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Nicole BURON

PORNOGRAPHIE
LES "90"
DEFERLANTES
"On asservit les peuples plus facilement
avec la pornographie que par des miradors"
Alexandre Soljenitsyne

L'histoire de l'humanité avait pourtant connu des périodes "chaudes" comme l'on dit à présent. Des processions
phalliques de l'Antiquité jusqu'aux défoulements pervers du Marquis de Sade, en passant par certains poèmes,
fêtes ou peintures de la Renaissance, les délires "érotiques" de la Régence et ceux des "merveilleux" et des
"incroyables" du Directoire exhibant leurs charmes sous des voiles transparents et sous les colonnades du Palais-
Royal, nos ancêtres ne semblaient pas avoir méconnu ce que certains prétendent pourtant aujourd'hui nous
présenter comme l'une des caractéristiques de notre toute récente découverte de la "liberté" !
Mais à l'exception de la période antique, ces délires et fantasmes se trouvaient réservés à un public restreint,
servant certes de mauvais exemple mais pas d'archétype à des sociétés qui préféraient communément envisager
la femme comme la "dame de ses pensées", comme la mère, voire comme la Vierge, plutôt qu'en tant que simple
objet de convoitise et de plaisirs.
Tel n'est certes plus aujourd'hui le cas, en cette fin de siècle et de millénaire, et dans nos pays occidentaux,
pourtant inventeurs de l'amour courtois, où la pornographie s'installe à chaque coin de rue et jusque dans
l'intimité des foyers par médias interposés, l'obsession et l'exhibition sexuelles prétendent constituer l'un des
accomplissements et des sommets de la liberté individuelle et collective.

Qu'est-ce que la pornographie ?

Mais au fait, qu'est-ce que la pornographie ? Etymologiquement, le mot vient du grec "porné" qui signifie
prostituée et "graphein", décrire. La pornographie se définit donc comme la description et la représentation
d'actes sexuels ou de postures sexuelles pour de l'argent. C'est d'ailleurs la définition qu'en donne le Petit Robert
: "Représentation par écrits, dessins, peintures, photos ou films, de choses obcènes destinées à être
communiquées au public", qui néglige d'insister sur l'aspect lucratif mais précise, en en soulignant l'obscénité,
qu'il s'agit d'actes blessant délibérément la pudeur en suscitant des émotions et des représentations d'ordre
sexuel.
La pornographie est donc cousine germaine, pour ne pas dire soeur jumelle de la prostitution, à cela près que la
prostitution monnaye directement l'acte sexuel lui-même, la pornographie se contentant, si l'on peut dire, de
vendre l'incitation à l'acte sexuel. Mais il n'y a pas loin de la coupe aux lèvres !
"Entre pornographie et prostitution, en effet, il y a à la fois analogie et complicité. Analogie car, comme l'a
constaté une universitaire canadienne, Nancy Houston, la pornographie donne à voir à son client, par le texte ou
par l'image, ce que le proxénète offre en réalité au client par le corps de la personne prostituée.
Complicité car ce n'est pas un hasard si sex-shops, life-shows et peep-shows prospèrent dans les quartiers de
prostitution. Les deux industries exploitent un même marché" (1).
Cette définition posée, et irréfutable quant à ses termes, l'on en voit immédiatement les conséquences, même à
ne porter aucun jugement de valeur sur la chose elle-même. Conséquences immédiates qui s'imposent dans une
relation directe de cause à effet :
- la dépersonnalisation de l'être humain, uniquement considéré dans son corps, et le corps uniquement considéré
comme moyen de plaisir sexuel,
- la séparation radicale de l'acte sexuel de l'amour que se portent un homme et une femme, l'acte d'amour
physique cessant d'être expression d'une tendresse et d'une communion pour ne plus être que moyen de plaisir,
- la dégradation du corps de la femme et l'atteinte à sa dignité de personne humaine, puisque celle-ci n'est plus
considérée qu'en tant que moyen de l'excitation sexuelle et du plaisir sexuel.
On le voit, la pornographie prend le moyen pour la fin, inversant radicalement l'acte d'amour et le coupant à la
fois de sa source et de sa finalité.
Ajoutons ici une dimension supplémentaire, souvent passée sous silence parce qu'elle n'est qu'implicite dans les
définitions que nous venons de donner : la pornographie fait entrer dans le domaine du public, de la
représentation publique, des actes et des comportements entre l'homme et la femme qui relèvent essentiellement
de l'intimité du couple et par conséquent du domaine de la vie privée. C'est ce que rappelle le "Catéchisme de
l'Eglise catholique" lorsqu'il en donne cette définition exhaustive tant sur le plan de la réalité de l'amour humain
que sur celui de la dignité de la personne humaine : "La pornographie consiste à retirer les actes sexuels, réels ou
simulés, de l'intimité des partenaires pour les exhiber à des tierces personnes de manière délibérée. Elle offense
la chasteté parce qu'elle dénature l'acte conjugal, don intime des époux l'un à l'autre. Elle porte gravement
atteinte à la dignité de ceux qui s'y livrent (acteurs, commerçants, public) puisque chacun devient pour l'autre
l'objet d'un plaisir rudimentaire et d'un profit illicite. Elle plonge les uns et les autres dans l'illusion d'un monde
factice" (2).
La pornographie faisant partie de ces métiers que l'on dit "vieux comme le monde", elle pourrait, à la limite, être
considérée comme inhérente à une certaine frange de l'humanité qui se dissimule en marge de nos sociétés
comme la lie repose au fond du verre, si elle continuait à se limiter comme par le passé à un petit nombre
d'individus dont l'indécence exhibitionniste se limite à un petit cercle privé.
Il n'en est rien. La pornographie a, depuis plusieurs décennies, cessé d'être l'affaire de quelques-uns pour faire
irruption dans la vie publique, envahissant la vie de la cité et devenant par là même un problème politique.
Sauf à rester cloîtré chez vous, après avoir eu soin de jeter par la fenêtre votre appareil de télévision, votre poste
de radio, votre chaine hi-fi, votre magnétoscope, tous les magazines, journaux quotidiens et hebdomadaires, les
derniers romans remontant au moins à une vingtaine d'années en arrière, vous ne pouvez pas lui échapper !
Ainsi que chacun peut le constater, et comme nous l'allons montrer au départ de cette étude, la porno est partout
dans les ramifications quotidiennes de la vie sociale. Sauf à se faire ermite, vous êtes sa victime tout au long de
votre journée. L'argument fallacieux qui consiste à dire que vous n'êtes pas obligé de regarder la télé ou
d'acheter un journal si vous ne voulez pas tomber sur une représentation pornographique ne rime à rien. Autant
proposer de s'éclairer à la chandelle sous prétexte que le gaz d'éclairage est polluant. L'alternative est viciée au
départ par une intolérance manifeste de la part de ceux qui se sont appropriés les moyens techniques
contemporains de communication comme vecteurs de diffusion de leur propre image de l'homme et de la vie
sociale.

