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Travaux

dirigés de droit public des biens



Fiche n° 5 : Ouvrages publics – Travaux publics 1.

I- Documents.

1°- CE, Avis n° 323179, 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud.

Le Conseil d'Etat, Sur le rapport de la section du contentieux,
Vu le jugement du 8 décembre 2008, enregistré le 12 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du
Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Marseille, avant de statuer sur la demande de M.
et Mme Beligaud tendant à la condamnation de la société Electricité de France - Energie Méditerranée
à les indemniser des dommages qu'ils soutiennent subir en raison de la présence et du fonctionnement
de la centrale thermique de Martigues-Ponteau, a décidé, en application des dispositions de l'article L.
113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat
en soumettant à son examen la question de savoir si, en raison de l'intervention des lois des 10 février
2000 et 9 août 2004 qui ont donné une nouvelle définition du service public de l'électricité et modifié
le statut d'Electricité de France, les établissements de production électrique détenus par cette société
conservent leur caractère d'ouvrage public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des
règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE ;
Vu la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des
règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du
service public de l'électricité ;
Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux
entreprises électriques et gazières ;
Vu le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques générales de conception
et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics
d'électricité ;
Vu l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement
pour le raccordement au réseau public de transport d'électricité d'une installation de production
d'énergie électrique ;
Vu l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement
pour le raccordement à un réseau public de distribution d'électricité en basse tension ou en moyenne
tension d'une installation de production d'énergie électrique ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 113-1, R. 621-1 à R. 621-7 ;
Après avoir entendu en séance publique :
― le rapport de Mme Delphine Hedary, maître des requêtes ;
― les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France ;
― les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public,
la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de
France,
Rend l'avis suivant :
La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère
d'ouvrage public, notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement
affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution
de ce service public.
S'agissant des ouvrages de production d'électricité, il se déduit de l'article 2 de la loi du 16 octobre
1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, aux termes duquel « Sont placées sous le régime
de la concession les entreprises dont la puissance (...) excède 4 500 kilowatts », et de l'article 10 de
cette même loi, qui prévoit que des obligations sont imposées aux exploitants de ces centrales, que
cette loi a entendu donner à l'ensemble des ouvrages de production d'énergie hydroélectrique
concédés, que la personne qui en est propriétaire soit publique ou privée, le caractère d'ouvrage public.
Le statut des autres ouvrages de production d'électricité n'a été déterminé ni par la loi du 10 février
2000 qui a défini le service public de l'électricité ni par celle du 9 août 2004 qui a transformé
Electricité de France en société de droit privé. Il faut donc rechercher, dans le cas où des personnes
privées sont propriétaires d'ouvrages de production d'électricité, si elles sont chargées de l'exécution
d'un service public et si les ouvrages en cause sont directement affectés à ce service public.
L'article 1er de la loi du 10 février 2000, qui n'a pas été modifié sur ce point par la loi du 9 août 2004,
dispose que : « Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en
électricité sur l'ensemble du territoire, dans le respect de l'intérêt général./Dans le respect de la
politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité de l'approvisionnement (...). »
L'article 2 de la même loi prévoit que : « Selon les principes et conditions énoncés à l'article 1er, le
service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité,
le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi
que la fourniture d'électricité, dans les conditions définies ci-après./I. ― La mission de développement
équilibré de l'approvisionnement en électricité vise :/1° A réaliser les objectifs définis par la
programmation pluriannuelle des investissements de production arrêtée par le ministre chargé de
l'énergie ;/2° A garantir l'approvisionnement des zones du territoire non interconnectées au réseau
métropolitain continental./Les producteurs, et notamment Electricité de France, contribuent à la
réalisation de ces objectifs. Les charges qui en découlent, notamment celles résultant des articles 8 et
10, font l'objet d'une compensation intégrale dans les conditions prévues au I de l'article 5. »
