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M 01108 - 543H - F: 6,40 E - RD
JANVIER 2019 - N°543 - DOM 7,40 € - BEL 7,40 € - LUX 7,40 € - ALL 8,20 € - ESP 7,40 € - GR 7,40 € - ITA 7,40 € - PORT.CONT 7,40 € -
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L’édito par Dominique Leglu
Directrice de la rédaction
C’
est une scientifique comme on aimerait produits polluants et toxiques. Belle leçon pour tous ceux
en entendre plus souvent. Heureusement, qui se piqueraient de ne voir en la chimie qu’un mode
c’est le cas, grâce à La Recherche (p. 6), mais d’agression de la nature. Et ce travail n’est pas fini,
pas seulement. Nobélisée à l’automne 2018, annonce celle qui ne va certainement pas se priver des
l’Américaine Frances Arnold a pu en effet voir foule de nouveaux outils d’intelligence artificielle (3) !
micros brusquement se tendre vers elle, ce prix mon-
dialement connu ayant l’heur de focaliser l’attention, CETTE PASSION pour leurs travaux, on la retrouve, à
au moins quelques heures, sur ses récipiendaires. Foca- vrai dire, chez toutes celles et ceux cité(e)s dans ce
lisation accrue quand il s’agit d’une femme, rareté au numéro, qui fait le point sur les dix plus importantes avan-
royaume Nobel (1) , surtout dans les domaines dits de cées de l’année 2018. Que ce soit en Suisse, avec Fabien
sciences « dures », appellation du genre repoussant. Wagner, Grégoire Courtine (EPFL) et Jocelyne Bloch
(CHUV), ou aux États-Unis, avec Megan Gill et Peter
QUE RÉPOND DONC cette spécialiste à la fibre entre- Grahn, de la clinique Mayo (Rochester), ou Claudia Angeli,
preneuriale aux questions du rédacteur en chef Philippe de l’université de Louisville (Kentucky), qui veulent faire
Pajot ? Qu’à l’école, « tout le monde a horreur de la chimie » remarcher les paraplégiques ! Que ce soit chez les adeptes
et que son « histoire d’amour » avec cette science n’a été de la génétique redresseuse de globules rouges déficients
que « tardive » ! Le plus intéressant étant peut-être encore ou lutteuse contre les moustiques porteurs du paludisme.
ailleurs. Dans le fait qu’elle « voulait forger des choses Sans oublier les recherches fondamentales du type chasse
utiles au genre humain ». Cette antienne, avouons-le, sort aux neutrinos extragalactiques. Le comble de l’inutile,
souvent de la bouche des scientifiques. Joseph Fourier, ricaneront certains. Rira bien qui rira le dernier.
homme des Lumières, n’affirmait-il pas déjà que « le but (1) Cinquième femme Prix Nobel de chimie. Donna Strickland, également
principal des mathématiques est l’utilité publique » (2) ? récompensée en 2018, est la troisième femme Nobel de physique.
Aujourd’hui, par ses recherches, Frances Arnold peut se (2) Et aussi « l’explication des phénomènes naturels ».
dire fière des enzymes dont elle a quasiment piloté l’évo- (3) Lire le dossier « L’intelligence artificielle à l’assaut des labos »,
lution, capables de mettre hors course nombre de La Recherche n° 529, novembre 2017, p. 40.
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- EPFL/JAMANI CAILLET - DESY/SCIENCE COMMUNICATION LAB - EDUARDO MARABUTO - INSTITUT IMAGINE - HUGUETTE&PROSPER Ce magazine est imprimé chez G. Canale & C. (Italie), certifé PEFC.
FONDAMENTAUX
20 Environnement Le climat change,
les menaces s’accumulent 46 Des neutrinos éclaircissent le mystère des rayons
cosmiques Sylvain Guilbaud
23 Planétologie La sonde InSight sur Mars
50 L’angle magique du graphène Denis Delbecq
24 Biologie Les truffes alliées aux arbres
depuis 150 millions d’années 53 Une lentille qui en voit de toutes les couleurs
Vincent Glavieux
25 Immunologie Le chemin inattendu
de certains anticorps 54 Et aussi…
26 Biochimie Un acide aminé formé
sans intervention biologique Retrouvez La Recherche sur RFI
28 Glaciologie Un cratère de météorite découvert dans l’émission « Autour de
sous un glacier du Groenland la question », le 9 janvier à 16 h
Chimie
FRANCES ARNOLD a joué un rôle clé dans la mise au point de nouvelles molé-
cules biochimiques qui catalysent des réactions particulières. Ce travail fonda-
mental mêlé à un souci de l’application a fait de cette Américaine un personnage
inspirant, entre chercheuse et ingénieure.
Les mécanismes
biologiques doivent devenir
les usines chimiques du futur ”
L
a création de molécules capables de La Recherche Les enzymes n’étaient pas votre
nouvelles fonctions chimiques : telle sujet d’étude, ni celui avec lequel vous avez
était l’ambition de la biochimiste commencé votre carrière. Comment en
Frances Arnold. Elle y est si bien parve- êtes-vous arrivée à la biochimie ?
nue avec l’évolution dirigée que cette technique Frances Arnold En effet, ni les biotechnologies ni la
est aujourd’hui massivement employée dans les chimie n’étaient mes sujets de prédilection durant
laboratoires et les entreprises à travers le monde. mes années d’université – je n’aimais d’ailleurs pas
Son credo : accélérer les processus d’évolution pour la chimie lorsque j’étais au lycée. J’ai commencé
concevoir des protéines qui n’existent pas dans la par un bachelor of science [une licence, NDLR] de
nature. Les applications sont innombrables. Entre- génie mécanique et d’ingénierie spatiale. Rien à
preneuse – elle codétient cinquante-sept brevets –, voir avec la chimie. Toutefois, lorsque je suis arri-
elle a également participé à la création de plusieurs vée au niveau graduate school [master], j’ai étudié
compagnies, dont Gevo, qui commercialise des l’enzymologie. Ces protéines qui accélèrent les réac-
biocarburants, et Provivi, dont l’objectif est l’utili- tions chimiques de l’organisme sont fascinantes. Et
Oak Ridge NatiONal labORatORy/dR
sation de phéromones comme alternative aux pes- ce n’est que lorsque j’ai obtenu un poste à Caltech
ticides. Bien consciente de son statut de modèle que j’ai commencé à travailler comme biochimiste
– elle est la cinquième femme à recevoir le prix sur les protéines. J’avais déjà 30 ans. On peut dire
La biochimiste Nobel de chimie et la première Américaine –, cette que c’est une histoire d’amour tardive.
américaine Frances professeure au California Institute of Technology D’où vous est venue l’idée de travailler
Arnold est professeure (Caltech) et militante partage avec des centaines sur l’évolution dirigée ?
au California Institute of de jeunes filles sa passion pour les sciences, mal Les enzymes agissent comme catalyseur des réac-
Technology (Caltech). enseignées à l’école selon elle. tions chimiques. Grâce à elles, les réactions sont
enzyme capable de coaguler du lait en précipitant départ. On ne peut rien obtenir avec une grande
la caséine, telle la présure. Ensuite, vous construisez librairie de mutants : il faut une petite librairie de
une collection de mutants de cette enzyme, ce que variants et la laisser évoluer. C’est l’évolution qui
l’on appelle une librairie. Pour ce faire, on utilise soit fait le travail. Mais il faut être patient…
les erreurs de recopie de l’ADN qui code cette enzyme ’évolution est un phénomène lent.
L
– par PCR (*) –, soit des mutagènes chimiques. Puis, (*) La PCR désigne Comment parvenez-vous à obtenir de
vous placez ces enzymes mutantes dans des condi- l’amplification en chaîne par nouvelles enzymes rapidement ?
tions où l’enzyme initiale fonctionne mal. Parmi ces polymérase (polymerase chain Dans la nature, l’évolution prend des millions, voire
variants, vous conservez ceux qui ont fonctionné reaction), une technique de des milliards d’années parce qu’elle n’a pas de direc-
dans ces conditions particulières. À partir d’eux, duplication de l’ADN ou l’ARN tion privilégiée : les mutations se font au hasard.
par le biais d’une enzyme,
vous construisez une librairie de nouveaux mutants utilisée universellement Avec l’évolution dirigée, les choses sont bien plus
et répétez le processus jusqu’à obtenir une enzyme dans les applications rapides. Une analogie parlante est celle de la résis-
qui fonctionne bien dans les conditions recherchées. en lien avec la génomique. tance aux antibiotiques. Nous élevons en notre sein
naturellement par les insectes – les phéromones – pour lutter contre ces Toutefois, il y a une distinction importante à faire
derniers en agissant sur leur comportement, notamment leur capacité à entre la structure d’une molécule et sa fonction. Je
se reproduire. « Nous aimerions fabriquer ces molécules très complexes reste très sceptique sur l’existence de modèles phy-
que sont les phéromones à l’aide d’enzymes », précise Frances Arnold. siques capables de prédire la fonction des enzymes.
Pour accélérer le développement de sa société, elle y investit l’argent Pour quelques fonctions peut-être, mais, pour les
des nombreux prix qu’elle a reçus, dont celui du Nobel. fonctions catalytiques des enzymes, les modèles
physiques ne parviennent pas à capter ce qui est
Physique
DONNA STRICKLAND, GÉRARD MOUROU ET ARTHUR ASHKIN ont été
récompensés pour leurs travaux autour des lasers : la mise au point de pinces
optiques pour manipuler des objets minuscules et une technique d’amplifica-
tion des impulsions de lumière.
1015 W
biomoléculaires fondamentaux. hautes endommage les amplificateurs.
En parallèle, l’invention a été envisagée en sciences En 1985, le Français Gérard Mourou, alors à l’univer-
physiques comme moyen de piéger des atomes. Les sité de Rochester, aux États-Unis, et la Canadienne
philippe stroppa - peter poWer / reUters - aleXis CheZiere/CNrs photothÈQUe
travaux poursuivis dans cette direction par le physi- Donna Strickland, doctorante à l’époque, ont trouvé
cien américain Steven Chu lui ont valu le prix Nobel le moyen d’amplifier sans dommage des impulsions
de physique dès 1997 (en compagnie du Français courtes. Il s’agit de partir d’une impulsion courte
Claude Cohen-Tannoudji et de l’Américain Bill C’EST LA PUISSANCE « classique », qui est étirée temporellement. On utilise
Phillips). Les atomes sont aujourd’hui couramment désormais dépassée pour cela la dispersion, c’est-à-dire le fait que les dif-
manipulés par ce biais (3) . par la nouvelle férentes longueurs d’onde de la lumière se propagent
génération de lasers, à des vitesses différentes – contrairement à une onde
Amplifier les impulsions courtes comme Petal à continue, une impulsion brève est en effet une super-
À la même période que la pince optique, un nou- Bordeaux. Le laser position de nombreuses ondes lumineuses de dif-
veau principe d’amplification des impulsions lasers géant Apollon, à férentes longueurs d’onde. À l’origine, Gérard Mou-
a vu le jour. Si les lasers utilisés pour les pinces Paris-Saclay, devrait rou et Donna Strickland faisaient passer l’impulsion
optiques sont continus, c’est-à-dire qu’ils émettent atteindre les 5 PW dans 1,4 km de fibre optique enroulée, constituée de
de la lumière en permanence, on peut aussi produire (5 1015 W). verre, un milieu dispersif – aujourd’hui, on emploie
de brèves impulsions lumineuses. Pour une même des réseaux de diffraction. En sortie, les longueurs
énergie, plus l’impulsion est courte, plus la puis- d’ondes qui se sont déplacées plus rapidement sont
sance (l’énergie par unité de temps) et l’intensité (la en tête d’impulsion, celles qui se sont déplacées plus
puissance par unité de surface éclairée) sont impor- lentement en queue. Au total, l’impulsion dure plus
tantes. Or les effets de l’interaction entre lumière et longtemps, donc son intensité a diminué. Il est
Pinces lasers
ARTHUR ASHKIN PHYSICIEN, Arthur Ashkin
est né en 1922 à Brooklyn,
aux États-Unis. Après un
doctorat à l’université
Cornell, il rejoint les
laboratoires Bell. Au cours
de ses recherches, il se
focalise sur le piégeage
et la manipulation
de particules à l’aide de
faisceaux lasers, ce qui
le conduit à inventer les
pinces optiques.
Schéma de principe de la pince optique inventée
par Arthur Ashkin. permis d’explorer des domaines nouveaux. Ainsi, les
impulsions courtes (de l’ordre de la femtoseconde,
possible de l’amplifier avec des moyens habi- 10–15 seconde) correspondent aux temps d’évolution
tuels. Puis, un second système de dispersion recom- des réactions chimiques. Les recherches sur ce sujet
prime l’impulsion. Les étireurs et les compresseurs ont valu le prix Nobel de chimie à Ahmed Zewail
doivent être parfaitement symétriques dans leur en 1999. Aujourd’hui, le front pionnier se situe au
effet, au risque sinon de détériorer l’impulsion finale. niveau de l’attoseconde (10–18 seconde), le temps
Celle-ci est aussi courte qu’au départ, mais contient caractéristique du déplacement des électrons dans
plus d’énergie. C’est le principe de l’amplification à les réactions chimiques. Ces lasers de très haute
dérive de fréquence (Chirped Pulse Amplification ou intensité peuvent aussi accélérer des particules à
CPA en anglais) (4) . une très grande énergie sur de courtes distances.
Économie
WILLIAM NORDHAUS a ouvert un nouveau domaine d’application de l’analyse
économique avec ses modèles liant économie et changement climatique.
F
aut-il se réjouir de la désignation de les émissions globales de ce gaz, elles-mêmes liées à
William Nordhaus comme colauréat l’activité économique humaine. Le deuxième décrit
2018 du prix de « sciences économiques l’évolution du climat au fil du temps, et notam-
en mémoire d’Alfred Nobel » ? La question ment l’augmentation de la température mondiale
a divisé les spécialistes depuis que, le 8 octobre der- moyenne ; il modélise les liens entre cette hausse
nier, la Banque royale de Suède a récompensé l’éco- et la concentration en CO2 dans l’atmosphère. Le
nomiste américain et son compatriote Paul Romer dernier modèle explique comment l’activité écono-
(lire ci-dessous). William Nordhaus, 77 ans, profes- mique et le bien-être de la population sont affectés
seur à l’université Yale, est considéré comme un par les dégâts liés aux variations climatiques ; il décrit
pionnier. Dès les années 1970, il se pose la ques- aussi l’impact de l’activité économique humaine sur
tion de l’influence de l’économie sur le change- WILLIAM NORDHAUS les émissions de CO2 fossile.
ment climatique, dont les premiers signes sont PROFESSEUR À partir de là, William Nordhaus imagine différents
alors mis en évidence. Son travail aboutit à la créa- D’ÉCONOMIE scénarios de politiques climatiques – qui vont du
tion de modèles numériques dynamiques décrivant à l’université Yale laisser-faire à l’interventionnisme – et en analyse les
cette interaction. Le plus connu est baptisé Dice, depuis 1967, il est né bénéfices et les coûts. Cela le mène à défendre, par
pour Dynamic Integrated Climate Economy (1) . Ce en 1941 à Albuquerque, exemple, la fixation d’un prix du carbone par tonne
modèle, qui pose les fondations de ceux qui sont utili- au Nouveau-Mexique. de CO2 émise. Cette mesure doit inciter les États à
sés aujourd’hui par le Groupe d’experts intergouver- mener des politiques volontaristes pour réduire
nemental sur l’évolution du climat (Giec), s’appuie leurs émissions de gaz à effet de serre et engager
sur trois sous-modèles interdépendants. Le premier leur transition vers des énergies plus respectueuses
cartographie la concentration de dioxyde de carbone de l’environnement.
(CO2) dans l’atmosphère ; celle-ci est déterminée par D’où provient, alors, le manque d’enthousiasme de
certains experts vis-à-vis de William Nordhaus ? De
L’autre lauréat ses préconisations jugées trop prudentes. L’écono-
miste, en tout cas, a toujours fait évoluer ses modèles
PAUL ROMER PROFESSEUR D’ÉCONOMIE à l’université de New York à mesure que s’enrichissaient les connaissances sur
(Stern School of Business), Paul Romer, 63 ans, né à les effets du réchauffement. Gageons qu’il en sera de
Denver, a été économiste en chef de la Banque mondiale. même avec le dernier rapport du Giec sur les consé-
Il est récompensé pour sa théorie de la croissance quences d’un réchauffement climatique à 1,5 °C,
HAMILTON/REA - DR
endogène : un concept qui donne des outils pour rendu public… le même jour que l’annonce du prix
comprendre en quoi la circulation d’idées innovantes est de la Banque de Suède. n Vincent Glavieux
essentielle à la croissance économique à long terme (1). (1) William D. Nordhaus, Managing the Global Commons :
(1) P. Romer, J. Polit. Econ., 98, S71, 1990. The Economics of Climate Change, MIT Press, 1994.
Médecine
JAMES ALLISON, de l’université du Texas, et TASUKU HONJO, de l’université de
Tokyo, ont reçu le prix Nobel de médecine pour leurs recherches à l’origine du
développement de nouveaux médicaments contre les cancers.
L’immunothérapie
à l’honneur
D
eux chercheurs des rives opposées de les lymphocytes) peut être considérée comme l’une
l’océan Pacifique ont reçu le prix Nobel des premières formes d’immunothérapie contre les
de physiologie ou médecine 2018. James cancers du sang : une fois la greffe réalisée, les lym-
Allison, directeur du département d’im- phocytes du donneur éradiquent les cellules cancé-
munologie du MD Anderson Cancer Center de l’uni- reuses du patient receveur. En 1963, le médecin fran-
versité du Texas, et Tasuku Honjo, professeur à la çais Georges Mathé traite une leucémie grâce à une
Graduate School of Medicine de l’université de Kyoto, greffe de moelle osseuse.
ont identifié des molécules qui freinent normalement
le système immunitaire. Leurs études réalisées Interactions entre protéines
indépendamment sont à l’origine d’une nouvelle D’autres approches d’immunothérapie ont été
forme de traitement du cancer, s’appuyant sur explorées par les médecins et les biologistes.
l’action du système immunitaire. Ils se sont intéressés aux interactions entre les
Ce dernier détecte l’émergence de la maladie protéines présentes à la surface des cellules
tumorale : soit la tumeur est éradiquée, soit sa immunitaires et des cellules cancéreuses. De
prolifération est stoppée, soit les cellules tumo- façon schématique, après avoir identifié une
rales parviennent à échapper au contrôle immu- protéine étrangère, un antigène, les cellules
nologique et le cancer se développe. D’où l’idée immunitaires produisent une protéine, un anti-
d’utiliser cette barrière naturelle et d’en faire un corps, capable d’interagir de façon spécifique avec
outil thérapeutique. Au début du XXe siècle, William Sur cette vue au l’antigène. Par exemple, un anticorps, en se fixant
Coley, chirurgien américain, a tenté d’activer les cel- microscope d’une à un antigène présent sur la membrane d’une cel-
lules de défense de ses patients atteints de cancers en tumeur colorectale, les lule tumorale, peut bloquer une voie moléculaire
leur injectant des bactéries. Il espérait ainsi pouvoir cellules immunitaires essentielle à la survie cellulaire. En 1975, l’Allemand
diriger leurs cellules immunitaires, comme les lym- (les lymphocytes T, en Georges Kölher et l’Argentin César Milstein mettent
rouge) luttent contre
phocytes, contre les cellules cancéreuses. À l’époque, au point une technique pour produire à façon des
les cellules cancéreuses
Inserm/Jérome Galon
ses essais, aux effets modestes, n’ont pas convaincu. anticorps qui ciblent des cellules tumorales spéci-
(en vert).
Mais, à mesure de l’avancée des connaissances sur fiques. Les biologistes parlent d’anticorps monoclo-
le fonctionnement des cellules immunitaires, la stra- naux, car ils sont issus d’une même lignée de cel-
tégie d’immunothérapie a fait des adeptes. La greffe lules immunitaires (les plasmocytes). Pour cette
de moelle osseuse (qui produit les globules rouges et avancée, Georges Kölher et César Milstein ont reçu
ceutiques, il poursuivit ses travaux et réussit à pro- essais réagissent positivement au traitement. Hélas,
duire un anticorps monoclonal (l’ipilimumab) qui ils ne sont pas exempts d’effets secondaires. Empê-
vise CTLA-4. Il démontra en 2010 que cet anticorps chant la régulation négative du système immuni-
était efficace chez l’homme contre le mélanome de taire, ces molécules augmentent le risque de réac-
la peau, jusque-là quasiment incurable. Dès 2011, tions auto-immunes, comme une inflammation des
l’agence du médicament américaine, la Food and POUR EN poumons ou des reins, ainsi que des états fiévreux et
Drug Administration (FDA), l’a approuvé comme SAVOIR PLUS nauséeux, une fatigue intense et des douleurs dans
traitement contre le mélanome métastatique. n Dossier « Les nouvelles armes l’abdomen et les muscles. n Mathias Germain
Pendant que James Allison travaillait sur CTLA-4 aux contre le cancer », La Recherche (1) D. R. Leach et al., Science, 271, 1734, 1996.