Le vecteur médiatique

Il y a exactement trente ans, une certaine Noëlle Noblecourt était renvoyée de ce qui n'était encore que l'ORTF
pour s'être permise de montrer ses genoux sur les écrans de l'unique chaîne de télévision. En moins de temps
qu'il n'en faut pour voir arriver une nouvelle génération, ce qui n'était au départ que provocation isolée, mode,
attitude, tendance, est devenu un réel raz de "marée noire" d'une pornographie incon-testablement déferlante et
s'appuyant sur la toute-puissance de diffusion du vecteur médiatique.
Même pour vous donner l'envie d'acheter un malheureux pot de yaourt, les publicitaires se croient à présent
obligés de nous faire profiter des formes sensuellement dénudées d'une jeune femme quittant le lit (peut-être)
conjugal pour aller chercher dans le frigidaire de quoi prolonger la volupté par la gourmandise !... M. Benetton
s'est, quant à lui, permis de pousser la provocation jusqu'à acheter des espaces publicitaires dans certains
hebdomadaires à grand tirage pour nous faire le cadeau d'une soixantaine de sexes masculins et féminins,
photographiés en gros plan, parmi lesquels il eut la "facétie" de dissimuler le sien !
Il suffit à chacun d'entre nous de se promener dans les rues d'une grande ville, et de cesser un instant de regarder
l'endroit où il met les pieds, pour s'apercevoir que les affiches porno et autres sex-shops y fleurissent comme
paquerettes sur les pelouses au printemps, et que nos murs, couloirs de métro et affichages publicitaires se sont
transformés en écrans géants de l'incitation à la débauche.
Il n'est plus un film, pourtant classé comme "comédie dramatique" ou "policier" qui ne nous offre, ici et là,
histoire de réveiller un peu le spectateur languissant, les fameuses scènes "érotiques" auxquelles vous ne pouvez
rester de glace qu'en raison d'une santé particulièrement déficiente ou d'un âge particulièrement avancé ! Et
même si vous allez voir "Bambi", les bandes annonces qui précèdent ne vous épargnent pas la projection des
scènes osées des films à venir.
Les kiosques à journaux eux-mêmes sont devenus de véritables pièges. Même si votre intention se borne à
l'achat du quotidien le plus anodin ou d'une revue sur les parcs et jardins, il vous faudra vous faufiler jusqu'à la
caisse sous l'oeil narquois et affriolant d'une bonne cinquantaine de revues ouvertement pornographiques, ou
prétendument "féminines" (3), attirant les regards et suscitant la concupiscence du passant normalement
constitué, ou se transformant en agent d'agression et de déstabilisation si c'est votre fils de dix ans que vous avez
envoyé chercher le journal. D'autant que même les "hebdo" dits d'information emboîtent le pas : "Pas une
semaine sans qu'un hebdomadaire ne fasse une couverture "sexy". C'est "VSD" qui traite la mort de Fellini en
publiant en "une" - et dos de kiosque - les fesses plantureuses d'une mamma italienne... C'est le mensuel
économique "Challenges" qui faisait sa couverture de novembre sur l'incendiaire Kim Bassinger (dé)vêtue d'une
simple paire de collant. C'est le "Nouvel Observateur" qui illustre un récent dossier sur la prostitution par une
photo plus que suggestive. L'Edj ? Nous avons cet été battu un record de vente avec les "plus belles filles du
monde" (250.000 exemplaires)" (4).

Emmanuelle contre Scarlett

L'argument sensuel, et le plus souvent carrément sexuel, est devenu prépondérant dans la panoplie utilisée par la
publicité, quelle soit imprimée ou filmée. Certains spots publicitaires, pourtant diffusés à toute heure du jour,
devraient être classés X, tout comme une majorité des clips vidéo, dont l'argument est musical, mais qui
fascinent d'abord essentiellement par la provocation pornographique de leurs images, au demeurant superbes. Il
en va ainsi des clips de ces deux monstres-sacrés que sont devenus Madonna et Michael Jackson (5), qui
fascinent et déchaînent les passions de toute une jeunesse; mais aussi ceux de Milène Farmer, Patricia Kaas,
Carole Laure et autre Herbert Léonard qui a reçu en 1987, pour son clip "Je vais t'aimer", le prix du meilleur clip
érotique. Comme nous l'a si candidement avoué Philippe Solers sur FR3 le 25 février dernier à 11h, "la frontière
entre l'érotisme et la pornographie est particulièrement floue". On ne le lui fait pas dire !
Pour ne pas abandonner tout de suite le domaine de la vidéo, il est facile de constater par soi-même que les
accueillantes boutiques de location de films en vidéo-cassettes se sont transformées en agences très spécialisées :
"Emmanuelle 1, 2, 3", "L'amant" et autre "Basic instinct", pour ne citer que les plus "soft", ont chassé les
charmes coquets, superbes et néanmoins pudiques d'une Scarlett O' Hara, voire même les formes pulpeuses
d'une Marilyn que vous avez un certain mal à trouver sous l'avalanche des films de vampires, de possession, de
massacres à la tronçonneuse et autres gamineries qui cèdent eux-mêmes le pas à la suprématie incontestable des
films classés X... Autant en emporte le vent !

La télé "rose"

Quant à la télé !... Demandons-en le bilan au très peu suspect de "pudibonderie réactionnaire" "Télé-Obs" :
"1984, à l'ancienne heure de "Bonne nuit les petits" la playmate de Collaro fait son premier strip-tease. Personne
ne bronche. Stéphane Collaro, le pionnier, se fait taper sur les doigts par la Haute Autorité pour son flirt avec
son sponsor Orangina, pas pour le culot de ses girls. Sexe et télévision viennent d'entrer dans l'ère de la
cohabitation".
"(...) Sept chaînes en France font de l'amour une affaire juteuse. Quatre chaînes passent des films
pornographiques purs et durs. Le hard de "Canal +" a créé des adeptes sur le cable. "Ciné-Cinémas", qui
appartient au bouquet de programmes satellites de Canal +, diffuse deux films X par semaine. "Canal Adult", sur
le réseau niçois, organise des séances à partir de 1 heure du matin. Et, dans la région de Lille, une chaîne de télé
à la carte propose du porno quotidien à ses adhérents.
Trois autres chaînes s'adonnent aux images plus molles d'un érotisme plus soft. Bien sûr, il y a Série-Club, qui
écoule sur son antenne les vieux produits de la Six. (...) Tandis que la Six diffusait jusqu'à trois magazines
érotiques, "Vénus", "Emotions" et "Sexy Zap", sans compter le grand film érotique du dimanche soir, la
familiale TF1 s'inventait une "case rose". Le jeudi soir, attention les yeux ! D'Amanda Lear ("Méfiez-vous des
blondes") à Sophie Favier ("Sans interdit"), de "Leçons d'amour" (avec le Doc, Christian Spitz) à "Demain, il
fera beau" (avec Tina Kieffer), sans oublier la très émouvante "Télé Vision" de Béatrice Schoenberg, si souvent
dédiée à la télé de charme et au charme de la télé... il n'est plus resté grand chose sur l'écran des prudes
déclarations de Francis Bouygues et de Patrick Le Lay lorsqu'ils jouaient aux enfants de choeur pour obtenir leur
concession" (6). On ne le fait pas dire à Christine Deymard qui signe cet article de "Télé Obs" en se posant cette
question à la fois inquiétante et réaliste : "Les plus légalement vicieux vaincront ?".
L'on est en droit de se poser la question lorsque l'on se souvient qu'"il y a dix ans, Canal + scandalisait le
paysage audiovisuel planétaire en étant la première chaîne à diffuser des films hard (...) et qu'elle persiste et
signe avec le sulfureux "Journal du hard" qui est devenu une émission culte..." (7) ou que l'on apprend que
"l'émission de radio la plus écoutée chaque soir n'est ni sur RTL, ni sur Europe1, mais sur Radio Fun : "Love in
fun", animée par Doc (alias Christian Spitz), une émission où les jeunes viennent tout bêtement raconter leurs
problèmes sexuels avec des mots, crus, parfois dérangeants (la première fois, la masturbation, la sodomie, mais
aussi le viol, l'inceste). Ménie Grégoire revisitée par la FM. Résultat : de 3.000 à 10.000 appels téléphoniques
chaque soir. Un raz de marée. TF1 a vite flairé le bon coup. Engagé illico presto le Doc, pour une mensuelle
coquine façon télé éducative où l'on évoque aussi bien l'amour chez les Africains que les mystères de l'orgasme
féminin" (8).
La Cinq avait cédé, elle aussi, avant de disparaître, au vertige de la pornographie déferlante : "Quelques titres
d'émissions de la défunte Cinq, en matinée (octobre 1991) : "Les aphrodisiaques", "Les naturistes, vice ou vertu
?", "Sado-masos: des coups et des bonheurs", "La chimie de l'amour : la neuropsychobiologie", "Je trompe mon
mari pour lui faire plaisir", "Les secrets d'alcove des conseillers conjugaux", "Les villes et les secrets de
l'orgasme", "Ma première nuit d'amour", "S'aimer et vivre séparés", "Ras le bol du porno", "Je réclame le droit
de mourir", "Oui, j'ai tué pour de l'argent", "Les transsexuels", "Le mari de maman et moi", "Fantasmes
d'hommes, fantasmes de femmes" (9). Un vrai bain de fraîcheur !
Comme on vient de le constater, "il n'y a pratiquement pas un soir où l'on ne sacrifie pas au sexe sur une chaîne.
Pas un soir où des parents puissent sortir tranquilles, sans se demander si leurs enfants, même parfaitement
élevés, ne vont pas tomber sur une scène scabreuse, ne serait-ce qu'au hasard d'un zapping" (10).
C'est que, voyez-vous, cette inflation pornographique, cela rapporte !

