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Actes du colloque sur les cinquante

ans du Code des obligations civiles


et commerciales du Sénégal

(C.O.C.C.)
Sous la direction des Professeurs
Isaac Yankhoba Ndiaye,
J. Jean-Louis Corréa et Abdoul Aziz Diouf

Actes du colloque sur les cinquante


ans du Code des obligations civiles
et commerciales du Sénégal

(C.O.C.C.)
Vol. 2
© L’Harmattan-Sénégal, 2017
10 VDN, Sicap Amitié 3, Lotissement Cité Police, DAKAR
http://www.harmattansenegal.com
senharmattan@gmail.com
senlibrairie@gmail.com
ISBN: 978-2-343-13981-4
EAN: 9782343139814
REQUIEM POUR LE COCC1 ?
Papa Talla FALL
Agrégé des facultés de droit
Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Avec l’évolution de l’espérance de vie, mourir à cinquante ans est


aujourd’hui presque une fatalité, d’autant plus qu’on parle de plus en plus de
quatrième âge2. Le COCC ne souffre pas d’une maladie dégénérative pouvant
justifier le chant des morts. Il est une œuvre solidement constituée.
En effet, il a été construit de façon progressive et homogène pour se
substituer aux anciens textes encore applicables après l’indépendance du
Sénégal3.
A la suite de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, les
pouvoirs publics de l’époque ont entrepris un processus de création d’un droit
positif national. Pour ce faire, ils ont mis en place des comités chargés de
réfléchir et d’établir d’une part, un projet de code des obligations et d’autre part,
un projet de code de la famille4. Sans opérer une rupture fondamentale avec le

1 Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.


2 En effet, « L’expression « quatrième âge » a été inventée au cours des années 1980 et s’est
répandue très rapidement dans le langage courant. Cette création lexicale est européenne ; aux
Etats-Unis avait été lancée un peu plus tôt une apparente tautologie : les old old (« vieux
vieux»)», http://science.blog.lemonde.fr/2013/12/11/le-quatrieme-age-ou-la-derniere-etape-
de-la-vie, consulté le 17 janvier 2017 à 16h.
3 Certaines dispositions du Code civil, du Code de commerce et d’autres textes spéciaux
d’origine française continuaient à recevoir application après l’accession du Sénégal à la
souveraineté internationale. Il en est ainsi, jusqu’à la loi uniforme 96-13 du 28 août 1996, en
ce qui concerne les dispositions du Code français en matière d’effets de commerce. Il en est
également ainsi en matière immobilière jusqu’à la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant
régime de la Propriété foncière, etc.
4 Par exemple, il y a un comité des options qui a travaillé pendant plus d’une décennie sur le
projet de code de la famille. « (…) dès le 12 avril 1961, fut créée par décret une Commission
de Codification composée de personnalités choisies en raison de leurs connaissances en
matière coutumière et religieuse ainsi que des professeurs, magistrats, avocats,
administrateurs. Le travail préliminaire de la Commission de Codification a été de diffuser
auprès des autorités locales, coutumières et religieuses un questionnaire détaillé mais précis
de plus de 400 rubriques. L'objectif poursuivi était de recueillir l'opinion des « anciens » et
des praticiens du droit coutumier et du droit musulman sur le contenu des règles
traditionnelles et religieuses. La Commission était également chargée de rassembler toute la
documentation nécessaire pour l'élaboration du Code de la Famille, notamment les textes les
plus récents élaborés en matière familiale par les pays musulmans (tels que le Maroc,
l'Egypte, la Tunisie), la législation française ainsi que la jurisprudence tant sénégalaise
qu'étrangère » (« Sénégal : Le pluralisme juridique en droit sénégalais de la famille »,
quotidien Le Soleil du 22 avril 2003).

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droit hérité de la France5, ils ont adapté celui-ci à nos réalités6 tout en étant
ouverts à nos coutumes, au droit classique musulman7 et à des droits étrangers8.
Le droit sénégalais est sans conteste marqué par le pluralisme juridique9.
Ainsi, en ce qui concerne le COCC, objet de cette réflexion, il n’a pas été
une reproduction aveugle du Code civil français10 même si, comme un auteur
l’a écrit, « par son esprit de fondation et son influence ultérieure, le Code civil
ne fut pas une codification ordinaire »11. D’ailleurs, sur certains points, le
COCC a été même en avance sur le Code civil français de l’époque12.
Une certaine philosophie anime ce code13. C’est que le législateur sénégalais
a cherché à asseoir une véritable législation dédiée à la croissance économique
mais aussi et surtout à l’unité du droit des obligations14. Il promeut ainsi l’unité
du droit civil et du droit commercial même si cette entreprise n’est pas absolue15.

5 R. Decottignies, « Réflexions sur projet de code sénégalais des obligations », Annales


Africaines 1962, p 171 et s ; « L’apport européen dans l’élaboration du droit privé
sénégalais ? », Annales Africaines, 1964, p 79 et s.
6 R. David, « La refonte du Code civil dans les États africains », Annales Africaines n° 1, 1962,
p 160 et s ; R. Decottignies, « Réflexions sur projet de code sénégalais des obligations », op.
cit., spéc., p 173 à 177.
7 Pour le droit musulman, il y a particulièrement les articles 571 du Code de la famille organisant
les successions ab intestat de droit musulman. Le droit coutumier a également une large place
dans le droit de la famille en matière de mariage et de divorce (voir I. Y. Ndiaye, « Le mariage
à l’épreuve du droit traditionnel », Revue sénégalaise de droit n° 36, janvier-juin 2011, p 13
et s ; S. Guinchard, « Réflexions critiques sur les grandes orientations du code de la famille »,
Penant 1978, p 196 et s.)
8 On cite, parmi ces droits étrangers, le Code suisse des obligations, le Code civil italien de
1942, le Code civil éthiopien rédigé par le professeur René David et les travaux de la
commission de réforme du Code civil (voir R. Decottignies, « Réflexions sur projet de code
sénégalais des obligations », op.cit., p 73).
9 Sur la question du pluralisme juridique, voir A. S. Sidibé, Le pluralisme juridique en Afrique
(l’exemple du droit successoral sénégalais), LGDJ 1991 et J. Vanderlinden, « Les droits
africains entre positivisme et pluralisme », Bulletin des séances de l’Académie royale des
sciences d’outre-mer, 46 (2000), pp 279-292.
10 Or, les gens ont l’habitude de décrier à tort ou à raison un mimétisme en matière de production
de normes en Afrique, voir par exemple, D. Abarchi, « Problématique des réformes
législatives en Afrique : le mimétismejuridique comme méthode de construction du droit »,
Penant,n° 828, 2003, p 842 et s.
11 J.-P. Gridel, « Le code civil dans le droit européen », édité par Jean-Philippe DUNANT et
Bénédict WINIGER, Bruyland, 2005, 330 pages, Généralités, RTD civ. 2006, p 420
12 P. S. A. Badji, « La stabilité du contractuel civil et commercial sénégalais. Etude à la lumière
du droit français », RRJ, 2016-1, p 337 et s.
13 R. Cabrillac note, à juste titre, que « tout code se veut rupture avec le droit ancien » (in
« Recodifier », RTD civ. 4. 2001, p 833.)
14 Sur cette question, voir notamment R. Decottignies, « Réflexions sur projet de code sénégalais
des obligations », op. cit.
15 À ce propos, R. Decottignies relève que, même si le code ignore la notion de contrat
commercial, l’unité de législation ne saurait ignorer les règles issues des usages commerciaux
(liberté de preuve, solidarité de plein droit, etc.) propres « à faciliter le développement des