États-Unis, Tasuku Honjo étudiait au Japon une autre n° 542, décembre 2018, p. 38. (2) J. R. Brahmer et al., NEJM, 366, 2455, 2012.
ENTOMOLOGIE Zoologie
J femelles de trois
espèces seulement
et petits-enfants », précise-t-il.
Et si les filles partent, les fils
étaient connues pour cesser restent et se reproduisent à
leur activité ovarienne passé un leur tour. La vieille femme a
certain âge : l’homme, l’orque et tout intérêt à aider sa descen-
le globicéphale tropical. Une dance à survivre.
équipe britannique vient
d’ajouter le béluga et le narval Stratégie des anciennes
à cette courte liste. « Nous avons Parallèlement, de nouvelles
tances sont souvent évoquées, YVES VILLE, LAURENT “ L’AMNIOCENTÈSE N’ACCROÎT Éthologie
l’hérédité implante dans l’or-
SALOMON ET VALÉRIE UN POISSON PASSE LE TEST DU MIROIR
défendent l’amniocentèse DE DÉPISTER D’AUTRES autres poissons, a rejoint le club des animaux qui ont
plutôt que le dépistage ANOMALIES réussi le test du miroir. Cette expérience classique est
Le climat change,
les menaces
s’accumulent
Sécheresse, vagues de chaleur, incendies de forêt, inondations ou tempêtes… Une étude inédite
recense les dangers multiples et combinés entraînés par le dérèglement climatique.
Les émissions de gaz de chaleur, incendies de forêt, populations », souligne le géo- les zones côtières tropicales,
« à effet de serre repré-
sentent une grande
précipitations pluvieuses
intenses, inondations, tem-
graphe. Par exemple, New York
devrait faire face à quatre
seront exposés à cette collision
de risques climatiques de plus
menace pour l’humanité, car ils pêtes, élévation du niveau de risques climatiques majeurs, en plus intenses.
intensifient simultanément de la mer et modifications de la comme l’élévation du niveau
nombreux dangers qui se sont chimie des océans : les fléaux de la mer et les précipitations 467 risques différents
déjà révélés néfastes par le s’intensifient et surtout se extrêmes. La même année, Comment ont-ils établi ces
passé », alerte Camilo Mora, combinent. Sydney et Los Angeles seront estimations ? Les auteurs,
professeur agrégé de géogra- « Si les émissions de gaz à effet confrontés à trois aléas clima- 23 scientifiques internatio-
phie au Collège des sciences de serre ne sont pas atténuées, tiques concomitants, Mexico à naux, en majorité issus de l’uni-
sociales de l’université d’Hawaï nous prévoyons que, d’ici à 2100, quatre, et la côte atlantique du versité d’Hawaï, ont épluché
à Manoa et coauteur d’une le nombre de dangers se pro- Brésil à cinq. Selon les modéli- 3 300 études publiées depuis
importante étude sur les duisant simultanément aug- sations des auteurs de l’étude, 1980, relatives à des événe-
risques du réchauffement cli- mentera, ce qui rendra encore les pays pauvres comme les ments climatiques induits par
matique (1) . Sécheresse, vagues plus difficile la gestion des pays riches, en particulier dans l’action des hommes ou par la
variabilité naturelle du climat.
Ils ont retenu dix risques cli-
matiques, comme le réchauf-
DES EFFETS NÉFASTES POUR LA SANTÉ fement, les inondations, les
Chaleurs meurtrières, dispersion de maladies infectieuses ou bouleversement de la production vagues de chaleur, les séche-
alimentaire… Le changement climatique menace directement notre santé, souligne un rap- resses, les incendies, la mon-
port produit par 150 experts, issus de 27 universités et institutions, y compris l’Organisation tée du niveau des eaux…
mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale. En 2017, comparée à 2000, 157 millions Ces événements affectent six
de personnes supplémentaires ont été exposées à des risques liés à la chaleur (1) . Et ce chifre aspects essentiels de la vie
ne prend pas en compte l’été caniculaire de 2018. Selon le rapport, les pays d’Europe et de humaine : la santé, l’alimen-
l’Est méditerranéen seraient les plus à risques. En outre, les températures croissantes et les tation, l’eau, l’économie, les
intempéries modifent la répartition des maladies tropicales dans le monde, notamment la infrastructures et la sécurité.
dengue ou le paludisme, qui ont vu leur incidence grimper ces dernières années. De même, Ces thèmes ont été déclinés
le risque de choléra a connu une hausse préoccupante le long des côtes baltes. en 89 sous-rubriques. En croi-
(1) N. Watts et al., The Lancet, doi:10.1016/S0140-6736(18)32594-7, 2018. sant ces données, les auteurs
de l’étude ont constaté que le
2018 2100
mentation des sécheresses, des auteurs ont privilégié les chan- tique (3) . Dernièrement, cette activités ont donc eu leur part
vagues de chaleur et des incen- gements forts pour la norma- plateforme a travaillé sur les dans le déclenchement des
dies, et aussi à une réduction lisation qui a servi à la modé- précipitations extrêmes qui inondations de 2016.
de l’accès à l’eau potable, sans lisation. Or cela peut induire ont eu lieu dans le nord de la Mathias Germain
oublier une hausse du niveau des biais, car des changements France et en Bavière au prin- (1) C. Mora et al., Nat. Clim. Change,
de la mer et des changements qui sont très importants à un temps 2016. Ces précipitations 8, 1062, 2018.
océaniques (de température, endroit peuvent masquer des ont provoqué le débordement (2) impactsofclimatechange.info
d’acidité et de quantité d’oxy- changements moins puissants de la Seine, qui a atteint alors (3) www worldweatherattribution.org
gène)… Selon les prévisions, à d’autres endroits mais qui ont son plus haut niveau depuis (4) S. Philip et al., J. Hydrometeorol.,
le cumul de ces événements tout autant d’importance. Par trente ans. Les inondations doi:10.1175/JHM-D-18-0074.1, 2018.
Planétologie
thermique du sol, à l’aide d’une sonde thermique allemande, et Responsable du sismomètre, Philippe Lognonné est prêt
l’analyse de la structure intérieure de la planète, grâce à un à parier que Mars abrite en son cœur un noyau liquide.
sismomètre français (dôme gris) piloté par l’Institut de physique Réponse d’ici un an. Philippe Pajot
Zoologie
LANGUE DE CHAT Biologie
Même si leur langue
est sèche, cela n’empêche
Les truffes alliées aux arbres
pas les chats de nettoyer
et mouiller leur fourrure.
depuis 150 millions d’années
Une équipe a découvert La comparaison du patrimoine génétique de diverses espèces de truffes permet
que cette langue était, de mieux comprendre l’évolution de leur partenariat avec les arbres.
en effet, recouverte
de 300 papilles creuses
qui stockent la salive et es truffes noires du Périgord ou les
permettent de la déposer
à la base de la fourrure.
L truffes blanches du Piémont pros-
pèrent sous la terre, aux pieds des
A. C. Noel et D. L. Hu, chênes et des noisetiers… Ces champignons aux
PNAS, 115, 12377, 2018. parfums intenses, qui appartiennent à la famille
des ascomycètes, vivent en symbiose avec les
arbres. Leurs filaments pénètrent entre les cel-
lules des racines de l’arbre et lui apportent du
1,6 %
phosphore et de l’azote, tandis que l’arbre
fournit des sucres. Ce partenariat, bap-
tisé ectomycorhize, s’est établi il y a
plus de 150 millions d’années,
d’après les travaux d’un consortium
C’EST LA HAUSSE des international, coordonnés par
émissions mondiales de l’Inra de Nancy (CEA-Génoscope, Ci-dessus, une truffère
CO2 fossile enregistrée université de Turin, université de en Charente. Ci-contre, la
Lorraine, CNRS). Pour le déterminer, truffe blanche du Piémont,
entre 2016 et 2017, après
les microbiologistes ont comparé les ou Tuber magnatum.
trois ans de stagnation,
selon les nouveaux génomes de cinq espèces de truffes et de
résultats publiés par les trois autres espèces d’ascomycètes, comme la deuxième famille », souligne Francis Martin. Les
scientifques du Global morille (1) . « La morille est un saprophyte, elle est truffes ont acquis d’autres gènes leur permettant
Carbon Project. capable de dégrader elle-même la matière orga- de communiquer avec les arbres, en synthétisant
doi.org/10.5194/essd-10-2141-2018 nique grâce à des enzymes », décrit Francis Martin, de petites protéines qui pénètrent dans les cel-
de l’Inra, à Nancy, coauteur de la publication. lules végétales et interfèrent avec leur système
immunitaire. Le travail comparatif a aussi révélé
Éthologie Les variations de parfum expliquées que les truffes noires, qui comptent 10 700 gènes,
LA CULTURE L’ancêtre commun aux morilles et aux truffes et les blanches, qui en possèdent 9 400, diffèrent
DES MOUCHES était un saprophyte. Alors comment les truffes peu sur le plan génétique, alors que ces espèces
Les drosophiles, ou sont-elles devenues des alliées des arbres ? La se sont séparées il y a 110 millions d’années. « Il
mouches du fruit, sont comparaison entre ces génomes a fourni des n’y a que 10 % de gènes exprimés qui sont propres à
capables de transmettre éléments de réponses : les truffes ont perdu des une espèce, ce qui explique en partie les variations
culturellement leurs gènes codant des enzymes nécessaires à la dégra- de couleur et de parfum », explique Francis Mar-
préférences sexuelles dation de la cellulose ou de la lignine – essentiels tin. Les biologistes ont aussi identifié les gènes
d’une génération à l’autre. à la survie des saprophytes. Grâce à cela, elles impliqués dans la fabrication des composés aro-
C’est la première fois que sont devenues inoffensives pour les arbres. La matiques des truffes et découvert que les sapro-
l’on démontre chez un truffe noire, Tuber melanosporum, a ainsi perdu phytes, telles les morilles, ont le même répertoire
insecte l’existence des les deux familles d’enzymes capables de dégra- de gènes. En fait, c’est le niveau d’expression de
mécanismes nécessaires à der la cellulose, tandis que la truffe blanche, Tuber ces gènes qui varie fortement chez les truffes, ce
une telle transmission. magnatum, n’en a perdu qu’une seule. « Ce pro- qui expliquerait la composition si particulière de
Claude Murat
É. Danchin et al., Science, cessus évolutif est toujours en cours. Il est probable leurs parfums. Mathias Germain
doi:10.1126/science.aat1590, 2018. que, au fil du temps, la truffe blanche perde la (1) C. Murat et al., Nat. Ecol. Evol., 2, 1956, 2018.
Immunologie
Le chemin inattendu
de certains anticorps
Produits dans les ganglions lymphatiques, des
anticorps empruntent des canaux de collagène qui les
transportent rapidement vers la circulation sanguine.
L les immunoglobu-
lines de type M
d’environ 1 000 kilodaltons, les
IgM n’y étaient pas attendues.
(IgM) sont les premiers types
d’anticorps mobilisés. Pro- Expérience renouvelée
duites dans les ganglions lym- Les biologistes, en collabora-
phatiques, elles doivent donc tion avec une équipe de l’uni-
être rapidement exportées dans versité Vita-Salute San Raffaele,
la circulation sanguine pour à Milan, ont renouvelé l’expé-
rejoindre et neutraliser les bac- rience en utilisant un marqueur
téries, virus et autres patho- spécifique du collagène, princi-
gènes. Jusqu’ici, le mécanisme pal composant de la charpente
permettant cet acheminement des IgM. Résultat : quatre jours
rapide restait inconnu. après que des souris ont été
Les IgM étant de grosses molé- infectées avec un antigène ou
cules, elles semblent mal tail- un virus, les IgM étaient visibles
lées pour se frayer un chemin à à l’intérieur des microconduits
travers les cellules se massant et dans les vaisseaux sanguins
au sein des ganglions lympha- voisins. « C’est la première fois
tiques lors d’une infection. Pour que l’on montre que ces struc-
comprendre comment elles y tures peuvent transporter de
parviennent, une équipe du grosses molécules comme les
Centre d’immunologie de IgM, souligne Emmanuel Don-
Marseille-Luminy a injecté des nadieu, de l’Institut Cochin, à
antigènes microbiens à des sou- Paris. Se pose à présent la ques-
ris, puis observé la répartition tion du mécanisme permettant
des IgM produites en réponse à à ces anticorps d’y pénétrer. »
cette intrusion. Comme prévu, Les IgM pourraient s’introduire
celles-ci étaient localisées au dans les microconduits « via de
niveau de leurs cellules produc- petites ouvertures potentielle-
trices, les lymphocytes B. Mais, ment présentes sur leur paroi »,
étonnamment, elles étaient imagine Guilhem Thierry,
aussi présentes au sein d’une auteur principal de l’étude.
zone traversée par des micro- Oriane Dioux
conduits (1) . Ces canaux ont
(1) G. R. Thierry et al., J. Exp. Med.,
auparavant été décrits comme doi:10.1084/jem.20180344, 2018.
étant un moyen de transport
(2) J. E. Gretz et al., J. Exp. Med., 192,
rapide dans les ganglions lym- 10, 2000 ; P. K. Rantakari et al.,
phatiques, mais pour des molé- Nat. Immunol., 16, 4, 2015 ; M. Sixt
cules ne pesant pas plus de et al., Immunity, 22, 1, 2005.
Biochimie
C’ perdu au milieu de
l’océan, sur la dor-
Bénédicte Ménez, première
auteure de ces travaux parus
Miller a montré qu’une soupe
d’éléments et de molécules
sale médio-atlantique. Les dans Nature (1) , n’en revient inorganiques placés dans un
anglophones l’ont baptisé pas d’avoir trouvé du trypto- contexte physico-chimique
massif Atlantis, dont un som- phane dans des roches pré- adapté est un creuset pour la
met abrite Lost City, la Cité levées, en 2004, à 173 mètres formation de molécules bio-
perdue, à plus de 4 000 mètres sous la Cité perdue. logiques. Cette expérience a
du plancher océanique, à « Sa présence confirme ce que été confirmée par la présence
700 mètres des vagues. Un lieu les modèles thermodyna- de molécules prébiotiques
habité de créatures sous-ma- miques, les expériences de labo- dans de nombreuses météo-
rines souvent étranges. Des ratoire et des météorites sug- rites retrouvées sur Terre, sans
êtres modelés par la biochimie L’acide aminé a été retrouvé gèrent depuis des décennies : qu’on ait jamais démontré leur
particulière de ce champ de sur des échantillons de roches de simples réactions chimiques présence naturelle sur le globe.
sources hydrothermales prélevés par forage. peuvent former des acides ami- Dans ce contexte, la décou-
chaudes, chargées de soufre et nés sans intervention d’un verte de tryptophane dans des
de divers éléments présents inattendue. « Notre première organisme biologique, pour peu roches souterraines suscite
dans cette région connectée réaction a été la stupeur. que les constituants chimiques, l’interrogation. Puisque l’on
aux entrailles terrestres par les Nous cherchions à caractéri- la température et la pression sait que la vie se niche partout,
lois de la tectonique. ser cette roche et à y découvrir soient favorables », explique la les échantillons sont-ils vierges
Une expédition scienti- des traces d’activité biologique chercheuse. Jusqu’à présent, de toute contamination ?
fique a prélevé des échan- comme nous le faisons depuis toutes les preuves concrètes
tillons de roches par forage des années, sans imaginer d’une synthèse de ces molé- Des indices solides
dans ce Machu Picchu océa- découvrir des processus abio- cules organiques reposaient « Il faut être prudent. On a déjà
nique. L’analyse de ces ser- tiques. C’est d’ailleurs pour sur des organismes vivants vu des roches polluées par des
pentinites, une famille de cela qu’il a fallu si longtemps qui, eux-mêmes, en ont besoin n-alkanes de la scie diaman-
roches silicatées, a révélé la avant d’envisager de publier pour vivre. Une sorte de para- tée qui a servi à découper les
présence d’une molécule nos résultats. » À l’Institut de doxe de l’œuf et de la poule. échantillons, par exemple »,
rappelle Marie-Paule Bassez,
professeure à l’université de
DES NANORÉACTEURS NATURELS Strasbourg. « Nous avons suivi
un protocole très soigneux
L’analyse des serpentinites, famille de roches de l’argile à pilastres. » Une forme dont la pour éviter de contaminer les
silicatées retrouvées sous la Cité perdue, a réactivité chimique est connue. On peut, par échantillons. Il est vrai aussi
montré qu’elles sont riches en saponite, une exemple, y insérer des piliers de fer pour créer que, du fait de leur faible pro-
argile riche en fer. « Ce matériau se présente des catalyseurs. « Dans nos échantillons, la fondeur, le risque de contami-
généralement comme une succession de feuil- saponite contient des pores microscopiques nation biologique était très fort,
lets empilés, explique Bénédicte Ménez. Mais, riches en fer et en carbone. C’est là que l’on insistent Bénédicte Ménez et
ici, les feuillets ont été distordus, car de nou- retrouve du tryptophane. Cela laisse penser sa consœur Céline Pisapia,
veaux composés et éléments chimiques sont que ces pores ont pu jouer le rôle de réacteurs coauteure de la publication.
venus s’y insérer. C’est ce que l’on appelle naturels pour synthétiser cet acide aminé. » Mais tous les indices sont
solides et convergent vers l’idée
DR
Section fne de la roche dans laquelle a été détecté le tryptophane abiotique. En médaillon, une image
réalisée avec le synchrotron Soleil, dont la fuorescence révèle cet acide aminé (en violet) dans l’argile.
Mission spatiale
OSIRIS-REX PRÈS Glaciologie
DE L’ASTÉROÏDE
BENNU
Un cratère de météorite découvert
Après la sonde japonaise
Hayabusa 2, la sonde
sous un glacier du Groenland
américaine Osiris-Rex Niché depuis des milliers d’années sous une épaisse couche de glace, un cratère
est la seconde, en 2018, plus vaste que Paris a été mis au jour par une équipe de glaciologues et de
à s’approcher d’un géophysiciens. Il résulterait de l’impact d’un astéroïde d’un kilomètre de long.
astéroïde. Elle effectuera
une reconnaissance,
avant de se mettre en es vastes étendues glacées qui ils ont pu détailler la topographie de la surface.
orbite autour de l’objet,
baptisé Bennu, de le
L couvrent les pôles de la Terre recèlent
encore de nombreux secrets. Une
C’est ainsi qu’ils ont observé le cratère et sa bor-
dure avec plus de précision. D’une largeur de
cartographier et d’y équipe internationale de glaciologues et de géo- 31 kilomètres, cette dépression, située sous envi-
prélever un échantillon. physiciens, issus entre autres du Muséum d’his- ron un kilomètre de glace, est plus vaste qu’une
toire naturelle de Copenhague et du Centre de grande ville comme Paris.
vol spatial Goddard de la Nasa, a découvert
La date de l’impact difficile à estimer
421
l’existence d’un cratère massif. Dissimulé sous
un glacier du Groenland, il pourrait s’être formé Pour confirmer leurs observations satellites et
à la suite de l’impact d’un astéroïde (1) . radars, les glaciologues se sont rendus sur le
KM Entre 1997 et 2014, l’opération IceBridge et le
Program for Arctic Regional Climate Assessment
terrain afin de prélever des échantillons sédi-
mentaires issus de la rivière adjacente au gla-
de la Nasa ont collecté de nombreuses don- cier. Leur analyse a révélé la présence de « quartz
C’EST LE NOUVEAU nées radars pour cartographier la surface sous- choqué », dont la structure cristalline particu-
RECORD de distance glaciaire du Groenland. En les analysant, les lière en plans de fractures parallèles se forme
pour la distribution chercheurs ont repéré une étrange dépression sous une pression intense, comme celle de l’im-
de clé quantique circulaire dans la roche située sous le glacier pact d’une météorite. « Il est difficile d’estimer la
par fbre optique. Hiawatha, au nord-ouest du Groenland. Intri- date de l’impact et la taille du corps céleste impli-
Cette méthode de gués, ils ont conduit une étude plus poussée de qué, explique Anja Diez, glaciologue à l’Institut
cryptographie assure la région en mai 2016 à l’aide d’une méthode de polaire norvégien de Tromsø. L’une des diffi-
une confdentialité forte pointe. En bombardant le glacier d’ondes radars, cultés pour estimer la taille de cet astéroïde, par
des communications. lesquelles pénètrent la glace et sont ensuite réflé- exemple, réside dans le fait que nous ignorons si
chies à sa frontière avec la roche sous-jacente, la région était déjà couverte de glace au moment
A. Boaron et al., Phys. Rev. Lett.,
121, 190502, 2018. de l’impact et, si elle l’était, nous ne connaissons
pas l’épaisseur de la couche. »
Les chercheurs estiment que ce cratère date
Physique d’après la formation de la calotte glaciaire du
UNE DIODE Groenland et qu’il résulterait de l’impact d’un
MAGNÉTIQUE astéroïde qui aurait mesuré un kilomètre de
Une équipe autrichienne long, mais ces éléments demeurent pour le
a conçu un dispositif qui moment incertains. La chute d’une météorite
transfère un champ aurait profondément marqué la région, en sou-
magnétique d’une bobine levant des débris dans l’atmosphère et en pro-
vers une autre, sans qu’un voquant la fonte de grandes quantités de glace.
champ magnétique ne Ces indices vont être analysés afin d’éclaircir la
soit induit en retour. La question. Pour Anja Diez, « une chose est sûre :
géométrie particulière cette étude nous montre qu’il nous reste beaucoup
retenue brise la symétrie. à découvrir sous les grandes couches de glace qui
Svend Funder
J. Prat-Camps et al., Phys. Rev. Un glaciologue prélève des échantillons recouvrent la Terre ». William Rowe-Pirra
Lett., 121, 213903, 2018. de sable devant le glacier Hiawatha. (1) K. H. Kjaer et al., Sci. Adv., 4, 2018.