Il résulte de ces dispositions que la sécurité de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire
national constitue le principal objet du service public de l'électricité. Cette sécurité
d'approvisionnement exige, eu égard aux caractéristiques physiques de l'énergie électrique, qui ne peut
être stockée, que soit assuré à tout moment l'équilibre entre la production et la consommation dont
résultent la sécurité et la fiabilité du réseau de transport. De plus, dans les zones interconnectées du
territoire métropolitain, la limite des capacités d'importation des réseaux transfrontières, qui ne
représentent qu'une faible part du volume de la consommation maximale, impose que l'essentiel de la
production soit réalisée sur ce territoire. Dans les zones non interconnectées, la production locale doit
actuellement couvrir l'intégralité des besoins de la consommation.
A ces fins, la loi du 10 février 2000 prévoit, conformément à ce que permet la directive du 26 juin
2003, comme celle du 13 juillet 2009 qui entrera en vigueur le 3 mars 2011, que des obligations soient
imposées aux ouvrages de production d'électricité dont le fonctionnement est indispensable à
l'équilibre entre la production et la consommation et donc à la sécurité et à la fiabilité du réseau public
de transport.
L'article 14 de la loi du 10 février 2000 prévoit ainsi que des « prescriptions techniques générales de
conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport » s'imposent aux
installations de production raccordées à ce réseau, afin d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau et la
qualité de son fonctionnement. Le III de l'article 15 impose également que « la totalité de la puissance
non utilisée techniquement disponible » de chacune de ces mêmes installations soit mise à la
disposition du gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) pour permettre à celui-ci
d'assurer l'ajustement entre la production et la consommation d'électricité. Il résulte de l'instruction, et
notamment des indications données au cours de l'audience d'instruction, que ces prescriptions et
contraintes s'imposent, en l'état actuel de la réglementation, aux ouvrages de production d'électricité
dont la puissance est supérieure à 12 MW. Les prescriptions techniques générales de conception et de
fonctionnement, qui résultent du décret du 23 avril 2008 et des arrêtés ministériels du même jour visés
ci-dessus, sont plus contraignantes pour les ouvrages de production d'électricité dont la puissance est
supérieure à 40 MW. En effet, ceux-ci ont l'obligation d'être équipés de mécanismes automatiques
permettant de réguler leur puissance active en fonction des variations de la fréquence sur ce réseau,
laquelle doit rester comprise entre 49,5 et 50,5 Hz pour assurer la sécurité et la sûreté du réseau et, par
voie de conséquence, la sécurité de l'approvisionnement. Ils doivent également pouvoir, en cas de
déconnexion fortuite du réseau, s'y raccorder « sans délai » à la demande de RTE, tandis que les
ouvrages de production d'électricité raccordés au réseau dont la puissance est inférieure à 40 MW ont
seulement l'obligation de pouvoir le faire « rapidement ».
Il résulte de ce qui précède que la sécurité de l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du
territoire national implique nécessairement que soient imposées à certains ouvrages de production
d'électricité des contraintes particulières quant à leurs conditions de fonctionnement, afin d'assurer
l'équilibre, la sécurité et la fiabilité de l'ensemble du système. Les ouvrages auxquels sont imposées
ces contraintes en raison de la contribution déterminante qu'ils apportent à l'équilibre du système
d'approvisionnement en électricité doivent être regardés comme directement affectés au service public
et ils ont par suite le caractère d'ouvrage public. Leurs propriétaires, même privés, sont ainsi, dans
cette mesure, chargés d'exécuter ce service public. En l'état actuel des techniques et eu égard aux
caractéristiques d'ensemble du système électrique, présentent le caractère d'ouvrage public les
ouvrages d'une puissance supérieure à 40 MW qui sont installés dans les zones interconnectées du
territoire métropolitain.
Il ressort des pièces du dossier et des éléments recueillis lors de l'audience d'instruction que, dans les
zones non interconnectées, l'ensemble des ouvrages dont la production est entièrement destinée de
façon permanente aux réseaux de transport ou de distribution sont nécessaires pour garantir la sécurité
d'approvisionnement. Dès lors, de tels ouvrages doivent être regardés comme affectés au service
public de la sécurité de l'approvisionnement et ont, par suite, le caractère d'ouvrage public.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Marseille, à M. et Mme Beligaud,
à la société Electricité de France et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du
développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le
climat. Une copie du présent avis sera adressée à la Commission de régulation de l'énergie et au
Réseau de transport d'électricité. Il sera publié au Journal officiel de la République française.