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Requiem pour le cocc

L’élaboration et l’adoption du COCC ont donné lieu à quatre lois successives


portant chacune une partie dudit code16 :
- La première partie fait l’objet de la loi 63-62 du 10 juillet 196317.
Elle couvre la partie générale du droit des obligations ;
- La deuxième partie instituée par la loi 66-70 du 13 juillet 196618 est
consacrée aux contrats spéciaux (contrats translatifs de propriété, contrats
d’entreprise, mandat, intermédiaires de commerce, dépôt, prêt, transport
terrestre, assurance, contrats aléatoires, sociétés civiles et associations) ;
- La troisième partie prévue par la loi 76-60 du 12 juin 197619 est
relative à la garantie des créanciers (le cautionnement, les sûretés
mobilières et les sûretés immobilières, le règlement judiciaire et la
liquidation des biens)
- La quatrième et dernière partie faisant l’objet de la loi 85-40 du 29
juillet 198520 qui couvre le droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique.
Il est vrai qu’en 1998, par deux lois, le législateur a ajouté des
dispositions au COCC. Mais, il ne s’agit pas là de la création de nouvelles
parties. En effet la loi 98-19 du 26 mars 199821 est venue intégrer les articles
810-1 à 810-15 en vue de la réglementation spécifique des sociétés civiles
professionnelles (SCP) au livre sixième de la deuxième partie, alors que
celle numéro 98-30 du 14 avril 99822 a inséré les articles 826-1 à 826-4
organisant les contrats relatifs au règlement des litiges, formant un nouveau
livre sept dans ladite partie. Cela dit, ces réformes n’ont pas remis en cause
la physionomie du code.
Parler de requiem du COCC revient ainsi à envisager la remise en cause de
son organisation rationnelle en quatre parties systématiques et cohérentes.
Cette question est d’autant plus importante que nous avons assisté, dans les
années 90, à un regain d’intérêt relativement au processus d’intégration

relations juridiques en donnant toute sécurité au créancier » (R. Decottignies, « Réflexions sur
projet de code sénégalais des obligations », op. cit., spéc., p 175.
16 M. Terré et Mme Outin-Adam ont écrit poursouligner que « codifier est un art difficile », D.
1994. Chron. 99.
17 JORS n° 3624 du 31 août 1963, p 1204 et s.
18 JORS n° 3843 du 29 août 1966, p 1069.
19 JORS n° 4511 du 16 août 176, p1237 et s.
20 JORS n° 5096 du 21 décembre 1985, p 553 et s.
21 JORS n°5796 du 18 avril 1998, p 233.
22 JORS n° 5797 du 14 avril 1998, p 249.

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PapaTalla FALL

juridique23 avec son corollaire le développement du droit communautaire24. En


effet, dans notre espace, il est des organisations d’intégration juridique25 et des
organisations d’intégration économique qui font recours, de façon ponctuelle,
au droit pour atteindre leurs objectifs26.
De ce point de vue, le COCC a subi le diktat du droit communautaire27 qui
ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour ne citer que l’exemple de l’Organisation
pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), l’article 2 in
fine du traité fondateur prévoit la possibilité, pour le Conseil des ministres,
d’inclure toutes autres matières que celles déjà citées comme relevant du
domaine du droit des affaires28.
Théoriquement, rien ne s’oppose donc à ce que des matières relevant, par
nature, du droit civil soient désormais réglementées dans le cadre du droit
communautaire dès lors que, par exemple, par décision unanime du conseil des
ministres, des actes uniformes sont prévus à cet effet. Aussi, le domaine du droit
de l’OHADA est-il extensible à souhait. Ce qui serait assurément de nature à
réduire le champ de compétence du législateur national. Déjà se profile à
l’horizon un acte uniforme relatif au droit des obligations ou à tout le moins une
loi uniforme dans les États parties à l’OHADA29.
Le COCC doit dès lors s’adapter à cette nouvelle donne pour ne pas
disparaître et rejoindre le lot des « codes manqués »30. En effet, il importe de
trouver une autre orientation à ce code qui semble en train de faire son temps. Il
doit changer en se muant, par exemple, en code-compilation des textes relatifs
aux matières qui lui étaient dévolues à l’origine.

23 Sur la notion d’intégration juridique, voir J. Issa-Sayegh, « L’intégration juridique des Etats
de la zone franc, Penant 823, p5 ; Penant 824, p 125 et s. ; L’OHADA, « Intégration dans les
pays de la zone franc », Revue dejurisprudence commerciale 1999, p 237 et « Quelques
aspects techniques de l’intégration juridique :l’exemple des Actes uniformes de l’OHADA »,
Revue de droit uniforme 1999-1, p 5 et s ; P.-G. Pougoué, « Doctrine OHADA et théorie
juridique », Revue de l’ERSUMA, n° spécial Novembre-Décembre 2011, p 9, ohadata D 12-
32 ou http://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/doctrine/Doctrine-
OHADA-et-theorie, encore en ligne le 13 mars 2017 à 11h 30.
24 En 1993, adoption du traité de Port Louis portant création de l’OHADA et en 1994, naissance
de l’UEMOA qui produisent des règles matérielles applicables dans l’Etat partie.
25 Par exemple, OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique),
l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle) et la CIMA (Conférence
interafricaine des marchés d’assurance).
26 Par exemple l’UEMOA (voir note 32 pour la signification du sigle).
27 En raison de la portée abrogatoire des actes uniformes et de certains textes de l’UEMOA.
28 Sur le fondement de cette disposition, le Conseil des ministres de l’OHADA a eu l’occasion
d’étendre le domaine des matières devant faire l’objet d’un acte uniforme. Par exemple, le 15
décembre 2010, le Conseil des ministres décida d’inclure le droit des obligations
contractuelles dans le programme d’harmonisation.
29 Infra deuxième partie de ce texte.
30 C’est le titre de l’article de R. Sefton-Green, « Les codes manqués », RTD civ 2005, p 539 et
s.

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Requiem pour le cocc

Ce qui nous pousse à démontrer que le COCC savamment construit est en


agonie (I) mais, tel un sphinx, il peut bel et bien renaître de ses cendres (II)

I. - L’AGONIE DU COCC
La notion d’agonie renvoie «au moment précédent immédiatement la mort ».
Elle est synonyme de « dernière heure », « derniers moments »31.
Dès lors, le COCC vit-t-il ses derniers instants ?
La question mérite d’être posée eu égard à deux raisons cumulatives. Il s’agit
de la dispersion des textes ayant le même objet (B) mais aussi et surtout du
phénomène de l’externalisation de la production normative (A).

A. - l’externalisation de la production normative


Le fondement de l’externalisation de la production normative est sans doute
le développement du phénomène d’intégration juridique. Un certain nombre de
conséquences s’attachent à ce phénomène.
Le développement du phénomène d’intégration juridique. En principe,
la production normative relève des organes internes à l’Etat. Au Sénégal, ce
sont les articles 67 et 76 de la Constitution de 2001 qui fixent les domaines
de la loi et du règlement. Et, les matières régies par le COCC sont du
domaine de la loi32.
Toutefois, l’importance des sources nationales n’est pas exclusive des règles
supranationales. C’est ainsi que les traités peuvent recevoir application au même
titre que les règles internes. D’ailleurs l’article 98 de l’actuelle Constitution
prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour
chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie».33
L’évocation de l’externalisation de la production normative ne vise pas les
traités classiques.
Car, ils n’ont pas vocation à se substituer de façon générale et permanente à
la loi. De surcroît, leur application est subordonnée à leur publication dans le
Journal officiel de la République et au respect par l’autre partie contractante. Ils
peuvent ainsi être dénoncés par l’Etat partie34.
Par externalisation de la production normative, on entend la création de
règles de droit dérivés des organisations communautaires.

31 Le Larousse la définit comme le moment qui précède immédiatement la mort. Au sens figuré,
il renvoie, selon lui, à « fin » ou « déclin ».
32 Toutes les parties du COCC ont fait chacune l’objet d’une loi (voir l’introduction).
33 A. Sall, « Le juge national et la publication des traités : à propos del’invocation du traité de
l’OHADA devant les juridictions sénégalaises », EDJA n° 42, p 71 et s.
34 Voir art. 98 de la Constitution de 2001.

