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L'IQPF tient à remercier Me Caroline Marion, LL.M., D. Fisc., Pl. Fin. pour sa
collaboration à la rédaction.
Éléments de compétence
Pour le non-initié, il peut paraître étrange, de prime abord, d'intégrer le domaine juridique
à la planification financière. Il est vrai qu'en soi, une bonne connaissance du domaine
juridique ne contribuera pas à accroître la valeur du portefeuille de l'individu. Toutefois, le
planificateur financier possédant une bonne connaissance générale du domaine
juridique pourra aider son client à structurer son entreprise et ses affaires personnelles
de manière à préserver ce patrimoine si chèrement acquis.
Il est important pour le planificateur financier, en tant que «généraliste», d'avoir une vue
d'ensemble des aspects légaux qui sont susceptibles d'influencer le patrimoine d'un
individu ou de son entreprise.
Lorsqu'il est question du «Code civil» dans cet ouvrage, cela fait référence au Code civil
du Québec1, en vigueur dans sa forme actuelle depuis le 1er janvier 1994. Cette loi
légifère sur la plupart des aspects juridiques des relations entre les personnes
domiciliées au Québec. C'est la base de notre droit.
Il se divise en dix livres (ou chapitres), chacun d'eux ayant pour but de régler un aspect
particulier de la vie juridique. L'ensemble de ces dix livres totalise 3168 articles. Le
second paragraphe de la «Disposition préliminaire» du Code civil, sorte de préambule,
énonce ce qui suit :
Le code est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se
rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de
façon implicite, le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres
lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.
En d'autres termes, en l'absence d'une loi spécifique, le Code civil régit les situations
courantes où le droit entre les personnes est concerné.
Bien que le Code civil constitue l'élément de base de notre droit, nous sommes
également régis par un très grand nombre d'autres lois émanant tant du gouvernement
provincial que du gouvernement fédéral, chacun légiférant dans les limites de sa
compétence constitutionnelle. Le Code civil constitue le fondement des autres lois qui
peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger. Ainsi ces autres lois visent à régler
certaines situations particulières, ou sujets particuliers, complétant ainsi le Code civil.
Certaines dispositions de ces autres lois peuvent parfois déroger au Code civil (p. ex., la
reconnaissance de l'union de fait par certaines lois, alors que le Code civil ne reconnaît
pas ce type d'union). Voici quelques-unes des très nombreuses lois adoptées par la
législature fédérale ou provinciale et qui viennent compléter le «paysage législatif»
québécois :
Ainsi, aux dispositions générales du Code civil, viennent s'ajouter une foule de lois
(fédérales ou provinciales), le tout complété par un très grand nombre de règlements
adoptés en vertu de ces lois.
Dans sa pratique, le juriste québécois doit faire face à toutes ces dispositions
législatives. Il est fréquent qu'il lui faille se référer à plusieurs lois et règlements différents
pour résoudre un problème juridique.
En plus des Codes, lois et règlements, qu'on désigne généralement sous le vocable
«législation», le juriste québécois pourra aussi se référer à la «jurisprudence» et à la
«doctrine» pour compléter son analyse d'une situation.
La «jurisprudence», c'est l'ensemble des décisions des tribunaux, dont le rôle consiste à
interpréter la législation et son application à une situation particulière. Bien que les
tribunaux du Québec n'aient pas le pouvoir de créer des règles de droit, leur
interprétation des textes de lois dans la situation qui se présente devant eux permet aux
juristes de clarifier le sens de certaines dispositions législatives qui sont parfois rédigées
en termes très généraux. Il existe au Québec différents paliers de tribunaux.
Les tribunaux de première instance, soit ceux auxquels s'adressent les parties pour
présenter leur litige la première fois, se divisent d'abord en fonction de la valeur de la
réclamation, puis de la nature du litige. Il existe des tribunaux de droit commun et des
tribunaux spécialisés.
Les tribunaux spécialisés sont des tribunaux qui ont une vocation particulière et qui sont
généralement créés par une loi particulière afin d'entendre des litiges qui concernent
l'application précise de cette loi, par exemple :
• La Régie du logement
• Le tribunal des professions
• La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail
• La Commission de protection du territoire agricole
• Les différents «comités de discipline» des ordres professionnels
• Le tribunal administratif du Québec
• La Cour municipale
Les décisions de ces tribunaux spécialisés peuvent parfois faire l'objet d'une révision
judiciaire par la Cour du Québec.
Lorsque la décision du tribunal de première instance ne satisfait pas les parties, il est
parfois possible de demander à un tribunal supérieur de revoir la décision. Les décisions
de la Cour du Québec, division des petites créances, sont finales et sans appel, alors
que les décisions de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure du Québec peuvent
être révisées par un tribunal supérieur si les parties considèrent qu'il y a eu erreur dans
l'application du droit. On dira alors qu'on va «en appel» de la décision rendue. C'est la
Cour d'appel du Québec qui a juridiction pour rendre les décisions en deuxième
instance. La Cour d'appel du Québec est le plus haut tribunal de la province et elle peut
soit confirmer la décision de la cour inférieure ou infirmer cette décision, en tout ou en
partie.
Enfin, les parties insatisfaites d'une décision de la Cour d'appel du Québec peuvent
parfois porter cette décision en appel devant la Cour suprême du Canada, qui est un
tribunal pancanadien qui entend des litiges provenant de toutes les provinces
canadiennes. La Cour suprême du Canada choisit les litiges qu'elle accepte d'entendre.
Ainsi, on doit procéder en deux étapes : d'abord demander à la Cour la permission d'en
appeler d'une décision et, si la Cour accorde cette permission, on pourra présenter les
arguments des parties en troisième instance. Une décision de la Cour suprême du
On comprendra aisément que plus une décision émane d'une instance supérieure, plus
elle a de poids quant à l'interprétation à donner à un texte de loi dans une situation
particulière.
Les juristes québécois ont aussi recours à la «doctrine», soit l'ensemble des écrits des
auteurs, pour interpréter tant la législation que la jurisprudence. Les professeurs et les
praticiens du droit commentent régulièrement les décisions des tribunaux et les
dispositions législatives et ces commentaires constituent une source importante
d'information légale. Des auteurs spécialisés traitent d'un sujet particulier en droit et
feront l'analyse des textes de loi et des décisions des tribunaux rendues en application
de ceux-ci. Leurs commentaires sur la législation et la jurisprudence peuvent inspirer les
tribunaux à rendre leurs décisions et même le gouvernement à modifier certains textes
de loi. En ce sens, la doctrine permet parfois de faire avancer le droit sur certains sujets
et permet aux juristes de se familiariser avec certains aspects. Le présent module
constitue de la doctrine puisqu'il explique certaines règles de droit applicables et cible
celles qui ont un impact sur la pratique du planificateur financier.
Chacun des chapitres du présent module cerne les aspects juridiques que le
planificateur financier est le plus susceptible de rencontrer au cours de sa pratique. Il
s'agit en fait de dispositions juridiques pouvant affecter d'une manière ou d'une autre le
patrimoine des individus. Les auteurs font une synthèse de chacun des éléments
juridiques traités, de façon à permettre au planificateur financier qui n'est pas juriste
d'obtenir rapidement l'information générale dont il peut avoir besoin. Par le fait même, il
sera davantage apte à guider son client, tout en respectant toutefois les limites de ses
champs de compétence.
Par ailleurs, le domaine juridique étant, comme tous les autres domaines, en évolution
constante, le planificateur financier prendra soin de mettre à jour ponctuellement ses
compétences par le biais de la formation continue au cours de laquelle il pourra,
notamment, approfondir certains des aspects traités dans ce module.
Dans le présent chapitre, le terme «époux» désigne les conjoints mariés ou unis
civilement.
La naissance, le mariage ou l'union civile et la mort constituent les trois grandes étapes
de la vie d'une personne que la société enregistre officiellement et consigne sur papier.
Les actes de l'état civil, qui constatent ces événements, permettent la reconnaissance
de certains droits et privilèges dont peut bénéficier une personne et déterminent
également les obligations qui lui incombent. D'autres événements peuvent également
modifier l'état civil d'une personne : un divorce, une adoption, un changement de nom,
un changement de sexe.
Depuis la mise en vigueur du Code civil du Québec le 1er janvier 1994, seul le directeur
de l'état civil peut dresser un acte de naissance, de mariage, d'union civile ou de décès
et l'inscrire dans le registre de l'état civil dont il assure par ailleurs la garde et la publicité.
Connaître l'état civil d'une personne permet d'évaluer l'étendue de ses droits et de ses
obligations envers ses proches. En effet, une personne divorcée peut avoir des
obligations envers un ex-époux qu'une personne célibataire ne peut avoir envers un ex-
conjoint en vertu du Code civil. D'ailleurs, le divorce ou la dissolution de l'union civile ne
permet jamais la reprise du statut de célibataire aux fins de l'état civil.
Ainsi, les pouvoirs d'une personne mariée ou unie civilement quant à la gestion de ses
biens sont touchés alors qu'une personne veuve peut avoir des droits à faire valoir sur le
patrimoine de son défunt époux.
Acte de décès
L'acte de décès permet de commencer le processus de règlement d'une succession,
d'établir à l'égard de la personne décédée le jour où les diverses prestations (rentes du
Québec, rentes privées, etc.) cessent de lui être versées et le moment où les
programmes gouvernementaux ne lui sont plus applicables.
• Célibataire
• Marié(e)
• Uni(e) civilement
• Séparé(e) de corps
• Divorcé(e)
• Désuni(e) civilement
• Veuf(ve)
Cet état civil est généralement indiqué lorsqu'une personne est identifiée dans un acte
juridique comme un acte de vente de propriété, une hypothèque immobilière ou encore
un testament. En effet, il est parfois nécessaire de connaître et de comprendre les
répercussions de l'état civil d'une personne sur un acte qu'elle s'apprête à poser ou à
signer. Nous verrons ci-après que le mariage ou l'union civile peuvent avoir des
répercussions plus ou moins importantes sur les pouvoirs qu'ont les époux sur leurs
biens pendant l'union. De la même façon, le fait qu'un individu soit séparé, veuf, divorcé
ou désuni indique qu'une union précédente a été dissoute et qu'il est probable que cette
union précédente ait encore des répercussions sur les finances de cet individu. Ce serait
le cas si l'un des ex-conjoints versait une pension alimentaire à l'autre pour lui-même ou
pour les enfants nés de l'union.
Aussi, il importe de souligner que malgré qu'il soit possible que des individus vivent en
union de fait depuis plusieurs années, cet état n'est pas reconnu aux fins du Code civil
du Québec. En conséquence, les individus qui forment cette union demeurent, aux fins
civiles, sous leur état civil antérieur. Par exemple, Marie pourrait être divorcée d'un
premier mariage et vivre en union de fait avec Paul qui n'a jamais été marié ou uni
civilement. L'état civil de Marie serait «divorcée» alors que celui de Paul serait
«célibataire».
Depuis le 20 juillet 2005, la loi fédérale qui régit les conditions de fond du mariage, à
savoir les exigences requises pour contracter un mariage valide, reconnaît que «Le
mariage est, sur le plan civil, l'union légitime de deux personnes, à l'exclusion de toute
autre personne.» (Loi sur le mariage civil, L.C. 2005, ch. 33). Ainsi, l'institution du
mariage n'est plus réservée aux seuls couples composés d'un homme et d'une femme,
comme c'était le cas avant cette date.
Le mariage, qu'il soit contracté dans le cadre d'une célébration civile ou religieuse, dans
la province de Québec ou à l'étranger, emporte des droits et des obligations pour les
époux. Certains de ces droits et obligations dépendent du contrat de mariage que
peuvent signer les époux avant ou après leur mariage, alors que d'autres, jugés
fondamentaux, s'appliquent obligatoirement à tous les époux qui sont domiciliés au
Québec, indépendamment de leurs conventions matrimoniales. Ce sont les règles que le
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Code civil définit au titre des «effets du mariage» et que les juristes qualifient de «régime
primaire».
D'ailleurs, le Code civil prévoit que les époux ne peuvent déroger à ces droits et devoirs
fondamentaux, quel que soit leur régime matrimonial.
Les principaux droits et devoirs imposés à tout époux, du seul fait du mariage, sont les
suivants (art. 392 et suivants C.c.Q.) :
• les époux ont en mariage les mêmes droits et les mêmes obligations;
• ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance;
• ils sont tenus de faire vie commune;
• chaque époux conserve son nom;
• ils assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille;
• ils exercent ensemble l'autorité parentale;
• ils choisissent ensemble la résidence familiale;
• ils contribuent aux charges du mariage en proportion de leurs facultés
respectives. Chaque époux peut s'acquitter de sa contribution par son activité au
foyer;
• une protection est accordée au lieu qui sert de résidence familiale et aux meubles
qui garnissent ou ornent celle-ci;
• un patrimoine familial est formé dès l'instant de l'union et devra être partagé en
cas de rupture du lien matrimonial;
• les époux sont assujettis à un régime matrimonial.
Le 24 juin 2002, entrait en vigueur la loi instituant l'union civile2. Cette loi s'inscrivait dans
une démarche de reconnaissance des conjoints de même sexe qui souhaitaient
s'engager publiquement à faire vie commune. Le contexte constitutionnel ne permettait
pas au législateur québécois d'offrir aux conjoints de même sexe la possibilité de se
marier. Par conséquent, il a été décidé de créer cette nouvelle institution qu'est l'«union
civile», et de permettre à tous les couples, de même sexe ou de sexe différent, de s'unir
civilement au lieu de se marier.
Les causes de dissolution de l'union civile énumérées à l'article 521.12 C.c.Q. sont le
mariage des mêmes conjoints (il y a alors continuité du lien; les effets de l'union civile
sont maintenus et considérés comme des effets du mariage), le décès du conjoint
(incluant le jugement déclaratif de décès en cas d'absence d'un des deux conjoints), le
jugement en dissolution rendu par un tribunal ou la déclaration commune notariée.
En cas de rupture, on voit que la dissolution de l'union civile peut être obtenue soit par
une démarche en justice ou par une déclaration notariée. Cette dernière avenue
constitue une innovation en droit québécois puisqu'elle permet aux conjoints qui
s'entendent sur le règlement des conséquences de leur séparation d'obtenir la
dissolution de leur union en s'adressant à un notaire, sans intervention du tribunal à
quelque niveau que ce soit.
Par contre, la dissolution devra être prononcée par le tribunal si les intérêts des enfants
communs sont en cause. Le tribunal veille alors à protéger les droits des enfants
notamment en ce qui a trait à leur garde, aux droits de visite et à la pension alimentaire.
Il est à noter que les enfants communs majeurs, s'ils étaient encore à la charge de leurs
parents, seraient également visés par cette protection.
L'article 366 C.c.Q. précise qui sont des célébrants compétents. Ainsi, les greffiers, les
greffiers-adjoints de la Cour supérieure, les notaires et les ministres du culte habilités à
le faire par la société religieuse à laquelle ils appartiennent, pourvu qu'ils résident au
Québec sont des célébrants reconnus compétents.
Le mariage peut donc être uniquement civil, s'il est célébré par une personne autre qu'un
ministre du culte.
Le mariage dit «religieux» est celui célébré par un ministre du culte. Ce mariage dit
«religieux» inclut naturellement les effets civils du mariage.
Quant à l'union civile, elle peut aussi être célébrée par un ministre du culte (art. 521.2
C.c.Q.).
Le mariage civil est donc un mariage et l'union civile, une autre forme d'union qui se
distingue du mariage principalement quant à ses modalités de dissolution.
• l'âge pour s'unir civilement est de 18 ans, alors qu'il est possible de se marier à
16 ans avec l'autorisation du tribunal;
• l'union civile n'est reconnue qu'au Québec;
• les modes de dissolution de l'union diffèrent : l'union civile se dissout par le
mariage des deux conjoints, par le décès de l'un des conjoints, par un jugement du
tribunal constatant la nullité ou la dissolution de l'union ou par une déclaration
commune notariée de dissolution (possible seulement si le couple n'a aucun
enfant). Le mariage se dissout par le décès de l'un des époux, l'annulation du
mariage ou le divorce;
• la séparation de corps n'est possible que pour les couples mariés.
Le 1er juillet 1989, entrait en vigueur la Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres
dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux (L.Q. 1989, c.
55), laquelle créait un patrimoine familial. Ces dispositions, maintenant incorporées au
Code civil, font en sorte que, dorénavant, peu importe le régime matrimonial choisi, la
valeur de certaines catégories de «biens familiaux» est sujette à partage en cas de
séparation de corps, de dissolution ou de nullité du mariage ou de l'union civile. Ainsi, le
sort des biens faisant partie du patrimoine familial sera régi par les dispositions
spécifiques qui suivent. Rappelons cependant qu'il faut encore se référer au régime
matrimonial ou d'union civile pour déterminer le sort des autres biens advenant la
séparation de corps, la dissolution ou la nullité du mariage ou de l'union civile.
Le Code civil considère que le patrimoine familial est créé par le seul fait du mariage ou
de l'union civile (art. 414 et 521.6 C.c.Q.).
Ce faisant, à l'égard des biens énumérés ci-après, les règles du patrimoine familial ont
préséance sur tous les autres régimes matrimoniaux ou d'union civile et s'appliquent
d'office aux couples mariés ou unis civilement. Cependant, certains d'entre eux ont pu se
soustraire aux règles du patrimoine familial avec, comme conséquence, que seul leur
régime matrimonial régira le sort réservé aux biens possédés par eux advenant
séparation de corps, dissolution ou nullité du mariage. Ainsi, ne sont pas soumis aux
règles du patrimoine familial :
er
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• les couples mariés avant le 1er juillet 1989 et qui ont signé une déclaration
notariée à cet effet au plus tard le 31 décembre 1990;
• les couples mariés avant le 1er juillet 1989 qui l'ont requis lors d'une instance en
séparation de corps, en divorce ou en nullité de mariage intentée au plus tard le 31
décembre 1990;
• les époux séparés de fait avant le 15 mai 1989 et qui ont réglé les conséquences
de leur séparation;
• enfin, les règles du patrimoine familial ne s'appliquent pas non plus aux époux qui
étaient en instance de séparation de corps, de divorce ou d'annulation de mariage
avant le 15 mai 1989.
Hormis ces exceptions, tous les couples mariés ou unis civilement sont soumis aux
règles du patrimoine familial en cas de dissolution de leur union survenant alors qu'ils
sont domiciliés au Québec.
Le Code Civil définit l'expression «régime de retraite» pour les fins de l'application du
patrimoine familial à l'alinéa 5 de l'article 415 C.c.Q. Cette disposition limite la portée de
cette expression aux RPA (incluant les RVER et RRI), régimes d'épargne-retraite
(REER, FERR, CRI et FRV) et aux autres instruments d'épargne-retraite comme les
rentes enregistrées. En sont ainsi exclus les régimes surcomplémentaires de retraite
(«top hat» ou SERP), les RPDB et les CELI (incluant les CELI collectifs).
Cette dernière exclusion fait l'objet d'une certaine controverse dans son interprétation.
De façon littérale, on peut résumer comme suit son application :
Si A décède Si B décède
1. Il peut s'agir d'une prestation forfaitaire si la rente n'a pas commencée à être servie au
moment du décès.
2. Le but de cette exclusion est d'éviter que, en raison des droits prioritaires accordés au
conjoint survivant en cas de décès d'un participant à un régime de retraite, le conjoint
survivant ne se retrouve avec 150 % de la valeur du régime à la suite du décès du
participant. En effet, si le survivant a droit à la prestation de décès du régime (100 %) et
qu'il avait aussi eu droit à la moitié de la valeur du régime au titre du patrimoine familial
(50 %), il aurait ultimement eu droit à 150 % de cette valeur. Cela dit, ce n'est pas
toujours le conjoint marié qui a droit à la prestation de décès du régime de retraite.
• On commence par établir la valeur des biens classifiés comme faisant partie du
patrimoine familial, peu importe que ces biens appartiennent à l'un ou l'autre des
conjoints.
– La valeur de chaque bien s'apprécie normalement au jour du partage. Le
jour du partage se réfère à la date du décès de l'époux ou à la date
d'introduction de l'instance en vertu de laquelle il est statué sur la séparation
de corps, le divorce, la dissolution ou la nullité de mariage ou de l'union civile,
selon le cas. À la demande de l'un des époux, le tribunal peut aussi décider
que la valeur sera établie à la date de cessation de la vie commune (art. 417,
al. 2 C.c.Q.). Les biens sont évalués à leur valeur marchande.
• On doit ensuite déduire de la valeur desdits biens le montant des dettes
contractées pour l'acquisition, l'amélioration, l'entretien ou la conservation de ces
biens (art. 416 C.c.Q.), ce qui donne la valeur nette des biens composant le
patrimoine familial.
• On déduit également de la valeur desdits biens (art. 418 C.c.Q.) :
– la valeur nette d'un bien du patrimoine familial qui était possédé au moment
du mariage ou de l'union civile, ainsi que la proportion de la plus ou moins-
value accumulée pendant le mariage sur ce bien qui est attribuable à cette
valeur nette possédée au moment du mariage;
– l'apport fait pendant le mariage ou l'union civile par l'un ou l'autre des époux
sur un bien du patrimoine familial lorsque cet apport a été fait à même des
biens échus par succession ou donation, ainsi que la proportion de la plus ou
moins-value accumulée pendant le mariage sur ce bien qui est attribuable à
cet apport; ou
– le remploi d'un bien du patrimoine familial possédé au jour du mariage ou
de l'union civile ou d'un apport fait pendant le mariage ou l'union civile sur un
bien du patrimoine familial à même des biens échus par succession ou
donation, ainsi que la plus ou moins-value proportionnelle y attribuable.
Attention, les déductions permises par l'article 418 C.c.Q. sont certes généreuses, mais
elles sont limitées. Ainsi, si un époux peut déduire la valeur nette d'un bien du patrimoine
familial possédé avant le mariage, il ne peut pourtant pas déduire la valeur d'un autre
type de bien (par exemple de l'argent comptant) possédé avant le mariage, mais utilisé
pendant le mariage pour acquérir un bien du patrimoine familial. Par exemple,
supposons que Monsieur possède 10 000 $ d'économies accumulées et qu'il se
questionne sur l'opportunité de faire une contribution REER avant ou après la date du
mariage. Dans l'hypothèse où la cotisation est faite avant le mariage, le 10 000 $ de
REER possédé avant le mariage et toute plus-value acquise pendant le mariage sur ce
bien ne fera pas partie de la valeur partageable des biens du patrimoine familial. À
l'opposé, si la contribution est faite pendant le mariage, il s'agira alors de «droits
accumulés pendant le mariage au titre d'un régime de retraite», lesquels sont
entièrement partageables, et aucune déduction ne sera permise en application de
l'article 418 C.c.Q. à l'encontre de la valeur partageable de ces droits.
Nous avons mentionné que l'article 418 C.c.Q. permet également de déduire de la
valeur partageable des biens du patrimoine familial la plus-value (ou la moins-value)
proportionnelle acquise pendant le mariage ou l'union civile, selon les règles suivantes :
ou
• lorsqu'il s'agit d'un apport fait pendant le mariage ou l'union civile sur un bien du
patrimoine familial à même des biens échus par succession ou donation ou leur
remploi :
Exemple 2-0.1
Jacques s'est marié avec Andrée le 1er avril 1996. Jacques avait acheté une résidence,
en 1990, au prix de 90 000 $. Il en avait acquitté une partie comptant et avait financé le
solde par un emprunt garanti par une hypothèque sur l'immeuble. Au moment du
mariage, l'immeuble avait une valeur de 100 000 $ et le solde de l'emprunt était à ce
moment de 50 000 $.
