Sciences), Robert Mergui 14, boulevard Haussmann Club : 459 €. Semaine : 319 €. Week-end premium : 260 €. Et vous Design
de Beauregard, Benoît Directeur général, Anne Pican 12 pages
Habert, Bernard Monassier, directeur de la publication (Style, Art de vivre, F), Vincent Trémolet de Villers 75438 Paris Cedex 09 Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement.
Origine du papier : France. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal
A

Marc Feuillée Anne Huet-Wuillème (Édition, (Politique, Société, Débats Opinions) Tél. : 01 57 08 50 00
Rudi Roussillon est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen
Photo, Révision), direction.redaction@lefigaro.fr sous le numéro FI/37/01. Eutrophisation : Ptot 0.009 kg/tonne de papier.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

20

Caroline de Malet
£@demaletcaroline
£
et Jacques-Olivier Martin
£@jocjom
£

C
ynthia Fleury* vient de publier Ci-gît
l’amer. Guérir du ressentiment, aux
Éditions Gallimard, un essai qui est le
fruit de cinq ans de travail. Fine ob-
servatrice du monde du soin, elle

RENCONTRE
« Il y a eu la reconnaissance
ouvrira ce mardi 20 octobre le « Big symbolique, avec
Bang Santé » du Figaro consacré à la crise sanitaire. les applaudissements,
et dans les discours
LE FIGARO.- Nos dirigeants ont-ils pris soin la revalorisation du soin,
de nous ? mais la gestion de la prime
Cynthia FLEURY. - L’intention politique, et celle aux soignants a été

JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

désastreuse, et les
du conseil scientifique, a été clairement celle-ci : déclarations du ’’ Ségur
prendre soin de la vie humaine et notamment de de la santé ’’ assez
celle des plus vulnérables. Cela dit, il n’a pas res- déceptives. Résultat,
pecté la propre définition de l’Organisation mon- le découragement
diale de la santé, à savoir le respect de sa dimen- est palpable ».
sion holistique, la santé n’étant pas l’absence de
maladie mais un état global de bien-être, physi-
que, mental et social. Autrement dit, prendre
soin de la vie humaine, c’est défendre l’humanité
de la vie, et donc nécessairement prendre soin de
l’indivisibilité de la vie. Or le choix d’un confine-
ment intégral relève d’une approche biologisante

Cynthia Fleury : « Prendre soin

de la vie, qui, à terme, détruit la valeur de la vie,
qui est tout aussi sociale, psychique, spirituelle,
démocratique, économique. L’enjeu maintenant
pour le gouvernement est d’inventer une façon
de prendre soin qui sache cohabiter avec le virus,

de la vie humaine, c’est

en trouvant la juste mesure.

Comment analysez-vous notre acceptation

à ces restrictions de libertés ?

défendre l’humanité de la vie »

Des collègues philosophes, comme André Comte-
Sponville ou Giorgio Agamben, ont tout de suite
dénoncé le consentement à ce liberticide et validé
le fait que c’était une docilité qui n’avait pas lieu
d’être. Pour ma part, dans un premier temps, j’ai
considéré que c’était d’abord le signe d’une sidé-
ration, qu’il y avait là un inédit, une volonté de
protéger les plus vulnérables, voire une tentative
de produire un comportement collectif. Aujour-
La philosophe et psychanalyste explique comment les restrictions de libertés
d’hui, la situation a évolué, et un tel consente-
ment aux restrictions de liberté n’est plus viable,
prises dans le cadre de la crise sanitaire font le lit du ressentiment.
dans la mesure où d’autres légitimités doivent
être prises en considération : certes légitimité viduelle au risque est sans doute trop faible et que sant l’état d’exception, d’autre part car forçant sont souvent les mêmes qui payent les maisons de
économique et sociale – car, dans notre monde, la cela finit par nous mettre en danger. les individus à contracter contre eux-mêmes. Se- retraite des aînés.
mort sociale est tout aussi délétère que la mort lon les théoriciens républicanistes, dans un État
biologique – mais également légitimité des autres Vous avez le sentiment qu’on aurait du mal social de droit, il existe un mécanisme contrac- Dans votre livre Le soin est un humanisme,
malades qu’on condamne à une perte de chances, à accepter un nouveau confinement ? tuel et on ne peut contracter contre soi-même. vous insistez sur la notion d’humanisme.
sans parler de la vulnérabilité des aînés et des J’ai le sentiment que le consentement, à juste ti- Or ces acteurs sont empêchés de travailler et de Avec cette crise, avez-vous le sentiment
plus fragiles qu’on renforce. Reconnaissons tre, à un confinement absolument restrictif serait produire une activité économique, seule protec- d’avoir assisté à un sursaut d’humanisme ?
néanmoins que notre tolérance collective et indi- très problématique. D’une part parce que banali- trice dans cette société. Sans oublier le fait que ce Si je prends en considération la parole des soi-
gnants, ce n’est pas ce qui est perçu. Ils ont, à l’in-
verse, le sentiment d’une « falsification de la re-
connaissance », comme dit le philosophe Axel
Honneth. Autrement dit, il y a eu la reconnaissan-
ce symbolique, avec les applaudissements, et dans
les discours la revalorisation du soin, mais la ges-
tion de la prime aux soignants a été désastreuse, et
U

les déclarations du « Ségur de la santé » assez dé-

EA

ceptives. Résultat, le découragement est palpable.

V

Du côté de la vie quotidienne, tous les marqueurs

U

qui pacifient habituellement nos journées sont at-

O

teints : les visages sont masqués, les sourires ab-

N

sents, les corps distanciés, l’agressivité monte,

l’excès de zèle se déploie, bref, le niveau d’urbani-
té et de civilité est faible, et l’« affectio societatis »
s’en ressent. L’humanisme va déjà avoir un pre-
mier test de crédibilité avec le maintien ou non de
l’aide gouvernementale.

Avec Ci-gît l’amer, vous publiez un essai

sur le ressentiment. Cette période produit-elle
du ressentiment ?
Disons que les conditions objectives d’un ressenti-

« estLe ressentiment
la menace
ment dans la société française sont là. Certes, elles
préexistaient avant le Covid, avec la démultiplica-
tion des fractures territoriales, sociales, économi-
ques et culturelles. Pour autant, la simple objecti-
la plus perverse vation des inégalités et des injustices n’implique
pour la pas nécessairement le ressentiment, car sinon cela
démocratie, signerait l’absence totale de liberté et de responsa-
bilité du sujet. Ce qui me paraît important de com-
dans la mesure prendre c’est que l’action politique nécessite de
où son exigence sublimer le ressentiment et non de s’y soumettre.
première Alors que certains dirigeants ou membres de la so-
ciété civile font l’inverse et l’instrumentalisent
est la lutte pour l’assimiler à l’action politique. Résultat, le
contre sentiment victimaire se met de plus en plus en
les injustices scène, la binarisation et le refus de la complexité
et les inégalités
CYNTHIA FLEURY
» ou du débat deviennent la posture dans l’espace
public, le fantasme autoritariste refait surface.

Ce ressentiment, c’est une menace

pour la démocratie ?
Telle est sans doute pour la démocratie la menace
la plus perverse, dans la mesure où son exigence
première est la lutte contre les injustices et les
inégalités. Dans Ci-gît l’amer, j’ai privilégié non
pas la question du bon gouvernement mais celle
qui consiste à savoir comment un État social de
droit, et plus généralement une communauté dé-
mocratique, fabrique les outils institutionnels et
non-institutionnels pour endiguer la pulsion du
ressentiment. Ce qui nous invite à réinvestir les
forces de sublimation de ces pulsions que sont,
notamment, la culture, l’éducation, le soin, les

6,90
médias, la recherche. Á défaut, telle une maladie
EN VENTE ACTUELLEMENT auto-immune, la démocratie se retournera
chez tous les marchands de journaux contre elle-même. ■
* Professeur titulaire de la chaire humanités
et sur www.figarostore.fr et santé du Conservatoire national des arts
A

et métiers et titulaire de la chaire de philosophie

à l’hôpital du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO - N° 23 693 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS
lefigaro.fr/economie TÉLÉCOMS :
COGECO
REFUSE L’OFFRE
RELANCE ENSEIGNEMENT D’ALTICE
BERCY RENFORCE L’EXÉCUTIF RÉAFFIRME Le canadien Cogeco a annoncé di-
SON DISPOSITIF FONDS PROPRES SON SOUTIEN À LA manche 18 octobre au soir qu’il refu-

POUR LES ENTREPRISES PAGE 24 SEMAINE DES MÉDIAS PAGE 28 sait définitivement d’être racheté par
Altice USA, filiale de l’empire des mé-
dias et télécoms du magnat français

économie
Patrick Drahi. Peu après l’annonce

Retour de la croissance :
par Altice USA d’une offre améliorée,
la famille Audet, actionnaire de
contrôle du groupe de télécommuni-
cation, a fait savoir qu’elle rejetait « à
l’unanimité cette nouvelle proposi-

la Chine fait la course en tête

tion », précisant qu’il ne s’agissait
pas d’une stratégie de négociation
mais bel et bien d’un refus « défini-
tif ». Il ajoute que « l’évolution des
cours des actions et des résultats
Après un premier trimestre dans le rouge, la République populaire enregistre d’exploitation des sociétés Cogeco
surclasse de loin celles de Rogers ou
un deuxième trimestre consécutif de hausse du PIB. Et ses exportations prospèrent. d’Altice ».
Ces déclarations interviennent peu
Tandis que les États-Unis et l’Euro- de son économie. La croissance vrait bien être, comme le pronosti- elle a depuis gagné des parts de après qu’Altice USA a indiqué avoir
pe sont aux prises avec une recru- pendant les trois mois d’été a pro- que le FMI, le seul grand pays à marché à l’export, en particulier mis sur la table 11,1 milliards de dollars
descence des contaminations au gressé de 4,9 % par rapport à la échapper à une récession en 2020. grâce à la vente de produits et équi- canadiens (8,4 milliards de dollars
Covid-19, la Chine, foyer originel même période un an plus tôt. La Mieux : alors que l’usine du monde pements médicaux. Un « effet Co- américains) contre 10,3 milliards
de la pandémie, confirme le rebond deuxième puissance mondiale de- semblait à l’arrêt en début d’année, vid » positif pour Pékin en somme. (7,8 milliards de dollars) proposés ini-
tialement début septembre. L’entité
èLES EXPORTATEURS DE « MADE IN CHINA » ONT GAGNÉ DES PARTS DE MARCHÉ èAPRÈS 20 ANS EN CHINE, AUCHAN CÈDE LA PLACE À ALIBABA PAGES 22 ET 23
américaine comptait garder les actifs
américains de Cogeco, actuellement
réunis sous la marque Atlantic Broa-

Unibail : la dband, le 9e câblo-distributeur aux

États-Unis. Mais l’offre prévoyait la

riposte aux revente des actifs canadiens au

géant canadien Rogers.

actionnaires
Avec ce nouveau refus de la famille
MARMARA/LE FIGARO, CERINO/REA, GUAY/AFP, MARCHI/PHOTOPQR/L’EST REPUBLICAIN/MAXPP

Audet, le projet de rachat devrait

être enterré puisque Altice USA avait
activistes précisé dimanche que s’il ne parve-
nait pas à une entente « mutuelle-
Dans un entretien ment satisfaisante d’ici le 18 no-
vembre 2020, ou, si à tout le moins,
au Figaro, Christophe elle n’entrevoit pas la possibilité de
Cuvillier, le patron conclure une transaction, cette offre
révisée sera retirée ». Dexter Goei,
du gestionnaire de responsable d’Altice USA, avait esti-
centres commerciaux, mé que l’offre « révisée et boni-
fiée » était « extrêmement at-
défend son projet trayante pour Cogeco » et
d’augmentation de « récompens(ait) de manière impor-
tante tous les actionnaires et
capital de 3,5 milliards pren(ait) en considération les com-
d’euros, « le seul plan mentaires issus des récentes dis-
responsable pour cussions ». Pour tenter de le
convaincre, Altice USA avait proposé
garantir l’avenir 900 millions de dollars canadiens
du groupe ». Il critique (682 millions de dollars américains) à
la famille Audet pour leur participa-
le plan alternatif tion dans les capitaux propres,
de Xavier Niel et contre 800 millions initialement.
(AFP)
Christophe Cuvillier.
Léon Bressler. PAGE 25

le PLUS du L'HISTOIRE Nickel se lance

FIGARO ÉCO
Adecco recrute 15 000 salariés dans l’envoi d’argent
BUDGET
Les députés en « CDI apprenant » liquide à l’étranger

E
s’apprêtent n France, des milliers de postes chantier et de poids lourds ou encore Nickel étoffe son offre et financiers aux diasporas ».
à débattre sur le plan restent non pourvus, quand de plombier chauffagiste notamment. « Nous cherche à concurrencer « Nous répondons à une de-
de relance PAGE 23 le nombre d’actifs sans emploi avions le choix de continuer à dire non Western Union. À partir de mande de nos clients, souligne
ne cesse d’augmenter. Contre aux sociétés qui réclament ces profils ce mardi, la banque digitale Marie Degrand-Guillaud.
cette incohérence, Adecco lance ou de trouver une solution, c’est ce que nous française distribuée dans les Dans le contexte actuel, la so-
LA SÉANCE le « CDI apprenant ». Le spécialiste faisons », explique Florence Oumerretane. bureaux de tabac permet à lidarité familiale est très im-
DU LUNDI 19 OCTOBRE 2020 du recrutement intérim envisage ainsi « C’est une innovation », précise la ses clients d’envoyer de l’ar- portante. » Nickel, dont un
CAC 40 de recruter 15 000 salariés responsable. Concrètement, gent à l’étranger de façon tiers des clients est interdit
4929,27 -0,13% en CDI d’ici à fin 2021 pour une fois les salariés recrutés instantanée. « C’est la pre- bancaire, répond ainsi aux
les former aux métiers par Adecco, ils recevront mière fois qu’une néobanque besoins d’immigrés dont une
DOW JONES « en tension » où la main- une formation rémunérée. intègre à son application la partie de la famille réside
28532,62 -0,26% d’œuvre qualifiée fait « Nous allons construire possibilité d’effectuer des hors de l’Hexagone.
défaut. « Nous avons l’alternance et la formation transferts d’argent liquide vers Le service peut dépanner des
ONCE D’OR identifié 17 métiers qui en fonction des profils des plus de 150 pays, précise Ma- parents dont l’enfant étudie à
rie Degrand-Guillaud, direc- l’étranger, ou un touriste dé-
1910,00 (1908,20) souffrent d’une pénurie candidats », précise-t-elle.
trice déléguée de Nickel. No- muni après avoir perdu (ou
de candidats », précise Adecco aura ensuite
PÉTROLE (lond) tre objectif est de simplifier les s’être fait voler) sa carte ban-
Florence Oumerretane, la charge de leur trouver usages autour du compte ban- caire. « Le service est sécurisé
43,000 (42,810) qui pilote la mise en place des missions via le socle caire. » et prévoit des dispositifs de lut-
EUROSTOXX 50 du dispositif. Au total, juridique et sécurisé du CDI La filiale de BNP Paribas, qui te contre le financement du
3244,04 -0,04% 200 000 équivalents intérimaire qui existe depuis revendique 1,8 million de terrorisme », pointe Marie
temps plein seraient non 2014. L’enjeu sera aussi comptes ouverts, s’est asso- Degrand-Guillaud. Dans
FOOTSIE pourvus spécifiquement de rendre ces métiers ciée à Ria Money Transfer, le quelques semaines, courant
5884,65 -0,59% dans ces 17 métiers, attractifs. « Nous allons rival de Western Union, qui novembre, Nickel franchira
calcule Adecco. Les les faire connaître », assure détient 435 000 agences dans pour la première fois les
NASDAQ entreprises peinent ainsi la responsable du projet, plus de 150 pays, dans les- frontières et se lancera en Es-
11795,30 -0,48% à pourvoir des postes qui invite les candidats quelles l’argent sera récupé- pagne, où son compte basi-
d’aide-soignant, de à se rendre en agence et à ré. Nickel est aussi allié à Mo- que sera distribué dans
NIKKEI conducteur d’engin de postuler. ■ MATHILDE GOLLA nisnap, start-up de la finance 400 bureaux de loterie ou de
A

23671,13 +1,11% spécialisée dans les « services tabac. D. G.

 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
22 L'ÉVÉNEMENT
Le rebond de l’économie chinoise s’affermit
L’empire du Milieu enregistre un deuxième trimestre consécutif de croissance et devrait échapper à la récession
ASIE Alors que l’Europe et les
États-Unis sont rattrapés par une
seconde vague épidémique, la
Chine affermit sa reprise, après
avoir mis au pas le Covid. La se-
conde économie mondiale a enre-
gistré une croissance de 4,9 % au
troisième trimestre sur un an se-
lon les statistiques officielles dé-
voilées lundi à Pékin, amplifiant le
rebond enregistré au printemps à
la sortie du confinement.
Sur la période de juillet à sep-
tembre, l’usine du monde a connu
« une reprise soutenue » en dépit
d’une conjoncture « difficile »
marquée par la pandémie de Co-
vid-19, indique le Bureau national
des statistiques (BNS). Cette per-
formance demeure en deçà des
prévisions des analystes qui ta-
blaient sur une croissance dépas-
sant les 5 %, mais confirme le re-
bond de 3,2 % enregistré au
deuxième trimestre.
Ce rythme devrait permettre au
géant asiatique d’échapper à une
récession sur l’ensemble de l’an-
née 2020, effaçant la contraction
brutale de l’économie du premier
trimestre, de 6,8 %, suite aux me-
sures drastiques mises en place
pour endiguer l’épidémie qui avait
éclos à Wuhan. « La Chine pour-
rait être la seule économie majeure
de la planète à échapper à la réces-
sion cette année », juge Zhang Lin,
économiste indépendant à Pékin.
Le FMI (Fonds monétaire interna-
tional) prédit même une croissan-
ce de 1,9 % pour le pays le plus
peuplé du monde, alors que les
États-Unis et l’Europe devraient
voir leur activité se rétracter for-
tement, de 4,3 % et 8,3 % respec-
tivement.
Ces chiffres officiels, toujours
sujets à caution, confortent le ré-
gime communiste autoritaire du
président Xi Jinping, qui avait dé-
clenché la « guerre patriotique »
Les exportateurs de « made in China »
ont gagné des parts de marché
FABRICE NODÉ-LANGLOIS
£@Fnodelanglois
En février dernier, les titres des
journaux s’enchaînaient sur une
économie chinoise paralysée par
les mesures de confinement à
Wuhan et dans plusieurs métro-
poles. Le coronavirus sévissait
alors essentiellement dans l’em-
pire du Milieu. L’usine du monde
était à l’arrêt. Ses produits n’al-
laient plus inonder le marché
mondial ni huiler le commerce in-
ternational.
Huit mois et une pandémie plus
tard, le tableau est tout autre. Non
seulement les exportations
chinoises n’ont pas souffert com-
me on l’attendait en début d’an-
née, mais elles se sont surpassées,
souligne Françoise Huang, écono-
miste chargé de l’Asie-Pacifique
chez l’assureur-crédit Euler Her-
mes. Au troisième trimestre 2020,
la contribution des exportations
au PIB chinois (+ 0,6 point) a été
meilleure que durant la période
2017-2019 (+ 0,3 point). La Chine a
gagné des parts de marché au dé-
triment des 19 autres plus gros ex-
portateurs de la planète.
Surtout, un « effet Covid » est
clairement établi par Euler Her-
mes. La consommation mondiale
de paracétamol, de masques
chirurgicaux, de gel hydroalcoo-
lique et autres produits net-
toyants, équipements de protec-
tion pour les soignants,
ventilateurs et thermomètres
« made in China » a fait un grand
bond. Résultat, la part de marché
des Chinois sur ces produits et
équipements médicaux est passée
de 8,8 % en 2017-2019 à 11,5 %
actuellement. La progression est
également spectaculaire pour les
A
ventes de machines et produits
électriques, catégorie qui englobe
contre le « démon du virus ». Pé-
kin récolte les fruits de sa vigilan-
ce sanitaire face au Covid, alors
que la vie a repris progressive-
ment son cours, derrière des
frontières fermées aux étrangers
depuis mars. La Chine n’a enre-
gistré qu’une poignée de nou-
veaux cas de Covid-19 depuis
l’été, dont douze dans la ville de
Qingdao, entraînant le dépistage
obligatoire des 9 millions d’habi-
tants de la métropole du Shan-
dong, la semaine dernière.
Réouverture des hôtels
et restaurants
Le retour progressif à la normale
au quotidien, grâce à l’assouplis-
sement des restrictions, a permis
une reprise de la consommation
durant l’été marquée par une
hausse des ventes de détails de
3,3 % en septembre. « Le marché a
repris grâce à la réouverture des
restaurants, des hôtels, et des acti-
vités manufacturières », juge
Zhang Lin.
Pour autant, l’activité écono-
mique n’a pas retrouvé son niveau
d’avant l’épidémie, et cette repri-
se au troisième trimestre reste
nettement en dessous des 6 % en-
registrés à la même période en
2019. La reprise nette du tourisme
intérieur lors de la « Golden
Week », début octobre, confirme
cette tendance avec une activité
se situant à environ 75 % de l’an-
née précédente, selon les profes-
sionnels du secteur.
La reprise chinoise demeure ti-
rée par l’intervention de l’État et
les grandes entreprises publiques
pour relancer une croissance en-
gagée dans un ralentissement
structurel depuis plusieurs an-
nées, alors que la consommation
peine à prendre le relais. « Les
groupes d’État et les gouverne-
ments locaux sont les principaux
les écrans d’ordinateur, les télé-
phones portables ou encore les
écouteurs. La part de marché des
fabricants chinois dans cette ca-
tégorie, déjà prépondérante, a
bondi de 27,1 % en 2017-2019 à
33 %. Autrement dit, affirmer
qu’un tiers des produits électro-
niques et appareils électriques
vendus dans le monde est chinois
ne relève pas du cliché éculé,
mais décrit la réalité.
Les biens liés au logement et à la
décoration, en cette période où
plus de 3,5 milliards d’individus
étaient plus ou moins confinés, se
sont également bien vendus. Et
ont profité aux exportateurs
chinois qui ont, dans ce secteur
également, accru leur part de
marché, de 23,4 % sur la période
de référence, à 33,8 % en 2020.
Recul aux États-Unis
Conséquence logique de l’accrois-
sement de la part de la Chine dans
le gâteau global des exportations,
sa pénétration s’améliore dans la
plupart de ses pays clients. Tou-
jours comparée à la période 2017-
2019, la part de marché des biens
chinois dans les cinq principaux
pays de la zone euro est passée de
9 % à 11,5 %. En Corée du Sud, elle
a progressé de 20,6 % à 22,6 %, et
au Japon, de 23,7 % à 24,8 %. Fait
intéressant relevé par Euler Her-
mes, d’autres puissances exporta-
trices qui ont bien géré l’épidémie
de coronavirus lors de sa première
vague, comme le Vietnam,
Taïwan ou la Corée du Sud, ont
aussi amélioré leurs parts de mar-
ché. La présence des produits
chinois a toutefois diminué dans
une destination : les États-Unis.
Dans l’Amérique de Trump, la
part de marché de l’empire du
Milieu a régressé, de 20,6 % à
17,8 %. C’est un effet présumé de
la multiplication des sanctions
La reprise nette bénéficiaires de cette relance. térieur, selon sa théorie de la
du tourisme intérieur, L’épidémie et les tensions sino- « double circulation » dévoilée cet
qui se situe à environ américaines accentuent encore la été.
75 % du volume dépendance de l’économie chinoise La Chine a su rebondir en profi-
3,3%
de l’année 2019, envers l’État », juge Zhang Lin, tant de la paralysie sanitaire de
s’est manifestée lors ancien chercheur au think-tank nombreux de ses concurrents,
de la « Golden Week », Unirule, qui a été fermé sous la comme l’Inde, pour relancer ses
la semaine de vacances
pression des autorités. Cette stra- exportations. Mais, la pandémie
débutant le 1er octobre
(ici, des touristes tégie étatique s’inscrit dans la vi- persistante affaiblit la demande
sion du président Xi Jinping de des marchés développés, plom- Hausse de la
déambulent dans les
quartiers traditionnels renforcer l’autosuffisance chinoi- bant l’horizon des industriels consommation
de Pékin). se dans les secteurs clés et recen- chinois en quête de nouveaux dé- des ménages, sur un an,
R. PILIPEY/EPA/MAXPPP trer l’activité sur son marché in- bouchés après le boom des mas- au 3e trimestre
Après vingt ans de présence,
Auchan cède la place à Alibaba
Un effet Covid sur les exportations chinoises... en part de marché. D’un investis-
OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader sement initial de « plusieurs cen-
Part de marché des exportations toutes catégories parmi les 20 plus gros taines de millions d’euros », le
exportateurs du monde, en % Un peu plus de vingt ans après Français a sensiblement multiplié
2008 2019 2020 son arrivée dans l’Empire du Mi- sa mise autour de 3 milliards
lieu, Auchan sort de Chine. Allié d’euros. Surtout, la filiale avait
25 dans la coentreprise SunArt avec acquis un poids de taille dans le
20 le taïwanais Ruentex depuis 2001, groupe, pesant pour 25 % de son
puis avec le chinois Alibaba depuis chiffre d’affaires (12,4 milliards
15
2017, le groupe français cède ses d’euros) et une part « significati-
10 parts au géant de l’e-commerce. ve » de ses bénéfices.
5
Lundi, Auchan a annoncé la ces-
sion, pour environ 3 milliards Alibaba accélère dans
0 le commerce physique
d’euros, des 36 % qu’il détient
jan. fév. mars avril mai juin juil. août sep. oct. nov. déc.
dans leur filiale commune SunArt. Contrairement à l’Italie et au Viet-
...dopé par les ventes de produits médicaux Cette dernière avait été créée au nam, pays qu’Auchan a quittés il y
début du millénaire avec Ruentex. a dix-huit mois faute d’y avoir
Part de marché des exportations de produits liés à la pandémie de Covid-19
En 2017, celui-ci avait revendu réussi à résorber des années de
parmi les 20 plus gros exportateurs du monde, en %
l’essentiel de ses parts à son com- pertes, le succès de l’aventure
16 patriote Alibaba pour 2,5 milliards chinoise d’Auchan est indéniable.
d’euros. Depuis, Auchan était as- Mais malgré cela, le constat du
12 socié avec le groupe créé par Jack groupe nordiste confirme les défis
Ma, chacun détenant 36 % de Su- qui se posent aux enseignes occi-
8 nArt, coté à la Bourse de Hon- dentales sur ce marché marqué
gkong. Alibaba était jugé le par une digitalisation galopante,
4 meilleur partenaire sur un marché et la puissante des acteurs locaux.
marqué par le boom de l’e-com- Des défis exacerbés par la crise
0 merce (15 % sur l’alimentaire). sanitaire.
jan. fév. mars avril mai juin juil. août sep. oct. nov. déc. Auchan refuse de parler de re- Cette décision prise, Auchan
noncement, expliquant que l’ave- utilisera une partie des sommes
Source : Euler Hermes
Infographie nir et l’efficacité de Sunart pas- tirées de l’opération pour soulager
saient par « une intégration sa dette, en plus de son plan de
renforcée, notamment technologi- désendettement de 2 milliards
douanières de Washington depuis
deux ans contre les produits
chinois, ce qui n’empêche pas les
« etL’avenir
l’efficacité
que, dans l’écosystème Alibaba ».
Une relégation au second plan
dont ne voulait pas Auchan, qui a
échanges bilatéraux d’être encore de notre préféré passer la main à ce leader
très déficitaires, au détriment des filiale Sunart de l’alimentaire (484 hypermar-
États-Unis. chés et 150 000 salariés), plutôt
Dans les prochains mois, passaient par que de poursuivre sur une alliance
aiguillonnée par une recrudes- une intégration moins efficace.
cence de contamination au Co- renforcée, Après Carrefour et Metro en
vid-19 à travers le monde, la de- 2019 et Tesco en début d’année, le
mande de produits chinois liée à la notamment départ de Chine d’Auchan n’est
pandémie devrait résister, estime technologique, pas anecdotique. Carrefour, arrivé
Françoise Huang. Et si elle finit dans 5 ans plus tôt dans l’empire du Mi-
par s’étioler, les achats de biens lieu (1995) est resté un plus petit
chinois liés au logement devraient l’écosystème acteur jusqu’à son départ en 2019.
prendre le relais, stimulés par un Alibaba » Auchan, lui, avait réussi à
environnement de taux bas qui UN PORTE-PAROLE construire avec SunArt le leader Auchan a annoncé, lundi, la cession à Alibaba,
dope le secteur de l’immobilier. ■ D’AUCHAN local de la distribution alimentaire qu’il détient dans leur filiale commune SunArt.