Faire argent de tout...

On peut même dire que l'affaire est particulièrement juteuse ! "Pour les forçats de la part de marché, on n'a
encore rien trouvé de mieux que le sexe", déplore Christine Deymard dans "Télé-Obs" (6) qui ne semble
pourtant pas s'émouvoir outre mesure des très substantiels revenus que représentent pour le "Nouvel
Observateur" ses petites annonces et téléphones "roses" !
L'argent n'a pas d'odeur, nous le savions depuis longtemps. Et encore moins en des temps où la récession
économique est un bon prétexte pour ne pas faire le difficile. "Une chose est sûre, le X est aujourd'hui en France
un secteur qui, grâce à la libéralisation des moeurs, la demande croissante du public et le professionnalisme de
ses intervenants, représente un poids non négligeable (pour parler ici uniquement du cinéma et de la vidéo X
sans inclure d'autres branches du "sex-business" comme les gadgets, revues, Minitel). Cette influence est
aujourd'hui suffisante pour que le très sérieux magazine "Challenges" lui consacre un dossier dans l'un de ses
derniers numéros. (...) Ce mensuel économique, pourtant rôdé à ce type d'enquête, avance un chiffre d'affaires
global en France de 100 millions de francs, une estimation sans doute bien inférieure à la réalité", réalité selon
laquelle on peut estimer que "le chiffre d'affaires global du X en France (...) dépasse la coquette somme de 2
milliards de francs" (11).
Ainsi, depuis plusieurs années, la vente des cassettes classées X s'est considérablement développée et les points
de distribution se sont à la fois multipliés et diversifiés. Elles sont aujourd'hui devenues les "best-sellers" des
sex-shops : "Si Jean-Pierre Flore, président de la Fédération des sex-shops affirme "qu'elles ne représentent que
20% de leur chiffre d'affaires", nombreux sont ceux, et en premier lieu Richard Fahl le PDG de "Concorde", qui
pensent que le pourcentage réel doit être plus proche de 50%. Il existe environ deux cent vingt sex-shops en
France avec un chiffre d'affaires par établissement compris entre 500.000 et 3 millions de francs par an suivant
son implantation. (...) Moins "mythiques" sont les vidéo-clubs ouverts à une clientèle plus large. La majorité
propose un rayon hard et la plupart des gérants avouent que : "Le rayon X est très important voire vital pour
eux". Henri Lenique, le PDG de "Penguin", affirme même que : "Sans le X, un vidéo-club ne marche pas en
France". (...) Pour Alain Gayout, du Rassemblement National de la Vidéo : "La part du X représente 15 à 25%
du volume d'un vidéo-club" et certains nous ont avoué atteindre les 50%. (...). Il y a quelque temps la chaîne
"Blackbuster", qui possède plus de 4.000 vidéo-clubs aux USA et qui vient de s'implanter en Angleterre, a
procédé à une étude sur le marché français. Cette société, qui a comme concept la "vidéo-familiale", s'est aperçu
qu'il est indispensable d'avoir du X en rayon. Elle a donc renoncé à cette implantation" (11). Au pays de la
"Princesse de Clèves" et de la Carte du Tendre, c'est ce qui s'appelle "avoir mal tourné" !...
D'autant que la diffusion de ces produits classés X envahit tous les réseaux de la distribution. Ainsi les grandes
surfaces sont-elles devenues elles aussi des points de vente de cassettes pornographiques. Vous en trouvez même
dans les boutiques-shops autoroutières. "Il y a un an, il apparaissait suivant les sources que le X représentait 10 à
30% des ventes de vidéos de supermarchés. Pour l'année 90, le total des ventes est estimé entre 8 et 10 millions
de cassettes hard (vendues entre 89 et 250 francs). Il est donc possible de dire que le X en supermarché
représente au minimum un milliard de francs" (11).

... et remplir les caisses de l'Etat

En dehors des impôts prélevés normalement sur l'activité commerciale de ces entreprises "au-dessus de tout
soupçon", l'Etat lui-même profite des rentrées juteuses engendrées par la pornographie. "Plus directe est la
contribution du hard au bon fonctionnement des P&T. Les frais postaux des éditeurs et grossistes représentent
près de 20 millions de frais postaux par an" (11). Sans oublier les très lucratifs rapports des "3615 Ulla" et autres
bons numéros du Minitel Rose !
Autre bénéficiaire de cette course effrénée au profit : notre commerce extérieur qui redresse ses médiocres
résultats en s'appuyant sur d'appréciables exportations de ces nouveaux produits manufacturés : "A l'Est, avec
l'effondrement du communisme, le sexe est descendu dans la rue (...). A Varsovie, 15.000 prostituées ont envahi
la ville. A Moscou, "Andréi", le pendant russe de "Playboy", se vend à 150.000 exemplaires et les cassettes
porno partent comme des petits pains au marché noir. Réaction logique à des décennies d'obscurantisme ?
Réponse outrée à une crise économique qui n'en finit pas de secouer l'ancien bloc soviétique ? L'ultra-
libéralisme a succédé à l'étatisme centralisé, le communisme castrateur a débouché sur un capitalisme sauvage
où l'économie de marché a fait du corps une marchandise solvable" (12).
On le voit bien, notre société post-socialiste ou néo-capitaliste, disons socialo-capitaliste n'éprouve aucun
scrupule à rentabiliser son absence de références morales et la crise de ses moeurs. "Le phénomène du cinéma
pornographique est éclairant sur le comportement du cinéma capitaliste (...). Le libéralisme rentabilise la
"libéralisation des moeurs" : la façon dont il en use, le préjudice qu'il crée à la collectivité lui importe peu" (13).

Une volonté subversive...

N'ayons pas la naïveté de croire que ce préjudice causé à la société n'est que le fruit du pur hasard, d'un accident
de l'histoire, à imputer simplement aux malheurs des temps, à l'évolution des moeurs ou à la soif d'argent de
quelques-uns.
Il n'est pas que le capitalisme anonyme, avide de profits quelle qu'en soit la source, qui trouve son intérêt à la
diffusion massive de la pornographie dans une société que le libéralisme philosophique a rendue incapable de se
défendre.
Revêtus du prestige "moral" et du sérieux accordé aujourd'hui sans trop de discernement à toute construction
intellectuelle pourvu qu'elle offre un semblant de logique, bien plus redoutables sont sans aucun doute les
théoriciens de la "révolution sexuelle".
En effet, la libéralisation outrancière des moeurs à laquelle nous assistons aujourd'hui, et qui a développé la
quasi totalité de ses conséquences en l'espace d'à peine une génération par l'effet démultiplicateur des médias,
s'inscrit dans le mouvement général de subversion de la société, société voulue par Dieu afin d'offrir à l'homme
les conditions naturelles de son salut éternel. Comme semble le relever ponctuellement Pierre Pons dans "Vidéo-
Exclusive", lorsqu'il souligne tout naturellement que "dans quelques années les sociologues se pencheront sans
doute sur le phénomène, et, après l'avoir étudié de fond en comble, ils découvriront probablement qu'en ouvrant
ses ondes au sexe Canal + a transformé la société" (14).
La volonté de pourrissement des moeurs dans l'intention d'y faire périr l'institution familiale et la société, relais
éducatifs qui à chaque génération s'acharnent depuis des siècles à refaire des petits chrétiens, cette volonté
corruptrice délibérée préside dès le départ à l'action révolutionnaire.
On la trouve déjà dans les intentions maçonniques à la fin du XVIIIè et au début du XIXè siècle. Témoin cette
lettre de Piccolo-Tigre, en date du 18 janvier 1822 à une vente piémontaise : "Pour propager la lumière, il a été
jugé bon et utile de donner le branle à tout ce qui aspire à remuer. L'essentiel est d'isoler l'homme de sa famille,
de lui en faire perdre les moeurs. Il est assez disposé par la pente de son caractère à fuir les soins du ménage, à
courir après des plaisirs faciles et des joies défendues" (15).
Plus significative encore cette autre lettre, en date du 9 août 1838, d'un membre de la Haute-Vente : "Le
catholicisme n'a pas plus peur d'un stylet bien accéré que les monarchies; mais ces deux bases de l'ordre social
peuvent crouler sous la corruption : ne nous lassons donc jamais de corrompre. Tertullien disait, avec raison, que
le sang des martyrs enfantait des chrétiens. Il est décidé dans nos conseils que nous ne voulons plus de chrétiens,
ne faisons donc pas de martyrs, mais popularisons le vice dans les multitudes. Qu'elles le respirent par les cinq
sens, qu'elles le boivent, qu'elles s'en saturent (...). Faisons des coeurs vicieux et vous n'aurez plus de
catholiques" (16).
Le "Père du divorce", Alfred Naquet, franc-maçon de son état, soulignait lui aussi inlassablement cette nécessité
de transformer les mentalités de façon à faciliter la transformation sociale et politique : "Pour légitimer l'union
libre, il faudrait un changement de notre mentalité. Car au fond, le mariage nous est plutôt imposé par nos
moeurs que par nos lois. Or, on ne change pas la mentalité d'une nation par un décret ou par une loi surtout
quand cette mentalité est, comme la nôtre, aussi imbue de préjugés catholiques" (17).
D'où l'impérieuse nécessité de fabriquer des "coeurs vicieux" évoquée plus haut et qui s'appuiera principalement
sur le vecteur culturel : "Au XIXè siècle, ce sont les romans qui jouent ce rôle, et spécialement ceux des deux
frères Marguerite qui apitoient les lecteurs sur le sort de certaines familles, les amenant à souhaiter le divorce
libérateur. Les adversaires de la famille comprennent immédiatement l'importance de ces fictions littéraires : "Il
fallait faire plus encore, écrit en 1908 l'auteur socialiste Paul Abram dans son livre "L'évolution du mariage". Il
fallait pénétrer plus intimement la conscience publique, diffuser plus largement les idées émancipatrices. Seule
une oeuvre romanesque, reflétant les exigences des moeurs, pouvait, grâce à l'agrément d'une intrigue, conquérir
le grand public" (18).