Premièrement :
Deuxièmement :
* 50 000 $ × 50 000 $
100 000 $
Exemple 2-0.2
Marcel hérite avant son mariage d'une résidence évaluée lors de l'héritage à 100 000 $
et à 150 000 $ lors du mariage. Lors du mariage, le bien est libre de toute dette. En
cours de mariage, Marcel et son épouse habitent cet immeuble en tant que résidence
familiale. Cinq ans après leur mariage, Marcel vend cet immeuble 200 000 $. En utilisant
le plein produit de la vente du premier immeuble (remploi), il acquiert une nouvelle
résidence familiale au coût de 300 000 $; la différence est financée à même un emprunt
garanti par une hypothèque sur ladite résidence. Lors du divorce quelques années plus
tard, la résidence familiale vaut 400 000 $ et est toujours grevée d'une hypothèque de
50 000 $.
Quel serait la valeur partageable de ce bien en regard des règles sur le patrimoine
familial?
Premièrement :
Deuxièmement :
(-) Valeur de l'apport par remploi d'un bien échu par succession 200 000_$
(art. 418, al. 1 C.c.Q.)
(-) Plus-value proportionnelle acquise depuis l'apport (art. 418, al. 66 666_$*
2 C.c.Q.)
300 000 $
Marcel devrait donc payer 41 666 $ à sa conjointe (83 333 $ ÷ 2 = 41 666 $).
Une fois ces règles de calcul opérées, l'exécution du partage s'effectue en numéraire
(paiement en argent) ou par dation en paiement (paiement par remise d'un bien).
Il est à noter qu'en certains cas, le tribunal peut, sur demande, déroger au principe du
partage égal et décréter que le partage se fera entre les époux en parts inégales (art.
422 C.c.Q.).
Toutefois, il semble que plusieurs auteurs et la jurisprudence soient d'avis que la charge
fiscale doit être prise en considération dans l'évaluation de la valeur nette, ainsi que
lorsque les modalités de partage sont établies, le tout pour obtenir un partage équitable.
Exemple 2-0.3
Pierre Lucie
Pierre pourrait transférer 75 000 $ de REER par roulement fiscal et régler le 75 000 $
restant avec d'autres biens, tel de l'argent.
À cet égard, il est important de rappeler que lors de l'exécution du partage, les époux (ou
conjoints) peuvent convenir de se transférer la propriété d'autres biens que ceux
composant le patrimoine familial. Enfin, lorsque les conjoints sont propriétaires de plus
d'une résidence pouvant se qualifier à titre de résidence principale, il pourrait être utile
de suggérer aux époux (ou conjoints) de convenir immédiatement du partage entre eux
des années de désignation de chaque propriété à titre de résidence principale aux fins
de l'exonération de gains en capital sur une résidence principale (pour plus de détails,
consultez le chapitre 5 du module Fiscalité).
Rappelons que l'article 415 C.c.Q. stipule que le patrimoine familial est constitué des
résidences de la famille ou des droits qui en confèrent l'usage.
Or, c'est justement le fait que l'un des conjoints conserve le droit d'utiliser la résidence de
par son statut d'actionnaire ou de bénéficiaire de la fiducie qui permet aux tribunaux6
d'inclure la valeur de ces droits (souvent équivalente à la valeur du bien) dans le calcul
du patrimoine familial, quoique ces biens appartiennent à un autre patrimoine juridique
(société ou fiducie).
Ainsi, un conjoint qui aurait transféré la résidence à sa société par actions dans le but de
la soustraire à un partage éventuel du patrimoine familial verrait sa manœuvre
inefficace, car la valeur de cette résidence serait quand même prise en compte dans le
calcul.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Réponse : Il serait préférable qu'il acquière la résidence avant le mariage afin que sa
mise de fonds ne soit pas partageable advenant une dissolution éventuelle de leur
union. Si la résidence était acquise après le mariage, cette mise de fonds (ne provenant
pas d'un héritage ou d'une donation), ne pourrait être déduite dans le calcul de la valeur
partageable du patrimoine familial.
L'article 423 C.c.Q. édicte les modalités de cette renonciation. Celle-ci doit être faite par
acte notarié en minute ou par une déclaration judiciaire dont il est donné acte dans le
cadre de l'instance en divorce, en séparation de corps ou en nullité de mariage ou de la
nullité ou de la dissolution de l'union civile. De plus, cette renonciation doit être inscrite
au registre des droits personnels et réels mobiliers. Faute d'inscription de cette
renonciation dans un délai d'un an à compter du jour de l'ouverture du droit au partage,
l'époux renonçant est réputé avoir accepté le partage du patrimoine familial.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
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Il n'est pas rare qu'une disposition testamentaire prévoie que le conjoint doit renoncer à
ses droits dans le partage du patrimoine familial et à ses autres droits matrimoniaux pour
profiter des legs ou des avantages qui lui sont conférés par le testament. Puisque cette
renonciation est sujette aux modalités de l'article 423 C.c.Q., le conjoint survivant a tout
intérêt à être informé de l'existence de cette condition et du fait que la renonciation doit
avoir lieu dans le délai d'un an suivant le décès. Autrement, le conjoint serait présumé
avoir accepté le partage et perdrait les avantages qui lui auraient autrement été conférés
par testament. Il est toutefois utile de noter qu'il peut s'avérer avantageux pour le
conjoint survivant de renoncer aux avantages testamentaires pour profiter de ses droits
matrimoniaux, notamment lorsque les avantages prévus au testament sont minimes par
rapport à la créance ou encore lorsque le testament prévoit avantager le conjoint par
l'entremise d'une fiducie plutôt qu'en pleine propriété.
2.4.6 — Transmissibilité
Dès l'instauration des règles concernant le patrimoine familial en 1989, la question à
savoir si le droit au partage était un droit transmissible aux héritiers s'est posée. Nous
avons assisté à une panoplie d'opinions doctrinales divergentes ainsi qu'à des
jugements totalement contradictoires sur ce point.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Comment contrer les effets souvent néfastes du droit des héritiers de réclamer au
conjoint survivant leur part du patrimoine familial? Différentes solutions ont été avancées
au fil des ans :
Premièrement, il y a toujours la possibilité de demander au tribunal un partage inégal.
Bien que possible, il n'est pas certain que la demande soit acceptée.
Deuxièmement, les époux pourraient se léguer tous leurs droits dans le patrimoine
familial. Ainsi, le droit de créance serait ainsi légué au conjoint survivant, il y aurait donc
confusion des deux rôles, soit celui de débiteur et de créancier. C'est une bonne
solution, mais il ne faut pas oublier que le testateur peut toujours modifier son testament.
Troisièmement, le legs aux héritiers pourrait être fait à condition qu'ils renoncent à leurs
droits de réclamer cette créance. Ici encore, le testament peut être modifié
unilatéralement et les héritiers peuvent préférer réclamer la créance plutôt que de
profiter des avantages qui leur sont autrement conférés par le testament.
Dans ces situations de seconde union ou si le conjoint n'est pas le légataire universel
des biens, une attention particulière doit être apportée à cet aspect de la planification
successorale.
Enfin, dans un contrat de mariage ou d'union civile, il est possible de faire une donation
à cause de mort irrévocable et réciproque des droits dans le patrimoine familial au
conjoint survivant.
Il peut en effet arriver qu'aux termes du testament du premier décédé, les légataires
universels soient des personnes autres que le conjoint survivant. Ce genre de situation
survient, notamment, lorsqu'il s'agit d'un remariage, alors que chacun des époux désire
avantager ses enfants nés d'une union précédente. Or ces derniers, à titre de légataires
universels, pourraient exercer les droits du conjoint décédé le premier et exiger le
partage du patrimoine familial. Ces droits étant transmissibles et dans l'hypothèse où le
conjoint survivant est celui des deux conjoints qui est propriétaire des biens ayant la plus
grande valeur partageable au titre du patrimoine familial, ce dernier deviendrait débiteur
de la succession de son conjoint prédécédé, ce qui n'est peut-être pas le résultat
anticipé par les conjoints. Si une disposition irrévocable pour cause de mort était prévue
dans le contrat de mariage des époux, cela ferait en sorte que, peu importent les termes
de leurs testaments présents ou à venir, les droits de requérir le partage du patrimoine
familial ne se transmettront à personne d'autre qu'au conjoint survivant. Notons
cependant que toutes ces solutions ne permettront jamais d'empêcher les créanciers du
conjoint décédé de réclamer du conjoint survivant la créance du patrimoine familial qui
pourrait être due au défunt.
• à la demande de l'un ou l'autre des époux ou de leurs ayants cause, décider que
la valeur nette du patrimoine familial sera établie selon la valeur de ces biens et de
ces dettes à la date où les époux ont cessé de faire vie commune plutôt qu'à la
date d'introduction de l'instance (art. 417 al. 2 C.c.Q.);
• permettre que l'époux débiteur exécute son obligation par versements
échelonnés sur une période qui ne dépasse pas dix ans (art. 420 al. 1 C.c.Q.);
• ordonner toute autre mesure qu'il estime appropriée pour assurer la bonne
exécution du jugement et, notamment, ordonner qu'une sûreté soit conférée à l'une
des parties pour garantir l'exécution des obligations de l'époux débiteur (art. 420 al.
2 C.c.Q.);
• lorsqu'un bien qui faisait partie du patrimoine familial a été aliéné ou diverti dans
Examinons maintenant les règles des régimes matrimoniaux. Les dispositions des
régimes matrimoniaux régiront le sort réservé aux biens autres que ceux faisant partie
du patrimoine familial, advenant dissolution de l'union matrimoniale ou civile. Toutefois, à
l'égard des couples qui ont pu se soustraire aux règles du patrimoine familial, les
dispositions des régimes matrimoniaux régiront le sort réservé à tous les biens.
Il faut noter que le régime matrimonial prend effet au jour de la célébration du mariage,
de l'union civile ou de la modification du régime.
Notez qu'il est possible de signer un contrat de mariage ou d'union civile après que le
mariage ou l'union civile ait été célébré (art. 443 C.c.Q.).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Le régime matrimonial d'un couple marié sans contrat de mariage (après le 30 juin 1970)
est celui de la société d'acquêts. Ce couple pourrait avoir intérêt à signer un contrat de
mariage en cours d'union et à adopter le régime de la séparation de biens si, par
exemple, l'un des deux conjoints prévoit investir dans une entreprise (notamment à la
suite d'un gel successoral ou lors de la création d'une nouvelle entreprise avec un ou
plusieurs partenaires autres que le conjoint).
En cas d'impossibilité pour un époux de se justifier d'un droit exclusif sur un bien, ce
dernier est présumé appartenir aux deux époux, indivisément, en parts égales (art. 487
C.c.Q.).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Conserver les preuves d'achat des biens de grande valeur afin d'être capable d'en établir
la propriété advenant une dissolution de l'union.
Chaque époux est également seul responsable de ses dettes, à l'exception toutefois des
dettes contractées pour les besoins courants de la famille (art. 397 C.c.Q.).
À la suite de cette dissolution, chaque époux conserve les biens dont il est propriétaire;
en principe, aucun partage n'interviendra. Cependant, il y aura lieu de partager les biens
du patrimoine familial et les biens détenus en indivision, le cas échéant.
Exemple 2-0.4
Manon et Marc-André se sont mariés en 2004 et ont signé un contrat de mariage pour
adopter le régime matrimonial de la séparation de biens. Au moment de leur divorce en
Marc-André Manon
Marc-André Manon
Lors du partage du patrimoine familial, Marc-André serait créancier pour une valeur de
92 500 $. Cependant, si on distinguait les biens enregistrés des biens non enregistrés,
on pourrait aussi affirmer que Marc-André serait créancier pour 117 500 $ en biens non
enregistrés et Lucie serait créancière pour 25 000 $ en biens enregistrés. Afin d'effectuer
le partage en tenant compte des impacts fiscaux, Marc-André pourrait transférer
25 000 $ de REER à Lucie et cette dernière pourrait payer 117 500 $ en transférant à
Marc-André sa demie indivise de la résidence principale (200 000 $) à charge pour lui de
lui transférer 82 500 $ de placements non enregistrés. Enfin, même si les autres biens
assujettis au régime matrimonial ne sont, en principe, pas partageable, il demeure que
les conjoints devront fermer le compte conjoint, détenu en indivision, et s'en partager le
solde. Cependant, Manon n'aurait aucun droit à faire valoir quant au terrain vacant,
propriété de Marc-André, pas plus que ce dernier n'aurait de droits sur l'entreprise de
Manon.
Ainsi, le lieu de célébration du mariage importe peu et ne sera pertinent que si les
conjoints n'avaient pas de domicile commun au moment du mariage et n'ont pas été en
mesure d'établir un domicile commun par la suite.
Exemple 2-0.5
Marie-Ève et Rémi, tous deux domiciliés au Québec, bien que dans des villes
différentes, décident de s'envoler pour Cuba afin de célébrer leur mariage en 2015. Ils
ne concluent pas de contrat de mariage avant la célébration. Parce que les conjoints
étaient domiciliés au Québec avant le mariage, leur régime matrimonial sera la société
d'acquêts.
Bien que la société d'acquêts soit le régime légal depuis le 1er juillet 1970, les époux
peuvent aussi conventionnellement adopter le régime de la société d'acquêts (c'est-à-
dire qu'ils peuvent signer un contrat de mariage, devant notaire, stipulant qu'il existera
entre eux une société d'acquêts).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Pourquoi signer un contrat stipulant la société d'acquêts alors que la loi prévoit qu'elle
existe d'office en l'absence d'un tel contrat? Entre autres, parce que le contrat de
mariage ou d'union civile permet aux époux d'identifier les biens qu'ils possèdent au
moment de l'union. Étant donné que, de nos jours, les situations de seconde union sont
fréquentes, il peut être intéressant — et même prudent — de soustraire les biens acquis
antérieurement au partage possible que la seconde union pourrait provoquer.
Le contrat de mariage ou d'union civile permet également de stipuler entre les époux
certaines donations entre vifs (p. ex. : les meubles meublants destinés à l'usage du
ménage) ou encore de stipuler une institution contractuelle révocable ou irrévocable
(clause testamentaire), ou d'autres dispositions destinées à régir leur union.
Biens propres
En vertu de l'article 450 C.c.Q., sont «propres» à chacun des époux les biens suivants :
• les biens acquis avec des propres et des acquêts, si la valeur des propres
employés est supérieure à la moitié du coût total d'acquisition du bien à charge de
rembourser («récompense») à la masse des acquêts la somme des acquêts qui a
servi à l'acquisition du bien et la plus-value y afférente. Dans le cas contraire, le
bien devient un acquêt à charge de récompense en faveur des propres (art. 451
C.c.Q.);
Exemple :
terrain. Sa valeur est présentement égale à son coût, soit 100 000 $. Pierre a payé
60 000 $ provenant de l'héritage de son père et 40 000 $ à même ses économies
effectuées après le mariage.
Le bien sera qualifié de propre à Pierre, mais il devra inclure 40 000 $ dans sa
masse d'acquêts partageable à titre de récompense.
• la portion indivise d'un bien acquis pendant le mariage ou l'union civile, alors que
l'autre fraction était déjà détenue à titre de propre, demeure un bien propre à
charge de récompense aux acquêts, sauf si la valeur des acquêts employés pour
cette acquisition est égale ou supérieure à la moitié de la valeur totale du bien,
celui-ci devenant alors acquêt à charge de récompense aux propres (art. 452
C.c.Q.);
• le droit de recevoir une pension alimentaire ou un autre avantage similaire.
Cependant, les avantages pécuniaires en découlant sont acquêts s'ils sont échus
ou perçus au cours du mariage ou de l'union civile ou s'ils sont payables au décès
aux héritiers et ayants cause de l'époux (art. 453 C.c.Q.);
• le droit de réclamer des dommages et intérêts, ainsi que l'indemnité reçue en
réparation d'un préjudice moral ou corporel. Il en est de même pour le droit et
l'indemnité découlant d'un contrat d'assurance (accident, maladie, maladie grave,
invalidité) ou d'un autre régime d'indemnisation (p. ex. : CSST, SAAQ, etc.) (art.
454 C.c.Q.);
• le bien acquis comme accessoire d'un bien propre, ainsi que les constructions,
ouvrages ou plantations faits sur un immeuble propre, restent propres à charge de
récompense aux acquêts, sauf si la valeur des acquêts employés pour cette
acquisition est égale ou supérieure à la moitié de la valeur du bien, auquel cas le
bien devient un acquêt à charge de récompense aux propres (art. 455 C.c.Q.);
• les valeurs mobilières acquises par suite d'une déclaration de dividendes sur des
valeurs propres à l'un des époux lui restent propres, à charge de récompense aux
acquêts. Il en est de même pour les valeurs mobilières acquises par suite de
l'exercice d'un droit de souscription, de préemption ou autres droits similaires (art.
456 C.c.Q.);
• les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise propre à l'époux lui
demeurent propres s'ils sont investis dans l'entreprise (le tout à charge de
récompense aux acquêts). Toutefois, aucune récompense n'est due aux acquêts si
cet investissement était nécessaire pour maintenir les revenus de l'entreprise (art.
457 C.c.Q.);
• les droits de propriété intellectuelle et industrielle sont propres à chacun des
époux mais tous les fruits et revenus en provenant sont des acquêts s'ils sont
perçus ou échus pendant le mariage ou l'union civile.
Le Code civil édicte de plus une présomption qu'un bien est considéré comme un acquêt
à moins qu'on ne puisse prouver le contraire (art. 459 C.c.Q.).
Enfin, tout bien sur lequel aucun des époux ne peut prouver un droit de propriété exclusif
(qu'il s'agisse d'un propre ou d'un acquêt) est présumé détenu en copropriété indivise
par les époux en parts égales.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Le Code civil interdit cependant à tout époux de disposer de ses acquêts de son vivant,
à titre gratuit, sans le consentement du conjoint (à l'exception toutefois des biens de peu
de valeur ou de cadeaux d'usage).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Lorsqu'un époux ou un conjoint uni civilement souhaite transférer des biens en fiducie
(notamment, de protection d'actifs), il est important d'obtenir l'information concernant son
régime matrimonial. En effet, le conjoint non propriétaire pourrait avoir à donner son
consentement au transfert.
pendant le mariage ou l'union civile. Cette responsabilité des dettes s'étend tant sur les
biens propres que sur les biens acquêts de l'époux (art. 464 C.c.Q.). Ainsi, pendant le
mariage ou l'union civile, aucun époux n'est tenu des dettes de l'autre conjoint. Une
exception est cependant faite pour les dettes contractées pour les besoins courants de
la famille, lesquelles dettes engageront les deux conjoints (art. 397 C.c.Q.).
Nous constatons que pendant la durée du régime, chacun des époux jouit d'une grande
autonomie dans la gestion et la disposition de ses biens (sous réserve des exceptions
mentionnées ci-dessus, ainsi que de la protection accordée à la résidence familiale,
sujet sur lequel nous reviendrons un peu plus loin).
5) la nullité du mariage ou de l'union civile (dans les cas où il a quand même produit des
effets). Ex : erreur sur l'identité et sur les principales caractéristiques du ou de la
conjointe.9
Les effets de cette dissolution sont immédiats pour les causes de dissolution
mentionnées aux points 1, 2 et 4. En ce qui concerne les causes de dissolution
mentionnées aux points 3 et 5, ces effets remontent au jour de la demande en justice. Il
faut noter qu'une demande peut être faite au tribunal pour faire remonter les effets au
jour de la cessation de la vie commune.
Après la dissolution, chaque époux conserve ses biens propres et a la faculté d'accepter
le partage des acquêts de son conjoint ou d'y renoncer. La faculté de requérir le partage
des acquêts est donc un droit d'option que chaque époux exerce indépendamment l'un
de l'autre. Ainsi, l'un des époux pourrait renoncer au partage des acquêts de son
conjoint, alors que ce dernier pourrait demander le partage des acquêts de l'époux qui a
renoncé. Une telle renonciation au partage des acquêts ne serait pas opposable aux
créanciers du conjoint qui aurait renoncé. Lorsque la dissolution du régime résulte du
décès de l'un des conjoints, le droit d'option appartient d'abord et en priorité au conjoint
survivant. Ainsi, les héritiers de l'époux décédé n'auront la faculté d'accepter ou de
renoncer au partage des acquêts du survivant que si ce dernier a accepté le partage des
acquêts du défunt. Une renonciation du conjoint survivant est en outre opposable aux
Toute renonciation au partage des acquêts doit être faite par acte notarié en minute ou
par une déclaration judiciaire dont il est donné acte. De plus, cette renonciation doit être
inscrite au registre des droits personnels et réels mobiliers. En l'absence d'inscription à
ce registre après un an de la dissolution du régime, l'époux renonçant est réputé avoir
accepté le partage des acquêts de son conjoint. Quant à l'acceptation du partage des
acquêts, elle n'exige aucune forme particulière (art. 469 C.c.Q.).
En cas d'acceptation du partage des acquêts par les conjoints, il y a formation de deux
masses, l'une composée des propres et l'autre composée des acquêts de chaque
conjoint. On dresse ensuite un compte des récompenses dues par la masse des propres
à la masse des acquêts, et réciproquement. On agit ainsi pour les biens de chaque
conjoint.
Il est bien important de noter qu'il s'agit-là d'un partage en valeur (tout comme pour le
patrimoine familial). Ainsi, chaque conjoint demeure propriétaire des biens composant
ses acquêts. Il ne s'agit pas ici de copropriété «indivise» entre les conjoints.
Le conjoint débiteur lors du partage exécutera son obligation en faisant le paiement soit
en numéraire (paiement en argent) ou par dation en paiement (paiement par transfert
d'un bien au conjoint).
Voici un exemple :
Richard et Claudette se sont mariés en 1975 sous le régime de la société d'acquêts.
Depuis cette époque, Richard a acquis un portefeuille boursier de 150 000 $. Il possède
aussi un compte bancaire aux États-Unis d'une valeur de 200 000 $ en dollars
canadiens.
Claudette pour sa part a hérité en 1999 d'un montant de 500 000 $ à la suite du décès
de sa grand-mère. Sur la base de ces informations, comment s'effectuerait le partage à
la suite de la dissolution du régime matrimonial?
Premièrement, il faut qualifier les biens de chaque époux. Ainsi, le portefeuille boursier
de Richard et ses placements aux États-Unis sont des acquêts. L'héritage reçu par
Claudette constitue un bien propre. Seul les acquêts de Richard devraient être pris en
compte pour le calcul. Par conséquent, si le partage des acquêts était accepté, Richard
devrait une somme de 175 000 $ à Claudette. Claudette conserverait de plus ses
500 000 $.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il est à noter que le régime de la communauté de biens n'existe plus au Code civil du
Québec, mais que les dispositions qui étaient prévues au Code civil du Bas Canada
continuent de régir les couples mariés sans contrat de mariage avant le 1er juillet 1970
ou qui ont choisi conventionnellement (par contrat de mariage) ce régime, peu importe la
date de leur mariage. Il est donc important d'en connaître les principales dispositions.
• les biens meubles possédés lors du mariage et ceux acquis pendant le mariage;
• les biens meubles acquis pendant le mariage par succession, legs ou donation
(sauf si le donateur ou testateur a exprimé le désir contraire);
L'article 1273 du Code civil du Bas Canada énonce que tout bien est un bien commun, à
moins de preuve du contraire. Il y a donc une présomption favorable à l'égard des biens
communs. Ce n'est que par exception qu'un bien de l'un des époux constituera un bien
propre.
auront intérêt à ce que le conjoint visé intervienne à la convention entre actionnaires afin
qu'elle lui soit opposable.
Le Code civil du Bas Canada classifie les biens suivants comme réservés à la femme
mariée sous ce régime :
Les dettes contractées par l'épouse, sans opposition du mari, sont garanties par les
biens propres de la femme, par ses biens «réservés», ainsi que par les biens communs.
Si ces dettes ont été contractées malgré l'opposition du mari, elles sont garanties par les
mêmes biens, sauf que la contribution des biens communs aux dettes est limitée à
l'enrichissement (soit le profit) qu'ils en ont retiré.
En ce qui concerne les biens propres, chaque époux en a la pleine administration. Enfin,
tel que mentionné précédemment, l'épouse administre seule ses biens réservés.
patrimoine acquis par les époux pendant le mariage) est laissée à l'entière discrétion du
mari. Ce n'est qu'exceptionnellement que la femme aura la gestion d'un patrimoine (soit
lorsqu'il s'agit de ses biens propres ou de ses biens réservés).