Technologie
L connaît depuis
longtemps la pro-
liers, car aucun sys-
tème commercial ne possédait
pulsion électrique : des sondes les caractéristiques requises.
spatiales emblématiques, telles L’engin construit a effectué
Dawn et Hayabusa, utilisent dix vols sur une cinquantaine
l’accélération des ions due à de mètres, dont les paramètres
des champs électriques pour se Sur ce modèle 3D de l’avion de 5 m d’envergure, les électrodes ont été étudiés avec précision.
propulser ou manœuvrer dans sont les barres horizontales situées sous la partie centrale des ailes. En moyenne l’avion s’est élevé
l’espace interplanétaire. de 47 cm sur tous ces vols.
Jusque-là, on pensait que cette lui les gaz dont les atomes permettant de faire voler Cette preuve de concept d’un
technologie n’était pas utili- seront ionisés. Sur Terre, un quatre paires d’électrodes avion sans combustion ni par-
sable pour maintenir des moteur ionique n’a pas besoin superposées. Ils ont ensuite tie mobile ouvre la voie à des
avions en vol. Une équipe du de carburant, car ce sont les choisi la taille des ailes de expérimentations et un pas-
MIT vient de prouver le molécules de l’air ambiant manière à optimiser une fonc- sage à l’échelle qui excite les
contraire : son avion de 5 m (oxygène et azote) qui sont tion prenant en compte la ingénieurs. « Nos calculs sug-
d’envergure, très optimisé, a ionisées et accélérées. Il faut masse de l’avion, une puis- géraient que l’on pouvait faire
réussi une dizaine de vols dans aussi maintenir l’avion en vol sance électrique basse, un voler ainsi un avion solaire du
un hangar de laboratoire (1) . et donc s’opposer à la gravita- développement court, le risque type Solar Impulse, et les cher-
En appliquant un champ élec- tion. Des petits jouets scienti- et les coûts. cheurs du MIT l’ont fait avec
trique intense autour d’un petit fiques baptisés « ionocrafts » un petit drone ! », s’enthou-
fil, celui-ci produit un plasma parvenaient à léviter grâce au Dix vols réussis siasme Franck Plouraboué, de
froid dans l’air, un phéno- vent ionique. Mais, pour faire Le programme d’optimisation l’Institut de mécanique des
mène baptisé effet couronne. voler un avion, les paramètres a abouti à un avion de 5 m d’en- fluides de Toulouse (2) . Grâce
Les ions créés dans ce plasma ne sont pas favorables, car les vergure, pesant 2,45 kg et avec à cette percée inattendue, les
sont ensuite accélérés, entrent masses en jeu sont bien supé- une vitesse de vol de 4,8 m/s, recherches sur la conception et
en collision avec les molécules rieures et une haute tension est une poussée de 3,2 newtons l’optimisation de la propulsion
neutres de l’air, engendrant nécessaire. avec une puissance électrique ionique sur Terre vont pouvoir
un « vent ionique » qui, à son Pour remédier à ce problème, nécessaire de 600 watts. Ces commencer. Philippe Pajot
tour, provoque une force de les ingénieurs du MIT ont contraintes ont conduit les (1) H. Xu et al., Nature, 563, 532, 2018.
poussée. Dans l’espace, un tel modélisé l’effet couronne. Ils ingénieurs à concevoir leurs (2) N. Monorolin et al., AIAA J.,
moteur doit embarquer avec ont trouvé une configuration propres batterie et systèmes 55, 4296, 2017.
Nanotechnologie
14 (TÉRAÉLECTRONVOLTS), soit 14 1012 eV :
DES SYNAPSES ARTIFICIELLES TeV telle serait l’énergie que pourrait atteindre,
MIT ElEcTrIc AIrcrAfT InITIATIvE
Des scientifiques de Juliers, en Allemagne, et des collègues d’Aix-la- en 2021, l’accélérateur de particules le plus
Chapelle et de Turin ont mis au point un dispositif composé de nanofils puissant du monde, le Grand collisionneur
cristallins, qui est à la fois capable de sauvegarder et de traiter des de hadrons, après des travaux d’amélioration
informations, ainsi que de recevoir de nombreux signaux en parallèle. qui ont commencé fn 2018. Jusqu’à
Un premier pas vers des processeurs « neuromorphes » bio-inspirés. présent, l’accélérateur, situé près de Genève,
G. Milano et al., Nat. Commun., 9, 5151, 2018. a atteint une énergie de 13 téraélectronvolts.
L fournissent de pré-
cieuses informa-
date du XIXe siècle)
résistent bien au
puits d’informa-
tions sur l’indi-
sexe biologique masculin du
propriétaire de la dent. De la
tions aux archéologues et aux passage du temps, vidu auquel elle même manière, si seule l’amé-
paléoanthropologues pour ce qui permet de a appar tenu. logénine X est détectée, cela
les analyser assez
comprendre l’histoire des Sa morpholo- signifie qu’elle appartenait à
facilement.
sociétés anciennes. L’estima- gie peut don- un individu de sexe féminin.
tion du sexe de ces individus ner des indications Les inventeurs de la technique
est cruciale dans la contextua- contenter de frag- sur l’ascendance, ont mis au point une méthode
lisation de leur découverte. ments osseux. Un et les plaques qui statistique rigoureuse qui leur
Une équipe de paléoanthropo- autre moyen de la recouvrent, sur permet d’écarter tous les éven-
logues de l’université de procéder consiste à l’alimentation ou tuels faux négatifs lors de la
Californie à Davis a mis au séquencer le génome encore le microbiote recherche de la version Y de
point une nouvelle technique du fossile. Mais les ana- buccal. L’émail d’une l’amélogénine.
visant à identifier le genre bio- lyses ADN sont relativement dent peut également « L’avantage de cette technique
logique d’un spécimen à partir onéreuses et provoquent renseigner les paléoanthro- est qu’elle coûte moins cher
des protéines qui constituent souvent la destruction par- pologues sur le sexe biologique qu’une analyse ADN et qu’elle
l’émail dentaire (1) . tielle ou totale de l’échantillon de son propriétaire. ne nécessite pas de condi-
Pour déterminer le genre d’un pour l’extraction d’une quan- tions stériles pour être utili-
individu à partir de restes fos- tité suffisante de molécules, à Technique moins chère sée, explique Glendon Parker,
silisés, les archéologues se condition que celles-ci soient Pour ce faire, les chercheurs anthropologue à l’université
tournent généralement vers bien conservées. mesurent dans cette dent de Californie à Davis. Couplée
les éléments du squelette qui La nouvelle méthode présen- la quantité d’une protéine, à d’autres approches, elle per-
diffèrent entre les femmes et tée par les auteurs de cette l’amélogénine, qui participe à met de lever le voile sur le sexe
les hommes, comme le bas- étude ne nécessite qu’une la formation de l’émail. Le gène biologique d’un individu sans
sin. Toutefois, lors de leurs seule dent. Connue dans le codant cette molécule se situe la moindre ambiguïté. »
fouilles, ils trouvent rare- milieu de l’archéologie pour sur les chromosomes sexuels William Rowe-Pirra
ment des squelettes entiers et résister particulièrement bien X et Y. Mais, détail important, (1) G. J. Parker et al., J. Archaeol. Sci.,
doivent la plupart du temps se au passage du temps, la dent la séquence du gène présente doi.org/10.1016/j.jas.2018.08.011, 2018.
Biologie
Informatique DE L’ADN
100
et 2017, 14 millions de messages diffusant « Avec cette analyse à grande échelle, ces tra-
400 000 articles sur Twitter, à l’aide de systèmes vaux confirment ce qui avait déjà été exposé de
informatiques permettant de traquer la diffu-
sion des informations sur un réseau et d’identi-
manière théorique, souligne David Chavalarias,
du Centre d’analyse et de mathématiques
MILLIARDS
fier les bots parmi ses utilisateurs (1) . Ils révèlent sociales, à Paris. C’est ce que l’on appelle le prin-
ainsi que les comptes suspectés d’être des bots cipe de dépendance au chemin emprunté. L’idée
que l’on peut renforcer une information au début C’EST LA SOMME, en
de sa période de diffusion. » dollars, que la Banque
Les informaticiens montrent aussi que les bots mondiale consacrera,
sont programmés pour cibler préférentielle- entre 2021 et 2025, aux
ment des comptes influents, c’est-à-dire pays en développement
ceux qui disposent d’une audience large pour qu’ils s’adaptent au
et savent inciter à partager leur mes- changement climatique.
sage. « En cela, ils ne diffèrent pas des www.banquemondiale.org
autres manières de promouvoir arti-
ficiellement un contenu : les comptes
de personnes payées pour diffuser les Diabétologie
opinions de leurs clients (astroturfing) UNE ENZYME CLÉ
et le marketing ciblé », commente le Des médecins de
spécialiste français. Mais les bots sont l’Inserm et de l’université
des outils puissants, qui ne coûtent pas de Toulouse ont montré
cher à leur commanditaire et peuvent que, en bloquant l’action
tweeter 24 heures sur 24… d’une enzyme, la lipase
courtesy Filippo Menczer, indiana university
Neurosciences
AUTISME : Médecine
UN PARADIGME
ÉBRANLÉ
Réduire les lésions après un AVC
Selon le modèle En traitant la matrice extracellulaire, une équipe française parvient à réduire les
théorique dominant, lésions après un accident vasculaire cérébral (AVC). Pour l’instant testée chez
l’autisme est associé l’animal, cette stratégie pourrait aider les patients à récupérer plus rapidement.
à un déficit des
connexions cérébrales à
longue distance et à une es accidents vasculaires cérébraux Rome. Le produit peut être délivré par voie intra-
augmentation de la
connectivité à courte
L (AVC) résultent, pour 80 à 85 %, de
l’obstruction d’un vaisseau par un
veineuse, sans recourir à des méthodes invasives
d’injections intracérébrales. Et ça marche.
distance. Une étude IRM caillot sanguin. La zone concernée se retrouve Chez des rats auxquels on a administré l’hépa-
remet en cause ce ainsi privée d’oxygène. On parle d’AVC isché- rane sulfate de synthèse une heure après un AVC,
paradigme, révélant mique. Aux urgences, les médecins détruisent le on observe, quatorze jours plus tard, des signaux
une diminution de la caillot le plus rapidement possible pour irriguer de régénérescence neuronale et vasculaire au
connectivité à courte à nouveau l’ensemble du cerveau. Mais cette pri- niveau de la lésion. « C’est un effet de neuropro-
distance. vation transitoire d’oxygène a des conséquences tection. En apportant des facteurs de croissance,
M. A. d’Albis et al., Brain, catastrophiques : les cellules vasculaires qui la reconstruction des vaisseaux dans la zone est
141, 3472, 2018. constituent le réseau sanguin local meurent, et le accélérée, ce qui aide les cellules à retrouver leur
réseau de protéines qui soutient et forme l’envi- fonction plus vite et limite l’étendue de la lésion »,
ronnement des neurones se désagrège. Des cher- explique la neuroscientifique. Chez les rats, c’est
cheurs de l’université de Caen et du CNRS ont visible : les animaux traités ont de meilleures
+ 30 %
décidé de soigner cette matrice extracellulaire. aptitudes sensorimotrices.
« Cela fait longtemps qu’on cherche à cibler la
matrice extracellulaire, mais on manquait d’ou- Premiers essais cliniques en 2019
tils efficaces », explique Claire Rome, neuroscien- Les chercheurs de Caen espèrent débuter les
tifique au Grenoble-Institut des neurosciences. premiers essais cliniques d’ici à la fin de l’an-
DE CAS DE ROUGEOLE
Les biologistes ont employé un biomatériau : ils née 2019. Ce délai très court est possible, car
à travers le monde,
ont utilisé un héparane sulfate de synthèse, poly- l’héparane sulfate est déjà un traitement auto-
entre 2016 et 2017,
saccharide qui peut se fixer à des protéines struc- risé en France pour soigner des plaies graves,
selon un rapport de
turelles extracellulaires, comme le collagène, et comme des ulcères externes ou des escarres.
l’Organisation mondiale
jouer le rôle de réservoir de facteurs de crois- « Si ces résultats sont confirmés en clinique, cela
de la santé.
sance (1) . « Au lieu d’administrer plusieurs compo- pourrait avoir un effet impressionnant chez les
sants de la matrice, ils ciblent un produit qui trans- patients et réduire la phase de récupération post-
A. Dabbag et al., MMWR,
67, 1323, 2018. porte différents facteurs de croissance et concentre AVC », conclut Claire Rome. Agnès Vernet
des nutriments dans la zone lésée », précise Claire (1) Y. Khelif et al., Theranostics, doi:10.7150/thno.28252, 2018.
en bonne santé.
D. Ejzenberg et al.,
The Lancet, doi:10.1016/S0140- La matrice extracellulaire (en vert) entoure les cellules cérébrales (en bleu). Chez les animaux
6736(18)31766-5, 2018. non traités après un AVC, elle est disloquée. Chez les animaux traités, son organisation est rétablie.
La simulation, un paradis
pour l’imagination
a simulation informatique est fournit les algorithmes de résolution de Le temps réel s’impose, lui, dans les simu-
L devenue un moyen de choix
pour mieux comprendre et
leurs équations, que l’informatique implé-
mente sur les ordinateurs.
lateurs d’entraînement pour les pilotes
d’avion. La simulation se couple avanta-
maîtriser des phénomènes naturels extrê- Mais l’équation n’est pas toujours le geusement avec la synthèse d’images et la
mement variés. En aéronautique, pion- bon modèle. L’informatique propose réalité virtuelle, autres domaines majeurs
nière du domaine, l’informatisation des des approches très différentes, notam- de l’informatique. Né avec les avions, puis
algorithmes de l’analyse numérique per- ment pour la simulation du vivant. Les les jeux vidéo, ce couplage prend une
met de simuler finement les écoulements modèles logiques d’interactions intro- importance de plus en plus grande : simu-
aérodynamiques, rendant le recours aux duits pour le calcul parallèle et distribués lation des voitures autonomes dans les
maquettes physiques souvent superflu. En par Robin Milner, Prix Turing 1991, sont villes, entraînement des chirurgiens sur
automobile, on simule le comportement ici d’un précieux secours. Ils décrivent des patients numériques…
des voitures, ainsi que les déformations et les systèmes avec des états discrets, entre Un couplage plus récent est celui avec le
leur absorption d’énergie dans des lesquels des transitions sont possibles. Ils traitement de données massives. Diverses
crash tests numériques. En sciences de la industries commencent ainsi à associer,
terre, on simule le climat, la météorologie aux appareils qu’elles fabriquent, des
ou les tremblements de terre… En méde- « doubles numériques », simulateurs
cine, certaines opérations du cœur peuvent embarqués calculant en temps réel au
déjà être préparées en simulation. En bio- Un avantage est côté du système physique et mesurant
logie, on simule qualitativement et quan- que le temps de constamment l’écart entre la simula-
titativement les cartes d’interactions entre tion et les données. De tels jumeaux sont
protéines, qui règlent le comportement de
calcul se disjoint envisagés pour des fermes éoliennes, des
la cellule et celui de certaines horloges bio- du temps propre moteurs d’avions ou d’autres équipe-
logiques. En agriculture, on simule le com- des phénomènes ” ments industriels. Cela permet de détec-
portement des plantes selon les ensoleille- ter rapidement des anomalies, mais aussi
ments et les arrosages. En éthologie, les s’étendent maintenant aux modèles pro- d’améliorer les simulateurs par l’analyse
comportements collectifs d’insectes, babilistes, mieux à même de décrire les des écarts recueillis à l’aide des techniques
oiseaux ou poissons, mais aussi ceux des phénomènes biologiques (1) . d’analyse de données massives et d’ap-
humains, par exemple lors de l’évacuation prentissage automatique.
d’une salle. Bien sûr, l’informatique utilise DANS TOUS LES CAS, l’apport cru- Au total, la simulation est un paradis pour
intensivement la simulation en interne, cial de l’informatique est de remplacer l’imagination. Mais il ne faut jamais oublier
pour mettre au point les circuits électro- la matière et l’énergie des phénomènes à un principe fondamental : elle n’est jamais
niques – car on ne peut pas corriger les simuler par le calcul sur la seule informa- la réalité. Comme on dit aux États-Unis,
bugs après leur fabrication –, pour affiner tion, à l’aide d’algorithmes de traitement pays pragmatique par excellence, « on ne
les algorithmes de propagation de paquets de données. Un avantage majeur est que le trouve pas de pétrole en forant la carte ». n
dans Internet… J’arrête là cette énuméra- temps de calcul se disjoint du temps propre (1) Un exemple de machine biochimique :
tion, qui deviendrait interminable. des phénomènes. On simule ainsi, pour les contraintes.inria.fr/biocham
Quels sont les outils scientifiques à l’œuvre ? accélérer, des collisions de galaxies qui,
Bien sûr, ceux qui permettent de modéli- dans l’Univers, se déroulent sur des mil- Gérard Berry est professeur au Collège de France, membre
InrIa / C.TournIaIre
ser mathématiquement le phénomène en liards d’années. Ou, au contraire, pour les de l’Académie des sciences et médaille d’or 2014 du CNRS.
question, en particulier pour les phéno- ralentir, des repliements de protéines, qui ➔Cette chronique est proposée en alternance avec celle
mènes physiques. L’analyse numérique ont une durée de l’ordre de la milliseconde. de Serge Abiteboul, de l’ENS Paris et Inria.
3 3 questions à
Mds€
Mathias Bernard,
président de l’université Clermont-Auvergne
C’EST L’INVESTISSEMENT
prévu par le gouvernement
allemand d’ici 2025 dans
« Nous voulons
le domaine de l’intelligence aller vers une
artifcielle. Cette somme
doit notamment fnancer
science ouverte »
cent chaires universitaires ’université Clermont-Auvergne
L
et soutenir cinq centres de a choisi de se désabonner
recherche. Le pays entend de grands éditeurs scientifques
aussi mettre en place une en 2018. Pourquoi ?
plateforme de partage de Pour l’éditeur John Wiley & Sons, nous
données du secteur privé. avons préféré passer à un abonnement par demander leur avis, est inacceptable. Le
titre plutôt que de payer pour la collection minimum serait de leur laisser le choix.
complète. De 125 000 € par an, le coût est a dépendance aux éditeurs est liée à
L
passé à 25 000 €. Mais l’argument n’est pas
7,2 %
l’évaluation de la recherche. Comment
uniquement financier. Mon objectif est la faites-vous évoluer ces pratiques au
mise en œuvre d’un système de diffusion niveau de votre université ?
de travaux de grande qualité, via l’accès En juillet 2018, nous avons signé la Décla-
libre ou la politique éditoriale des univer- ration de San Francisco (Dora), qui remet
DE HAUSSE DU NOMBRE sités et des organismes. notamment en cause l’utilisation abusive
DE BACHELIERS inscrits en oncernant Elsevier, pourquoi
C du facteur d’impact des revues dans l’éva-
première année de licence craignez-vous la reconduction, luation. Concrètement, nous sommes par-
à l’université, en France, à en 2019, du principe tis sur l’idée de mettre en place non pas
la rentrée 2018, par rapport de « licence nationale » ? des sanctions, mais des mécanismes inci-
à l’année précédente. Ce principe est politiquement incom- tatifs, qui valorisent l’engagement des
Due notamment au boom préhensible. On parle d’universités auto- enseignants-chercheurs dans la science
démographique des nomes, mais le fait de déduire de leur ouverte. Cet engagement pourra être pris
années 2000, cette hausse dotation publique un abonnement à une en compte lors de l’examen de leur dossier
concerne surtout les multinationale privée, sans même leur d’avancement, par exemple.
bacheliers généraux de la série
« économique et social ».