ÉCONOMIE
en 2020.
ques et autres produits médicaux.
« La croissance des exportations
n’est pas durable. 70 % des entre-
prises manufacturières souffrent »,
juge Zhang. Les difficultés occi-
dentales pourraient également
frapper par ricochet les investis-
sements étrangers, et à terme la
croissance. En attendant, l’empire
du Milieu sortira renforcé face à
des rivaux systémiques englués
durablement dans le Covid. ■
S. F. (CORRESPONDANT À PÉKIN)
5,4%
Taux de chômage
officiel en septembre,
contre 6,2 %
en février
0,6%
Augmentation
du revenu disponible
des ménages depuis
le début de l’année.
Il avait baissé de 1,3 %
au premier semestre
d’euros d’ici à deux ans, annoncé
à la fin de l’été. « Ce dernier se fera
par des cessions d’activités non
stratégiques, le reste venant en
plus », détaille un porte-parole du
groupe. L’opération permettra
aussi d’investir dans les 13 autres
pays où Auchan restera présent
« ou pour se développer dans de
nouveaux pays », précise celui qui
reste muet sur ces potentielles
nouvelles zones stratégiques.
Du côté d’Alibaba, l’opération
est une excellente affaire. Le
groupe n’a pas caché, ces derniè-
res années, ses ambitions sur le
commerce « magasins physi-
ques », notamment via son ensei-
gne Hema Fresh et son alliance
avec Auchan en 2017. Il a aussi des
ambitions dans la distribution non
alimentaire avec son incursion, en
2018, dans l’une des plus grandes
chaînes d’ameublement du pays,
Beijing Easyhome Furnishing.
Cette stratégie de l’online et de
l’offline porte ses fruits. Lors de
son premier trimestre publié fin
août, il a affiché une excellente ré-
sistance à la crise, avec un bénéfi-
ce net multiplié par plus de à
5,7 milliards d’euros et un bond de
34 % de son chiffre d’affaires. ■
pour environ 3 milliards d’euros, des 36 %
KIM KYUNG HOON/REUTERS
La Chine devrait
échapper à la récession
cette année…
Croissance annuelle
du PIB chinois, en %
10,6
2010 12 14 16
… grâce au rebond
du printemps et de l’été
Croissance trimestrielle
du PIB chinois, en %
3,2
1er trim.
2e trim.
- 6,8
2020
Sources : BNS et FMI
Les
groupes
d’État et les
gouvernements
locaux sont
les principaux
bénéficiaires
de cette
relance
ZHANG LIN,
» sur le sujet, sans rien obtenir. Ils
ÉCONOMISTE INDÉPENDANT À PÉKIN
Accélération
DÉCRYPTAGE
Sébastien Falletti
£@fallettiseb
Après Carrefour et Tesco, Auchan
jette à son tour l’éponge en Chine
(lire ci-contre). Le Covid a infligé
le coup de grâce à l’aventure
chinoise du groupe nordiste
lancée en fanfare en 1999 à
Shanghaï. Vingt ans plus tard,
nombre d’enseignes occidentales
ont quitté l’ex-eldorado, à l’image
de l’américain Forever 21.
Cette nouvelle sortie de piste
symbolise les deux tendances
implacables à l’œuvre depuis
plusieurs années sur ce marché
plus concurrentiel que jamais,
exacerbées par la pandémie : la
numérisation et la concentration
au profit d’acteurs locaux toujours
plus puissants, à l’assaut de
consommateurs ultraconnectés.
L’avènement d’un nouvel
écosystème technologique chinois à
partir des années 2010, autour de la
messagerie WeChat ou du système
de paiement Alipay, a révolutionné
le secteur, signant le déclin
inexorable des centres
commerciaux, devenus carcasses
fantômes dans bien des villes
moyennes. Dans les grandes
métropoles, seuls les shopping malls
haut de gamme surnagent. L’écran
du smartphone devient l’interface
privilégiée par le nouveau
consommateur. Cette révolution
digitale plus rapide qu’en Occident a
pris de court bien des marques qui
avaient investi sur un coûteux
réseau de boutiques, débordées par
la mainmise des géants de l’e-
commerce comme Alibaba ou
JD.com.
Le confinement a encore
accéléré cette tendance, offrant
une hausse de 34 % des ventes du
géant fondé par Jack Ma.
Désormais, les marques doivent
investir massivement dans le
digital pour réussir, et comprendre
des codes de consommation
différents de l’Occident. Ou
prendre la porte. ■
ÉCONOMIE
Budget 2021 : les députés s’attaquent
aux crédits alloués au plan de relance
Le débat sur les « contreparties » aux aides aux entreprises devrait
revenir sur la table lors de l’examen en commission des finances.
1,9
MANON MALHÈRE £@ManonMalhere
18 2020 BUDGET C’est une nouvelle se-
maine marathon qui s’annonce à
l’Assemblée nationale. La pre-
mière partie du budget de crise
pour 2021 consacrée aux recettes
doit être adoptée en séance publi-
4,9 que ce mardi. Les députés de la
commission des finances pour-
ront alors débuter, dans la foulée,
l’examen de la deuxième partie
3e trim. dédiée aux dépenses. Les débats
promettent d’être particulière-
ment animés.
Et pour cause. Les parlementai-
res devraient se concentrer sur les
crédits alloués au plan de relance
de 100 milliards d’euros sur
trois ans (2020-2022) pour tenter
de sauver l’économie tricolore. Le
projet de loi de finances 2021 in-
clut en effet 36,4 milliards d’euros
d’autorisations d’engagements au
titre de ce plan (mission relance),
dont 22 milliards devraient être
décaissés l’an prochain. L’épineu-
se question des « contreparties »
aux aides accordées aux entrepri-
ses - un tiers du plan - ne man-
quera pas de revenir sur la table.
Déjà, lors des discussions sur le
volet recettes qui se sont tenues la
semaine dernière, les députés de
gauche sont montés au créneau
voulaient poser des conditions à la
baisse des impôts de production
de 10 milliards dès l’an prochain,
une mesure clé qui vise à donner
de l’air aux entreprises et à réin-
dustrialiser la France.
D’ailleurs, au sein même de la
majorité, cette question des
« contreparties » aux aides susci-
te toujours des discussions. Les
députés planchent sur un amen-
dement de groupe qui devrait
être déposé durant le débat en
séance prévu la semaine pro-
chaine. L’enjeu étant de trouver
la bonne formule pour rallier, le
plus possible, ceux qui souhai-
tent des mesures plus contrai-
gnantes et les autres qui, au
contraire, n’en veulent pas. « Je
reste sur la même idée depuis le
début. Il s’agit de mesures d’ac-
compagnement des entreprises qui
ne doivent en aucun cas bloquer
l’exécution du plan de relance et je
François Ecalle : « Plus l’endettement
est important, plus on prend de risques »
Pour François Ecalle, ancien ma-
gistrat de la Cour des comptes et
fondateur du site Fipeco, la France
ne pourra pas échapper à une ré-
forme des retraites pour réduire
son endettement.
LE FIGARO. - Face à la crise
du coronavirus, le gouvernement
a mobilisé 460 milliards d’euros
et vient d’annoncer un plan de
relance de 100 milliards. N’est-ce
pas risqué de s’endetter à ce point ?
François ECALLE. - Déjà, il ne faut
pas mélanger les choux et les carot-
tes. Par exemple, plus de 300 mil-
liards d’euros des mesures d’ur-
gence sont des garanties de l’État.
Ces mesures pèseront sur les finan-
ces publiques seulement si les en-
treprises ne remboursent pas les
prêts. Il y en aura mais ça ne devrait
pas coûter 300 milliards. Ensuite,
aujourd’hui, emprunter sur les
marchés financiers ne coûte rien à
la France, en grande partie grâce à
l’action de la Banque centrale euro-
péenne (BCE) qui mène une politi-
que de taux très bas. Mais les taux
ne vont pas rester indéfiniment
bas. Et, indépendamment de la po-
litique des banques centrales, si la
France ne maîtrise pas suffisam-
ment ses comptes, les créanciers
peuvent, à un moment donné,
avoir peur que le pays ne rembour-
se pas et décider d’augmenter le
pense qu’il y a un fort soutien en la
matière », insiste Alexandre Ho-
lroyd, député LREM des Français
de l’étranger et coordinateur de
la majorité au sein de la commis-
sion des finances.
Dans les grandes lignes, les dis-
cussions sur ces « mesures d’ac-
compagnement » concernent trois
thématiques déjà bien définies. La
première s’attaque aux obliga-
tions en matière de déclaration de
“ Il va nous falloir
une trajectoire
de soutenabilité
de nos finances
publiques dès 2021
”
LAURENT SAINT-MARTIN DÉPUTÉ LREM
trajectoire d’émission de dioxyde
de carbone. La deuxième vise à
améliorer la parité entre les fem-
mes et les hommes. Enfin, la troi-
sième porte sur l’association des
comités sociaux et économiques
(CSE) à la mise en œuvre du plan
de relance au sein des entreprises.
C’est dans ce cadre que la ques-
tion du partage de la valeur pour-
rait être discutée entre les repré-
sentants d’élus et les directions.
coût d’emprunt. On rentrerait alors
dans une spirale infernale qui mè-
nerait à une crise des finances
publiques.
Est-ce réaliste de tabler
sur le retour de la croissance
pour rembourser cette dette,
comme l’entend l’exécutif ?
La dette publique va rester à des ni-
veaux très élevés au cours des pro-
chaines années. Selon les dernières
prévisions gouvernementales, elle
devrait atteindre 117 % du PIB en
2025 et la croissance ne suffira donc
pas à la rembourser. En réalité,
l’enjeu est de stabiliser la dette
française à un niveau acceptable
pour les marchés financiers, ce qui
n’est pas facile. La seule certitude
est que plus l’endettement est im-
portant, plus on prend de risques.
Le gouvernement devrait-il
commencer à faire
des économies dès l’an prochain ?
Certes, la France n’a pas profité de
la bonne conjoncture ces dernières
années pour faire des réformes
structurelles conséquentes en vue
d’assainir ses finances publiques.
Mais, en période de crise, il est pré-
férable d’être keynésien à court
terme. Autrement dit, il vaut mieux
laisser filer le déficit public et la
dette en 2021 pour ne pas aggraver
la situation. L’exécutif devrait
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
23
23
À droite de l’échiquier politi- Laurent Saint-Martin,
que, les députés ne manqueront député LREM
pas de pointer du doigt l’explo- du Val-de-Marne
sion des dépenses à l’heure où les et rapporteur général
comptes publics se dégradent for- du budget, le 12 octobre,
à l’Assemblée
tement, jour après jour, pour faire
face à la crise. « L’enjeu principal
nationale.
BERTRAND GUAY/AFP
de ce budget est la mise en œuvre
d’une relance efficace et la maîtrise
des dépenses de fonctionnement.
Or ces dépenses traditionnelles
augmentent partout », fustige le
président de la commission des fi-
nances et député LR de l’Oise,
Éric Woerth.
À quelques exceptions près, les
enveloppes consacrées aux diffé-
rentes missions du budget sont
toutes en hausse par rapport à
l’année précédente. Le gouverne-
ment a notamment décidé d’ac-
corder la priorité à la justice
(hausse de 7,9 %), la défense
(hausse de 4,5 %) ainsi que l’éco-
logie, le développement et la mo-
bilité durables (8,5 %). « Depuis le
début, je dis qu’il va nous falloir
une trajectoire de soutenabilité de
nos finances publiques dès 2021.
Mais on ne peut pas le faire main-
tenant », rétorque de son côté, le
rapporteur général du budget, le
député LREM du Val-de-Marne
Laurent Saint-Martin. ■
commencer à assainir ses comptes
à partir de 2022. Toutefois, on sera
en pleine campagne pour l’élection
présidentielle… J’insiste toutefois
sur un point : si l’heure n’est pas
aux économies, les mesures de sou-
tien doivent rester temporaires
pour limiter l’endettement du pays
à moyen terme. C’est la raison pour
laquelle je ne suis pas favorable à la
baisse des impôts de production de
10 milliards d’euros à partir de
2021. C’est une mesure pérenne qui Si l’heure
va peser sur le déficit public. Les re- n’est pas aux
valorisations des soignants dans le économies,
cadre du « Ségur de la santé » et des
enseignants dans l’Éducation na- les mesures
tionale sont également des disposi- de soutien
tions durables. Pour compenser ces doivent rester
revalorisations, le gouvernement
aurait pu faire des gains de produc- temporaires
tivité au niveau du personnel admi- pour limiter
nistratif dans les ministères. l’endettement
Quelles réformes de fond du pays
devront être prioritaires à moyen
le temps venu, selon vous ?
Les réformes structurelles à entre-
prendre sont bien connues. La
terme »
FRANÇOIS ECALLE,
FONDATEUR
France ne pourra pas éviter une re- DU SITE FIPECO
fonte des retraites. L’exécutif devra
également reprendre le program-
me de réduction des effectifs dans
la fonction publique. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR M. M.
A
+ » Lire aussi PAGE 17
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

24 ÉCONOMIE

Bercy muscle
son dispositif pour
renflouer les fonds
propres des sociétés
Les aides, investissements en capital ou prêts
participatifs, sont portées à 20 milliards d’euros.
DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot
ENTREPRISES L’État va une nou-
velle fois voler au secours des en-
treprises, en renforçant leurs fonds
propres. Le temps presse. Si les
prêts garantis par l’État (PGE) ont
préservé les trésoreries des entre-
prises au plus fort de la crise sanitai-
re, « la hausse de la dette va affaiblir
la capacité de développement des en-
treprises », a prévenu lundi Bruno
Le Maire, le ministre de l’Économie.
De fait, leur endettement a bondi de
152 milliards d’euros entre mars et
juin. Et ce montant pourrait encore
augmenter du fait de la deuxième
vague épidémique.
Pour aider les entreprises à sur-
monter le mur de la dette, mais aus-
si « investir et embaucher », Bruno
Le Maire a annoncé lundi que
20 milliards d’euros pourront être
consacrés au renforcement des
fonds propres. Ces financements ne
seront pas apportés directement
par les autorités mais distribués par
les banques via des prêts participa-
tifs ou sous forme d’obligations
souscrites par les fonds de capital
investissement.
L’État apportera sa garantie et
indemnisera à hauteur de 2 mil-
liards d’euros les banques qui subi-
raient un défaut de paiement sur ces
financements, c’est-à-dire si une
entreprise venait à faire faillite. De
son côté Bpifrance, la banque publi-
que d’investissement, apportera
une garantie d’un milliard d’euros
sur les investissements réalisés par
des fonds. Ces mécanismes avaient
été dévoilés dès septembre lors de la
présentation du plan de relance.
Avec une garantie de l’État de
3 milliards d’euros au total, l’effet
de levier du privé devait alors per-
mettre d’injecter 15 milliards
d’euros dans les fonds propres des
PME et ETI.
« J’ai entendu les critiques de cer-
tains économistes. Nous avons fixé
comme ambition d’aboutir à 20 mil-
liards d’euros et cela veut dire que la
garantie de l’État suivra », a expli-
Bruno Le Maire
(à gauche) et Alain
Griset (au centre), lors
d’un déplacement
consacré au volet qué lundi Bruno Le Maire. Toute-
export du plan de fois, seules les entreprises ayant un
relance, sur le site
de l’entreprise Klubb, vrai « potentiel de rebond » une fois
à Ferrières-en-Brie la crise passée pourront bénéficier
(Seine-et-Marne), des différents dispositifs. La Confé-
le 30 septembre. dération des petites et moyennes
GILLES BASSIGNAC/ entreprises (CPME) a salué lundi des
DIVERGENCE « avancées concrètes. »
Précisions en novembre
Faisant office de quasi-fonds pro-
pres, le prêt participatif sera de loin
le plus distribué (10 000 entreprises
visées). Il s’agit d’un objet hybride,
introduit en 1978, à mi-chemin en-
tre le prêt à long terme et la prise de
participation au capital d’une en-
treprise. En cas de difficultés, ce
prêt est remboursé en dernier, une
fois que l’emprunteur a honoré tou-
tes ses autres créances bancaires, et
ne confère aucun droit de vote au
prêteur. En échange, la banque se
rémunère grâce à un taux d’intérêt
fixe, en plus d’une éventuelle parti-
cipation aux bénéfices de l’entre-
prise définie par contrat. Les auto-
rités espèrent que les modalités de
distribution du prêt participatif
(durée d’emprunt, taux…) soient
précisées en novembre.
« L’essentiel, c’est qu’on puisse
mettre très vite en place le dispositif,
sans doute dès le premier trimestre
2021 », a souligné lundi Philippe
Brassac, le président de la Fédéra-
tion bancaire française (FBF). L’ob-
jectif est de parvenir à distribuer
20 milliards d’euros de quasi-fonds
propres d’ici à fin 2022.
« Une bonne partie de ce montant
devrait être distribuée par les ban-
ques sous forme de prêts participatifs
et nous espérons pouvoir apporter
jusqu’à 6 milliards d’euros de quasi-
fonds propres en investissant dans
des obligations subordonnées de très
long terme (8 ans environ) rembour-
sables in fine », explique Dominique
Gaillard, le président de France In-
vest. Il ne s’agira pas d’obligations
convertibles comme cela avait été
envisagé, car en cas de problème, il
est juridiquement délicat pour
l’État de devenir actionnaire des
entreprises. Le type précis d’obli-
gation qui sera retenu doit encore
être précisé.
Banques et fonds de capital inves-
tissement n’investiront sans doute
pas dans le même type d’entrepri-
ses. Les premières devraient surtout
aider à renflouer les fonds propres
des plus petites (TPE et PME) plus
nombreuses, alors que les fonds ci-
bleraient les « grosses » PME et les
entreprises de taille moyenne (ETI).
« Nous sélectionnerons des fonds
régionaux et des fonds nationaux
capables d’investir rapidement dans
des obligations de PME et ETI »,
précise Dominique Gaillard. ■

La crise a dynamisé les ventes de livres sur le management

Les maisons d’édition ont bousculé leurs plannings pour lancer des manuels consacrés à l’organisation du travail.
sur les six grandes thématiques de prise. Cinq jours avant le confine- personnel et le bien-être au travail. rale chez Eyrolles, formule le

« appétence
Il y a une
CORINNE CAILLAUD
£@corinnecaillaud
la fonction. Olivier Meier et Michel
Barabel, les auteurs maisons, ont
réalisé en quatre mois un travail
ment, l’éditeur publiait Le
Télétravail pour les nuls. « Le livre a
connu une exposition incroyable et a
Nous allons accélérer sur ces sujets. »

pour les ENTREPRISE C’est un effet inat-
tendu de la crise sanitaire : les ven-
manuels tes de livres consacrés à la transfor-
sur l’entre- mation des organisations du travail
preneuriat, et aux nouveaux modes de mana-
gement ont fortement augmenté. À
l’indépen- tel point que certaines maisons
dance d’édition ont même bousculé leurs
financière, plannings pour lancer des manuels
adaptés au contexte. Dunod sort
le travail en
free-lance
MARIE ALLAVENA,
» cette semaine Les RH à l’ère du Co-
vid-19, un manuel dans lequel une
quarantaine de directeurs des res-
DIRECTRICE GÉNÉRALE sources humaines témoignent sur
CHEZ EYROLLES leur gestion de la crise sanitaire et
donnent une perspective nouvelle
habituellement effectué en neuf
mois. De même, la sortie du titre
Upskilling. Les 10 règles d’or des en-
treprises qui apprennent vite a été
accélérée pour une diffusion dès ce
mois-ci. Quant aux publications
déjà existantes sur le télétravail,
« la crise les a reboostées et nous
avons lancé de nouveaux projets
pour répondre à la demande », indi-
que Delphine Levêque, directrice
éditoriale économie, gestion, ma-
nagement de la maison d’édition.
Pour First Éditions, l’intérêt
pour ces thématiques est davanta-
ge une confirmation qu’une sur-
aussi été acheté en digital, mais ses
ventes n’ont pas été à la hauteur de
nos attentes. Brutalement plongés
dans le travail à distance, les gens
ont géré au plus pressé, sans se do-
cumenter sur le sujet », indique
Marie-Anne Jost-Kotik, la direc-
trice éditoriale. La maison a donc
décidé de persévérer et Le télétra-
vail entre mythe et réalité, un essai
dont la rédaction n’avait pas été
prévue avant la pandémie, doit
sortir prochainement.
La jeune femme observe aussi
« un glissement vers des thématiques
à mi-chemin entre développement
Accélération
même constat : « Il y a une appé-
tence pour les manuels sur l’entre-
preneuriat, l’indépendance finan-
Autre succès qui ne se dément pas, cière, le travail en free-lance. Il y
le livre de Stephen M. R. Covey avait déjà des prémices, mais la
Les 7 habitudes de ceux qui réali- tendance s’accélère. » La maison
sent tout ce qu’ils entreprennent. d’édition doit lancer en janvier
Paru en 2014, ses ventes, début prochain une nouvelle collection,
octobre, étaient déjà égales à cel- Eyrolles learning, sur des sujets de
les habituellement réalisées sur management traditionnels abor-
une année entière. « Dans cette dés de façon moins théorique et
période, nombre de personnes se plus opérationnelle. « Le bon côté
remettent en question. Elles réflé- de ne pas avoir autant de réunions
chissent à créer leur propre activi-
té, ce qui explique aussi le rebond
d’un titre comme L’autoentrepre-
qu’avant, c’est que vous êtes dé-
chargés de certaines tâches, alors
autant apprendre, il faut que tout le
neur pour les nuls. Les sujets sur la monde en profite, sinon les entre-
reconversion vont être porteurs. » prises vont avoir beaucoup à per-
Marie Allavena, directrice géné- dre », relève Marie Allavena. ■

Le scandale des « passeports dorés » agite toujours Chypre

Environ 4 000 investisseurs étrangers, pas tous irréprochables, ont obtenu un sésame européen controversé.
part n’y ont d’ailleurs jamais mis les comme le bras. Le président du Par-

« corruption
La
ALEXIA KEFALAS £@alexiaKefalas
ATHÈNES
pieds et passent par des cabinets
d’avocats spécialisés, qui fleurissent
à Chypre. « Cette pratique a connu
lement lui explique qu’il n’y voit pas
d’obstacle. Ce dernier nie les faits
mais a été contraint de démission-
a sévi EUROPE C’est sans doute une af- son apogée en 2013, quand l’île com- ner, laissant un sérieux malaise der-
chez certains faire dont Chypre se serait bien pas- mençait à sortir d’une crise économi- rière lui. Les autorités n’ont pas
sée en ce moment. Les menaces que et bancaire douloureuse. Évi- communiqué sur les nationalités
F8GRAPHER-STOCK.ADOBE.COM

politiques ouvertes de la Turquie, qui veut
qui se sont étendre son influence maritime
enrichis dans toute la région, auraient dû
seules mobiliser les autorités. Mais
sur le dos un autre dossier épineux vient s’y
du pays. ajouter : le scandale des passeports
Nos villes dorés. La procédure, initiée en
2007, est simple : elle permet à de
ont été riches investisseurs d’obtenir un
encerclées passeport européen, en l’espèce
par des chypriote, moyennant l’achat d’un
bien immobilier de 2,5 millions
immeubles d’euros. La pratique existe dans
géants, quelques pays d’Europe, dont le
vides »
STELIOS PALTIS,
Portugal, qui en a octroyé quelque
22 000 en dix ans, mais le laxisme
des autorités chypriotes a permis à
ANALYSTE
nombre d’investisseurs douteux
A
demment, la corruption a sévi chez
certains politiques qui se sont enri-
chis sur le dos du pays. Nos villes ont
été encerclées par des immeubles
géants, vides », explique Stelios Pal-
tis, analyste économique.
Un président piégé
D’après les chiffres officiels, Chypre
aurait distribué 4 000 passeports de-
puis 2012, même si aucune liste n’est
accessible. Cela aurait généré plus
de 7 milliards d’euros d’« investis-
sements » depuis sa création. La
Commission européenne, l’OCDE et
les ONG mettent régulièrement la
pression sur l’île afin qu’elle aban-
donne le dispositif, considéré com-
Limassol, sur la côte sud de Chypre, accueille de nombreux Russes
dont des dizaines auraient obtenu un « passeport doré ».
2019, une enquête a été ouverte
après l’attribution d’un passeport à
l’un des proches du premier minis-
tre cambodgien, en l’occurrence le
chef de la police, impliqué dans la
répression des manifestations anti-
chaîne Al Jazeera, dont un journa-
liste a réussi à piéger Dimitris Syl-
louris, président du Parlement chy-
priote. Dans une vidéo, le
journaliste se fait passer pour le re-
présentant d’un investisseur chinois
bénéficiaires de ces sésames euro-
péens mais selon l’enquête d’Al Ja-
zeera, Russes et Chinois seraient les
premiers.
Pour rassurer ses concitoyens,
dont quelques dizaines ont mani-
festé dans les rues de Nicosie en
scandant « Chypre n’est pas à ven-
dre ! » ou « Refusons la citoyenneté
aux escrocs », le gouvernement de
Nicos Anastasiades a annoncé la
suppression définitive de ce pro-
gramme controversé à compter du
1er novembre. Il a aussi décidé de
mieux examiner les passeports déjà
attribués. Sept ont déjà été révoqués
selon les autorités. Mais les débats
sont houleux, tant au Parlement

ÉCONOMIQUE
d’obtenir un titre européen, sans me le sésame de l’évasion fiscale, du gouvernementales. C’est justement intéressé par un passeport doré, que dans les médias, autour du prix
besoin de résider sur l’île. La plu- blanchiment et de la corruption. En ce fait, qui a attiré l’attention de la malgré un casier judiciaire long de la citoyenneté. ■
 LE FIGARO mardi 20 octobre 2020

ENTREPRISES 25

La contre-offensive d’Unibail face à Niel

Les dirigeants du groupe assurent que l’augmentation de capital est la seule façon de garantir son avenir.
de « parodie de gouvernance ».
PROPOS RECUEILLIS PAR
Que lui répondez-vous ?
EMMANUEL EGLOFF £@eegloff
ET IVAN LETESSIER £@IvanLetessier J. S. Je réponds par des faits. Au
conseil de surveillance, il y a une
grande diversité de compétences,
IMMOBILIER À trois semaines financière, immobilière, digitale,
d’une assemblée générale cruciale commerciale. Avoir un président
pour l’avenir d’Unibail-Rodamco- américain apporte beaucoup. Nous
Westfield (URW), les dirigeants du avons des réunions régulières avec
géant des centres commerciaux ri- le directoire, plusieurs dizaines de-
postent à l’attaque d’actionnaires puis mars. La gouvernance est de
activistes. Jeudi dernier, l’entre- grande qualité.
preneur Xavier Niel et l’ex-patron C. C. Un directoire est une entité ju-
d’Unibail Léon Bressler annon- ridique, composée de deux à sept
çaient leur volonté de faire capoter personnes : c’est la loi. La plupart
le projet d’augmentation de capital des entreprises ont deux mandatai-
de 3,5 milliards d’euros, soumis au res sociaux, notre groupe ne fait pas
vote des actionnaires d’URW le exception. En faire un sujet n’a pas
10 novembre. de sens. L’entité qui gère le groupe
Dans un entretien au Figaro, au jour le jour, c’est le Senior Mana-
Christophe Cuvillier, président du gement Team de huit membres, qui
directoire d’URW, et Jacques est passé d’une à trois réunions par
Stern, vice-président du conseil de semaine depuis mars.
surveillance, assurent que l’aug-
mentation de capital est vitale pour Léon Bressler assure que la trop
le groupe. Les activistes ont créé un faible implication des membres
site internet pour présenter leurs du conseil de surveillance,
arguments ? La direction d’URW y tous indépendants, dans le capital
répond, en mettant en ligne sur le du groupe les déconnecte des
site du groupe une présentation préoccupations des actionnaires.
pour expliciter ses arguments. J. S. C’est un argument démagogi-
Les actionnaires auront le choix que. Par définition, les membres
entre deux projets. Il faudra que les indépendants représentent tous les
deux tiers des votants approuvent actionnaires. Chez Unibail-Ro-
l’augmentation de capital pour damco-Westfield, tous ont respec-
qu’elle puisse avoir lieu. Ce ne sera té la règle et investi un an de jetons
pas évident, alors qu’il n’y a pas deux tiers en titres quand l’action Christophe Cuvillier, l’inconnu : il remplace l’augmenta- Nous, nous disposons de 3,4 mil- de présence en actions de l’entre-
d’actionnaire de référence. Le plus Unibail-Rodamco valait 190 euros. président du directoire tion de capital par un projet de ces- liards de cash et de 9,3 milliards de prise lors de leur prise de fonction,
important est le fonds BlackRock, À l’époque, personne ne pouvait d’Unibail-Rodamco- sion hypothétique des actifs améri- lignes de crédit, qui doivent être entre 2014 et 2018. Tous ont subi la
avec seulement 4,01 %. prévoir la pandémie. À l’évidence, Westfield, cains d’ici deux à trois ans. Dans régulièrement refinancées en plus baisse du cours de Bourse, comme
les choses sont plus difficiles que et Jacques Stern, quelles conditions ? À quel prix ? des 3 milliards d’euros annuels la plupart des autres actionnaires, à
vice-président
LE FIGARO. – Avez-vous été prévu, mais moins d’un quart de la Qui sait ce que sera le marché d’obligations. Que notre dette reste l’exception de ceux qui sont arrivés
du conseil
surpris par les critiques chute de notre cours depuis est im- de surveillance. alors ? L’espoir n’est pas une straté- bien notée par les agences est donc très récemment.
de votre stratégie émises putable directement à cette acqui- J.-C. MARMARA/LE FIGARO gie. Depuis que nous avons annon- indispensable pour que nous puis- C. C. L’indépendance du conseil de
par vos prédécesseurs, Léon sition ; plus des trois quarts sont liés, ET UNIBAIL RADAMCO cé Reset, la situation sanitaire s’est sions accéder au marché obligatai- surveillance a été instituée par mon
Bressler et Guillaume Poitrinal ? d’une part à la désaffection structu- WESTFIELD d’ailleurs aggravée partout. C’est re quoi qu’il arrive. Or nous ne prédécesseur lors de la fusion entre
Christophe CUVILLIER. - C’est de relle des investisseurs pour l’immo- pourquoi le conseil de surveillance pouvons écarter le risque que la Unibail et Rodamco. Cette caracté-
la responsabilité d’une entreprise bilier commercial, d’autre part à la a rejeté, à l’unanimité, le plan des crise économique entraîne une cri- ristique de bonne gouvernance nous
que de s’y préparer. Le plus surpre- crise sanitaire et économique. activistes : il repose sur trop d’élé- se financière, et que, si nous n’agis- permet d’avoir la meilleure notation
nant, c’est que l’un des activistes ments non maîtrisables. Il est dan- sons pas maintenant, nous n’ayons par les agences spécialisées.
qui critique aujourd’hui la stratégie Votre part de marché aux États- gereux pour l’entreprise et dange- plus accès au marché lorsque nous
est entré au capital de juin à sep- Unis est bien plus faible qu’en reux pour les actionnaires. en aurons besoin. La plupart des actionnaires sont des
tembre 2019, soit plus d’un an Europe, n’est-ce pas un handicap ? Jacques STERN. – Dès mars, le investisseurs financiers. Ne sera-
après la finalisation de l’acquisition C. C. Les activistes font une erreur conseil de surveillance a étudié les Le programme de cession proposé t-il pas compliqué de les convaincre
de Westfield, donc en parfaite d’analyse : le marché américain ne conséquences de la pandémie sur le par le projet Refocus est-il d’accepter l’augmentation
connaissance de cause. C’était un s’évalue pas globalement, mais ville groupe. Nous avons challengé le une alternative crédible à votre plan de capital qui les diluerait,
signe qu’il croyait alors au potentiel par ville. Je l’ai expliqué dès l’an- management pour qu’il étudie tou- Reset, présenté mi-septembre ? alors qu’ils ont une alternative ?
d’appréciation de l’action. Ce qui nonce du rachat de Westfield : nous tes les solutions possibles, y com- C. C. Nous n’avons pas attendu pour C. C. Il va nous falloir convaincre
s’est passé depuis, que personne ne appliquons au marché américain la pris des cessions majeures. La se- étudier l’avenir de nos actifs améri- que le plan Reset est le seul viable,
pouvait prévoir, c’est la crise du même sélectivité que celle qui a fait conde vague est arrivée, et notre cains, mais en dehors du plan Reset, et que celui des activistes est une il-
Covid-19, la plus importante de- notre succès en Europe. Nous devoir est de mettre le groupe à car aucune cession n’est envisagea- lusion, un pari reposant sur une
puis la crise de 1929, et dont l’ave- n’avons pas besoin d’être les plus l’abri de ce qui peut se passer d’ici ble à court terme sans détruire de la hypothétique cession dans un hori-
nir dira si elle est plus grave encore. gros, mais d’être les plus forts dans 18 mois. On espère que le vaccin valeur. Le plan des activistes, plutôt zon de temps flou, et à des condi-
un nombre restreint de villes, ce sera là en juin prochain ; mais si ce que de renforcer le bilan dès main- tions inconnues. Avec les droits
Xavier Niel martèle pourtant que nous sommes. n’est pas le cas, que fait-on ? Pour tenant, consiste à attendre deux ou préférentiels de souscription, les
que le rachat de Westfield ne pas avoir réagi à temps, certains trois ans pour espérer les vendre. actionnaires actuels qui participe-
était « un mauvais deal, au mauvais Unibail-Rodamco-Westfield acteurs sont aujourd’hui en faillite. Mais si le marché n’est pas meilleur, ront à l’augmentation de capital ne
moment, au mauvais prix ». a-t-il impérativement besoin nous deviendrons alors des ven- seront pas dilués. Cette augmenta-
C. C. L’acquisition de Westfield par d’une augmentation de capital ? Léon Bressler et Xavier Niel deurs aux abois et serions obligés de tion est le seul moyen de ne pas
Unibail-Rodamco était stratégique. C. C. C’est une composante de notre soulignent que votre groupe dispose les brader. Si nous réussissons à cé- mettre l’entreprise en danger.
Nos deux groupes partageaient la programme Reset, le seul qui ga- de 12,7 milliards de liquidités der, à bon prix, des actifs d’ici deux Agissons tant qu’il est encore
même vision d’une polarisation du rantisse l’avenir du groupe. L’aug- pour faire face aux échéances ou trois ans, tant mieux ce sera une temps. Le cours de Bourse a un po-
commerce entre internet, les très mentation de capital est une solu- de dettes, et que le marché bonne nouvelle. tentiel d’appréciation : les fonda-
grands centres commerciaux de tion indispensable et immédiate qui obligataire reste très favorable. mentaux de l’entreprise sont forts,
destination, et la proximité. Cette renforce le bilan du groupe dans un C. C. Je me réjouis que les activistes En évoquant le conseil de avec une collection des meilleurs
opération fait toujours sens et je environnement volatil et risqué. Le saluent notre gestion prudente de surveillance et le directoire réduit actifs européens et américains et
rappelle qu’elle a été payée aux plan des activistes est un saut dans la liquidité. Mais il faut être précis. à deux membres, Xavier Niel parle des équipes exceptionnelles. ■