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PapaTalla FALL

C’est qu’on note un processus d’harmonisation et d’unification du droit des


affaires35 allant crescendo qui dépouille le législateur national de beaucoup de
matières qui relèvent de la sphère de la loi en vertu de la Constitution36.
L’adhésion de l’État à des communautés juridiques ou économiques
consacre, sinon un abandon, du moins une limitation de souveraineté37. Les
organisations communautaires sont ainsi des entités créées par le droit et qui
créent du droit38. Ainsi, les organes d’une communauté donnée39 peuvent
adopter soit des règles à transposer au plan national, par les mécanismes propres
à l’État, soit des règles directement applicables dans l’ordre interne.
La première hypothèse renvoie à la technique de l’harmonisation. C’est
généralement le cas, lorsque l’organe communautaire compétent adopte des
directives telles que celles de l’UEMOA40. Comme le stipule l’alinéa 2 de
l’article 43 dudit traité « les directives lient tout État membre quant aux résultats
à atteindre ». Aussi, l’UEMOA peut-elle adopter une loi-type à transposer au
plan interne par des procédures propres à l’État.
A titre d’exemple, c’est à la suite d’une directive de l’UEMOA que le
Sénégal a adopté la loi uniforme 2008-48 du 3 septembre 2008 relative à la
répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et d’autres
instruments et procédés électroniques de paiement41.
La seconde entraîne une unification du droit dans les Etats parties. Elle
suppose que des textes adoptés jusqu’aux détails, par des organes
supranationaux, puissent s’appliquer directement sans une intervention

35 Sur ces différentes notions, voir A. JEAMMAUD, « Unification, uniformisation,


harmonisation: de quoi s’agit-il ? » in Actes et débats du colloque sur le thème : « Vers un
Code européende la consommation », Lyon les 12 et 13 décembre 1997.
36 Saisi à propos de la conformité decertaines dispositions du Traité de l’OHADA à la
Constitution, le Conseil constitutionnel sénégalais déclare « l’unité africaine pouvait justifier
une limitationvoire un abandon de souveraineté par le Sénégal » (Voir Conseil constitutionnel,
Affaire (du Traité de Port-Louis) n° 3/C/93du 16 décembre1993, J.O. du 29 janvier 1994 ; la
Constitution sénégalaise de 2001 réitère cette possibilité pourl’Etat sénégalais de pouvoir
conclure des « accords d’association ou de communauté comprenantabandon partiel ou total
de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine » (article 96alinéa 4)
37 G. K. Douajni, « L’abandon de souveraineté dans le traité OHADA », Penant 1999,p 125 et
s.
38 D. Simon, « Les fondements de l’autonomie du droit communautaire, Sociétéfrançaise pour
le droit international », Colloque de Bordeauxsur le thème « Droit international et droit
communautaire », Perspectives actuelles, Paris Pedone 2000, p207 et s.
39 Par exemple, le Conseil des ministres de l’OHADA qui, selon l’article 6 du traité, adopte les
actes uniformes après avis de la Cour commune de justice et d’arbitrage.
40 Union économique et monétaire ouest africaine.
41 J.O. n° 6453 du samedi 7 février 2009

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Requiem pour le cocc

quelconque d’une autorité étatique42. C’est le cas des règlements de l’UEMOA


et des actes uniformes de l’OHADA.
L’ordre juridique sénégalais est de plus en plus confronté au développement
des textes communautaires de l’UEMOA et des actes uniformes de l’OHADA,
comme sources essentielles du droit43.
L’externalisation de la production normative, dont il est question ici, trouve
son expression la plus parfaite plutôt avec l’unification que l’harmonisation44.
Or, ce phénomène est très marqué aujourd’hui.
Les conséquences pratiques. La conséquence essentielle de l’intégration
juridique est que des pans importants du COCC ont fait l’objet d’une abrogation,
la plupart du temps, totale et, rarement, partielle.
Aussi, relève-t-on l’abrogation des parties du COCC relatives notamment
aux sûretés, aux sociétés commerciales, à la vente commerciale avec l’entrée en
vigueur des actes uniformes de l’OHADA.
L’entrée en vigueur de règlements de l’UEMOA, relatifs aux systèmes de
paiements45 et à l’appel public à l’épargne46 notamment, ne laisse aucune place
au droit interne, a fortiori au COCC.
Le législateur sénégalais l’a bien compris qui a adopté, à la suite de
l’entrée en vigueur des premiers actes uniformes de l’OHADA, la loi 98-21
du 26 mars 1998 portant abrogation et modification de certains articles du
Code de commerce et du Code des obligations civiles et commerciales47. Il
s’agissait, à travers cette loi, d’extirper, de l’ordre juridique sénégalais,
toutes les dispositions nationales devenues caduques avec l’entrée en
vigueur surtout des premiers actes uniformes de l’OHADA48.
Cette loi confirme l’abrogation de plusieurs dispositions du COCC. Les
dispositions touchées sont en effet nombreuses et variées. Il s’agit en

42 Absence du préalable de la transposition mais aussi et surtout de la publication du texte au


Journal officiel national comme condition de son applicabilité.
43 Les actes uniformes de l’OHADA en vigueur sont, aujourd’hui, au nombre de neuf (9)
44 Le droit OHADA vise l’unification et non l’harmonisation des règles comme peut le laisser
croire l’utilisation du mot « harmonisation » dans le sigle de l’OHADA. Il ne s’agit dans
l’OHADA, d’un rapprochement des législations internes.
45 Il s’agit du Règlement 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes de
paiement dans les Etats membres de l’UEMOA du 19 septembre 2002.
46 Règlement Général du 28 novembre 1997 relatif à l'Organisation, au Fonctionnement et au
Contrôle du Marché Financier Régional de l'UMOA.
47 JORS du 25 avril 1998, p 301 et s.
48 Il s’agit de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, l’Acte uniforme portant
organisation des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et de l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés adoptés en 1997 et entrés en vigueur le 1er janvier
1998. Ces différents actes uniformes ont, par la suite, fait l’objet d’une révision le 30 janvier
2014 (pour celui des sociétés commerciales) et le 15 décembre 2010 (pour l’Acte uniforme
portant organisation des sûretés et celui portant organisation du droit commercial général).

343
Papa Talla FALL

l’occurrence de l’article 2 sur les actes de commerce, l’article 224 alinéa 2 sur
la prescription, des articles 392 à 429 (39 articles) sur la vente du fonds de
commerce, des articles 473 à 495 (24 articles) sur les intermédiaires de
commerce, des articles 584 à 615 (33 articles) sur le bail commercial49, des
articles 616 à 638(24 articles) sur la location-gérance du fonds de commerce,
de l’alinéa 2 de l’article 765 qui prévoyait que « toutes les autres sociétés
sont commerciales par leur forme et régies par des textes spéciaux », des
articles 824 à 926 (104 articles) sur les garanties des créanciers, de toute la
loi 85-40 portant quatrième partie du COCC sur les sociétés commerciales et
le groupement d’intérêt économique (article 1078 à 1561).Toutes ces règles
sont désormais définitivement abrogées.
A côté de celles qui disparaissent définitivement, il y en a d’autres qui
sont partiellement neutralisées. Dans la même loi 98-21 du 26 mars 1998
portant abrogation et modification de certains articles du Code de commerce
et du Code des obligations civiles et commerciales, on peut relever la
confirmation de l’abrogation partielle des articles 264 à 371 COCC (109
articles) qui ne constituent plus que le droit commun de la vente. C’est parce
que la vente commerciale est désormais régie par les articles 202 à 288 (88
articles) de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général.
Au total, on peut noter que plus de 900 articles, dont l’ensemble des
dispositions de la loi 85-40 portant quatrième partie, du COCC ont été abrogés.
La problématique de la loi nationale abrogatoire. Au-delà du constat de
l’abrogation de plusieurs dispositions du COCC, on peut se poser la question
de savoir si la loi abrogatoire 98-21 du 26 mars 1998 était nécessaire. En
d’autres termes, l’entrée en vigueur d’un acte uniforme de l’OHADA
n’emporte-t-elle pas abrogation automatique de toutes les dispositions
nationales antérieures qui lui sont contraires ?
L’article 10 du traité de l’OHADA prévoit en effet que « les Actes
uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou
postérieure »50.
A première vue, on peut être tenté, en se fondant sur cette disposition,
d’avancer l’idée selon laquelle un acte uniforme n’a pas un effet abrogatoire des
dispositions nationales contraires. L’interprétation consisterait à retenir que
l’article 0 du traité ne fait que paralyser seulement les dispositions antérieures
49 Le bail commercial est devenu bail professionnel à la faveur de l’entrée en vigueur de l’Acte
uniforme révisé relatif au droit commercial général (S. Sissouma, « Le bail professionnel (en
espace OHADA), un mécanisme de veille juridique) permanente », Revue Cames/S.J.P. n°
000/2014 (2e Semestre), p 81 et s).
50 On retrouve pareille disposition dans des traités comme celui de l’UEMOA. Voir, par
exemple, article 6 Traité de L’UEMOA qui dispose que : « les actes arrêtés par les organes
del’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et
procéduresinstituées par celui-ci sont applicables dans chaque Etat membre nonobstant toute
législationnationale contraire antérieure ou postérieure ».