Dissolution et liquidation
Les causes de dissolution de la communauté de biens sont identiques aux causes de
dissolution de la société d'acquêts. À la suite de cette dissolution, il appartient à l'épouse
(ou à ses héritiers) de prendre option sur la communauté de biens. En effet, puisque
pendant le régime l'administration de la communauté de biens a été laissée au mari, il
est normal que, lors de sa dissolution, l'épouse ait le choix d'accepter ou de renoncer à
cette communauté. Ainsi, en cas de mauvaise administration du mari, l'épouse pourra se
libérer d'une contribution aux dettes en renonçant à la communauté. Au contraire, si
l'administration du mari a été profitable, l'acceptation de la communauté par l'épouse lui
fera bénéficier de la moitié de la valeur du patrimoine qui aura été acquis par les époux
durant le régime. L'époux, quant à lui, ne peut à cet égard exercer aucun droit.
2) Une fois ce rapport fait, chaque époux prélève ses biens propres ou le prix de leur
aliénation, ainsi que les indemnités qui lui sont dues par la communauté.
3) Elle est déchargée des dettes de la communauté, lesquelles sont supportées par le
mari.
2.5.4 — Cumul de partage des biens ayant fait l'objet d'un partage en vertu du
patrimoine familial et du régime matrimonial
Lorsque le conjoint accepte le patrimoine familial, les biens ayant fait l'objet d'un tel
partage ne sont plus soumis à la liquidation subséquente du régime matrimonial. Seuls
les biens qui ne font pas partie de ce patrimoine pourront alors faire l'objet d'une
liquidation du régime matrimonial. Il faut noter que certains auteurs émettent des
opinions différentes en ce qui concerne les époux mariés sous le régime de la
communauté de biens. Cette divergence ne sera cependant pas étudiée dans le cadre
du présent ouvrage.
Les personnes unies vivant au Québec ne sont pas toutes automatiquement soumises à
l'un des régimes matrimoniaux «québécois». Il se peut, par exemple, qu'un couple ayant
contracté mariage ou union civile alors qu'il était domicilié à l'étranger ait signé à cet
endroit une convention matrimoniale l'assujettissant à cette loi étrangère.
De même, en l'absence d'un contrat de mariage, les personnes qui n'étaient pas
domiciliés au Québec au moment de leur mariage ou de leur union civile sont très
souvent régies par une loi étrangère. L'article 3123 C.c.Q. reproduit les règles de droit
international privé généralement utilisées pour déterminer le régime matrimonial :
Le régime matrimonial ou d'union civile des conjoints qui se sont unis sans passer de
conventions matrimoniales ou d'union civile est régi par la loi de leur domicile au
moment de l'union.
Lorsque les conjoints sont alors domiciliés dans des États différents, la loi de leur
première résidence commune s'applique ou, à défaut, la loi de leur nationalité commune
ou, à défaut, la loi du lieu de la célébration de leur union.
Ainsi, selon les règles qui précèdent, des personnes mariées au Chili alors qu'elles
avaient leur domicile dans ce pays, sont régies par les lois du Chili en ce qui concerne
leur état et leur capacité. Le fait que ces personnes aient depuis établi leur domicile au
Québec ne fait pas en sorte qu'elles soient dorénavant régies par l'un des régimes
matrimoniaux «québécois». Il faut donc être prudent lors de l'exécution d'un acte par une
personne mariée ou unie civilement sous un régime matrimonial étranger. Étant donné
que les dispositions de cette loi étrangère sont souvent inconnues des juristes québécois
et qu'elles peuvent imposer des restrictions à la liberté de contracter d'un conjoint, il sera
prudent, dans la plupart des cas, d'obtenir l'intervention ou le consentement du conjoint
du signataire de l'acte.
De même, des personnes domiciliées au Québec, qui vont s'unir hors Québec, par
exemple à Las Vegas, seront soumis au régime matrimonial légal québécois dans
l'optique où ils n'auraient pas signé de contrat de mariage ou d'union civile
préalablement.
Notez qu'aux fins des règles de droit international privé, chacune des provinces
canadiennes est considérée comme un état souverain.
Lors de la dissolution (séparation, divorce, décès) d'une union ayant existé entre des
personnes assujetties à un régime matrimonial étranger, il faudra d'abord procéder au
partage du patrimoine familial (qui est un effet du mariage et non un régime
matrimonial). Ce n'est qu'en ce qui concerne les biens non assujettis au partage du
patrimoine familial que le régime matrimonial étranger sera pertinent et il sera
Il faut préciser que les meubles qui servent à l'usage du ménage ne comprennent que
les meubles destinés à garnir la résidence familiale, ou à l'orner, tels les ornements, les
tableaux et les œuvres d'art, mais ne comprennent pas les collections.
De plus, afin d'accorder une plus grande protection au conjoint non propriétaire de la
résidence, le Code civil lui permet d'inscrire une déclaration de résidence familiale
contre l'immeuble.
Il faut cependant faire une distinction entre les droits conférés au conjoint non
propriétaire selon que son époux est propriétaire d'un immeuble de moins de cinq
logements ou d'un immeuble de cinq logements et plus.
L'époux propriétaire d'un immeuble de moins de cinq logements qui sert, en tout ou en
partie, de résidence familiale ne peut, sans le consentement écrit de son conjoint,
l'aliéner, le grever d'un droit réel (p. ex. hypothéquer, consentir une servitude ou un
usufruit) ni en louer la partie réservée à l'usage de la famille. À moins qu'il n'ait ratifié
l'acte, le conjoint qui n'y a pas donné son consentement peut en demander la nullité si
une déclaration de résidence familiale a été préalablement inscrite contre l'immeuble. À
défaut d'une telle inscription, le conjoint non propriétaire pourra seulement réclamer des
dommages-intérêts de son conjoint ou de toute autre personne qui, par sa faute, lui a
causé un préjudice.
L'époux propriétaire d'un immeuble de cinq logements ou plus qui sert, en tout ou en
partie, de résidence familiale ne peut, sans le consentement écrit de son conjoint,
l'aliéner ni en louer la partie réservée à l'usage de la famille. Il pourrait cependant
l'hypothéquer ou autrement le grever d'un droit réel sans le consentement de son
conjoint. Si une déclaration de résidence familiale a été préalablement inscrite contre
l'immeuble, le conjoint, qui n'a pas donné son consentement à l'acte d'aliénation, peut
exiger de l'acquéreur qu'il lui consente un bail des lieux déjà occupés à des fins
d'habitation, aux conditions régissant le bail d'un logement; aux mêmes conditions, celui
qui n'a pas donné son consentement à l'acte de location peut, s'il ne l'a pas ratifié, en
demander la nullité. Encore ici, à défaut d'avoir procédé à l'inscription d'une déclaration
de résidence familiale contre l'immeuble, le conjoint non propriétaire pourra seulement
réclamer des dommages-intérêts de son conjoint ou de toute autre personne qui, par sa
faute, lui a causé un préjudice.
La déclaration de résidence familiale peut être faite par les deux conjoints ou par un
seul. De plus, le conjoint qui fait cette déclaration n'est pas tenu d'en aviser l'autre.
L'inscription de cette déclaration ne confère pas de droit de propriété au conjoint non
propriétaire. Cependant, cette déclaration lui assure un droit de regard sur les
transactions éventuelles concernant la résidence familiale et la possibilité de se prémunir
contre une dilapidation inconsidérée des biens par son conjoint.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Une déclaration de résidence familiale devrait être considérée dans les situations
suivantes :
Idéalement, les deux conjoints devraient être propriétaires de la résidence. Notez qu'un
pourcentage différent de 50 %-50 % peut être accordé dans les droits de propriété.
Qu'en est-il si les époux ne sont pas propriétaires de leur résidence, mais sont locataires
d'un appartement?
Le Code civil a aussi prévu cette situation afin de ne pas laisser ces conjoints dans une
situation plus précaire que ceux qui ont l'avantage de posséder une résidence. Ainsi,
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Les motifs pouvant donner lieu à une prestation compensatoire sont entre autres le
travail accompli au commerce du conjoint, la collaboration à une entreprise, le paiement
de dépenses professionnelles ainsi que l'apport de l'un des conjoints en argent pour
l'acquisition ou la rénovation de biens meubles ou immeubles.
Le mode de détermination de cette prestation se fera par accord entre les parties ou, à
défaut, par le tribunal.
L'on constate donc que le droit à la prestation compensatoire peut être exercé par l'un
des époux, et ce, en plus des autres avantages que lui procure le régime matrimonial ou
d'union civile, le contrat de mariage ou d'union civile ou le testament du conjoint décédé.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Après la rupture, cette obligation alimentaire prend, la plupart du temps, la forme d'une
pension alimentaire.
Il arrive parfois qu'une somme forfaitaire soit versée après la rupture en remplacement
de la pension alimentaire (art. 589 C.c.Q.), ce qui limite les liens qui peuvent subsister
entre les ex-conjoints. Cette possibilité doit cependant être examinée en prenant en
considération le fait que la fiscalité associée au versement d'une somme forfaitaire n'est
pas la même que celle associée au paiement d'une pension alimentaire sur une base
périodique.
Les aliments sont accordés en tenant compte des besoins et des facultés des parties,
des circonstances dans lesquelles elles se trouvent et, s'il y a lieu, du temps nécessaire
au créancier pour acquérir une autonomie suffisante10.
La séparation de corps n'est disponible que pour les personnes mariées; elle n'est pas
permise aux conjoints unis civilement.
Les effets de la séparation de corps entre les époux sont les suivants :
• les époux, quoique toujours mariés, ne sont plus tenus de faire vie commune;
• ils sont soumis au régime de la séparation de biens. Ainsi, s'ils étaient mariés en
société d'acquêts ou en communauté de biens, le régime sera dissous et ils seront
pour l'avenir sous le régime de la séparation de biens;
• il y a partage du patrimoine familial;
• les donations consenties aux époux en considération du mariage ne sont pas
caduques (contrairement au divorce), sous réserve que le tribunal peut les déclarer
caduques, les réduire, ou différer le paiement des donations entre vifs;
• le versement des aliments (pension alimentaire) peut être ordonné par le tribunal;
• les désignations de bénéficiaires ou de titulaire subrogé d'un contrat d'assurance
vie ou d'une rente ne sont pas affectées (contrairement au divorce), sous réserve
que le tribunal peut les déclarer révocables ou caduques;
• les autres droits et devoirs des époux en mariage subsistent. Ainsi, les époux
continuent de se devoir mutuellement secours et assistance (ce qui pourrait avoir
pour effet qu'un des époux pourrait demander que la pension alimentaire soit
ajustée pour tenir compte de circonstances nouvelles) et les règles relatives à la
protection de la résidence familiale (vues précédemment) pourraient continuer de
trouver application dans certaines circonstances. Enfin, les époux demeurent parmi
les héritiers légaux l'un de l'autre en cas de décès sans testament.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Les conjoints ayant obtenus un jugement en séparation de corps devraient vérifier les
désignations de bénéficiaires de leurs assurances vie et rentes afin de s'assurer que ces
sommes iront aux personnes de leur choix.
Plusieurs autres lois peuvent prévoir que la séparation de corps emporte des effets, tel
que la Loi sur les régimes complémentaires de retraites13 qui prévoit que la personne qui
est judiciairement séparée de corps du participant au jour où s'établit la qualité de
conjoint n'a droit à aucune prestation, à moins qu'elle ne soit l'ayant cause du participant
ou que ce dernier ait transmis un avis conforme à cette loi. D'autres lois prévoient
cependant que les époux, quoique séparés de corps, sont toujours considérés comme
14
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mariés. Tel est le cas de la Loi de l'impôt sur le revenu14 Il importe donc de se référer à
la loi particulière pour connaître les effets du jugement de la séparation de corps entre
les conjoints.
À l'égard des enfants, la séparation de corps ne prive pas ces derniers des avantages
qui leur sont assurés par la loi ou par le contrat de mariage. Elle laisse subsister les
droits et les devoirs des père et mère à l'égard de leurs enfants. Ainsi, lorsqu'il prononce
la séparation de corps, le tribunal statue sur la garde, l'entretien et l'éducation des
enfants, dans l'intérêt de ceux-ci et le respect de leurs droits en tenant compte, s'il y a
lieu, des accords conclus entre les époux.
Si, à la suite du jugement, les époux reprennent la vie commune, la séparation de corps
prend fin. Les règles du patrimoine familial s'appliquent de nouveau, la date de reprise
de vie commune remplaçant la date du mariage. Cependant, la séparation de biens qui a
résulté du jugement de séparation de corps subsiste.
Le divorce, disponible uniquement pour les personnes mariées, constitue, tout comme le
décès de l'un des époux, une cause de dissolution du mariage.
La Loi sur le divorce15 est une loi de juridiction fédérale. Par contre, la procédure à
suivre en cette matière est de compétence provinciale.
Le divorce est prononcé par le tribunal lorsque l'échec du mariage est constaté pour les
motifs suivants :
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
À l'égard des enfants, le divorce produit les mêmes effets que la séparation de corps.
La Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation (L.Q. 2002, c.
6) a introduit une définition du terme «conjoint» dans la Loi d'interprétation (RLRQ, c. I-
16) qui reconnaît désormais à certains égards le conjoint de fait au point de vue civil. Il
semble pertinent de reproduire ici cet article :
61.1. Sont des conjoints les personnes liées par un mariage ou une union civile.
Sont assimilés à des conjoints, à moins que le contexte ne s'y oppose, les conjoints de
fait. Sont des conjoints de fait, deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui
font vie commune et se présentent publiquement comme un couple, sans égard, sauf
disposition contraire, à la durée de leur vie commune. Si, en l'absence de critère légal de
reconnaissance de l'union de fait, une controverse survient relativement à l'existence de
la communauté de vie, celle-ci est présumée dès lors que les personnes cohabitent
depuis au moins un an ou dès le moment où elles deviennent parents d'un même enfant.
Les articles du Code civil du Québec font expressément référence aux personnes
mariées ou unies civilement. Par conséquent, plusieurs juristes sont d'avis que lorsque
le terme «conjoint» est utilisé dans le Code civil, les dispositions visées s'appliquent aux
conjoints de fait, à moins que le contexte ne s'y oppose.
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Le législateur québécois ne régit donc pas les unions de fait, c'est-à-dire qu'il laisse aux
couples la possibilité de convenir entre eux des droits et devoirs qu'ils désirent
s'accorder.
Par contre, le législateur reconnaît les deux types d'union, notamment lorsqu'il est
question des relations de l'État avec les personnes. De ce fait, plusieurs lois à caractère
social reconnaîtront un conjoint de fait à la condition que la relation entre les partenaires
ait été continue pendant une période de temps donnée (généralement un an ou trois
ans). Ainsi en est-il de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (L.R.C. (1985), ch. O-9), la
Loi sur l'assurance automobile (RLRQ, c. A-25), la Loi sur le régime de rentes du
Québec (RLRQ, c. R-9), la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles (RLRQ, c. A-3.001), pour ne nommer que celles-là. Les durées de vie
maritale prévues dans ces lois ont préséance sur la durée prévue dans la Loi
d'interprétation qui n'agit qu'à titre de droit supplétif, c'est-à-dire lorsqu'une loi ou un
règlement québécois est silencieux sur la durée requise. Il serait prudent de se référer à
la loi concernée afin de connaître le sens à donner au terme «conjoint».
La définition de conjoint dans plusieurs lois fait référence au concept de vie maritale ou
de relation conjugale plutôt qu'à celui de cohabitation ou de vie commune. Selon ces
définitions, le fait de vivre sous le même toit n'est donc pas un critère déterminant. Par
contre, la vie maritale est souvent plus facile à prouver lorsque les conjoints partagent le
même toit et, inversement, plus difficile à établir lorsque ce n'est pas le cas.
À part ces exceptions, le Code civil du Québec fait référence à des époux ou à des
conjoints unis par le lien du mariage ou de l'union civile pour préciser que seuls les gens
légalement mariés ou unis civilement sont visés par les dispositions en question.
Par conséquent, la situation juridique des conjoints de fait entre eux est toujours celle de
deux célibataires vivant ensemble. Ils n'ont ni droit ni obligation l'un envers l'autre. Ainsi,
il demeure que les conjoints de fait n'ayant pas convenu contractuellement de s'accorder
mutuellement des droits et des devoirs ne se doivent rien l'un envers l'autre,
contrairement aux couples mariés ou unis civilement qui ont entre eux les droits et
obligations suivants en vertu du Code civil du Québec :
• domicile distinct ne porte pas de ce seul fait atteinte aux règles relatives à la vie
commune (art. 82 C.c.Q.);
• droit de demander la liquidation des droits patrimoniaux après un an d'absence
(art. 89 C.c.Q.);
• effets du jugement déclaratif de décès sur le partage des droits (art. 95 et 96
C.c.Q.) et effets du retour sur le mariage, l'union et les droits des enfants (art. 97
C.c.Q.);
• déclaration de filiation à l'égard de l'enfant né de l'union (art. 114 C.c.Q.);
• effets du mariage et protection de la résidence familiale (art. 392 à 413 C.c.Q.);
• patrimoine familial (art. 414 à 426 C.c.Q.);
• prestation compensatoire (art. 427 à 430 C.c.Q.);
• régimes matrimoniaux (art. 431 à 492 C.c.Q.);
• mandat judiciaire en cas d'incapacité (art. 444 C.c.Q.);
• présomption de paternité (art. 525 C.c.Q.);
• obligation alimentaire (art. 585 à 596 C.c.Q.);
• succession légale (art. 653 et 654, 666 à 683 C.c.Q.);
• survie de l'obligation alimentaire (art. 684 à 695 C.c.Q.);
• irrévocabilité d'une désignation du conjoint ou de l'époux à titre de bénéficiaire
(art. 2449 C.c.Q.);
• insaisissabilité des droits conférés par le contrat d'assurance lorsque le conjoint
ou l'époux est désigné à titre de bénéficiaire (art. 2457 C.c.Q.);
• la prescription ne court pas entre les époux ou conjoints unis civilement pendant
la vie commune (art. 2906 C.c.Q.).
Ces distinctions sont-elles discriminatoires? C'est la question qui s'est posée dans la
cause hautement médiatisée de «Lola» contre «Éric». Le jugement de première
instance, rendu par la juge Carole Hallée, mérite une lecture16. Ce jugement a été porté
en appel. Le jugement de la Cour d'appel du Québec17, rendu par les juges Beauregard,
Dutil et Giroux, confirme celui de première instance en ce qui concerne le partage des
biens (il n'est pas admis entre conjoints de fait), mais l'infirme sur la question de
l'obligation alimentaire. Les juges concluent que le fait de ne pas accorder cette
protection à caractère social aux conjoints de fait est discriminatoire et choisissent de
déclarer l'article 585 C.c.Q. inopérant pour cause d'invalidité constitutionnelle. Les juges
rappellent cependant que le droit de réclamer une pension alimentaire se distingue du
droit effectif d'en percevoir une. Encore faut-il pouvoir en justifier le besoin. Le 24 mars
2011, la Cour suprême du Canada (C.S.C.) a accordé la permission d'en appeler de la
décision de la Cour d'appel18 et, le 18 janvier 2012, les parties ont présenté leurs
arguments à la C.S.C. L'arrêt de cette Cour a été rendu le 25 janvier 201319. Dans une
décision très polarisée (quatre juges ont déposé des motifs distincts et les deux
questions constitutionnelles ont été tranchées à cinq contre quatre), la plus haute Cour
du pays a renversé les conclusions de la Cour d'appel du Québec en ce qui concerne le
droit de réclamer une pension alimentaire et a conclu à la constitutionnalité de
l'ensemble du modèle québécois. À la suite de ce jugement, les conjoints de fait
demeurent donc non assujettis aux protections accordées par le Code civil du Québec
aux conjoints mariés, incluant le droit de réclamer une pension alimentaire pour le
conjoint. Les conjoints de fait qui souhaitent s'accorder mutuellement des droits en cas
de rupture n'ont en conséquence d'autre choix que de se l'accorder de façon
contractuelle, de se marier ou de s'unir civilement.
Cette situation peut entraîner de graves conséquences pour le conjoint qui serait
dépendant de l'autre financièrement. Cette absence d'obligation alimentaire entre
conjoints de fait accentue l'importance de la prévoir contractuellement, dans le cadre
d'une convention de vie commune.
Il arrive fréquemment qu'au cours de leur union, les conjoints de fait ne se préoccupent
pas ou peu de la nature des dépenses que chacun des deux conjoints assume. Cela a
pour effet de créer des déséquilibres dans l'accumulation des actifs au cours de la vie
commune. Ainsi, il arrive qu'un des deux conjoints assume les dépenses d'épicerie et
autres dépenses de consommation pendant que l'autre accumule de l'épargne et autres
actifs de valeur.
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Dans ces situations, il serait prudent de prévoir dans le cadre d'une convention de vie
commune le sort qui sera réservé aux biens acquis par les conjoints durant la vie
commune.
Recours utilisés
Au fil des ans, différents recours juridiques ont été utilisés dans certaines circonstances
par des conjoints de fait se considérant lésés lors d'une séparation :
Société tacite
Certains conjoints de fait ont prétendu qu'ils s'avaient formé une «société» entre eux.
Pour qu'une société soit formée, il faut la présence simultanée des trois éléments
suivants :
Les tribunaux n'ont pas retenu cette approche, considérant que la contribution d'un
conjoint à la vie commune ne pouvait être considérée comme un apport. De même,
qu'en est-il du partage des bénéfices pécuniaires?
Prête-nom
Le prête-nom est le contrat en vertu duquel le conjoint de fait non propriétaire dûment
inscrit d'un immeuble veut faire reconnaître son titre de propriété. Hormis les cas de
contrat écrit, cette prétention est très difficile à prouver, car il faut démontrer que le
conjoint propriétaire d'un bien agissait à titre de prête-nom pour l'autre.
Enrichissement injustifié
Il faut, dans le cadre de ce recours, démontrer qu'un conjoint de fait s'est appauvri, que
son conjoint s'est enrichi, qu'il y a une corrélation entre l'appauvrissement et
l'enrichissement et qu'il n'existe aucune autre justification à l'enrichissement ou à
l'appauvrissement. Ce recours a longtemps été difficile d'accès car les tribunaux avaient
tendance à considérer que l'obligation de participer aux dépenses du ménage constituait
en soi une justification à l'appauvrissement d'un conjoint. Cependant, au cours des
années 2000, ce recours a reçu des réponses de plus en plus favorables des tribunaux
en faveur des conjoints de fait désavantagés par une union de fait. Plus récemment, la
Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Kerr c. Baranow20, a même développé un
nouveau concept applicable aux couples en union de fait qui pouvait fonder un recours
en enrichissement injustifié : la coentreprise familiale.
Coentreprise familiale
Au paragraphe 60 de la décision Kerr c. Baranow21, la Cour suprême du Canada
précise :
[...] si une relation peut être décrite comme étant une «coentreprise familiale» et les
efforts conjoints des parties sont liés à l'accumulation de la richesse, on peut considérer
qu'il y a enrichissement injustifié lorsqu'une partie quitte avec une part disproportionnée
Selon l'auteur Guy Lefrançois22, les critères développés par la Cour suprême du Canada
pour identifier une coentreprise familiale sont au nombre de quatre :
Comme il s'agit d'un arrêt rendu en considérant des faits qui se sont produits dans une
province autre que le Québec, il y avait lieu de questionner la possibilité d'importer ces
principes en droit québécois. Or, les tribunaux québécois ont depuis repris les principes
de cet arrêt et incorporé ces principes dans notre droit23.
Prestation compensatoire
Ce recours n'existe pas en faveur des conjoints de fait.
Chacun des parents a une obligation alimentaire vis-à-vis de ses enfants. La façon
d'établir la pension alimentaire pour les enfants est exactement la même, que les
parents soient mariés, unis civilement ou conjoints de fait.