LA SÉANCE DU LUNDI 19 OCTOBRE

LE CAC JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 JOUR %VAR. +HAUTJOUR +BAS JOUR %CAP.ECH 31/12 LES DEVISES MONNAIE 1 EURO=
L’OR JOUR VEILLE 31/12
AUSTRALIE ................................................................................
DOLLAR AUSTRALIEN 1,6575 AUD
♣
AIR LIQUIDE .................................. 134,8 0 136,1 130,1 0,129 +6,81 ORANGE ..............................................9,436 -0,72 9,61 9,12 0,147 -28,08 CANADA ................................................................................
DOLLAR CANADIEN 1,5523 CAD
COTATION QUOTIDIENNE ASSURÉE PAR LOOMIS-CPOR
AIRBUS .............................................. 65,72 +2,14 66,73 64,1 0,155 -49,63 PERNOD RICARD .................................. 142,55 +0,74 144,85 141,55 0,178 -10,57
www.cpordevises.com
GDE BRETAGNE ................................................................................
LIVRE STERLING 0,9059 GBP
ARCELORMITTAL SA .................................. 12,33 +0,93 12,408 12 0,297 -21,17 PEUGEOT .............................................. 16,07 +0,16 16,155 15,745 0,263 -24,55 HONG KONG ................................................................................
DOLLAR DE HONG KONG 9,1334 HKD
LINGOT DE 1KG ENV .....................................................
52490 52490 +19,92
♣ 31,4 JAPON ................................................................................
YEN 124,11 JPY
NAPOLEON ..................................................... 313,7 313,9 +21,17
ATOS .............................................. 69,36 +1,46 72 68,52 0,234 -6,67 PUBLICIS GROUPE SA ............................. +0,87 31,88 30,7 0,325 -22,2 PIECE 10 DOL USA .....................................................
890 885 +14,1
AXA .............................................. 15,028 -0,81 15,44 15,028 0,201 -40,15 RENAULT .............................................. 23,805 -0,25 24,165 23,145 0,406 -43,56 SUISSE ................................................................................
FRANC SUISSE 1,0724 CHF PIECE 10 FLORINS .....................................................
316 316 +17,95
ETATS-UNIS ................................................................................
DOLLAR 1,1785 USD PIECE 20 DOLLARS .....................................................
1780 1770 +18,75
BNP PARIBAS ACT.A .................................. 32,6 +1,23 32,86 31,905 0,156 -38,29 SAFRAN ..............................................91,58 +0,93 92,26 90,14 0,149 -33,47
TUNISIE ................................................................................
DINAR TUNISIEN 3,223 TND PIECE 20F TUNISIE .....................................................
300 300 +15,43
BOUYGUES ..............................................
30,83 +0,33 31,19 30,74 0,194 -18,61 SAINT-GOBAIN .................................. 33,8 -7,98 37,06 33,8 0,117 -7,4 MAROC ................................................................................
DIHRAM 11,103 MAD PIECE 5 DOL US (H) .....................................................
415 410 +5,06
CAPGEMINI ..............................................
110,7 +1,37 111,9 108,2 0,095 +1,65 SANOFI ..............................................85,44 -0,69 87,56 85,44 0,076 -4,66 TURQUIE ................................................................................
NOUVELLE LIVRE TURQUE 9,3057 TRY PIECE 50 PESOS MEX .....................................................
1974 1945 +19,06
CARREFOUR ..............................................
14,015 -0,28 14,23 13,845 0,114 -6,25 SCHNEIDER ELECTRIC ............................. 107,8 -0,78 109,9 102,9 0,067 +17,81 EGYPTE ................................................................................
LIVRE EGYPTIENNE 18,48 EGP PIECE FR 10 FR (H) .....................................................
168,7 168,7 +14,22
CREDIT AGRICOLE .................................. 7,388 +0,6 7,52 7,262 0,118 -42,84 SOCIETE GENERALE ♣ ..................................
12,294 +1,96 12,372 12,014 0,311 -60,36 CHINE ................................................................................
YUAN 7,8767 CNY PIECE SUISSE 20F .....................................................
306,7 308,4 +19,8
INDE ................................................................................
ROUPIE 86,3945 INR
PIECE LATINE 20F .....................................................
314,9 304 +24,07
DANONE ..............................................53,44 +0,26 54,78 52,9 0,162 -27,69 STMICROELECTRONICS ............................. 29,43 +0,72 29,58 29,19 0,124 +22,78 SOUVERAIN ..................................................... 383,9 382 +16,69
DASSAULT SYSTEMES .................................. 159,9 +0,66 161,5 159,8 0,072 +9,11 TELEPERFORMANCE .................................. 274,2 -0,15 279 267,8 0,08 +26,13 ALGERIE ................................................................................
DINAR ALGERIEN 151,61 DZD KRUGERRAND .....................................................1670 1648 +14,38
ENGIE .............................................. 11,68
ESSILORLUXOTTICA .................................. 115,7
-0,51
-0,6
11,97
117,45
11,635 0,145
110,1 0,122
-18,89
-14,8
THALES ..............................................65,18 -0,58
TOTAL .............................................. 28,21 -0,86
66,72
28,735
64
27,75
0,089
0,097
-29,55
-42,66
SICAV ET FCP
VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS (OU EN DEVISES), HORS FRAIS
HERMES INTL ..................................798,2 +1,04 803 765 0,032 +19,81 UNIBAIL-RODAMCO-WE ............................. 42,42 +2,91 43,4 40,84 0,907 -69,84 VALEUR DATE DE
Cybèle Asset Management
KERING ..............................................586 -0,58 594,8 584,6 0,083 +0,14 VEOLIA ENVIRON. .................................. 17,6 -0,62 18,065 17,2 0,184 -25,77
RETROUVEZ
LIQUID. VALORISAT.
37 av. des Champs-Elysées
75008 Paris
VINCI♣.............................................. 73,62 +1,69
42 rue d’Anjou,
L'OREAL ..............................................
288,5 -1 295 278 0,037 +9,28 74,26 70 0,085 -25,64 75008 Paris
Tél. : 01 55 27 94 94
Tel. : 01 56 43 62 50
www.palatine.fr
LEGRAND ..............................................69,3 -0,49 70,34 68,08 0,082 -4,6 VIVENDI ..............................................24,97 +0,44 25,15 24,21 0,084 -3,29 BETELGEUSE ................................................
40,22 15/10/20
LVMH .............................................. 432,3 -0,07 440,3 431,25 0,069 +4,37 WORLDLINE .............................................. 71,38 -0,75 73,7 71,34 0,116 +13,03 SICAV BELLATRIX C ................................................
296,09 15/10/20 SITE D’INFORMATIONS EXCLUSIVES
♣
MICHELIN ..............................................93,2 -0,47 95,1 93,04 0,162 -14,57 UNI HOCHE C ................................................
254,24 15/10/20 SIRIUS ................................................49,00 15/10/20 WWW.WANSQUARE.COM

CONOCOPHILLIPS MISE PRÈS DE 10 MILLIARDS DE DOLLARS SUR LE PÉTROLE DE SCHISTE @eegloff

Le secteur du pétrole de schiste se puis l’exercice 2018. Au deuxième tri- pour se renforcer à un bon prix. Il propo- dollars de chiffre d’affaires, devient un pétrolier disposera de 23 milliards de
consolide aux États-Unis. ConocoPhillips mestre 2020, il a enregistré une perte se une transaction à 49,30 dollars par acteur de premier plan dans le secteur barils équivalent pétrole de réserve,
a annoncé l’acquisition de Concho Re- de 435 millions de dollars, contre une action, soit seulement 1,4 % au-dessus du pétrole de schiste. Surtout, il devient avec un seuil de rentabilité moyen infé-
sources lundi, pour 9,7 milliards de dol- perte de 97 millions sur la même période du cours de clôture de vendredi dernier. le plus important groupe pétrolier aux rieur à 30 dollars le baril.
lars (8,23 milliards d’euros). de 2019. Pour passer ce cap, il faudrait Surtout, ConocoPhillips propose de États-Unis présent sur les seules activi- L’opération n’a pas soulevé un en-
La cible est un producteur de pétrole que la société puisse se refinancer sur payer la transaction intégralement en tés de production - sans raffinage et thousiasme effréné du côté des inves-
de schiste situé aux États-Unis. Pénalisé les marchés, ce qui est actuellement dif- actions, ce qui lui évite de sortir du cash. sans distribution - avec une production tisseurs, le titre de ConocoPhillips recu-
A

par la faiblesse des cours de l’or noir, il ficile. D’où la nécessité de s’adosser. Avec cette acquisition, ConocoPhillips, de 1,5 million de barils par jour. Une fois lant de 0,7 % en milieu de séance à Wall
n’a plus dégagé de bénéfice annuel de- L’acquéreur profite de cette faiblesse qui a réalisé l’an dernier 32,5 milliards de Concho Resources intégré, le groupe Street. ■
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
26 ENTREPRISES
Danone réorganise son top management
et envisage des cessions pour rebondir
Fragilisé par l’effondrement de ses ventes d’eau en bouteille, le géant français tente de se réinventer.
OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader
AGROALIMENTAIRE Alors que
Danone paye un tribut à la crise
plus lourd que certains de ses ri-
vaux, le groupe piloté par Emma-
nuel Faber lance un électrochoc
pour affronter l’après-Covid.
Lundi, le géant des produits lai-
tiers, de nutrition infantile et des
eaux, secoué depuis le début de la
pandémie par la mauvaise santé
de la restauration hors domicile, a
créé la surprise en annonçant un
véritable bouleversement de son
organisation.
Celui-ci va du changement de
ses équipes dirigeantes à celui son
organisation en passant par la re-
fonte de son portefeuille de mar-
ques. Avec une baisse de 2,5 % de
ses ventes au troisième trimestre,
à 5,82 milliards d’euros, le groupe
n’est pas dans les meilleurs élèves
du secteur. Il souffre de l’exposi-
tion de son activité eaux au hors
domicile (- 13,5 %) et de celle de la
nutrition spécialisée (- 5,7 %) à la
Chine. Jamais le groupe n’avait
annoncé un changement d’une
telle ampleur.
Pour commencer, le géant
français remanie en profondeur
son comex. S’il comptera toujours
six personnes, le cercle rapproché
d’Emmanuel Faber est bouleversé
de fond en comble. Évoquant une
« décision personnelle », après sei-
ze ans de maison, Cécile Cabanis,
directrice financière considérée
comme la numéro deux du grou-
pe, confirme qu’elle passera la
main en février prochain. Son
remplaçant est Jürgen Esser, pré-
sent de longue date chez Danone.
Autre virage radical, le groupe
abandonne son organisation his-
torique par métiers (produits lai-
Sur le « plateau Covid » d’Eurofins, la course contre la
montre pour analyser 15 000 tests en moins de 24 h
Des tests PCR venus de toute la France sont traités nuit et jour par cent machines.
KEREN LENTSCHNER £@Klentschner
IVRY-SUR-SEINE
REPORTAGE Sur un chariot mé-
tallique, plusieurs dizaines de sa-
chets plastiques estampillés en
bleu « Covid-19 PCR » s’amon-
cellent. Dans chaque sachet se
trouve un tube transparent
contenant un écouvillon qui a
servi à faire un prélèvement na-
so-pharyngé. Certains portent la
mention « Urgent ». Dans moins
de 24 heures, les résultats de ces
tests seront envoyés aux labora-
toires d’analyses médicales et aux
hôpitaux à destination des pa-
tients suspects.
Une vraie course contre la
montre commence alors sur le
« plateau Covid » d’Ivry-sur-Sei-
ne d’Eurofins Biomnis, filiale de
biologie médicale de l’entreprise
de diagnostic. 15 000 prélève-
ments sont analysés ici chaque
jour. Ils font partie du 1,2 million
de tests PCR réalisés chaque se-
maine en France. Au point de
provoquer de longues files d’at-
tente - ou des délais à rallonge -
dans certains laboratoires d’ana-
lyses médicales. Ceux qui sont
submergés par la demande ou qui
ne disposent pas de leurs propres
plateaux techniques sous-traitent
leurs prélèvements à des entre-
prises comme Eurofins Biomnis.
Trois équipes de techniciens et
de biologistes se relaient ici
24 heures sur 24, sept jours sur
sept. Les prélèvements arrivent
tout au long de la nuit, entre
A
20 h 30 et 4 h, en camions réfrigé-
rés, en provenance de laboratoi-
tiers et végétaux, nutrition spé- Le pôle eau
cialisée, eaux…), pour lui préférer du groupe Danone
une organisation en deux macro- (Évian, Volvic, Mizone,
régions de tailles très inégales. Aqua, Bonafont),
D’un côté, Danone Amérique du qui pèse pour 20 %,
des ventes, est affaibli
Nord (20 % du chiffre d’affaires),
structurellement,
de l’autre Danone International par la désaffection des
(80 %), chapeautées respective- consommateurs
ment par Shane Grant et Véroni- dans les pays matures.
que Penchienati-Bosetta. MANOLO MYLONAS/
« Le but est d’optimiser le dé- DIVERGENCE
ploiement local de notre stratégie, a
détaillé Emmanuel Faber. Mais
aussi de développer les synergies
entre catégories de produits. » De
quoi voir poindre de nouveaux
plans d’économies « significa-
tifs », les précédentes coupes
d’1 milliard d’euros sur 2018/2020
res d’analyses médicales ou d’hô-
pitaux situés dans toute la France.
Dans quelques instants, ils seront
placés dans d’immenses étuves,
où la température atteint 60 de-
grés, afin d’être inactivés. Les tu-
bes pourront alors être ouverts
sans risque par les techniciens. Ils
seront prêts à être analysés.
Second plateau à Lyon
Jusqu’au printemps, ce plateau
n’existait pas. Eurofins Biomnis
analysait à Ivry des prélèvements
« classiques » (dépistage prénatal,
hépatite C, tuberculose…). Il a fal-
lu recruter 160 personnes et ache-
ter une centaine de machines en
Les techniciens un temps record. « Nous nous
et les biologistes sommes organisés et avons massi-
se relaient 24 heures vement investi pour créer l’outil ca-
sur 24, sept jours pable de répondre à l’urgence sani-
sur sept, sur le « plateau
taire », raconte Sébastien Gibault,
Covid » d‘Eurofins,
une société spécialisée directeur général d’Eurofins
en biologie médicale Biomnis, en lien quotidien avec la
située à Ivry-sur- « cellule test » du gouvernement.
Seine. Face aux tensions d’approvi-
K. LENTSCHNER/LE FIGARO sionnement, Eurofins a fait le
étant achevées. Avec un premier
objectif : 14 % de marge opéra-
tionnelle en 2020.
Interrogations sur l’avenir
du pôle eau en bouteille
Ce découpage du monde en deux
grandes zones a laissé sceptiques
plusieurs analystes financiers, qui
y voient le risque de perdre en ef-
ficacité sur les marques mondia-
les. Voire de passer à côté du po-
tentiel de certains marchés
comme les pays émergents. Le
groupe assure que les catégories
de produits et zones géographi-
ques plus précises continueront à
être suivies spécifiquement à des
échelons inférieurs.
choix de ne pas dépendre des
grands fabricants (Roche, Abbott,
ThermoFisher…) qui fonctionnent
en système fermé : un appareil ne
peut être utilisé qu’avec des réac-
tifs de la même marque. Il a opté
pour une plateforme ouverte, ce
qui lui permet de jongler entre
différents fournisseurs.
Depuis le mois d’août, l’activité
s’est intensifiée, avec la montée
en puissance du dépistage Covid
et les débuts de la deuxième va-
gue. Pendant l’été, de nombreux
laboratoires en sous-effectif se
sont retrouvés dépassés par la de-
mande. Eurofins a été directement
appelé en renfort par certaines
agences régionales de santé.
Ce jour-là, 4 000 prélèvements
sont arrivés en provenance d’un
groupe de laboratoires en panne
de réactifs. « Tous les jours, je re-
çois des appels de biologistes qui
nous demandent de leur prêter
main-forte », raconte William
Bertrand, responsable du plateau
Covid, équipé d’une blouse jaune
et d’un masque FFP2. À cela
s’ajoutent les centres de dépistage
temporaires dans les mairies ou
les aéroports, obligés de sous-
traiter.
Le ballet est parfaitement rodé.
L’analyse d’un prélèvement com-
prend six étapes, largement auto-
matisées. Une fois qu’ils ont été
inactivés, les échantillons sont
placés sur une plaque. Chaque
plaque contient 96 prélèvements
dont trois destinés au contrôle
qualité. Les échantillons sont
alors mélangés avec des réactifs :
cela permet d’extraire l’éventuel
ARN du virus.
Enfin, ces deux fonctions géo-
graphiques s’appuieront sur une
direction générale « croissance »,
pilotée par Nigyar Makhmudova,
et sur un deuxième poste trans-
versal, présenté comme « déter-
minant dans la transformation de
Danone » : End-to-End Design to
Delivery. Confié à Henri Bruxel-
les, il regroupe la R&D, l’innova-
tion, les achats ou la logistique.
Avec un objectif, qui guide
aujourd’hui tout le monde de
l’alimentaire : répondre plus rapi-
dement aux évolutions de ten-
dances de consommation.
Pour s’adapter aux nouvelles
habitudes de consommation, Da-
none veut aussi réinventer son
Vient alors le moment clé, celui
de la PCR à proprement parler.
Dans une salle fermée, une dizai-
ne de thermocycleurs, des ma-
chines qui ressemblent à des ap-
pareils à gaufres, sont alignés. Ils
vont permettre de chauffer les
échantillons à 40 reprises pen-
dant deux heures. La température
monte de 25 ° à 95 °C avant de re-
descendre. On amplifie ainsi les
prélèvements afin de détecter
l’ARN du Covid.
Trois biologistes sont présents
pour la dernière étape, celle de la
validation des résultats. Sur
l’écran d’ordinateur, les courbes
montrent l’évolution des échan-
tillons au fil des quarante cycles
de chauffage. Douze cas positifs
apparaissent sur la plaque qui
vient d’être analysée. « Depuis
début septembre, le taux de cas
positifs a beaucoup augmenté pour
atteindre environ 15 %, contre 5 à
8 % pendant l’été », constate
William Bertrand. Aussitôt vali-
dés, les résultats sont envoyés aux
laboratoires.
Le compte à rebours reprend
sans tarder. Pas question de relâ-
cher les efforts. Eurofins Biom-
nis, qui a également investi dans
un plateau Covid à Lyon, aura
triplé ses capacités d’analyses en
tests PCR d’ici un mois. La mon-
tée en puissance des tests antigé-
niques, qui pourront notamment
être réalisés en pharmacie, n’in-
quiète pas ses dirigeants. « Le test
PCR restera la référence pour un
dépistage précis », estime Sébas-
tien Gibault. La bataille contre le
Covid se poursuit à Ivry-sur-
Seine. ■
portefeuille de produits. Il va pas-
ser en revue toutes ses marques,
toutes ses activités et ses milliers
de références. Le but : ne retenir
que celles qui répondent à « l’ob-
jectif de retour à moyen terme
d’une croissance de 3 à 5 % en don-
nées comparables », justifie Em-
manuel Faber.
Cela pourrait se traduire par des
coupes de 15 à 30 % dans les réfé-
rences de certaines marques. Le
travail a déjà commencé, avec la
sortie définitive début octobre du
japonais Yakult, pour 470 millions
d’euros. S’ensuit l’Argentine,
pays secoué par des crises depuis
vingt ans ; et aussi la marque de
produits hyperprotéinés Vega aux
États-Unis.
Le mouvement ira bien au-delà,
Danone promettant de faire un
premier bilan début 2021. Les in-
terrogations montent déjà sur le
pôle eau du groupe (Évian, Volvic,
Mizone, Aqua, Bonafont). Celui-
ci, qui pèse pour 20 % de ses ven-
tes, est plombé depuis le prin-
temps par l’activité erratique du
hors domicile. Mais aussi, plus
structurellement, par la désaffec-
tion des consommateurs dans les
pays matures sur fond de « plastic
bashing ».
Les doutes se font d’autant plus
pressants que le géant et rival
Nestlé (Perrier, Vittel, Contrex…)
a franchi le pas cette année en an-
nonçant son souhait de se séparer
de ses eaux entrée de gamme en
Amérique du Nord. Dont l’emblé-
matique Nestlé Pure Life, qui a
déjà trouvé preneur au Canada et
en Chine. L’avenir de Mizone dans
l’empire du Milieu est aussi ques-
tionné, même si le groupe assure
avoir des « espoirs raisonnables »
sur un retour de la marque à une
croissance rentable. ■
EN BREF
L’OPEP PRÊTE
À SOUTENIR LE
MARCHÉ DU PÉTROLE
£ L’Organisation des pays
exportateurs de pétrole (Opep)
s’est dit lundi « déterminée »
à « faire le nécessaire » pour
assurer la stabilité du marché
de l’or noir, alors que la reprise
de la demande montre
des signes de faiblesse.
LES ÉTATS-UNIS
PLANCHENT SUR UN
DOLLAR NUMÉRIQUE
£ Les États-Unis
réfléchissent à l’émission
de leur cryptomonnaie, c’est-
à-dire d’un dollar numérique,
mais l’évaluation complète des
avantages et des risques devrait
prendre du temps, a indiqué
lundi le président de la Banque
centrale américaine, la Fed.
« Nous n’avons pas pris
de décision » quant à l’émission
d’une telle monnaie, a déclaré
Jerome Powell lors d’une
conférence virtuelle organisée
par le FMI.
FLYBE RETROUVE
SES AILES
£ La compagnie aérienne
britannique Flybe, en faillite,
est en passe de retrouver le ciel
début 2021 après l’annonce
lundi de sa reprise par Thyme
Opco, une entreprise contrôlée
par le fonds d’investissement
Cyrus Capital. Elle avait déposé
le bilan début mars.
+@ » Près de Dunkerque,
le projet d’implantation
d’une usine de frites dérange
» La RATP fait rouler
son premier bus à hydrogène
www.lefigaro.fr/economie
 LE FIGARO mardi 20 octobre 2020

TECH 27

Bridgestone : le plan
de l’État pour ne pas
fermer l’usine
de pneus à Béthune
Le groupe accepte du bout des lèvres d’étudier
ce scénario qui sauverait de 460 à 560 emplois.

« demandé
Nous avons
à
JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin
INDUSTRIE Le gouvernement ne
Bridgestone relâche pas la pression sur Bridge-
de prendre stone. Il n’a aucunement l’inten-
le temps tion de laisser le fabricant de
pneumatiques fermer son usine de
de creuser Béthune (Pas-de-Calais) sans rien
ce scénario tenter et d’assister en spectateur à
complé- la disparition de 863 emplois.
Quand le groupe japonais avait
mentaire. annoncé sans crier gare le 16 sep-
Nous ne nous tembre dernier son projet de
laisserons « cesser l’activité de son usine de
pas faire
AGNÈS PANNIER-
» Béthune » en 2021, la ministre du
Travail, Élisabeth Borne, la minis-
tre déléguée à l’Industrie, Agnès
RUNACHER,
Pannier-Runacher, et le président
MINISTRE DÉLÉGUÉE
À L’INDUSTRIE de la région Hauts-de-France,
Xavier Bertrand, avaient immé-
diatement réagi d’une seule voix,
soulignant « leur désaccord face
cette annonce ».
L’affaire Bridgestone tombe
mal alors que le gouvernement a
fait de la réindustrialisation l’un
des axes forts de son plan de re-
lance. Pour ne pas se contenter de
petites phrases, Agnès Pannier-
Runacher a mandaté le cabinet
Accenture pour examiner les scé-
narios alternatifs à la fermeture
de l’usine. Lundi, la ministre a
réuni les syndicats et les élus lo-
caux pour leur communiquer ses
conclusions : « Il y a un scénario
qu’il est intéressant de creuser, qui
exige beaucoup d’efforts collectifs
et suppose une restructuration qui
n’est pas négligeable », a affirmé
Agnès Pannier-Runacher. Ce
projet industriel permettrait de
maintenir sur le site la production
de 3 millions de pneus et de sau-
ver ainsi 460 à 560 emplois.
Il s’agirait d’installer des machi-
nes qui permettraient de fabriquer
beaucoup plus de pneus de grande
taille, alors que l’usine est surtout
positionnée sur le segment du
pneumatique de petite taille,
préempté par les marques chinoi-
ses low-cost. La démarche est très
exigeante : elle suppose d’atteindre
25 à 40 % de gains de productivité
Olivier Gacquerre, maire de Béthune, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie,
et Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, aux côtés de représentants du personnel
de l’usine de pneumatiques Bridgestone, située à Béthune (Pas-de-Calais), lundi. ÉRIC PIERMONT/AFP
et nécessite un investissement de Béthune. » En creux, on lit la frus- travaillées. C’est pourquoi Bridges-
100 millions d’euros. tration des autorités et des élus qui tone a accepté d’examiner avec Ac-
Le gouvernement et la région suspectent Bridgestone d’avoir centure sa viabilité durant les pro-
Hauts-de-France pourraient par- sous-investi pendant des années chaines semaines », précise le
ticiper à son financement, mais sur le site de Béthune pour rendre groupe. Par ailleurs, Bridgestone
sous la forme de subventions ou sa fermeture inéluctable. insiste sur les atouts du site pour at-
de prêts. Pas question, en revan- La réponse de Bridgestone à cette tirer d’autres activités.
che, pour l’État et les collectivités proposition est tombée dans Mais l’exécutif et les élus atten-
locales de racheter cette usine. Ils
placent le groupe japonais, pro-
priétaire du site devant ses res-
l’après-midi sous la forme d’un
long communiqué très alambiqué.
Sur le papier, le groupe accepte
dent une réponse claire sur le projet
de continuer à produire des pneus à
Béthune. « Il faut que Bridgestone
ponsabilités. d’examiner ce scénario alternatif. nous dise rapidement si c’est oui ou
Mais vraiment du bout des lèvres. non (…), affirme Xavier Bertrand,
Gains de productivité « Accenture a commencé à explorer président de la région Hauts-de-
« Nous avons demandé à Bridgesto- la possibilité de maintenir une partie France. Si c’est non, on va rentrer
ne de prendre le temps de creuser ce de l’activité, au prix d’une réduction dans un bras de fer pour obtenir le
scénario complémentaire, souligne significative de la taille et des effec- maximum pour les salariés et pour
Agnès Pannier-Runacher. Nous ne tifs du site et d’une hausse importan- des emplois, parce qu’on ne part pas
nous laisserons pas faire. J’espère te de la productivité. Cette possibilité comme ça en France. » L’illustration
que nos amis japonais mesurent ce repose néanmoins sur des hypothè- de la tension qui règne entre les
qui est en jeu au niveau humain à ses qui nécessitent d’être détaillées et parties sur ce dossier. ■

Paul se diversifie dans les cafés et les restaurants

L’enseigne de boulangeries de la famille Holder teste les concepts Paul Le Café et Paul Express en France.