344
Requiem pour le cocc
contraires, lesquelles restent dans l’ordonnancement juridique de l’Etat partie.
Par voie de conséquence, ces dispositions nationales restent à l’état de veille
tant que demeurera en vigueur l’acte uniforme incompatible.
Certes, une telle argumentation est séduisante. Mais, à notre avis, elle fait
fi de deux éléments essentiels. Le premier est que la neutralisation du droit
interne par un acte uniforme concerne aussi bien le droit présent que celui
postérieur audit acte. Il en résulte que l’article 10 du Traité, qui pose la
primauté du droit de l’OHADA sur le droit interne, ne pouvait, à notre sens,
être rédigé autrement. Car, une abrogation ne peut affecter que le droit qui
lui est antérieur51. Dès lors, la règle posée par l’article 10 du Traité devrait
être comprise comme posant à la fois l’abrogation des dispositions
nationales contraires et le principe de l’interdiction de toutes dispositions
nationales postérieures antinomiques.
Le second élément - et c’est l’argument massue - relève de l’examen des
dispositions transitoires des actes uniformes déjà adoptés, voire révisés. On
remarquera aisément, que par rapport au droit national antérieur, il est
question soit d’abrogation par l’objet soit, seulement, d’abrogation des
dispositions antérieures contraires.
Pour le second type d’abrogation, on retrouve l’article 257 de l’ancien
Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif qui dispose que : «sont abrogées toutes les
dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme (…)».
Il y a également l’article 150 de l’ancien Acte uniforme portant
organisation des sûretés du 17 avril 97 qui dispose que « sont abrogées
toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte
uniforme (…) ».
Parmi les exemples d’abrogation par l’objet, on peut citer l’article 336 de
l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, lequel dispose que « le présent Acte
uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne
dans les Etats parties. ».
Il en est de même de l’article 112 de l’Acte uniforme du 24 mars 200052
portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises. Il en
est également de même de l’article 919 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique.
Toutefois, il faut signaler le fait que le premier acte uniforme relatif au droit
commercial général est silencieux sur les rapports de ce nouveau droit avec les
dispositions antérieures. L’article 289, seule disposition finale, n’évoque ni
l’abrogation par l’objet ni celle des dispositions contraires antérieures.
51 L’abrogation est « la suppression d’un texte juridique par l’adoption d’une nouvelle
disposition qui le remplace pour l’avenir » (en ce sens, R. Cabrillac, Dictionnaire du
vocabulaire juridique 2017, LexisNexis, 2016).
52 Cet Acte uniforme a été révisé en 2017 à Brazzaville.

345
PapaTalla FALL
Dans les actes uniformes révisés, il n’est évoqué que l’abrogation des actes
uniformes objet de la révision. C’est ce que l’on peut constater à travers
l’article 919 de l’Acte uniforme révisé, du 30 janvier 2014, relatif au droit
des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui ne
fait référence qu’à l’abrogation de l’Acte uniforme de 1997. C’est le cas
également de l’article 306 de l’Acte uniforme révisé de 2010 relatif au droit
commercial général, lequel dispose, sans équivoque, que « le présent Acte
uniforme abroge l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant sur le droit
commercial général »53.
C’est dire donc qu’un acte uniforme de l’OHADA a bel et bien un effet
abrogatoire vis-à-vis du droit national54. La loi 98-2 a donc un caractère
superfétatoire. Beaucoup de dispositions internes, notamment du COCC, ont
disparu avec l’avènement des premiers actes uniformes de l’OHADA.
D’ailleurs, ce caractère superflu des lois abrogatives nationales a été déjà relevé
par la Cour commune de justice et d’arbitrage saisie d’un avis par le
Gouvernement de la Côte d’Ivoire55.
En définitive, on peut observer que l’externalisation de la production
normative est un véritable danger à la survie du COCC. Toutefois, elle est loin
d’être la seule menace. Le COCC est également exposé à la dispersion des textes
ayant le même domaine de prédilection.
B. - la dispersion des textes
Il s’agit ici de poser le problème avant d’apporter des exemples qui
confirment la réalité de la dispersion des textes relevant du domaine des
matières classiquement régies par le COCC.
Position du problème. Outre l’externalisation des sources du droit, le
COCC subit également les contrecoups de la dispersion des textes. La force du
COCC résidait, traditionnellement, dans le fait qu’il est un véritable code.
C’est un code qui a été élaboré dans la logique de la codification classique
dite « réelle » ou « matérielle ».Comme le code de type napoléonien, il « est une
œuvre créatrice et de rénovation de l’ensemble d’une matière, qui réunit, sous
une inspiration commune, des règles traditionnelles et des règles nouvelles en
53 L’article 257 de l’Acte uniforme révisé en 2015 et portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif vise également l’abrogation de l’ancien Acte uniforme ayant
le même objet.
L’article 227 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés dispose que : « le
présent Acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril
1997, n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur. »
54 Voir, en ce sens, La portée abrogatoire des Actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne
des Etats parties, Revue Burkinabé de droit n° 37, p 52 ; notre ouvrage, Sécurité des
investissements et cohérence de l’ordre juridique. La problématique de l’application des
normes OHADA dans l’ordre interne, EUE 2013, p 52 et s.
55 CCJA, Avis 001/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n°
spécialjanvier 2003 p 74 et s.

346
Requiem pour le cocc

une construction cohérente ayant vocation à instaurer ou à renouveler un ordre


juridique »56.
Comme l’écrit un auteur, « la codification constitue (…) un enjeu essentiel
de l’organisation juridique d’un Etat et s’inscrit dans une perspective politique
à travers des options philosophiques ou idéologiques »57. Notre COCC n’a pas
dérogé à la règle.
Au-delà des objectifs à lui assignés, il s’agissait pour le législateur sénégalais
d’y traiter de façon cohérente l’ensemble des questions relatives aux relations
d’ordre patrimonial entre les personnes privées. A l’exception des matières
familiales, les sources et le régime des obligations sont pratiquement
réglementés dans le COCC. Ce qui fait de ce code un outil incontournable pour
le juriste de droit privé.
De surcroît, son institution allait dans le sens de faciliter l’accès aux règles
applicables aux actes et faits juridiques en général. C’est fort logiquement qu’un
auteur a pu écrire, à propos du droit des affaires, que « la codification des textes
doit demeurer l’instrument de lisibilité du droit (…) »58.
Une opération de codification a au moins cette vertu. Même si elle a fait
l’objet de nombreuses critiques59 dont les unes tiennent au fait qu’elle cristallise
les règles, la codification ne perd pas de vigueur par rapport aux œuvres
considérables que les anciens nous ont laissées60. Et, cette ardeur codificatrice
ne s’est pas estompée aujourd’hui61. Pour preuve, certains n’hésitent pas à parler
de « recodification »62.
Toutefois, la remarque est que le domaine désormais assigné au COCC en
tant que codification réelle se réduit comme peau de chagrin et fait l’objet de
textes disparates venant cohabiter avec des sources communautaires.
Illustrations. En premier lieu, des dispositions du COCC ont survécu aux
processus d’unification et d’harmonisation du droit. Le noyau dur de ce qui reste
du COCC est la première partie dénommée partie générale. Ainsi, le COCC
continue de régir la classification des sources et la preuve des obligations.
D’ailleurs, à l’exception notable des sociétés commerciales et des sociétés

56 J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, 2e éd, Thémis droit, PUF 2001, p 396.
57 J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, 2e éd, Thémis droit, PUF 2001, p 356.
58 B. Lecourt, « Réflexions sur la simplification du droit des affaires », RTD com 2015, p 1 et s,
n° 44.
59 N. Molfessis, « Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique », RTD
civ. 2000 p 186 et s.
60 C. Kessedjian, « Codification du droit commercial international. De la gouvernance
normativepour les relations économiques transnationales », Recueil de cours, 2002, Martinus
Nijhoff, p 99.
61 C. Kessedjian, op. cit.
62 Voir, par exemple, R. Cabrillac, « Recodifier », op. cit.

