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Le roman, de l’idéalisation au réalisme

Annexe 1 : Crébillon, dans la préface des Egarements du cœur et de l’esprit :


« Le roman, si méprisé des personnes sensées, et souvent avec justice, serait peut-être celui de
tous les genres qu’on pourrait rendre le plus utile, s’il était bien manié, si, au lieu de le remplir
de situations ténébreuses et forcées, de héros dont les caractères et les aventures sont toujours
hors du vraisemblable, on le rendait, comme la comédie, le tableau de la vie humaine, et
qu’on y censurât les vices et les ridicules. Le lecteur n’y trouverait plus à la vérité ces
événements extraordinaires et tragiques qui enlèvent l’imagination, et déchirent le cœur ; plus
de héros qui ne passât les mers que pour y être à point nommé pris des Turcs, plus d’aventures
dans le sérail, de sultane soustraite à la vigilance des eunuques, par quelque tour d’adresse
surprenant ; plus de morts imprévues, et infiniment moins de souterrains. Le fait, préparé avec
art, serait rendu avec naturel. On ne pécherait plus contre les convenances et la raison. Le
sentiment ne serait point outré ; l’homme enfin verrait l’homme tel qu’il est; on l’éblouirait
moins, mais on l’instruirait davantage. »

Annexe 2 : Colette Becker, Lire le réalisme et le naturalisme, Armand Colin, 2005, p. 38.
« Le terme de réalisme s’oppose à celui d’idéalisme, avec lequel il forme une antithèse. Il en
arrive à définir la réaction qui s’est produite au cours des siècles contre la littérature officielle
et les canons en usage. »

Annexe 3 : Champfleury, Lettre à George Sand du 2 septembre 1855.


« Le Réalisme est aussi vieux que le monde et en tout temps il y a eu des réalistes. Tous ceux
qui apportent quelques aspirations nouvelles sont dits réalistes. »

Annexe 4 : Stendhal, La Chartreuse de Parme (1838)


« Fabrice était tout joyeux. Enfin, je vais me battre réellement, se disait-il, tuer un ennemi !
Ce matin ils nous envoyaient des boulets, et moi je ne faisais rien que m'exposer à être tué ;
métier de dupe. Il regardait de tous côtés avec une extrême curiosité. Au bout d'un moment, iI
entendit partir sept à huit coups de fusil tout près de lui. Mais, ne recevant point l'ordre de
tirer, il se tenait tranquille derrière son arbre. Il était presque nuit ; il lui semblait être à
l'espère1, à la chasse de l'ours, dans la montagne de la Tramezzina au-dessus de Grianta. Il lui
vint une idée de chasseur ; il prit une cartouche dans sa giberne 2et en détacha la balle : si je le
vois, dit-il, il ne faut pas que je le manque et il fit couler cette seconde balle dans le canon de
son fusil. Il entendit tirer deux coups de feu tout à côté de son arbre ; en même temps, il vit un
cavalier vêtu de bleu qui passait au galop devant lui, se dirigeant de sa droite à sa gauche. Il
n'est pas à trois pas, se dit-il, mais à cette distance je suis sûr de mon coup, il suivit bien le
cavalier du bout de son fusil et enfin pressa la détente ; le cavalier tomba avec son cheval.
Notre héros se croyait à la chasse : il courut tout joyeux sur la pièce qu'il venait d'abattre. II
touchait déjà l'homme qui lui semblait mourant, lorsque, avec une rapidité incroyable, deux
cavaliers prussiens arrivèrent sur lui pour le sabrer. Fabrice se sauva à toutes jambes vers le
bois ; pour mieux courir il jeta son fusil. Les cavaliers prussiens n'étaient plus qu'à trois pas de
lui lorsqu'il atteignit une nouvelle plantation de petits chênes gros comme le bras et bien
droits qui bordaient le bois. Ces petits chênes arrêtèrent un instant les cavaliers mais ils
passèrent et se remirent à poursuivre Fabrice dans une clairière. De nouveau ils étaient près de
l'atteindre, lorsqu'il se glissa entre sept à huit gros arbres. »
1 - à l'espère: à l'affût.
2 - giberne : cartouchière des soldats.