... qui perdure dans le temps

Cette étroite relation de cause à effet entre la destruction de la famille et de l'ordre social traditionnel avec le
pourrissement des moeurs se retrouve dans les théories subversives du marxiste et disciple de Freud, Wilhelm
Reich, qui élabora au début de notre siècle la théorie de la révolution sexuelle.
Celui-ci estimait que toutes les sociétés traditionnelles avaient comme dénominateur commun la répression des
pulsions sexuelles et en particulier la condamnation de l'inceste. L'origine de l'énergie humaine se trouvant dans
l'élan sexuel, la structure sociale accapare, selon lui, cette énergie originelle pour l'utiliser à des fins
économiques, ou la castrer dans des attachements familiaux. La révolution sociale et économique devrait
déboucher sur la libéralisation des moeurs et la totale liberté sexuelle. Et inversement, le meilleur facteur
d'explosion sociale réside dans l'éclatement des moeurs et la dissolution de la vie familiale.
C'est ainsi qu'il désignait clairement son ennemi : "Au premier rang des systèmes qui reproduisent l'ordre établi
vient la famille patriarcale qui crée chez les enfants une structure caractérielle les préparant à subir docilement
l'influence ultérieure de la société autoritaire bourgeoise", ou encore : "Dans cette combinaison des faits
économiques et idéologiques, la famille bourgeoise se présente comme le premier et principal lieu de
reproduction du système capitaliste comme la fabrique de son idéologie et de sa structure" (19).
La pensée de Wilhelm Reich sera d'une importance capitale dans l'évolution des théories révolutionnaires de
notre XXè siècle. Le sociologue et philosophe américain Herbert Marcuse, qui est à l'origine de la dénonciation
contemporaine de la société dite "de consommation" et l'un des théoriciens de la révolution sexuelle du
mouvement hippie et de la révolution estudiantine de 1968, peut être considéré comme s'inscrivant dans la
logique de la pensée du psychanalyste autrichien.
Plus précises encore sont les intentions du mouvement communiste américain quant à l'utilisation du
pourrissement des moeurs pour le renversement de l'ordre social :
"Le Bureau des Archives du Congrès des Etats-Unis (Sénat) a publié le 10 janvier 1963 une liste des objectifs et
plans communistes en 45 points. Ces points sont le résultat d'une analyse faite par M. Skousen, directeur des
opérations du Conseil de Sécurité américain. Voici quelques-uns de ces points relatifs à la morale et à la famille :
"- 25 - Faire tomber les normes culturelles du sens moral en poussant la pornographie et l'obscénité dans les
livres, les journaux illustrés, le cinéma, la radio et la télévision.
- 26 - Présenter l'homosexualité, la dégénérescence et la promiscuité des sexes comme "normale, naturelle et
bonne pour la santé".
- 40 - Discréditer la famille comme institution. Favoriser l'amour libre et le divorce facile.
- 41 - Mettre en relief la nécessité d'élever les enfants loin de l'influence limitative des parents. Attribuer les
préjugés, les blocages psychologiques et le retard des enfants, à l'influence répressive des parents."" (20).
Plus proche encore de nous dans le temps et dans l'espace, nous retrouvons la même intention dans cette
déclaration du Planning Familial en 1978 : "Nous militons pour la contraception et l'interruption volontaire de
grossesse ni par malthusianisme ni pour améliorer l'état sanitaire de la population. Nous faisons le pari de croire
qu'une femme ou qu'un homme qui peut modifier son comportement sur cet aspect essentiel de sa vie pourra
dans d'autres domaines se prendre en charge et contester ainsi les comportements et situations traditionnels"
(21).
Ainsi que nous venons de le constater, franc-maçonnerie, socialisme, communisme, freudisme, en dépit de très
importantes divergences d'analyses théoriques, semblent avoir en commun, outre leur essentielle volonté
subversive, la conscience que le pourrissement des moeurs ne peut que servir leurs desseins de transformation de
la société. Chacun avec ses méthodes, ces différents courants idéologiques révolutionnaires participent à cette
dissolution de nos moeurs, en lui fournissant, selon les circonstances, des arguments intellectuels, des mots
d'ordre, des objectifs ponctuels, travaillant à fabriquer un nouvel état d'esprit au service de cette "évolution des
moeurs" que d'aucuns considèrent encore naïvement comme "inéluctable".