347
PapaTalla FALL

coopératives63, les contrats générateurs de personnes morales sont encore


organisés dans le COCC. Il s’agit des règles régissant la société civile en
général (art. 765 à 810), les sociétés civiles professionnelles64 (art. 810-1 à
810-15) et l’association (art. 811 à 826).
Il en va de même des articles 264 et suivants COCC qui ne régissent
désormais que le droit commun de la vente65, la vente commerciale étant
aujourd’hui réglementée, comme nous l’avons déjà vu, par l’Acte uniforme
relatif au droit commercial général.
En second lieu, on note une multiplication de textes ayant le même domaine
et qui sont extérieurs au COCC. Ce qui est de nature à éclater les sources du
droit sénégalais des obligations.
En 2008, le législateur a adopté la loi n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les
transactions électroniques66. Cette loi qui concerne l’écrit électronique n’est pas
intégrée au COCC. Or, l’écrit, comme moyen de preuve, a fait l’objet d’une
réglementation à travers les articles 14 à 28 COCC. Même si le COCC
définit les différents types d’écrit sans en préciser la nature, il reste qu’il
n’est aucun doute que le support visé est le papier. Pour s’en convaincre, il
suffit de se référer, notamment aux articles 22 et 28 COCC. La première
disposition, concernant la formalité du « bon pour », dispose que l’acte est
écrit entièrement de la main par celui qui le souscrit ou, à tout le moins, que
celui-ci doit écrire «de sa main, outre sa signature un bon pour ou un
approuvé portant en toutes lettres le montant de son obligation dont il fait la
preuve ».
Quant à la seconde disposition, elle est relative à la certification conforme
par un officier public des copies et des photocopies.
Cela dit, la définition nouvelle de l’écrit et la forme et les modalités de l’acte
authentique ou sous-seing privé numérique auraient bien pu trouver leur
place légitime au sein des articles 14 et suivants susmentionnés du code.
Dès lors, l’interprète peut être ainsi amené à se référer à la fois aux
dispositions du code ainsi que celles de la loi de 2008 sur les transactions
électroniques. Ce qui est préjudiciable à l’unité de la matière traitée dans le
code ; l’admission de la preuve électronique aurait dû amener le législateur
sénégalais à retoucher les dispositions du code relatives à la preuve par écrit67.

63 Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives, JO OHADA,
n° 23 du 15 février 2011.
64 Telles qu’elles résultent de la loi n° 98-19 du 26 mars 1998.
65 Loi n° 98-21 du 26 mars 1998, précité.
66 JORS n° 6404 du 26 avril 2008, p 395 et s.
67 En France, c’est le nouvel article 1365 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance de 2016, qui
prend la peine de définir l’écrit en l’étendant à tous les supports autres que le papier (M. Fabre-
Magnan, Droit des obligations, 1. Contrat et engagement unilatéral, 4e éd. A jour de la
réforme de 2016), Thémis 2016, p 240, n°210.)

348
Requiem pour le cocc

Il faut ajouter aux dispositions de la loi de 2008 en matière de preuve écrite


le règlement n° 5/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la
profession d’avocat dans l’espace UEMOA68. En effet, dans son article 4, le
règlement reconnaît un nouvel acte sous-seing privé particulier appelé « acte
d’avocat ».
Certes, l’acte d’avocat est, en effet, un écrit sous-seing privé même s’il est
établi es-qualité par un auxiliaire de justice69. Mais, il n’est pas un acte sous-
seing privé au même titre que celui rédigé par les parties elles-mêmes ou par un
tiers. C’est parce que, contrairement aux autres actes, il ne peut être remis en
cause que par la procédure spéciale de faux. Pour le régime juridique de l’acte
d’avocat, le dernier alinéa de l’article 4 du texte communautaire envisage
l’adoption d’un règlement d’exécution. Il va sans dire que ce moyen de preuve
va donc totalement échapper au COCC dans sa partie relative aux moyens de
preuve dans laquelle il pouvait avoir une place.
L’acte d’avocat est un moyen de preuve également connu en droit comparé.
Pour ne citer que l’exemple de la France, c’est dans le Code civil qu’est
inséré l’article le prévoyant. Il s’agit précisément de l’article 1374 ainsi
rédigé́ :
« L’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des
parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la
signature des parties, tant à leur égard qu’à celui des héritiers ou ayants
cause.
La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est
opposable ».

Ce texte est issu de l’ordonnance n° 2066-3 du 10 février 2066 portant


réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations.
Il faut toutefois reconnaître que l’intégration de l’acte d’avocat au sein du
COCC achoppe sur le fait qu’il émane d’une source communautaire70 alors que
le code est d’essence législative71.
En dehors de ces textes, il y a ceux qui sont pris par délégation du droit
supranational. En effet, parfois sur habilitation du droit OHADA, le législateur
sénégalais peut adopter des mesures nationales dans le domaine des matières
unifiées. Ainsi, dans sa nouvelle rédaction72, l’article 311 de l’Acte uniforme
portant organisation des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
68 Disponible en ligne, notamment dans le site de l’ordre des avocats du Sénégal
(www.ordredesavocats.sn).
69 Mais, à la différence d’un notaire, l’avocat n’a pas de charges publiques. Il ne saurait
valablement rédiger des actes authentiques.
70 Le règlement précité.
71 Les conditions d’adoption et d’entrée en vigueur d’un règlement communautaire et d’une loi
nationale n’obéissent pas en effet aux mêmes règles.
72 A la suite de la révision de 2014.

349
PapaTalla FALL

économique permet de déroger à son exigence relative au capital social par


un texte national. C’est ainsi qu’au Sénégal, la loi 2014-20 du 14 avril
201473 avait réduit le montant du capital minimum pour les SARL74 à 100
000 francs avant qu’une autre loi de 205 ne vienne l’abroger. Dès lors
aujourd’hui, avec la loi 2015-07 du 9 avril 201575, le capital minimum d’une
SARL est désormais librement fixé par les statuts. Par cette même loi, le
législateur sénégalais a également supprimé le seuil pour le montant nominal
des parts sociales.
Le capital de la SARL a ainsi quitté le COCC, à la faveur de l’entrée en
vigueur du premier acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique, avant de faire l’objet d’un texte national
extérieur audit code. Ce qui est compréhensible, d’autant plus que la quatrième
partie du COCC pouvant contenir une telle disposition a fait l’objet d’une
abrogation avec l’avènement du premier acte uniforme de l’OHADA dédié au
droit des sociétés commerciales, lequel organise notamment la SARL.
La décodification. On note là ce que certains appellent le phénomène de la
« décodification »76 avec la multiplication des lois spéciales touchant aux
obligations civiles et commerciales, objet du COCC. Cette opération consiste à
ne pas intégrer dans les codes spécialisés des lois importantes qui appartiennent
à leurs domaines77.
Ce phénomène est un fléau des temps modernes78. Les mutations sociales
très rapides et la spécialisation trop poussée du droit ne favorisent pas la
longévité des codes79.
Le COCC n’a pas échappé à ce fléau avec la multiplication des textes épars
qui intéressent le domaine à lui traditionnellement assigné. A l’image de ce
qu’observe Carbonnier, à propos du Code civil, on peut partager que le COCC
est en train de perdre « sa belle ordonnance unitaire » avec l’émergence de
législations spéciales qui lui sont extérieurs80.
Cet éclatement des sources est ainsi une menace réelle pour la survie du
COCC.

73 JORS n° 6789 du 5 mai 2014, p 612.


74 Société à responsabilité limitée.
75 JORS n° 6844 du 18 avril 2015, P 393 et s.
76 J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, 2e éd, op. cit., p 358 ; B. Oppetit, « La décodification
du droitcommercial », Mélanges Rodière, 1982, p. 189 et s.
77 Le concept même de « décodification discrète » a été avancé à propos du droit civil français,
voir Ph. Rémy, « Planiol : un civiliste à la Belle Epoque », RTD civ. 1. 2002, p 31, n° 9.
78 Cf. « La codification, forme dépassée de législation », XIe Congrès international de droit
comparé, Caracas, 1982, spéc.R. Sacco, rapport italien, p. 65 et s.
79 R. Savatier, « Le Droit et l'accélération de l'Histoire », D. 1951, p 30.
80 J. Carbonnier, Droit civil. Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant et le couple, Vol.
1, éd. Thémis, PUF 2004, p 135 n° 79.