Annexe 5 : Table des titres de La Comédie Humaine de Balzac selon l’édition Furne
(extrait).
Etudes de mœurs
Scènes de la vie privée
Scènes de la vie de province
Scènes de la vie parisienne
Scènes de la vie politique
Scènes de la vie militaire
Scènes de la vie de campagne

Annexe 6 : Balzac, Illusions perdues 

« Etienne et Lucien perdirent un certain temps à errer dans les corridors et à parlementer avec
les ouvreuses1.
 –  Allons dans la salle, nous parlerons au directeur qui nous prendra dans sa loge. D'ailleurs
je vous présenterai à l'héroïne de la soirée, à Florine.
 Sur un signe de Lousteau, le portier de l'Orchestre prit une petite clef et ouvrit une porte
perdue dans un gros mur. Lucien suivit son ami, et passa soudain du corridor illuminé au trou
noir qui, dans presque tous les théâtres, sert de communication entre la salle et les coulisses.
Puis, en montant quelques marches humides, le poète de province aborda la coulisse, où
l'attendait le spectacle le plus étrange. L'étroitesse des portants2, la hauteur du théâtre, les
échelles à quinquets3, les décorations si horribles vues de près, les acteurs plâtrés 4, leurs
costumes si bizarres et faits d'étoffes si grossières, les garçons à vestes huileuses, les cordes
qui pendent, le régisseur qui se promène son chapeau sur la tête, les comparses 5assises, les
toiles de fond suspendues, les pompiers, cet ensemble de choses bouffonnes, tristes, sales,
affreuses, éclatantes ressemblait si peu à ce que Lucien avait vu de sa place au théâtre que son
étonnement fut sans bornes. On achevait un bon gros mélodrame 6intitulé Bertram, pièce
imitée d'une tragédie de Maturin qu'estimaient infiniment Nodier, lord Byron et Walter Scott 7,
mais qui n'obtint aucun succès à Paris.
 –  Ne quittez pas mon bras si vous ne voulez pas tomber dans une trappe, recevoir une forêt
sur la tête, renverser un palais ou accrocher une chaumière, dit Etienne à Lucien. Florine est-
elle dans sa loge, mon bijou ? dit-il à une actrice qui se préparait à son entrée en scène en
écoutant les acteurs.
–  Oui, mon amour. Je te remercie de ce que tu as dit de moi. Tu es d'autant plus gentil que
Florine entrait ici.
 –  Allons, ne manque pas ton effet, ma petite, lui dit Lousteau. Précipite-toi haut la patte !
dis-moi bien : Arrête, malheureux ! car il y a deux mille francs de recette.
 Lucien stupéfait vit l'actrice se composant en s'écriant : Arrête, malheureux ! de manière à le
glacer d'effroi. Ce n'était plus la même femme.
 –  Voilà donc le théâtre, dit-il à Lousteau.
 –  C'est comme la boutique de la Galerie de Bois 8et comme un journal pour la littérature, une
vraie cuisine9, lui répondit son nouvel ami.
1.ouvreuses : femmes dont le rôle est de placer les spectateurs dans une salle de spectacle.
2. portants : montants qui soutiennent un élément du décor, un appareil d'éclairage au théâtre.
3. échelles à quinquets : échelles munies de lampes formant des rampes d'éclairage.
4. acteurs plâtrés : acteurs dont le visage est excessivement maquillé.
5. comparses : acteurs qui remplissent un rôle muet, personnages dont le rôle est insignifiant.
6. mélodrame : œuvre dramatique accompagnée de musique.
7. Maturin (1782-1824) : romancier irlandais ; Nodier (1780-1844) : écrivain français ; Lord Byron
(1788-1824) : artiste, écrivain, poète anglais ; Walter Scott (1771-1832) : poète et écrivain écossais.
8. la Galerie de Bois : est dépeinte ensuite par Balzac comme « un bazar ignoble » ; « la boutique » est
une librairie à côté d'autres commerces plus ou moins recommandables.
9. une vraie cuisine : un mélange de genres invraisemblable.