Quelques rabateurs aujourd'hui

Naïveté d'autant plus impardonnable que les actuels grands tenors de la révolution sexuelle, aussi bien politique
que du "show-biz", ne se gènent pas pour replacer la provocation pornographique à l'intérieur d'un mouvement
beaucoup plus large de subversion et dans la grande filiation révolutionnaire que nous venons d'évoquer.
Ainsi Madonna, diva provocatrice qui prétend demeurer, en s'en délectant, celle par qui le scandale arrive,
n'hésite pas à confier à "Paris-Match" :
- "J'espère que ce que je fais peut contribuer à mettre en marche la machine pour faire sauter le système de
l'intérieur".
- "Vous tenez des discours de militante révolutionnaire", s'enquiert Henri-Jean Servat qui recueille ses propos et
reçoit la réponse suivante :
- "J'en suis une. Mon travail devrait ouvrir les yeux de beaucoup de gens et les aider à entamer leur propre
révolution sexuelle" (22).
Non moins claires sont les propos du réalisateur mexicain Arturo Ripstein, révélation du 21è festival du cinéma
de La Rochelle en 1993, qui déclare : "L'inceste entre un frère et une soeur est au centre de mon dernier film,
"La femme du pont". Les intentions ne sont pas très saines, je le reconnais. J'aime bien me dire que l'on peut
faire éclater la cellule familiale" (23).
L'histoire de la "Cicciolina" (petite chatte) est encore plus significative d'une volonté de subversion politique par
le pourrissement des moeurs. "(...) dans son histoire, la hongroise Llona Staller, célèbre sous son surnom de
Cicciolina, raconte son recrutement et ses activités d'"hirondelle" par l'AVH (les services hongrois) à Budapest,
puis son installation en Italie. On reste confondu par l'audace de cette opération "toutes voiles dehors" : lancer
un star du porno le plus hard, c'est déjà contribuer à l'accélération du pourrissement des moeurs; l'utiliser pour
compromettre maintes personnalités est tout aussi classique, mais réunir dans le même combat la pornographie,
l'écologie, le pacifisme, puis pénétrer le Parti radical et obtenir un mandat parlementaire est un chef- d'oeuvre.
D'autant que l'on annonce la couleur (...) en soulignant qu'il s'agit bien d'une "opération subversive" puisque
"quand le sexe devient un élément de contestation et de subversion, il effraye encore plus qu'une révolution".
(...) "Mon engagement politique et la contestation faisaient de plus en plus partie de mon quotidien"" (24).
Par l'impact même de la fonction exercée pendant plus de dix ans, notre ministre-à-vie de la culture, Jack Lang,
se fait lui aussi le porte-parole d'une mission socio-politique de la vague pornographique : "je défends M6. Ses
films sont trop aseptisés. ll y a à inventer un genre de films érotiques vrais de vrais. C'est de la guimauve. Canal
+, généralement passe d'assez bons films pornos. C'est un genre que l'on a tort de décrier ou de mépriser. J'ai un
petit regret. J'aurais dû supprimer dans la législation française la catégorie X qui pénalise fiscalement ce genre
de films. Il n'y a pas de raison de les écraser ou de les étouffer. Au contraire, il faudrait qu'il y ait une production
originale de films érotiques. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on est aussi cul-serré et pisse-vinaigre" (25).
On admirera au passage le langage fleuri et imagé d'un ministre de la culture française !
Que l'on songe, toujours dans la même perspective, à l'extraordinaire impact subversif que représente, pour une
jeunesse totalement déracinée culturellement et moralement, l'archétype-héros rebelle que lui ont fabriqué et
imposé le tout show-biz et médias confondus en la personne de Cyrille Collard. Le thème des fameuses "Nuits
fauves" - les amours morbides entre une jeune droguée et un homosexuel séropositif qui finit par la prostituer -
suffit en lui-même à faire le portrait de ce personnage "mythique", soi-disant emblématique d'un mal d'être
romantique, mais qui verse en fait dans le nihilisme révolutionnaire le plus pervers.
Encore plus significative de la filiation avec le grand mouvement de subversion de la société, est cet éditorial du
numéro 1 de la très récente revue "Sans nom", dont les termes sonnent à la fois comme une analyse socio-
politique, un cri de victoire et une déclaration de principes : "Les amants de la première révolution sexuelle
étaient des révoltés. Ils s'insurgeaient contre la société pudibonde des années 50-60, coincée entre ses interdits
absurdes et ses lois désuètes. Ils découvraient la liberté, ils l'inventaient, ou croyaient l'inventer, s'y jetaient sans
retard et sans précaution, avec ivresse. Les générations suivantes ont continué la sarabande.
En une décennie, de 1975, l'année de la pilule autorisée aux mineures, à 1985, l'année du sida, la liberté sexuelle
devient totale. Tabous démolis, censure muette, mariage en chute libre... Dès l'âge de quinze ans, tout est permis.
Faire l'amour est devenu la norme. Plus personne n'y trouve à redire. On parle cru, on dit ses fantasmes, on
s'escrime à les réaliser. Toute la société se sexualise. Témoignages en direct à la télé, minitels roses, films X,
publicités qui rivalisent de lubricité. Le sexe se vit comme une évidence. Comme de fumer un joint : c'est un
acquis.
Le sida est arrivé comme un serial killer au milieu de la fête, tuant tous ceux qui riaient trop fort. (...) Il fallait
s'adapter, continuer par d'autres moyens (...). Le sida nous a forcés à cette critique de la copulation pure, il nous
a obligés à nuancer le jeu et à étendre la volupté au-delà de la petite économie des orgasmes. Voyez les
conséquences. (...) Jamais l'exhibitionnisme n'a été aussi intense, la mode aussi provocante. (...) Les femmes,
leur liberté, leur audace ont été le catalyseur de la deuxième révolution sexuelle. Jamais nous n'avons eu la
liberté d'accumuler autant d'expériences et jamais le risque n'a été aussi grand. Le risque est le drame de la
deuxième révolution, sa hantise silencieuse, le tragique de notre temps. Notre inconscience nous terrifie, nous
fascine. Mais comment y échapper ? La loi du sexe c'est l'excès, la loi de l'amour l'absence de loi. Seul un
nouvel art de jouir peut nous sauver. En attendant l'immense bacchanale mondiale saluant notre victoire sur le
virus. Alors commencera la troisième révolution sexuelle" (26).
Qu'on nous pardonne la longueur de cette citation, intéressante à double titre : par sa lucidité provocante d'un
côté, mais surtout d'un autre par sa fascination morbide pour le gouffre dans lequel elle s'enfonce.

La descente aux enfers

La pornographie n'est certainement pas une "gauloiserie" un peu poussée, "bien de chez nous" en quelque sorte,
au reste totalement inoffensive. Ne nous y trompons pas, ce paradis de la "jouissance absolue" que l'on nous
propose comme aboutissement de notre liberté, se révèle être, par une sorte de vertige de dépendance et
d'accoutumance, une lente descente aux enfers, souvent très morbidement choisie en tant que telle ainsi que nous
l'allons voir.
Dans les années 1970, nombre de psycho-sociologues américains, à la suite de Seymour Feschback, avaient
tendance à considérer que les représentations et films pornographiques constituaient une sorte d'exutoire quasi
inoffensif aux pulsions sexuelles, leur évitant ainsi de dégénérer en agressions violentes. "Cette théorie, dite de
la "catharsis" est depuis longtemps abandonnée par tous les spécialistes des sciences sociales, y compris par son
auteur. En effet des expériences faites sur des groupes d'étudiants ont montré qu'une consommation assez
massive de matériel pornographique modifie l'image que l'on se fait de la femme et rend indulgent vis-à-vis du
viol" (27).
Ainsi que le confirme la psychologue Liliane Lurçat, interrogée dans le "Nouvel Observateur" , "s'il est vrai que
par catharsis une personne liquide ses pulsions de violence, alors les Américains, soumis à un bombardement
d'images de plus en plus violentes, devraient être doux comme des agneaux. Ce n'est précisément pas le cas.
(...) Avec la télévision, c'est tout le contraire : il n'y a pas catharsis mais contagion. On ne peut ignorer la
corrélation existant dans le temps entre l'augmentation des actes agressifs, chez les moins de quinze ans
notamment, et la consommation d'images télévisées" (28).
La large diffusion par les médias de photos et de films pornographiques va beaucoup plus loin que la simple
agression contre la pudeur, elle crée une contagion émotionnelle qui a comme conséquence une incitation au
passage à l'acte, particulièrement dangereuse dans des sociétés qui rejettent toute moralisation des
comportements personnels et collectifs.
"On dit parfois que "voir du porno, ça défoule". Non, ça ne défoule pas, ça détraque ! Et le porno en images est
bien plus dangereux que le porno écrit. Car de ce qui est seulement écrit on peut penser "l'auteur invente", tandis
que de ce qui est en images, surtout en images animées, on pense, "c'est réel. Ca peut se faire, puisque je le vois
faire". On dira que certains pervers n'ont pas besoin de leçons, c'est probablement vrai. Est-ce une raison pour en
fabriquer d'autres, pour transformer en pervers actifs ceux qui ne l'étaient que potentiellement ? C'est ce que l'on
fait en leur montrant ce qu'ils pourraient faire, s'ils l'osaient.
L'image animée est formidablement incitatrice, c'est se moquer que de le nier" (29).
On se demande d'ailleurs, si les images n'avaient pas un pouvoir incitateur, pourquoi les publicitaires
dépenseraient de telles fortunes pour des films vantant leurs produits.
La psychologue Lilianne Lurçat que nous venons de citer voit dans les images télévisées une "suggestion
permanente" et, développant toutes les conséquences de ses observations sur la télévision, termine par une
conclusion qui est valable pour toutes images animées : "La télévision peut donc amener des gens déjà malades
à passer à l'acte" (30).
Diagnostic sans appel qui se trouve à la fois confirmé dans les faits et amplifié par un autre phénomène facile à
observer, celui de l'accoutumance.