350
Requiem pour le cocc

II. - LA RENAISSANCE DU COCC


Certes, il y a le phénomène de la multiplication de textes extérieurs au code
des obligations alors qu’ils ont le même domaine de prédilection que celui-ci.
Mais, c’est surtout le développement en crescendo du droit dérivé
d’organisations supranationales, telles que l’UEMOA et surtout l’OHADA, qui
menace à terme la survie du COCC.
Justement, le tocsin risque d’être l’adoption probable d’un acte uniforme
relatif au droit des obligations et la mutation inéluctable du COCC.

A. - le tocsin d’un probable acte uniforme


relatif au droit des obligations
Un contexte favorable. L’unification du droit dans le cadre de l’OHADA
n’a pas encore affecté le droit des obligations en général et le droit des contrats
en particulier. C’est ainsi que le droit commun, en ces matières, demeure encore
national, même s’il est en sursis.
C’est la raison pour laquelle le juge, qu’il soit national ou communautaire,
est parfois amené à appliquer à la fois le droit OHADA et le droit national.
Cette situation peut théoriquement poser un problème de conflit de
juridictions au sommet.
En effet, au niveau des juridictions du fond, les règles du droit OHADA sont
appliquées par les juges nationaux. C’est la cour suprême nationale qui est
seulement évincée au profit de la Cour commune de justice et d’arbitrage de
l’OHADA (la CCJA) en matière d’application des actes uniformes81. Ainsi,
lorsqu’une question soulève à la fois l’application du droit national et celui du
droit communautaire, il faut logiquement procéder au dépeçage des questions
pour le pourvoi en cassation. Toutefois, tel ne semble pas être le cas lorsque la
CCJA est saisie d’un pourvoi en application du droit OHADA. A chaque fois
qu’elle casse et évoque, la CCJA vide toute l’affaire même si des questions
relevant du droit national sont évoquées dans la cause82. Or, cette juridiction
supranationale n’est pas statutairement gardienne de l’unité du droit national des
Etats parties83.

81 Voir art. 14 du Traité, lequel reconnaît à la CCJA une compétence exclusive en matière de
recours en cassation lorsque la décision querellée est du domaine des actes uniformes de
l’OHADA.
82 CCJA, Arrêt n° 057/2015, Pourvoin° 091/2012/PC du 14/08/2012, Affaire : Moctar Maciré
Diakité C/ Salifou Bengaly, Sociétéd’ingénierieenénergiedite Sinergie SA du 27 avril 2015,
Ohadata J -16-57.
83 C’est pourquoi le professeur Issa-Sayegh suggère que la CCJA doit également être la
gardienne à la fois de l’unité du droit harmonisé et celle du droit national (J. ISSA-SAYEGH,
« La fonction juridictionnelle de la Cour commune de Justice etd’Arbitrage de l’Organisation

351
PapaTalla FALL

Au-delà de cette question de compétence, il y a lieu de souligner que la survie


du droit commun national intéresse l’application des actes uniformes. Toutefois,
il ne faut pas occulter que la sécurité juridique et judiciaire est la raison d’être
de l’OHADA. Et, nous l’avons déjà dit, le juge n’est pas toujours seulement
appelé à appliquer le droit des affaires tel qu’issu des actes uniformes. Or, le
droit national susceptible de recevoir application mérite les qualités
d’accessibilité et d’intelligibilité. L’OHADA a mesuré les enjeux à légiférer sur
le droit des obligations en général et le droit des contrats en particulier.
Un processus amorcé. Dès 2001, l’intérêt relatif à l’adoption d’un acte
uniforme sur le droit des contrats a été manifeste. D’ailleurs, un avant-projet
d’acte uniforme inspiré des principes UNIDROIT84 a eu à voir le jour sous la
direction du Professeur Marcel Fontaine. Cet avant-projet a eu à soulever de
vives polémiques entraînant son abandon.
En effet, plusieurs critiques ont été formulées contre le projet de Monsieur
Marcel Fontaine. Il lui a été, notamment, reproché le risque d’abandon de la
tradition juridique française. C’est que le projet Marcel Fontaine accordait
beaucoup de place aux principes UNIDROIT. L’auteur s’est d’ailleurs insurgé
contre les inconvénients prêtés à ces principes. Il écrit, à ce propos que « les
Principes d'UNIDROIT ne relèvent ni de la common law, ni de la civil law :
c'est un produit nouveau, élaboré par des juristes de différents horizons »85.
Monsieur Marcel Fontaine a effectivement travaillé sur la question avec des
juristes aussi bien de l’OHADA que de l’UNIDROIT sans compter la
consultation de spécialistes au niveau des Etats parties.
Cependant, il ne semble pas convaincre de la nécessité de maintenir les
principes UNIDROIT86. L’OHADA est essentiellement formée d’Etats
francophones même si elle s’ouvre aux autres. L’article 53 du Traité constitutif
dispose, à ce titre, que « Le présent traité est, dès son entrée en vigueur, ouvert
à l’adhésion de tout Etat membre de l’OUA et non signataire du Traité. Il est

pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires »,www.ohada.com/Doctrine/D02-16


ou les Mélanges en l’honneur de Decottignies).
84 L’UNIDROIT, institut international pour l’unification du droit privé basé à Rome, est une
organisation intergouvernementale indépendante, de compétence universelle qui travaille
depuis 1926 à la préparation d’instruments internationaux (conventions, lois uniformes,
principes etc.) dans les domaines du droit commercial international, et du droit privé uniforme
en général.
L’UNIDROIT a réussi ainsi à dégager un certain nombre de principes applicables aux contrats
du commerce international et à contribuer à l’harmonisation du régime général des contrats
au niveau mondial.
85 M. Fontaine, « L’avant-projet d'acte uniforme OHADAsur le droit des contrats : vue
d'ensemble », Revue de droit uniforme, 2008, p. 203.
86 J. Jehl, « Droit uniforme OHADA : entre consolidation et nouvelle avancée sur le droit des
obligations », JCP éd. G, n° 4 du 25 janvier 2016, p 95.

352
Requiem pour le cocc

également ouvert à l’adhésion de tout autre Etat non membre de l’OUA invité à
y adhérer du commun accord de tous les Etats parties ».
C’est ainsi qu’on retrouve des Etats non francophones dans l’OHADA. Il en
est ainsi de la Guinée Bissau et de la Guinée équatoriale qui sont des Etats
lusophones.
Toujours est-il que le 15 décembre 2010, le Conseil des ministres de
l’OHADA avait décidé d’inclure le droit des obligations contractuelles dans
le programme d’harmonisation. Mais la question n’est pas encore tranchée
en raison de la difficulté de choix d’une approche irréprochable87.
En premier lieu, faut-il un droit commun des contrats ou un droit des contrats
spéciaux ? Faut-il un acte uniforme ou opter en faveur de lois uniformes pour
ne pas dépouiller les juridictions nationales statuant en cassation ?
Les lois uniformes permettent de respecter la souveraineté des Etats et
d’éviter l’éviction des juridictions nationales statuant en cassation. C’est que
l’expansion du domaine des actes uniformes de l’OHADA a pour corollaire un
dessaisissement des juridictions nationales statuant en matière de cassation.
D’ailleurs, celles-ci se sont offusquées de cette situation.
C’est lors d’un colloque tenu en juin 2006 à Lomé par l’Association africaine
des Hautes juridictions francophones (AA-HJF) sur le thème « Rapports entre
juridictions de cassation nationales et la CCJA de l’OHADA : bilan et
perspectives d’avenir »88.
Une loi-type à transposer au plan national serait beaucoup plus favorable
pour les défenseurs des cours suprêmes nationales89. C’est que lorsqu’il s’agit
d’une loi uniforme, il n’y a pas non seulement dessaisissement des parlements
nationaux – lesquels procèdent à la transposition du droit communautaire – mais
aussi corrélativement, il y a maintien des compétences des cours suprêmes
nationales statuant en matière de pourvoi en cassation.
Si elle peut satisfaire les « souverainistes », cette méthode présente
néanmoins le danger de remettre en cause l’interprétation uniforme des règles
communautaires.