2° - TC, 5 mars 2012, n° C3826, Raboin et Generali Assurances c/ France Telecom-


Orange.

Tribunal des Conflits


N° C3826
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Gallet, président
M. Jean-Marc Beraud, rapporteur
M. Olléon, commissaire du gouvernement
lecture du lundi 5 mars 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 mai 2011, l'expédition du jugement du 5 mai 2011 par lequel le
tribunal administratif de Rennes, saisi d'une requête de la société des transports Raboin et de ses
assureurs, les sociétés Générali Assurances IARD, Mutuelle du Mans Assurances IARD, The British
and Foreign Marine Insurance Compagny Limited, Siat Societa Italiana Assicurazioni tendant à
déclarer la société France Télécom responsable des dommages causés le 28 février 2003 sur la route
départementale 782 par des fils téléphoniques dont elle a la garde et à la condamnation de cette
dernière à des dommages et intérêts les réparant, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34
du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement en date du 15 juin 2007 par lequel le tribunal de commerce de Lorient a décliné la
compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige ;
Vu, enregistrées le 10 août 2011, les observations présentées pour la société France Télécom tendant à
ce que le Tribunal déclare les juridictions de l'ordre administratif compétentes pour connaître du litige
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications, modifiée par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale
France Télécom ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Beraud, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Tiffreau-Corlay, pour la Société France Télécom,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 28 février 2003, un camion de transport de véhicules, appartenant à la société
Raboin et circulant sur le territoire de la commune de Guiscriff, a accroché une ligne téléphonique
traversant la route et appartenant à la société France Télécom, ce dont il est résulté des dommages aux
véhicules transportés ; qu'estimant que la ligne n'était pas à hauteur réglementaire, la société de
transport et ses assureurs ont assigné France Télécom devant le tribunal de commerce de Lorient qui,
par jugement du 15 juin 2007, a décliné la compétence du juge judiciaire pour connaître de cette action
en responsabilité ; que par jugement du 5 mai 2011, le tribunal administratif de Rennes a renvoyé au
Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la
question de compétence ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er-1 ajouté à la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du
service public de la poste et des télécommunications par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 : "1. La
personne morale de droit public France Télécom (...) est transformée à compter du 31 décembre 1996
en entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l'Etat détient directement plus de la moitié du
capital social./ Cette entreprise est soumise aux dispositions de la présente loi en tant que celle-ci
concerne l'exploitant public France Télécom et, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la
présente loi, aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes./ 2. Les biens, droits et
obligations de la personne morale de droit public France Télécom sont transférés de plein droit, au 31
décembre 1996, à l'entreprise nationale France Télécom (...). Les biens de la personne morale de droit
public France Télécom relevant du domaine public sont déclassés à la même date (...)" ; qu'aux termes
de l'article 25 de la loi du 2 juillet 1990 : "Les relations de La Poste et de France Télécom avec leurs
usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont régies par le droit commun. Les litiges auxquels elles
donnent lieu sont portés devant les juridictions judiciaires, à l'exception de ceux qui relèvent, par leur
nature, de la juridiction administrative" ;
Qu'il en résulte que, quelles que soient les dates auxquelles ils ont été entrepris et achevés, les
ouvrages immobiliers appartenant à la société France Télécom ne présentent plus, depuis le 31
décembre 1996, le caractère d'ouvrages publics et qu'il n'en est autrement que pour ceux qui sont
incorporés à un ouvrage public et dont ils constituent une dépendance ; que la ligne téléphonique à
l'origine de l'accident, n'étant pas incorporée à la route qu'elle traversait et dont elle ne constituait pas
une dépendance, le litige ressortit à la compétence du juge judiciaire ;

DECIDE:
--------------
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la
société de transport Raboin et ses assureurs à la société France Télécom.
Article 2 : Le jugement du tribunal de commerce de Lorient en date du 15 juin 2007 est déclaré nul et
non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie par la société de transport Raboin et ses assureurs devant le tribunal
administratif de Rennes à l'encontre de la société France Télécom est déclarée nulle et non avenue à
l'exception du jugement du 5 mai 2011.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé
d'en assurer l'exécution

3° - CE, 20 mai 2011, n° 335931, Communauté d’agglomération du Lac du Bourget.


(extrait).