En ce qui a trait au droit de réclamer une pension alimentaire pour le conjoint de fait
séparé, la Cour suprême du Canada (affaire Lola) a statué que le conjoint de fait n'y
avait pas droit (voir ci-dessus).
2) «[l]es père et mère ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de
surveillance et d'éducation. Ils doivent nourrir et entretenir leur enfant» (art. 599 C.c.Q.),
les tribunaux ont rendu plusieurs décisions qui octroyaient au parent gardien (conjoint de
fait) et à l'enfant, un droit d'usage de la résidence familiale. Ces décisions ont été
rendues dans plusieurs cas même si la résidence visée était la propriété exclusive du
parent non gardien.
Assurance vie
Auparavant, comme le conjoint de fait n'était aucunement reconnu civilement, il n'était
pas considéré avoir un intérêt susceptible d'assurance sur la vie de son conjoint. Par
conséquent, pour qu'un conjoint de fait puisse prendre une assurance sur la tête de son
conjoint, il lui fallait alors obtenir l'autorisation écrite de ce dernier. Depuis l'entrée en
vigueur de la Loi instituant l'union civile24, laquelle reconnaît le conjoint de fait en
certaines matières, l'intérêt assurable entre conjoints de fait semble reconnu. Il faut noter
qu'en pratique l'autorisation écrite de la personne majeure à assurer demeure
habituellement requise. Il ne faut cependant pas comprendre de cet «élargissement» au
niveau de l'intérêt assurable que les conjoints de fait ont désormais les mêmes droits
que les couples mariés ou unis civilement en matière d'assurance. En ce qui a trait aux
effets de la désignation du conjoint à titre de bénéficiaire d'un produit d'assurance, seule
la désignation du conjoint marié ou uni civilement est irrévocable à moins d'indication
contraire et entraîne, en principe, l'insaisissabilité du contrat. La désignation du conjoint
de fait à titre de bénéficiaire est donc révocable à moins d'indication contraire et seule sa
désignation de façon irrévocable entraîne les mêmes effets que la désignation du
conjoint marié ou uni civilement.
Par contre, plusieurs lois à caractère social accordent aux conjoints de fait les mêmes
droits qu'aux conjoints mariés en cas de décès. Ainsi en est-il de la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles26, la Loi sur l'assurance automobile27, la Loi
sur le régime de rentes du Québec28, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
29 30
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criminels29 et la Loi visant à favoriser le civisme30. Les prestations prévues aux termes
de ces lois peuvent être versées au conjoint de fait survivant.
Ainsi, les parents «conjoints de fait» ont, envers leurs enfants (et réciproquement),
l'obligation alimentaire; les dispositions du Code civil relatives à la tutelle de leurs
enfants mineurs leur sont applicables; les enfants sont les héritiers légaux de leurs
parents, conjoints de fait, décédés sans testament.
Ainsi, il est permis aux conjoints de fait de rédiger une convention régissant les
modalités patrimoniales s'appliquant durant leur union ainsi que lors d'une rupture
éventuelle.
La convention de vie commune n'est soumise à aucune forme particulière. Elle pourrait
donc prendre la forme d'un contrat verbal, d'un écrit à la main ou dactylographié et signé
par les conjoints avec ou sans témoins ou encore d'un acte notarié. Le contrat écrit sera
évidemment plus facile à prouver que le contrat verbal. Puisque le Code civil n'en fait
pas un contrat nommé qui comporte des règles particulières, il s'agit d'un contrat auquel
les règles générales du droit des contrats s'appliquent. Ce type de contrat est bilatéral,
car les parties s'obligent réciproquement. De plus, comme il s'agit d'un document
juridique qui crée des droits et des obligations aux parties, il est préférable de le faire
rédiger par un juriste. Lors de la signature de la convention, les conjoints doivent être
aptes à consentir. Leur consentement doit être libre et éclairé. Il ne doit donc pas être
vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. En d'autres mots, les conjoints doivent
comprendre ce à quoi ils s'engagent, ils ne doivent pas se sentir obligés de signer, ni
être victimes de manœuvres déloyales de la part de l'autre les amenant à conclure une
entente à des conditions désavantageuses.
Le contrat de vie commune a pour principal objectif de décrire les ententes patrimoniales
des conjoints pendant la vie commune et en cas de rupture. Le couple a la pleine
discrétion en ce qui concerne les clauses à inclure dans le contrat pourvu que celles-ci
ne contreviennent pas à l'ordre public. Ainsi, les conjoints peuvent prévoir dans la
convention des règles semblables ou identiques à celles applicables aux époux (mariés
ou unis civilement) en vertu de la loi, par exemple le partage des biens acquis pendant
l'union, ou prévoir que seules quelques-unes de ces règles s'appliqueront (règles du
patrimoine familial, de la société d'acquêts, etc.). Ils peuvent également, à leur choix,
inclure des règles semblables aux droits et devoirs des époux pendant le mariage
comme le partage des dépenses en fonction de leurs facultés respectives, le choix
commun de la résidence familiale, des obligations de secours et d'assistance, etc. Ce
type de contrat s'adapte à leurs besoins.
La convention de vie commune étant un contrat bilatéral (entre deux parties), elle ne
pourra pas être opposable aux tiers. Les obligations du contrat lient seulement les
parties à la convention. Par contre, cette convention aura priorité sur les dispositions
testamentaires si elle prévoit que la notion de rupture inclut le décès. Toutefois, il faut
faire attention à ce que les dispositions applicables au décès dans la convention de vie
commune ne soient pas assimilées à des dispositions testamentaires, car seuls le
testament et la disposition testamentaire dans un contrat de mariage sont reconnus dans
notre droit civil.
Les principales clauses que l'on retrouve dans la convention de vie commune31
l'entretien, les dépôts à faire par chacun dans un compte pour le paiement de
l'hypothèque et des autres dépenses communes comme les taxes, les primes
d'assurance, les coûts des services publics, etc., la vente ou la cession de la
quote-part (droit de préemption), la vente forcée en cas de faillite, le décès, la
vente de l'immeuble par les propriétaires et le partage du produit de la vente après
le paiement des divers déboursés suite à la vente (par exemple : hypothèque,
commission au courtier, etc.), le partage en cas de séparation.
8) Valeur marchande des biens : Afin d'éviter des conflits entre les parties et
comme il peut y exister plusieurs méthodes d'évaluation de la valeur pour les
biens, la convention de vie commune devrait prévoir la méthode à utiliser.
9) Acquisition de biens ultérieurement ou en remplacement d'un bien actuel : Les
conjoints pourraient prévoir que la convention de vie commune s'appliquera aux
biens qui seront acquis, conjointement ou non, et à tout bien qui remplacerait un
bien actuel et visé par la convention. Cette règle s'applique le plus souvent aux
biens immeubles.
10) Modification à la convention de vie commune : Cette disposition permet de
modifier la convention d'un commun accord des conjoints.
11) Rupture de la vie commune : Cette clause de la convention permet de prévoir
les règles en ce qui concerne le partage des biens meubles et immeubles, mais
sujette à toute convention spécifique, par exemple, une convention d'indivision
pour un immeuble. Par contre, si l'un des conjoints possédait la résidence
principale et l'autre conjoint la résidence secondaire pendant l'union, il serait
important qu'une clause concernant la désignation de la résidence principale aux
fins d'exonération du gain en capital soit prévue à la convention afin d'éviter tout
conflit relatif aux années de désignation lors d'éventuelles dispositions des
résidences en question. Il en serait de même si les conjoints étaient copropriétaires
de deux résidences et que, à la suite d'une rupture, chacun conservait une des
deux résidences.
En ce qui concerne la garde des enfants, il faut savoir que le tribunal ne sera pas lié par
les règles prévues dans la convention en matière de garde. Les conjoints pourraient
aussi prévoir des règles pour le versement d'une indemnité de rupture (montant, durée,
continuité en cas de décès qui se produit avant terme) ou d'une somme forfaitaire à l'un
des conjoints.
Si les conjoints ont cotisé dans un REER, RPA, RRQ, CRI/REER IMMOBILISÉ, FRV,
CELI, le contrat de vie commune pourrait prévoir des règles de partage de ces régimes.
D'un point de vue fiscal, ce partage lors d'une séparation pourrait bénéficier d'un
transfert libre d'impôt. Les conjoints pourraient aussi considérer la charge fiscale de ces
régimes dans le calcul de partage lors d'une rupture.
Si un REEE était ouvert et que les parents étaient tous deux souscripteurs, la convention
pourrait réitérer qu'en cas de rupture, le régime continue et que les parents continuent à
contribuer au régime comme ils le faisaient avant la rupture.
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Aussi, les conjoints de fait exploitant une entreprise ensemble pourraient prévoir des
dispositions dans la convention de vie commune concernant l'exploitation de l'entreprise.
Par exemple, il s'agirait de référer à la convention entre actionnaires pour la société par
actions ou à la convention d'association dans le cas de la société de personnes ou à
défaut, prévoir des règles pour la continuité des affaires selon ce qui est permis par les
lois spécifiques (Loi sur les sociétés par actions et Code civil pour la société de
personnes).
2.10.5 — Conclusion
En résumé, le Code civil ne régit pas les droits et les obligations des conjoints de fait
entre eux. Cependant, les droits et obligations de ces personnes envers leurs enfants et
des enfants à l'égard de leurs parents sont reconnus par le biais des dispositions
relatives à la filiation.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Pour établir leurs droits et leurs obligations l'un envers l'autre, les conjoints de fait
doivent rédiger une convention de vie commune. Ce contrat a pour objectif de prévoir les
effets de leur union pendant sa durée et dans l'éventualité de sa dissolution. Aussi, ils
doivent rédiger un testament lorsqu'ils désirent se léguer tout ou partie de leur
patrimoine à leur décès. La rédaction d'un mandat de protection serait également
souhaitable.
Afin de protéger les intérêts présents et futurs de ses clients, le planificateur financier se
doit de saisir les subtilités concernant les règles applicables aux personnes que la loi
protège d'une manière spéciale, soit en raison de leur jeune âge, soit en raison de leur
manque d'autonomie. Qu'il s'agisse de la gestion des biens d'un mineur ou d'un majeur
inapte, le planificateur financier saura prodiguer les conseils et recommander les
documents adéquats.
Le législateur a donc voulu instaurer un canevas de règles pour celui qui, à un moment
ou à un autre, est chargé d'administrer un bien ou un patrimoine qui n'est pas le sien.
Pour ce faire, le législateur a créé deux formes d'administration du bien d'autrui : une
plus restreinte, la simple administration, et une plus large, la pleine administration. La
distinction est importante puisque, dans certains cas, des pouvoirs élargis sont
nécessaires (p. ex., pouvoir de vendre ou d'aliéner des biens), tandis que, dans d'autres
circonstances, il est parfois dangereux que celui qui administre les biens ait autant de
pouvoirs; il vaut mieux alors qu'il soit limité à une administration se rapprochant plus
d'une simple gestion et conservation des choses.
• faire tous les actes nécessaires à la conservation du bien ou utiles pour maintenir
l'usage auquel le bien est normalement destiné;
• percevoir les fruits et revenus du bien qu'il administre;
• exercer les droits qui sont rattachés aux biens qu'il administre, notamment quant
aux valeurs mobilières;
• percevoir les créances soumises à son administration et en donner valable
quittance;
• continuer l'exploitation du bien qui produit fruits et revenus, sans en changer la
destination;
• placer les sommes d'argent qu'il administre, conformément aux règles relatives
aux placements présumés sûrs.
La seule limite à son pouvoir réside dans l'aliénation d'un bien à titre gratuit.
L'administrateur ne peut disposer à titre gratuit des biens qui lui sont confiés, à moins
qu'il ne soit de la nature de son administration de pouvoir le faire. Il peut cependant
donner un bien s'il a peu de valeur et que la disposition est faite dans l'intérêt du
bénéficiaire ou de la fin poursuivie par l'administration du bien d'autrui. L'administrateur
ne peut, sans contrepartie valable, renoncer à un droit qui appartient au bénéficiaire ou
qui fait partie du patrimoine à administrer.
L'administrateur limité à la simple administration doit faire tous les actes nécessaires à la
conservation du bien. À ce principe de la conservation du bien s'ajoutent les principes de
la fructification du bien et de l'accroissement du patrimoine pour celui qui possède la
pleine administration. Le rôle de l'administrateur est alors beaucoup plus grand; il ne
peut plus seulement agir pour tout simplement conserver le bien, mais il doit, si possible,
le faire fructifier et en accroître la valeur. Si l'administrateur agissant avec la pleine
administration a une somme d'argent à gérer, il ne peut pas tout simplement la garder et
la conserver; il doit faire des placements afin d'en assurer la fructification et en accroître
la valeur.
DÉPÔT D'ARGENT
ACHAT DE TITRES
PRÊTS
OU
Ces droits et ces obligations sont indépendants de l'état civil des parents ou de leur
situation matrimoniale. En fait, seules les formalités de reconnaissance de la paternité
diffèrent en fonction du statut matrimonial des parents, puisque la présomption de
paternité (par opposition à la reconnaissance volontaire) n'existe que pour les couples
mariés ou unis civilement.
L'article 600 C.c.Q. précise que les parents exercent ensemble l'autorité parentale, mais
que cette autorité peut être exercée par un seul parent lorsque l'autre est décédé ou
dans l'impossibilité de manifester sa volonté. Aussi, les deux parents n'ont pas besoin
d'être présents ou de manifester leur accord chaque fois qu'une décision doit être prise à
l'égard de l'enfant, puisque les tiers de bonne foi peuvent présumer qu'un parent agit
avec l'accord de l'autre lorsqu'il prend une décision relative à l'enfant32.
Ce principe d'exercice conjoint de l'autorité parentale demeure même lorsque les père et
mère vivent séparément. Alors, même lorsque la garde physique est confiée à un seul
parent, l'autre parent demeure titulaire de l'autorité parentale et conserve, au minimum,
le droit de surveiller l'entretien et l'éducation de son enfant. Toutefois, dans la plupart des
cas, les jugements ou les ententes de séparation prévoient que les deux parents
exercent l'autorité parentale, ce qui fait en sorte que le parent qui n'a pas la garde
physique de l'enfant doit être consulté lorsque des décisions importantes doivent être
prises à l'égard de l'enfant. Ce serait le cas par exemple, lors du choix d'un centre de la
petite enfance (CPE), lors de l'inscription de l'enfant à l'école ou encore si les parents
devaient consentir à des soins de santé à être prodigués à l'enfant. En cas de litige entre
les deux parents, le tribunal pourrait être amené à trancher la question.
Une demande en déchéance de l'autorité parentale peut être présentée par toute
personne intéressée33. Par contre, seuls des motifs graves, comme la violence ou
l'abandon, peuvent amener le tribunal, lorsque l'intérêt de l'enfant le justifie, à émettre un
jugement en déchéance de l'autorité parentale, c'est-à-dire à retirer à un parent les droits
et les devoirs inhérents à l'autorité parentale. Dans certains cas, le tribunal peut retirer
seulement un des attributs de l'autorité parentale, comme la garde de l'enfant. Parmi les
effets de la déchéance de l'autorité parentale, on retiendra que l'enfant est alors relevé
de son obligation alimentaire envers son parent34 et que le parent ne pourra pas
bénéficier de la succession de son enfant puisqu'il est alors indigne de succéder à son
enfant35.
2.11.2.2 — Minorité
De la conception à la naissance
Un enfant conçu mais non encore né n'est pas une personne au sens juridique du terme,
et sauf exception, il ne possède pas de droits. Toutefois, le Code civil du Québec prévoit
qu'un enfant conçu, mais non encore né, pourra succéder et être bénéficiaire d'une
donation directe ou fiduciaire dans la mesure où il naît vivant et viable36.
Les père et mère agissent alors, de plein droit, comme tuteur de leur enfant ainsi conçu
mais non encore né, et ils sont chargés d'agir pour lui dans tous les cas où son intérêt
patrimonial l'exige37.
Principe
Le législateur québécois a fixé l'âge de la majorité à 18 ans38. Par conséquent, la
personne qui n'a pas atteint cet âge est incapable d'exercer pleinement tous ses droits
civils.
Relativement aux soins requis par l'état de santé du mineur, le consentement est donné
par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur. Cependant, pour les mineurs de 14
ans ou plus, il faut différencier les soins requis et les soins non requis par son état de
santé. Dans le premier cas, il peut consentir seul à ces soins. Dans le second cas, il peut
y consentir seul dans la mesure où ces soins ne présentent aucun risque sérieux pour
sa santé. Dans le cas contraire, le consentement du titulaire de l'autorité parentale ou du
tuteur serait nécessaire.
Pour l'exercice de tous ses autres droits civils, le mineur doit être représenté par son
tuteur. Ce dernier devra respecter le Code civil du Québec en ce qui concerne ses
pouvoirs d'administration et de représentation du mineur. Mentionnons que les pouvoirs
du tuteur sur les biens du mineur se limitent à la simple administration.
• accordée par le tuteur (après que celui-ci ait pris l'avis du conseil de tutelle), par
le biais du dépôt d'une déclaration au curateur public; ou
• accordée par le tribunal, sur avis du tuteur et du conseil de tutelle.
Le mineur qui a ainsi obtenu la simple émancipation peut accomplir tous les actes de
simple administration43. Il peut donc :
père et mère45. Cependant, pour tous les actes excédant la simple administration, le
mineur doit être assisté par son tuteur, qui joue alors le rôle qu'aurait joué le conseil de
tutelle.
La simple émancipation ne permet pas au mineur de rédiger son testament, sauf pour
des biens de peu de valeur.
• lors de la célébration du mariage (à noter que le mineur doit être âgé d'au moins
16 ans pour contracter mariage et doit avoir obtenu le consentement du titulaire de
l'autorité parentale ou du tuteur); ou
• suivant un motif sérieux et sur demande du mineur : la pleine émancipation est
déclarée par le tribunal.
2.11.3 — Tutelle
Le but de la tutelle est d'assurer la protection de la personne du mineur, l'administration
de son patrimoine et, en général, l'exercice de ses droits civils. La tutelle est établie dans
l'intérêt du mineur.
Le Code civil du Québec établit deux formes de tutelle : la tutelle légale et la tutelle
dative.
De plus, puisqu'il s'agit d'une charge personnelle, elle n'est pas transmise aux héritiers
du tuteur. Cependant, ces derniers sont tenus de rendre compte de leur administration
et, s'ils sont majeurs, de continuer l'administration du tuteur jusqu'à la nomination d'un
nouveau tuteur51.
Tutelle légale
La loi reconnaît de plein droit les père et mère comme tuteurs à leur enfant mineur52. En
principe, cette charge est exercée conjointement par les père et mère. Même lorsque la
garde de l'enfant fait l'objet d'un jugement (p. ex., dans le cas d'un divorce qui donnerait
la garde exclusive au père), la tutelle continue d'être exercée par les père et mère.
Il est également possible que l'un des parents donne le mandat à l'autre de le
représenter dans les actes relatifs à la tutelle. À l'égard des tiers de bonne foi, ce
mandat est de toute façon présumé.
Cependant, le père ou la mère peut se voir retirer une partie ou la totalité de son autorité
parentale et, ainsi, perdre la tutelle de son enfant.
La perte de la tutelle a pour effet de retirer au parent déchu l'administration des biens, la
protection et l'exercice des droits civils de l'enfant mineur.
Tutelle dative
Depuis 1994, le Code civil du Québec permet au père ou à la mère de nommer un tuteur
à son enfant mineur, par une clause contenue dans le testament ou dans le mandat
donné en prévision de l'inaptitude, ou encore par une déclaration transmise au curateur
public53. Ce mécanisme permet aux parents de désigner eux-mêmes la personne qui
agira comme tuteur à leur enfant mineur qui se retrouverait sans père ni mère apte à
prendre soin de lui.
Le droit de nommer le tuteur n'appartient qu'au survivant des père et mère ou, selon la
situation, au dernier des deux parents apte à agir comme tuteur de l'enfant.
Exemple 2-1
Mise en situation
Gaspard est séparé de Bérengère depuis deux ans. Il a fait un testament dans lequel il
nomme son frère Jules comme tuteur datif de ses enfants. Bérengère a fait un testament
dans lequel elle nommait sa sœur Régine comme tuteur datif à ses enfants. Bérengère
décède avant Gaspard. C'est donc Jules qui sera tuteur datif des enfants mineurs de
Gaspard et Bérengère, dans l'éventualité du décès du dernier des parents. Dans
l'éventualité où Jules refusait la charge et que Gaspard n'avait pas prévu de remplaçant,
une requête au tribunal serait alors nécessaire pour nommer un tuteur aux enfants.
La tutelle dative peut également être déférée par le tribunal s'il y a lieu de nommer ou de
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remplacer un tuteur (dans l'éventualité où les parents n'y auraient pas pourvu eux-
mêmes), de nommer un tuteur ad hoc (soit lorsque les intérêts du tuteur sont en conflit
avec ceux du mineur) ou un tuteur aux biens, ou en cas de contestation du choix d'un
tuteur nommé par les père et mère.
L'on constate en pratique que la tutelle déférée par le tribunal est plus rare, étant donné
la tutelle légale conférée aux parents et le pouvoir pour ceux-ci de désigner eux-mêmes
un tuteur.
Lorsque le tribunal doit nommer un tuteur, il doit prendre l'avis du conseil de tutelle, sauf
lorsque la tutelle est demandée par le directeur de la protection de la jeunesse. En effet,
ce dernier peut lui-même demander au tribunal de nommer un tuteur pour un enfant
mineur sans représentant ou pour qui un retour au foyer parental mettrait la sécurité en
péril.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Les parents ayant des enfants mineurs devraient, lors de la rédaction de leur testament
et de leur mandat en prévision de l'inaptitude, procéder à la nomination d'un tuteur datif
au cas où ni l'un ni l'autre ne serait en mesure d'assumer cette tâche.
Administration du tuteur54
Qu'il s'agisse d'une tutelle dative ou légale, le tuteur agit à titre d'administrateur du bien
d'autrui, chargé de la simple administration55.
En règle générale, le tuteur doit, dans son rôle d'administrateur des biens de l'enfant
mineur :
• les tuteurs sont les père et mère de l'enfant mineur et que la valeur des biens à
administrer est inférieure à 25 000 $; ou
• la charge de tutelle est exercée par le curateur public.
Tous les frais reliés à l'administration, à l'exercice des droits civils du mineur et aux
charges de la tutelle seront acquittés à même les revenus et les biens du mineur. Dans
le cas où la tutelle aux biens et la tutelle à la personne ne sont pas exercées par le
même individu, le tuteur aux biens veillera également à défrayer les frais reliés à
l'entretien et à l'éducation du mineur. Il devra également convenir, avec le tuteur à la
personne, des sommes nécessaires pour acquitter les charges y reliées. En cas de
mésentente sur la valeur ou le paiement de ces sommes, le conseil de tutelle ou, à
défaut, le tribunal, tranchera.
Les biens donnés ou légués à un mineur et administrés par un tiers (tel un liquidateur ou
fiduciaire) sont soustraits à l'administration du tuteur. Ainsi, si le mineur est héritier d'une
succession et que l'administration du patrimoine légué a été confiée au liquidateur de la
succession ou à un fiduciaire, le tuteur n'aura pour seul rôle que de veiller à l'entretien, à
l'éducation et aux soins médicaux du mineur.
En principe, le tuteur peut seul poser des gestes courants d'administration, ainsi
qu'accepter une donation faite en faveur de son pupille. Cependant, il ne peut seul
accepter une donation avec charge (laquelle acceptation requiert l'autorisation du
conseil de tutelle), transiger, poursuivre un appel, contracter un emprunt important eu
égard à la valeur du patrimoine administré, consentir une sûreté, aliéner un bien à
caractère familial, un immeuble ou une entreprise, ou provoquer le partage définitif des
immeubles possédés par indivision. Ces actes requerront que le tuteur obtienne tantôt
l'autorisation du conseil de tutelle, tantôt celle du tribunal. De même, l'aliénation d'un
bien dont la valeur excède 25 000 $ ne peut se faire sans l'évaluation d'un expert (ce qui
n'est cependant pas nécessaire pour les valeurs cotées en bourse).