Annexe 7 : Balzac, Avant-propos à La Comédie humaine


«  La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie,
autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat,
un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’état, un
commerçant, un marin, un poète, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir,
aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau, le requin, le
veau marin, la brebis, etc. Il a donc existé, il existera donc de tout temps des Espèces Sociales
comme il y a des Espèces Zoologiques. Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de
représenter dans un livre l’ensemble de la zoologie, n’y avait-il pas une œuvre de ce genre à
faire pour la société ? […] Le hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond,
il n’y a qu’à l’étudier. La Société française allait être l’historien, je ne devais être que le
secrétaire. En dressant l’inventaire des vices et des vertus, en rassemblant les principaux faits
des passions, en peignant les caractères, en choisissant les événements principaux de la
Société, en composant des types par la réunion des traits de plusieurs caractères homogènes,
peut-être pouvais-je arriver à écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs.
Avec beaucoup de patience et de courage, je réaliserais, sur la France au dix-neuvième siècle,
ce livre que nous regrettons tous, que Rome, Athènes, Tyr, Memphis, la Perse, l’Inde ne nous
ont malheureusement pas laissé sur leurs civilisations, et qu’à l’instar de l’abbé Barthélemy, le
courageux et patient Monteil avait essayé pour le Moyen-Âge, mais sous une forme peu
attrayante.
Ce travail n’était rien encore. S’en tenant à cette reproduction rigoureuse, un écrivain
pouvait devenir un peintre plus ou moins fidèle, plus ou moins heureux, patient ou courageux
des types humains, le conteur des drames de la vie intime, l’archéologue du mobilier social, le
nomenclateur des professions, l’enregistreur du bien et du mal ; mais, pour mériter les éloges
que doit ambitionner tout artiste, ne devais-je pas étudier les raisons ou la raison de ces effets
sociaux, surprendre le sens caché dans cet immense assemblage de figures, de passions et
d’événements. Enfin, après avoir cherché, je ne dis pas trouvé, cette raison, ce moteur social,
ne fallait-il pas méditer sur les principes naturels et voir en quoi les Sociétés s’écartent ou se
rapprochent de la règle éternelle, du vrai, du beau ? Malgré l’étendue des prémisses, qui
pouvaient être à elles seules un ouvrage, l’œuvre, pour être entière, voulait une conclusion.
Ainsi dépeinte, la Société devait porter avec elle la raison de son mouvement. »

Annexe 8 : Les Goncourt, Germinie Lacerteux, Préface.


« Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai.
Il aime les livres qui font semblant d’aller dans le monde : ce livre vient de la rue. […]Vivant
au dix-neuvième siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme,
nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle « les basses classes » n’avait pas droit au
Roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit
littéraire et des dédains d’auteurs qui ont fait jusqu’ici le silence sur l’âme et le cœur qu’il
peut avoir. […]Maintenant, que ce livre soit calomnié : peu lui importe. Aujourd’hui que le
Roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée,
vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la
recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le Roman s’est
imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les
franchises. Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas
laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de
charité ont le courage de voir, ce que les reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs
enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la
charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce large et vaste
nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. »

Annexe 9 : Zola, « La Différence entre Balzac et moi ».


« Ma grande affaire est d’être purement naturaliste, purement physiologiste. Au lieu [de me]
d’avoir des principes (la royauté, le catholicisme) j’aurai des lois [scient] (l’hérédité, l’énéité).
Je ne veux pas comme Balzac avoir une décision sur les affaires des hommes, être politique,
philosophe, moraliste. Je me contenterai d’être savant, de dire ce qui est en en cherchant les
raisons intimes. Point de conclusion d’ailleurs. Un simple exposé des faits d’une famille, en
montrant le mécanisme intérieur qui la fait agir. J’accepte même l’exception. »

Annexe 10 : Zola, Le Naturalisme au théâtre, 1881.


« Veut-on savoir ce que c’est que le naturalisme, tout simplement ? Dans la science, le
naturalisme, c’est le retour à l’expérience et à l’analyse, c’est la création de la chimie et de la
physique, ce sont des méthodes exactes qui, depuis la fin du siècle dernier, ont renouvelé
toutes nos connaissances ; dans l’histoire, c’est l’étude raisonnée des faits et des hommes, la
recherche des sources, la résurrection des sociétés et des milieux ; dans la critique, c’est
l’analyse du tempérament de l’écrivain, la reconstruction de l’époque où il a vécu, la vie
remplaçant la rhétorique ; dans les lettres, dans le roman surtout, c’est la continuelle
compilation des documents humains, c’est l’humanité vue et peinte, résumée en des créations
réelles et éternelles. »

Annexe 11 : Zola, préface de L’Assommoir.