Conseil d'État
N° 325552
325552.20110520
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Richard Senghor, rapporteur
M. Mattias Guyomar, rapporteur public
SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP PEIGNOT, GARREAU, avocats
lecture du vendredi 20 mai 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°, sous le n° 325552, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24
février et 25 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la
COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET, représentée par son président,
dont le siège est 6, rue de Tunis à Aix-les-Bains (73100) ; la COMMUNAUTE
D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01589 du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de
Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°02-5054 du 24 avril 2007 par
lequel le tribunal administratif de Grenoble, a, à la demande de la Fédération Rhône-Alpes de
Protection de la Nature-Savoie (FRAPNA-Savoie) et de M. A..., annulé l'autorisation d'installation et
travaux divers qui lui a été accordée le 29 octobre 2002 par le maire de Chindrieux en vue d'un
aménagement touristique et portuaire au lieu-dit "Portout" et, d'autre part, au rejet de la demande de la
FRAPNA-Savoie et de M. A...devant le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la FRAPNA-Savoie et de M. A...le versement de la somme de 3 000 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°, sous le n° 325553, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24
février et 25 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la
COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET, représentée par son président,
dont le siège est 6, rue de Tunis à Aix-les-Bains (73100) ; la COMMUNAUTE
D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET, pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le
n° 325552, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01588, 07LY01630 du 18 décembre 2008 par lequel la cour
administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°01-
03112 du 24 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, a, à la demande de la
Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature-Savoie (FRAPNA-Savoie), de M. A...et de
l'association " Les Amis de Chautagne, du canal, du lac, associés pour un meilleur environnement ",
annulé l'arrêté du préfet de la Savoie en date du 13 juin 2001 déclarant d'utilité publique au profit du
Syndicat intercommunal à vocation multiple du Lac du Bourget, un projet d'aménagement touristique
et portuaire au lieu-dit "Portout", sur le territoire de la commune de Chindrieux, et d'autre part, au rejet
des demandes de la FRAPNA-Savoie et autres devant le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la FRAPNA-Savoie et de M. A...le versement de la somme de 3000 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu, 3° sous le n° 335931, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26
janvier et 26 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la
COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET, dont le siège est 6, rue de Tunis
à Aix-les-Bains (73100) ; la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET
demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01589 du 26 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de
Lyon lui a enjoint de procéder à la remise en état naturel du site de "Portout", dans un délai de huit
mois à compter de sa notification, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la FRAPNA-Savoie et de M. A...le versement de la somme de 3 000 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bore, Salve de Bruneton, avocat de la COMMUNAUTE
D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la
Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature et de M.A...,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bore, Salve de Bruneton, avocat de la
COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET et à la SCP Peignot, Garreau,
avocat de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature et de M. A..
(…)
Sur le pourvoi n° 335931 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa
décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit
privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé,
la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le
cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision
juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui
appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il
statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de
rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée
est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les
inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en
présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre
part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces
éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;
En ce qui concerne l'impossibilité de régulariser l'ouvrage public litigieux :
Considérant, en premier lieu, que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU
BOURGET fait valoir que l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction, postérieure à la
décision attaquée, issue des décrets des 29 mars 2004 et 2 août 2005, a étendu la liste des
aménagements légers susceptibles de pouvoir être implantés dans un espace remarquable ; que
peuvent dorénavant être implantés " a) Lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au
public de ces espaces ou milieux, les cheminements piétonniers et cyclables et les sentes équestres ni
cimentés, ni bitumés, les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public, les postes
d'observation de la faune ainsi que les équipements démontables liés à l'hygiène et à la sécurité tels
que les sanitaires et les postes de secours lorsque leur localisation dans ces espaces est rendue
indispensable par l'importance de la fréquentation du public " ; que peuvent être également implantés "
d)... dans les zones de pêche, de cultures marines ou lacustres, de conchyliculture (...) les constructions
et aménagements exigeant la proximité immédiate de l'eau liés aux activités traditionnellement
implantées dans ces zones, à la condition que leur localisation soit rendue indispensable par des