Nominations
1 d
Dorothée Berthomieu,
irectrice de recherche en
recherche pour cinq ans.
Elle est par ailleurs élue
présenter pour un second
mandat en raison d’un conflit
Md€ chimie théorique au CNRS,
devient présidente du conseil
SNCS-FSU au Conseil national
de l’enseignement supérieur
d’intérêts – il est l’époux de la
ministre des Solidarités et de la
scientifique de l’organisme de et de la recherche. Santé Agnès Buzyn.
Franck Boileau/la MonTaGne/MaxPPP - Dr
Éloge de la sobriété
numérique
es fêtes de fin d’année sont un pour limiter le réchauffement climatique, en Europe. La Chine, qui pose de fortes res-
L moment propice à la généro-
sité, qu’il s’agisse des présents
la tendance observée pour ce secteur est
inverse. Sa part dans la consommation
trictions aux exportations, en est l’un des
principaux producteurs. D’autres, comme
que l’on offre, des repas que l’on prépare, mondiale d’énergie pourrait augmenter la République démocratique du Congo,
ou des décorations et lumières qui viennent de 70 % entre 2013 et 2020 si les tendances sont instables et leurs mines souvent aux
réchauffer les longues nuits d’hiver. C’est actuelles se poursuivent, et ses émissions mains de mercenaires sanguinaires. Par
donc une période d’intense consomma- doubler d’ici à 2025 (2) . C’est 4 milliards de ailleurs, le recyclage de ces métaux est très
tion, d’autant que nous ne réglons pour le smartphones qui sont actuellement en cir- complexe, du fait de leur mélange au sein
moment qu’une partie de la facture. Sous culation, avec un taux de renouvellement des composants et de la miniaturisation
la surface de l’océan d’abondance qui inférieur à deux ans, en particulier dans des objets. Il concerne par exemple moins
miroite devant nos yeux fin décembre, se les pays développés, où ils sont remplacés de 1 % de l’indium, utilisé pour les écrans.
cache en effet la partie immergée de l’ice- par des terminaux de plus en plus élabo-
berg : ce qu’il a fallu exploiter, rejeter, trans- rés. Cela se traduit par une consommation DE FAIT, SUSCITER LE BESOIN de
former pour assurer la magie de Noël. Forer d’énergie accrue, tant lors de l’utilisation nouveaux bijoux high-tech est loin de cor-
plus profondément, extraire des minerais que lors du processus de production. Cette respondre au mode de vie qu’il convient
là où les droits humains sont piétinés, tendance est d’autant plus problématique d’adopter pour limiter l’ampleur des chocs
expulser dans l’atmosphère des milliards que 90 % de la consommation d’énergie énergétiques et environnementaux à venir.
de tonnes de gaz à effet de serre. Janvier se D’autant que, parmi les autres présents que
prêtant à la prise de bonnes résolutions, il nous avons reçus à Noël, il y avait sûrement
faut espérer que l’ivresse de décembre des vêtements et des équipements électro-
motive la sobriété des jours à venir, qui doit ménagers, dont l’empreinte environne-
être durable dans tous les domaines : éner- Les ordinateurs, mentale n’est pas négligeable. Cela incite
gétique, alimentaire, matériel… téléphones, objets à interroger nos besoins, nos pratiques et
nos conventions sociales. Ce qui nous fait
LE CAS DU numérique est à ce titre
connectés causent plaisir, nos attentes réciproques reposent
révélateur. Les smartphones, tablettes et près de 4 % des gaz encore trop largement sur l’exploitation
autres objets connectés auront certaine- à effet de serre ” de ressources épuisables. Nous avons un
ment trouvé une place de choix au pied travail individuel et collectif à réaliser pour
du sapin. Ils représentent à ce jour entre associée a lieu lors de leur fabrication. Cette dépasser ces tabous et transformer nos
6 et 10 % de la consommation électrique étape implique l’extraction de métaux pratiques sociales. Les rires partagés, les
mondiale, et près de 3 % de la consom- comme le cobalt ou l’indium, processus sourires échangés, n’est-ce pas ce que nous
mation finale mondiale d’énergie. S’il très énergivore et polluant. Ces métaux chérirons le plus, de manière durable ? Il est
était un pays, le numérique se classe- étant aussi utilisés par les nouvelles tech- temps de reconnaître l’essentiel. n
rait au troisième rang des nations les nologies de l’énergie, leur consommation (1) BP, tinyurl.com/BP-review-energy, 2018.
plus consommatrices d’électricité, der- totale augmente rapidement. La demande (2) The Shift Project, tinyurl.com/LEAN-ICT, 2018.
rière la Chine et les États-Unis, et devant de ces matériaux dits « critiques », du fait (3) Oakdene Hollins et Fraunhofer ISI, « Study
l’Inde (1) ! Il est responsable de près de 4 % de leur importance pour nos systèmes éco- on Critical Raw Materials at EU Level », 2013.
des émissions mondiales de gaz à effet nomiques, devrait doubler dans les huit à
de serre, soit le double de celles de l’avia- quinze ans (3) . Notre dépendance vis-à-vis Marie Dégremont est chercheuse associée au Centre de
tion civile. À l’heure où la consommation d’eux pose également des problèmes de sociologie des organisations à l’Institut d’études politiques
d’énergie doit être réduite et décarbonée souveraineté : moins de 3 % sont produits de Paris.
DR
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HUBERT REEVES
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COSMOS
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le spectacle du Cosmos. Réalisés par des spécialistes de
l’astrophysique, ces ouvrages accessibles et rigoureux décryptent
l’Univers et donnent un sens à son histoire.
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Un an 50
53
L’angle magique
du graphène
de 54 Et aussi…
SCIENCE
ALFRED PASIEKA/SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS - BENCE VIOLA, MAX PLANCK INSTITUTE FOR EVOLUTIONARY ANTHROPOLOGY - INGRAM/BSIP
79 Et aussi…
Des neutrinos
éclaircissent le mystère
des rayons cosmiques
Grâce au travail coordonné d’une vingtaine d’observatoires
astronomiques, les scientifiques soupçonnent un blazar, trou noir
au centre d’une galaxie très active, d’être la source de neutrinos
extragalactiques. Un résultat qui marque une avancée vers
la compréhension des rayons cosmiques de haute énergie.
U
n minuscule passage fugace des neutrinos, ces guette IceCube dans la glace pure
neutrino peut particules neutres de masse lillipu- de l’Antarctique. Ses 5 160 cap-
cacher bien des tienne, dont il existe trois familles teurs de lumière sont en effet sou-
choses. Il semble différentes (lire l’encadré p. 48). terrains. Ils se trouvent attachés le
p o u r t a n t n’ y Très rarement, un neutrino peut long de 86 lignes, telles des perles
avoir aucune heurter le noyau d’un atome de sur 86 colliers, qui plongent ver-
commune mesure entre cette par- matière d’une épaisse couche ticalement de la surface jusqu’à
ticule quasi indécelable, qui n’inte- de glace et arrêter sa course. Il une profondeur de 2 450 m dans
ragit que très peu avec la matière, donne alors naissance à une des trous creusés dans la glace.
et les colosses que sont les blazars, particule chargée qui prend le L’envergure totale s’élève à 1 km3.
ces noyaux actifs de galaxies connus relais. Cette dernière se déplace
pour faire partie des sources de très vite, plus vite que la lumière Le laboratoire Sillage bleuté d’un muon
rayonnement les plus puissantes de dans la glace – mais moins que la IceCube, situé sur la Le 22 septembre 2017 à 20 heures
l’Univers. Mais une enquête menée lumière dans le vide. À la différence base Amundsen-Scott, 54 minutes (UTC), un sillage bleuté
en coopération par plusieurs cen- du neutrino qui n’interagit pas via la à proximité du pôle caractéristique du passage d’un
taines de scientifiques, grâce à force électromagnétique, une parti- Sud, collecte les muon est enregistré. Il s’agit donc
données des capteurs
des détecteurs de particules et des cule chargée laisse, dans ces condi- de la signature d’un neutrino muo-
dans la glace, qui
télescopes sensibles à toutes les tions, un cône de lumière bleutée nique, l’un des trois types de neutri-
tentent de saisir le
longueurs d’onde, sur Terre et dans sur son passage. C’est cette faible passage des neutrinos. nos. Rien d’étonnant a priori : les
l’espace, a réussi à faire ce lien entre lueur, dite lumière Tcherenkov, que neutrinos interagissent peu avec la
l’infiniment petit et l’infiniment matière, mais sont omniprésents !
grand (1) . Il constitue une avancée Ils peuvent par exemple être créés
pour comprendre comment, dans
Contexte D’où viennent les rayons cosmiques, dans l’atmosphère terrestre, lors de
l’Univers, des particules peuvent être les particules de très haute énergie qui arrivent sur Terre ? l’arrivée de rayons cosmiques, ces
Erik BEisEr / icEcUBE / NsF
accélérées à des énergies inouïes, Des phénomènes extrêmes dans l’Univers lointain, des particules énergétiques venues du
surpassant de loin ce qu’il est pos- fusions d’étoiles à neutrons ou des trous noirs très ac- cosmos. Plus de 99 % des neutrinos
sible de réaliser sur Terre. tifs sont suspectés mais, comme les rayons cosmiques détectés par IceCube sont de ce type
Situé sur la base Amundsen-Scott, à sont déviés par les champs magnétiques de l’Univers, et forment un bruit de fond. Mais
proximité du pôle Sud, l’instrument aucune source n’a encore pu être directement identifée. l’énergie déposée par ce muon se
IceCube a été construit pour saisir le monte à 24 téraélectronvolts (TeV)
environ. Cela signifie que le neutrino Si IceCube mérite son nom de téles- IceCube transmet donc automati-
initial était de haute énergie : quelque cope à neutrinos, ce sont désor- quement son alerte à un ensemble
290 TeV. Pour comparaison, au sein mais d’autres télescopes plus clas- d’observatoires partenaires, sous
du plus grand accélérateur de par- siques qui se joignent à l’enquête. forme de mail formaté, lisible par les
ticules construit sur Terre, le Grand Car le phénomène astrophysique machines. « Quand cela leur est pos-
collisionneur de hadrons, les pro- qui aurait produit ce neutrino a sible, les observatoires pointent alors
tons sont lancés au maximum à également dû envoyer d’autres dans la direction indiquée. »
13 TeV. Avec une énergie vingt fois messagers. Par exemple, des rayons IceCube avait déjà signalé par le
supérieure, ce neutrino n’a peut- gamma, qui sont des photons de passé le passage de neutrinos de
être pas été créé dans l’atmosphère haute énergie (2) , une dizaine en
et proviendrait des confins de l’Uni- tout, mais aucun autre signal pro-
vers. Or, en passant dans le détec-
IceCube transmet son bant n’avait été détecté par les dif-
teur, le muon a successivement illu- alerte automatique à des férents observatoires. Dans le cas
miné les capteurs selon une trace présent, certains instruments
qui permet de reconstruire sa direc- observatoires partenaires n’ont rien détecté en pointant vers
tion d’arrivée. À ces énergies-là, les la direction indiquée. Ainsi, HESS,
scientifiques savent que le neutrino haute énergie. « Il est extrêmement un ensemble de télescopes gamma
DESY/SciEncE communication Lab
initial avait quasiment la même, ils difficile d’imaginer un mécanisme situés en Namibie, a tenté une obser-
ont ainsi accès à la direction d’ori- physique qui fabrique des neutri- vation seulement quatre heures
gine du neutrino dans le ciel avec nos sans produire dans le même après l’alerte. Rien n’a été capté,
une précision inférieure à 1°. Une temps des rayons gamma », explique mais les conditions météorolo-
alerte automatique est donc lan- Mathieu de Naurois, astrophysicien giques n’étaient pas favorables. Idem
cée, 43 secondes seulement après au CNRS, au laboratoire Leprince- pour le réseau Veritas, en Arizona,
la détection du muon. Ringuet, à l’École polytechnique. douze heures après le passage
Enfn, des neutrinos sont produits dans l’espace, une masse. Plus précisément, il existe trois tiques baignant le cosmos.
au cœur du Soleil ou plus loin dans l’Univers, états de masse des neutrinos. Ces masses sont Alors qu’on ne peut pas identifier
dans les supernovæ ou à proximité de trous très faibles, mais leur valeur exacte demeure l’origine de ces rayons cosmiques
noirs de galaxies très actives, par exemple. Dans inconnue. Il s’agit d’une autre énigme de la chargés lorsqu’on les reçoit sur
chacun des cas, le mécanisme est similaire : physique contemporaine. Terre (lire p. 49), le neutrino est un
témoin direct, inaltéré, du cœur de
ses accélérateurs cosmiques, dont et le blazar-accélérateur cosmique. détecter d’autres neutrinos associés
le fonctionnement reste mal com- Se pourrait-il quand même que le à un flamboiement de blazar pour
pris. Un autre signe, surgi du passé, blazar soit innocent ? Si le neutrino corroborer ce résultat. » En attendant
conforte l’association entre ce venait d’une autre source ou s’il était la confirmation du verdict, ce travail
neutrino du 22 septembre 2017 et dû au bruit de fond, le lien ne serait est un nouvel exemple de la montée
le blazar TXS 0506+056. Les scien- alors que pure coïncidence. La pro- en puissance de l’astronomie multi-
tifiques de la collaboration IceCube babilité que cela soit le cas est faible messager, laquelle observe un même
ont fouillé leurs archives. Comme (moins de 1 chance sur 400), mais phénomène astrophysique grâce à la
on l’a dit, IceCube détecte énormé- cela reste un peu trop pour que les POUR EN lumière (dans toutes ses longueurs
ment de neutrinos, dont beaucoup physiciens parlent de « découverte ». SAVOIR PLUS d’onde), des particules de matière
sont du bruit de fond. Quelques D’une part, les neutrinos détectés en nF. Daigne et M. Barsuglia, ou des ondes gravitationnelles,
aiguilles dans une botte de foin 2014-2015 ne sont pas associés à une « Bienvenue dans l’ère de comme ce fut le cas l’année der-
peuvent passer inaperçues. Mais, phase de flamboiement indéniable l’astronomie multimessager », nière lors de l’observation de la pre-
en scrutant les données concer- de TXS 0506+056. D’autre part, les La Recherche n° 531, mière fusion d’étoiles à neutrons. Le
nant le coin précis du ciel où se modèles préexistants d’émission janvier 2018, p. 50. neutrino n’est que l’un des témoins
niche le blazar, les chercheurs ont des blazars ont du mal à expliquer nicecube.wisc.edu qui ont des révélations à nous faire
découvert une dizaine de neutri- le détail des combinaisons des dif- Le site de la collaboration sur l’Univers. n Sylvain Guilbaud
nos, arrivés entre septembre 2014 férents signaux captés. « Les rayons X IceCube. (1) IceCube Collaboration et al., Science,
et mars 2015, qui se détachent mesurés sont difficiles à modéli- 361, 146, 2018.
Jean Mouette
du bruit de fond (3) . Tout un fais- ser en même temps qu’une émis- (2) M G. Aartsen et al., Science, 342,
ceau d’indices semble confirmer sion de neutrinos, explique Kumiko 1242856, 2013.
le lien entre le neutrino d’IceCube Kotera. Il faudra dans le futur (3) IceCube Collaboration, Science, 361, 147, 2018.
L’angle magique
du graphène
Un siècle après la découverte de la supraconductivité avec le mercure, une équipe
américaine ajoute un nouveau matériau n’opposant pas de résistance au passage
du courant. Un supraconducteur dont les propriétés découlent de la géométrie :
deux feuilles de graphène superposées, tout en faisant un angle de 1,1°. Il pourrait
trouver des applications dans la métrologie ou l’informatique quantique.
C
est une nou- au passage du courant dès que sa l’effet d’une attraction provoquée
capable de transporter sans perte simplicité étonnante sur le papier : en faire des câbles électriques.
l’électricité de nos centrales. Il y a le graphène est une feuille de car- « Nos expériences sur les bicouches
par exemple le sulfure d’hydrogène, bone dont les atomes sont arrangés de graphène sont désormais routi-
détenant, depuis 2015, le record de sous forme de cellules hexagonales, nières, sourit Pablo Jarillo-Herrero.
supraconductivité à haute tempé- et dont l’épaisseur ne dépasse pas Nous avons pu étudier toutes sortes de
rature avec -70 °C (environ 200 K) celle d’un atome, environ 500 pico- configurations. » Le groupe publiera
quand il est soumis à 1,5 million mètres (*) . Proposée en 2006 par prochainement ses nouveaux résul-
de fois la pression atmosphérique. deux chercheurs britanniques, la tats : la supraconductivité s’observe
Il pourrait être battu par un com- superposition de deux feuilles de entre 1° et 1,2° – deux valeurs qui
posé d’hydrogène et de lanthane, graphène légèrement décalées (*) Un picomètre encadrent l’angle magique prévu
présenté en août 2018 sur la plate- l’une par rapport à l’autre provoque est égal à 10-12 mètre. par la théorie – et une hausse de la
forme de prépublication en ligne un phénomène de moiré (*) . « Ils (*) Le moiré est l’effet pression augmente légèrement la
arXiv ; selon les auteurs de l’article, avaient prédit que, pour un angle de contraste qui résulte température critique.
leur matériau reste supraconduc- de 1,1°, de fortes interactions appa- de la superposition de deux À l’université Columbia, à New York,
réseaux à mailles régulières.
teur à près de 7 °C (280 K), mais à une raîtraient entre les électrons des le groupe de Cory Dean a confirmé,
pression deux fois plus élevée (2) .
ALFRED PASIEKA/SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS
L
es technologies classique, les lentilles subissent 600 nm de hauteur, mais dont les
évoluent, se minia- deux types d’aberrations : une aber- autres dimensions (épaisseur et
turisent. Toutes, ration sphérique – les rayons lumi- longueur) sont variables – ont été
sauf les lentilles. neux passant par le bord et le centre disposés, individuellement ou par
Celles-ci sont tou- du dispositif ne focalisent pas au paire, en respectant un espacement
jours des morceaux même point – et une aberration régulier de 400 nm entre chaque
de verre épais, de forme sphérique chromatique – les rayons lumineux entité (l’écart entre chaque pilier
et incurvée, dont les procédés de de différentes longueurs d’onde tra- d’une paire, lui, est de 60 nm) et des
fabrication ont peu changé depuis versant un matériau en un même angles de rotation précis les unes
le XIXe siècle. L’équipe de Federico point le font à des vitesses diffé- 500 nanomètres par rapport aux autres. En faisant
Capasso, à l’université Harvard, rentes et ne focalisent donc pas en varier ces paramètres – dimen-
travaille à une nouvelle généra- même temps en cet endroit précis. Grâce à la sions, appariement ou non, espace-
tion de ces dispositifs optiques : confguration de la ment, angle de rotation –, les phy-
des métalentilles. Le premier com- Structure en nanopiliers métalentille, où les siciens ont réglé le comportement
posant de ce type a été présenté en La métalentille de 2016 avait déjà paires de nanopiliers de chaque duo de nanopiliers,
2016. De surface presque plane, il résolu le problème de l’aberration (vus de dessus) sont de manière qu’ils produisent des
orientées de façon
était constitué de tours nanomé- sphérique, mais elle n’était capable retards différents pour la lumière
particulière, toutes
triques de dioxyde de titane, dispo- de corriger celui de l’aberration qui les traverse, en fonction de sa
les longueurs d’onde
sées selon des motifs particuliers ; chromatique que pour trois cou- atteignent le point longueur d’onde. Ils ont ainsi rendu
chaque motif permettait la foca- leurs du spectre visible. Celle de focal en même temps. possible le fait que toutes les lon-
lisation d’une longueur d’onde 2018, qui reste une preuve de gueurs d’onde atteignent le point
visible différente (1) . concept, y parvient pour toutes les focal en même temps.
Cette fois, la métalentille conçue longueurs d’onde comprises entre L’efficacité encore relative – autour
par le groupe réalise une perfor- 470 et 670 nanomètres (nm), soit la de 20 % – du prototype résulte-
mance inédite : elle focalise presque presque totalité du spectre visible. rait d’erreurs de fabrication ou de
toutes les couleurs du spectre Comment ? Federico Capasso et couplage entre les éléments de la
lumineux visible (donc la lumière son équipe ont joué sur la struc- POUR EN métalentille. La prochaine étape
blanche) en un seul point et en turation de leur métalentille. SAVOIR PLUS consistera à optimiser ce résultat,
haute résolution (2) . De manière Les nanopiliers – qui mesurent nS. Guilbaud, entretien tout en augmentant le diamètre de
avec Federico Capasso, « La l’objectif – aujourd’hui de l’ordre
physique quantique permet du micromètre – jusqu’à envi-
Contexte Les lentilles en verre sont volumineuses, lourdes de créer un matériau nouveau ron 1 cm. n Vincent Glavieux
et coûteuses. Un inconvénient certain, à l’heure où l’on cherche de A à Z », La Recherche (1) M. Khorasaninejad et al., Science,
Capasso Lab
de plus en plus à miniaturiser la multitude d’appareils qui y font n° 529, novembre 2017, p. 4. 352, 1190, 2016.
appel : caméras, smartphones, microscopes… (2) W. T. Chen et al., Nat. Nanotechnol.,
13, 220, 2018.