Lorsque la valeur des biens excède 25 000 $, le liquidateur d'une succession dévolue ou
léguée à un mineur et le donateur d'un bien si le donataire est un mineur, ou, dans tous
les cas, toute personne qui paie une indemnité au bénéfice d'un mineur, doit déclarer le
fait au curateur public et indiquer la valeur des biens.
Conseil de tutelle
Rôle
Le rôle du conseil de tutelle57 est essentiellement de surveiller l'administration du tuteur.
Il doit :
• donner des avis et prendre des décisions dans les cas prévus par la loi58;
• s'assurer que le tuteur a fait l'inventaire des biens du mineur;
• s'assurer qu'il a fourni et maintenu une sûreté;
• recevoir le compte de gestion annuel du tuteur;
• conserver et transmettre, à la fin de la tutelle, le plus de renseignements
possibles sur l'administration des biens et sur les décisions prises relativement à la
personne du mineur.
Constitution
Le conseil de tutelle doit être formé toutes les fois qu'il y a tutelle dative (déférée par les
parents ou par le tribunal) ou en cas de tutelle légale (celle exercée par les parents),
lorsque la valeur du patrimoine du mineur excède 25 000 $ (le père et la mère étant
alors tenus de faire un inventaire, de fournir une sûreté et de rendre un compte annuel
de leur gestion), ou lorsque le tribunal le décide à la suite d'une requête à cet effet.
Cependant, il n'y a pas lieu de créer un conseil de tutelle lorsque la tutelle est exercée
par le directeur de la protection de la jeunesse ou par le curateur public.
Le tuteur nommé par le père ou la mère du mineur ou les père et mère doivent
provoquer la constitution du conseil de tutelle.
Au moins cinq personnes doivent assister à cette assemblée. Il est souhaité que tant la
ligne maternelle que la ligne paternelle soient représentées.
C'est lors de cette assemblée que l'on désignera les trois membres du conseil de tutelle
et les deux suppléants. Exceptionnellement, le conseil de tutelle peut être formé d'une
seule personne, si le tribunal en décide ainsi.
• le tuteur doit faire un inventaire des biens du mineur et copie de cet inventaire
doit être transmise au curateur public et au conseil de tutelle. Toutefois, les parents
qui agissent comme tuteurs de leur enfant mineur ne sont pas tenus de procéder à
cet inventaire si la valeur des biens à administrer est inférieure à 25 000 $;
• le tuteur doit fournir une sûreté afin de garantir l'accomplissement de ses devoirs.
Il est ainsi tenu de souscrire une assurance ou de fournir une autre sûreté lorsque
la valeur des biens administrés excède 25 000 $. Il appartient au conseil de tutelle
de définir l'objet de la sûreté, ainsi que le délai pour la fournir. Bien sûr, les frais de
constitution de cette sûreté sont à la charge de la tutelle;
• le tuteur doit également rendre compte annuellement de son administration au
mineur âgé d'au moins l4 ans, au conseil de tutelle, ainsi qu'au curateur public;
• la loi impose au tuteur une reddition de compte finale au mineur devenu majeur.
Une copie doit être également transmise au conseil de tutelle et au curateur public;
• le conseil devra faire nommer un tuteur ad hoc chaque fois que le mineur aura
des intérêts à discuter en justice avec son tuteur.
Pendant l'instance, le tuteur continue à exercer sa charge, à moins que le tribunal n'en
décide autrement.
La tutelle prend fin lorsque le mineur a atteint l'âge de la majorité, lors de la pleine
émancipation ou au décès du mineur.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il ne faut pas oublier que la tutelle au mineur cesse à 18 ans. Ainsi, dans le cas d'un
mineur souffrant d'une incapacité à administrer ses biens ou à prendre soin de sa
personne, temporairement ou de façon permanente, une requête devrait être présentée
au tribunal afin de faire établir à son égard un régime de protection qui prendrait effet à
ses 18 ans.
Voyons maintenant comment la loi protège la personne qui, bien qu'ayant l'âge de
majorité, n'est pas apte à se prendre en charge en raison d'une incapacité quelconque.
Il est à noter qu'une personne mineure souffrant d'une pareille incapacité sera
représentée par son tuteur selon les règles précédemment établies jusqu'à ce qu'elle ait
atteint l'âge de majorité, moment à compter duquel les règles ci-après s'appliqueront à
son égard.
Il est à noter que la loi instaure différents régimes de protection; le choix du régime
dépendra alors du degré d'inaptitude du majeur. Ainsi, selon le degré d'inaptitude du
60
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majeur à prendre soin de lui-même ou à administrer ses biens60, il lui sera nommé soit
un curateur ou un tuteur pour le représenter, soit un conseiller pour l'assister. C'est le
tribunal qui détermine le régime à accorder à la personne inapte sur la base des
évaluations médicale et psychosociale qui lui sont soumises.
Le majeur visé par la procédure a le droit d'être entendu par le tribunal. Il pourra alors se
manifester au sujet du bien-fondé de la demande et du choix de la personne qui sera
chargée de le représenter.
• le majeur lui-même;
• son conjoint (marié, uni civilement, ou de fait);
• ses proches parents et alliés;
• toute personne qui démontre un intérêt particulier pour le majeur;
• tout autre intéressé;
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Obtention du jugement
Le jugement rendu par la Cour détermine le type de régime de protection applicable
(tutelle, curatelle ou conseiller au majeur). Ce jugement est susceptible de révision62.
Une fois rendu, le jugement doit être signifié au majeur que l'on veut protéger63.
Tutelle
Un tuteur au majeur est nommé lorsqu'il est établi que son inaptitude à prendre soin de
lui-même ou administrer ses biens est partielle ou temporaire, donc potentiellement
réversible, et qu'il a besoin d'être représenté dans l'exercice de ses droits civils (art. 285
C.c.Q.).
Le régime de tutelle peut être adapté à la personne protégée et à son degré réel
d'inaptitude physique ou mentale. En effet, contrairement à la curatelle où le besoin de
protection est total, le tribunal peut déterminer, dans le cas d'une tutelle, le degré
d'incapacité du majeur (p. ex. : actes qu'il peut poser seul, actes qu'il ne peut poser
qu'avec l'assistance de son tuteur) (art. 288 C.c.Q.).
Ainsi, l'article 289 C.c.Q. décrète notamment que le majeur en tutelle conserve la gestion
du produit de son travail à moins que le tribunal n'en décide autrement. Le testament du
majeur pourrait même être confirmé (art. 709 C.c.Q.).
Il est à noter qu'à l'instar de la curatelle, le curateur public peut agir comme tuteur
suppléant, dans le cas où personne n'accepte la charge de tuteur ou lors du décès ou de
la démission du tuteur nommé (art. 261 C.c.Q.).
Conseiller au majeur
Un conseiller au majeur est nommé lorsque celui-ci, bien que généralement apte à
prendre soin de lui-même et administrer ses biens, a besoin, pour certains actes ou
temporairement, d'être assisté ou conseillé dans l'administration de ses biens.
Les actes requérant l'assistance du conseiller (ou ceux ne nécessitant pas cette
assistance) sont déterminés par le tribunal. À défaut d'indication, le conseiller doit
assister le majeur protégé dans tous les actes excédant la capacité du mineur
simplement émancipé.
Dans le cas de curatelle, le régime de protection doit être révisé tous les cinq ans.
Encore ici, le tribunal peut fixer un délai plus court en vertu de la discrétion qui lui est
conférée par l'article 278 C.c.Q.
Aux fins de révision, le curateur, le tuteur ou le conseiller doit voir à ce que le majeur soit
soumis à une évaluation médicale et psychosociale en temps voulu.
Enfin, mentionnons que le type de régime de protection peut également être révisé à
tout autre moment si des circonstances particulières le justifient (art. 277 C.c.Q.).
Le mandat de protection en prévision de l'inaptitude est donc le moyen prévu par la loi
pour éviter l'ouverture d'un régime de protection (c.-à-d. la curatelle, la tutelle ou le
conseiller) tout en protégeant les droits de la personne en lui substituant un représentant
qu'elle aura elle-même choisi. On pourrait parler ici de régime privé de protection versus
les régimes imposés par le Code civil du Québec, en cas d'absence de mandat de
protection en prévision de l'inaptitude.
Pour être valide, le mandat de protection en prévision de l'inaptitude doit respecter l'une
des deux formes suivantes :
Tableau 2-1
par le notaire
• généralement plus
complet et explicite
dans la description
des pouvoirs
accordés au
mandataire
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il serait de mise également de faire signer une déclaration sous serment par l'un des
témoins, afin d'obtenir une preuve de la validité du mandat lors de son homologation
éventuelle par le tribunal ou le notaire.
Contenu du mandat
Le mandant a toute la discrétion quant au contenu de son mandat :
• le mandat peut être spécial pour une affaire particulière, comme une procuration
bancaire;
• le mandat peut être général, pour toutes les affaires du mandant.
Éléments requis
Pour que le mandat de protection donné en prévision de l'inaptitude du mandant68 soit
complet, on devrait y trouver les clauses suivantes :
Il est donc préférable que le mandat de protection donné en prévision de l'inaptitude soit
complet, c'est-à-dire qu'il couvre tant les aspects relatifs à l'administration des biens que
ceux ayant trait à la protection de la personne du mandant.
2.13.2 — Mandant
Capacité du mandant
Pour pouvoir signer un mandat de protection donné en prévision de l'inaptitude, une
personne doit jouir de sa pleine capacité lors de la signature du mandat. Le Code civil
du Québec mentionne que le mandat de protection en prévision de l'inaptitude est donné
par une personne majeure70. Un enfant mineur pleinement émancipé pourrait donc faire
un mandat de protection en prévision de l'inaptitude, car il est réputé majeur (voir
supra)71.
Notre droit civil établit que la capacité d'une personne est la règle et que c'est
l'incapacité qui doit être démontrée.
Ainsi, toute personne est présumée capable d'exercer ses droits civils jusqu'à preuve du
contraire.
En pratique, il serait préférable de rédiger des clauses relatives à ces situations afin de
clarifier les droits du mandataire.
Il est à noter que la somme reçue à titre de rémunération par le mandataire devra être
Le fait qu'un mandataire ait agi à titre gratuit pourra être considéré dans la détermination
du montant des dommages devant être payés au mandant à la suite d'une faute
commise par le mandataire mais n'affecte en rien son niveau de responsabilité quant
aux obligations qu'il a envers le mandant75.
Le mandant peut limiter ou préciser les droits et les pouvoirs du mandataire dans son
rôle d'administrateur des biens d'autrui. Ainsi, il peut lui confier la simple ou la pleine
administration et lui préciser des pouvoirs très spécifiques, tel que vendre la résidence
principale, assurer les biens, etc.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Parmi les pouvoirs du mandataire qu'il est très important de spécifier au mandat, on
retrouve la possibilité d'utiliser les biens du mandant au profit et au bénéfice des
membres de sa famille et celle de continuer à faire des dons ou des cadeaux.
2.13.3 — Mandataire
La portée du mandat ainsi que les pouvoirs donnés au mandataire sont réglés par les
dispositions du mandat lui-même. Le mandat peut donner au mandataire les pouvoirs les
plus étendus possibles ou encore apporter certaines restrictions à l'exercice de ces
pouvoirs. Il est donc loisible au mandant de prévoir que son mandataire pourra agir en
toutes choses, sans l'autorisation de quiconque.
Le mandant peut nommer un seul mandataire pour veiller à la fois sur sa personne et sur
ses biens, ou il peut nommer un mandataire à sa personne et un autre pour gérer ses
biens.
Il est possible pour le mandant de nommer plusieurs personnes pour agir conjointement
comme mandataires. Si tel est le choix du mandant, il devra prévoir dans le mandat des
règles claires quant à la prise de décisions des mandataires (majorité ou unanimité), la
possibilité de délégation de pouvoir entre eux, etc.
Seule une personne majeure (ce qui inclut le mineur émancipé) peut agir à titre de
mandataire.
Une personne morale pourrait également agir à titre de mandataire, mais ses pouvoirs
seraient limités à l'administration des biens du mandant. Toutefois, seules les personnes
morales dûment autorisées par leur loi constitutive peuvent agir comme mandataires aux
76
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biens. Par exemple, la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne76 donne
ce pouvoir aux sociétés de fiducie. Le même pouvoir n'est cependant pas accordé aux
sociétés régies par la Loi sur les sociétés par actions (Québec)77 ou la Loi canadienne
sur les sociétés par actions78.
Acceptation
Pour qu'il y ait existence d'un contrat, le mandataire doit accepter la charge prévue au
mandat de protection donné en prévision de l'inaptitude du mandant. Son acceptation
peut être expresse (par un écrit) ou tacite (par les gestes posés : effectuer les
procédures d'homologation de mandat).
Il serait sage pour le mandant d'aviser les personnes pressenties pour agir à titre de
mandataires aux fins de les informer et de s'assurer, dans la mesure du possible, de leur
consentement à agir au besoin.
Mandataire remplaçant
Le mandat devrait prévoir des dispositions advenant le décès, l'incapacité légale ou le
refus d'agir du mandataire. La procédure de remplacement sera établie en respect des
volontés du mandant. Celui-ci pourra nommer autant de mandataires remplaçants qu'il le
jugera à propos. Il pourrait même prévoir que la nomination du remplaçant sera faite par
le dernier mandataire en fonction. On parlera alors de mandataire substitut79.
• tout nouveau mandataire devra faire connaître son acceptation de la charge par
acte notarié portant minute ou devant témoins;
• tout mandataire pourra toujours renoncer à sa charge, même après l'avoir
acceptée, pourvu qu'il le fasse par acte, soit notarié portant minute soit devant
témoins, cet acte devant être accompagné d'une reddition de compte dont les frais
seront à la charge du mandant et pourvu qu'il ait assuré son remplacement.
Ces procédures sont importantes afin que le mandataire remplaçant ou substitut ait une
preuve à fournir aux personnes avec lesquelles il négociera au nom du mandant.
Il faut noter que le mandataire ne peut, malgré toute stipulation contraire, renoncer à son
mandat sans avoir au préalable pourvu à son remplacement si le mandat y pourvoit, ou
sans avoir demandé l'ouverture d'un régime de protection à l'égard du mandant.
Le mandataire doit agir avec prudence et diligence; il doit également «agir avec
honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt du mandant et éviter de se placer dans une
situation de conflit entre son intérêt personnel et celui de son mandant80».
tenu de rendre compte annuellement au curateur public et son administration n'est pas
surveillée par un conseil de tutelle. Le mandant peut l'obliger également à rendre compte
de son administration à une personne qu'il aura désignée durant la durée de son
administration.
Le mandant pourra exiger que le mandataire dresse un inventaire de ses biens lors de
l'acceptation de sa tâche.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il ne faut pas négliger les obligations du mandataire à poser tous les gestes et actes
visant à assurer la protection de la personne du mandant et, en général, son bien-être
moral et matériel.
Un jugement sur conclusion sera transmis par la suite au majeur, au curateur public,
ainsi qu'au mandataire. Le mandat de protection en prévision de l'inaptitude sera alors
homologué.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Les tribunaux ont eu à se prononcer à quelques reprises sur cette question et d'ailleurs,
ils (les tribunaux) sont soucieux de s'assurer que le mandant est véritablement inapte et
non simplement en perte d'autonomie comme le souligne la juge Hélène LeBel :
(44) La capacité d'une personne doit s'apprécier en fonction de la réalité de tous les
jours. Et dans la réalité de tous les jours, des gens sont plus intelligents, d'autres moins.
Des gens sont instruits, des gens le sont moins. Des gens ont un bon jugement et des
gens en ont malheureusement peu. On n'ouvre pas un régime de protection à tous les
majeurs qui manquent de jugement ou qui n'ont pas assez d'expérience ou d'instruction
pour «bien» gérer leurs affaires ou pour prendre de sages décisions.
(45) De surcroît, il est important de s'interroger sur le genre de société dans laquelle on
vit et on veut vivre alors que de plus en plus de gens vont vivre de plus en plus vieux. Si
on établit un standard trop élevé ou disproportionné, eu égard aux conséquences à peu
près inévitables du vieillissement, cela signifie que la plupart des gens âgés finiraient par
être privés de leur autonomie. Le Tribunal ne croit pas qu'un tel résultat serait conforme
au modèle que nous propose la Charte des droits et libertés de la personne ou la Charte
canadienne des droits et libertés ou le Code civil du Québec.85
Ainsi, si l'inaptitude du mandant est partielle, le tribunal devra déterminer s'il y a ou non
lieu d'homologuer le mandat de protection. À cet égard, le tribunal a peu de latitude : il
ne peut qu'accepter ou refuser d'homologuer le mandat de protection. Contrairement aux
régimes de protection, il ne peut moduler les pouvoirs du mandataire selon le degré
d'inaptitude du mandat; tutelle, curatelle, conseiller au majeur.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il faut porter attention à l'étendue des pouvoirs qu'on désire accorder au mandataire. Si
les parties conviennent en des termes généraux des pouvoirs du mandataire, celui-ci ne
pourra alors accomplir que des actes de simple administration88. Le mandat peut
également être fait de manière précise et décrire précisément les pouvoirs du
mandataire.
L'étendue du mandat peut porter sur une représentation entière du mandant (procuration
générale) pour tous ses actes juridiques ou seulement pour un acte précis (procuration
spécifique). À noter qu'une procuration générale bancaire est en fait une procuration
spécifique, car elle ne peut être utilisée que dans cette institution financière.
Si le mandant ratifie un acte conclu par le mandataire hors des limites de son mandat, la
ratification a pour effet de transférer la responsabilité du mandataire au mandant91. À cet
effet, mentionnons que le mandant est présumé avoir ratifié l'acte qui excède les limites
du mandat lorsque cet acte a été accompli d'une manière qui lui est plus avantageuse
que celle même qu'il avait indiquée92. Le mandant sera donc responsable de cet acte
face aux tiers.
On peut également se trouver dans une situation de mandat apparent si le mandat a été
révoqué par le mandant ou si le mandat est terminé sans que le tiers n'en ait été avisé.
Le Code civil reconnaît alors la responsabilité du mandant pour les actes accomplis en
exécution du mandat94, s'il est possible de prouver que le mandant avait connaissance
des agissements du mandataire. La responsabilité du mandataire serait également
engagée en pareil cas.
Enfin, mentionnons que lorsqu'un mandataire représente une personne qu'il sait
insolvable, mineure ou placée sous un régime de protection, et qu'il omet de le
mentionner au tiers contractant avec lui, il s'engage personnellement quant aux
obligations découlant de la conclusion de cet acte95.
• du décès du mandant;
• de la révocation du mandat par le mandant s'il est apte et lucide;
• de la rédaction d'un nouveau mandat par le mandant (comme le testament, le
mandat le plus récent révoque le mandat antérieur) dans la mesure où le mandant
en a la capacité;
• de la renonciation du mandataire;
• de la faillite du mandataire (sauf s'il s'agit d'un mandat de protection donné à titre
gratuit);
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
• Couples âgés;
• Couples qui désirent vraiment écarter les délais que pourrait occasionner le fait
de n'avoir qu'un mandat de protection;
• Propriétaire d'entreprise où la pertinence d'une représentation rapide est évidente
pour assurer la continuité des opérations;
• Personnes absentes du pays pour une période importante.
Il est vrai que la prudence s'impose en la matière, car le mandataire à qui les pouvoirs
les plus étendus d'administration ont été confiés pourrait abuser d'une telle situation.
Pour éviter de tels abus, certaines solutions pourraient être envisageables, notamment :
Tableau 2-2
• Par le mandataire;
possible s'il a pourvu
à son remplacement
ou demandé
l'ouverture d'un
régime de protection
mandataires
Cependant, il est probable que le mandat de protection aux termes duquel le testament
biologique est rédigé ne soit pas encore homologué lors de la survenance d'un accident
ou d'une maladie donnant lieu à l'application de ces clauses. Bien que le testament
biologique n'ait pas besoin de cette homologation pour être valide, il est probable que
des tiers exigent cette homologation pour permettre au mandataire de faire valoir ces
volontés. Il est donc de bonne pratique de prévoir les clauses relatives aux volontés de
fin de vie dans un document distinct du mandat de protection s'il n'est pas assorti d'une
La Loi concernant les soins de fin de vie96, en vigueur depuis le 10 décembre 2015,
vient pallier l'absence de cadre juridique clair relativement aux volontés de fin de vie et
«a pour but d'assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité
et de leur autonomie» (art. 1 L.S.F.V.). En effet, en plus d'encadrer les soins palliatifs et
l'aide médicale à mourir, la loi comprend des dispositions concernant les directives
médicales anticipées (DMA). Ces directives permettent à une personne d'indiquer si elle
accepte ou refuse de recevoir des soins dans des situations cliniques précises, dans le
cas où elle deviendrait inapte à y consentir. Il y a trois situations cliniques où les DMA
peuvent être appliquées :
Les directives médicales anticipées doivent être données par une personne majeure et
apte à exprimer sa volonté, soit par acte notarié en minute ou au moyen du formulaire
prescrit signé devant deux témoins (art. 51 et 52 L.S.F.V.). Dans les deux cas, il est
possible de verser les directives au Registre des directives médicales anticipées auprès
de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Il est possible de se procurer
un formulaire personnalisé en ligne ou par téléphone.
Exprimer ses directives médicales anticipées ne constitue pas un acte irrévocable. Il est
possible de les révoquer au moyen du formulaire prescrit ou de les modifier par la
rédaction de nouvelles directives, soit par acte notarié ou par le biais du formulaire
prescrit. De plus, en cas d'urgence, lorsqu'une personne apte exprime verbalement des
volontés différentes de celles qui se retrouvent dans les directives rédigées, il y a
révocation (art. 54 L.S.F.V.).
Enfin, lorsque les volontés relatives aux soins exprimées dans un mandat de protection
et celles exprimées dans des directives médicales anticipées diffèrent, ces dernières
prévalent (art. 62 L.S.F.V.).
Il est à noter qu'il n'est pas possible de demander l'aide médicale à mourir lors de la
rédaction de directives médicales anticipées. Le 1er alinéa de l'article 26 L.S.F.V. prévoit
que:
26. Seule une personne qui satisfait à toutes les conditions suivantes peut obtenir l'aide
médicale à mourir :
1) elle est une personne assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-
29);
Évidemment, une demande d'aide à mourir n'est pas acceptée automatiquement. Elle
est analysée par le médecin traitant conformément à la loi avant d'y donner suite.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il est important, alors que votre client est apte, de l'inviter à exprimer ses volontés en
prévision de son inaptitude à consentir à des soins et d'en discuter avec ses proches. Il
est possible pour votre client de rédiger des directives médicales anticipées, lesquelles
ne portent que sur des situations cliniques précises. Il est aussi possible de compléter
ces volontés ou d'exprimer des volontés non contraignantes par un «testament
biologique» rédigé aux termes d'un mandat de protection s'il est assorti d'une
procuration générale d'administration ou, à défaut, dans un document distinct.
Il y aura lieu d'encourager votre client à revoir périodiquement ses volontés puisque ses
valeurs peuvent évoluer selon les situations vécues, à des étapes particulières de sa vie,
comme à la suite d'une séparation ou de la mort d'un être cher, au moment d'un
diagnostic de maladie grave ou lors d'une détérioration de sa santé.
Tableau 2-3
4. Assemblée de
parents, d'alliés ou
d'amis où un
tuteur/curateur est
proposé ainsi que les
membres potentiels
du conseil de tutelle.
5. Jugement déclarant le
majeur incapable
(inapte) et nomination
d'un curateur ou d'un
tuteur.
6. Avis au conseil de
tutelle.
Après avoir examiné certaines situations juridiques touchant l'individu, l'on se penchera
maintenant sur les formes juridiques les plus courantes utilisées pour exploiter une
entreprise.
On peut exploiter une entreprise notamment selon l'une ou l'autre des formes juridiques
suivantes :
• l'entreprise individuelle;
• la société de personnes;
• la société par actions.