Le passage à l'acte

La vérification par les faits est malheureusement des plus faciles à faire. Nos colonnes de journaux sont
remplies de soi-disants "faits divers" qui sont en fait des crimes sexuels dont la recrudescence inquiétante est
caractéristique de cette décennie "porno".
En juillet 1993, la Cour d'Assises du Val-d'Oise acquittait Sandrine, 22 ans, coupable du meurtre de son père qui
lui avait fait subir pendant huit ans des violences sexuelles. Au départ, "elle avait évoqué des "drôles de regards"
de son père, et s'était plainte du goût de celui-ci pour les revues et cassettes pornographiques" (31).
En 1993, en Grande-Bretagne deux enfants meurtriers d'un petit garçon "traumatisent" par leur geste monstrueux
l'opinion internationale. Leur Juge, Michaël Morland, a souligné la logique démente dans laquelle les a placés
"le fait d'avoir été exposés à des films vidéos violents" (...) "le père de Jon avait loué, au cours de l'année
précédant le meurtre une soixantaine de vidéos à caractère violent ou pornographique" (32).
Lorsque dans l'Ile de la Réunion, la chaîne Télé-Free-Dom diffusa régulièrement des films classés X, certains
médecins établirent "un rapport de cause à effet entre le nombre des films pornographiques diffusés par Télé-
Free-Dom et l'augmentation des viols incestueux dans les familles les plus pauvres de l'île" (33).
En Bretagne, une fillette de 14 ans a été violée maintes fois par un groupe de 11 garçons, dont 8 mineurs, qui se
sont acharnés sur elle pendant deux mois en la menaçant de mort si elle les dénonçait. "Ces garçons n'étaient pas
des jeunes à l'abandon. Plusieurs d'entre eux appartenaient à des familles solides. Comment expliquer qu'ils aient
pu, jour après jour, agresser la pauvre petite (...) ? Tout simplement, tout horriblement, parce que certains d'entre
eux avaient des cassettes vidéo qu'ils passaient et repassaient" (34).
Le meurtrier américain Ted Bundy, exécuté en 1989 pour l'assassinat de 28 jeunes filles, décrivait peu de temps
avant de passer sur la chaise électrique "la spirale fatale dans laquelle il s'est trouvé entraîné (...). Ce qui selon
son témoignage explique sa métamorphose graduelle en monstre sadique n'est autre que l'accès précoce au
matériel pornographique. (...) "Je pense souhaitable d'expliquer comment ce genre de littérature contribue à
modeler les comportements violents tels que ceux dont je me suis rendu coupable. La pornographie violente, dit-
il, est comme l'alcool ou la drogue une sorte de dépendance et, comme toute forme de dépendance, elle réclame
un matériel qui est toujours plus explicite.... Vous recherchez quelque chose qui vous donne une plus grande
sensation d'excitation, jusqu'à ce que vous atteigniez le point où vous vous demandez si le faire dans la pratique
n'est pas la prochaine étape après l'avoir lu ou l'avoir vu"" (35).
L'on pourrait malheureusement multiplier les exemples à l'infini tant ils sont devenus monnaie courante.

L'accoutumance

Mais dans ce passage à l'acte suggéré par les représentations pornographiques, il y a en outre un phénomène de
surenchère qui provient d'une rapide accoutumance aux excitations émotionnelles ainsi visuellement
provoquées.
Phénomène d'accoutumance décrit, entre autres, par le neuro-biologiste Jean-Didier Vincent, président de
l'Institut Alfred Fessard, auteur de "Casanova" aux éditions Odile Jacob : "Le cerveau fonctionne toujours avec
des boucles de rétroaction : tout système excitateur met en jeu un système inhibiteur qui le freine. Et vice versa.
Si une drogue amplifie le système excitateur, le processus inverse se renforce également. Ce mécanisme est à
l'origine de l'accoutumance, car la rétroaction est également stimulée. Il faut, chaque nouvelle fois, absorber une
quantité de drogue plus importante pour obtenir le même effet" (36).
Phénomène d'accoutumance à tout agent excitateur, valable pour la drogue, pour l'alcool et... pour les images
pornographiques. Traduction et vérification neuro-biologique du dicton populaire qui veut que "plus l'on boit,
plus l'on a soif".
En raison même de cette accoutumance, l'on assiste donc à une constante surenchère à la fois dans la recherche
du plaisir sexuel et dans la nature des excitants.

Tant pis pour les victimes

C'est ainsi que, hypnotisé par ses lectures ou spectacles pornographiques, l'homme se trouve enfermé dans un
univers fantasmagorique, perdant tout intérêt pour son épouse, pour ses enfants, et pour tout ce qui touche à la
vie familiale considérée comme plate et dépourvue de tout effet excitatoire. C'est ainsi qu'en témoigne aux Etats-
unis le rapport Meese (37) sur la pornographie et ses conséquences sociales, qui fait état de de très nombreux
témoignages montrant que la pornographie est à l'origine de très nombreux divorces, en raison même d'un
comportement sexuel quasi schizoïde à l'intérieur du couple.
Le Conseil pontifical des communications sociales, en mai 1989, soulignait pudiquement cette destruction de la
famille comme conséquence de la pornographie : "La pornographie favorise des fantasmes et des comportements
malsains. Elle compromet le développement moral de la personne et les relations saines et adultes en particulier
dans le mariage et la vie de famille, où la confiance réciproque, la loyauté et l'intégrité morale dans les pensées
et dans les actions sont de grande importance (...). La pornographie met obstacle au caractère familial de
l'authentique sexualité humaine. Dans la mesure où la sexualité est considérée comme la recherche frénétique de
satisfactions individuelles, plutôt que comme l'expression de l'amour durable dans le mariage, la pornographie
apparaît comme un facteur capable de miner la vie familiale dans sa totalité" (38).
Il faut bien comprendre en effet que nos "aimables" consommateurs de spectacles "érotiques" deviennent vite
des "accros" de vidéos pornographiques, et que les "voyeurs" de vidéos porno se délectent en fait de déviances
et de perversions sexuelles de plus en plus hard, dont il est pénible ici d'évoquer la nature : multipartenarisme,
fellation, sodomie, inceste, homosexualité, sado-masochisme, viols, meurtres sexuels rituels, etc... Tous
comportements sexuels qui, soit dit entre parenthèses, sont les agents propagateurs du sida.
La revendication pornographique a abandonné depuis longtemps cette chère Lady Chaterley, courant nue sous la
pluie sur la pelouse du château de son vieux mari avant d'aller rejoindre son amant. De propos délibéré, il est en
fait question de banaliser toutes les perversions sexuelles que nous avons été contraints d'évoquer plus haut.
Soyons bien conscients que le passage à l'acte ne consiste pas à flirter dans les meules de foins avec une fiancée
consentante. Il se traduit par des viols et des meurtres de jeunes femmes et surtout de mineurs des deux sexes de
plus en plus jeunes dans des conditions de plus en plus sordides et sadiques.
La revendication pornographique, c'est la liberté accordée aux fantasmes sexuels de quelques-uns au détriment,
en violation si l'on peut dire, de la liberté de tous les autres. "La nature n'a créé les hommes que pour qu'ils
s'amusent de tout sur la terre" Tant pis pour les victimes, il en faut !", avait le cynisme de dire le Marquis de
Sade (39).
Et tel est bien le cas : "En France, cinq mille plaintes pour viol ont été déposées en 1991. Mais selon les milieux
associatifs d'aide aux victimes, et en marge de cette procédure officielle, une femme seulement sur quatre oserait
déposer plainte contre son ou ses agresseurs. Ce qui porte à plus de quinze ou vingt mille le nombre réel de viols
commis par an" (40).
En France et dans tous les pays occidentaux, la "criminalité sexuelle" (incitations à la débauche, attentats à la
pudeur, détournements de mineurs, viols ou tentatives de viol, meurtres sexuels...) croit dans des proportions
bien supérieures à celle de tous les autres crimes et délits.

C'est la faute à Rousseau !