Et aussi…
ASTRONOMIE
Stimuler la moelle
épinière, ça marche !
Trois groupes de recherche indépendants sont parvenus à
restaurer la marche chez des patients paralysés des membres
inférieurs. Le principe de leur méthode ? Associer une rééducation
intense et des séances de stimulation de la moelle épinière
au moyen d’un implant électronique.
C
était fin volontaire, et cela même en l’ab- spécifique, permettant d’activer
’ décembre 2016.
« Ce matin-là,
David est arrivé
dans le labora-
toire et nous a
sence de stimulation », réagit Fabien
Wagner, de EPFL et premier auteur
de la publication détaillant les résul-
tats de l’étude Stimo (1) .
L’étape initiale a consisté à implan-
sélectivement des groupes de mus-
cles via les fibres nerveuses locali-
sées dans les cordons postérieurs de
la moelle épinière. Car, même si la
plupart des connexions sont rom-
dit :“Regardez”. Il gesticulait son orteil ter chez les patients un dispositif de pues entre le cerveau et les muscles,
gauche, qu’il ne pouvait pourtant stimulation composé de seize élec- (*) La
dure-mère les fibres nerveuses situées sous la
plus bouger depuis sept ans. Là, je trodes. L’équipe de Jocelyne Bloch, spinale est l’enveloppe lésion, entre l’implant et les mus-
qui protège la moelle
me suis dit qu’on tenait quelque chose neurochirurgienne au CHUV, a dis- cles, sont intactes. « La stimulation
épinière.
d’important », se souvient Grégoire posé les électrodes entre la vertèbre revient à amplifier le signal d’acti-
Courtine, chercheur à l’École poly- (os) et la dure-mère spinale (*) , dans (*) Lepotentiel vation émis par le cerveau par un
d’action est un courant
technique fédérale de Lausanne le bas du dos des patients, au niveau signal électrique “artificiel” engen-
électrique délivré par un
(EPFL). David est l’un des patients « lombo-sacral » de la moelle épi- neurone lorsque ce dernier dré par les électrodes de l’implant »,
inclus dans l’essai clinique Stimula- nière. « Ce type d’implant est déjà est suffisamment excité par résume la neurochirurgienne.
tion Movement Overground (Stimo), utilisé dans le traitement de la dou- ses voisins.
Essai sur sept patients
piloté par l’EPFL et le Centre hospita- leur chronique, explique Jocelyne (*) La proprioception
lier universitaire vaudois (CHUV), à Bloch. L’opération en elle-même ne désigne la perception que Le principe est le suivant : la stimula-
Lausanne. Il vise à tester les bénéfices présente pas de difficulté majeure et l’on a de la position de notre tion augmente localement l’excitabi-
d’une stimulation électrique de la est assez rapide. Le plus long est de corps dans l’espace. lité des circuits nerveux de la moelle
moelle épinière – la stimulation épi- positionner correctement les élec- épinière, ce qui permet au peu de
durale – sur la motricité de patients trodes pour que l’effet de la stimula- fibres épargnées en provenance du
paralysés des membres inférieurs. tion soit maximal. » En effet, chaque cerveau de déclencher des poten-
David, qui est allé au bout du pro- électrode est placée sur une zone tiels d’action (*) , qui ont pour effet de
tocole, est aujourd’hui capable de contracter les muscles. En quelque
contrôler volontairement les mus- sorte, la stimulation « booste » la
cles de sa jambe gauche, autrefois
Contexte La stimulation électrique de la moelle commande motrice résiduelle du
paralysés, et de marcher hors du épinière a montré des efets positifs pour restaurer cerveau. En combinant ces stimu-
laboratoire à l’aide d’un déambula- la marche, d’abord chez le rongeur, il y a une dizaine lations avec des exercices de réédu-
teur. « Selon la sévérité de leur lésion, d’années, puis chez le primate. Cette année, les pre- cation, les sept patients implantés à
tous les patients n’ont pas recouvré les miers résultats d’essais menés chez l’homme posent les ce jour (sur huit prévus à terme) ont
mêmes facultés motrices, mais ils ont jalons vers de nouveaux traitements de la paraplégie. pu améliorer le contrôle volontaire
tous amélioré leur contrôle moteur de certains muscles. Pour autant,
l’équipe suisse n’est pas la seule à phase du cycle de la marche, détaille en deçà du seuil d’activation mus-
avoir réussi cet exploit en 2018 : aux Fabien Wagner. Si le patient veut culaire, ou seuil moteur, et limite
États-Unis, deux autres équipes ont effectuer une flexion de la jambe, de fait l’efficacité de la technique.
présenté des résultats similaires, alors on va stimuler une configu- Par ailleurs le signal de stimulation
avec des patients capables d’effec- ration d’électrodes qui promeut continue interfère avec le signal
tuer quelques pas grâce à la stimula- seulement une flexion de la jambe. sensoriel permettant aux patients
tion et après de longs mois d’entraî- Puis, au moment où le pied touche de « ressentir » la position de leurs
nement (2) . La différence réside dans le sol, on stimule une configuration membres dans l’espace. Les cher-
la technique employée : les équipes d’électrodes qui promeut l’exten- cheurs ont ainsi montré qu’en sti-
américaines ont utilisé une stimula- sion du genou, et ainsi de suite. » mulant de façon dynamique, la
tion continue, là où l’équipe suisse probabilité qu’une telle interfé-
a préféré une stimulation dyna- rence survienne est diminuée, ce
mique, inspirée du signal transmis La commande motrice qui améliore la proprioception (*)
naturellement du cerveau vers les
membres lors de la marche. Ce signal
résiduelle du cerveau des patients (3) .
Autre différence majeure entre les
varie dans le temps et dans l’espace, est amplifée deux techniques : les patients stimu-
ce qui n’est pas le cas de la stimula- lés de façon dynamique recouvrent
tion continue, dont l’amplitude et Cette stimulation, dite « spatio- des facultés motrices, même en
la fréquence restent constantes. Or temporelle », est en rupture avec ce l’absence de stimulation, ce qui
la marche peut être vue comme un que proposent les autres groupes n’est pas le cas des patients stimulés
cycle comportant plusieurs phases de recherche et répond à une limi- en continu. Par exemple, plusieurs
mettant en jeu les alternances de tation majeure de la stimulation patients ont récupéré la capacité
flexion et d’extension de diffé- continue. En effet, au-delà d’une de marcher en l’absence de stimu-
rents muscles. certaine fréquence (30 hertz) et lation, à l’aide d’un déambulateur
EPFL/Jamani CaiLLEt
« Notre technique consiste à activer d’une certaine amplitude, la sti- ou de barres parallèles pour aider à
alternativement des configurations mulation continue provoque une la stabilisation latérale. Comment
d’électrodes permettant d’effectuer activation simultanée de tous les l’expliquer ? « Nous pensons que, à
le mouvement nécessaire à chaque muscles, ce qui oblige à stimuler la suite d’un accident, certaines
Preuve qu’un
entraînement Premiers essais sur l’homme
associé à l’injection
d’un cocktail Fabrication d’un Création d’une
chimique et une neurostimulateur plateforme de
stimulation implantable, rééducation au
électrique continue contrôlable en temps Centre hospitalier
permettent de réel, sans danger universitaire Premier patient
remarcher. pour la santé. vaudois, en Suisse. implanté.
fibres nerveuses sont épargnées suivi le protocole de stimulation. Il système de rails accrochés au pla-
et traversent la lésion, explique semble y avoir des modifications fond. Ce harnais robotisé allège arti-
Fabien Wagner. Dès lors, notre hypo- dans l’ensemble du système nerveux ficiellement le patient, et réduit les
thèse est la suivante : en répétant des central. » C’est ce bourgeonnement forces verticales et horizontales qu’il
exercices de marche volontaire, asso- et donc la création de synapses qui doit fournir pour marcher. Au fil des
ciés à des stimulations dynamiques permettrait aux patients d’amélio- séances, cette aide peut être progres-
de la moelle épinière, les patients rer leurs capacités motrices, même sivement réduite si le patient se sent
augmentent la plasticité synaptique en l’absence de stimulation. plus à l’aise.
de ces fibres résiduelles. Le fait que Attention, la stimulation seule Mais ce n’est pas tout. La salle de réé-
ces dernières s’activent de manière ne fait pas tout ! Le travail de ducation est équipée d’un système
synchrone avec l’activation de la digne des tournages de films hol-
moelle épinière lombaire mène à lywoodiens. Au total, seize caméras
une repousse synaptique : de nou-
La salle de rééducation est infrarouges sont disposées autour
velles connexions sont créées et sont équipée d’un système digne du patient sur les jambes duquel
renforcées au fil des exercices. » Cette sont installés de multiples mar-
hypothèse s’appuie sur des études du tournage d’un flm queurs réfléchissants, sortes de
menées en 2012, puis répétées en petits miroirs renvoyant la lumière
2018 sur des modèles animaux. rééducation est primordial dans infrarouge. « Cet équipement est un
L’équipe de Grégoire Courtine avait l’amélioration du contrôle mus- système de motion capture simi-
alors observé un bourgeonnement culaire. Et cela n’a rien d’une pro- laire à ce qui est utilisé au cinéma
synaptique à l’extrémité des fibres menade de santé. Les patients de pour reproduire le mouvement
nerveuses épargnées (4) . l’étude Stimo sont en effet enrôlés des acteurs sur des images de syn-
pour six mois, pendant lesquels ils thèse », explique Fabien Wagner. Le
Harnais robotisé réalisent cinq séances hebdoma- principe est simple : des LED infra-
« Puisque les patients récupèrent un daires de rééducation de deux à rouges émettent de la lumière qui
contrôle volontaire de leurs muscles trois heures. Ils suivent un proto- se réfléchit sur les marqueurs pla-
paralysés, on en déduit qu’il y a une cole exigeant privilégiant des exer- cés sur les articulations de la jambe
telle repousse, même si on ne peut cices de marche active au sol plutôt des patients. La lumière réfléchie est
pas le montrer directement, pré- que sur tapis roulant – trop passifs. renvoyée vers les caméras. « Cela per-
cise Grégoire Courtine. Un autre Pendant ces séances, ils marchent met de reconstruire la cinématique en
indice est que l’activité corticale des en étant soutenus par un harnais, 3D de la jambe et donc d’avoir une
patients change avant et après avoir suspendu à des câbles reliés à un information complète en temps réel
Comment le cerveau
élimine ses déchets
Le mécanisme d’évacuation des déchets produits par les cellules nerveuses vient
d’être élucidé par une équipe américaine. Il met en jeu un équilibre subtil entre
deux systèmes de drainage : l’un, déjà connu, est assuré par les vaisseaux sanguins
traversant le cerveau ; l’autre, inconnu jusqu’alors, utilise les vaisseaux
lymphatiques qui parcourent les méninges, l’enveloppe protectrice du cerveau.
L
e corps humain est été assemblées en 2013. Maiken ce qu’il advenait de ces déchets.
une immense usine Nedergaard, alors neuroscienti- Cette année, l’équipe de l’université
contenant une cen- fique à l’université de Rochester, deVirginie a montré qu’ils sont ache-
taine de milliers de dans l’État de New York, avait mon- minés vers les ganglions lympha-
milliards de minus- tré que le liquide dans lequel baigne tiques cervicaux, via les vaisseaux
cules ateliers : nos le cerveau y pénètre et circule entre lymphatiques des méninges. Ces
cellules. Chacune rejette une mul- les cellules cérébrales. Ce liquide (*) La
barrière derniers ont été découverts fortuite-
titude de déchets, dont l’accumu- interstitiel charrie les protéines et hémato- ment, en 2015, par Antoine Louveau,
lation est toxique pour l’organisme. les déchets produits par les cellules, encéphalique est post-doctorant dans l’équipe de
Mais à chaque poison, son remède. et les draine le long des vaisseaux une frontière physiologique Jonathan Kipnis (3) , ce qui avait
séparant la circulation
Le corps est ainsi doté d’un système sanguins cérébraux pour les éva- alors été retenu par la revue Science
sanguine du système
de nettoyage très performant, le cuer (2) . Une partie de ces déchets nerveux central. comme l’une des percées scienti-
réseau lymphatique, composé de entre dans les vaisseaux sanguins fiques majeure de l’année.
(*) Le
liquide
vaisseaux dans lesquels circule un cérébraux, où ils traversent la bar- cérébrospinal est
liquide – la lymphe – qui draine les rière hémato-encéphalique (*) et Déclin cognitif
un liquide biologique
déchets jusqu’aux ganglions lym- quittent le cerveau – un phéno- transparent dans lequel Trois ans plus tard, la même équipe
phatiques, où ils sont filtrés. Si des mène baptisé « clairance transvas- baignent le cerveau précise donc le rôle fonctionnel
corps étrangers ou pathologiques culaire ». Les autres déchets longent et la moelle épinière. de ces vaisseaux. Pour ce faire, les
sont détectés, les cellules immu- la paroi des vaisseaux sanguins et neuroscientifiques ont mené plu-
nitaires migrent vers les tissus d’où parviennent jusqu’aux méninges, sieurs expériences chez la sou-
proviennent ces corps pour lutter l’enveloppe qui protège le cerveau et ris. Ils ont commencé par détruire
contre l’infection. dans laquelle circule le liquide céré- les vaisseaux lymphatiques des
Ce réseau est présent dans tous les brospinal (*) . Jusqu’alors, on ignorait méninges en y injectant une subs-
tissus du corps humain… à l’excep- tance chimique. Puis ils ont utilisé
tion du cerveau. Le système ner- un marqueur fluorescent afin de
veux central est en effet dépourvu
Contexte En 2013, la neuroscientifque danoise tracer les déchets à la fois dans les
de vaisseaux lymphatiques. Dès lors, Maiken Nedergaard caractérise pour la première fois le méninges et dans le cerveau. Résul-
comment élimine-t-il ses déchets ? « système glymphatique », par lequel les déchets produits tat : les marqueurs présents dans
L’équipe de Jonathan Kipnis, de dans le cerveau sont évacués vers les méninges. Mais les méninges n’atteignent pas les
l’université de Virginie, aux États- qu’advient-il ensuite de ces déchets dont l’accumulation ganglions lymphatiques cervicaux.
Unis, a apporté une réponse à cette peut être toxique ? Les travaux de l’équipe de Jonathan Le drainage n’a donc pas lieu. De
épineuse question ( 1 ) . Les pre- Kipnis, à l’université de Virginie, apportent la réponse. la même façon, dans le cerveau, le
mières pièces du puzzle avaient drainage du liquide interstitiel est
que le drainage s’en trouvait amé- L’équipe de Jonathan Kipnis a donc (2) L. Xie et al., Science, 342, 373, 2013.
lioré. Ils ont ensuite utilisé une eu l’idée d’étudier l’effet d’une (3) A. Louveau et al., Nature, 523, 337, 2015.
Q
ui donc est âgée d’environ 13 ans à sa mort. Si cette découverte revêt une impor-
Denisova 11 ? L’étude de l’ADN nucléaire, le maté- tance particulière, c’est parce qu’elle
D e r r i è re c e riel génétique transmis par les deux confirme que le métissage était bel
nom, raccourci parents, a révélé une constitution à et bien possible, et peut-être plus
en Denny pour parts égales d’ADN dénisovien et fréquent qu’on ne l’imaginait, entre
les intimes, se d’ADN néandertalien. Cela signifie Néandertaliens et Dénisoviens,
cache un individu ancestral particu-
lier : une jeune fille issue d’un père
que cette adolescente descendait
directement de parents issus de 2,5 CM deux groupes qui ont divergé il y a
environ 390 000 ans et qui habitaient
dénisovien et d’une mère néander- ces deux groupes différents d’ho- respectivement l’Eurasie occiden-
talienne. La découverte de ce métis, minines. Pour lever le doute quant tale et l’Asie orientale.
le premier de son genre, était relatée à son ascendance exacte, les paléo- Quelques cas d’hybridation entre
dans la revue Nature, en août 2018, généticiens se sont intéressés à son D’UN BOUT D’OS différentes espèces du genre Homo
par Svante Pääbo, de l’Institut Max- ADN mitochondrial, qui contient vieux de 90 000 ans étaient déjà connus, notamment
Planck de paléoanthropologie évo- des gènes uniquement transmis par ont suff pour entre Homo sapiens et Homo nean-
lutive de Leipzig, en Allemagne, et la mère. Ils y ont découvert des simi- déterminer derthalensis. Ce nouveau cas est tou-
son équipe (1) . litudes génétiques avec l’homme l’ascendance exacte tefois sensiblement différent, dans
L’identité de Denny a pu être déter- de Neandertal, ce qui leur a permis de Denny. la mesure où les Dénisoviens ne
minée grâce à l’étude d’un mor- de déduire que Denny descendait constituent pas une espèce à pro-
ceau d’os long lui ayant appar- d’un père dénisovien et d’une mère prement parler. En effet, la décou-
tenu, vieux de 90 000 ans, mesurant néandertalienne. verte de l’homme de Denisova
quelque 2,5 centimètres et qui fai- résulte de l’analyse génétique de
sait partie des plus de 2 000 frag- deux fragments osseux découverts
ments osseux extraits de la grotte
Contexte La génétique révolutionne l’archéo- dans la grotte du même nom, située
de Denisova, en Sibérie. L’analyse logie et la paléoanthropologie, en confrmant ou en dans les monts Altaï : une dent et
génétique de l’ADN isolé à partir infrmant certaines hypothèses établies depuis des une phalange. Morphologique-
de cet os a permis de fournir plu- années par les archéologues. La discipline a pris de l’im- ment, il n’existe donc pratiquement
sieurs informations. En séquen- portance, comme le montre la découverte de l’homme aucune information sur ces humains
çant les chromosomes sexuels, les de Denisova, mais les tensions sont fréquentes entre proches et pourtant vraisemblable-
auteurs ont pu déterminer que ces paléogénéticiens et archéologues. ment différents des Néandertaliens.
restes étaient ceux d’une jeune fille, La découverte des Dénisoviens, et
Différence culturelle
À l’instar de la datation au car-
bone 14 dans la seconde moitié
du XXe siècle, ces changements
ont révolutionné l’approche de la Ces fragments d’os de Denny, découverts
Thomas higham, UniversiTy of oxford - max PLanCK insTiTUTe for evoLUTionary anThroPoLogy
niques que sont les analyses ADN ossements communs, cette pra- ciens invoquent souvent la nécessité
et la datation au radiocarbone : les tique peut être tolérable, ce n’est de faire progresser techniquement la
archéologues n’ont plus à se sou- pas le cas pour des fossiles plus paléogénétique et, dans un sens, ils
cier de détails comme l’âge des anciens, comme ceux du Paléo- ont raison. Mais on peut se deman-
vestiges et peuvent se concentrer lithique (de -2,5 millions d’années der si, pour ce faire, ils n’auraient
davantage sur les questions de à -12 000), qui sont plus rares et pas dû utiliser des spécimens moins
fond, comme l’organisation des plus précieux. Une problématique emblématiques, complets ou rares. »
sociétés anciennes (2) . de conservation se pose alors. Quels Parmi les spécimens concernés
Et aussi…
ARCHÉOLOGIE
CERVEAU
Horloge neurale
Des neuroscientifiques norvégiens
ont identifié le circuit cérébral qui
permet d’associer une tempora-
lité et une chronologie aux évé-
nements vécus. Ce circuit est logé
dans le cortex entorhinal latéral
(LEC), structure cérébrale pro-
fonde proche de l’hippocampe, où
se forme la mémoire. Le LEC est voi-
sin du cortex entorhinal médian, où
se trouvent les « cellules de grilles »,
sorte de GPS neuronal encodant la
position. Les informations émanant
LES PLUS VIEILLES PEINTURES FIGURATIVES À BORNÉO Cette peinture rouge orangé, de ces deux structures seraient donc
en partie effacée, fgurerait un grand ongulé (un banteng), dont le fanc est percé par une lance. intégrées par l’hippocampe sous la
Elle est caractéristique du style d’art pariétal le plus ancien que l’on trouve sur l’île de Bornéo, forme d’une représentation unifiée
en Indonésie. L’âge de cette représentation est estimé à 40 000 ans environ, d’après les du temps, de l’espace et de l’événe-
échantillons de carbonate de calcium prélevés sur des motifs juste à côté. ment : un souvenir. n
M. Aubert et al., Nature, doi:10.1038/s41586-018-0679-9, 2018. A. Tsao et al., Nature, 561, 57, 2018.
177 000 PALÉONTOLOGIE
Ce cannabis du cerveau
utile à la mémoire
près l’Uruguay, le Canada est Des neurobiologistes de l’Inra et de l’In- évitée par l’animal. Même si l’odeur n’est
A devenu, depuis octobre, le
deuxième pays du monde à
serm ont mis en évidence une nouvelle
fonction de ce système : la mémoire asso-
pas directement liée au malaise gastrique,
les rongeurs lui attribuent, par associa-
légaliser le cannabis. Le principal composé ciative indirecte (1) . Voyons un exemple. tion, une valeur répulsive. Ce phénomène
psychoactif de cette plante est le tétrahy- Dans un restaurant du bord de mer, je concerne également des stimuli « attrac-
drocannabinol (THC) : il produit des effets déguste un délicieux plat de fruits de mer, tifs », et s’étend à la vision et à l’ouïe.