Le Code civil du Québec reconnaît la nécessité pour les individus de se regrouper afin
d'exercer certaines activités. Dans le but de faciliter la mise sur pied de tels
regroupements, le législateur a élaboré un concept purement fictif de personne, ayant
une existence propre, distincte de celle des personnes qui la constituent, soit la
«personne morale».
Les différentes formes que peuvent prendre les entreprises entraînent que certaines
d'entre elles auront pleinement la personnalité morale, tandis que d'autres ne l'auront
pas du tout. Ainsi la société par actions (compagnie) possède pleinement la personnalité
morale, l'entreprise individuelle ne la possède pas et la société en nom collectif en
possède une, mais elle est incomplète.
L'analyse des attributs de la personnalité morale est importante. Elle permet notamment
de déterminer la responsabilité personnelle des actionnaires, des administrateurs ou des
associés à l'égard des tiers qui transigent avec une entreprise. Par exemple, si une
personne signe un contrat avec un représentant d'une société qui agit alors pour et au
nom de cette entreprise, quels seront ses recours si le contrat s'avère frauduleux?
Pourrait-elle poursuivre la société et avoir un lien sur les biens de cette entreprise et
pourrait-elle poursuivre l'individu avec lequel elle a transigé?
Une personne morale ne peut non plus exercer la tutelle ou la curatelle par rapport à une
personne. Il y a donc certains droits qu'elle ne peut exercer du fait même de sa
constitution. Le législateur lui a toutefois octroyé les attributs d'une personne distincte,
soit un nom, un domicile, une existence et un patrimoine propre.
Les personnes morales ont un nom qui leur est donné au moment de leur constitution.
Elles exercent leurs droits et exécutent leurs obligations sous ce nom.
Conformément au Code civil du Québec, la personne morale a son domicile aux lieu et
adresse de son siège.
Le patrimoine est l'ensemble des biens, des droits et des obligations d'une personne,
appréciables en argent. Il en résulte que sitôt qu'une personne morale est formée, les
sommes qui y sont investies lui deviennent propres, les biens acquis par elle lui
deviennent propres à leur tour; il n'y a pas confusion de biens entre ceux de la personne
morale et ceux de ses membres; un jugement obtenu contre elle ne peut être exécuté
que sur les biens de cette dernière, ses membres ne pouvant être tenus responsables
des dettes de cette dernière que jusqu'à concurrence de la mise de fonds qu'ils ont
effectuée.
L'entreprise individuelle est la forme juridique la plus simple, pour une personne seule,
qui désire exploiter une entreprise. Contrairement à la société par actions, cette forme
d'entreprise exige peu de formalités juridiques puisque c'est l'individu lui-même qui
l'opère.
Cependant, toute personne physique qui exploite une entreprise individuelle au Québec
sous un nom autre que le sien, qu'elle y soit domiciliée ou non, est assujettie à la Loi sur
la publicité légale des entreprises97. Elle doit donc s'immatriculer, à moins d'exploiter son
entreprise sous une dénomination sociale comprenant son nom de famille et son
prénom98 (p. ex. : l'entreprise «Line Bolduc pâtisserie» ne sera pas assujettie tant qu'elle
sera effectivement exploitée uniquement par Line Bolduc, tandis que «Les pâtisseries
Bolduc» sera assujettie).
Ainsi, lorsque requise, une déclaration d'immatriculation doit être produite lors de la
constitution de l'entreprise individuelle, de même qu'annuellement afin de mettre à jour
les informations.
Ainsi, celui-ci a tous les pouvoirs et toutes les obligations en ce qui concerne la bonne
marche des opérations de son entreprise. Il est à la fois le propriétaire, l'administrateur
et l'employé de cette organisation. Cela signifie qu'il est la seule personne apte à signer
les contrats avec les tiers, les emprunts bancaires et les chèques.
Cette forme d'organisation permet aussi l'engagement d'employés, dont les membres de
sa famille, à la condition qu'il n'existe qu'un seul propriétaire.
Le fait que certains entrepreneurs utilisent une dénomination sociale différente de leur
nom personnel a bien souvent pour but premier de mieux identifier le produit ou le
service offert par l'entreprise.
L'article 2186 du Code civil du Québec définit la société comme étant un contrat «par
lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une activité,
incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par la mise en commun de biens,
de connaissances ou d'activités et de partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui
en résultent».
Pour qu'il y ait une société, on doit tout d'abord trouver l'intention des associés de
travailler ensemble; c'est l'esprit de collaboration. Cette intention doit être exprimée de
façon claire et sans aucune équivoque. L'esprit de collaboration se trouvera dans
l'exercice d'une activité commune par les associés.
• une somme d'argent (cette somme d'argent devra être fournie à la date
convenue, sinon le sociétaire peut être tenu de verser des intérêts à la société, en
plus de s'exposer à des dommages-intérêts);
• un transfert de bien à la société (ce transfert se fera à la juste valeur marchande
pour le sociétaire — gain en capital ou revenu imposable possible; le sociétaire
pourra cependant procéder à un roulement ou à un transfert à une valeur autre que
la juste valeur marchande);
• l'apport de connaissances ou l'exercice de certaines activités au profit de la
société.
qu'il y ait existence d'une société, il faut un partage des bénéfices pécuniaires résultant
de la collaboration des associés. Ce partage peut être égal ou inégal. À titre d'exemple,
la mise en commun de services de secrétariat et le partage de dépenses d'exploitation
des locaux sans partage des bénéfices pécuniaires ne créent pas une société. Toutefois,
aux yeux des tiers, il peut y avoir apparence de société qui engendre la responsabilité
des personnes, car elles donnent l'illusion de former une société100. S'il y a absence de
l'un ou l'autre de ces éléments, il n'y a pas de société entre les personnes qui exploitent
individuellement leur entreprise.
Nous verrons dans les prochaines sections que les sociétés en nom collectif et en
commandite, bien qu'elles en possèdent la plupart des caractéristiques ne sont pas des
personnalités juridiques distinctes puisque les associés demeurent responsables des
actes posés par la société. Quant à la société en participation, il est clair qu'elle ne
possède pas de personnalité juridique distincte puisqu'elle ne bénéficie même pas d'un
patrimoine distinct de celui des associés.
En plus de devoir respecter le Code civil du Québec pour leur formation, toutes les
sociétés qui exercent ou exploitent une entreprise au Québec sont, comme l'entreprise
individuelle, assujetties aux règles relatives à la publicité légale103 prévues dans la Loi
sur la publicité légale des entreprises104. Elles doivent donc produire une déclaration
d'immatriculation auprès du Registraire des entreprises.
Tableau 2-4
Une société en nom collectif est tenue de respecter les lois relatives à la publicité légale
des sociétés, c'est-à-dire qu'elle doit déposer une déclaration d'immatriculation. À défaut
de respecter ces règles, la société en nom collectif sera réputée être une société en
participation105.
Depuis 1994, le Code civil du Québec accorde à la société en nom collectif des attributs
qui en font une personne morale quasi parfaite. Ainsi, la société en nom collectif peut
poursuivre ou être poursuivie en justice106 sous son propre nom. Antérieurement à 1994,
ce sont les associés personnellement qui devaient poursuivre ou être poursuivis.
L'article 2221 al. 1 C.c.Q. prévoit qu'«[à] l'égard des tiers, les associés sont tenus
conjointement des obligations de la société; mais ils en sont tenus solidairement si les
obligations ont été contractées pour le service ou l'exploitation d'une entreprise de la
société». Par exemple, si trois associés d'une société en nom collectif qui détiennent
chacun un tiers des parts sociales de la société ont contracté une obligation conjointe, le
créancier ne pourra réclamer que le tiers de la dette à chacun des associés. Cependant,
si cette obligation est solidaire, le créancier pourra exiger d'un seul d'entre eux le
paiement total de la dette.
L'une des particularités de la société est qu'elle possède un patrimoine distinct de celui
des associés107. Ainsi, un créancier ne pourra poursuivre un associé qu'après avoir
exercé ses droits sur les biens de la société. Si les biens de la société sont insuffisants
pour payer le créancier, celui-ci pourra alors poursuivre les associés. Sa créance sur les
biens de ces associés prendra rang après celle de ses autres créanciers. C'est cette
responsabilité subsidiaire, si l'on peut dire, qui fait défaut pour la qualification de cette
entité de personne morale parfaite.
Enfin, un contrat de société peut prévoir un partage inégal des profits, mais à l'égard des
tiers, tous les associés ont une responsabilité égale et solidaire. Cette caractéristique est
le principal élément qui différencie la société en nom collectif de la société en
commandite.
Chaque associé demeure propriétaire des biens constituant son apport à la société, ce
qui signifie que la société en participation ne possède pas un patrimoine distinct de celui
des associés. Les associés d'une société en participation sont toujours personnellement
responsables à l'égard des tiers avec qui ils ont contracté108.
Les associés ne peuvent engager la société109. De plus, ils doivent exercer leurs recours
en leur nom personnel.
Encore une fois, la convention entre associés serait souhaitable afin de déterminer le
fonctionnement, la gestion et les autres obligations des associés dans le cadre d'une
société en participation. Ce sont les dispositions qui régissent les sociétés en nom
collectif qui trouveront application en l'absence d'une telle convention.
Devant les tiers, les commandités ont de lourdes responsabilités puisqu'ils sont
personnellement responsables des dettes envers les créanciers en cas d'insuffisance
des biens de la société112.
Les sociétés en commandite sont un outil intéressant permettant aux petits investisseurs
de se regrouper afin de mettre sur pied un projet d'investissement commun; l'achat d'un
immeuble locatif à des fins spéculatives en est un exemple.
Cette société peut faire un appel public à l'épargne, en conformité avec la Loi sur les
valeurs mobilièresdu Québec113.
Lorsqu'un associé acquiert toutes les parts des autres associés, le Code civil lui accorde
un délai de 120 jours pour se trouver un nouvel associé et permettre la continuation de
la société116. En l'absence d'un deuxième associé, la société est alors dissoute et
l'entreprise peut continuer d'être exploitée individuellement.
Tout le monde est familier avec ce type d'organisation juridique. La compagnie constitue
une personne juridique distincte de ses propriétaires, soit les actionnaires. En tant
qu'entité distincte, la compagnie possède des droits et des privilèges et elle est sujette à
certaines obligations. Contrairement à une personne physique, elle a, par définition, une
durée de vie illimitée.
3.4.1 — Constitution
Les articles 298 à 333 du Code civil du Québec énoncent les règles essentielles à
l'acquisition de la personnalité juridique des personnes morales, et à son exercice.
D'autres lois, comme la Loi sur les sociétés par actions (Québec)117 et la Loi canadienne
sur les sociétés par actions (Canada)118, viennent compléter ces dispositions
fondamentales et précisent les modes d'organisation et de fonctionnement de ces
personnes morales.
Ainsi, le mode de constitution des sociétés par actions, tant au provincial qu'au fédéral,
s'effectue par la délivrance d'un certificat de constitution à la suite du dépôt de statuts de
constitution.
Ainsi, les statuts de constitution en personne morale peuvent être signés par un
fondateur ou par plusieurs fondateurs. Les fondateurs peuvent être des personnes
morales ou physiques et, dans ce dernier cas, ils doivent être âgés d'au moins 18 ans et
ne peuvent être des faillis non libérés.
3.4.2 — Capitalisation
L'action est une unité du capital d'une société par actions. Il existe différentes catégories
d'actions. L'action confère certains droits à son détenteur.
C'est l'acte constitutif qui crée les diverses catégories d'actions, en spécifiant les droits,
privilèges, conditions et restrictions attachés à chacune.
Ainsi, lorsqu'on veut créer plus d'une catégorie d'actions, il faut énoncer spécifiquement
les droits que l'on veut accorder aux diverses catégories.
Il est obligatoire que les trois droits de base mentionnés ci-dessus soient attribués à au
moins une catégorie d'actions, sans pour autant qu'ils soient accordés à la même
catégorie. Habituellement, les actions dites «ordinaires» comportent les trois droits par
opposition aux actions dites «privilégiées», qui sont habituellement assorties d'un ou
deux de ces droits.
3.4.3 — Fonctionnement
Le fonctionnement de la société par actions est décrit dans chacune des lois
constitutives. Ainsi, elle agit notamment par son conseil d'administration et l'assemblée
d'actionnaires. Cependant, l'administration quotidienne peut être confiée à des
dirigeants, tels les directeurs, les chefs de service, les adjoints administratifs, etc.
Le conseil d'administration
Le conseil d'administration a donc le pouvoir de gérer, de gouverner et de diriger la
société. Les administrateurs sont élus par les actionnaires et doivent agir de bonne foi et
dans le seul intérêt de la société.
Ni la loi québécoise, ni la loi fédérale n'exigent qu'il faille être actionnaire pour être
administrateur d'une société, mais il est possible de fixer cette exigence dans les statuts
constitutifs. Par contre, il faut posséder les qualités suivantes pour être administrateur :
À noter que la loi fédérale prévoit qu'un minimum d'administrateurs doivent être
résidents canadiens.
Cette responsabilité civile des administrateurs est aussi engagée dans plusieurs autres
situations que nous ne soulèverons pas ici.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il faut s'assurer, avant d'agir à titre d'administrateur d'une société (à but lucratif ou non),
que celle-ci possède une bonne police d'assurance responsabilité.
La loi exige qu'il y ait au moins une assemblée par année qui doit porter sur les points
suivants :
Les deux lois permettent, lorsque les règlements de la société le prévoient, de tenir les
assemblées en utilisant des moyens de communication qui permettent à tous les
participants de communiquer adéquatement entre eux.
Les actionnaires qui possèdent des catégories d'actions ayant le droit de vote et,
seulement eux, peuvent voter lors des assemblées. Les actionnaires peuvent déléguer
une autre personne pour les remplacer. En principe, les décisions sont prises à la
majorité absolue, soit 50 % des actions votantes plus un.
Les actionnaires sont donc ceux qui vont permettre ou non à la société de s'engager, de
grandir ou de se restreindre; ce sont eux qui en sont l'organe principal.
Ainsi, tel que présenté, il serait raisonnable de penser que les actionnaires n'encourent
aucune responsabilité pour les fautes, les erreurs ou les omissions commises par la
société par actions dont ils sont membres.
L'article couvre donc deux catégories d'actes : ceux qui, comme la fraude et l'abus de
droit, portent généralement atteinte à des intérêts privés, et ceux qui contreviennent à
des règles d'ordre public. Il pourrait en être ainsi, par exemple, de contraventions à la
réglementation en matière d'environnement, de sécurité publique, de communication ou
de services d'utilité publique.
La protection ainsi donnée aux actionnaires ou le «mur» existant afin d'éviter que des
tiers puissent atteindre la responsabilité des membres est désignée par l'anglicisme
«voile corporatif». Il s'agit en fait d'éviter de faire abstraction de la personnalité morale
distincte pour rechercher directement les personnes membres de la société par actions
responsables de la transgression.
Il est aussi parfois possible d'atteindre la responsabilité d'un membre dans certains cas
particuliers.
Avantages
3) Existence perpétuelle : l'existence d'une société n'est pas affectée par le décès, le
retrait ou la démission d'un actionnaire (art. 314 C.c.Q.).
4) Possibilité de contracter avec ses propres actionnaires : une société étant une
entité juridique distincte de ses actionnaires, elle peut contracter avec qui bon lui
semble. Elle peut donc, par exemple, embaucher son principal actionnaire à titre
d'employé.
Inconvénients
Il est à noter que le 21 juin 2001, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi nº 169
modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives concernant
l'exercice des activités professionnelles au sein d'une société.
Cette loi a modifié le Code des professions123, en permettant aux professionnels qui y
sont autorisés par leur ordre à exercer leurs activités professionnelles au sein d'une
société en nom collectif à responsabilité limitée (SENCRL) ou d'une société par actions
constituée à cette fin124.
Notez que la SENC est un cadre juridique qui est toujours disponible aux professionnels.
Tous les avantages cités précédemment pour la société par actions peuvent maintenant
être utilisés par les professionnels.
Voici un tableau comparatif entre les deux différentes entités juridiques maintenant
autorisées pour ces professionnels.
Tableau 2-5
Selon le Code des professions (RLRQ, c. 26), les Ordres professionnels reconnus au
Québec sont :
Voici les ordres professionnels qui ont complété le processus en vue de permettre à
leurs membres de s'incorporer :
Voici à titre d'exemple, les restrictions imposées concernant la détention des actions de
la société par l'ordre des dentistes et l'ordre des pharmaciens. Notez que chaque ordre
possède ses propres critères.
Dentistes : La totalité des droits de vote rattachés aux actions est détenue par soit :
La totalité des actions qui ne comportent pas de droit de vote est détenue par soit :
La majorité des ordres professionnels ayant autorisé leurs membres à s'incorporer ont
des critères qui se rapprochent beaucoup de ceux énoncés ci-haut pour les dentistes, à
quelques petites différences près. En ce qui concerne les pharmaciens, ils sont très
limités par le règlement de leur Ordre. La description décrite ci-haut ne leur permet pas,
pour la partie officine de leur pratique, d'utiliser une compagnie de gestion, une fiducie et
même d'inclure des membres de la famille pour faire du fractionnement de revenus,
limitant ainsi la mise en place de structures fiscales intéressantes.
Pour prendre connaissance des règlements des différents ordres relativement aux
conditions applicables à la constitution en compagnie/société par actions, consultez le
site (bulletin de décembre 2009).
Si les praticiens œuvrent au sein d'une société de dépenses (ce qui n'est pas une
SENC), la formation d'une SENCRL n'est plus la continuation d'une SENC Il y aura lieu
d'envisager les règles du roulement fiscal à l'égard des actifs transférés à la SENCRL
Consultez le chapitre 20 pour en savoir plus sur les règles régissant les roulements
fiscaux.
Le transfert des activités professionnelles d'une SENC à une SPA est complexe, puisqu'il
implique la création d'une nouvelle entité juridique à qui des droits et obligations sont
transmis. Une telle transmission de droits et obligations emporte diverses conséquences
tant sur le plan juridique que fiscal.
D'abord, comme il s'agit d'une nouvelle personne morale, la société par actions devra
être enregistrée auprès des autorités fiscales en regard de la TPS et de la TVQ (s'il y a
lieu) et des déductions à la source, ainsi qu'auprès des diverses autorités en matière de
relations de travail, comme la Commission de l'assurance-emploi du Canada et Retraite
Québec.
L'évaluation des biens (par exemple un immeuble) peut s'effectuer par un professionnel
de l'évaluation. Cependant, certains actifs, comme l'achalandage, peuvent être plus
difficiles à évaluer. Une attention particulière devra être portée à l'évaluation de
l'achalandage du professionnel, car un achalandage non commercial n'a aucune valeur.
À ce moment, il faudra que les professionnels qui avaient antérieurement formé des
compagnies de gestion ou de services techniques s'interrogent sur la pertinence de
maintenir ces structures en place ou encore de fusionner toutes les activités,
professionnelles et non professionnelles, au sein d'une seule SPA. Le transfert des
activités professionnelles d'une SENC à une SPA ou encore d'un praticien seul à une
SPA est avant tout une décision d'affaires. Comme toute décision d'affaires, elle doit être
analysée en fonction de la réalisation d'objectifs prédéterminés.
Ainsi, une entente écrite entre le professionnel et la société décrivant les services à
rendre à la société et l'établissement du salaire raisonnable eu égard aux services
rendus est un moyen décrit par les autorités fiscales qui permettra de démontrer que
c'est la société qui exploite l'entreprise professionnelle128.
Les avantages et inconvénients liés à la transformation d'une SENC (ou d'une entreprise
individuelle) de professionnels en société sont les mêmes que pour l'incorporation de
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toute entreprise. Une attention particulière doit être portée aux spécificités liées à
l'entreprise professionnelle.
Les professionnels qui désirent exercer leur profession en utilisant leur société de
gestion peuvent le faire en y transférant les actifs ou les parts de la SENC et continuer
l'exercice de leur profession. Toutefois, des modifications doivent être apportées aux
statuts constitutifs afin d'être conformes aux règlements de l'ordre professionnel
concerné.
Les actionnaires signent une convention unanime d'actionnaires lorsqu'ils désirent retirer
des pouvoirs aux administrateurs. Les pouvoirs ainsi retirés sont alors exercés par les
actionnaires.
Il faut souligner que pour être qualifiée de convention unanime, tous les actionnaires
sans exception — même ceux n'ayant pas droit de vote — doivent être parties à cette
convention.
La légalité de ce type de convention est reconnue par la Loi canadienne sur les sociétés
par actions129 de même que par la Loi sur les sociétés par actions130.
Parmi les pouvoirs que les actionnaires pourraient vouloir s'approprier, figurent
notamment ceux-ci :
Bien sûr, cette liste ne se veut pas une liste exhaustive des droits et pouvoirs qui
peuvent être retirés aux administrateurs par une convention unanime d'actionnaires.
Cette convention peut servir à rééquilibrer les forces entre l'actionnaire majoritaire et les
actionnaires minoritaires, pour prévenir une situation où l'actionnaire principal imposerait
ses décisions, sans possibilité pour les autres actionnaires d'intervenir. À titre
d'exemples, les actionnaires pourraient décider d'autoriser eux-mêmes l'émission de
nouvelles actions ou la déclaration des dividendes.
Même si le Code civil du Québec, la Loi sur les sociétés par actions (Québec) et la Loi
canadienne sur les sociétés par actions établissent les règles de base pour le
fonctionnement des sociétés par actions, il n'en demeure pas moins que tout ne peut
être prévu dans les moindres détails, d'où l'utilité d'une convention entre actionnaires.
Les objectifs
Tel que déjà mentionné, la convention entre actionnaires vise à prévenir et à faciliter le
règlement des conflits éventuels entre actionnaires. S'il y a conflit, la convention devrait
fournir les moyens pour le solutionner.
La convention entre actionnaires complète les statuts et les règlements. Pour être
efficace, elle doit répondre d'une façon précise à la situation et aux besoins des
actionnaires.
Les conventions entre actionnaires visent habituellement l'un ou plusieurs des buts
suivants, dont certains se recoupent131 :
2) offre obligatoire;
3) clause «shotgun»;
4) clause d'évaluation;
5) conditions de paiement;
6) clauses d'assurance;
7) clauses de protection;
9) clause de dépositaire;
14) arbitrage;
15) financement;
Il est possible de prévoir que les actions devront être acquises par les autres
actionnaires selon leur pourcentage de détention, de façon à maintenir les actionnaires
dans la même proportion de détention des titres de la société. Si ce n'était pas le cas, un
actionnaire pourrait ainsi augmenter le poids de sa participation et devenir actionnaire
majoritaire.
Cette clause n'accorde pas aux autres actionnaires un droit de propriété des actions
devant être cédées ou un droit absolu d'achat, mais elle représente une option d'achat
des actions disponibles.
2) — Offre obligatoire
Une clause de type «offre obligatoire» vise à obliger l'actionnaire à offrir ses actions aux
autres actionnaires dans certaines situations bien précises, comme au décès d'un
actionnaire ou au moment où il se retire des affaires.
La clause doit donc être rédigée de façon à en faire une offre faite irrévocablement à la
date de la convention, mais sujette à un terme suspensif, le décès d'un actionnaire. Il est
donc primordial que la clause contienne aussi l'acceptation des autres actionnaires pour
être complète.
Il est à noter qu'une clause de type «offre obligatoire» n'est pas la seule qui puisse régler
le sort des actions d'un actionnaire décédé. Par exemple, lorsque les actionnaires ont
des conjoints, il est parfois préférable, pour des raisons d'ordre fiscal, de stipuler à la
convention une clause appelée «options réciproques» ou «double option».