Ainsi que le fait très justement remarquer Katie Breen, dans le "Courrier des Lecteurs" du journal "Le Monde" :
"Chaque semaine a sa livraison de "gamines", de "pucelles" et de "collégiennes" que l'industrie pornographique
malmène sans façons.
Etrange dédoublement : comment une société peut-elle, d'un côté, condamner ces crimes avec tant d'émotion, de
l'autre, tolérer qu'on mette en images, en toutes lettres et en affiches, le viol et la sodomie de mineures ?
Sodomiser une gamine serait ici un acte de barbarie, là un argument commercial et l'occasion d'une jouissance ?"
(41).
Fort judicieuse remarque qui traduit en quelques mots toute la responsabilité, toute l'irresponsabilité (sans
vouloir jouer sur les mots) et toute l'incurie de notre société libérale.
En tant qu'il nie l'existence d'une vérité, qu'il affirme que toutes les opinions se valent, et que le rôle de la loi
sociale doit se borner à veiller à ce que la liberté des uns n'entrave pas celle des autres, le libéralisme est par
nature incapable de faire face à cet "étrange dédoublement" que déplore avec tant de bon sens notre lectrice du
"Monde".
A la limite, l'impasse dans laquelle se trouve notre société sevrée de valeurs, incombe davantage à la
responsabilité du libéralisme au pouvoir qu'à la perversion des pornocrates, parce qu'il anesthésie les
consciences et les intelligences en les faisant douter du bien fondé et du bon droit de leurs réactions de défense
contre les agressions subversives.

Non-assistance
à personnes en danger

Ainsi ni les tenants du pouvoir en place, ni les collectivités, ni les multiples associations que ce combat devrait
engager directement, ni le citoyen "de base" pourtant immédiatement concerné dans ses enfants, ne sont
profondément convaincus du bien-fondé d'une action qui prétendrait s'attaquer à la liberté des moeurs.
Deux cents ans de libéralisme philosophique et politique à haute dose, doublés depuis plus de trente ans
d'intensives campagnes médiatiques semblent être parvenus à contraindre nos consciences à dormir en nous-
mêmes sans oser s'exprimer à haute voix. Le Français de 1994 ne veut surtout pas être accusé d'être un partisan
de la censure... Toutes les opinions se valent, n'est-ce pas, et tous les comportements sexuels aussi !... De quel
droit irait-on imposer une morale ou un comportement sexuel plutôt qu'un autre ?
Alors, comme le dit le marquis de Sade, tant pis pour les victimes, il en faut ?!....
Les premières victimes, en l'occurence, de cette déferlante pornographique, ce sont encore une fois les plus
faibles d'entre nous, à savoir nos enfants et adolescents, qui se trouvent gravement agressés dans leur sensibilité,
dans la fragilité de leur équilibre psychique et sexuel, dans leur conception de l'amour et... parfois dans leur
personne lorsqu'ils sont soit utilisés pour la fabrication des documents pornographiques, soit victimes des
multiples agressions violentes ou des meurtres sexuels dont nous venons de constater la recrudescence.
A les laisser ainsi sans défense face aux perversions de quelques-uns, nous nous rendrions coupables de non-
assistance à personnes en danger.
Il ne saurait par conséquent être question d'accepter cette logique imbécile de l'auto-censure et du discours
castrateur du libéralisme. La liberté d'expression a ses limites, comme toute liberté elle n'est qu'un moyen pour
faire le bien. Il n'existe pas de liberté de faire le mal.

Que faire ?

Il faut bien comprendre ici que l'indignation vertueuse est hors de propos. Il y a comme de l'hypocrisie à se
contenter de déplorer l'existence d'un mal alors que l'on ne fait rien pour le combattre. En ce domaine particulier
du pourrissement de nos moeurs, comme en celui plus général du fonctionnement politique et social de notre
pays, c'est aux citoyens que nous sommes qu'incombe la tâche de redresser la barre.
Le premier pas à faire, si l'on veut tenter d'arrêter la déferlante pornographique, sera celui qui nous permettra de
démonter l'argument libéral. Il nous faut oser reprendre la parole pour montrer que tous les comportements
sexuels ne se valent pas; que certains sont contraires à la nature humaine, parce qu'il existe une nature humaine.
Que c'est sur le respect de cette nature que se sont édifiées notre civilisation et nos lois.
Nécessaire formation intellectuelle donc afin de nous conforter nous-mêmes dans nos positions et ne pas être
désarçonnés par une argumentation adverse bien amenée ou imprévue; il nous faut savoir en la matière avoir
toujours le dernier mot ! Nécessaire formation aussi afin de savoir montrer les erreurs, les mensonges et l'inanité
qui président à l'argumentation des partisans d'une totale "libération des moeurs". Nécessaire formation
intellectuelle afin de pouvoir justifier, en principe et en droit, notre volonté de mettre fin à l'étalage
pornographique. L'on ne saurait s'en tenir ici à l'unique indignation du "c'est absolument immonde !". Il nous
faut surtout savoir puiser dans notre formation, dans notre connaissance des valeurs qui ont fait notre
civilisation, ce courage et cet amour nécessaires à l'action.

Savoir utiliser les lois

Dans un second temps, sachons utiliser les lois en vigueur. Notre législation ne nous laisse pas démunis face à
cette agression de nos moeurs. Les pratiques à la fois commerciales et médiatiques qui diffusent la pornographie
tombent sous le coup de la loi. Il existe dans la législation française tout l'appareil juridique nécessaire pour
mettre fin, ou en tout cas limiter considérablement le déferlement pornographique. C'est uniquement par
ignorance ou par peur intellectuelle que nous avons laissé cet arsenal juridique tomber en désuétude.
Il faut utiliser les lois existantes.
Dans le "nouveau code pénal", en vigueur depuis le 1er mars 1994 :
- L'article 227-22 punit : "Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d'un mineur (...) le fait
d'organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou
participe".
- L'article 227-23 punit : "Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image d'un
mineur".
- L'article 227-24 punit : "Le fait, soit de fabriquer, soit de transporter, diffuser par quelque moyen que ce soit et
quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement
atteinte à la dignité humaine".
L'on comprend aisément que ces textes de loi ne sont efficaces qu'en raison de leur utilisation. A nous de les
faire appliquer. Il ne faut donc pas hésiter à porter plainte.
Pas directement : un particulier ne doit pas porter plainte en son nom, car il risquerait d'être condamné à payer
les frais de procédure en cas d'échec. Il faut aller trouver les autorités compétentes afin de les contraindre à faire
leur travail :
- Saisir le procureur de la République (Tribunal de Grande Instance) afin qu'il engage lui-même les poursuites
pénales à l'encontre des contrevenants.
- Prévenir le maire de votre commune. Il est le mieux placé pour intervenir en sa double qualité d'officier de
police judiciaire et de magistrat investi de la police municipale. Il a autorité pour prendre tout arrêté nécessaire
pour interdire les incitations publiques à la débauche sur le territoire de sa commune.
- Agir auprès de certaines associations. Ainsi l'UDAF, Union Départementale des Associations Familiales, ou
une Association Familiale Catholique locale (AFC), qui sont habilitées à porter plainte en justice pour faits de
nature à nuire aux intérêts moraux et matériels de la famille.
- Enfin vous adresser à des associations spécialisées, notamment l'Oeuvre Chrétienne de la Cité Vivante pour la
défense contre les incitations à la perversion des moeurs (42).
Méfions-nous néanmoins de l'incohérence d'un pouvoir libéral qui hésitera toujours à aller jusqu'au bout d'une
politique d'assainissement des moeurs. Ainsi, à peine le nouveau Code pénal est-il en application, qu'il est déjà
stipulé qu'il ne saurait y avoir de poursuite quand il s'agit de campagnes d'information ou de prévention du sida.
"C'est Simone Veil en personne qui a anticipé les critiques d'"Act-Up" ou de "Solidarité-Plus" contre le nouveau
code pénal qui permet de punir ceux qui diffusent "un message à caractère violent ou pornographique ou
attentatoire à la dignité humaine". Le ministre d'Etat, Simone Veil est intervenue auprès du garde des Sceaux,
Pierre Méhaignerie, afin que les Parquets reçoivent de la Chancellerie une note d'interprétation en ce sens de
cette nouvelle rédaction du code. Comme si l'information sur le sida devait nécessairement se faire de façon
indécente..." (43).
Ne nous faisons pas trop d'illusion, surtout à considérer les pesanteurs administratives et les verrouillages
idéologiques, sur l'efficacité essentielle de ce combat juridique qu'il faut néanmoins mener.