300
MATHILDE VISSEYRIAS
£@MVisseyrias
RESTAURATION « Nous ne som-
magasins mes pas que des boulangers, pré-
vient Maxime Holder. En France,
à l’international le pain représente 20 % des ventes.
(sur 750 au total) À l’étranger, c’est moins de 10 %. »
ont généré 44 % Le PDG de l’entreprise familiale
des 800 millions remet les pendules à l’heure. Dans
d’euros de chiffre beaucoup de pays, on vient chez
d’affaires
Paul boire un café et manger un
de l’entreprise
croissant - les deux premières
ventes mondiales de l’enseigne -,
pas pour les pains spéciaux.
En France, son pays d’origine,
Paul occupe une place à part de
premier réseau d’artisans boulan-
gers intégrés. « La France est un
pays très particulier pour nous, ex-
plique Maxime Holder. C’est le
seul au monde où Paul a gardé son
image très forte de boulanger-pâ-
tissier, tout en développant le
snacking. Nous avons envie de faire
bénéficier Paul France de l’expé-
rience de nos 45 pays à l’étranger. »
L’an passé, les 300 magasins à
l’international (sur 750 au total)
ont généré 44 % des 800 millions
d’euros de chiffre d’affaires de
l’entreprise. S’il n’y avait pas eu le
Covid, leur poids devait cette an-
née dépasser celui de l’Hexagone.
« À l’étranger, nous sommes
perçus comme un restaurant : 90 %
de l’activité se fait avec un service à
table de plats de restauration tradi-
tionnelle à la française, poursuit
Maxime Holder. Le pain représente Autre nouveauté : le déploie- 80 mètres carrés), d’abord
0,5 % des ventes de notre plus gros ment de deux concepts venus de conçus pour les sites de trans-
point de vente, à Dubaï Mall. » l’étranger, Paul Le Café (lancé en ports et les centres-villes. À
À Paris, la boulangerie de la rue 2017 en Thaïlande) et Paul Express l’étranger, après dix ans d’absen-
de Buci, navire amiral de la mar- (lancé en 2018, à la gare de Saint- ce en Chine, Paul signera son re-
que (avec 34 places assises) vient
de se refaire sa carte, en s’inspi-
Pancras, à Londres). Il en existe
déjà respectivement 8 et 12 à l’in-
tour dans le pays en inaugurant
dix Paul Le Café en mars pro-
rant de ce qui se fait hors de Fran- ternational. chain.
ce (grandes salades, planches à En France, l’objectif est d’en
partager, brunch…). Mais l’esprit Retour en Chine ouvrir une dizaine par an, et
reste résolument français. Le Un premier Paul Le Café a ouvert autant de Paul Express. Ouvert
nouveau décor propose une am- à Orly, en 2019. Un premier Paul pendant le confinement, Paul
biance bistrot chic, qui a vocation Express devrait ouvrir gare France a « massivement perdu de
à s’imposer partout au fur et à Montparnasse, dans les prochains l’argent », avec 5 à 20 % d’acti-
mesure des rénovations et des mois. « Paul Le Café, c’est la ré- vité. Encore maintenant, le chif-
ouvertures. En moyenne, ces der- ponse française à Starbucks, pré- fre d’affaires accuse un retard de
nières années, une trentaine de vient Maxime Holder. Paul Ex- 20 % par rapport à l’an passé.
points de vente a été inaugurée press, c’est la qualité Paul avec un L’objectif est de retrouver le ni-
chaque année en France, et 60 à libre-service. » Dans les deux cas, veau d’activité de 2019… en
70 à l’étranger. ce sont des petits formats (60 à 2022. ■

MaPrimRénov’ suscite l’appétit des professionnels

Les métiers du bâtiment se forment et se réjouissent de bénéficier du plan de relance.
GUILLAUME MOLLARET
£@Newsdusud
BÂTIMENT MaPrimRénov’ com-
mence à entrer dans les mœurs.
Créée le 1er janvier pour les proprié-
taires aux revenus modestes, son
assiette a été élargie à tous les mé-
nages début octobre. « Autant les
ménages à faibles revenus, qui ont eu
plus de temps pour se l’approprier,
animent le marché, autant les ména-
ges plus aisés sont encore dans l’in-
certitude quant à l’activation de cette
prime, explique Marina Offen, res-
ponsable juridique de Hellio, une
de l’isolation des murs par l’exté-
rieur et l’intérieur ainsi que des
combles. Dans le cadre du plan de
relance, l’aide concerne aussi les
copropriétés et s’élève à un mon-
tant global estimé à quelque 2 mil-
liards d’euros.
Seules les copropriétés ayant
mûri leur projet de rénovation bé-
néficieront rapidement de la mesu-
re, accessible aux propriétaires
bailleurs. Rares sont celles qui pro-
fiteront de ce soutien par seul effet
d’aubaine en 2021. Votée en assem-
blée générale, la coûteuse rénova-
tion d’un ensemble doit d’abord
être portée à l’ordre du jour ; et elle
Créée le 1er janvier
pour les propriétaires
aux revenus modestes,
l’assiette
de MaPrimRénov’
a été élargie à tous
les ménages début
octobre.
immobiliers tels Foncia et Orpi. Il
faut aussi l’inscrire dans un temps
long pour permettre une action de
fond sur les économies d’énergie. »
En 2019, le marché de l’« amélio-
ration-entretien du logement » a,
selon la Fédération française du bâ-
timent (FFB), représenté un marché
de 46 milliards d’euros, dont
15 milliards pour la seule rénovation
énergétique. « L’isolation des murs
ARTURSFOTO - STOCK.ADOBE.COM
représente près de 800 millions
d’euros de chiffre d’affaires ; l’isola-
tion des toitures, environ 1,3 milliard,
et l’isolation des combles, 150 mil-
lions », précise la FFB.
4,8 millions de passoires
thermiques en France
Un engouement inédit, porté par
l’instauration de l’« isolation ther-
mique à 1 euro ». « Nous avons, de-
puis la création de cette subvention,
connu un véritable accroissement de
notre activité. Il y a trois ans, on ne
réalisait, sur les combles, que deux à
trois isolations par mois. On en est
aujourd’hui à quatre par jour », dé-
c’est plus à une pénurie de main-
d’œuvre que d’ordres de chantier que
la profession doit fait face ».
« À ce jour, nos formations font le
plein, confie Philippe Boussemart,
président du groupement des in-
dustriels de l’isolation Le Mur Man-
teau, qui s’attend à ce que le secteur
enregistre 10 % de croissance. Dans
mon entreprise, 80 professionnels de
la pose viennent se former chaque se-
maine. C’est le signe que les profes-
sions du bâtiment sont prêtes à ab-
sorber la croissance que va générer
MaPrimeRénov’. »
Selon le commissariat général au
développement durable, il existe

société experte dans les économies
d’énergie. Les professionnels atten-
dent également quelques clarifica-
tions du gouvernement. »
MaPrimRénov’ permet, contre
travaux permettant un gain d’effi-
cacité énergétique de 35 % au
moins, la subvention pour le chan-
emporte rarement l’adhésion de la taille Frédéric Dayre, gérant de quelque 4,8 millions de passoires
majorité des copropriétaires dès sa l’entreprise d’isolation Dalco, une thermiques (17 % du parc) classées
première présentation. PME gardoise de 15 salariés, qui doit F ou G, contre 1,9 million (6,6 %)
« Nous demandons que cette prime parfois reprendre le travail bâclé étiquetés A ou B. En 2020, MaPri-
soit prolongée au moins d’une année, réalisé par des sociétés non quali- meRénov’ n’a pas atteint ses objec-
à fin 2023, car il faut laisser le temps fiées spécialisées dans l’arnaque aux tifs en raison de la crise engendrée
aux copropriétés de mûrir leur pro- subventions. par la pandémie. 150 000 ménages
jet, revendique Jean-Michel Cami- Au sujet de MaPrimeRénov’, Fré- auront demandé cette aide. En
A

gement de système de chauffage, zon, président de Plurience, asso- déric Dayre estime qu’il y aura 2021, le gouvernement attend le dé-
l’installation d’une ventilation ou ciation de 13 grands opérateurs « à manger pour tout le monde, car pôt de 400 000 à 500 000 dossiers. ■
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

28 MÉDIAS et PUBLICITÉ
L’éducation aux médias et à l’information
mène le combat pour la citoyenneté
L’apprentissage de l’esprit critique en classe est réaffirmé avec force par le gouvernement.
ALEXANDRE DEBOUTÉ £@axel_deb
PRESSE L’actualité met triste-
ment sous le feu des projecteurs
l’une des spécificités du système
français d’éducation : l’existence
du Centre pour l’éducation aux
médias et à l’information (Clémi),
dont la mission est de former les
enseignants à l’éducation aux mé-
dias. Ce dernier a reçu lundi soir un
soutien sans faille du ministre de
l’Éducation nationale. À l’occasion
d’un conseil d’orientation de ce
service dépendant du réseau Cano-
pé (éditeur des ressources pédago-
giques multimédia) placé sous la
tutelle du ministère, Jean-Michel
Blanquer a voulu s’assurer de la
mobilisation du corps enseignant
pour le retour des élèves après les
vacances, le 2 novembre. « Les va-
leurs de la République ne doivent pas
être ringardisées, a souligné le mi-
nistre. Il y a des enjeux intellectuels
et conceptuels qu’il faut expliquer
aux élèves, et des enseignants qu’il
faut accompagner dans cette prise
de parole. »
Chaque année, le Clémi forme
25 500 enseignants. Son temps fort
le plus connu est la Semaine de la
presse et des médias à l’école, qui
s’adresse chaque année (en mars) à
près de 4 millions d’élèves, mobili-
sant 220 000 enseignants dans
18 600 établissements. La dernière
édition, qui s’est tenue du 23 au
28 mars dernier, s’est rebaptisée,
confinement oblige, Semaine de la
presse à la maison.
« Le Clémi est un outil très original
que la France a mis en place - c’était
une première mondiale - dès 1983
alors que c’était loin d’être une évi-
dence à l’époque, souligne Serge
Barbey, son directeur délégué. Sa
création était l’aboutissement d’un
combat porté par des pédagogues et
des journalistes - comme notam-
ment Ivan Levaï - qui allait à l’en-
contre de l’opposition qui se voulait
alors encore absolue entre l’école et
les émetteurs d’information, qu’ils
soient publics ou privés. Son impor-
tance s’est accrue depuis 2014 et
surtout 2015. »
En 2014, l’actualité avait été déjà
marquée par des tensions autour du
modèle républicain d’intégration,
notamment un arrêt de la Cour de
cassation qui validait le licencie-
ment pour faute grave de la salariée
d’une crèche qui refusait d’ôter le
foulard islamique dans le cadre de
son activité professionnelle. Déjà,
des débordements islamiques dans
le système. Les attentats terroristes
de Charlie Hebdo en janvier 2015,
puis ceux du 13 novembre de la
même année, ont fait prendre
conscience avec une cruelle inten-
sité des enjeux autour du dévelop-
pement, chez les écoliers, collégiens
et lycéens, d’un esprit critique dans
le cadre de leur lecture de la presse
et de leur exposition en général aux
médias, notamment en ligne. « Cet
enseignement ne vise pas à présenter
aux élèves le système médiatique
dans lequel ils évoluent mais à leur
donner des clés de compréhension
leur permettant de prendre de la dis-
tance pour penser par eux-mêmes »,
poursuit Serge Barbey.
Les attentats de Charlie Hebdo
ont été un puissant catalyseur. Des
tensions sociales et religieuses lais-
saient clairement entrevoir des
conflits possibles entre plusieurs
courants de pensée au sein des ins-
titutions républicaines, dont l’éco-
le. Cette année-là, sous l’égide du
Clémi, un site consacré aux valeurs
de la République a été créé pour
aider dans leur travail les ensei-
gnants. Une journaliste de France
Inter, Emmanuelle Daviet, aujour-
d’hui médiatrice des antennes de
Radio France et membre de l’Ob-
servatoire Éducation et médias du
Conseil supérieur de l’audiovisuel
(CSA), a de son côté créé Interclass.
Cette opération, qui poursuit
aujourd’hui son office, avait été
lancée par Laurence Bloch, direc-
trice de France Inter, pour appren-
dre aux collégiens à « décrypter la
fabrique de l’information » et à
« construire des passerelles entre
des mondes qui s’ignorent ». Elle
propose d’embarquer chaque an-
née des collégiens et lycéens dans
des reportages réalisés par les équi-
pes de la radio qui sont diffusés à
l’antenne l’été suivant.
Socle commun
« Charlie a marqué un avant et un
après, souligne Serge Barbey. Mais
l’idée qu’il fallait préparer mieux les
jeunes à l’exercice de la citoyenneté
en démocratie avait déjà été inscrite
en juillet 2013 dans la loi d’orienta-
tion et de programmation pour la
refondation de l’école de la Républi-
que qui devait répondre notamment
La Semaine aux nouveaux usages numériques. »
de la presse L’éducation aux médias et à l’in-
et des médias formation a ainsi été intégrée au
à l’école « socle commun de connaissances et
s’adresse chaque compétences » que les jeunes Fran-
année à près de
çais doivent avoir acquises en sor-
4 millions d’élèves,
et mobilise tant du système scolaire.
220 000 enseignants Si le sujet revient aujourd’hui
dans 18 600 violemment sur le devant de la
établissements. scène, son traitement doit néan-
BRUNO GRANDJEAN moins continuer à s’inscrire dans le
long terme. Si la puissance des ré-
seaux sociaux est encore une fois
pointée du doigt, le rôle des ensei-
gnants doit rester central. « L’édu-
cation aux médias rentre dans le ca-
dre de leurs projets pédagogiques »,
rappelle Serge Barbey. ■

EN BREF
Les chaînes d’info s’adaptent au couvre-feu LIGUE 1 : MEDIAPRO
VA S’EXPRIMER
Si les duplex sont privilégiés pour les experts, les politiques continuent de venir en plateau. CE MERCREDI
£ Alors qu’il s’est lancé dans
un bras de fer avec le football
« Compte tenu du contexte actuel,

« normal
CAROLINE SALLE. £@carolinesalle français pour renégocier ses
Il est avoir Gérald Darmanin ou sa minis- droits TV et refuse pour l’heure
tre déléguée Marlène Schiappa en
que AUDIOVISUEL À 20 h 50 précises, plateau, c’est bien plus solennel et
de payer les 172 millions qu’il
doit à la Ligue de football
les ministres Gérald Darmanin sera « Face à plus fort qu’un duplex », estime un professionnel, Mediapro
et les chefs BFM ». Ce mardi soir, le ministre expert des médias. Sans doute. s’exprimera ce mercredi. Jaume
de l’Intérieur reviendra évidem- Avec le risque pourtant de brouiller
de parti ment sur l’assassinat de l’ensei- le message : un couvre-feu instauré
Roures, le président fondateur
du groupe sino-espagnol,
bénéficient gnant Samuel Paty à Conflans- par un gouvernement qui en serait prendra la parole pour
de Sainte-Honorine. Interrogé entre lui-même dispensé ? « Si le premier l’occasion. En attendant,
autres par Ruth Elkrief et Bruce ministre veut sortir après 21 heures,
dérogations. Toussaint, il s’exprimera égale- ce n’est pas pour ses loisirs. Il a un
la LFP a validé lundi un prêt
CAPTURE/BFMTV

de 112 millions d’euros pour

Mais pas ment sur la mise en place du cou-
l’intégralité vre-feu depuis samedi dernier.
Pour cette émission, diffusée en di-
de la classe rect, pas de duplex ou d’interven-
politique. tion en FaceTime. Le ministre se
À un rendra sur le plateau de BFMTV.
« Business as usual », en somme.
moment, Si certaines émissions de diver-
il faut aussi tissement, à l’instar du talk-show
montrer de Ruquier sur France 2 « On est
réel motif professionnel », balaye
Christophe Tortora. « Il est normal
que les ministres, les porte-parole
du gouvernement et les chefs de
parti bénéficient de dérogations.
Gérald Darmanin sera ce mardi en direct sur BFM à 20 h 50. Mais pas nécessairement l’intégra-
Pour les personnalités politiques, la présence en plateau reste la norme. lité de la classe politique. À un mo-
ment, il faut aussi montrer l’exem-
pour nos experts et nos invités en la venue des invités, pour ne pas ple », estime l’expert des médias.
plateau. Mais nous n’allons pas en donner l’image d’un défilé perma- Au sein des chaînes, on rappelle
combler le manque à gagner.
DONNÉES DE MINEURS :
ENQUÊTE EUROPÉENNE
SUR INSTAGRAM
£ La Commission irlandaise
pour la protection des données a
ouvert deux procédures contre

l’exemple »
CHRISTOPHE TORTORA
presque en direct » ou de « TPMP »
sur C8, s’adaptent aux nouvelles
restrictions en tournant avant
21 heures, difficile pour les chaînes
d’information de ne plus être en
direct le soir. Au risque, sinon,
d’être totalement déconnectées de
l’actualité. « En accord avec les
autorités de l’État, nous avons de-
mandé des dérogations au couvre-
feu pour nos journalistes qui tiennent
l’antenne après 21 heures, ainsi que
abuser. Et, comme pendant le confi-
nement, nous seront aussi en direct
avec des invités par FaceTime et
Skype », explique Marc-Olivier
Fogiel, directeur général de
BFMTV.
« Exemplarité »
Chaque chaîne d’info édicte à vrai
dire son propre mode d’emploi.
« Le soir, nous privilégions les inter-
views sur Skype. Nous limitons aussi
nent en plateau », confie Christo-
phe Tortora, le directeur de la ré-
daction nationale de France
Télévisions. Exemplarité oblige.
Idem chez LCI, où les experts ne
peuvent plus être en studio après
21 heures. « Ils continuent d’inter-
venir, mais seulement en duplex »,
indique la chaîne.
Pour les personnalités politiques
de premier plan, la présence en
plateau est davantage privilégiée.
quoi qu’il en soit que « tout est nor-
mé depuis des mois. Les protocoles
sanitaires sont appliqués rigoureu-
sement. Quel que soit leur bord, les
hommes politiques n’arrivent jamais
sans masque, constate Christophe
Tortora. Il y a un extrême respect
des règles. Avant, ils passaient un
peu de temps dans les loges, discu-
taient. Maintenant, ils arrivent, sont
maquillés, passent directement à
l’antenne et repartent aussitôt ». ■
le réseau social Instagram, filiale
de Facebook, à propos
du traitement des données
personnelles d’utilisateurs
mineurs. La « Cnil » irlandaise
- qui supervise Facebook dans
l’Union européenne - a reçu
plusieurs plaintes sur le fait
que des numéros de téléphone
et des adresses mail de mineurs
étaient accessibles de tous les
utilisateurs sur le réseau.

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SA FAÇON D’EXPRIMER
LES SENTIMENTS, UN FILM
TAILLE DANS LA LÉGENDE
POUR LUI DONNER CHAIR.
PAGES 30 ET 31
L’Esclave mourant et L’Esclave rebelle,
Michel-Ange.

AVEC FEYDEAU, ÉMELINE BAYART

CONNAÎT BIEN LA CHANSON
●
L’HISTOIRE DU JOUR L’ACTRICE, QUI MET EN SCÈNE « ON PURGE BÉBÉ »
●

AU THÉÂTRE DE L’ATELIER, INJECTE DES COUPLETS CHANTÉS DANS LA PIÈCE CULTE.

ELLE Y EXCELLE FACE À SES COMPARSES UN TON EN DESSOUS.
volontiers et démarre en trombe sa pièce tions se perdent, Emeline Bayart les re-
PHILIBERT HUMM par une interprétation toute personnelle trouve.
phumm@lefigaro.fr
de La Tour Eiffel, chanson comique de L’embêtant, c’est que la suite peine à

O
n purge bébé a été créé le
12 avril 1910 aux Nouveautés.
Cent dix ans, donc, qu’on
purge bébé ou, plus exacte-
ment, qu’on ne le purge pas.
Car Toto Follavoine, de son prénom Her-
vé, refuse obstinément d’ingérer son trai-
tement contre la constipation. Il y a des
jours et des nuits qu’il n’est pas « allé » et
cela préoccupe au plus haut point sa
mère, Madame Julie Follavoine. En plus
de mettre en scène, c’est Emeline Bayart
qui endosse ce rôle à hurler de rire et ta-
per du genou contre le dossier du voisin.
Son numéro est épatant ! Quelle voix !
Quel chien ! En d’autres temps, Emeline
Bayart aurait fait un tabac dans les caba-
rets d’opérette. Le genre a beau être un
Marguerite Deval, dit « le diable en ju-
pons ». Il y est question d’érection de mo-
nument et de devoir conjugal.
Mécanique de précision
Quand vient le dernier couplet, on bat des
genoux de plus belle, le voisin se retourne
et on se dit que c’était là vraiment une
bath idée que d’introduire entre les scè-
nes des airs d’autrefois. « C’est quelque
chose qui s’est perdu, explique Emeline
Bayart, mais qui était obligatoire dans les
vaudevilles avant 1864 : les couplets chan-
tés. C’est-à-dire qu’au moment où Fey-
deau est contraint d’arrêter les dialogues
sans quoi ses personnages s’étrangle-
raient, j’ouvre une sorte d’antichambre à
travers laquelle, par le biais de la chanson,
ils peuvent exulter au public tout ce qu’ils
atteindre la hauteur de ce premier quart
d’heure. Plus grave, certains comédiens
ont tendance à forcer la voix et surjouer
l’hystérie. Il ne faut pas forcer Feydeau,
tous les acteurs le disent. Son œuvre, vé-
ritable mécanique de précision, ne souffre
pas qu’on la dérègle d’un iota. Jouer ses
vaudevilles requiert une immense rigueur,
la plus sévère discipline. C’est épuisant,
en somme, mais il faut cela pour que le
spectateur prenne son pied. Par mo-
ments, on ne le prend pas tout à fait. C’est
bien regrettable, sauf pour le voisin, qui
passe une seconde partie de soirée moins
agitée. ■
En raison des dernières mesures sanitaires,
On purge bébé se joue désormais
le jeudi à 18 h 30 et le samedi et le dimanche
à 15 heures, au Théâtre de l’Atelier (Paris 18e).
A

peu passé de mode, elle s’en tamponne ne peuvent pas dire à l’autre. » Les tradi- Tél. : 01 46 06 49 24.
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

30 L'ÉVÉNEMENT

AU LOUVRE
COMME AU CINÉMA,
MICHEL-ANGE
RETROUVÉ
TANDIS QU’UNE EXPOSITION PLONGE AUX entre l’apollinien et le dionysiaque, a été
judicieusement préféré. Du côté de la
douceur, le Bacchus et Ariane, marbre de
ORIGINES DE L’ART DU MAÎTRE, LE RÉALISATEUR Tullio Lombardo (vers 1505) venu du
Kunsthistorisches Museum de Vienne,
ANDREÏ KONCHALOVSKY L’IMAGINE AU QUOTIDIEN, fait l’affiche. C’est un magnifique exem-
ple d’équilibre harmonieux, et la preuve
ÉCARTELÉ ENTRE ROME ET FLORENCE. que l’amour est éternel. Ailleurs, Le Par-
nasse de Mantegna a été descendu de la
Grande Galerie. Le tableau se trouve placé
en regard du fameux groupe des Trois
ÉRIC BIÉTRY-RIVIERRE Grâces du Louvre (IIe siècle de notre ère,
ebietryrivierre@lefigaro.fr
ancienne collection Borghèse, avec des

D
e quoi procèdent la terribili-
tà et la grâce de Michel-An-
ge ? Réponse en deux cha-
pitres. Au Louvre, d’abord,
où une exposition sur la
sculpture de la Haute Renaissance en
Italie montre d’où a émergé Michelan-
gelo Buonarroti (1475-1564). Au cinéma
ensuite où, dans Michel-Ange (Il Pec-
cato) (le péché), Andreï Konchalovsky
saisit le Florentin au sommet de la gloire.
Soit à partir des années 1510, lorsque de-
venu maître, égal et rival de Léonard,
Bramante et Raphaël - le David, la Pietà
du Vatican et les fresques de la Sixtine
sont terminés -, les grandes familles,
romaines et florentines se l’arrachent au
point de l’écarteler (lire ci dessous).
Au Louvre, le jeune archer qu’on dé-
couvre à la fin d’un somptueux par-
cours installé en regard des deux célè-
bres Esclaves - Cupidon, longtemps
non authentifié, marbre qui jusqu’en
2009 ornait dans l’indifférence géné-
rale le hall des services culturels de
l’ambassade de France à New York -
semble la grâce incarnée.
Tous les codes de ce doux langage
sont en tout cas là, déjà manifestes.
Jeunesse éternelle symbole de l’amour
néoplatonique, geste aérien et corps en
contrapposto signe de perfection et
d’élévation, stylisation du visage selon
l’idéal antique…
On peut s’étonner que Michel-Ange
n’ait pas eu 20 ans lorsqu’il créa cette
œuvre. On peut s’extasier devant tant de
maturité. Mais c’est que ses aînés avaient
largement défriché les manières de ren-
dre l’expression des sentiments. Le dé-
montre magistralement Marc Bormand,
par un choix de 240 œuvres diverses. Où
têtes reconstituées au XVIIe siècle). Ici des
drapés gonflés comme des voiles et des
chevelures dénouées intensifiant l’im-
pression de mobilité. Là l’art du nu. Com-
me dans cet Orphée, petit bronze musi-
cien de Bertoldo di Giovanni placé en
début du parcours. Trente ans avant le
Cupidon de Manhattan, il semble avoir
trouvé le premier le secret du vivant.
Du côté de la fureur, de méplats à pers-
pective rigoureuse en rondes-bosses par-
faites, voici des cohues. Y ferraillent ar-
tistes plus encore que soldats (Bataille,
bronze étourdissant de Bertoldo di Gio-
vanni). Ou bien sont ciselés des banquets
de rois ou de dieux, systématiquement
inspirés de pièces de sarcophages gréco-
romains. Les corps se tordent, les visages
crient. Certains mordent.
On distingue les larmes
sur les joues, le sang
dans les veines. Mer-
veille à peine extraite
des premières fouilles
(auxquelles a participé
Michel-Ange), le
groupe du Laocoon a
été prétexte à quantité
de physionomies
terriblement im-
pressionnantes. Le
Saint Dominique de
Niccolo dell’Arco
(collection privée) ou
un Saint Jérôme en
extase, toile attribuée à
Luca Signorelli (Louvre),
comptent ici parmi les plus expressives.
À deux pas, on peut leur préférer le
buste d’une Marie-Madeleine hurlante,
terre cuite de Guido Mazzoni venue de
Ci-dessus, deux études
de Michel-Ange : Homme nu debout,
la tête de profil vers la droite
et Femme nue agenouillée,
tenant une couronne et des clous.
Ci-contre, à gauche,
Cupidon (vers 1490),
récemment attribué à Michelangelo
Buonarroti et, à droite,
L’Esclave rebelle.
MICHÈLE BELLOT, THIERRY LE MAGE, RAPHAËL
CHIPAULT/MUSÉE DU LOUVRE DIST. RMN-GRAND
PALAIS, THE METROPOLITAN MUSEUM OF ART,
DIST. RMN-GRAND PALAIS-MMA
Padoue. Elle est d’un naturalisme et d’un
effet impeccable. Et il y en a d’autres !
Comme celle en pied, vieillarde seule-
ment vêtue de ses cheveux, que Deside-
rio da Settignano a fait surgir d’un tronc.
Ce bois a été extrait de sa chapelle à San-
ta Trinita de Florence. D’autres péni-
tents de la tradition chrétienne, à com-
mencer par des Christ morts ou exhibant
leurs plaies (voir les tableaux de l’ef-
frayant Ferrarais Cosmè Tura), mais
aussi la figure païenne du Tireur d’épine
ou celle d’Hercule combattant le vicieux
Antée : tous ces trésors participent de
l’enrichissement de la rhétorique des
gestes et des attitudes, pour un surcroît
de conviction et d’émotion.
« Maniera moderna »
Comment dès lors ne pas se délecter de
l’impétuosité d’Europe luttant avec le
taureau, dans l’extraordinaire petit
bronze d’un Bartolomeo Bellano, élève de
Donatello ? Se déchaînent avec elle mé-
nades et bacchantes reprises de l’Antique
tandis que galopent de fougueux chevaux