mentaux et physiques – des changements sous un parasol rouge. Quelque temps plus
de perception, d’humeur, d’appétit. tard, je déguste à nouveau des fruits de mer, SUR LE PLAN NEURONAL, les cher-
D’autres conséquences sont souvent citées, mais dans un autre contexte. Manque de cheurs ont montré que cette forme d’ap-
comme une tendance accrue à la schizo- chance, je tombe malade. Si, par la suite, prentissage associatif nécessite l’activa-
phrénie ou des effets sur la mémoire et le je retourne dans le même restaurant, j’évi- tion des récepteurs cannabinoïdes CB1R
quotient intellectuel, même si ces derniers terai alors le parasol rouge et me placerai des neurones inhibiteurs de l’hippocampe,
sont encore discutés. Un autre composé, le sous le bleu. Même s’il n’y a aucune relation structure cérébrale indispensable à l’ap-
cannabidiol (CBD), qui régule l’action du prentissage et à la mémoire. Par ailleurs,
THC, est relaxant, mais pas hallucinogène. ces associations augmentent l’expression
de ce type de récepteurs dans l’hippo-
SI CES MOLÉCULES ont un effet, c’est campe et la plasticité neuronale. En plein
parce qu’elles sont « reconnues » par le Les cannabinoïdes débat sociétal sur le cannabis, de son usage
cerveau. Concrètement, elles se lient à des endogènes médicinal à la légalisation de sa consom-
récepteurs synaptiques, principalement les mation, cette découverte met en évidence
cannabinoïdes de type 1 (CB1R). Il va sans
jouent un rôle une nouvelle fonction fascinante des can-
dire que l’évolution n’a pas sélectionné ces dans l’association nabinoïdes endogènes et rappelle l’impor-
récepteurs en prévision d’une consomma- d’informations ” tance d’approfondir nos connaissances sur
tion récréative de cannabis. En fait, le cer- ce système modulateur. De fait, des ques-
veau humain produit naturellement son entre la couleur du parasol et le fait d’avoir tions aussi épineuses que passionnantes
propre cannabis – les « cannabinoïdes été malade ailleurs, un processus associe surgissent : ce système est-il impliqué
endogènes » ou « endocannabinoïdes ». ces informations, étiquetées comme de dans l’altération de la mémoire associa-
Ces molécules font partie d’un système mauvais souvenirs. tive observée dans certaines pathologies,
cérébral composé d’enzymes impliquées Pour étudier cette mémoire indirecte, les comme la schizophrénie ou les états psy-
dans leur synthèse et leur dégradation, neuroscientifiques ont mis au point des chotiques ? Est-il mobilisé par d’autres
et aussi de plusieurs récepteurs, dont le modèles comportementaux d’appren- structures cérébrales ? Comment le canna-
CB1R. Des années de recherche ont per- tissage associatif indirect. En clair, ils ont bis récréatif interfère-t-il sur l’équilibre de
mis d’établir que ce système endocanna- présenté à des souris une odeur (banane ce système ? Nous avons encore peu d’in-
binoïde, largement répandu chez les ver- ou amande) et un goût (sucré ou salé), de formations sur ces questions. Poursuivre
tébrés, module l’activité neuronale. Il joue façon répétée et simultanée, sans consé- ces travaux est donc essentiel. n
un rôle important dans le développe- quence particulière pour l’animal. Ils ont (1) A. Busquets-Garcia et al., Neuron, 99, 1247, 2018.
ment du système nerveux central, la plas- ensuite associé l’un de ces goûts à une
ticité synaptique et la réponse aux agres- injection déclenchant un malaise gastrique Mariana Alonso est neuroscientifique au laboratoire
sions endogènes et environnementales comparable à une intoxication alimentaire. perception et mémoire de l’Institut Pasteur.
(régulation de la réponse immunitaire et Résultat : l’odeur initialement associée ➔Cette chronique est proposée en alternance avec celle
réponse au stress). Mais pas seulement ! à ce goût – et aucune autre – est ensuite d’Adrien Peyrache, de l’université McGill, au Canada.
DR
E
n 1997, dans le film capables de restaurer une fonc- équipe ont remplacé les trachées de
Le Cinquième Élé- tion ou une structure. Outre le treize malades, détériorées par des
ment, Luc Besson manque de greffons, on espère lésions, le plus souvent des tumeurs.
mettait en scène la ainsi résoudre l’un des principaux Les médecins ont utilisé des aortes
régénération d’un problèmes de la greffe d’organes : (issues du don d’organes) qu’ils ont
organisme entier à la compatibilité immunologique renforcées avec un stent, petit res-
partir d’une seule cellule parfaite… entre le receveur et le donneur. En sort fréquemment utilisé en chirur-
Vingt ans plus tard, la bio-ingénie- utilisant les cellules du malade pour gie. Ils ont ensuite implanté l’en-
rie tissulaire n’est pas près de satis- faire pousser un nouvel organe sain, semble et laissé la nature agir. « Nous
faire les fantasmes du réalisateur le succès des greffes sera amélioré, (*) L’épithélium avons réussi à faire coloniser notre
français, mais elle commence à les greffés libérés des traitements est un tissu constitué trachée issue de la bio-ingénierie
produire ses premiers organes. antirejet et l’ensemble du système de cellules juxtaposées, par de l’épithélium (*) et observé une
Des chercheurs de l’université du simplifié, puisque chaque bénéfi- comme celles qui recouvrent réparation du cartilage », souligne
le corps (peau) ou des
Texas Medical Branch à Galveston ciaire sera son propre donneur. cavités internes (bouche, Emmanuel Martinod.
ont publié les succès des transplan- Aujourd’hui, cette approche affiche estomac, etc.).
tations de poumons issus de la ses premiers succès cliniques Risque de rejet évité
bio-ingénierie chez quatre cochons, pour des organes complexes. En Mais le poumon est un organe
réalisées entre 2014 et 2017 (1) . La mai 2018, la première implantation bien plus complexe. Responsable
bio-ingénierie tissulaire entrecroise d’un organe artificiel respiratoire a des échanges gazeux entre l’air
des techniques de génie biologique, été réalisée en France, à l’hôpital et le sang, il présente une archi-
de la science des matériaux et d’in- Avicenne, à Bobigny (2) . Emmanuel tecture hiérarchisée et fortement
génierie mécanique afin de fabri- Martinod, chef du service de chirur- vascularisée afin d’alimenter en
quer des substituts biologiques gie thoracique et vasculaire, et son oxygène les machineries énergé-
tiques cellulaires de tout le corps.
Les chercheurs aux États-Unis ont
Contexte Les progrès de la médecine améliorent l’état donc assemblé deux éléments : une
général de nombreux patients soufrant de perte de fonction d’un matrice et des cellules. En utilisant
organe. Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à pouvoir pré- des cellules du receveur, ils évitent
tendre à la transplantation. Mais, en parallèle, la sécurité routière le risque de rejet. Pour la matrice,
s’améliorant, les donneurs potentiels se raréfent. Une équation ils ont prélevé, sur un autre cochon,
insoluble que la bio-ingénierie tissulaire propose de résoudre en un poumon qu’ils ont traité afin
produisant des organes sur mesure en laboratoire. d’enlever tout le matériel biolo-
gique vivant. Ne reste alors que
Sur cette « ossature » d’un poumon de cochon placé dans un bioréacteur, les chercheurs ont fait pousser des cellules du cochon receveur.
les plus prometteuses », reconnaît cultivant les cellules des patientes décembre 2017. (4) T. Takebe et al., Cell Reports, 10, 2661, 2017.
La ville, un problème de
taille pour les invertébrés
La chaleur favorise les espèces les plus petites. Mais la fragmentation des habitats
avantage les grandes, qui migrent plus facilement d’un milieu à l’autre. D’après
une équipe belge, en ville, ces deux facteurs jouent, mais différemment selon
les groupes. Ainsi, les araignées ont tendance à rapetisser, à l’inverse des papillons.
Ces évolutions bouleversent le fonctionnement de tout l’écosystème.
S
i vous avez déjà pollution…) sur une espèce ou sur quets) qu’aquatiques (puces d’eau,
croisé un cafard une famille d’espèces. L’ambition de crustacés). « Nous nous sommes
de 5 cm de long l’étude parue en 2018 dans Nature efforcés de choisir des terrains d’obser-
en ville, peut-être est de comprendre l’interaction de vation variés. Nous avons sélectionné
vous êtes-vous deux facteurs sur plusieurs cen- des sites présentant des degrés divers
posé la question : taines d’espèces. d’urbanisation », explique Hans Van
les espèces urbaines sont-elles Dyck. Grâce à des modèles statis-
95 001
plus grosses ou plus petites qu’à la Îlots de chaleur urbaine tiques, les chercheurs examinent dif-
campagne ? Tout dépend, répond « Nous avons choisi de nous inté- férents paramètres et en déduisent
l’équipe de Hans Van Dyck, au resser à de petits invertébrés, car ils un degré d’urbanisation qui permet-
Centre de recherche sur la biodi- sont nombreux et se reproduisent tra d’analyser le changement des dif-
versité, à Louvain-la-Neuve, en Bel- rapidement. On peut donc assez vite férentes caractéristiques des popula-
gique. La faune urbaine est en effet C’EST LE NOMBRE juger du changement des popula- tions en fonction de celui-ci.
soumise à deux pressions contra- D’INVERTÉBRÉS, tions », indique Hans Van Dyck. « En Les zones urbaines se distinguent
dictoires, l’une favorisant les petites issus de 81 sites de la tout, nous avons identifié et com- essentiellement des zones rurales
tailles, l’autre les grandes. Si, pour région de Bruxelles paré la taille de 95 001 individus de par deux paramètres. Le premier est
les araignées, ce sont les petites et de Flandre, dont la 702 espèces d’invertébrés, issus de la température, puisqu’il fait envi-
espèces qui prédominent en ville, taille a été mesurée 81 sites dans la région de Bruxelles ron 1 à 2 °C de plus en ville qu’à la
on y retrouve des espèces de papil- dans l’étude et en Flandre », explique son col- campagne. Cet effet d’îlot de cha-
lons plus grandes (1) . de Hans Van Dyck lègue Thomas Merckx, coauteur de leur urbaine se fait essentiellement
La question n’est pas anecdotique. et son équipe. ce travail réalisé par un consortium sentir la nuit et en été. L’autre élé-
Le changement climatique et l’ur- de près de trente chercheurs. Dans le ment qui caractérise les zones
banisation galopante façonnent lot se trouvent aussi bien des espèces urbaines est la fragmentation des
notre environnement en profon- terrestres (araignées, scarabées, cri- habitats : les parcs, les zones vertes
deur. Et pour anticiper la manière et les plans d’eau sont en général
dont les populations animales, en éloignés les uns des autres, et sépa-
général, réagissent à ce change-
Contexte Alors que les villes continuent de rés par des zones difficiles à fran-
ment, les chercheurs bâtissent des gagner du terrain dans le monde et que les tempéra- chir pour les animaux – comme des
modèles à partir de leurs obser- tures moyennes s’élèvent, la faune évolue. Les zones routes, des habitations –, car ils n’y
vations sur le terrain. Jusqu’ici, urbaines hébergent une population moins diverse et retrouvent aucun de leurs repères
les études ont essentiellement moins fournie que les zones rurales. La composition habituels – couleurs, odeurs, etc.
concerné l’effet d’un facteur unique de ces populations change aussi. Or, si l’on en croit la littérature
(la température, l’acidité de l’eau, la scientifique, ces deux paramètres
urbains, plus chauds, contiennent le même qu’en milieu rural. dants en ville qu’à la campagne. n
moins d’oxygène et sont peu pro- La modification de la taille des Anne Debroise
pices aux espèces plus grosses », pré- papillons peut aussi affecter la pol- (1) T. Merckx et al., Nature, 558, 113, 2018.
cise Thomas Merckx. Mais il y a des linisation des plantes. À terme, c’est (2) D. Atkinson, Adv. Biol. Res., 25, 1, 1994.
M
ettre une colo- parvenue. Après avoir fait cohabiter molécule capable de couper l’ADN,
nie de mous- 300 femelles d’Anopheles gambiae, l’enzyme Cas9, d’une molécule qui
tiques K.-O. ! l’une des espèces responsables de va guider Cas9 à l’endroit choisi sur
Un rêve pour la propagation du paludisme en l’ADN et d’un gène synthétique qui
les popula- Afrique, et 300 mâles, dont la moi- apportera les caractéristiques choi-
t i o n s f ra p - tié a été génétiquement modi- sies. « La cassette gene drive se com-
pées par le paludisme, la dengue,
le chikungunya ou le virus Zika.
fiée, la population s’est éteinte en
sept générations dans une cage, et 300 porte comme un élément égoïste,
puisqu’elle provoque une cassure
Pour y parvenir, les biologistes four- onze dans une autre (1) . dans les chromosomes naturels
bissent leurs armes. Après les agents L’équipe londonienne et celle qu’elle rencontre à l’occasion des
chimiques, voici l’ère des mous- d’Anthony James, à l’université fécondations, explique Éric Marois,
tiques mutants. Grâce aux progrès de de Californie à Irvine, se sont inté- MOUSTIQUES qui travaille sur cette technique à
la génétique, il est possible de modi- ressées au forçage génétique dans MÂLES, dont la l’Institut de biologie moléculaire et
fier l’ADN de ces insectes pour les les années 2000. La mise au point, moitié a été cellulaire (CNRS, Inserm, université
rendre infertiles ou pour empêcher en 2012, des ciseaux génétiques génétiquement de Strasbourg). Ces chromosomes se
leur infection par un agent patho- CRISPR-Cas9 a rendu cette tech- modifée, ont été réparent généralement en recopiant
gène. Et, surtout, des équipes ont nique accessible. Les équipes ont utilisés pour cette cassette égoïste pour “boucher la
réussi à faire en sorte qu’une muta- conçu une boîte à outils génétique l’expérimentation cassure”, mais ils ne savent pas qu’un
tion induite sur quelques spécimens capable de se transmettre de géné- de forçage génétique élément artificiel se trouve à l’endroit
se propage, au fil des générations, à ration en génération et d’intégrer menée à l’Imperial même de la cassure sur le chromo-
toute une colonie de moustiques la mutation voulue à chaque indi- College de Londres. some homologue transgénique qu’ils
en cage. Les spécialistes parlent de vidu. Cette boîte à outils, ou cas- utilisent comme matrice de répara-
forçage génétique ou gene drive. sette gene drive, se compose d’une tion. » Cette boîte à outils molécu-
La technique a été mise au point laire fait ainsi du « copier-coller »
en 2015. Jusque-là, des biologistes génétique à la chaîne…
avaient apporté des preuves de sa
Contexte Le paludisme est une maladie due à
faisabilité chez les moustiques, mais des parasites transmis à l’homme par des piqûres de Le gène doublesex
aucun n’avait réussi à les éliminer moustiques femelles infectés. En 2016, 216 millions Dans leur expérimentation, Andrea
totalement en laboratoire. de cas ont été recensés dans le monde, provoquant Crisanti et Tony Nolan ont ciblé un
Pour la première fois cette année, 445 000 décès. L’Afrique représente 90 % des cas et gène d’Anopheles gambiae appelé
l’une des équipes pionnières, celle 91 % des décès. Le moustique Anopheles gambiae est le doublesex. Lors du développe-
d’Andrea Crisanti et de Tony Nolan, principal vecteur du paludisme en Afrique subsaharienne. ment embryonnaire, il est impliqué
à l’Imperial College de Londres, y est dans la différenciation sexuelle du
10
I
ls sont aujourd’hui 19 ex- En octobre 2018, l’Agence euro- recherche de l’Institut des mala-
malades de la bêta-thalassé- péenne des médicaments a en effet dies génétiques Imagine.
mie. Nés avec une forme grave annoncé que le dossier de demande Tous les volontaires souffraient
de cette maladie héréditaire d’autorisation de mise sur le mar- d’une des formes les plus handi-
du sang, ils vivent désormais ché déposé par le laboratoire amé- capantes de bêta-thalassémie.
normalement. Ils n’ont plus ricain Bluebird Bio était accepté, et Cette maladie héréditaire résulte
besoin de se rendre à l’hôpital pour qu’il devrait bénéficier d’un traite- de la mutation qui affecte l’hémo-
recevoir leur transfusion mensuelle ment accéléré. globine, la protéine des globules
et sont libérés de la fatigue conti- Cette bonne volonté affichée est rouges transportant l’oxygène dans
nuelle due à l’anémie. Beaucoup la conséquence des résultats la circulation sanguine. Chez les
témoignent, comme cette jeune prometteurs de quatre essais personnes saines, cette protéine
femme de 24 ans qui a reçu le trai- cliniques de phase 1-2 dévoi- est constituée de quatre chaînes
tement il y a quatre ans, de leur sen- lés en avril 2018 ( 1 ) , ayant de deux types différents : deux
timent d’être, enfin, « comme tout le impliqué 22 volontaires, dont chaînes alpha et deux bêta.
monde ». Pourtant, jusqu’ici, la bêta- 4 en France. Ceux-ci ont été Chez les malades, le gène codant
thalassémie était jugée incurable. Le traités à l’hôpital Necker-Enfants la chaîne bêta est muté. On recense
traitement de thérapie génique que malades, à Paris, sous la supervision plus de 200 mutations patholo-
ces malades ont reçu en 2013, bap- de Marina Cavazzana, responsable Pour réparer giques, qui abolissent ou réduisent
tisé LentiGlobin, devrait être bientôt du département de biothérapie génétiquement des l’expression de la chaîne bêta.
disponible sur le marché européen. à l’hôpital Necker et directrice de cellules défectueuses, « On peut vivre normalement avec
les chercheurs utilisent un seul des deux gènes défectueux,
des virus modifés, tel et même devenir champion sportif,
Contexte Depuis les premiers succès en demi-teinte de la
celui du VIH, comme
comme Pete Sampras ou Zinédine
agent modifcateur.
thérapie génique, la sécurité et l’efcacité des protocoles ont été Zidane, tous deux porteurs du trait
renforcées. Les premières thérapies pour corriger des maladies thalassémique », indique Thierry
monogéniques rares sont désormais disponibles sur le marché. VandenDriessche, de la Vrije Uni-
Mais avec les hémoglobinopathies – bêta-thalassémie et drépano- versiteit Brussel. Mais, lorsque
INGRAM/BSIP
cytose –, qui sont les maladies monogéniques les plus répandues, chacun des parents a légué un gène
un nouveau cap est en train d’être franchi. défectueux à l’enfant, il souffre
de bêta-thalassémie sévère. Son
VandenDriessche. En 2016, la
première autorisation de mise
sur le marché accordée pour une
telle thérapie en Europe concernait
le Strimvelis, qui soigne un défi-
cit immunitaire touchant environ
15 enfants par an en Europe.
La forme sévère de la bêta-thalassé-
mie touche 288 000 personnes dans
le monde. Cette fréquence élevée
s’explique : la présence d’un gène
muté protège en effet contre les
effets les plus graves du paludisme.
L’évolution a donc favorisé sa per- Les malades atteints d’une forme grave de bêta-thalassémie produisent peu de globules rouges
sistance dans les régions où sévit fonctionnels (en haut, vus au microscope). Ils doivent donc être transfusés une fois par mois.