« J’ai voulu peindre la déchéance d’une famille ouvrière dans le milieu empesté de nos
faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la
famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis, comme
dénouement la honte et la mort. C’est de la morale en action, simplement »

Annexe 12 : Préface à la deuxième édition de Thérèse Raquin

« La critique a accueilli ce livre d’une voix brutale et indignée. Certaines gens vertueux,
dans des journaux non moins vertueux, ont fait une grimace de dégoût, en le prenant avec des
pincettes pour le jeter au feu. Les petites feuilles littéraires elles-mêmes, ces petites feuilles
qui donnent chaque soir la gazette des alcôves et des cabinets particuliers, se sont bouché le
nez en parlant d’ordure et de puanteur. Je ne me plains nullement de cet accueil ; au contraire,
je suis charmé de constater que mes confrères ont des nerfs sensibles de jeune fille. Il est bien
évident que mon œuvre appartient à mes juges, et qu’ils peuvent la trouver nauséabonde sans
que j’aie le droit de réclamer. Ce dont je me plains, c’est que pas un des pudiques journalistes
qui ont rougi en lisant Thérèse Raquin ne me paraît avoir compris ce roman. […]On
commence, j’espère, à comprendre que mon but a été un but scientifique avant tout. Lorsque
mes deux personnages, Thérèse et Laurent, ont été créés, je me suis plu à me poser et à
résoudre certains problèmes : ainsi, j’ai tenté d’expliquer l’union étrange qui peut se produire
entre deux tempéraments différents, j’ai montré les troubles profonds d’une nature sanguine
au contact d’une nature nerveuse. Qu’on lise le roman avec soin, on verra que chaque chapitre
est l’étude d’un cas curieux de physiologie. En un mot, je n’ai eu qu’un désir : étant donné un
homme puissant et une femme inassouvie, chercher en eux la bête, ne voir même que la bête,
les jeter dans un drame violent, et noter scrupuleusement les sensations et les actes de ces
êtres. J’ai simplement fait sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font
sur des cadavres. »

Annexe 13 : Le Manifeste des cinq (1887) : Paul Bonnetain, J.-H. Rosny, Lucien
Descaves, Paul Margueritte, Gustave Guiches

« La Terre a paru. La déception a été profonde et douloureuse. Non seulement l'observation
est superficielle, les trucs démodés, la narration commune et dépourvue de caractéristiques,
mais la note ordurière est exacerbée encore, descendue à des saletés si basses que, par
instants, on se croirait devant un recueil de scatologie: le Maître est descendu au fond de
l'immondice. »

Annexe 14 : Edmond de Goncourt, la préface aux Frères Zemganno, 1879 :


« Le Réalisme, pour user du mot bête, du mot drapeau, n’a pas en effet l’unique mission de
décrire ce qui est bas, ce qui est répugnant, ce qui pue, il est venu au monde aussi, lui, pour
définir dans de l’écriture artiste, ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon, et encore
pour donner les aspects et les profils des êtres raffinés et des choses riches : mais cela, en une
étude appliquée, rigoureuse, et non conventionnelle et non imaginative de la beauté. »

Annexe 15 : Maupassant, la préface de Pierre et Jean :


« Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale
de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la
réalité même.
Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée,
pour énumérer les multitudes d’incidents insignifiants qui emplissent notre existence.
Un choix s’impose donc, — ce qui est une première atteinte à la théorie de toute la
vérité.
La vie, en outre, est composée des choses les plus différentes, les plus imprévues, les
plus contraires, les plus disparates ; elle est brutale, sans suite, sans chaîne, pleine de
catastrophes inexplicables, illogiques et contradictoires qui doivent être classées au
chapitre faits divers.
Voilà pourquoi l’artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de
hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout le
reste, tout l’à-côté. […]Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant
la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur
succession.
J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes.
Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre
dans notre pensée et dans nos organes. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût
différents créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. Et nos esprits qui reçoivent
les instructions de ces organes, diversement impressionnés, comprennent, analysent et jugent
comme si chacun de nous appartenait à une autre race.
Chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde, illusion poétique,
sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou lugubre suivant sa nature. Et l’écrivain n’a
d’autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d’art qu’il a
appris et dont il peut disposer. »

Annexe 16 : Zola, Salon de 1876


« la photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du
talent artistique, est une chose impitoyable »

Annexe 17 : Valéry, dans Variété :


« Cette opposition entre le dogme même du Réalisme – l’attention au banal – et la volonté
d’exister en tant qu’exception et personnalité précieuse eut pour effet d’exciter les réalistes au
soin et aux recherches du style. »

Annexe 18 : Flaubert


« Je voulais écrire tout ce que je vois, non tel qu’il est, mais transfiguré » (Lettre à Louise
Colet du 26 août 1853)
« On ne peut faire vrai qu’en choisissant et en exagérant » (lettre à Taine du 14 juin 1867)
« Il ne s’agit pas seulement de voir, il faut arranger et fondre ce que l’on a vu. La Réalité,
selon moi, ne doit être qu’un tremplin. » (Lettre à Tourgueniev du 8 décembre 1877).

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