LES BAS-FONDS DU MANIÉRISME SUR GRAND

l’on passe d’un marbre à un bronze, d’un
bois à une terre cuite, d’une faïence à une
peinture, d’une fresque (le Pérugin) à des
médailles, de dessins à des gravures, au
travers de pièces souvent de très haute
qualité, qui traitent aussi bien de thèmes
sacrés que profanes. Avec même, au
cœur du parcours, des groupes de géants
polychromes, déplorations d’une théâ-
tralité intense. Ce sont celles nées à Milan
de l’atelier des Del Maino. L’une orne
d’habitude l’église Santa Marta de Bellano
et l’autre celle de la cathédrale de Côme.
Conservateur au département des
sculptures, Marc Bormand avait, en 2013,
signé un volet préalable : « Le printemps
de la Renaissance », exposition présentée
au Palazzo Strozzi à Florence et au Louvre
Michel-Ange ? Un perfectionniste tou-
jours insatisfait. Un exalté surmené. Mais
aussi un fieffé maquignon, les pieds ancrés
dans la poussière du marbre et des pig-
ments ! Dans le film d’Andreï Koncha-
lovsky, en salle ce 21 octobre, incarné par
un Alberto Testone au nez cassé de rigu-
eur, au corps émacié et vêtu de haillons, on
le croirait sorti d’un de ces chefs-d’œuvre
du néoréalisme italien. À moins que ce ne
soit d’un Pasolini.
En 1512, le maître patauge dans des
ruelles et des embrouilles de clans encore
UFO DISTRIBUTION

qui montrait qu’assurément la Renais-
sance avait commencé chez les sculp-
teurs avant les peintres. Comme alors, il a
travaillé avec Beatrice Paolozzi Strozzi,
ancienne directrice du Musée du Bar-
gello, à Florence. Et le duo s’est adjoint
les compétences de Francesca Tasso du
Castello Sforzesco, de Milan.
Grâces et cohues
Car leur panorama des ateliers de la se-
conde moitié du Quattrocento, qui dé-
marre avec Donatello (1386-1466), les
Lorenzo Ghiberti ou Luca della Robbia
triomphateurs du goût byzantin, excè-
de la cité des Médicis et de Savonarole.
Il inclut les représentants de la généra-
tion suivante toute sous influence et
qui a été active non plus seulement
en Toscane mais dans toute la
péninsule. Ces foyers ne sont
pas ici rangés selon la géo-
A
plus sales. Jouet de puissants qui, à Rome
« la dépravée » autant qu’à Florence « la
putain », tardent à payer leurs folles
exigences, sous pression de ses ouvriers,
jalousé par ses pairs, de Bramante à
Raphaël, il s’embourbe dans les grandes
commandes.
Jules II meurt, les papes se succèdent
plus ou moins amis, et il doit finir son pha-
raonique tombeau tandis que sa cité
exige une façade à sa basilique San
Lorenzo. Entre les Della Rovere et
les Médicis qui manient aussi bien
le poison que la dague et récitent
leur Machiavel comme un évan-
gile, c’est à qui se l’arrachera. Et
entre les assistants blonds comme
des Apollons et les tailleurs de
pierres musclés comme ses
Ignudi, que de désirs, que de
frustrations. Méfiances et
traîtrises sourdent aussi
Alberto Testone dans Michel-Ange (Il Peccato), d’Andreï Konchalovsky.
riers, une vraie mafia, ni de la famille Buo-
narroti criblée de dettes. Elle aussi suce le
sang de son prodigieux enfant.
Quotidien très trivial
Cette situation cauchemardesque, com-
prise par l’intéressé comme une expiation
à sa démesure - trop grand orgueil d’avoir
donné à voir l’origine du monde dans la
Sixtine - prend la forme d’un bloc de mar-
bre. Michel-Ange veut le plus gros et le
plus parfait. Plus imposant que le « bloc de
Duccio » duquel il a fait émerger à Floren-
ce son titanesque David, louange à la vertu
civique. Il le trouve et, à force de négocia-
s’étant pas faite avec des enfants de
chœur, il y aura bien sûr des sabotages, des
accidents, autour de ce cube d’un blanc
éblouissant, extrait sans découpe et depuis
surnommé « le monstre ».
Le sculpteur, grand lecteur de Dante,
familier de ses cercles infernaux, ne finira
donc jamais d’expier. Sur les chemins de
Toscane et du Latium, il alternera colères,
prières et rares moments de réussite et de
félicité. Comme lorsqu’il ôte la bâche qui
recouvre son Moïse en fin de ponçage, se
souvenant de la leçon de son précepteur
(« Puisque Dieu a créé l’homme à son ima-
ge, l’homme est Dieu »). Ou comme lors-

graphie. Un parcours par dans ce milieu. Et ne tions, entreprend de le faire descendre de qu’il trouve dans le visage d’une fille de
grands thèmes balançant parlons pas des car- la montagne à bout de cordes. Rome ne manœuvre celui de sa Piétà, Vierge telle-

inspirés de ceux de Léonard. On mur-
mure toujours que le petit bronze figurant
un guerrier à cheval du Musée des beaux-
arts de Budapest, celui installé dans sa
vitrine indépendante, serait de lui…
De cet exceptionnel terreau d’œuvres
entretenu par d’innombrables cours
princières et seigneuries en quête de
prestige et de légitimation, où par-
tout les artistes se concentrent sur
l’interprétation de l’être humain,
où partout ils cherchent à égaler voi-
re à dépasser les Anciens, naît puis
triomphe le père si précoce du Cupidon.
Bientôt Michel-Ange sera « il Divino »,
l’étoile de la « maniera moderna », cette
manière moderne qu’on qualifiera bien
plus tard - et bien malheureusement -
de maniérisme. ■
« Le corps et l’âme. De Donatello
à Michel-Ange, sculptures italiennes
de la Renaissance », au Musée
du Louvre, du 22 octobre au 18 janvier
2021. Rés. : 01 40 20 50 50.
Cat. Louvre/Officina Libraria, 511 p.,
45 €. www.louvre.fr
ÉCRAN
ment belle qu’elle semble plus jeune que
son enfant reposant mort sur ses genoux.
À l’opposé du long-métrage hollywoo-
dien L’Extase et l’Agonie, de Carol Reed
(1965), plus proche d’Il Capo de Yuri An-
carani (2010), Konchalovsky démythifie.
Il donne à voir le quotidien très trivial et
pratique du maître. Il s’est souvenu qu’il
avait écrit avec Andreï Tarkovski le scéna-
rio d’Andreï Roublev, le peintre d’icônes
dans la Russie de Vassili Ier. Et il se pose les
mêmes questions des rapports entre l’ar-
tiste et le pouvoir. « Est-il nécessaire
d’être libre pour créer des chefs-
d’œuvre ? », demande son Michel-Ange.
Pour une vérité historique la plus pro-
che, les tournages ont eu lieu à Arezzo et
Montepulciano, dans une Toscane encore
authentique. Les carrières ne sont pas cel-
les de Carrare mais d’autres moins chan-
gées par le temps. Les figurants, eux, sont
de purs Toscans. Ultime prouesse : la re-
constitution de la chapelle Sixtine en
chantier. Elle est à l’image de cette restitu-
tion au plus près d’un contexte pour le
moins instable mais d’où - paradoxale-
ment - sont sorties quelques-unes des plus
belles expressions du génie humain. ■
É. B.-R.
« Michel-Ange »
Biopic d’Andreï Konchalovsky
Avec Alberto Testone, Jakob Diehl,
Francesco Gaudiello
Durée 2 h 16
■ L’avis du Figaro : ○○○◐
Malheur à moi !
Malheur !
Dans tout
mon passé
je ne retrouve
Pas un jour qui
ait été à moi !»
EXTRAIT D’UN SONNET
DE MICHEL-ANGE
11
mètres de haut
sur une base de 11 x 7 m.
Tel était le projet d’origine
pour le tombeau de Jules II.
« LE FIGARO
HORS-SÉRIE »
On y trouvera d’abord le récit
magnifiquement illustré des neuf
journées les plus décisives
du prodige florentin. Puis place à
l’analyse du temps et de l’œuvre.
Ces créations à la fois titanesques
et aériennes, nées entre guerres
de clans et luttes d’influence.
À la lecture, on comprend pourquoi
Michel-Ange, dessinateur,
sculpteur, peintre, architecte
et poète, a été choisi
par cinq papes successifs pour
transfigurer Rome, de la chapelle
Sixtine à la basilique Saint-Pierre.
« Michel-Ange, le corps
et l’âme », 12,90 €, précommande
sur boutique.lefigaro.fr
CULTURE
NAPOLÉON III, CE FOU DE GAULOIS
AU MUSÉE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, UNE EXPOSITION RELATE L’ÉPOPÉE ARCHÉOLOGIQUE
MENÉE PAR L’EMPEREUR EN FRANCE, SUR LE SITE D’ALÉSIA, MAIS AUSSI EN ITALIE.
ADIREN GOETZ £@adriengoetz
Q
ui se souvenait qu’il s’agit
d’une statue de Bartholdi,
le sculpteur de la statue de
la Liberté et du Lion de Bel-
fort ? Restauré, dans la
chapelle du château de
Saint-Germain-en-Laye, ce légionnai-
re romain, « de grandeur naturelle, se
disposant à lancer le pilum », fièrement
signé, pouvait passer pour un simple
mannequin de plâtre poussiéreux desti-
né à animer les salles de ce musée
créé sous le Second Empire et dé-
dié aux Antiquités nationales. Non
seulement cette œuvre forte et vi-
brante est un exemple du goût du
XIXe siècle pour la polychromie,
mais elle est vêtue d’un équipement
de cuir et de métal fabriqué tout ex-
près par Leblanc, le fournisseur de
Napoléon III et par un tailleur parisien
nommé Hocher. Elle dit tout d’une
aventure historique sans précédent.
« L’Empereur est venu en personne
inaugurer la statue de Vercingétorix par
Aimé Millet sur le site d’Alise-Sainte-
Reine en 1865, mais on ignore souvent
que, fasciné par Jules César auquel il
avait consacré un livre, Napoléon III était
devenu, en son nom propre, propriétaire
d’une partie de la colline du Palatin à
Rome, où il a lancé des fouilles », expli-
que Hilaire Multon, le directeur du Mu-
sée d’archéologie nationale. Figurent
ainsi dans l’exposition qui raconte cette
page méconnue de l’invention de la
science historique des marbres antiques
prêtés par le Louvre, dons personnels
du souverain.
En 1862, le commandant Stoffel,
chargé d’explorer le site d’Alise-Sain-
te-Reine, met au jour une coupe d’ar-
gent doré ornée de lauriers. Il ne casse
pas la motte de terre, la place dans une
caisse, la fait expédier à Biarritz afin que
son maître puisse la dégager de ses
mains - elle resta quatre ans dans le bu-
reau impérial, aux Tuileries, sous le
nom de « canthare d’Alésia », relique
LES ORCHESTRES PARISIENS EN FORME
TOUS ONT RÉUSSI LEUR RENTRÉE. LA PREUVE AVEC LA « SYMPHONIE N° 2 » DE BRAHMS.
CHRISTIAN MERLIN
I
l en manquait deux à notre état des
lieux des orchestres parisiens, du
moins pendant la brève lucarne où
l’on aura eu l’illusion d’une vie
musicale « normale »… Après avoir
ajouté à notre album l’Orchestre de
chambre de Paris (OCP) et l’Orchestre
national d’Île-de-France (Ondif), il n’y
a rien à changer au diagnostic posé à la
suite des premiers concerts de rentrée
(lire nos éditions du 29 septembre) : sur le
strict plan musical, le seul qui dépende
entièrement d’elles, nos formations
vont bien !
Pour sa première ouverture de saison
comme directeur musical de l’OCP, au
Théâtre des Champs-Élysées, le pianiste
Lars Vogt, que l’on découvrait comme
chef, a d’emblée séduit par sa vision mu-
sicale, autant que par sa capacité à l’ex-
primer. Sa gestuelle un peu gauche trahit
l’instrumentiste depuis peu passé à la ba-
guette, mais là n’est pas l’important.
Avec un orchestre de chambre, point
n’est besoin d’un maestro ex cathedra,
mais d’un musicien qui provoque le dia-
logue et l’écoute mutuelle, laissant l’or-
chestre s’exprimer tout en imprimant sa
propre interprétation. Mission accom-
plie, dès la stimulante émulation avec le
violoniste Christian Tetzlaff, déchaîné,
plus éruptif et jaillissant que jamais dans
le Concerto de Dvorak. Mais aussi dans le
seul échange avec l’orchestre.
Le moins que l’on puisse dire est que l’on
a des références dans l’oreille s’agissant de
la Symphonie n° 2 de Brahms. On les oublie
pourtant, tant le discours musical coule de
source, avec une logique très pensée, sans
temps mort. Quelques pailles dans la réali-
sation sont peu de chose en regard de cette
musicalité heureuse, très fidèle à l’esprit
brahmsien tout en jouant le jeu cham-
briste, sans chercher à singer le grand or-
chestre. On tire profit de l’effectif léger, ja-
mais écrasé par les cuivres à petite perce et
les timbales en peau, et le rajeunissement
constant de l’effectif porte désormais tous
L'ÉVÉNEMENT
de prix qu’on imaginait bien sûr prove-
nir de la tente de César. Cet objet mys-
térieux et de grand luxe, peut-être fa-
briqué en Italie du Sud, ne ressemble
guère aux pièces trouvées dans la plaine
ses fruits, avec une belle interaction entre
les premiers pupitres des cordes et des so-
listes de premier ordre dans les vents
(le hautbois d’Ilyès Boufadden, le cor de
Nicolas Ramez, impériaux). L’Orchestre
de chambre de Paris avait déjà bien établi
sa spécificité par son engagement citoyen.
Mais en dernier ressort, c’est la qualité
musicale qui fait foi, et ce que l’on a
entendu est pour le moins alléchant.
Légendaire cor solo
Hasard du calendrier, c’est la même
Symphonie n° 2 de Brahms que l’Orches-
tre national d’Île-de-France avait mise
au programme de son retour à la Philhar-
monie de Paris. Cette fois, on jouait
résolument la carte du grand orchestre
symphonique, tant par l’effectif que
l’acoustique généreuse de la salle.
Et cette fois, c’est une confirmation :
un an après un programme Wagner très
bienfaisant, le couple que forme l’Ondif
avec son directeur musical Case Scaglio-
ne est extrêmement fructueux. Le jeune
Case Scaglione dirige l’Orchestre national d’Île-de-France à la Philharmonie de Paris.
LE FIGARO mardi 20 octobre 2020
31
des Laumes, et peut laisser songeur…
Une archéologie moderne naît alors, au
service de la construction de l’idée na-
tionale : à Asnières, des charpentiers de
marine bâtissent une trirème, dont une
photographie permet d’imaginer la
précision.
Superproduction antique
Sur le plateau de Gergovie, des ingé-
nieurs multiplient les clichés, les sites
sont cartographiés. Des artistes copient
les fresques découvertes à Rome dans la
maison de Livie. Les armes trouvées à
Alise-Sainte-Reine sont moulées pour
être étudiées. Grâce à des maquettes,
on teste des machines de guerre, balis-
tes, onagres et catapultes, on expéri-
mente des fortifications de bois.
À Rome, le moulage en plâtre du dé-
roulé de la colonne Trajane, opération
complexe effectuée aux frais de Napo-
léon III, donne lieu à des photographies,
dont on a fait un film pour l’exposition :
pendant une demi-heure, les visiteurs
peuvent suivre ce péplum de plus de
2 500 personnages, avec des ponts de
bateaux, des cavaliers, des enseignes,
des buccinateurs dont on croit enten-
dre sonner l’appel clair, le Danube,
l’apparition de Jupiter… En ce mo-
ment, on découvre à Saint-Germain
mieux qu’à Rome cette superproduc-
tion antique, récit d’une campagne
contre les Daces, épopée doublement
impériale. ■
« D’Alésia à Rome. L’aventure
archéologique de Napoléon III (1861-1870) »,
au Musée d’archéologie nationale
de Saint-Germain-en-Laye (78),
jusqu’au 3 janvier 2021.
Catalogue sous la direction
de Daniel Roger, RMN, 192 p., 30 €.
Reconstitution
d’un légionnaire romain
par Auguste Bartholdi,
vers 1868.
V. GÔ - MAN/MUSÉE
D’ARCHÉOLOGIE NATIONALE,
DOMAINE NATIONAL DE
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
maestro américain a réalisé un très beau
travail sur les cordes, obtenant un legato
et une fluidité qui sont bien le reflet de
son geste souple et aisé, générateur de
clarté, d’équilibre, mais aussi d’allant et
de naturel. Vision lumineuse, et qui sera
tout à fait aboutie lorsque les cuivres
auront réalisé le même travail que les
cordes, car ils étaient cette fois systéma-
tiquement trop forts et pas toujours ho-
mogènes, leurs interventions apparais-
sant plus plaquées qu’intégrées. Il est vrai
que la barre avait été placée bien haut en
première partie, avec en soliste l’in-
croyable Stefan Dohr, légendaire cor solo
du Philharmonique de Berlin venu emplir
l’espace de sa sonorité pleine et ronde,
capable aussi bien de faire chanter le
Concerto n° 3 de Mozart, que d’explorer
de nouvelles galaxies sonores dans L’Ap-
pel interstellaire de Messiaen. Notre appel
à nous s’adresse aux orchestres : de grâ-
ce, jouez le matin, l’après-midi s’il le
faut, mais ne nous laissez pas tomber, on
a besoin de vous ! ■
CHRISTOPHE URBAIN/ONDIF
A
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
32 STYLE
À LA RENCONTRE
D’UNE JEUNE
CRÉATION
RÉSILIENTE
DIMANCHE, À HYÈRES, LES LAURÉATS
DU 35E FESTIVAL DE MODE BRILLAIENT
PAR LEUR BON SENS, LEUR DÉTERMINATION
ET LEUR CRÉATIVITÉ. UNE GÉNÉRATION
D’ANTISTARS PRÊTES À EN DÉCOUDRE, ENSEMBLE.
ÉMILIE FAURE efaure@lefigaro.fr
ENVOYÉE SPÉCIALE À HYÈRES (VAR)
I
ls sont sortis diplômés des plus
grandes écoles de mode dans le
monde, ces dernières années, et
sont arrivés en finale du Festival
international de mode, de photo-
graphie et d’accessoires de mode à
Hyères. Initialement programmée en
avril, la manifestation s’est finalement
tenue du 15 au 19 octobre à la Villa
Noailles. L’occasion de rencontrer cette
jeunesse que l’on dit sacrifiée par la cri-
se actuelle. Pourtant, les quelque
vingt talents présents à Hyères éton-
nent et rassurent par leur résilience et
leur détermination, par leur approche
de la création plus collaborative, sans
ego. Comment ces jeunes, destinés à
intégrer les studios des grands noms du
luxe ou à se lancer à leur compte, envi-
sagent-ils l’avenir ? Plutôt sereine-
ment. « Ils ne sont pas inquiets, pas plus
que nous à leur âge et moins que nous
“ Ces jeunes
comprennent les enjeux
environnementaux,
l’importance
des savoir-faire,
de l’artisanat, la force
d’une communauté
”
JONATHAN ANDERSON, PRÉSIDENT DU JURY
aujourd’hui ! confirme Hubert Barrère,
directeur artistique de la maison Lesage
et président du jury accessoires. Leurs
préoccupations sont pragmatiques :
comment parvenir à produire dans les
délais malgré le contexte ; comment plai-
re au jury, être juste dans leur propos. »
Autre surprise de cette 35e édition: la
moitié des lauréats sont français. Coco-
rico ! À savoir, dans la catégorie acces-
soires, les Basques Ddiddue et Juana
Etcheberry (Grand Prix du jury, voir
notre photo page 29, et Prix Hermès),
les Parisiens et Guadeloupéen Antonin
Mongin, Florian Dach et Dimitri Zephir
(Prix spécial du jury). Et dans la caté-
gorie mode, la Marseillaise Emma Brus-
chi (Prix 19M des métiers d’art de Cha-
nel) et un autre Guadeloupéen Marvin
M’Toumo (Prix Chloé). Quant au grand
prix, il est attribué au Belge Tom Van
Der Borght. « Historiquement, la parti-
cipation des Français a toujours été forte
même s’ils n’ont pas toujours retenu l’at-
tention du jury, explique Jean-Pierre
Blanc, fondateur du festival. Il existe
une bonne dynamique de la mode et des
écoles de mode dans notre pays. La jeune
création bénéficie de nombreuses aides et
de la visibilité des trois grands prix dans
l’Hexagone que sont Hyères, l’Andam et
le LVMH Prize. Tant mieux ! »
Se perçoivent-ils comme une géné-
ration sacrifiée ? « Je suis d’un tempéra-
ment optimiste, confie Emma Bruschi.
Cette crise m’a confortée dans mes pen-
A
sées, il nous faut apporter de nouvelles
idées dans la mode, retourner à la natu-
re, à l’essentiel. Ce que nous faisons a du
sens. » Comme ses pairs, la jeune fem-
me de 24 ans ne hisse pas ses valeurs
(authenticité, écoresponsabilité, diver-
sité, inclusivité) en étendard. Elles sont
une composante naturelle de son tra-
vail. « C’est une année compliquée, mais
pas gâchée, ajoute le Belge Timour Des-
demoustier. Ce festival était un but, un
rêve pour nous. Nous sommes là, nous
l’avons fait, nous avons construit une fa-
mille. » De quoi mieux affronter la réa-
lité d’un marché du travail sclérosé.
« Ils font face à cette situation avec hu-
milité, sans arrogance, témoigne Serge
Carreira, responsable des marques
émergentes à la Fédération de la haute
couture et de la mode. Ils ont avant tout
envie d’apporter leur contribution à ce
qui est en train de se mettre en place. »
L’upcycling, ou « recyclage valori-
sant », est de toutes les collections. La
Française Céline Shen taille un trous-
seau de jeune mariée dans des tissus is-
sus de stocks dormants, noir et blanc, à
la coupe impeccable. Juana Etcheberry
et son frère Ddiddue confectionnent
des casquettes dans des toiles de para-
chute et des chambres à air de tracteur
destinés à l’enfouissement. Les vestes
en mousse fluo de Tom Van Der Borght
sont cousues de fils de scoubidou et de
scellés en plastique, de peaux de pois-
sons récupérés chez les fabricants de
sushi. Vive la débrouille, le bricolage.
Et les résultats sont bluffants.
Leur approche est celle de la couture
avec des petites séries, produites loca-
lement, et leur modèle économique est
LE BIJOU À L’ÉCOUTE DES MALENTENDANTS
CATHERINE DEYDIER
Déjà remarquées au Festival d’Hyères
en 2018, les deux Françaises Flora Fixy
et Julia Dessirier ont décroché, ce 2 oc-
tobre, le Grand Prix du design inclusif
lors de la première édition du concours
d’Eyes On Talents et d’APF France Han-
dicap (dans le cadre de Paris Good
Fashion). La raison de leur succès ? Le
projet Hearring, des bijoux d’aides audi-
tives. Les lauréates ont été sensibilisées à
la question du handicap par une de leurs
amies, Kate Fichard, jeune photographe
malentendante. « C’est elle qui nous a
donné l’impulsion de passer à l’acte et de
considérer l’appareil auditif d’un autre
point de vue », explique le duo derrière le
studio de création FandD depuis 2016.
En l’occurrence de le voir comme un bi-
jou d’oreille et un accessoire de mode
qui s’affiche, et non plus comme une
prothèse que l’on cherche à cacher. À
l’instar des lunettes qui ont gagné leur
statut d’objet lié à la tendance.
surtout de ne pas devenir trop gros,
trop vite. Tous célèbrent le travail de la
main, l’artisanat. Ils sont dans le
« faire ». Les collaborations avec les
métiers d’art de Chanel et les ateliers
Hermès ont marqué les esprits. « Ils sont
très matures et apportent des réponses
justes et modestes, admet Olivier Gabet,
directeur du Mad à Paris et membre du
jury mode, descendu à la Villa Noailles.
Ils ne sont pas dans l’idéalisme, ni dans le
politiquement correct, plutôt dans le col-
laboratif. Ils ont intégré que nous traver-
sons une crise et qu’ils risquent d’en
payer les pots cassés. Mais si tout le
monde décide que c’est la sinistrose, ça
peut le rester longtemps. En ce sens,
maintenir ce festival était vital. »
Jonathan Anderson, directeur artis-
tique de Loewe et président du jury
mode, n’a pu faire le déplacement dans
le Var mais, comme la majorité de
son jury, a rencontré les finalistes via
Zoom. « Il n’a jamais été aussi impor-
tant de soutenir la jeune création, assure
l’Irlandais. Cette nouvelle génération
est le futur de notre industrie. Elle com-
prend les enjeux environnementaux,
l’importance des savoir-faire, de l’arti-
Julia Dessirier et Flora Fixy (à droite) ont reçu le grand prix du design inclusif pour
leurs bijoux d’aide auditive. EDWARD LANE, ALIX MARNAT/STUDIO FANDD
Toutes deux formées au design, l’une
à l’Ecal, l’autre à Olivier de Serres, Flo-
ra Fixy et Julia Dessirier se sont éloi-
gnées de leur terrain de jeu habituel
(produits, accessoires, scénographie…)
pour découvrir depuis deux ans, celui
de la mode, « plus inattendu ». Ces der-
niers mois, elles ont développé Hear-
ring Extended, une nouvelle ligne qui
ne s’adresse plus seulement aux per-
sonnes appareillées mais à tout le mon-
de. « Être vraiment inclusif signifie que
sanat, la force d’une communauté. »
Quelles étaient les qualités requises
pour convaincre le designer ? « Je dois
y croire. J’ai été à leur place, j’ai raté des
tonnes de concours, un désastre. Je n’ai
pas été admis dans l’université de mon
choix. Mais les échecs et les succès vont
de pair. Il ne faut pas avoir peur de tom-
ber, ne jamais oublier sa passion, ni né-
gliger sa créativité. Et ne pas être obsé-
dé par l’impératif de vendre au plus
grand nombre. »
Un peu déçus de ne pouvoir rencon-
trer « en vrai » Jonathan Anderson, les
finalistes se consolent : Hyères reste un
tremplin. Sur les pelouses de la Villa
Noailles, cette édition ne donnera pas
lieu aux traditionnelles fêtes jusqu’au
bout de la nuit, la foule, moins dense, se
promène masquée, mais l’envie de vi-
vre l’instant avec ces talents en herbe à
l’épreuve du feu est palpable. « Jamais
je n’aurais fait un festival au rabais,
continue Jean-Pierre Blanc. La promo-
tion 2020 n’est en rien une promotion sa-
crifiée et nous avons tenu bon. Et, hon-
nêtement, il a toujours été compliqué de
monter ce festival, hors de Paris, avec ou
sans Covid. » ■
vous ne faites plus de distinction entre les
personnes handicapées et celles qui ne le
sont pas », assurent-elles d’une même
voix. Si elles ne revendiquent pas l’ori-
ginalité de l’idée, ni d’être les premiè-
res à avoir mis au point des solutions
plus séduisantes, leur expertise en des-
sin et en design prend ici tout son sens.
« Nous avons réfléchi à des formes origi-
nales et inédites, des courbes qui s’ac-
crochent sur l’oreille. Puis, le Festival
Hyères a exposé l’objet dans le monde de
Ci-contre : exposition
des créations
de Jonathan Anderson
à la Villa Noailles.
Ci-dessous : création
d’Emma Bruschi, prix 19M
des Métiers d’art de Chanel.
En bas : silhouette de Tom
Van Der Borght, Grand Prix
du jury. LUC BERTRAND, CÉCILE
BORTOLETTI/HYÈRES 2020
la mode et nous a embarquées dans une
autre aventure. L’outil fondamental est
la 3D, qui nous permet de décliner la
technologie, l’ergonomie et l’esthétique,
afin d’assumer ce que l’on a tendance à
camoufler tout en ne gênant pas le fonc-
tionnement de l’appareil. Cet aspect di-
gital de notre travail revu et corrigé par
une logique plus artistique reste un chal-
lenge de designer. Nous nous sommes
aperçues que ce projet était porteur d’un
message social et politique. »
Commercialisées
l’an prochain
En utilisant des matériaux précieux, elles
rendent non seulement la prothèse dési-
rable mais déclinent, avec Extended, le
même principe d’attache, en s’accro-
chant à une technologie audio et prenant
en compte un quotidien où l’on vit écou-
teurs à l’oreille. « De nos jours, le son
prend toute sa place dans notre vie. » Ce
n’est d’ailleurs pas un hasard si leur tra-
vail intéresse déjà des industriels. « L’an
dernier, nous nous sommes entretenues
avec une entreprise fabriquant des équi-
pements auditifs. Un des ingénieurs nous
a dit que nous porterions tous bientôt ces
accessoires, non pas à cause d’un handi-
cap mais parce qu’ils deviennent partie
intégrante de nos modes de vie connec-
tés. » Si la collection originale attend un
développeur (le prix reste à travailler),
les sept pièces Hearring Extended seront
commercialisées l’an prochain. ■
 2020 / Crise sanitaire :
LE GRAND DÉFI
DU MONDE
DE LA SANTÉ
MARDI 20 OCTOBRE JEUDI 22 OCTOBRE
CONFINEMENT NOUVELLES TECHNOLOGIES
Karine Lacombe Charles-Edouard Bouée
Chercheuse et infectiologue associé co-gérant d’Alpha Intelligence Capital (AIC), basé à Shanghai
Cynthia Fleury Laurence Devillers
Philosophe et psychanalyste Professeur en Intelligence artificielle au LIMSI-CNRS

MERCREDI 21 OCTOBRE VENDREDI 23 OCTOBRE

RECHERCHE POLITIQUES DE SANTÉ
Stéphane Bancel Philippe Juvin
CEO de Moderna Therapeutics Chef de service des urgences de l’hôpital Georges Pompidou
Nicolas Bouzou Olivier Véran
Économiste et essayiste français Ministre de la Santé