nécessités techniques " ; que, pour écarter l'existence de toute possibilité de régularisation de
l'ouvrage, la cour a relevé qu'en admettant même que, pris isolément, certains équipements puissent
désormais être regardés comme constituant des aménagements légers au sens de ces dispositions du
code de l'urbanisme, le port de plaisance devait être appréhendé dans son ensemble, au regard de son
emprise globale ; que ce faisant, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces
du dossier, juger qu'en l'espèce, la régularisation de cet ouvrage public implanté irrégulièrement devait
le concerner pris dans son ensemble compte tenu des caractéristiques des différents aménagements
composant cet ouvrage ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le site
naturel de " Portout " a fait l'objet de classements et de projets de classements opérés au titre de la
protection des zones humides au sens de la convention de Ramsar, au titre de l'inventaire de zone
naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ou de site du réseau Natura 2000 ; que la cour
n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en jugeant que les conclusions des études scientifiques qui ont
exclu le site de " Portout " du zonage Natura 2000, de la ZNIEFF de type I et de la convention de
Ramsar sont postérieures à la réalisation des travaux et ont pris en compte la situation de fait résultant
de l'aménagement lui-même ; que par ailleurs, en estimant qu'en tout état de cause, de telles
délimitations, qui, soit sont dépourvues d'effet juridique direct, soit sont dépourvues de caractère
réglementaire, constituent de simples indices de la qualité environnementale d'un site qu'un éventuel
déclassement ne saurait remettre en cause, a fortiori lorsque, comme en l'espèce, celui-ci est la
conséquence de la réalisation du projet contesté, alors que le caractère remarquable du site résulte de
ses caractéristiques propres, ainsi qu'elle l'a expressément jugé dans son arrêt du 18 décembre 2008, la
cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
En ce qui concerne l'absence d'atteinte excessive à l'intérêt général résultant de la démolition de
l'ouvrage public litigieux :
Considérant que, pour conclure que la suppression de cet ouvrage ne portait pas une atteinte excessive
à l'intérêt général, la cour a relevé que si la navigation de plaisance occupe une place dans l'économie
touristique locale, il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'aménagement en cause serait
indispensable à l'exercice de cette activité de loisirs, et que, eu égard à l'intérêt public qui s'attache au
maintien de la biodiversité et à la cessation de l'atteinte significative portée à l'unité d'un espace
naturel fragile, la suppression de cet ouvrage, qui peut être effectuée pour un coût modéré, n'entraîne
pas, même si son installation a représenté un coût financier, d'atteinte excessive à l'intérêt général ; que
la cour a ajouté que les mesures proposées par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC
DU BOURGET, consistant dans une modification des critères d'accueil des bateaux, une réduction de
l'emprise du parc de stationnement ainsi qu'une participation " en compensation " à la création d'une
réserve naturelle sur un autre site ne sauraient assurer la satisfaction de l'intérêt public ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que
contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas dénaturé les faits en relevant que l'aménagement en
cause n'était pas indispensable à l'exercice de la navigation de plaisance, alors que le remisage des
bateaux qui, de toute manière, ne peuvent tous bénéficier d'une place à quai, peut être effectué " à sec "
et que sa création n'a pas entraîné la suppression des amarrages irréguliers le long du canal de Savières
; qu'elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni procédé à une appréciation tronquée de l'intérêt
touristique local auquel répondait l'aménagement du port de " Portout " ; que la cour a souverainement
apprécié, sans commettre de dénaturation, que la suppression de l'ouvrage pouvait être effectuée selon
des modalités définies pour un coût modéré ; qu'en estimant que la démolition des aménagements
réalisés et la remise en état des lieux ne portaient pas, en l'espèce, une atteinte excessive à l'intérêt
général, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la préservation d'un espace naturel remarquable
fragile et au maintien de sa biodiversité, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas procédé
à une inexacte qualification juridique des faits ;
Considérant, en second lieu, que la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ou de dénaturation
des faits en estimant que les mesures compensatoires proposées par la requérante n'étaient pas
suffisantes pour assurer la satisfaction de l'intérêt public ; que son arrêt n'est pas davantage entaché
d'insuffisance de motivation sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC
DU BOURGET n'est pas non plus fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 26 novembre 2009 de
la cour administrative d'appel de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Fédération Rhône-
Alpes de Protection de la Nature- Savoie et de M.A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la
présente instance, le remboursement des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens
; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la
COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET le versement à la Fédération
Rhône-Alpes de Protection de la Nature- Savoie de la somme de 8000 euros, au titre des mêmes frais ;

DECIDE:
--------------
Article 1er : Les pourvois de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET
sont rejetés.
Article 2 : La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC DU BOURGET versera une
somme de 8 000 euros à la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature-Savoie en application
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU LAC
DU BOURGET, à la Commune de Chindrieux, à la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la
Nature- Savoie et à M. B...A....

II – Exercice.

Dissertation : « La notion d’ouvrage public a-t-elle encore une utilité ? ».

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