87 C. D. Sossa, « Pour une harmonisation du droit des contrats dans les pays membres de
l’OHADA », Semaine juridique, éd. G. n°4, 25 janvier 2016, doct., p 101 et s. ; J. Jehl, « Droit
uniforme OHADA : entre consolidation et nouvelle avancée sur le droit des obligations », op.
cit.
88Les recommandations de ces hauts magistrats ont fait l’objet de larges commentaires lors de la

« réunion des forces vives de l’OHADA tenue les 8, 9 et 10 novembre 2007 à Douala au
Cameroun.
89 PH. TIGER, « Les relations entre la Cour commune de justice et d’arbitrage et les

Hautesjuridictions nationales : vers une attribution de compétence OHADA aux Cours


suprêmes nationales ? », communication à la Réunion des Forces vives de l’OHADA, Douala-
Cameroun, les 8-9 et 10 novembre 2007.

353
PapaTalla FALL
Une menace réelle sur ce qui reste du COCC. Le secrétaire permanent de
l’OHADA, le professeur Cossi Dorothée SOSSA, a eu à déclarer dans une
chronique publiée dans un numéro de la Semaine juridique Ed. G. de janvier
201690, avoir reçu le 9 novembre 2015 de l’UNIDA91 un avant-projet
portant droit général des obligations contractuelles dans l’espace OHADA.
En même temps, l’OHADA est en train d’explorer la faisabilité et
l’opportunité de légiférer sur certains contrats d’affaires : crédit-bail,
affacturage, etc.
Cet avant-projet, sous la houlette de la Fondation pour le droit continental,
transcende le droit des affaires. Il porte pratiquement sur tout le droit des
obligations, de la preuve et de la prescription. Il traite des sources de l'obligation
(titre I) : contrats, quasi-contrats, délits et quasi-délits. Il envisage ensuite le
régime de l'obligation (titre II) : les modalités de l'obligation, la cession des
obligations, le droit à exécution, l'extinction des obligations, la prescription et
la preuve des obligations. En outre, il prévoit des dispositions relatives aux
conflits de lois en matière d'obligations92.
L’aboutissement d’une telle initiative entraînerait la remise en cause de la
première partie du COCC et parachèverait la fin du COCC tel qu’il a été conçu
par le législateur sénégalais.
A supposer même qu’à la place d’un Acte uniforme, on opte en faveur de la
technique des lois uniformes, l’unité du code serait toujours remise en cause.
La nécessité d’un droit des obligations harmonisé. L’opportunité d’une
harmonisation du droit des obligations ne fait pas l’ombre d’un doute eu égard
que cette matière représente le droit commun. Et, la Commune de justice et
d’arbitrage de l’OHADA peut être confrontée très souvent à des pourvois
soulevant à la fois l’application des règles OHADA et celles du droit commun.
Or, le principe est qu’elle évoque et met fin au litige lorsqu’elle casse une
décision définitive rendue par une juridiction nationale du fond. En effet, à la
différence des juridictions statuant en cassation, la CCJA ne renvoie pas après
cassation de la décision de la juridiction nationale de fond ; elle se mue en juge
du fond afin de trancher l’affaire en fait et en droit. C’est ainsi que certains ont
vu en elle une sorte de troisième degré de juridiction93. Le terme de troisième
90 C. D. Sossa, « Pour une harmonisation du droit des contrats dans les pays membres de
l’OHADA », op. cit.
91 Association pour l’unité du droit en Afrique.
92 C. Grimaldi, « Projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l'espace
OHADA », Recueil Dalloz 2016 p 648.
93 Par exemple, B. Diallo énonce que ce n’est qu’aprèscassation que « l’on peut parler de la
CCJA comme un troisième degré de juridiction, pas avant. Par cette opération elle élargit sa
saisine et s’érige en cour d’appel unique et souveraine » (B. Diallo, « Réflexions sur le
pouvoir d’évocation de la CCJA dans le cadre du traité del’OHADA »,
www.ohada.com/Doctrine/D07-23) et dans le même sens, E. NSIE, « La Cour Commune de
Justice et d’Arbitrage », Penant 1998, numéro 828, p 308et s. et Me D. NDOYE, « La nouvelle
Cour de cassation de l’OHADA », collection «Droitcommunautaire africain » Dakar 1998
voir spécialement note sous article 47 du Règlement deprocédure de la CCJA.

354
Requiem pour le cocc

degré de juridiction n’est en réalité approprié que si la voie de l’appel est


ouverte. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Quoi qu’il en soit, une loi-type à la place d’un acte uniforme peut poser un
problème d’unité du droit national94. Si l’option la plus vraisemblable d’un acte
uniforme portant droit général des obligations contractuelle est avalisée95, le
COCC est obligé d’opérer sa mue.

B. - la mutation ineluctable du cocc


A terme, le COCC devrait changer de nature. Cette nécessaire mutation
soulève la question cruciale de la modalité.
Une mutation nécessaire. En matière de codification, il est de coutume de
distinguer divers types de codes96. Néanmoins, on peut les classer en deux
catégories. Certains codes appartiennent à la catégorie de la « codification
créatrice » ou « codification modification », tandis que les autres relèvent de la
« codification-compilation »97.
La codification, dite créatrice par certains et modification par d’autres, est
une œuvre législative novatrice. A l’opposé, la codification-compilation
consiste seulement à regrouper les textes relatifs à une matière donnée et à les
présenter d’une manière claire et accessible98. Elle n’a pas pour objet la
modification de la substance du droit ancien par la création d’un droit nouveau.
Eu égard à ces distinctions, il est indubitable que le COCC, dans sa
configuration jusque-là, obéit aux conceptions de « codification créatrice » ou
« codification-modification ». En effet, on ne parle, généralement, du COCC
qu’en faisant référence au code tel que systématisé par le législateur sénégalais
à travers des lois successives99.
De surcroît, il ne faut pas occulter toute cette philosophie qui a animé
l’érection de la première partie du code sénégalais des obligations. Nous l’avons

94 Voir notre ouvrage, Sécurité des investissements et cohérence de l’ordre juridique. La


problématique de l’application des normes OHADA dans l’ordre interne, précité, pp 212 et
213 et J. ISSA-SAYEGH, « La fonction juridictionnelle de la Cour commune de Justice
etd’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
»,www.ohada.com/Doctrine/D02-16.
95 Cette option semble la plus probable. Après l’échec de l’avant-projet Marcel Fontaine, le
dernier en date est celui des professeurs J. Issa-Sayegh, P. G. Pougoué et F. M. Sawadogo
sous la houlette de la Fondation pour le droit continental avec l’assentiment du secrétariat
permanent de l’OHADA (voir C. Grimaldi, « Projet de texte uniforme portant droit général
des obligations dans l'espace OHADA », op. cit., p 648
96 B. Oppetit, Essai sur la codification, PUF, 1998, p 18 et s ; S. Guy, « Codification et
consolidation », in « Essai sur la rédaction législative »
97 Sur ces questions, voir J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, op. cit., p 354 et s, spec., p 356.
98 J. –C Bécane, M. Courdec et J.-L. Hérin, La loi, Dalloz, « Méthode du droit », 2010, p 197 et
s.
99 Voir supra, Introduction.

355
Papa Talla FALL

déjà dit, les autorités sénégalaises de l’époque voulaient instituer un droit


des obligations civiles et commerciales axé autour d’un droit du
développement100. Au COCC, il était assigné la recherche de la croissance
économique et celle de l’efficacité juridique101 .
Mais, si le processus entamé dans le cadre de l’OHADA aboutit, il est hors
de doute que le COCC originel risque quasiment de disparaître. En effet,
l’éclatement des sources du droit avec son corollaire l’expansion du droit
communautaire, mais aussi et surtout avec la multiplication des textes spéciaux,
le COCC actuel va perdre son âme.
Dès lors, il ne devra sa survie qu’en passant d’une « codification créatrice »
ou « codification- modification » à une simple « codification-compilation ».
Une telle mutation est on ne peut plus nécessaire. La question la plus opportune
est, à notre sens, celle de la modalité de cette mutation.
Les modalités d’une telle mutation. Sous quelle forme devrait prendre
cette mutation du COCC ?
Autrement posée, la question est de savoir si le législateur peut être l’acteur
d’une telle codification ?
Il s’agit de réunir dans un même code tous les textes afférant aux matières
dérivant des quatre parties du code en vue de permettre une meilleure
accessibilité et surtout intelligibilité du droit. Une telle entreprise peut- elle
prendre la forme d’une « codification à droit constant » ?
Le Dictionnaire du vocabulaire juridique définit la « codification à droit
constant » comme étant « le rassemblement de règles juridiques éparses
applicables à une matière sans leur faire subir de modifications autres que de
pure forme »102.
Par exemple, depuis 1989 en France, une commission supérieure de
codification a été mise sur pied pour la remise en ordre du droit positif « en
ordonnant les normes existantes sans créer de règles nouvelles »103.
Le parlement devait par la suite intervenir pour valider les nouveaux textes
qui se substituent au droit antérieur, à tout le moins, en ce qui concerne la partie
législative104.
S’il est incontestable qu’une telle codification peut être validée par le
législateur, le doute est permis en ce qui concerne les matières qui, jusque-là,
étaient encore rattachables au COCC. La disqualification du législateur
sénégalais, en matière de codification-compilation du droit des obligations