RENDEZ-VOUS SUR LE SITE DU FIGARO

DU 20 AU 23 OCTOBRE
DE 10H30 À 12H

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 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
34 AUTOMOBILE
Droitde
l’usager
La prescription
des PV routiers
en question
■ Par Me Rémy Josseaume,
avocat à la Cour
Dans une décision du
1er septembre dernier, la Cour
de cassation durcit davantage les
conditions d’obtention du droit à
l’oubli pour l’automobiliste.
1. La prescription est un principe
de droit désignant la durée
au-delà de laquelle une infraction
ne peut plus être jugée (on parle
de prescription de l’action publique)
et la durée au-delà de laquelle une
peine prononcée par un juge ne
peut plus être exécutée par le
condamné (prescription des
peines).
2. L’action publique des
contraventions se prescrit
par une année révolue à compter
du jour où l’infraction a été
commise. Cette prescription n’est
acquise que si, dans l’intervalle de
cette année, il n’a été fait aucun
acte d’instruction ou de poursuite
de nature à interrompre ou à
suspendre cette prescription.
3. Plusieurs actes
de procédure, dont
le contrevenant n’a pas
nécessairement connaissance,
peuvent ainsi suspendre ce délai
(ex : acte d’enquête, audition,
transmission de dossier
entre services de police…).
4. La Cour de cassation vient
d’ajouter à cette longue liste,
la simple consultation par les
services du parquet de l’État de
votre papier rose au fichier
national des permis de conduire.
Cette consultation constitue, dans
tous les cas, un acte d’instruction
ou de poursuite, interruptif de
prescription de l’action publique et
ce même, précise la Cour, lorsque
la consultation vise une infraction
ne donnant pas lieu à retrait
de points du permis de conduire.
5. Il reste bon de savoir
néanmoins que si vous
contestez l’amende, votre lettre
n’a pas d’effet sur la prescription
et que le juge saisi de votre
dossier doit constater d’office
la prescription de sorte
que si elle vous a échappé,
le juge a l’obligation légale
de venir à votre rescousse.
LA TRILOGIE DES BATMOBILES DE BERTONE AUX ENCHÈRES
LE 28 OCTOBRE À NEW YORK, LA MAISON RM SOTHEBY’S VEND, EN UN SEUL LOT, LES TROIS EXTRAVAGANTES ALFA ROMEO BAT INSPIRÉES DE L’AÉRONAUTIQUE.
U
n miracle ! Les trois Alfa
Romeo BAT, pour Berlina
Aerodinamica Tecnica,
sont sur le marché. Elles
sont les vedettes d’une
vente organisée par la maison RM So-
theby’s mercredi prochain à New York.
Les BAT, qui comptent parmi les créa-
tions les plus extravagantes de la car-
rosserie automobile du XXe siècle, sont
estimées entre 14 et 20 millions de dol-
lars. Ces trois machines portent la si-
gnature d’un seul homme : Franco Sca-
glione. Petit et discret, ce Florentin
n’était pas destiné à travailler dans
l’automobile. Encore moins chez un
carrossier. Diplômé d’une école d’ingé-
nieur, il avait commencé sa carrière
dans l’aéronautique mais il faut croire
que la voiture le fascinait puisque, après
avoir proposé ses services à Pininfarina,
il entrait chez Bertone. Nuccio Bertone
n’allait pas le regretter : Scaglione avait
des idées et du talent. Au début des an-
nées 1950, pendant que les carrossiers
français disparaissent un à un, la car-
A
rosserie italienne s’affirme. Portée par
Pininfarina, Bertone, Touring, Zagato,
La première Dacia
électrique est
une sorte de couteau
suisse, capable
de se plier à une multitude
d’usages, à la ville comme
à la campagne. DACIA
SYLVAIN REISSER sreisser@lefigaro.fr
C’
est le dernier territoire
où l’on pensait Dacia en
mesure de relever le
défi. Dès l’an prochain,
la marque low-cost de
Renault va pourtant, une nouvelle fois,
faire bouger les lignes en commerciali-
sant son premier véhicule électrique
autour de 10 000 euros, bonus écologi-
que déduit. Une sacrée performance au
moment où cette technologie apparaît
hors de prix pour la plupart des consom-
mateurs. La Renault Twingo Electric
débute à 21 350 € ; la Zoé à 23 900 €. Si
Dacia réussit à casser les codes et à
démocratiser l’accès au véhicule zéro
émission, c’est parce qu’il s’appuie
autant sur l’expérience acquise depuis
quinze ans dans le développement et la
production de véhicules low-cost que
sur la City K-ZE, un petit crossover
électrique que Renault produit et vend
en Chine.
C’est ce modèle qui va débarquer chez
nous l’an prochain sous la signature Da-
cia Spring. Dépassant la Twingo de
13 cm en longueur (3,73 m) mais sur-
baissé de 5 cm par rapport à la reine des
villes (1,51 m), le véhicule évolue à
150 mm du sol. À la différence du modè-
le destiné à l’autopartage, la version ré-
servée aux particuliers se distingue par
de nombreux raffinements. Avec ses
passages de roue protégés de plastique
noir, ses protections latérales, ses barres
de toit et son sabot arrière, la Spring se
pare des attributs du parfait baroudeur.
Une panoplie qui en dit long sur les in-
tentions de cette berline ultracompacte.
Ghia et Vignale, elle connaîtra bientôt
son âge d’or.
Initiée par des Allemands et des
Français avant la guerre, l’aérodyna-
mique est au centre des préoccupations
des ingénieurs. En Italie, Orazio Satta
Puliga se montre le plus déterminé en la
SUR LE MODÈLE LOW-COST DE LA LOGAN,
LA DACIA SPRING AMBITIONNE DE RENDRE LE VÉHICULE
À BATTERIE ENFIN ACCESSIBLE AU PLUS GRAND NOMBRE.
La Dacia Spring possède de sérieux
atouts : instrumentation numérique,
écran multimédia tactile 7 pouces,
climatisation... La calandre pleine
accueille la trappe de recharge... DACIA
Les BAT, qui comptent parmi les
créations les plus extravagantes
de la carrosserie automobile
du XXe siècle, sont estimées
entre 14 et 20 millions de dollars.
2020 RM SOTHEBYS/DARIN SCHNABEL
UNE VOITURE
ZÉRO ÉMISSION
À 10 000 EUROS ?
La première Dacia électrique est une
sorte de couteau suisse, capable de se
plier à une multitude d’usages, à la ville
comme à la campagne, tout en faisant un
geste pour l’environnement.
Lancement au printemps
Rendre la mobilité électrique accessible
au plus grand nombre impose quelques
concessions. La polyvalence de la Spring
sera plus limitée que celle d’une Zoé.
Reposant sur la version électrifiée de la
plateforme CMF-A de l’Alliance Re-
nault-Nissan, la nouvelle Dacia ac-
cueille, sous le capot avant, une machine
électrique affichant une puissance de
seulement 33 kW (44 ch). Elle est ali-
mentée par une batterie lithium-ion de
26,8 kWh. Les performances seront for-
cément modestes. Dacia annonce une
vitesse maxi de 125 km/h mais l’autono-
mie sera supérieure à celle de la Twingo
Electric de 82 ch commercialisée à la fin
de l’année. Il faut dire que les ingénieurs
ont réussi à limiter le poids de la Spring à
955 kg malgré les 300 kg des accumula-
teurs. Le constructeur promet un rayon
d’action de 225 km, selon le cycle WLTP.
En ville, dans une circulation en ac-
cordéon, on pourra gagner 70 km
d’autonomie. Vu que la distance quoti-
dienne moyenne effectuée par les Euro-
péens ne dépasse pas 30 km, les auto-
mobilistes n’auront pas besoin de
recharger de la semaine. Un mode
matière. En 1952, il avait demandé à
Bertone de concevoir la fameuse Disco
Volante. L’année suivante, il comman-
dita le programme Berlina Aerodinami-
ca Tecnica qui avait pour mission de
tester et optimiser les qualités dynami-
ques des carrosseries fermées. Scaglio-
ne n’avait pas de formation artistique
mais il se mit à dessiner. Il inventa un
nouveau vocabulaire stylistique autour
de formes qui empruntaient leurs réfé-
rences à l’univers aéronautique et à la
démesure des créations américaines.
Créateur de génie
Présentée au salon de Turin 1953, BAT 5
répond à la dénomination de « dream
car » avec son allure de bête sauvage,
ses roues carénées, sa carrosserie fuse-
lée et cintrée, la lunette arrière panora-
mique en deux parties et les ailerons ar-
rière recourbés comme les ailes d’un
oiseau apeuré. Excessive à bien des
égards, la BAT 5 reposait sur la mécani-
que de l’Alfa Romeo 1 900 Sprint.
Pour la BAT 7 qui suivit en avril 1954,
la firme milanaise fournit toujours la
mécanique, mais Scaglione fit preuve
« éco » bridant la puissance à 23 kW et la
vitesse à 100 km/h repoussera le passage
à la borne d’une vingtaine de kilomè-
tres. Ensuite, il faudra attendre 14 heu-
res pour recharger la batterie à 100 %
sur une prise domestique avec le câble
fourni de série. À condition de posséder
le câble dédié (option), une charge sur
une wallbox de 7,4 kW demandera
moins de 5 heures ; moins d’une heure
pour recouvrer 80 % des accus sur une
borne rapide 30 kW.
En dépit d’un positionnement bon
marché, l’habitacle prévu pour 4 per-
sonnes ne se prive de rien : instrumen-
tation numérique, écran multimédia
tactile 7 pouces, climatisation, ouvertu-
re des portes à distance, connectivité
Apple Car Play et Android Auto, recon-
naissance vocale Google ou Apple, prise
USB, six airbags, allumage automatique
des feux, limiteur de vitesse. La version
destinée à l’autopartage sera moins bien
lotie. La sellerie en tissu lavable est
meilleur marché et la colonne de direc-
tion n’est pas réglable. Si, à l’arrière,
l’espace aux jambes est compté, le volu-
me de chargement n’a rien de ridicule
(300 litres). Il pourra même être étendu
à 800 litres en retirant la banquette ar-
rière sur la troisième version réservée
aux professionnels (Cargo).
Même si la prime allouée à un véhicule
électrique va progressivement dimi-
nuer, avec un tarif annoncé autour de
15 000 euros (hors bonus), Dacia se pré-
pare, une nouvelle fois, à causer une se-
cousse tellurique sur le marché euro-
péen. Le lancement de la Spring
réservée aux particuliers est prévu au
printemps prochain, les livraisons à
l’automne 2021. ■
d’une créativité encore plus débridée.
La BAT bleu turquoise se distingue par
un regard animal avec ses feux dans la
calandre et surtout par des lignes plus
amples. Scaglione est allé encore plus
loin dans le traitement des ailerons.
Leurs volutes arrière se recroque-
villent, au point de sembler toucher
l’épine dorsale qui traverse la lunette
arrière. Un an plus tard, Bertone pré-
senta la BAT 9. Franco Scaglione s’était
assagi. Les roues se découvraient et
l’avant arborait la calandre Alfa Romeo
traditionnelle. Quant aux ailerons, ils
avaient perdu leur exubérance.
Avec la trilogie des BAT, Bertone
n’avait pas seulement réussi à marquer
les esprits. Il s’était imposé comme un
styliste qui compte. Cela lui vaudra
d’attirer quelques grands designers et
de signer des chefs-d’œuvre. De son
côté, Scaglione quitta Bertone en 1959.
On lui doit le prototype de la première
Lamborghini et l’Alfa Romeo 33 Strada-
le. Ce créateur de génie mourut dans
l’indifférence en 1980. La vente des BAT
remet à l’honneur son talent. ■
S. R.
 LE FIGARO mardi 20 octobre 2020

AUTOMOBILE 35

VOLVO XC40 P8
RECHARGE,
L’ÉLECTRIQUE
COMME ON L’AIME
SYLVAIN REISSER sreisser@lefigaro.fr AVEC LA PUISSANCE

A
u rythme d’un nouveau
modèle par an, Volvo
comptera cinq véhicules
électriques en 2025. Avec
cette gamme zéro émis-
sion, le constructeur suédois ambition-
ne à cette date-là de réaliser 50 % de ses
volumes et réduire de 40 % l’empreinte
carbone du cycle de vie de ses voitures.
Développé à partir du SUV XC40, élu
voiture de l’année 2018, le premier mo-
dèle de cette nouvelle famille arrive à la
fin de l’année sur nos routes. La calan-
dre obturée peinte dans la teinte de la
carrosserie et de discrets badges sont
les seuls éléments permettant de distin-
guer la version Recharge P8 AWD des
modèles à moteur thermique. À l’inté-
rieur, les différences sont tout aussi mi-
nimes et seulement visibles lors de la
mise sous tension du système. La nou-
velle interface a été développée avec
Google. Son système d’exploitation
fonctionnant sous Android permet no-
tamment de profiter de la commande
vocale Google Assistant, de la cartogra-
phie Google Maps et de mises à jour à
distance. L’an prochain, de nouvelles
fonctionnalités assureront le déver-
rouillage et le démarrage du véhicule
via le smartphone mais aussi le trans-
fert de la clé numérique à un tiers, votre
conjoint ou vos enfants.
Au prix de quelques adaptations de la
batterie placée sous le plancher, les in-
génieurs ont réussi à préserver l’habita-
bilité du XC40. La perte de 47 litres de
capacité (413 litres) du coffre est en
grande partie compensée par l’aména-
gement d’un espace de 31 litres sous le
ET LES ACCÉLÉRATIONS
D’UNE VOITURE DE SPORT,
LE PREMIER SUV
ZÉRO ÉMISSION DE LA FIRME
SUÉDOISE DONNE UN APERÇU
DU MONDE DE DEMAIN.
capot avant. Ce dernier accueille aisé-
ment les deux câbles de recharge four-
nis, celui de 10 A pour se brancher à une
prise domestique et l’autre pour une
wallbox, hélas limitée à 16 A (3,7 kW) et
requérant près de 20 heures de charge.
Pour diviser par trois le temps de re-
charge de la batterie, il faudra débourser
355 euros pour accéder au câble option-
nel permettant d’exploiter la puissance
maximale du chargeur embarqué de
11 kW. À condition de trouver une borne
rapide, la batterie de la Volvo accepte
une puissance de charge de 150 kW de
manière à récupérer jusqu’à 80 % de son
énergie en 40 minutes. Pour encourager
le passage à l’électrique, le constructeur
suédois offre, à tout acheteur d’un
XC40 P8 Recharge avant le 31 décembre
2020, la borne de recharge, dans la limi-
te de 1 149 € pour une maison indivi-
duelle ou de 599 € pour une copropriété.
Niveau de sécurité élevé
C’est le propre d’un véhicule électrique,
le XC40 P8 s’anime sans un bruit. Fini les
vibrations d’un diesel et la bande-son
qui agresse les tympans. Le meilleur res-
te à venir. Ce SUV quitte son emplace-
ment avec une vigueur déconcertante,
semblable à celle d’une GT. Les accélé-
rations vous plaquent au siège. Les
100 km/h sont atteints en 4,9 secondes ;
les 130 km/h à peine trois secondes plus
tard. Sur le circuit de Mortefontaine,
théâtre de notre essai, une petite ligne
droite suffit à bloquer le compteur à
180 km/h, la vitesse de pointe de ce
SUV. Une performance pour ce SUV pe-
sant tout de même près de 2,2 tonnes
dont 500 kg imputables aux accus d’une
capacité de 78 kWh (75 kWh utiles). Il
faut dire que le XC40 P8 revendique une
puissance de 408 ch grâce à ses deux
machines électriques synchrones à
aimants permanents de 204 ch (150 kW),
une par essieu. La motricité gérée par la
transmission intégrale n’est jamais prise
en défaut grâce à une fine répartition du
couple (660 Nm). Le centre de gravité La Volvo XC40 P8.
abaissé et le châssis sport raffermi de la
finition R-Design contribuent égale-
Le premier modèle
de cette nouvelle famille
ment à l’équilibre du comportement. Vu arrivera à la fin de l’année
l’inertie de l’ensemble, on n’est pas fâ- sur nos routes. ACE TEAM
ché de disposer d’un freinage régénératif
très puissant et à trois positions. La plus
élevée autorise une conduite assez ré-
jouissante dite « une pédale ». Parfaite-
ment abouti et exempt d’à-coup, ce sys-
tème dispense dans de nombreuses
situations, notamment en ville, de solli- Sous le capot
citer la pédale de freins. Il contribue à la Moteurs
sécurité que Volvo a placée à un niveau 2 électriques synchrones
encore plus élevé que d’habitude. Le Type à aimants permanents
constructeur, qui ne veut plus aucun Puissance 408 ch
mort ni blessé grave dans ses voitures, a Couple 660 Nm
équipé le XC40 P8 du dispositif ADAS Transmission
couplé à une multitude de caméras, de Type Intégrale
radars et de capteurs et permettant no-
Boîte Auto. 1 rapport
tamment l’évitement automatique des
piétons ou cyclistes, en plus du freinage Dimensions/poids
L/l/h 4 425 x 1 863 x 1 652 mm
d’urgence.
Coffre 413 litres
Reste l’autre sujet épineux du véhicule
électrique: l’autonomie. Notre bref Poids 2 150 kg
contact ne nous a pas permis de la véri- Performances
fier mais Volvo annonce 418 km en cycle 0-100 km/h 4,9 secondes
mixte et jusqu’à 538 km en ville, selon la Vitesse 180 km/h
norme WLTP. Enfin, le XC40 P8 Rechar- Consommation /autonomie
ge fait payer cher ses prestations de qua- Mixte UE n. c.
lité. S’il est éligible au bonus écologique Autonomie 418 km
de 3 000 euros, à 59 940 €, il reste de loin Prix 59 940 €
le modèle le plus cher de cette gamme de
SUV. ■

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 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO
36 TÉLÉVISION
ZAPPING
TF1 RECADRE
IRIS MITTENAERE
JP PARIENTE/SIPA
L’ex-Miss France et Miss Univers,
qui se disait frustrée de ne pas se
voir confier de nouveaux projets
sur TF1, en plus de l’Euromillions
et de « Ninja Warrior »,
aurait mieux fait de se taire.
« Animer du divertissement,
c’est énormément de travail
et cela demande d’acquérir
de l’expérience », a expliqué
Rémi Faure, le directeur des
programmes de la Une, à nos
confrères de Puremédias. Avant
d’ajouter, prenant exemple sur
Nikos Aliagas, Yann Barthès,
Arthur ou Denis Brogniart :
« Tous ces animateurs, avant
d’arriver sur TF1, avaient déjà une
longue expérience d’animation
radio ou en tant que journalistes. »
« GAME OF THRONES »,
SÉRIE PRÉFÉRÉE
DES FRANÇAIS
Selon un sondage Ipsos-Sopra
Steria pour nos confrères de
Télécâble Sat Hebdo, Game of
Thrones est la série préférée
des Français depuis trente ans,
devant La casa de papel et… Un
gars, une fille, format court qui a
révélé Jean Dujardin et Alexandra
Lamy. Des séries comme Breaking
bad, Les Soprano ou The Wire
n’arrivent respectivement qu’en
26e, 40e et 44e positions sur 45.
RETOUR SURPRISE
DE « DEXTER »
Après huit saisons diffusées
entre 2006 et 2013, l’expert
en meurtres sanglants et médecine
légale pour la police de Miami
revient. La chaîne américaine
Showtime a commandé
dix nouveaux épisodes
au showrunner Clyde Phillips.
Michael C. Hall reprend son rôle
de tueur en série-justicier.
Ce ne sera pas une saison 9,
mais quelque chose de différent.
« Car le temps a fait son œuvre »,
a précisé Phillips, ajoutant,
pour les connaisseurs,
que le fantôme de Debra Morgan
pourrait réapparaître et que
l’action ne se déroulera pas
en Floride.
MOTS CROISÉS
PROBLÈME N° 5488
HORIZONTALEMENT
1. De telles thérapies font revivre les souffrances
profondes réprimées dès la petite enfance. - 2. Perdure
après la disparition de la cause. - 3. Fit boire. - 4. Sur le
Rhône ou à Jérusalem. Dose de fluor. - 5. Créais
des blancs. - 6. Niveau critique. Grand maître de la psy-
chiatrie française. - 7. Triangles formés aux embouchures.
- 8. Envoie aux cabinets. Tentative pour faire son trou.
- 9. Accueillent les cargos. Juron qui ne dit pas son nom.
- 10. Joue les prolongations… Rassemblement étoilé.
- 11. Femme réclamant son indépendance. - 12. Hommes
d’appareils.
VERTICALEMENT
1. Disputes où l’on se donne des noms d’oiseaux 8
(trois mots). - 2. Travail de restauration (trois mots). - 3.
Crédit à zéro. - 4. Faisait passer des amendements. 9
Guerres américaines, en un sens. - 5. Symbole du parti
démocrate outre-Atlantique. Présenté juste avant de 10
tourner. Roi de Juda. - 6. Laissa en partant. Du liquide
dans l’estomac. Mention sur un billet. - 7. Passe sous 11
l’eau. Mouvement économique de longue durée. - 8.
Vedettariats hollywoodiens.
SOLUTION DU PROBLÈME N° 5487
HORIZONTALEMENT 1. Frégates. - 2. Léporidé. - 3. Upériser. - 4. Volées. - 5. Ipé. Télé. - 6. Ou. Étron.
- 7. Glane. Ut. - 8. Race. OPA. - 9. Atténuai. - 10. Pie. Os. - 11. Houlette. - 12. Enrôlées.
VERTICALEMENT 1. Fluviographe. - 2. Repopulation. - 3. Épelé. Acteur. - 4. Gore. Énée. Lô. - 5. Ariette.
A
Noël. - 6. Tisser. Ouste. - 7. Ede. Loupa. Té. - 8. Serpentaires.
JIMMY CARTER
TOUT POUR LA MUSIQUE
UN DOCUMENTAIRE INÉDIT RACONTE LA PROXIMITÉ DE L’ANCIEN
PRÉSIDENT AMÉRICAIN AVEC DE NOMBREUX MUSICIENS, BOB
DYLAN EN TÊTE, QU’ILS VIENNENT DU JAZZ, DU FOLK OU DU ROCK.
OLIVIER NUC £ @oliviernuc
L’
histoire n’a pas été très
clémente avec la prési-
dence de Jimmy Carter,
élu à la tête de la pre-
mière puissance mon-
diale en 1976 pour un seul mandat.
Coincé entre les Républicains Richard
Nixon et Ronald Reagan, ce démocrate
issu du Sud profond a toujours été un
peu méprisé.
Ce documentaire américain inédit de
Mary Wharton, intitulé « Jimmy Carter,
le président rock’n’roll », évoque le lien
profond qui unit cet homme aujourd’hui
âgé de 96 ans à la musique. Le film com-
mence par une image de Carter en train
d’écouter Mr Tambourine Man de Bob
Dylan en vinyle. Le Prix Nobel de la paix
2002 et le Prix Nobel de littérature 2016
sont amis. L’ermite sort
d’ailleurs de son silence
22.45
pour évoquer en peu de
mots l’ancien homme
fort de Washington. ○○○○
« C’est avec lui que
j’ai su que mes chansons avaient atteint
l’establishment », explique le génie de la
musique. Né en Géorgie, très marqué
par le gospel entendu dans les églises
noires dès l’enfance, Carter a baigné
dans la musique toute sa vie durant.
Celle-ci l’a aidé, tant sur le plan person-
nel que professionnel. Si Mahalia Jack-
son fut sa première idole, il peut se tar-
guer d’être devenu proche de Willie
Nelson, Gregg Allman et Johnny Cash,
Cette enquête fouillée montre que
de nombreux utilisateurs de trottinettes
électriques ne prennent pas conscience
que leur usage est régi par le code
de la route. EUGÉNIE RAGOT/LE FIGARO
Mardi 20 octobre
Par Vincent Labbé
1 2 3 4 5 6
1 Plus 20 %
2 Entame : Dame de .
3 La présence du Roi de  à droite est une quasi-certitude, car Est n’aurait pas
4 V9876
5 O
6
7  puis laissez filer le 9 de .
12
dont l’épouse June Carter était une cou-
sine éloignée. À une époque où il n’était
pas bien vu de s’afficher avec des
rockers, l’ancien président a bénéficié
du soutien du Allman Brothers Band,
qui lui a permis de recueillir des fonds
pour financer sa campagne électorale.
John Lennon et Aretha
Franklin à son investiture
Alors qu’il n’était encore que gouver-
neur de la Géorgie, l’enfant du pays, qui
avait succédé à Lester Maddox, ouver-
tement ségrégationniste, à ce poste, af-
fichait ses préférences : Ray Charles,
auteur de l’hymne de l’État, James
Brown, rejeton turbulent et donc Bob
Dylan. Invité dans la résidence du gou-
verneur lors d’un de ses passages à At-
lanta, ce dernier le questionne sur sa foi.
Mais c’est véritablement dans la course
à la présidence que ses goûts musicaux
vont le distinguer.
Opposé à Jerry
Brown, soutenu par The
Eagles et Linda Ronstadt du magazine Rolling Stone, alors bible Jimmy Carter congratule Bob Dylan,
dans la course à l’inves- de la contre-culture. Pour son gala distingué personnalité
de l’année en 2015 par MusiCares,
titure démocrate, il n’en
fait qu’une bouchée grâce aux concerts
d’investiture, rien de moins que John
Lennon, Paul Simon et Aretha Franklin au Convention Center
de Los Angeles.
du Allman Brothers Band, Bonnie
Bramlett, Charlie Daniels, le Marshall
sont de la partie. Une fois installé dans le
Bureau ovale de la Maison-Blanche, son
FRAZER HARRISON/GETTY IMAGES VIA AFP
Tucker Band ou John Denver. Mais c’est
après une performance de Jimmy Buf-
staff, constitué de jeunes collabora-
teurs, organise de nombreux concerts,
fett dans l’Oregon qu’il devient le chou- pour le plus grand bonheur des mem-
chou du parti, devant 15 000 personnes. bres du Congrès. Crosby, Stills & Nash,
Outre les fonds récoltés, le soutien de la tout comme les stars de la country Em-
scène musicale lui confère une image mylou Harris ou Dolly Parton, seront les
plus jeune. Les reportages décapants de visiteurs, plus ou moins réguliers, de ce
Hunter S. Thompson le mènent à la une président qui connaissait la musique. ■
LES TROTTINETTES DE TOUS LES DANGERS
« 90’ ENQUÊTES » SE PENCHE SUR LES RISQUES DE CE NOUVEAU MOYEN DE TRANSPORT. GLAÇANT.
que dans le code de la route et de règles que leur vitesse est désormais limitée à
BLAISE DE CHABALIER £@dechab spécifiques les concernant. Le grand 25 km/h ? Les pilotes ont posé un boî-
F
mérite de ce reportage est de provoquer tier qui leur permet de verrouiller et de
aut-il interdire les trottinettes une prise conscience sur la nécessité de déverrouiller facilement le bridage de
électriques ? » Derrière ce ti- respecter les nouvelles règles établies leur véhicule. Rouler trop vite expose à
tre un brin provocateur du pour ce deux-roues. une amende de 1 500 euros. Mais la
documentaire proposé sur nouvelle réglementa-
TMC dans le cadre de Jusqu’à 85 km/h tion est soit contournée
« 90’enquêtes », apparaît une réalité La première séquence, sciemment soit mécon-
21.05
préoccupante. Bien loin des jouets de tournée cet été dans le nue. Même chose pour
nos enfances, ces engins sont devenus bois de Boulogne, cho- ○○○¡ l’obligation d’assurer
de véritables moyens de transport. Des que. Une horde de pas- son engin, pour l’inter-
machines souvent très puissantes qui sionnés de tous âges, réunis après un diction de rouler à deux sur la même
peuvent mettre la vie de leur pilote et rendez-vous pris sur internet, juchés trottinette ou encore pour celle de por-
d’autrui en danger. Au fil de cette en- sur leurs trottinettes, filent à vive allu- ter des écouteurs. Enfin, les exemples
quête fouillée, les trottinettes apparais- re, jusqu’à 85 km/h, dans la circulation. d’accidents effroyables - onze person-
sent victimes de leur succès. Victimes Comment cela est-il possible alors que nes tuées et plus de 160 blessés, parfois
aussi de l’absence, au moins dans un depuis un an les patinettes à moteur très gravement, l’an passé - font froid
premier temps, d’une existence juridi- sont intégrées au code de la route, et dans le dos. ■
Mardi 20 octobre
BRIDGE Par Philippe Cronier www.lebridgeur.com
LIGNE 2 : REMAKE, ESTIME, STOUTS, GRELOT, PERCER, RAYURE.
LIGNE 1 : QUARTZ, COTEAU, PRESTO, NEIGER, UTOPIE, BARROT.
7 8
PROBLÈME N° 3191 : SOLUTION DU PROBLÈME N° 3190 : Rendez César !
Contrat : Sud joue 3 Sans-Atout, après une ouverture de 1 en Est (E.-O. vuln.).
SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
RD
 D 10 4
AV3 ouvert vulnérable en premier avec seulement 10 points (sauf distribution
exceptionnelle).
N Votre plan est d’abandonner son Roi à l’ouvreur puis de tenter l’impasse
E au Valet de sur Ouest (hypothèse de nécessité), sans oublier d’encaisser
S vos  au passage.
AV8 Le bon timing est le suivant : As de , As-Roi de  et Dame de .
RONDE DES MOTS :
AV98 - Si Est s’en empare et rejoue , prenez du Roi, encaissez Dame et Valet de
R D 4 2 AR
 A 10 - Si Est la respecte, rejouez un petit des A52
deux mains. Les plus fins analystes  A D 10 7
d’entre vous noteront qu’on peut gagner D976
Contrat : Sud joue même si Est possède le Roi de  qua-  7 6 5 4 3 98
N
6 Sans-Atout. trième blanc, du moment que celui-ci  D 8 O E
 V 10 9 7 6
possède As-Roi de  (il sera squeezé à  V 5 3 S R62
 10 8 3 ARV
Entame : 10 de . trois couleurs).  D V 10 2
R43
984
542
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 LE FIGARO mardi 20 octobre 2020