Les lentivirus ont été utilisés préparer les malades avant la réin-
sur plus de 200 patients, et aucun jection des cellules réparées pour
qu’elles prennent la place des cellules
n’a montré de signe alarmant malades. » Les résultats sont à la hau-
teur de leurs efforts : entre 80 et 100 %
de prolifération cellulaire ” des cellules souches traitées sont cor-
Marina Cavazzana, du département de biothérapie à l’hôpital Necker rigées. Surtout, quelques semaines
à quelques mois après la greffe,
Harvard, près de Boston, et au obtiennent après une transfusion 12 des 13 patients les moins sévè-
CEA de Fontenay-aux-Roses par sanguine. Le jeune homme soigné rement atteints n’ont plus besoin
Philippe Leboulch, en collabora- peut donc s’en passer. de transfusion. Chez les 9 patients
tion avec la société de biotechno- Où le gène s’est-il inséré ? Le séquen- les plus malades, 3 se passent de
logie américaine qu’il a fondée, çage de l’ADN indique que, dans la transfusion. Et, chez les 6 restants,
Bluebird Bio. Le vecteur mis au point moitié des cellules modifiées, le vec- le volume des transfusions a dimi-
est dérivé du virus de l’immunodé- teur viral s’est inséré dans le gène nué de 73 % en moyenne. « C’est un
ficience humaine (VIH), particuliè- qui code la protéine HMGA2, une tour de force car, pour corriger un sys-
rement efficace pour transférer de molécule qui participe également à tème qui produit une grande quan-
grands fragments d’ADN dans les la prolifération cellulaire. Chez une tité de globules rouges [5 000 mil-
cellules souches du sang. Le vecteur personne saine, cette protéine s’ex- liards par litre de sang, NDLR], il
LentiGlobin BB305 insère ainsi la prime peu. Mais on la retrouve dans faut rendre le protocole très efficace »,
longue séquence codant la chaîne certains types de cancer et en quan- salue Anne Galy.
bêta des hémoglobines et tous tité chez le patient. Si ce constat a Les patients continueront à être sui-
les éléments accessoires régulant pu inquiéter les équipes au début, vis pendant quinze ans. Pour Thierry
son expression. il semble, dix ans après, n’avoir eu VandenDriessche, « dans le contexte
Un premier essai clinique, com- aucune conséquence sur sa santé. de la bêta-thalassémie, la greffe pour-
mencé en 2007, concerne un jeune « Les lentivirus, ces vecteurs dérivés rait avoir un effet permanent ». « Cet
homme de 18 ans souffrant d’une du VIH, ont été utilisés depuis plus de essai marque un cap, renchérit
forme grave de bêta-thalassémie. dix ans sur plus de 200 patients dans Marina Cavazzana. Il témoigne des
Ses cellules souches sont prélevées, des essais pour différentes maladies POUR EN progrès effectués en thérapie génique
SAVOIR PLUS
puis corrigées en laboratoire par le génétiques, et aucun n’a montré de par addition de gène. » Ce résultat
nwww.inserm.fr/
vecteur lentiviral. Pendant ce temps, signe alarmant de prolifération cel- constitue un formidable espoir pour
information-en-sante/
le patient subit une chimiothérapie, lulaire », insiste Marina Cavazzana. tous ceux qui souffrent de maladies
dossiers-information/
qui détruit les cellules défectueuses génétiques, notamment de drépa-
Bien préparer les malades therapie-genique
présentes dans sa moelle osseuse. nocytose. Cette maladie du sang, très
Le dossier de l’Inserm
« Il faut préparer le corps à recevoir Ces bons résultats conduisent au semblable à la bêta-thalassémie, est
sur la thérapie génique,
les cellules corrigées. Le condition- lancement, en 2013, de quatre essais à l’origine de plus de 100 000 morts
à lire en ligne.
nement des patients est l’une des cliniques de phase 1-2 pour confir- chaque année dans le monde. En
clés qui ont permis cette prouesse mer l’innocuité et l’efficacité de la 2017, l’équipe de l’hôpital Necker
clinique et médicale », explique thérapie. Au total, 22 patients âgés de avait publié les détails de la greffe,
Anne Galy, directrice de recherche 12 à 35 ans seront traités, dont 14 aux réussie, de cellules souches corri-
Inserm au Généthon. Les résultats États-Unis, 2 en Australie, 2 en Thaï- gées, chez un jeune drépanocytaire,
de cet essai, publiés en 2010, sont lande et 4 en France. Le protocole est avec une technique identique à celle
très encourageants : plus de 10 % amélioré. « Nous avons dû surmon- utilisée pour la bêta-thalassémie (4) .
des cellules souches de la moelle ter des difficultés, témoigne Marina Les résultats d’autres essais, de plus
osseuse contiennent désormais le Cavazzana. La première consistait grande ampleur, devraient bientôt
gène corrigé ; et 3 % des précurseurs à produire des vecteurs en quantité être publiés. n Anne Debroise
de globules rouges (3) . Mais sur- assez élevée pour pouvoir corriger un (1) A. A. Thompson et al., NEJM, 378, 1479, 2018.
tout, la concentration d’hémoglo- maximum de cellules souches. Nous (2) M. Cavazzana-Calvo et al., Science,
288, 669, 2000.
INStItUt ImagINe
Le déclin de
la biodiversité
D’ici à 2050, 38 à 46 % des espèces animales et
végétales pourraient disparaître dans le monde.
Tel est le constat dressé par la Plateforme inter-
gouvernementale scientifique et politique sur
la biodiversité et les services écosystémiques
(abrégée IPBES en anglais), qui a mobilisé,
BIOLOGIE durant trois ans, 550 chercheurs bénévoles. À Le rhinocéros blanc fait partie des espèces
LES MACAQUES ZHONG ZHONG l’échelle de l’histoire de la Terre, cela représente animales menacées.
ET HUA HUA sont les premiers la sixième grande extinction. « Nous sommes
primates issus d’un clonage dépendants du bon état des écosystèmes et de à la lutte contre les changements climatiques,
par transfert de noyau somatique, la biodiversité, explique Sandra Lavorel, spé- via la capture du carbone ou la régulation de la
la technique qui a donné cialiste de l’écologie fonctionnelle au CNRS. température. En Europe, les mousses et plantes
naissance à la brebis Dolly en Et l’exemple le plus évident est peut-être le rôle hépatiques, les poissons d’eau douce et les
1996. Les biologistes de Shanghai, des pollinisateurs dans notre agriculture. » La amphibiens sont particulièrement en danger. n
en Chine, voudraient créer des biodiversité participe aussi à la dépollution et tinyurl.com/IPBES-declin
lignées de primates modélisant
des pathologies cérébrales,
comme Alzheimer ou Parkinson.
SANTÉ
Z. Liu et al., Cell, 172, 881, 2018.
Et les astrocytes devinrent neurones !
QIANG SUN/INSTITUTE OF NEUROSCIENCE/CHINESE ACADEMY OF SCIENCES - RAYMOND ROIG/AFP - SCIENCE SOURCE/BSIP
MÉDECINE
Dans un article publié sur la plateforme ou lors d’accidents vasculaires cérébraux.
Les progrès de la bioRxiv, Hongkui Deng et son équipe, bio- D’où l’idée de les utiliser pour remplacer les
thérapie génique logistes à l’université de Pékin, expliquent
comment ils sont parvenus pour la pre-
neurones détruits. La transdifférenciation
consiste à injecter un cocktail moléculaire
L’équipe de Federico Mingozzi, du mière fois à transformer des astrocytes en dans le cerveau pour reprogrammer géné-
Généthon, à Évry, a démontré chez neurones fonctionnels. Les astrocytes sont tiquement les cellules d’un certain type en
l’animal qu’il est possible de réadmi- les cellules qui servent habituellement un nouveau type cellulaire. Et cela sans les
nistrer un médicament de thérapie de support nutritionnel et protecteur aux rendre pluripotentes, c’est-à-dire sans les
génique par vecteur viral. Cette pre- neurones. Dix fois plus nombreux que ces rendre immatures au préalable. Pour ce faire,
mière ouvre des perspectives. La thé- derniers, les astrocytes sont souvent épar- les chercheurs ont identifié trois molécules
rapie génique, qui consiste à injec- gnés par les maladies neurodégénératives dont la présence suffit à activer les gènes
ter un gène-médicament dans un responsables de la structure particulière
organisme grâce un virus modifié, des neurones. En injectant ce cocktail dans
a en effet une limite : une fois injec- une structure cérébrale baptisée « striatum »,
tés, les virus induisent une réaction les biologistes sont parvenus à transformer
immunitaire du sujet, qui empêche des astrocytes en neurones chez des souris
de réadministrer le produit. Pour vivantes. Au bout de seize jours, ces nou-
contourner le problème, les biolo- veaux neurones ont été capables de trans-
gistes ont utilisé des nanoparticules mettre un courant excitateur, ce qui montre
de rapamycine, qu’ils ont injectées bien qu’ils ont formé des connexions avec
simultanément au vecteur viral par leurs voisins. Une preuve de concept encore
voie intraveineuse. n Les astrocytes se trouvent en abondance loin d’une application clinique. n
A. Meliani et al., Nat. Commun., doi:10.1038/ dans la substance grise. Y. Ma et al., bioRxiv, doi:10.1101/305185, 2018.
s41467-018-06621-3, 2018.
cosmologiques. Faisant le lien prisme des allers-retours entre vendre les conclusions auxquelles nous
Jean-Philippe Uzan, entre ces deux piliers des observations et théories. avons abouti. Ce n’est qu’à ce prix que
Flammarion, sciences que sont théorie et Cette démonstration mettant la l’on parviendra, espérons-le, à redonner
octobre 2018, 304 p., 21 € observation, sa description de démarche scientifique au centre confiance et à faire qu’au niveau politique,
(14,99 € en version
numérique). l’échafaudage qui a mené à de la réflexion tombe juste. la connaissance scientifique soit prise au
l’idée de Big Bang distingue ce Salutaire et passionnant. Ph. P. sérieux, pas simplement comme une jus-
tification a posteriori. Pour moi, c’est
important en tant que scientifique, comprendre la singularité initiale, ce que comprendre. Plus de 1 000 personnes tra-
mais aussi en tant que citoyen. l’on appelle communément le Big Bang. vaillent sur le satellite de l’Agence spatiale
evenons à l’Univers : quels sont
R Celle-ci apparaît dans un cadre théorique européenne, Euclid, qui devrait être lancé
les éléments qui font consensus donné et souligne avant tout la limite de en 2022 et qui permettra de cartographier
et ceux qui sont plus discutés ? cette construction. En étendant ce cadre, la matière noire, dont la nature reste mys-
L’Univers est en expansion, ce qui veut dire on aborde alors des questions telles que : térieuse, de préciser l’expansion de l’Uni-
que l’espace se dilate au cours du temps. qu’y avait-il avant le Big Bang ? Existe-t-il vers et de tester la relativité générale aux
Et donc, si on extrapole dans le passé, il d’autres univers, ainsi que le prétendent échelles astrophysiques. Le Large Synop-
émerge d’une phase primordiale très les modèles de multivers ? Ces explora- tic Survey Telescope (LSST), grand téles-
chaude, très dense et à l’équilibre ther- tions sont nécessaires, car elles façonnent cope américain situé au Chili, sera dédié à
modynamique. Cela fait consensus parce les recherches du futur, éventuellement les l’étude de l’expansion de l’Univers, en par-
que c’est fondé sur des théories validées projets observationnels. Mais leur statut ticulier pour mieux comprendre son accé-
dans les gammes d’énergie où, dans les est très différent : elles se fondent sur des lération récente. Il devrait entrer en fonc-
accélérateurs de particules, les choses tion fin 2019-début 2020. L’espoir est que
sont bien comprises et contrôlées. Cela toutes les nouvelles informations récoltées
fait aussi consensus car on dispose d’ob- Notre savoir révèlent quelques inconnues, et peut-être
servations conformes à cette reconstruc-
tion. Ensuite, la phase d’inflation primor-
sur l’Univers quelques fils à tirer, qui nous permettront
de repartir vers de nouveaux modèles et de
diale – une expansion brusque et brève est très récent nouvelles questions. La science, c’est tou-
de l’Univers à ses premiers instants – jours un pari fait sur l’avenir.
possède un certain crédit, parce qu’on pans théoriques plus spéculatifs et ne sont u côté de la théorie, on a
D
ne dispose actuellement d’aucune autre pas étayées par des observations. Il n’est l’impression que la situation stagne…
explication et parce que ses implications donc pas étonnant que ces affirmations se Les choses paraissent bloquées, en effet.
observationnelles sont en accord avec les contredisent, apparaissent, disparaissent. La difficulté est de relier la relativité géné-
mesures. Mais, attention, il ne s’agit pas Cela ne remet pas en cause ce qui a été éta- rale, qui décrit la gravitation, et la physique
d’une preuve directe de validité, et la cré- bli par le modèle standard. quantique, qui décrit la matière et les inte-
dibilité de l’inflation est débattue dans la eaucoup d’instruments performants
B ractions non gravitationnelles. Les cher-
communauté. sont en construction et devraient nous cheurs ont exploré de nombreuses exten-
t si l’on remonte encore dans
E permettre d’avoir des éléments de sions de la relativité générale, sauf que
l’histoire de l’Univers ? réponse dans la prochaine décennie. toutes ces extensions un peu phénomé-
Là, on arrive dans les aspects les plus dis- O ui, et c’est enthousiasmant parce nologiques sont détachées des construc-
cutés, car ils sont plus spéculatifs. De nom- qu’on a de grandes questions et que l’on tions de gravité quantique, elles aussi
breux modèles et constructions tentent de est capable de dire : là, il y a un truc à explorées par ailleurs. On sait que l’on va
devoir étendre la relativité générale pour
construire une théorie de la gravitation
quantique, mais à des échelles d’énergie
tellement élevées que l’on ne pense pas
que cela ait une influence sur le pro-
blème de la matière noire et sur l’ori-
gine de l’accélération, par exemple.
C’est comme si l’on avait deux
mondes déconnectés et que l’on
était sans moyen, pour l’instant, de les
relier. Quand vous voulez formuler une
nouvelle théorie, il faut avoir quelques
idées qui proviennent de l’expérience et de
l’observation pour vous aiguiller. Les théo-
riciens ont exploré des pistes, ils ont géné-
Cette carte du fond diffus cosmologique, témoin de l’Univers primordial, a été obtenue ralisé les théories les plus simples, ils ont
ESA
à l’aide du satellite Planck, développé par l’Agence spatiale européenne. commencé à classifier les modèles mais,
éjectée sont dans un état de plasma, et d’influencer l’environnement où se déve- programme de mesure a été l’objet de tous
que ce sont les quelques particules énergé- loppent les espèces vivantes ! […] les désirs des astronomes, mais sa mise en
tiques en amont du choc qui créent elles- application pratique butait sur des obsta-
mêmes des champs magnétiques. Quand Imaginons que nous cles qui semblaient insurmontables. L’exis-
on calcule le spectre en énergie attendu disposons d’une tence de chandelles standard est loin d’être
pour ce modèle, on trouve un spectre de chandelle standard assurée. Certes, on peut considérer des
type E–2 qui correspond aux observations (c’est-à-dire d’une source lumineuse de étoiles, mais celles-ci présentent en géné-
du spectre des rayons cosmiques. puissance connue) en de nombreux exem- ral des luminosités intrinsèques très diffé-
Ce schéma a été détaillé quantitativement plaires tous identiques, et répartissons-les rentes et, de plus, elles ne sont pas visibles
suite à des observations approfondies partout dans l’Univers. Une fois de retour dans l’Univers lointain. On y distingue à
de rémanents de supernovae. On a ainsi sur Terre, nous pourrions tirer deux carac- peine des galaxies entières ; inutile d’espé-
observé un rayonnement de type synchro- téristiques de leur observation. D’une part, rer y voir des étoiles individuelles. Il fallait
tron émis par des électrons avec une éner- la puissance lumineuse apparente, c’est-à- donc imaginer des objets bien plus lumi-
gie de l’ordre du TeV [téraélectronvolt, soit dire l’énergie du rayonnement électroma- neux ! Peu après la découverte des superno-
1012 électronvolts, NDLR] dans les régions gnétique reçu par unité de surface et de vae, en 1938, Walter Baade a suggéré de les
correspondant aux chocs. On a aussi temps. Dans le cas d’un Univers statique, utiliser pour ce faire. Cette intuition géniale
observé des photons de très haute énergie cette énergie est inversement proportion- restera néanmoins sans conséquences pra-
émis par ces régions du ciel, dont certains nelle au carré de la distance entre nous et la tiques pendant une longue période. […]
trouvent leur origine dans des protons for- source. D’autre part, nous pourrions aussi Selon le modèle communément admis, les
tement accélérés qui ont ensuite subi des mesurer, pour chaque source lumineuse, supernovae de type Ia correspondent à des
interactions avec les noyaux du gaz envi- son décalage vers le rouge, qui résume toute explosions thermonucléaires d’une naine
ronnant. Malgré ces avancées dans la com- l’histoire de l’expansion passée de l’Univers blanche. Cette explosion est inévitable dès
préhension du phénomène, de nombreuses – en effet, cette lumière, avant d’arriver que le compagnon de la naine blanche lui
questions restent ouvertes. En effet, on peut jusqu’à nous, a dû traverser de vastes éten- cède suffisamment de matière pour que la
imaginer d’autres mécanismes d’accélé- dues d’espace pendant un voyage qui a duré masse de celle-ci s’approche de la limite
ration à proximité des étoiles à neutrons des milliards d’années. Si l’expansion de de Chandrasekhar [1,44 fois la masse du
ou des trous noirs. L’origine des rayons l’Univers se produisait à vitesse constante, Soleil, NDLR]. C’est l’universalité de cette
cosmiques de très haute énergie […] est la puissance lumineuse apparente serait limite, dictée par les lois de la physique, qui
elle aussi incertaine. Il pourrait s’agir de inversement proportionnelle au déca- assure la bonne uniformité de la lumino-
particules accélérées dans des sources lage vers le rouge. Pendant longtemps, ce sité des supernovae Ia : la quantité de com-
extérieures à notre Galaxie… Un certain bustible est quasiment la même pour tous
nombre de nouveaux appareils de détec- ces objets. En effet, dès que l’étoile accu-
tion récoltent actuellement des données ou mule une masse proche de cette limite,
sont aujourd’hui en construction. l’explosion se déclenche, et elle engendre
Après leur production, les rayons cos- une quantité d’énergie similaire d’une
miques commencent un long voyage étoile à l’autre. Depuis les travaux pion-
dans la Galaxie. C’est un chemin chao- niers de Zwicky et Baade […], cette unifor-
tique, fait de rencontres avec des régions mité a été vérifiée expérimentalement sur
de champ magnétique plus intenses, qui des échantillons de plus en plus importants
dévient ces particules de façon aléatoire. d’explosions de ce type. Mais jusqu’à quel
En moyenne, les rayons cosmiques effec- point les supernovae de type Ia sont-elles
tueraient de l’ordre de 3 000 passages à tra- semblables ?