La clause dite «d'offre obligatoire» est en fait une promesse de vente faite mutuellement
par chaque actionnaire aux autres actionnaires, à laquelle correspond une promesse
d'achat faite par ces autres actionnaires, et dont l'exécution est soumise à la même
condition suspensive, soit le décès du «promettant-vendeur». La promesse de vente et
les promesses d'achat étant faites irrévocablement, elles lient les actionnaires ainsi que
leurs héritiers et ayants droit. Il s'agit en fait d'engagements mutuels d'achat-vente
conclus dès la signature de la convention, lesquels deviendront exécutoires lors du
décès de l'actionnaire «promettant-vendeur». Les engagements ci-dessus sont donc
contractés du vivant des individus, le décès n'étant ici que le terme (condition) leur
donnant effet.
Ainsi, au décès d'un actionnaire, ses héritiers ou représentants légaux n'ont d'autre choix
que de procéder à la vente des actions du défunt aux actionnaires survivants qui doivent
les acheter. Cet engagement réciproque protège les actionnaires survivants contre la
présence des héritiers de l'actionnaire défunt dans les affaires de la société. Par ailleurs,
cet engagement garantit également aux héritiers de l'actionnaire décédé que ses actions
seront achetées par les actionnaires survivants à un prix prédéterminé, ce qui leur
permet de réaliser en argent la juste valeur des actions détenues par l'actionnaire
décédé.
Cependant, du point de vue fiscal, le mécanisme de l'«offre obligatoire» fait en sorte que
l'actionnaire défunt est présumé avoir disposé de ses actions à leur juste valeur
marchande, entraînant ainsi, à son décès, la réalisation immédiate du gain en capital
accumulé sur celles-ci (à moins que ces actions puissent bénéficier de la déduction pour
gains en capital accordée aux particuliers sur la disposition d'actions admissibles de
petite entreprise). Ainsi, alors même que le testament du défunt nomme son conjoint
comme seul légataire, la clause d'«offre obligatoire» oblige ce conjoint à disposer
desdites actions en faveur des autres actionnaires. Or le «roulement» prévu aux termes
des lois fiscales en faveur du conjoint n'est possible que lorsque les biens du défunt ont
fait l'objet d'une dévolution irrévocable en faveur de ce conjoint. Une clause d'offre
obligatoire ne permet pas cette dévolution irrévocable au conjoint.
Pour qu'il y ait «dévolution irrévocable» des actions d'un actionnaire décédé à son
conjoint, la convention entre actionnaires devra prévoir une clause dite de «double
option». Il s'agit en fait d'une clause donnant l'option (et non l'obligation) au conjoint de
l'actionnaire décédé d'exiger des actionnaires survivants qu'ils lui achètent les actions lui
ayant été dévolues par succession. Une fois cette option déclenchée par le conjoint, les
actionnaires survivants n'ont alors d'autre choix que d'accepter l'offre.
Cette première option est suivie d'une deuxième option des actionnaires survivants, soit
d'offrir d'acheter les actions du conjoint de l'actionnaire décédé. Ici aussi lorsque les
actionnaires survivants déclenchent cette offre, le conjoint n'a d'autre choix que de
l'accepter. Le résultat final est donc le même que lors d'une offre obligatoire, mais avec
la possibilité additionnelle d'utiliser deux fois la déduction pour gains en capital accordée
aux particuliers. Cette clause de double option, bien qu'elle puisse permettre un
avantage fiscal intéressant, nécessite une rédaction particulière afin de s'assurer que les
Le but visé est de faire en sorte que l'avènement d'une de ces causes entraîne
l'obligation pour l'actionnaire en cause de disposer de ses actions en faveur de ses
coactionnaires.
Quoique ces causes déclenchent une offre obligatoire de la part de l'actionnaire visé, les
autres actionnaires ont habituellement l'option d'accepter ou non.
L'invalidité permanente d'un actionnaire fait souvent partie des causes de retrait des
affaires.
En effet, l'invalidité permanente d'un actionnaire peut, à bien des égards, être assimilée
à son décès. Si l'actionnaire ne peut, à cause de son invalidité, vaquer à ses
occupations habituelles pour la société, c'est comme s'il était mort du point de vue de la
société. Chose certaine, cette invalidité entraîne son retrait réel des activités de
l'entreprise, ainsi que toute possibilité pour lui de continuer à retirer un salaire de celle-ci.
Bien sûr, il est essentiel que l'invalidité dont il est question ici soit permanente et, sinon
totale, du moins suffisante pour empêcher l'actionnaire de fournir tout travail à la société.
Pour bien cerner la définition d'invalidité (totale ou permanente), la convention pourrait
s'en remettre à la définition de celle-ci telle qu'énoncée dans les polices d'assurance
invalidité ou toute autre définition convenue entre les parties.
Il existe des polices d'assurance invalidité qui prévoient qu'advenant l'invalidité d'un
actionnaire, l'assureur verserait des fonds pour le remboursement du rachat de la
participation de la personne invalide.
Les primes d'une telle assurance ne soient pas déductibles aux fins fiscales et les
indemnités ne sont pas imposables.
Depuis maintenant quelques années, l'assurance contre les maladies graves est
souvent utilisée pour financer un rachat d'actions. Dans ce cas, il serait important de
dissocier dans la convention cet événement de celui de l'invalidité. En effet, ces deux
situations sont totalement différentes et reflètent des événements qui peuvent avoir des
conséquences opposées.
Ainsi, les dispositions visant les cas de maladies graves devraient notamment prévoir :
• qu'il sera laissé à l'actionnaire atteint d'une telle maladie (il s'agit ici des maladies
visées dans le contrat de protection et pour lesquelles une prestation serait versée)
le choix de déclencher le rachat de ses actions. Il se peut très bien que ce dernier
décide de demeurer actionnaire de la société. Il faudrait cependant inclure comme
condition de ne pas procéder au rachat, le fait que l'actionnaire est toujours
capable de remplir ses fonctions au sein de la société;
• un délai maximum pour que l'actionnaire exerce son choix;
• ce qu'il adviendrait des fonds dans le cas de non-rachat des actions de
l'actionnaire. Ces derniers pourraient être conservés par la société pour un délai
additionnel afin d'éliminer les risques de rechute ou encore servir à acquitter des
dettes de l'entreprise ou, tout simplement, être distribués aux actionnaires;
• ce qu'il adviendrait s'il y avait décès avant le paiement d'une telle prestation.
Souvent ces produits prévoient un remboursement de primes, et ce paiement
pourrait être appliqué en priorité au paiement des actions du défunt s'il y avait
insuffisance de fonds;
• ce qu'il adviendrait des sommes s'il y avait décès après le paiement d'une
prestation, mais avant le choix permis.
3) — Clause «shotgun»
Cette clause doit être rédigée de façon à ce que l'actionnaire qui déclenche le
mécanisme d'achat ou de vente envers son coactionnaire puisse se trouver dans la
position soit du vendeur soit de l'acheteur. La décision de l'autre actionnaire peut donc
inverser les rôles.
Cette clause peut être dangereuse lorsqu'il y a plus de deux actionnaires. En effet, l'offre
faite par un actionnaire de vendre ses actions aux autres actionnaires pourrait se muer
en obligation de sa part d'acquérir les actions de tous les autres actionnaires, ce qui
pourrait représenter un coût faramineux.
4) — Clause d'évaluation
La clause d'évaluation est probablement la clause la plus importante d'une convention
entre actionnaires, puisqu'elle vise à déterminer un prix juste et équitable pour les
actions vendues. Pour qu'elle soit efficace, la méthode d'évaluation choisie doit
permettre de déterminer rapidement la valeur des actions.
Pour qu'elle soit efficace et fiable, il est primordial que la méthode choisie reflète la
valeur des actions de la société au cours des 12 derniers mois. Cette méthode peut
accorder un escompte quant à la valeur des actions détenues par un actionnaire
minoritaire. D'ailleurs, l'Agence du revenu du Canada (ARC) considère ce fait dans
l'établissement de la juste valeur marchande d'une action.
Il faut également considérer que l'ARC ou Revenu Québec pourrait revoir la valeur
établie pour les actions. La convention pourrait prévoir une compensation financière pour
l'actionnaire-vendeur qui devrait payer un supplément d'impôt à la suite d'une décision
des autorités fiscales modifiant à la hausse la valeur des actions.
5) — Conditions de paiement
Dans une convention entre actionnaires, il est nécessaire de prévoir les délais et les
modalités de paiement dans le cas de vente des actions. Le paiement peut être fait au
comptant ou être étalé sur une certaine période de temps. Les conditions de paiement
peuvent varier aussi selon la cause du retrait. En effet, il se peut fort bien que les
actionnaires décident d'imposer des conditions de paiements étalés sur une plus longue
période de temps à un actionnaire qui aurait fraudé la société, qu'à celui qui désire se
retirer de la société pour une réorientation de carrière.
6) — Clauses d'assurance
Les clauses d'assurance prévoient la possibilité pour les actionnaires ou la société de
souscrire une assurance vie comme mode de financement d'achat ou de rachat des
actions d'un actionnaire décédé. La prestation de décès donne rapidement accès aux
liquidités nécessaires au paiement des actions de la personne décédée. Les
bénéficiaires peuvent être soit les actionnaires soit la société.
Il faut remarquer que le produit de l'assurance vie reçu par la société à la suite du décès
d'un actionnaire ne doit pas être pris en considération lors de l'évaluation des actions de
ce dernier134. En effet, les lois fiscales, tant fédérale que provinciale, stipulent que
l'actionnaire décédé est présumé avoir disposé de ses actions à leur juste valeur
marchande immédiatement avant son décès135, soit avant que le capital assuré ne soit
payable.
Par contre, la valeur de rachat d'une police d'assurance vie doit être prise en compte136
aux fins de l'évaluation des actions immédiatement avant le décès.
7) — Clauses de protection
En cas de vente des actions par un actionnaire qui se retire de la société, les protections
que doivent rechercher les actionnaires-acheteurs concernent les activités futures de
l'actionnaire-vendeur, afin qu'elles ne soient pas en concurrence avec celles de la
société (clause de non-concurrence et de confidentialité). Même en l'absence de vente,
une telle clause vise à s'assurer que les actionnaires engagés activement dans la
société consacreront tout le temps et les efforts nécessaires au succès de l'entreprise.
Le vendeur, quant à lui, doit pouvoir s'assurer du paiement du produit de la vente de ses
actions. Il doit également s'assurer que les acheteurs vont le libérer de ses obligations et
de ses endossements envers les tiers ou, lorsque c'est impossible, il doit obtenir un
engagement de la part des acheteurs qu'ils prendront fait et cause pour lui et qu'ils le
tiendront indemne lors de tout recours pouvant être intenté ultérieurement par des
créanciers de la société.
Selon les circonstances donnant lieu à la disposition des actions, il peut parfois être
avantageux, du point de vue fiscal, que la société procède au rachat de ses actions.
Toutefois, le résultat fiscal d'un rachat d'actions n'est pas nécessairement aussi
avantageux pour une partie qu'il peut l'être pour l'autre. La décision de procéder au
rachat des actions dans un cas précis doit-elle être prise par l'acheteur ou par le
vendeur? Une convention bien rédigée devrait prévoir dans quelles circonstances le
rachat peut être initié par le vendeur ou par l'acheteur, selon un mécanisme tentant de
répartir le plus équitablement possible les avantages et les inconvénients fiscaux qui en
découlent.
Il faut souligner que tant la Loi sur les sociétés par actions (Québec) que la Loi
canadienne sur les sociétés par actions (Canada) exigent que certains critères de
9) — Clause de dépositaire
La clause de dépositaire prévoit que les actionnaires déposent leurs actions entre les
mains d'un tiers pour faciliter l'exécution des dispositions de la convention entre
actionnaires. En effet, lorsqu'un tiers garde en dépôt les actions des actionnaires, cela
évite les délais dus à la négligence ou au refus d'agir de certains actionnaires pour
l'application de certaines clauses. Au point de vue légal, il est plus juste de parler de
cette personne comme étant un dépositaire et non un fiduciaire, un tel contrat étant un
contrat de dépôt et non une convention de fiducie.
Lorsque se produit une situation à laquelle une clause pénale s'applique, il est fréquent
que l'actionnaire fautif doive se départir de ses actions. Souvent, le prix de vente des
actions est alors moindre que la valeur établie par la convention pour les autres
circonstances de transfert d'actions. Cette pénalité doit d'ailleurs être assez élevée de
façon à décourager un actionnaire de contrevenir à la convention.
L'inclusion d'une telle clause ne doit cependant pas empêcher la société ou les
actionnaires de prendre d'autres recours contre l'actionnaire fautif.
Le droit d'entraînement survient lorsqu'un tiers offre d'acheter les actions de l'actionnaire
majoritaire. Cette clause est rédigée en faveur de l'actionnaire majoritaire qui peut alors
forcer les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions au tiers acquéreur.
Le droit de suite accorde quant à lui à l'actionnaire minoritaire l'option d'exiger que ses
actions soient vendues en même temps que celles de l'actionnaire majoritaire.
14) — Arbitrage
Les actionnaires peuvent convenir de référer un différend à un tiers neutre (p. ex. un
arbitre) au lieu de s'adresser à un tribunal137.
15) — Financement
Au-delà de la mise de fonds initiale, l'exploitation d'une entreprise peut exiger de
nouveaux apports de la part des actionnaires. Une clause de financement prévoit
généralement que toute nouvelle mise de fonds doit être faite par chaque actionnaire en
proportion de sa détention d'actions du capital-actions de la société (aucun intérêt
n'étant généralement stipulé en faveur de l'actionnaire), et que tout apport fait par un
actionnaire au-delà de la proportion à laquelle il est tenu se fera sous la forme d'une
créance portant intérêt en faveur de l'actionnaire-créancier ou sous la forme d'actions
privilégiées sans droit de vote et portant dividende.
18) — Hypothèque
Le Code civil permet aux actionnaires d'hypothéquer leurs actions à titre de sûreté138. La
clause hypothécaire a pour effet d'empêcher un actionnaire d'hypothéquer ses actions
sans avoir obtenu le consentement des autres actionnaires. La constitution d'une sûreté
(p. ex. : hypothèque) par un actionnaire sur ses actions pourrait résulter en leur transfert
éventuel au tiers créancier dans le cas où ce dernier exercerait sa garantie à la suite
d'un défaut de son débiteur.
Il peut être sage non seulement d'interdire la cession en garantie des actions, leur
hypothèque ou leur engagement à titre de sûreté, mais d'assortir le manquement à cette
restriction d'une pénalité dissuasive.
Contrairement aux actionnaires d'une société par actions, les associés n'ont pas à
restreindre les pouvoirs des administrateurs de la société pour se les approprier puisque,
par définition, ils peuvent engager la société.
Voici quelques-uns des objectifs visés par le contrat de société de personnes (qui sont
comparables à ceux de la convention entre actionnaires) :
Les clauses pouvant être prévues dans un contrat de société seront également
semblables à celles se trouvant dans une convention entre actionnaires. Il y a donc lieu
de se référer aux explications fournies pour la convention entre actionnaires, en y faisant
les adaptations nécessaires, l'associé remplaçant l'actionnaire et la société remplaçant
la société par actions.
Chapitre 4 — Succession
Le présent chapitre traite du décès. Il vise à familiariser le planificateur financier avec les
principales règles édictées par le Code civil du Québec en la matière, de façon à lui
permettre d'identifier les principaux «pièges» qui guettent le non-initié lors de la
liquidation d'une succession, de connaître les divers modes de transmission des biens
en cas de décès, telle la désignation de bénéficiaire et le testament, et d'approfondir ses
connaissances sur les fiducies testamentaires, le tout de manière à être en mesure de
conseiller le client de façon adéquate.
par la loi du dernier domicile du défunt, tandis que la succession portant sur des
immeubles est régie par la loi de leur situation.
Comme il peut parfois être impossible de déterminer ce fait (p. ex. : lorsqu'une
automobile contenant les cadavres de deux époux est retrouvée plusieurs jours après
leur disparition), l'article 616 du Code civil établit les critères à partir desquels on
considérera qu'il y a eu décès simultané. Il édicte que, si plusieurs personnes décèdent
sans que l'on puisse établir laquelle a survécu à l'autre, elles sont réputées décédées au
même instant, si au moins l'une d'entre elles est appelée à la succession de l'autre
(c'est-à-dire si au moins l'une de ces personnes était désignée par la loi ou par le
Exemple 2-4.1 —
Paul et Pauline, tous deux enfants uniques, étaient mariés en séparation de biens et
n'ont pas d'enfants. À la suite de l'incendie de leur résidence, leurs cadavres sont
retrouvés dans un état que ne permet pas de déterminer lequel des deux est décédé en
premier. Ils n'avaient pas rédigé de testament autre que la clause testamentaire
contenue dans leur contrat de mariage. Compte tenu de leur situation, leurs parents sont
leurs héritiers respectifs, en l'absence de conjoint marié, en fonction de la dévolution
légale prévue au Code civil.
Selon l'article 616 C.c.Q., on écarte la possibilité que Paul hérite de Pauline ou que
Pauline hérite de Paul selon le contrat de mariage.
Les biens de Paul iront donc à ses père et mère et les biens de Pauline à ses père et
mère.
Il est à noter cependant que plusieurs testaments contiennent une clause de survie à cet
effet, édictant que tout légataire doit survivre au testateur pour un délai plus ou moins
long (30, 60 ou 90 jours) afin de bénéficier du testament. Il s'agit en fait d'une condition
imposée par le testateur aux termes de laquelle le légataire doit survivre un certain
nombre de jours au testateur pour hériter. Si ce légataire devait décéder à l'intérieur de
cet intervalle, il n'aurait pas droit au legs qui lui était destiné, tout comme s'il était décédé
au même moment que le testateur.
héritiers.
On remarque ici que le facteur temps n'est pas pertinent. Il est donc possible d'obtenir
un jugement déclaratif de décès en tout temps après la disparition (ex. : explosion d'un
avion en vol).
Lorsqu'un testament contient une substitution ou une fiducie (qui suppose généralement
que les droits de certains bénéficiaires à l'égard des revenus ou du capital se
matérialiseront à une date ultérieure à celle du décès du testateur), alors les
bénéficiaires de cette substitution ou de cette fiducie doivent avoir les qualités requises
pour succéder (c'est-à-dire l'existence civile), non pas lors du décès du testateur, mais
plutôt lorsque la disposition produit effet en leur faveur.
Personne indigne
Le Code civil prévoit également que, pour hériter, une personne ne doit pas être
«indigne». Par exemple, on considérera qu'une personne est indigne d'hériter si elle a
été déclarée coupable d'avoir attenté à la vie du défunt (que l'attentat ait réussi ou non).
Une personne sera également déclarée indigne d'hériter si elle a exercé des sévices sur
le défunt ou si elle a eu envers lui un comportement hautement répréhensible.
De même, sera déclarée indigne une personne qui a recelé, altéré ou détruit de
mauvaise foi le testament du défunt, ainsi qu'une personne qui a gêné le testateur dans
la rédaction, la modification ou la révocation de son testament.
dans son patrimoine au moment de son décès. Dans certains cas cependant, les droits
de ces héritiers se matérialiseront non pas au moment du décès mais au moment
indiqué dans le testament (tel que, par exemple, dans le cas d'un legs en substitution ou
en fiducie). Le Code civil appelle «saisine» le droit de possession ou d'administration
d'un héritier dans les biens d'une personne décédée.
Toutefois, cette saisine des héritiers est subordonnée à celle du liquidateur auquel le
Code civil accorde la possession des biens afin de procéder à la liquidation de la
succession (la nature de la charge du liquidateur sera examinée plus loin). En effet, le
liquidateur étant le maître d'œuvre de la liquidation d'une succession, il est normal que
sa saisine ait préséance sur celle des héritiers afin de lui permettre de s'acquitter
efficacement de sa tâche.
Ainsi, tant que la liquidation de la succession n'est pas achevée, les héritiers, bien que
«propriétaires» des biens de la succession, doivent laisser le liquidateur agir, ce dernier
pouvant même revendiquer des biens de la succession qui seraient déjà en la
possession de certains d'entre eux.
Cet inventaire doit par ailleurs satisfaire aux conditions édictées par le Code civil, à
défaut de quoi les héritiers ne bénéficieront pas de la protection offerte par la loi (et
deviendront quand même responsables des dettes du défunt si elles excédaient la
valeur des actifs de la succession). C'est l'article 1326 du Code civil qui établit les
modalités de l'inventaire auquel est tenu l'administrateur du bien d'autrui (le liquidateur
est un administrateur des biens d'autrui). Cet article se lit comme suit :
L'inventaire auquel peut être tenu l'administrateur doit comprendre l'énumération fidèle et
exacte de tous les biens qu'il est chargé d'administrer ou qui forment le patrimoine
administré.
Il comprend notamment :
L'inventaire fait aussi état des dettes et se termine par une récapitulation de l'actif et du
passif.
Il ne s'agit donc pas d'un inventaire fait à la sauvette mais bien d'un inventaire fidèle et
exact des actifs et des passifs du défunt. Une fois l'inventaire terminé, un avis de sa
confection doit être donné dans un journal circulant dans la localité de la dernière
adresse connue du défunt et pareil avis doit également être publié au registre des droits
personnels et réels mobiliers. Cet avis mentionne le lieu, ainsi que les jours et heures où
l'inventaire peut être consulté. Le but de cet avis est de permettre aux créanciers de la
succession de consulter l'inventaire pour voir si leur créance y a été inscrite, et, dans la
négative, de produire leur réclamation.
Ainsi, dans la mesure où un inventaire fidèle et exact des biens du défunt aura été fait
par le liquidateur ou, le cas échéant, par les héritiers, et que les avis de cet inventaire
auront été donnés de la manière prescrite ci-dessus, les héritiers seront protégés si des
créanciers du défunt, inconnus jusque-là, produisaient leurs réclamations et que ces
réclamations rendaient la succession insolvable.
À moins de savoir que la succession du défunt est déjà insolvable (auquel cas les
héritiers n'auraient qu'à renoncer à la succession aux fins de ne pas engager leur
responsabilité tel qu'il sera vu ci-après), ou à moins d'avoir la certitude que la
succession est manifestement solvable (ce qui nécessite la vérification minutieuse des
«papiers» du défunt et, notamment, de ses déclarations fiscales), on ne saurait donc
passer outre aux formalités de l'inventaire.
Le Code civil prévoit que l'acceptation d'une succession peut se faire de manière
«expresse», c'est-à-dire par la manifestation d'une intention claire (art. 637 C.c.Q.). Il
édicte également que cette acceptation peut être tacite quand le successible fait un acte
qui suppose nécessairement son intention d'accepter. Ainsi, sera considéré comme
comportant tacitement l'acceptation d'une succession le fait de renoncer à cette
succession au profit de certains cohéritiers seulement ou de céder ses droits successifs
dans telle succession. En effet, la renonciation au profit de certains cohéritiers
(renonciation in favorem) seulement ou la cession de droits successifs suppose au
préalable l'acceptation d'une telle succession. Notons que le fait de poser des actes
purement conservatoires de surveillance ou d'administration n'emporte pas acceptation
de la succession (art. 642 C.c.Q.).
Le Code civil prévoit également qu'une succession est considérée comme acceptée
lorsque le successible (la personne désignée comme héritier) :
• n'a pas renoncé à la succession dans les délais prescrits par la loi (en général six
mois à compter de l'ouverture du droit). Cela constitue une acceptation présumée,
acceptation dite «réfragable» parce qu'elle peut être renversée par une preuve
EXEMPLE 2-4.2
Votre beau-frère vient de décéder sans testament. Il laisse dans le deuil ses trois enfants
âgés respectivement 18, 20 et 23 ans. Comme vous êtes leur oncle préféré, ils veulent
vous nommer liquidateur de la succession.
Vous rédigez donc un document signé par les trois enfants vous nommant liquidateur de
la succession. Quelles sont les conséquences?
1- Vous êtes effectivement le liquidateur, car ils viennent de vous déléguer ce pouvoir;
Pour vous nommer liquidateur sans pour autant être présumés accepter la succession,
les enfants auraient dû présenter une requête au tribunal afin que vous soyez nommé
liquidateur de la succession. Cette façon de faire n'entraîne pas la présomption
d'acceptation de la succession par les héritiers.