TÉLÉVISION Tous les programmes

dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag MÉTÉO PAR 37
À LA DEMANDE ÉPHÉMÉRIDE Ste-Adeline
Soleil : Lever 08h20 - Coucher 18h50 - Premier croissant de Lune

21.05 21.05 21.05 MATIN

Good Doctor Le Hobbit : Capitaine Marleau 9
Série. Hospitalière La désolation de Smaug Série. Policière L’écume des jours 50
10
10 6 7
13 11
9 6
14
13 11 9
5
13
14 9 9
13
EU. 2019. Saison 3. Avec Freddie Film. Fantastique Fra. 2018. Saison 2. Avec Corinne Film. Michel Gondry adapte le
Highmore. Communication non EU/NZ. 2013. Réal. : Peter Jackson. Masiero. Les roseaux noirs. En roman éponyme de Boris Vian 50 12
verbale. Inédit. Malgré l’avis de ses enquêtant sur le meurtre d’un ancien à travers un film tendre, drôle, 12
3h06. Avec Martin Freeman. Avec des 11
proches, Shaun espère que Carly nains, un hobbit affronte mille dangers coureur automobile, Marleau dé- fantasque et douloureux. Il 12
ne se formalisera pas de son amitié et un dragon détenteur d’un trésor. couvre qu’en réalité, c’est la patronne raconte l’histoire d’amour entre 14 13
avec Lea. Les médecins prennent Il s’empare d’un anneau de pouvoir de l’écurie du défunt qui était visée. Colin et Chloé. Après un mariage 13 13
en charge un garçon, né avec une détenu par une étrange créature. idyllique, la jeune femme tombe 14
22.40 Capitaine Marleau. Série. 16 14
malformation. - Psy et autopsie. malade d’un nénuphar qui grandit
00.15 Stalk. Série. Dramatique. Policière. Brouillard en thalasso. 14 12
dans son poumon. Colin va devoir
22.50 New York Unité Spéciale. Série. 5 épisodes. Avec Corinne Masiero.
travailler dur pour payer les soins 11 20
pour soigner sa bien-aimée alors
qu’autour d’eux, tout se détériore. 12
Romain Duris et Audrey Tautou APRÈS-MIDI
se retrouvent à l’écran pour
21.08 20.50 21.05 interpréter ce couple mythique
40
15
Sorry We Missed You Black Panthers La France de la littérature aux côtés de
15
Film. Drame Documentaire a un incroyable talent Gad Elmaleh et d’Omar Sy.
Dans cette œuvre, le réalisateur 17 13 16
18 14
rend hommage à l’écrivain tout
16 17
en imposant son imaginaire 17
et parvient à capter la poésie 18 15 17
16
du roman. 17
18 15 16
18

GB/Fra/Blg. 2019. Réal. : Ken Loach. EU. 2020. Réal. : Stanley Nelson. Divertissement 17 17
1h41. Avec Kris Hitchen. A Newcastle, 2 épisodes. Inédit. L’histoire du Prés. : Karine Le Marchand. Avec la
Aujourd’hui, 50 16 21
un père de famille devient chauffeur- mouvement politique Black Panther participation d’Eric Antoine, Hélène mardi 20 octobre 19 17
livreur pour une plateforme de vente Party, créé en 1966 pour protéger la Ségara, Marianne James et Sugar sur lefigaro.fr 20 17
en ligne. Mais il déchante vite et voit communauté afro-américaine des Sammy. 2h. 17
son couple se disloquer. brutalités policières aux Etats-Unis. Episode 1 : les auditions. Inédit. 21 19
➜ 9 h 30 : « Le Buzz TV » 18 18
22.46 Nevada. Film. Drame. 22.40 Jimmy Carter : Le président 23.05 La France a un incroyable
Avec Matthias Schoenaerts. rock’n’roll. Documentaire. Inédit. talent, ça continue. Episode 1. Inédit. (avec TV Magazine) 21 30
– Invité : Dominique Besnehard,
producteur de la série 19
Dix pour cent sur France 2.
Interviewé par Nicolas Vollaire T (en °c)
et Damien Canivez <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
20.40 Touche pas à mon poste ! 19.50 Les Marseillais vs le reste 20.10 Quotidien. Divertissement.
➜ 12 h : « Le Talk »
Divertissement. En direct. du monde. Téléréalité.
21.15 90’ Enquêtes – Invitée : Jeannette Bougrab,
21.18 Instincts criminels 21.05 Lara Croft Tomb Raider : Magazine. Vols, nuisances, accidents : docteur en droit de l’université ALGER 17/28 AMSTERDAM 9/14 ATHÈNES 14/20
Magazine. Prés. : Carole Rousseau. le berceau de la vie faut-il interdire la trottinette. Inédit. Panthéon-Sorbonne,
ancienne ministre BARCELONE 16/20 BELGRADE 4/16 BERLIN 6/12
Affaire Nordahl Lelandais : combien Film. Action. EU/GB. 2003. Réal. : Jan En quelques mois, la trottinette élec-
d’autre victimes ? - Affaire Joël Le de Bont. 1h57. Avec Angelina Jolie. trique est devenue l’un des moyens et présidente de la Halde. BERNE 5/15 BRUXELLES 10/14 BUDAPEST 5/14
Scouarnec : un monstre en blouse Secondée par un ex-agent du MI6, de locomotion préféré des Français. Interviewée par Yves Thréard COPENHAGUE 9/11 DUBLIN 11/14 LISBONNE 17/18
blanche. - Affaire du petit Grégory : Lara Croft est chargée de récupérer - Trottinette électrique : engin LONDRES 13/18 MADRID 13/21 PRAGUE 3/13
les dernières révélations d’une un globe lumineux. ludique ou danger public ? - Courses- ➜ 17 h : « Points de vue » 17/32 8/20 15/25
RABAT ROME TUNIS
enquête hors-norme. - L’affaire Anaïs poursuites, excès de vitesse : les – L’émission de débat
23.10 Lara Croft : Tomb Raider. Film. du Figaro, animée par Vincent
Guillaume : la mort est dans le pré. nouveaux chauffards de Paris.
Roux. Avec Alexis Brézet, MERCREDI JEUDI VENDREDI
directeur des rédactions
du Figaro, et Jean-Louis 13/19 12/15
Bourlanges, député 14/17
20.20 Passage des arts. Magazine. 20.00 Alaska : La dernière frontière. 19.35 L’Italie passe à table. Doc. 14/18 13/20 12/16 14/18 10/15 13/15
➜ Chaque lundi, retrouvez
20.50 Maux de ventre, 21.05 Occaz Militaires 20.40 Les machines « Audition publique », émission 16/21 15/18
ça va mieux docteur ! Doc. 1h. Espions de la Seconde de guerre nazies politique de Public Sénat, 13/16
Documentaire. Fra. 2020. Réal. : Setti Guerre Mondiale. Collectionneur de Doc. GB. 2019. La Luftwaffe. Inédit. de LCP-Assemblée nationale 17/23 15/19 16/20 17/20 14/19 17/19
Dali. 1h30. Marion, Laetitia et Lukas souvenirs militaires de toutes les Au début de la Seconde Guerre et du Figaro, animée
souffrent comme des millions de époques, Bruce Crompton déniche mondiale, les nazis disposent de la par Francis Letellier
Français de troubles digestifs et vont et revend à d’autres amateurs toutes meilleure force aérienne du monde
suivre un programme sur mesure sortes d’équipements, de véhicules entier. - Les Panzers. lachainemeteo.com
pour soulager leurs maux. et d’armes. Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.15 La guerre de Crimée :
GRATUITE
22.30 C dans l’air. Magazine. 21.55 Occaz Militaires. 2 épisodes. la Première Guerre mondiale. Doc. 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°2725

TRÈS OPPOSÉ À BOMBE ES- DE DEUX CHÂTEAU A UNE COUPE À INJECTION IL AVANCE
APPLAUDIE LA FORCE PAGNOLE QUI A CONTI- DE LA TIENNENT À RELATIF AU EXISTENCE JEU DESSERT MÉDICALE DE
PERDU DU NENTS LOIRE LEURS TOUCHER DE CONS- L’ARGENT
AUTEUR CABES- LIQUIDE DUNES TRUCTION ÉMISSAIRE, RIVIÈRE
KLAXONS ITALIEN TANS BOÎTE TAXE DUE CANDIDE PARFOIS BASQUE BERNÉ
ARBRE AU
PIÈCES BOIS NOIR
DE CHINE
EN LARMES
CAUSTIQUE ANGOISSA CLAIR
OBLIGA- ET NET
TION DE PETIT EN PANNE
TRAVAIL OISEAU D’ÉNERGIE
BRIGADE CINÉASTE
EN DE MON NANTI
CORPS
PELOTON ONCLE FLUIDE
BÉDOUINS
JUNIOR ÉVADÉE

QUI FAIT COMME UN LUMIÈRE

BONNE ACCRÉDITÉ TEMPS DE D’ÉGLISE
ENTENTE JUILLET CASSÉS
IL FUT ÎLE DE
TERRIBLE FRANCE FROMAGE ELLE DORT
BLANC DANS LES
CHEF FILS DE SUISSE ÉTANGS
D’ÉTAT JACOB
ON Y CLUB DE À RENOU- APPELA PASSÉ APLANIR
TROUVE À FOOTBALL VELER S’IL SA BICHE SYMBOLE
LIRE ET EST DÉSERT À L’ORIGINE DU
PRIÈRE À ZIRCONIUM
À RIRE LA VIERGE CONFINÉ ÉPUISÉ DE SABLE DE BRUITS
DENSE DU SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
COUVERTE VENTRE
B P N D R I B I E P Z B Z
DE GRAINS CARTE S I R O T E R A C A R A R G O N A P I U S E
IMPARABLE
L E U R R A N T N A T I O N G A R A G I S T E
PRÉNOM FIN DE
FÉMININ FERAI LANCE UN IL EST BÊTE B A C L E E S O L O E S T A M I N E T
LE DÉPLA- ÉCLAT À MANGER VERBE DU
TELLE UNE PREMIER T R I P D E A M B U L E C A N T O R
BOUCHE CEMENT DE VOIX DU SON
ÉBAHIE GROUPE T E E N A G E R S L E R R E S I S O
R A I S O N T O I T S I C O L N
FRACTURE QUI NE EN PLACE
A

G A T E S A U C E S A K H E N A T O N
D’AUTRE- FONT PAS CHEZ LE L I R E E M U L A T I O N R E P I T
FOIS LE POIDS NOTAIRE
D E F E R E E R O U E S T V A E N A
 mardi 20 octobre 2020 LE FIGARO

38

Bio
Meurisse a toujours interro- Cinq ans plus tard, elle a
Olivier Delcroix gé les relations entre les toujours du mal à en parler.
£@Delcroixx
écrivains et les peintres. De L’année 2020 aurait pu
son album Le Pont des Arts à
son dernier ouvrage, De-
EXPRESS contribuer à une nécessaire
résilience. Cette « année si

E
lacroix (Dargaud), où elle il- 1980 étrange » sera pour l’artiste
lustre un texte d’Alexandre Naissance à Niort une sorte de grand huit émo-
lle arrive au rendez-vous Dumas sur Eugène De- (Deux-Sèvres). tionnel. Aussi excitant que
comme une tornade. Sous lacroix, en passant par Mes 2002 terrible. Le 15 janvier, elle est
le masque, son large souri- hommes de lettres, cette des- Diplômée de l’école élue sous la coupole du quai
re se voit comme le nez au sinatrice ne manque jamais Estienne, puis de l’École Conti. Elle est également la
milieu du visage. La séduc- d’afficher son amour pour nationale supérieure marraine de BD 2020, l’opé-
tion et l’énergie en ban- les écrivains et la peinture, des arts décoratifs. ration lancée par le ministère

JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/AFP
doulière, Catherine Meu- l’illustration, ou le dessin de 2005 de la Culture. Et puis patatras !
risse s’assoit sur la presse. Parfois même au Entre à Charlie Hebdo. Comme tout le monde, Ca-
banquette du bar de l’hôtel Bristol. « Je sors mépris des cadres et des ca- 2015 therine Meurisse doit se
d’une séance plénière à l’Académie, dit-elle ses. « Je n’ai jamais réussi à Après les attentats, confiner à cause de la pandé-
les yeux pétillants. Je n’ai faire entrer totalement mes abandonne le dessin mie. « On s’est pris le réel en
pas eu le temps de manger. dessins dans des cases, sou- de presse pour la BD. pleine figure, raconte-t-elle.

CATHERINE MEURISSE,
J’ai besoin de chocolat rit-elle. Chez moi, il faut que 2020 Cela a été pour moi une période
chaud ! » En quelques ins- ça déborde. Ce qui se dit Élue à l’Académie des très anxiogène, déprimante.
tants, la dessinatrice vient “bord cadre” - comme on dit beaux-arts. Exposition Pendant le confinement, je n’ai
de planter le décor. Avec au cinéma - est parfois plus au Centre Pompidou. pas pu dessiner. J’avais avant

DESSINATRICE
quelques traits cursifs, on intéressant même… » tout besoin de rassembler mes
se retrouve soudain plon- Née en 1980 à Niort, elle a fait des études mots pour mieux comprendre la situation.
gé dans l’univers vivifiant de lettres à Poitiers, avant de « monter » à Chez moi, le dessin ne se déclenche que lors-
de l’auteur de La Légèreté. Paris pour intégrer l’école Estienne. « Je que l’imaginaire se débride. Pendant le confi-

« BORD CADRE »
Comme si le monde de
l’art s’était mis au diapa-
son, après celle du Festival
d’Angoulême, le centre
Beaubourg lui consacre
actuellement une exposi-
tion à la BPI intitulée La Vie en dessin, dans
le cadre de l’année BD 2020. « Une marque
de reconnaissance, note-t-elle. Je l’avoue,
je me suis laissée faire. Ce fut très agréable.
C’est tellement difficile de regarder ses pro-
pres dessins. On sent monter tout le poids des
années. Les petites réussites mais aussi les
grandes douleurs comme “Charlie”… Moins
on se regarde, mieux on se porte. »
À tout juste 40 ans, cette rescapée de
l’attentat de Charlie Hebdo, siège désor-
REBOND RESCAPÉE DU MASSACRE DE « CHARLIE HEBDO »,
LA NOUVELLE ACADÉMICIENNE SE VOIT CONSACRER
UNE BELLE EXPOSITION PAR LE CENTRE POMPIDOU.
mais au siège du peintre Arnaud d’Haute-
rives à l’Académie des beaux-arts. C’est la
première fois que la bande dessinée entre
Quai Conti. « Le métissage, l’hybridation
entre le texte et l’image, c’est parfaitement
naturel en bande dessinée, explique-t-elle.
C’est la liberté. C’est ce que j’aime, et ce que
je défends à l’Académie. Ce que j’apprécie,
c’est que cette institution soit une vigie des
arts ! » Il faut dire que l’œuvre de Catherine
n’ai jamais rêvé de devenir dessinatrice,
précise-t-elle. C’est pourtant à l’occasion
d’une visite aux journées portes ouvertes de
l’école Estienne que j’ai eu un vrai choc.
J’avais 19 ans. Je me suis immédiatement re-
connue dans les travaux présentés par les
élèves de la section illustration. Je me suis
ainsi rendu compte qu’il était possible de fai-
re un métier avec le dessin. »
« Une année si étrange »
Après Estienne, la jeune femme enchaîne
avec l’École nationale supérieure des arts
décoratifs. En 2005, elle rejoint Charlie
Hebdo tout en dessinant pour des magazi-
nes et des quotidiens comme Les Échos. Elle
illustre des livres pour la jeunesse et signe
plusieurs bandes dessinées. Pour exorciser
le drame du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo,
elle signe un magnifique album La Légère-
té, chez Dargaud. Dans cette BD autobio-
graphique, elle raconte son enfance dans
les Deux-Sèvres, se raccroche à l’idée de
beauté, car comment se relever lorsqu’on a
perdu ses amis de toujours dans un massa-
cre. Catherine Meurisse le dessine. Ce jour-
là, elle arrive en retard à la conférence de
rédaction mais aperçoit les deux terroristes
s’enfuir dans la rue. Elle subit un choc trau- fle ! » Derrière son masque, Catherine Meu-
matique et en ressort sans mémoire, sans
passion. Le dessin sera la porte de sortie : la conclut-elle en riant, je ne pense pas rester
civilisation contre la destruction…
nement, la porte de l’imagination est restée
bloquée… J’ai eu la sensation qu’on était dans
une course effrénée aux réponses alors qu’on
n’avait que des questions à se poser. »
Mais Catherine Meurisse ne perd jamais
longtemps le sens de l’humour. Elle lance
soudain : « Le temps qui passait au ralenti
m’a rappelé Marcel Proust. Qu’en aurait-il
pensé ? Aurait-il publié À la recherche du
temps de confinement perdu ? » Rires. La
dessinatrice en a quand même profité pour
écrire le scénario de son prochain ouvrage,
une adaptation en BD d’un roman de Nat-
sume Soseki, Oreiller d’herbes, contant
l’histoire d’un peintre qui s’éloigne de la
ville pour retrouver l’inspiration. « Dans
l’album Les Grands Espaces, je traitais de la
campagne », s’enthousiasme-t-elle. Là,
Catherine Meurisse veut parler de nature.
« La nature, c’est beaucoup plus grand que
nous, explique-t-elle. C’est quelque chose
qui nous dépasse… Je voudrais parler de no-
tre cohabitation avec la nature. Je voudrais
parler de l’hubris, cette démesure, cette
outrance, cet orgueil de l’homme qui se croit
au centre de tout. Cette manie d’anthropo-
morphisme, ça m’exaspère. Pour tout dire, le
manque d’humilité de l’être humain me gon-
risse sourit à nouveau : « Évidemment,
dans un cadre, mais déborder des cases… » ■

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety

edemontety@lefigaro.fr

Se laver [se la-vé] v. pron.

Nettoyer le terrain.

U
ne enquête révèle que les Français se lavent moins les mains que pendant
le confinement de mars. Le mot vient du verbe latin lavare. Longtemps,
nos concitoyens ont eu l’image de gens qui rechignaient à l’hygiène
et préféraient la lavande à l’eau courante. Les contraintes du moment voudraient
désormais qu’ils se transforment en machines à se laver.
Se passer les mains au gel hydroalcoolique est devenu un impératif catégorique
avant de faire quoi que ce soit : lave-toi et marche.
Tout doit être soigneusement lavé désormais, des mains au linge ; au point qu’on peut
craindre que tout finisse, non pas lavé, mais délavé.
Reconnaissons-le, on aurait préféré que les laveurs et les non-laveurs restent
discrets sur leur pratique et lavent surtout leur linge en famille. Car il faut reconnaître
que la situation est complexe : ceux qui se lavent assidûment sont qualifiés de poires
à lavement par les esprits forts. Et de ceux qui ne respectent pas les consignes
d’hygiène, on dit qu’ils s’en lavent les mains. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Arnaud Robinet soutient les Ouïgours
Le maire de Reims a signé la charte de solidarité avec
FRANCOIS NASCIMBENI/AFP

les Ouïgours, préparée par le député européen Raphaël

Glucksmann et envoyée à tous les maires de France.
« Plus d’un million de Ouïgours sont internés dans des camps »
par le régime de Pékin, souligne Arnaud Robinet.
« Cette répression est condamnée de manière unanime
par la communauté internationale, mais il est temps d’agir.
C’est pourquoi j’ai décidé de signer, afin d’apporter
mon soutien à ce peuple injustement opprimé. »

La bibliothèque sonore Dans l’intimité

du Centre national du livre
Le Centre national du livre lance ses
premiers podcasts. Avec sa nouvelle chaîne
audio en ligne, le CNL propose des lectures
d’extraits courts de livres qu’il a soutenus.
Jean-Philippe Toussaint, Jean-Marie Blas
de Roblès, Olivia Elkaim et Sébastien
Spitzer se sont prêtés au jeu en lisant les
premières pages de leurs nouveaux romans.
Invitation à la découverte, chaque podcast
est une création originale qui valorise
la diversité éditoriale, les œuvres et les
auteurs, pour donner envie de lire. Le CNL
propose aussi en ligne les grands entretiens
qu’il organise. Pour accéder à cette
bibliothèque sonore : https://
centrenationaldulivre.fr/actualites/entrez-
A
de Daniel Balavoine
Biographe du chanteur, François
Alquier est le premier à donner
la parole à ceux qui l’ont cotoyé
de très près : famille, musiciens
de toutes les époques, amis,
ex-petites amies, artistes,
animateurs et journalistes qui
l’ont reçu régulièrement, ainsi
que des personnalités majeures
de l’industrie musicale à l’origine
de son succès... En résulte un
livre plein de récits et anecdotes
intimes, fruit d’une longue
enquête sur un personnage qui,
plus de trente ans après sa mort,
continue de fasciner. Sortie le

dans-la-bibliotheque-sonore-du-cnl 11 novembre chez Pygmalion.

MARDI 20 OCTOBRE 2020 - LE FIGARO N° 23 693 - CAHIER N° 4 - COMMISSION PARITAIRE N°0421 C 83022

DESIGN
ÉDITO
A u cœur des valeurs
humanistes,
L’humain (re)prend la main
les designers se positionnent
à l’écoute d’un monde
qui se réinvente avec émotion.
Architecte, créateur de mode,
designer, artiste… Chacun
raconte sa vision
du design, fruit d’un dessein,
d’une ambition, d’un talent,
d’un geste. Aujourd’hui,
virus oblige, les codes ont
changé et les styles de vie
sont bousculés. Plus que jamais,
la maison reflète un art
de vivre le quotidien qui fait
la part belle au confort,
au partage, au bien-être.
Sentinelles à l’écoute
des renversements majeurs,
ces designers, ces hommes
et ces femmes, ont bien compris
que l’inclusion est le moteur
de la création de demain.
En fait, elle l’a toujours été,
comme le rappellent dans ces
pages Marie-Ange Brayer
et Antoine Fenoglio. Un design
inclusif qui traverse le temps,
s’appuie sur l’expertise
d’usage, mais peut aussi décaler
son regard jusqu’à la mode
pour mieux exprimer un autre
paradigme de la modernité.
« Pour moi, le sujet, c’est
l’homme, ce n’est pas l’objet »,
disait déjà Charlotte Perriand.
Catherine DEYDIER

Collection mosaïque
Bisazza, modèle
Hortensia,
design Fornasetti.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :
MARC FEUILLÉE
DIRECTEUR DES RÉDACTIONS :
ALEXIS BRÉZET
DIRECTION ADJOINTE
DE LA RÉDACTION :
ANNE-SOPHIE VON CLAER
DIRECTRICE ADJOINTE
Lorenzo Ceretta/Fornasetti

DE LA RÉDACTION À L’ÉDITION :
ANNE HUET-WUILLÈME
DIRECTION ARTISTIQUE :
KATIA HOREAU
ÉDITION :
AMIRA SEHIC
COORDINATION :
CATHERINE DEYDIER
40 — LE FIGARO MARDI 20 OCTOBRE 2020

Un authentique moment
de transformation
Dialogue autour du design inclusif entre Marie-Ange Brayer, conservatrice, en charge du design
et de la prospective industrielle du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, et Antoine Fenoglio,
designer et cofondateur de l’agence les Sismo et du programme « design with care ».

Antoine FENOGLIO. - Un des principes

majeurs du design est d’être centré A. F. - Ce qui pourrait paraître
sur l’humain, inclusif, à la manière un phénomène conjoncturel s’installe
du designer William Morris et durablement dans de très nombreux
de son comparse philosophe Friedrich domaines de production d’objets ou
Engels à la fin du XIXe siècle à Londres. de services, qui reconnaissent l’urgence
Le design est pour eux le dessin d’adapter leurs propositions
d’un dessein : une manière engagée à un environnement social et naturel
et élégante de chercher à « faire devenu indéniablement vulnérable.
société ». La production n’en étant C’est une « urgence durable » que
qu’une conséquence parmi d’autres. le designer participe aujourd’hui
Charlotte Perriand enfoncera à résoudre, à organiser et à dessiner.
le clou plusieurs décennies plus tard Cette conviction, je l’ai acquise lors
en déclarant « pour moi, le sujet de travaux académiques* et de design
c’est l’homme, ce n’est pas l’objet ». que nous réalisons depuis plus de 4 ans
avec la philosophe Cynthia Fleury,
Marie-Ange BRAYER. - Oui, tout à fait, titulaire de la Chaire Humanités
c’est un design global, à même et Santé au Cnam. Notre constat est
d’intégrer autant la dimension assez simple : pour prendre soin du
physique que psychologique, tout climat, il nous faut créer un « climat
en valorisant le bien-être. Je pense que de soin »**. Il faut donc que le process
ce design inclusif peut nous permettre de création et de production de notre
de renouer avec une dimension environnement, que ce soit des objets,
essentielle du design dont nous avons des services, des espaces ou toute autre
été coupés avec la standardisation intervention, devienne désormais
de la production industrielle des « preuves de soin ».
au XXe siècle, qui nous a éloignés C’est un bouleversement qui secoue
Marie-Ange Brayer
de la dimension rituelle, émotionnelle profondément les convictions
et Antoine Fenoglio.
des objets. Le design inclusif est tout, des entreprises car elles se retrouvent
sauf prothétique, tout sauf un ustensile. à devoir imaginer comment passer
Je pense à ce très beau livre d’un mode de gestion à un mode
du philosophe Vilém Flusser sur d’attention. Nous obligeant à créer
Hervé Veronese/Centre Pompidou ; Tony Trichanh

les gestes où il écrivait, dans les années de nouveaux outils de compréhension

1970, que la manipulation technique et de transformation, comme
des objets a changé radicalement notre cette cartographie de la cohérence,
approche des objets. Pour le designer un outil analytique et graphique qui met
Andrea Branzi, « les objets doivent en perspective la valeur produite
générer une expérience, de la connaissance par l’entreprise au regard
et de l’émotion, et pas seulement des vulnérabilités scientifiquement
de la fonction ». Déjà, dans les années reconnues du monde actuel.
1970, Alessandro Mendini avait M.-A. B. - L’attention portée au design
imaginé des « objets à usage spirituel » inclusif, ces dernières années,
qui devaient se substituer à nos objets a d’ailleurs amené à se rendre compte
« leurres », imposés par la société que de nombreux objets ou innovations
de consommation, qui nous empêchent du quotidien, de la télécommande
de penser, de méditer… Pour Mendini, aux SMS, inventés dans les années 1980
il était urgent de transcender les apories par des chercheurs finlandais pour
du design fonctionnel qui a fait l’impasse des personnes malentendantes,
sur « les matériaux du corps ». ont été conçus dans ce champ du design.
La question est aujourd’hui : On entend le plus souvent par design
comment redéfinir notre rapport inclusif un design accessible au plus
aux objets pour renouer avec grand nombre, qui prend en compte
l’expérience de l’empathie, de les besoins, les spécificités de chacun.
l’émotion, ce qui fait du bien au corps M.-A. B. - Les innovations Le design inclusif est présent dans
et à l’esprit ? Un exemple célèbre est technologiques doivent se mettre les musées car il traverse en fait
à ce titre les attelles conçues pendant au service du design inclusif mais, l’histoire du design, sans qu’on
la deuxième guerre mondiale comme on le sait, c’est tout l’identifie nécessairement comme tel.
par les designers américains Charles un environnement global qu’il faut A. F. - En mettant sur le dessus
et Ray Eames. Ceux-ci eurent l’idée embrasser, qui va de l’interface cette recherche de preuves de soin,
de remplacer les attelles en métal, numérique à l’architecture et les esthétiques qui apparaissent résultent
qui blessaient encore plus les soldats à l’espace urbain. Le développement de nouveaux mélanges dans les manières
pendant leur transport, des technologies numériques de collaborer, de dessiner, de produire,
par des attelles en contre-plaqué d’impression 3D permet aujourd’hui d’utiliser: ainsi le réemploi peut côtoyer
courbé, qui s’adaptaient mieux de fabriquer en série des prothèses la robotique sociale, le numérique
au corps. Les Eames transposeront ou des dispositifs faits sur mesure. low-tech se mêler à l’artisanat,
ensuite cette technique dans Dans le sillage du « do it yourself », de nouvelles couleurs naître de notre
la conception de leurs chaises. les Fablab, ateliers de fabrication conciliation avec des bactéries
C’est en prenant en compte la souffrance numérique, peuvent ouvrir (voir le très beau projet de l’entreprise
des blessés qu’ils purent appliquer de nouvelles perspectives au design PILI, initié par la biologiste
ce principe innovant au design inclusif, tout en l’intégrant dans et designer Marie-Sarah Adenis).
pour le plus grand nombre ! une philosophie de la communauté Si pour le moment on peut choisir
et du bien commun. Cependant, de n’y voir qu’une sorte de fatras,
A. F. - Comme on le voit en creux je pense qu’au-delà de la notion qui met à mal nos référents esthétiques
dans les dates de ces exemples, même d’accessibilité ou de design policés par l’industrie mécanisée
cette approche humaniste et engagée pour chacun, le design inclusif du XXe siècle, je crois qu’il faut
sur le terrain des designers resurgit doit se conjuguer avec le design déceler dans ces formes émergentes
souvent en réaction aux grandes empathique pour faire valoir une autre une puissante réorganisation
« failles » historiques, qu’elles soient relation à l’objet, au-delà des liens et des valeurs qui produiront
économiques, politiques, sanitaires de sa fonctionnalité, et s’ouvrir les usages du monde de ce siècle.
ou environnementales. L’actualité à des notions telles que l’attention Et que cela nous permet de concevoir
met d’ailleurs bien en lumière cela : portée à l’autre, la bienveillance. de nouvelles formes de beautés,
les designers participent actuellement Dans une intervention que j’ai donnée régénérantes.
à rebattre les cartes de la création récemment dans le cadre ici « prendre soin de » car nous sommes, Propos recueillis par
et de la conception, par leur capacité du Grand Prix du design inclusif, ou serons tous, à un moment donné, Catherine DEYDIER
à faire des rapprochements contre- organisé par Paris Good Fashion, vulnérables. En 2012, lorsque
intuitifs, à la fois esthétiques, Eyes on Talents et APF France handicap, Mathieu Lehanneur réalise des « objets * Depuis trois ans, le séminaire Design
fonctionnels et technologiques. j’ai pu évoquer l’intérêt pour thérapeutiques », dans le cadre with care au Cnam explore les liens entre
On peut citer ce masque de plongée l’enfance, le partage, la transmission, d’une commande de la Fondation philosophie, éthique et design.
de Décathlon, augmentée d’une pièce porté par des designers telles que de France, il avance que le design Prochain cours en présence de Cynthia
en impression additive, et ainsi Matali Crasset ou Constance Guisset, n’est pas nécessairement fonctionnel, Fleury et Antoine Fenoglio, le 18 novembre
détournée pour fournir dans un délai qui font partie du design inclusif. ni esthétique, mais a trait « au ressenti, de 18 h à 20 h. Entrée libre sur inscription.
très court une solution aux patients Votre agence de design, les Sismo, à la croyance et aux besoins essentiels ». ** « Climat de soin » est le nom de
souffrant de complications respiratoires défend le « design with care », Je pense aussi que le design inclusif l’exposition qu’ils ont conçu ensemble,
dues au Covid. Une icône du réemploi et estimant que l’innovation sociale doit être abordé avant tout sous l’angle à l’occasion de Lille Métropole 2020,
de l’ingéniosité des nouveaux modes de peut se combiner au « care design », de l’humain, de l’émotion, et non Capitale Mondiale du Design,
production et de collaboration, compris comme une éthique seulement de la fonction. Le soin doit et présentée jusqu’au 15 novembre
au service de l’urgence du soin. de la sollicitude. Le design signifie être autant celui de l’âme que du corps. à la Maison Folie Wazemmes à Lille.
 42 — LE FIGARO MARDI 20 OCTOBRE 2020

Le geste
de l’architecte
1 3
Albert Greenwood ; Mario Bellini pour B&B Italia

Le Camaleonda, canapé modulable

dessiné par Mario Bellini en 1970 pour B&B Italia, a traversé
un demi-siècle et s’offre une nouvelle jeunesse
dans une version réactualisée. Mais un tel nom ne porte-t-il
pas en lui le changement et la transformation ?