Gemini ObservatOry/GmOs-sOUth/nsF
vers le disque galactique (la Galaxie prend Une autre particularité des supernovae
la forme assez aplatie d’un disque ; c’est la Ia permet de s’affranchir de leurs diffé-
raison pour laquelle, vue de la Terre qui est rences. Lors d’une supernova Ia, en effet,
située sur le bord, elle apparaît comme une l’étoile brûle une grande partie de son car-
tache allongée), et resteraient dans notre bone et de son oxygène pour former des
Galaxie 20 millions d’années. Pendant noyaux proches du fer. Puis ces noyaux se
ce temps, ils ont l’occasion de créer les Deux rémanents de supernovae vus par désintègrent et libèrent des photons qui,
noyaux de certains éléments, mais aussi le télescope Gemini Sud, situé au Chili. par la suite, donneront la lumière que nous
Suite au traité [d’in- dont les produits de fission avec à l’origine de la conception des
terdiction des essais leur émission caractéristique de satellites, comparèrent les résul-
nucléaires, NDLR], entre 1963 et rayons gamma, auraient fini par tats enregistrés. Ils constatèrent
1970, les États-Unis décidèrent émerger. Le physicien américain que le signal du 2 juillet 1967,
de lancer une série de satellites, Stirling Colgate lui-même (un à 14 h 19 en temps universel,
appelés Vela, afin de vérifier que des experts mondiaux des super- avait été observé par deux satel-
tous les États, en particulier novae), aurait suggéré ce choix lites, ce qui excluait la possibi-
l’URSS, respectaient l’interdic- d’instrumentation pour les satel- lité d’un mauvais fonctionne-
tion. Ces satellites étaient équi- lites. Il aurait également encou- ment du détecteur ou d’un autre
MARCO ZITO pés à la fois de détecteurs de ragé le démarrage, au laboratoire signal parasite. De plus, aucune
PHYSICIEN AU CEA, rayons X et de détecteurs de de Los Alamos – là où fut conçue éruption solaire ni explosion de
Marco Zito est rayons gamma, rayons consti- et construite la première arme supernova connue ne s’étaient
spécialiste de tués de photons d’une énergie nucléaire –, d’un programme produites à la même date.
physique des autour du MeV, produits entre d’études d’astrophysique, néces- Le signal, qui durait quelques
particules. Il a publié, autres par des noyaux radioac- saire pour distinguer les signaux secondes et présentait un double
en 2015, Dans le tifs. D’après les spécialistes, et d’origine naturelle de ceux pro- pic, n’était pas non plus ce qui
tourbillon des en particulier ceux qui furent à duits par l’activité humaine. était attendu pour une explo-
particules, également l’origine de cette découverte, les La plus grande surprise ne vint sion nucléaire. De quoi s’agis-
aux éditions Belin. Américains craignaient que les pas de la Terre, mais du ciel ! En sait-il ? Ce n’est que six ans
Soviétiques effectuent des tests 1969, les satellites Vela 4 avaient plus tard, en 1973, que le pre-
sur… la face cachée de la Lune ! observé chacun environ une mier article scientifique relatant
Le flash de rayons X produit par quarantaine de « signaux » cette découverte [des sursauts
l’explosion aurait alors pu rester par an. Dans leur bureau de gamma] fut publié, grâce aux
occulté par notre satellite. Tôt Los Alamos, Ray Klebesadel et observations de satellites Vela
ou tard néanmoins, les débris, Roy Olson, deux scientifiques plus sophistiqués. […] »
observons. Or la luminosité d’une super- standard. Une autre corrélation a été trou- l’évolution de sa luminosité, et d’en obte-
nova Ia, à son maximum d’intensité, est vée entre la luminosité des supernovae Ia nir le spectre (pour déterminer le type de
proportionnelle à la quantité de nickel 56 et la couleur de la lumière émise. Grâce à supernova). Cette tâche exige des temps
produit ; il y a ensuite une diminution pro- cette astucieuse procédure de calibration, d’observations importants sur les plus
gressive de la luminosité. Cette diminu- essentiellement empirique, la dispersion de puissants télescopes disponibles […]. Et
tion, plus ou moins lente, est liée au fait luminosité est réduite de 50 % à 15 % envi- ces mêmes télescopes sont aussi les plus
que les photons produits à l’intérieur de ron entre les différentes supernovae Ia. demandés par les astronomes […]. Com-
cette grande masse de matière en expan- Le deuxième problème de taille, dans ment réserver assez tôt une plage d’obser-
sion qu’est la supernova doivent trouver cette recherche de chandelle standard, vation… pour le suivi d’une découverte qui
leur chemin vers l’extérieur. Plus la quan- est la rareté des supernovae : seulement ne se produira peut-être pas ?
tité de nickel est grande, plus long sera le quelques-unes de ces explosions ont lieu La résolution de ce dilemme n’a été pos-
trajet suivi par les photons pour sortir. Il par galaxie et par siècle. Il s’agit donc d’ob- sible qu’avec les progrès techniques des
Marc chauMeil / Divergence
existe donc une relation entre la lumino- server suffisamment de supernovae Ia loin- dernières décennies. Des caméras avec
sité des supernovae Ia à leur pic d’inten- taines pour déterminer avec précision les un champ de vision très large, capables
sité et la durée de l’émission lumineuse. paramètres de l’expansion de l’Univers. De d’observer une large portion du ciel, […]
On est donc en mesure de corriger la plus, la simple découverte d’une supernova ont été développées. Ensuite, les plaques
luminosité observée et de ramener toutes Ia n’est pas suffisante : il est nécessaire de photographiques ont été remplacées par
les supernovae Ia à une même luminosité suivre sa courbe de lumière, c’est-à-dire des capteurs de type CCD, bien plus
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livres Sélection du mois
La Dernière Étreinte
Frans de Waal
M
ama, une femelle chimpanzé du Burgers’ de chocolat et un compagnon enfermé dans une petite cage de
Zoo, à Arnhem, aux Pays-Bas, est au seuil de verre, le rat libre préfère l’aider avant d’aller manger ! Sauf s’il a
la mort. Le biologiste Jan van Hooff, qui la été drogué avec un relaxant : il est alors insensible au sort de ses
connaît depuis plus de quarante ans, vient semblables. Quand on voit à quel point les animaux agissent
à son chevet. Mama, couchée sur son lit comme nous, ont les mêmes expressions physiologiques, pos-
de paille en position fœtale, fait alors un sèdent le même type de cerveau, n’est-ce pas étrange de penser
large sourire, caresse les cheveux du visiteur, enroule son bras que leurs expériences intérieures sont radicalement différentes ?
autour de son cou pour le serrer contre elle. Le chimpanzé sou- En ces temps d’élevage industriel, la question gêne comme un
ligne sa longue étreinte en pianotant contre sa nuque. Cette éléphant dans un magasin de porcelaine. Il y a urgence : si nous
scène d’adieux entre deux hominidés est le point de départ du prenons la biomasse totale des vertébrés vivant sur Terre, les ani-
livre de Frans de Waal, éthologue, spécialiste des grands singes, maux sauvages n’en représentent que 3 %, les hommes un quart,
qui a enseigné au département de psycholo- le bétail presque les trois quarts !
gie de l’université Emory, à Atlanta. Depuis
une trentaine d’années, il bouscule nos idées
Ces adieux entre Avec espièglerie, l’éthologue règle quelques
comptes avec les transhumanistes persuadés
reçues sur les primates et les animaux d’une deux hominidés que l’esprit n’a pas besoin de corps : « Le bon-
manière plus générale. Dans son précédent heur a quelque chose de viscéral ; je serais prêt
ouvrage, il soulignait que ceux-ci sont intel- sont le point à parier qu’un cerveau coupé de ses viscères ne
ligents. Ici, il nous explique avec érudition
et humour qu’ils sont capables d’émotions :
de départ du livre sent rien. » À l’ère de Donald Trump et de Vla-
dimir Poutine, Frans de Waal fait une mise au
joie, empathie, colère, mais également honte, dégoût, sentiment point sur la notion de mâle dominant détournée par les managers
d’injustice et esprit de revanche ! et les politiques. Un primate dominant est un être beaucoup plus
Pour appuyer sa démonstration, il puise avec talent dans sa complexe et plus responsable qu’une grosse brute. Protecteur,
longue expérience de primatologue. Nous découvrons la vie des guérisseur, le mâle alpha est l’arbitre ultime, celui qui restaure
chimpanzés, des bonobos, des capucins, mais également d’autres l’harmonie. « Il est capable de se planter au milieu de deux groupes
espèces comme les éléphants, les loches clowns, les crabes verts en opposition qui hurlent, en levant les bras jusqu’à ce que tout le
et les rats… On apprend que ces derniers réagissent à la détresse monde se calme… » Une leçon à méditer. Mathias Germain
d’un congénère prisonnier. Placé entre un bocal rempli de pépites Frans de Waal, Les liens qui libèrent, 400 p., 23,50 €.
Sociologie COLLAPSOLOGIE
Unsavory Truth
Marion Nestle
I
l y a quelque chose de pourri dans le royaume de l’agroali- « bénigne » – myrtilles, amandes ou grenades - n’échappent pas
mentaire et Marion Nestle, spécialiste de la nutrition à l’uni- non plus au jugement de Marion Nestle : les vertus contre telle ou
versité de New York et considérée comme une référence dans telle maladie attribuées à ces soi-disant « superaliments » sont
le domaine, est bien décidée à le dénoncer. largement exagérées, aucun ne pouvant à lui seul
Dans son livre, elle expose au grand jour la façon constituer un remède miracle.
dont les géants de l’alimentaire, pour infuencer Au-delà du réquisitoire, l’auteure propose aussi
les politiques et l’opinion générale, manipulent plusieurs solutions pour lutter contre le lobbying
la recherche scientifque en leur faveur, souvent des groupes alimentaires. Aux chercheurs d’abord,
à l’encontre de la santé publique. Leur stratégie ? exposés en permanence à de potentiels confits
Financer des chercheurs pour publier des études d’intérêts – et elle la première –, elle recommande
qui, sous couvert de rigueur scientifque, mettent d’adopter une éthique stricte pour ne pas compro-
uniquement en avant les bénéfces nutritionnels mettre leur recherche à des fns commerciales. Quant
de leurs produits, tout en éludant volontairement à nous, consommateurs, elle nous invite à « voter
leurs efets néfastes potentiels. avec notre fourchette », en nous donnant ce conseil
L’auteure livre une critique particulièrement vé- simple de « manger des légumes, éviter autant que
hémente à l’encontre des fabricants de junk food possible les produits alimentaires transformés et la
et de sodas, qui mettent tout en œuvre pour mi- junk food, et faire attention à l’excès de calories ».
nimiser les risques sur la santé d’un excès de sucre. Elle bat ainsi Elle nous incite aussi à douter des études trop belles pour être
en brèche cette étude, fnancée par Coca-Cola, qui conclut que vraies et à demander à nos élus de fxer des règles plus strictes
l’exercice physique est plus efcace que le régime alimentaire pour contrôler l’infuence des entreprises alimentaires. C’est à ce
pour contrôler son poids. Ou ces travaux afrmant que les en- prix-là que la santé restera dans nos assiettes.
fants mangeant des bonbons sont moins sujets à l’obésité que Julien Bourdet, journaliste scientifque
les autres. Mais les marchands de nourriture en apparence plus Basic Books, 2018, 320 p., 25 £.
GÉOLOGIE ROMAN
Jusqu’au
LES MONDES INCONNUS 24 février
1518, la fièvre
Décollage immédiat pour les curieux en quête de de la danse
connaissances sur l’Univers ! Cette exposition, en Pourquoi, en juillet 1518,
trois étapes réparties sur trois lieux grenoblois, des dizaines de personnes
invite à explorer le Système solaire et à confron- se sont-elles
ter les représentations aux réalités scientifques. soudainement mises
Petits et grands peuvent d’abord se rendre à à danser comme des
La Casemate, où le petit robot Curio livre les diables dans les rues
secrets du fonctionnement d’une station spatiale. de Strasbourg ? 500 ans
Quelle est la vie quotidienne d’un astronaute ? plus tard, cette exposition de se plonger dans
À quoi sert un satellite ? Il n’y a qu’à franchir revient sur cet événement l’histoire du musée.
le sas d’entrée pour le découvrir et acquérir son permis pour l’espace. marquant, à travers Toulon (Var), Muséum
L’exposition se poursuit au Muséum, à bord de l’Osugus, vaisseau que diverses représentations départemental du Var
les visiteurs doivent aider à faire atterrir, à la suite d’un incident, sur une graphiques et sources tinyurl.com/130-ans-decouvertes
planète sûre. Pour ce faire, il faudra résoudre une série d’énigmes, avec historiques. Elle
l’aide de l’équipage et des scientifques de plusieurs laboratoires. Enfn, s’intéresse notamment Jusqu’au 10 mars
l’exploration mène vers l’espace muséographique de l’Observatoire des aux interprétations Electrosound
sciences de l’Univers de Grenoble. Dans une ambiance futuriste, les résul- médicales, ainsi qu’aux Entrez dans les coulisses
tats des travaux de chercheurs en astronomie sont présentés au public, processus mentaux du spectacle ! Cette
qui peut se familiariser avec la variété d’astres de notre Univers, comme et sociaux entourant exposition montre
les planètes, les étoiles ou les trous noirs. ce comportement comment la technologie
Jusqu’au 28 juillet, Grenoble (Isère), La Casemate, Muséum et Observatoire épidémique. permet de passer de
des sciences de l’Univers de Grenoble Strasbourg (Bas-Rhin), l’électricité à la lumière et
lacasemate.fr/expositions/les-mondes-inconnus Musée de l’Œuvre au son. Relever des défis
Notre-Dame à travers des installations
tinyurl.com/fievre-danse interactives aidera à
d’activités – des jeux, des commun, l’Islande est comprendre la physique
EXPOSITIONS installations interactives aussi le domaine d’une Jusqu’au 3 mars des ondes sonores et
ou des dispositifs vidéo – boule de poils fugitive, au 130 ans de lumineuses. Combinaison
Jusqu’au permettent de découvrir regard captivant. Cette découvertes de lumières colorées,
30 janvier les recherches sur le rire, exposition présente, à Pour célébrer 130 ans de modification de la voix,
Rire ses formes, son caractère travers une collection de découvertes, le grand compression sonore,
sociétal, sa contagion, photographies prises par public est invité à découvrir fonctionnement de
son existence chez les Fabien Zunino, le renard une cinquantaine d’objets l’oreille et science du
animaux ou encore polaire islandais, le « petit rares et pour la plupart rythme y sont abordés.
ce qu’il se passe dans prince », qui habite la inédits, en provenance de Toulouse (Haute-Garonne),
notre corps lorsque nous péninsule du Hornstrandir. Provence et d’ailleurs, Espace EDF Bazacle
rions, nerveusement L’ensemble des clichés issus de la collection du tinyurl.com/Electrosound
ou joyeusement. relate l’histoire marquante Muséum départemental
Saint-Étienne (Loire), de la rencontre du du Var. Parmi eux, des
La Rotonde photographe avec cet animaux naturalisés,
tinyurl.com/expo-Rire animal sauvage, dans comme le mandrill ou
un environnement la tortue géante, des
Il est bon pour la santé Jusqu’au 3 février extraordinaire. herbiers et des fossiles
et peut illuminer notre Le petit prince Poitiers (Vienne), conservés jusqu’ici dans
journée : le rire est au du Hornstrandir Espace Mendès France des réserves. Des clichés
cœur de cette exposition. Célèbre pour ses tinyurl.com/petit-prince- anciens et des lettres de
Plus d’une quarantaine paysages hors du Hornstrandir scientifiques permettent
F a D 128 451
La carte se plie
aux vœux
Voici la figure de la carte pliée, avec L/2 Des cadeaux de taille !
des indications de longueurs et L–a
Vous avez écrit NOEL ? Bravo !
des noms attribués aux sommets.
O 10
En remarquant que le triangle OCF
a les mêmes proportions que la
Prendre racine
L/2 L2 + 100
carte avant pliage et en utilisant le Le plus petit entier dont le carré
théorème de Pythagore, on trouve : 2 commence par 2 019 est 1 421.
a2 = 25 (√5 – 2) 1 4212 = 2 019 241.
soit a = 2,42934… : moins de 2,5 cm.
L–a
G C
a
Oh, la belle étoile !
10
Agathe, 5 ; Brian, 3 ; Claire, 4 ; David, 1 ; Elisa, 2.
B
+
millions d’années, alors qu’on considéré auparavant
à des institutions
attribuait
groupes
de l’outil à Homo habilis,
ont pris la forme
ou à des
jusque là l’invention
sociaux. D’autres
de
les plus vieux représentants
dont
duels
+ identifé
peut
diférents
composent
systèmes
comme rigide et immuable,
qui la se déformer dont
! :
la mémoire de travail, qui
intellectuels entre hommes La Recherche
joue explore
un rôle pivot dans
n’ont que 2,4 millions d’années. cette révolution
de sciences : Newton et Leibniz l’encodage et la récupé-
Dans ce numéro, La Recherche
sur la paternité du calcul ration des informations,
conceptuelle dans son
faitdiférentiel
le point sur; ce que l’on
Pasteur sait
et Pouchet la mémoire sémantique,
Hors-Série sur Einstein.
de nos ancêtres.
sur la génération spontanée ; qui recense nos connais-
Kelvin et Darwin sur l’âge sances sur nous-mêmes et
5€
de la Terre. sur le monde et la mémoire
1 AN D’ABONNEMENT /mois (1)
épisodique, qui nous fait
revivre avec émotion les
(soit 10 nos + 1 no double) ou 60� auscènes
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ment à SOPHIA PUBLICATIONS et à ses partenaires sauf opposition de votre part en cochant la case ci-après f
jeux
ÉNIGMES, LOGIQUE
ET MATHÉMATIQUES
Ces pages proposent un choix d’énigmes et de casse-tête pour solliciter votre esprit
dans de multiples directions, faisant appel à votre bon sens. Aucune connaissance
mathématique n’est nécessaire. Quoique…
La dernière cigarette
Deux joueurs ayant décidé simultanément d’arrêter de fumer veulent,
au cours d’un jeu, épuiser leur stock de cigarettes, qui se trouvent
être de la même marque. Chacun à son tour pose une cigarette sur
une table rectangulaire. Le joueur qui, le premier, est incapable de poser Honnêtes ou non, combien de modèles
une nouvelle cigarette sans en toucher une déjà posée a perdu. différents de ces dés peut-on envisager de
construire ? Attention : il y en a quelques
Le premier joueur dispose-t-il d’un stratagème pour gagner à coup sûr ? centaines.
Ana-croisés
E F I O U N L
E O N F R M T
A I E G S S T
A A E I G N L
I I O L L M N
E O U L R S T
Pages réalisées
Solutions dans par Pierre Berloquin,
Arrivée le prochain numéro Créalude
La légende du piratage
des implants mnésiques
a prise de contrôle d’implants garde : selon lui, à n’en pas douter, dans incontestables. Pourtant, la lecture détail-
L neuronaux par des cyberdélin-
quants engendre d’effarantes
une dizaine d’années au plus, les implants
mnésiques, dont nous disposerons tous
lée des articles qu’ils ont rédigés à desti-
nation du grand public ne convainc pas le
dystopies dignes d’épisodes de la série pour notre bonheur, seront susceptibles scientifique épris de preuves rigoureuses :
télévisée britannique Black Mirror ! Ici ou d’être piratés. Par un souci d’éthique fort en effet, nous n’y voyons pas beaucoup de
là, on lit que, grâce aux progrès actuels des louable, cette société se place aux avant- résultats empiriques tangibles qui justi-
technologies neurocognitives, nos postes afin de nous aider à éviter le pire, fient leurs affirmations. De plus, en fouil-
mémoires vont bientôt être couplées à des en nous proposant dès à présent des pro- lant sur le Web, on apprend qu’ils ont par-
dispositifs électroniques grâce auxquels tections contre les attaques. Cette préten- tie liée avec des instituts de promotion du
on téléchargera dans nos cerveaux des due philanthropie, de la part d’une société transhumanisme. De même, on peut dou-
connaissances, sans nécessiter d’efforts russe accusée d’espionnage par les autori- ter de la véracité des propos de la société
personnels. Nous n’aurons plus besoin tés américaines, laisse songeur. Cela pose Kaspersky, car il est difficile d’imager les
d’apprendre les tables de multiplication, deux questions : les implants mnésiques vulnérabilités de dispositifs informatiques
les verbes irréguliers anglais ou les décli- qui n’existent pas encore – sans compter
naisons latines : il suffira d’appuyer sur un qu’on lit sur le site même de cette entre-
bouton pour que ces contenus imprègnent prise que certains de ses employés adeptes
d’eux-mêmes nos mémoires. Les collé- du transhumanisme se sont fait implanter,
giens, les étudiants en médecine ou en Nous serions dès 2015, des puces sous-cutanées.
droit, et tous ceux qui l’ont été s’en réjoui- surtout soumis
ront, car on retiendra sans douleur. En LA QUESTION n’est donc pas, et ne
contrepartie, certains craignent que des
à l’arbitraire sera peut-être jamais, celle des risques
personnes malfaisantes en profitent pour des décisions de détournement, par des pirates, de
nous manipuler de loin en insérant, à des fabricants ” très hypothétiques implants mnésiques.
notre insu, des idées fausses dans nos Si ceux-ci devaient voir le jour, il y aurait
esprits, voire en y effaçant des souvenirs. vont-ils vraiment se développer et, si plus lieu de craindre les industriels qui
oui, serons-nous vulnérables face à des les fabriquent, car nous serions sou-
DÈS À PRÉSENT, la stimulation céré- menaces informationnelles ? mis à l’arbitraire de leurs décisions. Et il
brale profonde supprime certains symp- Les publications faisant état des progrès risque d’en aller de même pour toutes
tômes de la maladie de Parkinson et des scientifiques en matière d’extensions les autres technologies neurocognitives,
chercheurs se proposent d’utiliser des électroniques de nos mémoires internes comme la stimulation transcrânienne.
implants neuronaux à d’autres fins thé- sont rédigées par des personnalités rele- Enfin, pour l’heure, la manipulation de
rapeutiques, par exemple pour soigner vant d’institutions prestigieuses. Ainsi nos esprits ne tient pas tant à d’éventuels
des défaillances de la mémoire ou des épi- en va-t-il de Theodore Berger, ingénieur dispositifs neurocognitifs qu’à de réelles
lepsies, ou encore des personnes souffrant en biomédecine et chercheur en neuros- falsifications de l’information par la dif-
du trouble de stress post-traumatique. Il ciences à l’université de Californie du Sud, fusion massive d’infox, dont la légende
n’en faut pas plus pour justifier les antici- ou de Laurie Pycroft, doctorant travaillant des implants mnésiques est une excel-
pations hyperboliques de certains. au sein du groupe de neurochirurgie fonc- lente illustration. n
À titre d’illustration, le laboratoire de la tionnelle de la très vénérable université
Pierre Kitmacher
société russe Kaspersky, spécialiste de la d’Oxford. Nous devrions donc tous nous Jean-Gabriel Ganascia est professeur d’informatique
chasse aux virus et de la protection contre incliner devant les déclarations publiques à Sorbonne Université. Il préside le comité d’éthique du
les attaques informatiques, nous met en d’autorités qui, par leur statut, apparaissent CNRS (Comets).