100 Voir supra introduction.


101 R. Decottignies, « Réflexions sur projet de code sénégalais des obligations », spéc., p 172.
102 R. Cabrillac, Dictionnaire du vocabulaire juridique 2017, LexisNexis, 2016.
103 J. –L. Bergel, op. cit., pp 356 et 357.
104 B. Oppetit, Essai sur la codification, op. cit.

356
Requiem pour le cocc
civiles et commerciales, est due à la diversité des sources et à leur hétérogénéité
du point de vue de la hiérarchie des normes.
En effet, si l’essentiel des règles relèvent du droit écrit, certaines sont
d’origine nationale, d’autres supranationales105. Dès lors si le législateur peut se
payer le luxe de procéder au regroupement de tous les textes législatifs
susceptibles d’être intégrés au COCC, il en va autrement de ceux, de plus en
plus nombreux, qui relèvent de normes communautaires en général et de
l’OHADA en particulier. C’est qu’un code adopté par le législateur sénégalais
ne peut pas contenir des règles adoptées par des organes d’une organisation
supranationale ; de surcroît, lorsque l’acte uniforme comporte une disposition
transitoire consacrant l’abrogation par l’objet106.
Il est vrai que dans le cadre de l’OHADA, certains actes uniformes
n’abrogent et n’interdisent que les dispositions nationales contraires. Mais, les
dispositions d’un acte uniforme, étant du droit dérivé, ne sont pas un droit
statique ; c’est un droit vivant et dynamique107. La preuve peut être
administrée par les révisions qui ont affecté certains actes uniformes à partir
de 2010108. C’est pour cette raison fondamentale, qu’il nous semble
incommode que le législateur national puisse reproduire dans le cadre d’une
« codification à droit constant », certains textes issus, notamment, des actes
uniformes de l’OHADA109. A cela s’ajoute l’inutilité du procédé. De
surcroît, cela peut donner lieu à un contentieux inutile de juridictions. En
effet, la CCJA110 étant seule compétente en cassation lorsqu’il s’agit
d’appliquer les dispositions d’un acte uniforme, il va sans dire que
l’invocabilité d’un droit national, reproduisant à l’identique les dispositions
OHADA, peut pousser le plaideur à vouloir saisir la cour suprême au
détriment de la CCJA du fait que les textes applicables ont également un
support national.
A notre avis, la codification-compilation à droit constant ne saurait donc, en
l’espèce, être une bonne option pour le législateur sénégalais. L’avenir du
COCC ne peut pas être dans ce que l’on a pu appeler « codification publique »111
105 Voir supra sur la problématique de la dispersion des textes.
106 Par exemple, l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution dans son article 336.
107 Il existe non seulement un organe délibérant (le conseil des ministres de l’OHADA) pour créer
ou modifier le droit dérivé, mais aussi une juridiction chargée de garantir l’unité de
l’interprétation et de l’application des règles communes (la CCJA).
108 Acte uniforme relatif au droit commercial général et Acte uniforme portant organisation des
sûretés (2010) ; Acte uniforme portant organisation des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (2014) et Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d’apurement du passif (2015), par exemple.
109 D’ailleurs, à chaque révision d’un acte uniforme, le législateur serait alors dans l’obligation
de mettre à jour le code en intégrant les textes nouveaux.
110 La Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA.
111 C. Kessedjian, « Codification du droit commercial international. De la gouvernance
normativepour les relations économiques transnationales », op. cit., p 100.

357
PapaTalla FALL

Cela dit, la codification-compilation ne peut en définitive être que l’affaire


des éditeurs à l’image du Code des sociétés en France (Litec, LexisNexis ou
Dalloz) ou Code vert OHADA (juriscope) ou Code bleu du droit OHADA
(Juriafrica)112.
En la matière, il ne s’agira pas d’une codification à droit constant. Il
reviendrait simplement aux éditeurs de rassembler selon un plan cohérent tous
les textes applicables en matières d’obligations civiles et commerciales au
Sénégal qu’ils soient d’origine communautaire (UEMOA – OHADA) ou
seulement national.
De ce point de vue, ils ne sauraient réécrire les textes comme dans le cadre
d’une codification à droit constant. Chaque disposition doit garder sa
numérotation et que sa source soit clairement indiquée. L’interprète doit
connaître la règle et son origine pour pouvoir en tirer toutes les conséquences,
d’autant plus que certaines règles sont supranationales.
La codification par les éditeurs. Déjà, les éditions EDJA113 mais aussi la
version numérique du COCC ont commencé à remplacer les dispositions
abrogées par celles des actes uniformes de l’OHADA ayant le même objet.
Une telle codification par les éditeurs est opportune. Car, il est question de
mettre à la disposition des théoriciens et des praticiens du droit un outil
indispensable à une meilleure accessibilité du droit, gage de sécurité
juridique114. Elle facilite la connaissance du droit par les usagers par le fait que
des textes épars ayant le même objet soient regroupés dans un ensemble
cohérent et organisé115.
L’accessibilité et la prévisibilité du droit sont aujourd’hui des enjeux
importants pour l’État de droit moderne. D’ailleurs le Conseil constitutionnel
français leur reconnaît une valeur constitutionnelle116. De plus en plus, il est
question de simplification du droit117.

112 Les codes OHADA, vert ou bleu, se bornent cependant à rassembler tous les actes uniformes
dans un même document. Il ne s’agit pas véritablement de la compilation de textes épars sur
une même matière.
En réalité, c’est le code des sociétés qui est un exemple-type de la codification-compilation.
113 Editions juridiques africaines.
114 Sur l’utilité de la codification pour les praticiens, voir Ph. Rémy, « Planiol : un civiliste à la
Belle Epoque », RTD civ. 1. 2002, op. cit., n° 12.
115 En ce sens, voir J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, op. cit., p 358
116 Voir, CC français, décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011. Saisi, à propos de la conformité
à la Constitution de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, il affirme
que «Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui
confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur
constitutionnelle d’intelligibilité́ et d’accessibilité́ de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et
16 de la Déclaration de 1789, lui impose d'adopter des dispositions suffisamment précises et
des formules non équivoques ».
117 B. Lecourt, « Réflexions sur la simplification du droit des affaires », op. cit.

358
Requiem pour le cocc

CONCLUSION
En définitive, il est vrai qu’à l’heure actuelle le COCC n’est
fondamentalement amputé que des troisième et quatrième parties avec l’entrée
en vigueur respectivement de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
et celui relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique. Les première et deuxième parties sont les moins touchées par
l’adoption des actes uniformes.
Mais, on peut observer aussi que le processus entamé dans le cadre surtout
de l’OHADA est inéluctable. L’envahissement du droit communautaire est le
facteur le plus important qui risquerait à terme de faire du COCC actuel d’être
une coquille vide.
Le COCC a-t-il fait son temps ? Il a été conçu pour répondre aux besoins
économiques de notre jeune État. Aujourd’hui, la logique est beaucoup plus
communautaire. Le droit communautaire devient de plus en plus une source
incontournable. De ce point de vue, il ne sert à rien de s’accrocher au passé fût-
il glorieux d’une œuvre qui a marqué l’histoire des codes en Afrique118.

118 Rares étaient en effet, les Etats africains nouvellement indépendants dotés d’une législation
propre. Le Sénégal avec son COCC, la Guinée avec son code des activités économiques et le
Mali, avec son code de commerce faisaient figures d’exceptions.

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