Que l’architecte écrive l’histoire en de prix pour Mario Bellini : « De tous et culturels, et / ou d’une évolution
ayant une longue-vue est un fait certain. les objets que j’ai conçus, c’est sans doute technologique inattendue, en l’occurrence
Qu’il change d’échelle n’y change rien. Camaleonda qui représente au mieux l’utilisation de mousse à froid en
Pour preuve le canapé de Mario Bellini le concept de liberté. Les configurations polyuréthane pour le rembourrage », 1. L’architecte Mario Bellini a dessiné
pour l’éditeur transalpin. « Camaleonda que l’on peut faire sont infinies. » Et il est commente encore Mario Bellini. cette saison le nouveau paysage de B&B
est un néologisme que j’ai inventé en 1970 vrai, que ce canapé modulable peut « Utilisées dans le cycle de production Italia et réactualisé sa pièce iconique
en mélangeant deux mots : le nom de cet aussi changer de peau en combinant aujourd’hui ces matières sont aussi les des années 1970.
animal extraordinaire qu’est le caméléon, l’intégralité de la gamme de tissus ressources de demain, leur valeur est 2 et 3. Camaleonda, tel qu’il était
capable de s’adapter à l’environnement et cuirs B&B Italia, tout en gardant préservée autant que possible, avec lors de sa mise sur le marché.
dans lequel il se trouve et le mot “onda” sa structure unique, « en sandwich ». des déchets réduits au minimum absolu et La fabrication sera arrêtée en 1979
qui indique la vague de la mer et la courbe Mais grâce à sa constitution en couches un impact minimal sur l’environnement. avant d’être relancée quarante ans
du désert. Ces deux mots décrivent en matériaux recyclés, il se démonte Greta en serait fière », s’amuse le maître. plus tard en version plus confortable.
la forme et la fonction de cette assise. » facilement. Camaleonda Il se souvient sûrement que les 4. En 2020, la palette des couleurs
Et pas question de toucher à la forme se revendique également comme fondateurs de B&B Italia, les Busnelli, a également été revue.
pour l’architecte. « Lorsque B&B Italia un produit recyclable et il témoigne n’hésitaient pas à dire qu’une société 5. La grande table sculpturale Blitz de
m’a demandé de réactualiser Camaleonda de son incontestable pertinence ne peut pas rester immobile, « elle doit Mario Bellini rappelle un pont suspendu.
dont la fabrication a été arrêtée en 1979, contemporaine. « Des idées vraiment chercher le moyen d’agir dans un monde 6. La nouvelle chaise dessinée
il s’est avéré évident pour moi que je ne nouvelles sont parfois nées qui change ». par l’architecte, Cutter, rend hommage
serais pas capable de changer quoi que ce de la rencontre de facteurs historiques Catherine DEYDIER aux œuvres de Lucio Fontana.
soit. Changer la forme ? Non, la façon dont
ce modèle a été conçu reste efficace
aujourd’hui comme elle l’était à l’époque. »
En plus confortable pourtant car 5 6
les rembourrages ont été retravaillés
par le Centre Recherches
Développement de B&B Italia et Bellini.
Ont donc été préservés le module
d’assise 90 x 90 cm, le dossier et
l’accoudoir, du projet d’origine.
Ont également été récupérés les gabarits
d’origine pour la coupe du revêtement.
Le rembourrage en polyuréthane,
qui forme le capitonnage n’a pas été
changé non plus. Très caractéristique
du savoir faire maison, sa modularité
pratiquement infinie s’appuie sur un
système de câbles, crochets et anneaux
innovant, conçu sur mesure par
Mario Bellini, qui garantit son aspect.
Il permet en prime, au gré des envies
et des besoins, de recomposer un canapé
dont chaque élément peut vivre sa vie
en toute indépendance. Ce qui n’a pas
MARDI 20 OCTOBRE 2020
1 2
5
La précision
des savoir-faire
Ils incarnent une véritable philosophie de l’objet ancrée dans l’époque, mais parier
sur les valeurs sûres n’empêche pas de prendre le risque du renouveau.
En matière d’ameublement, il n’est pas
interdit d’anticiper et de mettre à profit
les expériences passées. Ou de respecter
un univers de marque en adaptant
sa mémoire à son devenir, en intégrant
des éléments existants aux objets
des collections de demain. Si ces
propositions transversales peuvent se
combiner à volonté, elles en appellent à
l’imagination des designers pour trouver
des réponses inédites et cohérentes.
Des propositions qui se doivent d’être
fonctionnelles, élégantes et exclusives
et qui feront la part belle aux détails
sur mesure et aux finitions léchées.
Ainsi de Rimadesio, dont on connaît
la sensibilité écologique et les systèmes
modulaires pour séparer les pièces
et redéfinir les espaces selon les besoins.
Aujourd’hui, à côté des portes
coulissantes ou battantes et autres
dressings qui ont fait sa renommée,
la marque transalpine développe
en complément des bibliothèques
et du mobilier d’appoint. Francis,
par exemple, la toute dernière table
proposée dans la collection opte pour
des lignes épurées et des matériaux
qui affichent une grande légèreté…
mais qui n’en dissimulent pas moins
une rigueur revendiquée. Tout comme
ces modèles créés par Vincent Van
Duysen pour Molteni&C. Le designer
et directeur artistique belge a travaillé
un mélange inattendu de bois et de
1. Ambiance Poliform mise en scène
chez RBC.
2. Table Francis, Rimadesio.
3. Chaise Neil, Poliform chez RBC.
4. Tabouret Saragosse, Alain Gilles pour
Cinna.
5. Fauteuil Tessa par Antonio Citterio
Design pour Flexform.
6. Modules de rangement, Tesaurus,
Antonio Citterio pour Maxalto.
7. Tables Luisa, par Vincent van Duysen
pour Molteni&C.
5 6
7
LE FIGARO — 43
Poliform ; Rimadesio ; Cinna ; Maxalto ; Molteni ; Flexform
ciment qu’il a décliné dans un ensemble « Notre savoir-faire reste artisanal, expliquait-il au printemps en présentant
de tables basses, rondes et ovales,
aux lignes intemporelles mais
une qualité fait main, et haute couture.
Et je n’en finis pas de chercher des
ses pièces. L’expression en quelque sorte
d’un design moderne .
3
néanmoins contemporaines. On pourra solutions originales et des lignes pures », Catherine DEYDIER
les découvrir prochainement dans
la boutique Molteni, qui va ouvrir rue
de l’Université, dans la capitale.
Grande maîtrise
Le fauteuil Tessa édité dans la dernière
collection Flexform, a été mis au point
par le très demandé Antonio Citterio.
Derrière son apparente simplicité
se cachent un savoir-faire complexe et
la grande maîtrise d’un travail manuel
d’assemblage réalisé selon la tradition.
Au frêne massif ou en noyer de la
structure répond le tressage léger de
l’assise et du dossier fait main en paille
des marais. Cette technique robuste
s’appuie sur une maîtrise parfaite d’un
patrimoine rural « made in Italy » qui se
transmet de génération en génération.
Un artisanat sophistiqué qui n’en sait
pas moins s’approprier les technologies
les plus actuelles.
Par ailleurs, directeur artistique
de la collection Maxalto, Citterio défend
plus que jamais l’harmonie et l’équilibre
qui lui sont chers dans ses dernières
créations pour la marque.
4
SYSTÈME D’ASSISES CONNERY | DESIGN RODOLFO DORDONI
FAUTEUIL TORII | DESIGN NENDO
PETITE TABLE BOTECO | DESIGN MARCIO KOGAN / STUDIO MK27
DÉCOUVREZ-EN PLUS DANS MINOTTI.COM/CONNERY
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44 — LE FIGARO MARDI 20 OCTOBRE 2020

La vision du créateur,
le sur-mesure
En 2003 Giorgio Armani a créé le studio de décoration d’intérieur Armani/Casa,
qui travaille sur des projets d’exception dans le monde entier et notamment des appartements sophistiqués,
les « Residences » by Armani/Casa.
Armani/Casa a vu le jour en 2000, « mais
2 le monde du design d’intérieur avait changé
avant même cette date », explique Giorgio
Armani qui a créé trois ans plus tard
le Studio. Au fil du temps - à partir des
années 1980 - le concept de fonction
des différents environnements de la maison
a évolué, parce que le mode de vie avait
profondément évolué aussi. À ma façon je
pense que j’ai contribué avec Armani/Casa
à concrétiser un style de vie idéal. Un bon
design révèle toujours une synthèse entre
la forme et la fonction et cela, à mon avis,
deviendra une exigence. Je perçois qu’il y
aura une relation de plus en plus étroite

SGP/Armani Casa ; Davide Lovatti /CAOS18/Armani Casa ; Fabrizio Marco Nannini/Armani Casa ; Andrea Martiradonna/Armani Casa ; Armani Casa
entre la forme et la fonction, entre le style
et le confort. Les gens aujourd’hui sont
exigeants parce qu’ils ont de plus en plus
de connaissances et de culture. Ils veulent
que leurs achats fonctionnent et, d’une
certaine façon, ils veulent se simplifier
la vie. Si le but de l’architecte est de créer
des espaces remarquables, alors mon rôle
est de leur donner vie par l’esthétisme de
ma décoration d’intérieur ». Ainsi, quand
l’architecte Daniel Libeskind présente
3 à Manille des unités résidentielles,
la structure du bâtiment et les lignes
obliques des façades, sont sources
d’inspiration pour que le styliste
développe le concept intérieur. « Je crois
que la vision de Daniel Libeskind combinée
à la mienne aboutissent à créer un endroit
vraiment unique pour vivre avec style
sans perdre l’effet de surprise. »
Tout comme avec l’architecte César Pelli,
il a eu « l’opportunité de créer quelque
chose de vraiment très spécial – un espace
de vie remarquable, imprégné
d’une élégance moderne. »
Avec une approche parfaitement
« made in Italy », qui se décline en
exigences sophistiquées, confortables et
fonctionnelles, le Studio, depuis sa
création, « invente de nouvelles solutions
créatives, qui interprètent la simplicité
du luxe à travers le prisme de la culture
et des coutumes locales. » Une sensibilité
qui parie sur une harmonie profonde
avec leur environnement.
4 Giorgio Armani aime rappeler
qu’Armani/Casa est né de son désir
de voir son design vivre dans des espaces
intérieurs. Au fil des ans, des pièces
produites en édition limitée ont vu
le jour. Ainsi le bureau Justin qui
célébrait le 40e anniversaire de la société
ou la Logo Lamp qui marquait les 35 ans.
En 2020, la collection reste fidèle
aux principes de la maison. « Au centre,
la nature éternelle et puissante avec
ses formes et ses couleurs, qui a toujours été
une source infinie d’inspiration.
Tout comme l’art l’est aussi. Mais dans
le processus créatif, les éléments et les
suggestions qui m’interpellent sont toujours
retravaillés selon mes goûts personnels »,
rappelle le créateur. 1
Catherine DEYDIER

5 6

1. Giorgio Armani.
2, 3 et 4. Armani/Casa a édité
une collection anniversaire.
Parmi les différents modèles,
lampe (2017), fauteuil lounge (2015),
table et chaises (2002).
5 et 6. Chambre et bibliothèque
réalisées pour la Macka Residence
à Istanbul.
 LE BEAU
AURA
TOUJOURS
RAISON

PAIPAÏ LUCIDIPEVERE
46 — LE FIGARO MARDI 20 OCTOBRE 2020

1 2

Nendo/Minotti ; Oki Sato/Nendo/Minotti ; Minotti

1. Oki Sato, fondateur
4 5 de l’agence Nendo Design.
2. La collection Torii.
3, 4, 5. Fauteuil, canapé,
table et chaises
de cette collection
inspirée au designer
par le minimalisme
japonais.

Esprit de famille
et association de talents
Chez les Minotti, chacun déroule sa partition et joue son rôle, qu’il soit de la famille ou designer invité.
La collection 2020, coordonnée par Rodolfo Dordoni et le Studio, le prouve une fois de plus.
Oki Sato de Nendo Design est l’un d’entre eux et occupe l’espace avec son minimalisme formel.

« Chez nous, les créations de chaque
designer s’harmonisent avec celles
des autres », explique Roberto Minotti.
Ainsi, cette saison les lignes Torii
et Torii Nest conçues par Nendo Design
dialoguent avec les trois nouveaux
systèmes de sièges de l’indispensable
Rodolfo Dordoni, les créations
de GamFratesi, celles du nouvel
arrivant, le designer brésilien Marcio
Kogan/Studio mk27 ou bien encore
celles de Christophe Delcourt.
« Ce qui est passionnant, a expliqué
le designer français, c’est le regard
de Minotti sur la façon d’habiter
un lieu de vie. Ils ont développé
la centralité dans la maison, une certaine
fluidité, l’addition des fonctions. »
Ici, le mot artisan du design prend
toute sa valeur. On parie
sur la confiance et l’intuition.
« C’est une attitude très couture,
très contemporaine, commentent
encore Minotti, architecte de formation,
et son frère Renato, dont tous vantent
la connaissance exceptionnelle
du produit. C’est tout simplement
notre ADN. Il y a une cohérence,
un équilibre, une légèreté,
une sophistication, une harmonie.
Cette collection s’inscrit comme
une nouvelle narration de notre histoire,
elle raconte notre identité, notre famille.
C’est notre projet. » Un ambitieux
projet coordonné par Rodolfo Dordoni,
également directeur artistique depuis
plus de vingt ans, qui multiplie
les propositions et systèmes de sièges
et d’éléments d’ameublement
pour redessiner le séjour, l’espace
intérieur et proposer à chacun
de créer son confort à coups
de solutions personnalisées,
de géométries et de compositions qui
marient textures et matières
en toute liberté. Ces produits haut
de gamme résolument non ostentatoires
s’habillent de tissus exclusifs
en y apportant un savoir-faire haute
couture. Plus que jamais, les collections
ont été dessinées « en imaginant
les occupants, leurs gestes,
leurs rites quotidiens, leurs sensations
tactiles, le luxe des matières,
l’effet de la lumière éclairant un plateau
en bois ou en marbre, l’éclat d’un détail
en métal, pour répondre à la personnalité
et aux goûts de chacun. »
Après la collection Tape Cord Outdoor
proposée cet été, Oki Sato a puisé
dans ses racines et s’est inspiré
des lignes pures du torii, - le portail
traditionnel japonais qui sépare
l’enceinte sacrée de l’espace profane
dans les sanctuaires shintoïstes
au Japon - pour décliner deux
collections à la rentrée. Les séries Torii
et Torii Nest proposent une famille de
meubles modulables et nomades.
Entre autres des tables basses,
consoles, canapés, poufs, des chaises
de salle à manger ou fauteuils.
Le designer a interprété la structure
traditionnelle japonaise, à poteaux
et linteaux, pour installer le cadre
métallique et il s’est appuyé
sur l’approche très technique du Studio
Minotti pour la mise au point
des prototypes et de la mise en
fabrication, en temps de confinement.
La flexibilité donne le ton, et la
polyvalence reste plus que jamais une
priorité de la maison.
Catherine DEYDIER
MARDI 20 OCTOBRE 2020 LE FIGARO — 47

Pour ses 90 ans, le fauteuil Vanity Fair de

Poltrona Frau

Roberto Lazzeroni et Poltrona Frau est décliné

dans de nouveaux coloris retenus parmi les 73
que Giulio Ridolfo propose
avec la ColorSphere.

La palette du coloriste
Giulio Ridolfo, maestro incontesté des nuanciers, redéfinit le système colorimétrique de Poltrona Frau,
en lui apportant une touche de modernité et une meilleure lisibilité.

Enfant, Giulio Ridolfo, originaire
de la campagne italienne, aiguise son œil
dans le jardin de la maison familiale,
observant quotidiennement les dahlias
et autres roses colorées de sa grand-
mère. « J’ai toujours été fasciné par
la nature, qui demeure à ce jour
ma première source d’inspiration »,
raconte le color master. Véritable
globe-trotter, Giulio se plaît, lors
de ses nombreux voyages loin de
chez lui, à déambuler dans les marchés
pour s’attarder sur les fruits,
légumes et épices aux couleurs vives,
qui nourrissent son imaginaire. « Je ne
m’amuse pas non plus à rapporter
des tonnes d’objets, mais un morceau
de papier, une pierre dont la teinte vibrante
m’attire. Je réalise ensuite des collages
afin de comprendre si tous ces coloris
fonctionnent en tant qu’ensemble. »
Point de départ de son processus créatif,
cette démarche lui permet de concevoir
un nuancier harmonieux, qui a du sens.
« Pour autant, à ce stade, mon travail
est loin d’être achevé. Je ne suis pas
un peintre qui se contenterait de coucher
un indigo sur une toile plane. Je conseille
des marques qui fabriquent du mobilier,
des pièces en 3D qui vont évoluer
dans le temps, interagir avec leur
environnement. Selon les projets, j’étudie
la matière qui va être utilisée, je réfléchis
avec les techniciens pour savoir
comment ces teintes vont s’y transposer,
la lumière s’y refléter. » Élève en stylisme
à la Domus Academy de Milan,
le consultant réalise dès les bancs
de l’école, l’importance de la couleur
dans le choix des matériaux. « La couleur
est venue à moi. Je ne l’ai jamais étudiée.
Premier élément visible d’un textile,
elle est intrinsèquement liée à la mode,
à la décoration aussi, et était donc déjà, à
cette époque, au centre de mon travail. »
Cette fois, le maître a soufflé ses précieux
conseils à l’oreille attentive de l’éditeur
Poltrona Frau, pour qui il a repensé
tout le système colorimétrique. Baptisé
ColorSphere, celui-ci regroupe sept
familles principales aux noms évocateurs
- Red Memories, Winter Garden, Milky
Way… - pour un total de 73 couleurs.
« J’ai cherché à y apporter une touche
de modernité, de liberté et une vision
plus actuelle. Avant je trouvais la palette
un peu trop abstraite et peu pratique
si on cherchait à assortir les différentes
nuances entre elles. Maintenant, toutes
les teintes ont un numéro et un nom,
car sans nom, elles se perdent
et ne dépassent pas le stade de concept. »
Il ne conserve ainsi que 26 coloris
préexistants et en imagine 47 nouveaux,
même s’il se refuse à utiliser ce terme :
« Je ne parle jamais de nouvelle couleur.
Car elles existent toutes déjà !
Par exemple, travailler un lapis-lazuli,
lui trouver le bon dynamisme,
sera peut-être une première pour moi,
mais je ne créerai pas une couleur en soi.
J’invente d’autres harmonies, d’autres
attitudes, Et j’essaie toujours d’apporter
de la lumière, de l’énergie.»
Madeleine VOISIN
 48 — LE FIGARO
Adrien Lemée/Elizabeth Garouste; Deirdre Dyson ; Dan Arnold/Armel Soyer ; Victoria Magniant ; Jacques Pepion/Pinto ; Palast-JManigand/Baccarat ; Émaux de Longwy x Pierre Gonalons ; Galerie Avant Scène/Franck Evennou ; Galerie Gosserez/Lukas Cober ; Mat. Lombard/Karen Swani ; Cinna
Artistes dans la maison
Œuvres de designer ou pièces de créateur, la frontière entre les disciplines s’estompe pour surprendre la galerie.
« Je ne me fixe aucune limite, c’est
pourquoi il y a autant d’art dans mon
design et autant de design dans mon art.
Pour moi, la créativité est sonore et peut
se transformer en différents langages.
Être capable de parler plusieurs langues
apporte la liberté d’échapper aux
frontières. Chaque type de projet sur lequel
je travaille, que ce soit un produit, une
installation ou un intérieur, répond à des
exigences et des besoins différents mais la
chose la plus importante au départ est
d’être libre et d’avoir un regard neuf à
chaque fois », assure le talentueux Jaime
Hayon, qui signe la collection Faune
pour Baccarat. Une série limitée. Pour la
céramiste Karen Swami, « la différence,
se situe dans l’instantanéité du geste ».
La pièce unique du designer est en
quelque sorte préméditée, elle est
pensée sur plans. L’œuvre d’artiste
« surgit ». Elle s’impose.
Dans la foulée de pionnières, comme
Elisabeth Delacarte (Galerie Avant-
scène) ou Agnès Kentish (En attendant
les Barbares), Marie-Bérangère Gosserez
et Armel Soyer, ont choisi il y a
une dizaine d’années d’accompagner
les designers contemporains.
« Sur mon stand des Puces de Saint-Ouen,
j’étais spécialisée dans les meubles des
années 1950 à 1970, raconte la première,
fondatrice de la Galerie Gosserez, située
rue Debelleyme, Paris 3e. Et je n’étais pas
la seule ! D’autres le faisaient beaucoup
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mieux que moi et j’ai eu envie de passer à
autre chose, de montrer le savoir-faire des
artisans, le talent des designers
d’aujourd’hui. De ne plus suivre le marché
en dénichant des objets déjà existants,
mais de le créer, en faisant la part belle au
mobilier d’artistes, par opposition au
design industriel. » Cette vision, elle la
partage avec Armel Soyer, à la tête de la
Galerie Soyer, nichée au cœur du Haut
Marais, rue Chapon dans le même
arrondissement. « J’avais simplement
l’ambition d’écrire une nouvelle page dans
l’histoire des arts décoratifs , avoue celle-
ci en riant. J’ai eu la chance, en travaillant
chez Lalique pendant dix ans, de parcourir
le globe et j’ai constaté que les étrangers
portaient sur nos savoir-faire un regard
émerveillé. J’étais entourée de créatifs,
de jeunes bourrés d’idées dont Pierre
Gonalons, et j’ai voulu que cet artisanat
d’exception soit entretenu, non pas grâce
à la copie comme c’était alors le cas, mais
à travers des pièces contemporaines aux
dessins radicaux. » Depuis une décennie,
les deux éditrices développent chacune
une écurie d’artistes qu’elles
accompagnent dans leur processus de
création. « Je recherche non pas des noms
mais des talents que je vais suivre,
pousser, faire évoluer », explique Marie-
Bérangère Gosserez, dont la profession,
telle qu’elle la conçoit, s’apparente au
métier d’agent. « S’ils sont connus, ils
n’ont déjà plus besoin de moi. Je fais
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beaucoup les sorties d’écoles, s’amuse-
t-elle. J’ai découvert Valentin Loellmann,
le premier à m’avoir fait confiance,
alors qu’il finissait les Beaux-Arts de
Maastricht. » Si l’artiste allemand jouit
maintenant d’une renommée
internationale, la route n’a pas été sans
embûches. « Un travail de longue haleine !
s’exclame Mme Gosserez. La première
exposition que nous avons conçue
ensemble a été un flop total. Mais je
croyais en lui, en nous, et l’ai convaincu
de continuer notre collaboration. Résultat,
les commandes affluent, il a reçu à deux
reprises le prix de la plus belle pièce
de design contemporain au PAD
Londres et l’un de ses bureaux vient
d’être acheté par le Mobilier national. »
Audacieuses, non reproductibles, éditées
à très peu d’exemplaires quand elles
ne sont pas uniques, ces pièces
fabuleuses demandent un travail
manuel, artisanal et une maîtrise
de la matière sans pareille.
« Néanmoins, j’attache une grande
importance à ce que ces pièces
à la frontière de l’art soient fonctionnelles,
appuie Armel Soyer. Certaines sont
réalisées à la main par l’artiste lui-même,
telles les lampes en bronze de Thomas
7 Duriez, signées et numérotées. Abordables
(à partir de 1 600 €), ces objets émettent
des vibrations, ils ont une âme. »
Du fauteuil en tapisserie au miroir
en porcelaine, Olga Engel, l’un de ses
coups de cœur de ces deux dernières
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1. Masque Lemo le fou, Elizabeth Garouste,

6 Galerie En attendant les Barbares.
2. Tapis exclusif de l’artiste peintre Deidre Dyson,
collection Looking Glass, Galerie Dyson Paris.
3. Table par Casey McCafferty, ébéniste
américain, pour Galerie Armel Soyer Paris.
4. Applique Takosu, Victoria Magniant.
5. Tabourets Scottie, Pinto Paris.
6. Koala, collection Faune, Jaime Hayon
5 pour Baccarat.
7. Fauteuil Hemicycle, Philippe Nigro
pour Ligne Roset.
8. Vase Chou, Pierre Gonalons,
Émaux de Longwy.
9. Miroir Phoenix, Franck Evenou,
Galerie Avant-Scène.
10. Tabouret Lukas Corner, Galerie Gosserrez.
11. Vase laque, Karen Swani, à la galerie NAG.
12. Luminaire Grid, Antoine Rouzeau, Cinna.

années, s’exprime quant à elle

à travers divers médiums et fait appel
à un réseau d’artisans proches de chez
elle. « Des céramistes lui confectionnent
les quelque 1 800 gouttes en biscuit
de porcelaine nécessaires à ses miroirs,
qu’elle accroche ensuite elle-même. »
Une tâche minutieuse et chronophage
essentielle à la beauté finale à l’œuvre.
« La démarche créative de ces artistes
reste bien différente de celle du designer,
précise Marie-Bérangère Gosserez.
Les collections que nous lançons évoluent,
parfois même grâce à nos clients.
Nous leur proposons ainsi des créations
pensées spécialement pour eux, afin
qu’elles s’intègrent au mieux dans leur
intérieur. » En cette époque incertaine,
les gens sont soucieux de vivre
dans des espaces agréables, passant
de plus en plus de temps chez eux.
« Ils ont envie de se faire plaisir, et être
entourés de belles choses, cela fait toujours
plaisir », conclut cette dernière.

Madeleine VOISIN

LES FACETTES DE LINA

Dès 1952, Piero Fornasetti se plaît
à dessiner une Lina Cavalieri aux mille
visages, la transformant inlassablement
en animal, en princesse d’Arabie, en
voleuse… et même en homme. Véritable
agent secret, la chanteuse d’opéra
de la fin du XVIIIe siècle cumule ainsi pas
moins de 350 identités et se retrouve
sur des assiettes, des bougies et tout
un lot d’objets en céramique magiques.
11 12 À la conquête du monde, la voici
monumentale, en mosaïque, prête
à investir les murs de nos intérieurs.
Fruit d’une collaboration avec
la prestigieuse maison Bisazza, cette
collection décline la bouche rouge,
l’œil indiscret, le visage caché derrière
une explosion de fleurs et l’iconique
Soli A Capri en version XXL. « Elle reflète
l’esthétique et les valeurs culturelles qui
caractérisent nos deux marques, lancées
dans les années 1950. La première par
un artiste sans pareil, la seconde par
un entrepreneur visionnaire, Renato, mon
père », confie Rossella Bisazza, qui veille
aux destinées de la maison transalpine
avec son frère. Cette nouvelle collection
Fornasetti, prend toute son ampleur
mise en scène dans le showroom
parisien du mosaïste.
M. V.
26, rue Madame, Paris 6e.
bisazza.paris@bisazza.com
 dix, cent modes de vie

design Mario Bellini - www.bebitalia.com