Aller au coeur du problème

Mais il nous faudra aller plus au coeur du problème.


Car la riposte la plus efficace est ailleurs.
Ainsi que le faisait si justement remarquer Montesquieu : "Les bons politiques doivent, non pas remplir les
portiques de textes écrits, mais maintenir la justice dans les âmes; ce n'est pas par les décrets mais par les moeurs
que les cités sont bien réglées; les gens qui ont reçu une mauvaise éducation, oseront transgresser même les lois
exactement rédigées, mais ceux qui ont été bien élevés dans la vertu accepteront d'obéir même aux lois dont la
lecture est facile" (44).
Une fois de plus, le combat est culturel.
C'est par une éducation à l'amour et au beau que nous édifierons la plus efficace des parades à un déferlement
pornographique : celle qui multipliera les amoureux du véritable amour, les amoureux de la beauté de l'amour
humain.
Pour ruiner un commerce obscène, vous pouvez bien sûr vous en prendre au commerçant en essayant de lui
rendre, juridiquement parlant, la vie impossible. Mais si les produits qu'il vend multiplient à l'infini sa clientèle,
vous vous épuiserez en vain. Détruire sa clientèle est, à long terme, beaucoup plus efficace ! Il faut le faire
disparaître en rendant son commerce infructueux. Ceci est beaucoup plus définitif.

La civilisation de l'amour

C'est cet objectif que se proposent d'atteindre les méthodes d'action culturelle mises en place par ICTUS depuis
près de quinze ans maintenant. Elles ont maintenant fait leurs preuves et permis d'atteindre déjà certains de nos
concitoyens qui ne sont pas d'une sensibilité chrétienne. Car sur le sol de France, aujourd'hui comme hier, que
l'on soit chrétien, athée, socialiste ou musulman, les fils de notre peuple ont tous reçu en héritage la civilisation
chrétienne.
Action culturelle qui montre, dans ses oeuvres, cette civilisation de l'amour, dont nous sommes tous les héritiers,
mais qui a disparu dans ses traductions sociales et politiques.
Car la civilisation dont nous sommes les fils autant que les continuateurs est celle de l'amour véritable, fondée
sur le respect de la dignité de la personne humaine, exaltée dans ses élans les plus nobles et ses attachements les
plus légitimes et qui a toujours placé l'amour au coeur de notre patrimoine.
Civilisation que le Pape Jean-Paul II nous invite expressément à reconstruire au nom du même amour, en
fonction des mêmes principes et avec les mêmes méthodes que ceux des premiers chrétiens.
Cette action culturelle, loin d'occulter l'amour humain, le présente dans sa véritable nature et dans son infinie
beauté. Car c'est au nom de l'authentique amour que nous parviendrons à nous débarrasser de toutes ses
caricatures et malfaçons. Ainsi que le souligne si justement Jean Daniel : "Il faut le dire : c'est au nom de
l'amour, et non du puritanisme, que s'impose une discipline qui peut endiguer l'invasion délirante du sexe. Ne
redoutons pas pour cela d'être à contre-courant, de n'être plus "dans le coup", de n'être plus à la mode. Rien ne se
démode plus vite que la mode. Quand le balancier du pendule est allé trop loin dans un sens, il s'en retourne
aussi loin à son point de départ" (45).
Car exhiber l'acte sexuel pour sa seule mécanique lui arrache la beauté et la force qu'il puise dans le véritable
amour entre un homme et une femme et de l'union desquels il émerge comme le festin couronne la faim de midi.
"Que tes caresses ont de charme ma soeur, ma fiancée, combien tes amours sont plus délicieuses que le vin et
l'odeur de tes parfums que tous les aromates" (46).

Nicole BURON

1 - "La marée noire de la pornographie", Désiré Dutonnerre, Cercle de la CitéVivante, p. 271. En vente au CLC.
2 - "Catéchisme de l'Eglise catholique", 2354.
3 - Voir à ce sujet l'article de Fabienne Leroux sur les magazines féminins, "Permanences" 308, janvier 1994, p. 22 et suivantes.
4 - "L'événement du jeudi", 6 au 12 janvier 1994.
5 - Dont le procès pour pédophilie est en cours d'instruction dans l'Etat de Californie.
6 - "Télé Obs", du 29 janvier au 4 février 1994.
7 - "Vidéo-exclusive" n°2, mars 1994.
8 - "L'évènement du jeudi", du 6 au 12 janvier 1994.
9 - "Guetteur, le cri de la nuit, l'entends-tu ?", Daniel-Ange, Ed. Fayard,p. 384.
10 - ROC n°83, 28 octobre 1993.
11 - "Hot-Vidéo", décembre 1993.
12 - "L'événement du jeudi" du 6 au 12 janvier 1994.
13 - "Le Monde" du 30 août 1975.
14 - "Vidéo-Exclusive" n°2, mars 1994.
15 - Cité dans "Pour qu'Il règne", Jean Ousset, p. 147.
16 - Cité par Crétineau-Joly dans le deuxième volume de son ouvrage "L'Eglise romaine en face de la Révolution", in "Pour qu'Il règne", p.
148.
17 - Alfred Naquet, "Vers l'union libre" (1908), p. 117.
18 - "Savoir et Servir" n° 54, p. 28.
19 - Wilhelm Reich, "Psychologie de masse du fascisme", La pensée molle, 1970, p. 49.
20 - "Face à face Christianisme Marxisme", Renée Casin, Résiac, p. 40.
21 - Dossier de présentation du Mouvement Français du Planning Familial de juin 1978.
22 - "Paris-Match" du 23 février 1993.
23 - "Valeurs Actuelles", 12 août 1993.
24 - Cité dans "Une presse sous influence" (Albin Michel), 1992, par Daniel Trinquet, p. 163-164.
25 - Interviewé par Jean-Luc Delarue sur Europe 1 le 11 octobre 1993,
26 - "Sans nom" n°1, 1er trimestre 1994. Son rédacteur en chef, Frédéric Joignot est également rédacteur en chef de la revue "Actuel". En
quatrième de couverture de ce numéro de lancement figure cette mention : "Si vous voulez soutenir la presse de liberté, abonnez-vous à Sans
Nom, la revue des moeurs. Rejoignez le Mouvement pour la Liberté des moeurs contre l'intégrisme moral - Projet ORNICAR...." suivi de
toutes les coordonnées nécessaires. Cette revue gauchiste est si pornographique que la société Barilla a exigé que son nom disparaisse de la
publicité retenue.
27 - "La marée noire de la pornographie", Désiré Dutonnerre, opus cit. p.273.
28 - "Le Nouvel Observateur" du 2 décembre 1993.
29 - M.M Matinie in "L'Homme nouveau" du 17 novembre 1991.
30 - "Le Nouvel Observateur" du 2 décembre 1993.
31 - "Le Monde" du 9 juillet 1993.
32 - "Le Figaro" du 26 novembre 1993.
33 - "Le Monde" du 9 avril 1992.
34 - M.M Martinie in "L'Homme nouveau", 17 novembre 1991.
35 - "Présent", 14 novembre 1991.
36 - "L'Express", du 10 juin 1993.
37 - Rapport de 1.500 pages sur la pornographie établi par Edwin Meese de l'administration de Ronald Reagan.
38 - Document du Conseil pontifical des communications sociales, "Osservatore romano" du 17 mai 1989, traduction de la "Documentation
Catholique" du 18 juin 1989.
39 - Marquis Donatien de Sade (1740-1814), in "Justine ou les malheurs de la vertu", 1797.
40 - "Le Figaro" du 22 septembre 1993.
41 - "Le Monde" du 19 décembre 1992.
42 - B.P. 424, 78304 Poissy.
43 - "Présent" du 5 mars 1994.
44 - Montesquieu, "Esprit des lois", livre XIV, chapitre 15.
45 - Jean Daniel, "Télé-Obs", du 29 janvier au 6 février 1994.
46 - La Bible, le Cantique des Cantiques, le Bien-Aimé, 4-10.

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