EXEMPLE 2-4.3
Votre grand-père est décédé la semaine dernière. Vous savez que vous êtes l'un de ses
héritiers. Sans tarder, vous vous rendez à son appartement pour prendre possession de
certains biens qui vous avaient été promis par ce dernier longtemps avant son décès.
Le fait de vous approprier certains biens du défunt sans faire l'inventaire présume une
acceptation de la succession et vous rend responsable de son passif, le cas échéant,
au-delà de la valeur des biens que vous aurez recueillis.
Il faut noter que la succession dévolue au mineur, au majeur protégé (personne déclarée
inapte) ou à l'absent est réputée acceptée à moins que le représentant légal du mineur,
du majeur protégé ou de l'absent n'y ait renoncé avec l'autorisation du conseil de tutelle.
Cette acceptation réputée n'est pas de nature à mettre en danger le mineur, le majeur
protégé ou l'absent, puisque le Code civil décrète qu'ils ne peuvent jamais être tenus au
paiement des dettes de la succession au-delà de la valeur des biens qu'ils recueillent
dans cette succession.
• la renonciation «expresse»;
• la renonciation «présumée»;
• la renonciation «forcée».
La renonciation «expresse»
La renonciation expresse se fait par acte notarié en minute ou par une déclaration
judiciaire (jugement) dont il est donné acte (art. 646, al. 2 C.c.Q.). Il est à noter que la loi
ne permet aucun autre écrit comme preuve formelle de la renonciation expresse à une
succession.
Cette renonciation doit aussi être publiée au registre des droits personnels et réels
mobiliers.
La renonciation «présumée»
Le successible qui a ignoré sa qualité d'héritier à une succession ou ne l'a pas fait
connaître durant dix ans, à compter du jour où son droit s'est ouvert, est réputé avoir
renoncé à cette succession. Cette présomption est irréfragable, c'est-à-dire que le seul
écoulement du délai de dix ans emporte renonciation (art. 650 C.c.Q.).
La renonciation «forcée»
Le successible qui, de mauvaise foi, a diverti ou recelé un bien de la succession ou omis
de le comprendre dans l'inventaire est réputé avoir renoncé à la succession, malgré
toute acceptation antérieure (art. 651 C.c.Q.).
Il faut retenir de tout ce qui précède que le successible qui a renoncé à une succession
conserve, dans les dix ans depuis le jour où son droit s'est ouvert, la faculté d'accepter
cette succession si elle n'a pas été acceptée par un autre entre-temps (art. 649 C.c.Q.).
Toutefois, si la renonciation originale est une renonciation «présumée» ou «forcée»
(comme celles prévues aux articles 650 et 651 C.c.Q.), elle est alors irréfragable et le
«renonçant» ne pourra plus, par la suite, accepter cette succession.
Les personnes que le Code civil désigne comme bénéficiaires de ce soutien financier
sont :
Ces personnes ont un délai de six mois à compter du décès pour «produire» leur
réclamation. Il est à noter que ce délai de six mois est de rigueur et qu'une réclamation
L'établissement de la «contribution»
Quelle valeur une personne bénéficiant du principe de la survie de l'obligation
alimentaire peut-elle réclamer de la succession de la personne qui assurait son soutien
financier? Dans un cas, le Code civil établit cette contribution; dans les autres, il se
contente de déterminer les modalités servant à son établissement. Ainsi, à l'égard de
l'ex-conjoint qui percevait des aliments du défunt lors de son décès, cette contribution
est établie à 12 mois d'aliments (pension alimentaire) ou 10 % de la succession fictive et
ne peut être réduite même si cet ex-conjoint bénéficie d'une façon quelconque d'autres
avantages découlant du décès du débiteur alimentaire, des bénéfices d'une assurance
vie ou d'un legs particulier aux termes du testament.
EXEMPLE
Monsieur, divorcé et payant une pension alimentaire à son ex-conjointe de 2 000 $ par
mois, décède. Dans son testament, il lègue à son ex-conjointe une somme de 100 000 $
et le résidu de ses biens à ses trois enfants.
L'ex-conjointe a, dans les six mois suivant le décès de monsieur, le droit de réclamer à la
succession (trois enfants), un montant de 24 000 $, même si elle hérite d'un 100 000 $.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Indiquer dans le testament que le legs de 100 000 $ sera réduit de tout montant pouvant
être réclamé au titre de l'obligation alimentaire. Ainsi, l'ex-conjointe recevrait 100 000 $
et non 124 000 $, si telle est l'intention du testateur évidemment.
À l'égard des autres «créanciers» (par exemple, le conjoint non séparé, le conjoint
séparé de corps, les enfants et les parents du défunt), le Code civil n'établit pas la valeur
de cette contribution mais mentionne qu'elle doit être établie à l'amiable avec le
liquidateur, agissant avec le consentement des héritiers et des légataires particuliers. Si
une entente est impossible (il y a fort à parier que cela se produira en de nombreux cas),
il revient au tribunal d'établir le montant de cette contribution.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Il faut souligner que le testament peut étendre les pouvoirs du liquidateur et lui permettre
de transiger seul avec les «créanciers alimentaires» en cette matière, sans avoir à
obtenir l'approbation ou le consentement des héritiers et des légataires particuliers, ce
qui évitera de mêler les bénéficiaires du testament aux discussions et pourra, dans bien
des cas, accélérer la conclusion de l'entente entre ces «créanciers» et la succession.
Lorsque le montant de la «contribution alimentaire» n'est pas déterminé par le Code civil
(conjoint non séparé, conjoint séparé de corps, enfants, parents), les critères suivants
servent à établir le montant de la «contribution alimentaire» payable au «créancier»
d'aliments :
• l'actif de la succession;
• les avantages que retire le «créancier» de la succession;
• les besoins et facultés des héritiers et légataires;
• le droit d'autres personnes à recevoir des aliments;
• le fait que le «créancier» reçoive déjà une pension alimentaire;
• les besoins et facultés du créancier, ainsi que le temps jugé nécessaire pour lui
permettre d'acquérir une certaine autonomie.
Il est donc tenu compte des moyens financiers de la succession (le débiteur), des
besoins du «créancier», des avantages que ce dernier retire par ailleurs de la
succession (il n'est pas nécessairement complètement déshérité), des réclamations
d'autres «créanciers alimentaires», ainsi que des besoins des héritiers et des légataires
de la succession. Le Code civil tente donc d'apporter une aide financière aux
«créanciers alimentaires» visés par le principe de la survie de l'obligation alimentaire,
sans pour autant que cette aide soit disproportionnée compte tenu des moyens
financiers de la succession, et en respectant également les droits légitimes des héritiers
et légataires de la succession du défunt.
Règles particulières
Si le créancier est le conjoint ou un descendant du défunt, on tient compte non
seulement de l'actif successoral réel, mais aussi d'un actif successoral fictif (il s'agit-là
d'un actif «comptable» seulement) aux fins de déterminer le montant de la contribution.
L'actif fictif n'est donc pas un actif transmis dans la succession du défunt; il ne sert qu'à
déterminer le montant de la contribution alimentaire.
Cet actif fictif est composé de la valeur des libéralités (dons) entre vifs faites par le
défunt dans les trois ans précédant son décès, des libéralités entre vifs ayant pour terme
le décès (même si elles ont été faites plus de trois ans avant le décès), ainsi que des
avantages d'un régime de retraite au sens des règles propres au patrimoine familial ou
encore des avantages d'une police d'assurance vie qui aurait été versée à la succession
ou au «créancier alimentaire» lui-même, si le défunt n'avait pas désigné un titulaire
subrogé ou un bénéficiaire dans les trois ans précédant son décès.
À noter que le terme «libéralité» comprend également toute aliénation, sûreté ou charge
consentie par le défunt pour une prestation très inférieure à celle du bien au temps où
l'acte a été fait.
Exemple 2-5
Un individu marié se sépare «de fait» de sa conjointe en janvier 2000 (il est donc
toujours marié à cette dernière). Le produit de sa police d'assurance vie était jusqu'alors
payable à sa succession. En janvier 2001, il change cette désignation de bénéficiaire au
profit de sa nouvelle conjointe «de fait»; il décède en 2010. Son testament déshérite
Le «plafond» de la contribution
Afin de ne pas appauvrir indûment la succession à la suite du versement des diverses
contributions alimentaires, le Code civil établit le montant maximal pouvant être versé à
chaque «type» de créancier alimentaire, et ce, peu importent les critères servant à
établir cette contribution dont il a été question précédemment.
Sans entrer dans tous les calculs, mentionnons que le maximum pouvant être réclamé
par un conjoint ou un enfant pourrait être l'équivalent de 50 % de la part qu'aurait reçue
ce conjoint ou cet enfant si toute la succession (fictive) avait été dévolue ab intestat.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Comme le délai pour produire une telle réclamation est de six mois à compter de
l'ouverture de la succession, un liquidateur qui procéderait trop rapidement au
«règlement» de cette succession en faisant une distribution hâtive des biens aux
légataires mentionnés au testament pourrait se retrouver en fâcheuse position si une
telle réclamation était produite par l'ex-conjointe. Si les valeurs distribuées aux légataires
et héritiers aux termes du testament ne pouvaient être récupérées entre leurs mains, le
liquidateur pourrait voir sa responsabilité engagée et éventuellement être tenu lui-même
de payer ces valeurs aux personnes bénéficiant du soutien alimentaire.
Le testament doit donc faire l'objet d'une attention particulière aux fins de minimiser les
inconvénients dus aux réclamations éventuelles de «créanciers alimentaires» lors du
règlement de la succession. Ceci est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit du testament
d'une personne vivant en «famille reconstituée».
Il est à noter que la représentation est applicable aussi dans le cas d'une succession
testamentaire, mais cette fois, uniquement lorsque le legs est fait à tous les descendants
ou à tous les collatéraux du testateur qui auraient été appelés à sa succession s'il était
décédé sans testament.
Lorsque la représentation ne joue pas, on dit que les legs «accroissent» en faveur des
autres héritiers, normalement en proportion de leur part.
Exemple 2-7
Nicole rédige un testament dans lequel elle lègue tous ses biens en parts égales entre
son frère Roger et ses deux sœurs Sylvie et Aline. Or, les parents de Nicole sont encore
en vie, de même que son frère Jacques. Malheureusement, sa sœur Aline l'a
prédécédée. Puisque le legs n'est pas fait en faveur de tous les collatéraux de Nicole qui
auraient été appelés à sa succession si elle était décédée sans testament, les enfants
de sa sœur Aline ne peuvent la représenter à la succession de Nicole. La part d'Aline
sera plutôt dévolue par accroissement à ses co-héritiers, Roger et Sylvie.
Le terme «dévolution légale» fait référence à la façon dont est partagée la succession
d'un individu décédé sans avoir fait de testament. Sa succession est dévolue au conjoint
survivant et à la famille du défunt, dans l'ordre cité ci-dessous.
Le Code civil établit un ordre de priorité entre les héritiers. En fait, il crée trois ordres de
dévolution. S'il y a des héritiers dans le premier ordre, ils éliminent automatiquement
ceux des deuxième et troisième ordres. S'il ne se trouve aucun héritier dans le premier
ordre, il faut alors regarder dans le deuxième ordre et, le cas échéant, ils auront priorité
sur ceux du troisième ordre. Il en va de même pour ceux du troisième ordre par la suite.
Regardons le lien qui unit les héritiers dans chacun des ordres.
Une fois toutes les dettes de la succession acquittées (parmi lesquelles se trouvent
celles mentionnées au paragraphe précédent), le reste des biens de la succession se
partage entre les héritiers légaux et, à ce titre, le conjoint survivant reçoit un tiers (1/3)
de cette valeur résiduelle. Donc, si le conjoint survivant a des droits patrimoniaux et
matrimoniaux à faire valoir à l'égard de la succession de son conjoint, le cumul de sa
qualité de créancier et d'héritier pourrait lui permettre de recevoir, dans les faits, plus
qu'un tiers (1/3) de la succession du défunt.
La fente successorale est une opération par laquelle on divise en deux parts égales la
totalité ou une portion d'une succession pour les attribuer respectivement aux lignes
maternelle et paternelle du défunt.
Les règles relatives aux ordres de dévolution ne nous permettent pas, à elles seules, de
résoudre ce problème.
Par conséquent, il faut avoir recours aux règles de la fente successorale. En fait, il
faudra préalablement «fendre» la succession en deux entre les lignes maternelle et
paternelle du défunt, avec la particularité que le parent germain (i.e. ayant le même père
et la même mère que le défunt) sera héritier dans les deux lignes. Ce faisant, vous
comprenez que la demi-sœur ou le demi-frère du défunt héritera d'un plus faible
pourcentage que son parent germain.
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Ainsi, si nous appliquons la fente successorale à notre exemple, l'héritier d'Henri du côté
maternel est Simon (même père, même mère) et les héritiers d'Henri du côté paternel
sont Ginette (demi-sœur) et Simon.
Nous avons mentionné que le parent germain d'Henri, Simon, était considéré héritier
dans les deux lignes, ce qui donnerait le résultat suivant :
• Ginette
Simon : 3/4
Ginette : 1/4
liquidateurs en vertu de l'article 785 C.c.Q. Cependant, ces derniers pourraient, par vote
majoritaire, désigner une personne pour agir à titre de liquidateur de cette succession.
Il est à noter que les règles ci-dessus s'appliqueraient même en matière de succession
testamentaire si le testament faisait défaut de pourvoir à la désignation d'un liquidateur.
Cependant, en règle générale, le testament (du moins s'il est rédigé par un juriste)
prévoit les modalités de désignation du liquidateur, ainsi que celles de son
remplacement. Lors de l'étude des dispositions testamentaires, les fonctions du
liquidateur de la succession seront examinées davantage.
L'article 776 du Code civil définit en ces termes la liquidation d'une succession :
L'on appelle «successible» l'héritier qui n'a pas encore accepté la succession. Dès son
acceptation, il est qualifié d'héritier.
Les règles de base en matière de dévolution légale des successions ayant été
examinées, l'on abordera maintenant de quelle façon un individu peut prévoir lui-même
les modalités de transmission de ses biens en cas de décès. Ainsi, les modes de
transmission suivants seront successivement étudiés, soit : la désignation de
bénéficiaire, le contrat de mariage et le testament.
Rappelons ici que la charge de liquidateur existe, que la succession soit de nature
testamentaire ou légale (ab intestat). En ce dernier cas, ou lorsque le testament ne
pourvoit pas à la désignation d'un liquidateur, le Code civil désigne les héritiers comme
liquidateurs de la succession, ces derniers pouvant, par décision majoritaire, confier
cette tâche à l'un d'entre eux, comme il a été vu précédemment.
La désignation du liquidateur
Lorsqu'il a été question de la succession ab intestat (sans testament), la loi désigne les
héritiers. Dans le cas d'une succession testamentaire, les héritiers sont les légataires
universels ou à titre universel. Le légataire à titre particulier n'est pas un héritier. Son
statut s'apparente davantage à celui d'un créancier de la succession. Par ailleurs, le
testament peut prévoir des dispositions relativement à la désignation d'un liquidateur ou
de plusieurs liquidateurs de la succession. Un testament bien structuré prévoira
normalement de manière très détaillée de quelle façon s'opérera la désignation et le
remplacement du liquidateur ou des liquidateurs de la succession. Il faut donc vérifier
avec le testateur s'il désire que plusieurs personnes soient appelées à agir comme
liquidateurs de la succession.
Il faut comprendre ici que chaque cas est un cas d'espèce et que les dispositions du
testament relatives à la nomination et au remplacement du liquidateur peuvent varier
selon les circonstances. Ainsi, prenons le cas du testateur qui désire nommer son frère à
titre de liquidateur de sa succession, ce dernier étant un gestionnaire habile, possédant
de surcroît les disponibilités voulues pour s'acquitter efficacement de cette tâche.
Toutefois, advenant que ce dernier décède avant le testateur ou, pour une raison
quelconque, soit incapable d'accepter la charge de liquidateur ou de la remplir pendant
toute sa durée, il est possible que le testateur veuille, dans ces circonstances, nommer
non pas un, mais plusieurs remplaçants devant alors agir conjointement, soit parce qu'il
désire que ces personnes se répartissent entre elles les différentes tâches reliées au
règlement de la succession (ces personnes n'ayant pas les mêmes disponibilités que le
frère du testateur), soit pour toute autre raison.
Peu importent les volontés du testateur, le testament devra les énoncer de manière
claire et précise pour éviter toute interprétation.
Voici un autre exemple, celui du testateur qui désire nommer liquidateurs ses trois
enfants majeurs. Désire-t-il qu'il y ait trois liquidateurs pendant toute la durée de la
liquidation de la succession advenant le cas où l'un ou l'autre de ses enfants ne puisse
s'acquitter de cette tâche? Le testament devra énoncer clairement les règles à suivre.
Ainsi, dans le cas où le testateur désire s'assurer de la présence conjointe de trois
liquidateurs pendant toute la durée de la succession, le testament prévoira qu'en cas de
décès, refus ou incapacité quelconque de l'un ou l'autre des liquidateurs, on devra
procéder à son remplacement, et on indiquera le nom de ce successeur ou la procédure
par laquelle il devra être désigné.
À cet égard, le Code civil n'est pas limitatif, se contentant de mentionner que «le
testateur peut désigner un ou plusieurs liquidateurs; il peut aussi pourvoir au mode de
leur remplacement» (art. 786 C.c.Q.). Ainsi, le testament pourra désigner nommément
une personne (ou plusieurs personnes) appelée à agir en remplacement d'un liquidateur
qui refuserait la charge ou dont les fonctions se termineraient avant le terme de la
liquidation de la succession.
3) la reddition de compte;
6) la rémunération du liquidateur;
3) La reddition de compte
À la fin de son administration, le liquidateur doit rendre compte de sa gestion. Ce compte
doit être suffisamment détaillé pour permettre aux héritiers d'en vérifier l'exactitude. De
plus, si la liquidation d'une succession s'étend au-delà d'une année, il est du devoir du
liquidateur de produire un compte de sa gestion à la fin de cette première année et, par
la suite, au moins une fois l'an, et ce, tant que la liquidation n'est pas terminée.
6) La rémunération du liquidateur
Le Code civil prévoit que tout liquidateur, qu'il soit ou non l'un des héritiers, a droit au
remboursement des dépenses encourues dans l'exécution de sa charge. S'il n'est pas
l'un des héritiers, il a également droit à une rémunération. S'il est héritier, il peut être
rémunéré, à la condition que le testament y pourvoie ou que les héritiers en conviennent.
Les règles énoncées par le Code civil aux deux phrases précédentes sont toutefois
supplétives et ne s'appliquent qu'en l'absence de dispositions expresses dans le
testament. Ce dernier pourra indiquer si le liquidateur a droit à une rémunération et,
dans l'affirmative, devra préciser le mode d'établissement de cette rémunération.
Ainsi, il sera possible pour le testateur d'indiquer qu'un héritier qui agit aussi comme
liquidateur ne sera pas rémunéré ou, qu'au contraire, il recevra la même rémunération
que celle qui serait attribuée à un liquidateur qui n'est pas un héritier. Il sera également
important que le testament établisse le mode de rémunération d'un liquidateur. Il pourra
s'agir, par exemple, d'un taux horaire déterminé par le testament, lequel pourra être
indexé, le cas échéant, ou du taux horaire alors chargé par la personne désignée
comme liquidateur de la succession. En d'autres cas, on pourra établir une rémunération
forfaitaire pouvant elle aussi être indexée, si désiré. Ce ne sont là que quelques
exemples de la manière de déterminer la rémunération d'un liquidateur.
Quel que soit le type de rémunération souhaité, il est important que le testament
l'établisse clairement. À défaut par le testament d'établir les modalités de rémunération,
telle rémunération devra être déterminée par les héritiers ou, en cas de désaccord entre
les héritiers, par le tribunal. Il est donc préférable que le testament soit explicite sur toute
question concernant la rémunération du liquidateur.
Le Code civil donne au liquidateur les pouvoirs d'un administrateur du bien d'autrui
chargé de la «simple administration». Ce type d'administration étant empreint d'un souci
de protection des actifs, les pouvoirs de l'administrateur sont limités à des actes destinés
à conserver le bien ou à maintenir l'usage auquel il est normalement destiné.
Comme le liquidateur est souvent choisi parmi les amis et la famille du défunt, il est de
pratique de ne pas leur imposer les devoirs de fructification et d'augmentation du
patrimoine.
Le Code civil restreint les pouvoirs du liquidateur d'aliéner (de disposer) les biens de la
succession. Ainsi, le Code civil édicte que le liquidateur peut disposer seul d'un bien
meuble susceptible de dépérir ou de se déprécier rapidement, ou simplement trop
dispendieux à conserver, mais qu'il ne peut cependant aliéner les autres biens de la
succession sans l'autorisation des héritiers ou, à défaut, sans celle du tribunal. Comme il
est souvent préférable que le liquidateur ait toute la latitude voulue en la matière, le
testament peut étendre ses pouvoirs en lui donnant expressément le pouvoir de
procéder seul à toute aliénation qu'il jugera nécessaire dans le cadre de la liquidation de
la succession.
En principe, le liquidateur n'est pas autorisé d'office par la loi à procéder lui-même au
partage des biens de la succession entre les héritiers. Ces derniers peuvent cependant
lui demander de joindre une proposition de partage à sa reddition de compte. Ils peuvent
également lui demander de procéder lui-même au partage. Cependant, le testament
peut donner au liquidateur des pouvoirs étendus en la matière, incluant le pouvoir de
procéder seul à la composition, l'évaluation et à l'attribution des lots. Cette clause se
trouve généralement dans les testaments rédigés par des professionnels du droit.
L'article 2446 C.c.Q. prévoit qu'une désignation de bénéficiaire peut se faire dans la
police même ou dans un autre écrit revêtu, ou non, de la forme testamentaire. Il n'y a
donc pas de forme sacramentelle prévue pour la désignation d'un bénéficiaire. Cet écrit
doit cependant être notifié à l'assureur pour lui être opposable (art. 2452 C.c.Q.). À
défaut d'avoir été avisé, le paiement fait de bonne foi par l'assureur au dernier
bénéficiaire dont il avait connaissance le libérera de ses obligations (art. 2452 C.c.Q.).
Par contre, le bénéficiaire lésé pourra exercer des recours pour récupérer les sommes
reçues par le bénéficiaire qui avait été révoqué (et qui a donc reçu les sommes sans
droit).
Il faut savoir qu'une désignation de bénéficiaire d'une police d'assurance vie détenue
conjointement par deux titulaires (propriétaires) ne pourra se faire par testament
puisqu'elle requiert la signature des deux propriétaires. Cette particularité a également
pour effet de rendre impossible un changement de bénéficiaire à partir du moment où un
des deux titulaires devient inapte.
D'autre part, il faut mentionner que lorsque le conjoint est désigné comme bénéficiaire,
soit dans la police ou dans un écrit autre qu'un testament, cette désignation est
irrévocable, sauf stipulation contraire. Le conjoint dont il est question ici est le conjoint
légal (marié ou uni civilement) et non le conjoint «de fait». La désignation de toute autre
personne que le conjoint à titre de bénéficiaire est toujours révocable à moins d'une
stipulation contraire. Finalement, une désignation de bénéficiaire faite dans un testament
est toujours révocable, même si cette désignation est faite en faveur du conjoint.
Il est important de noter que toute désignation demeure révocable tant que l'assureur ne
l'a pas reçue (art. 2451 C.c.Q.) et qu'au Québec, pour avoir accès à la valeur de rachat
de sa police d'assurance, le propriétaire n'a pas à obtenir l'autorisation du bénéficiaire
irrévocable, sauf si le contrat d'assurance le prévoit.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Si le titulaire du contrat voulait écarter cet accroissement, il pourrait procéder par une
désignation de bénéficiaires subrogés.
Qu'en est-il si plusieurs bénéficiaires sont désignés avec mention d'une répartition entre
eux selon des pourcentages (mêmes égaux) et que l'un de ces bénéficiaires prédécède
l'assuré?
Dans une telle situation, il n'y a pas accroissement aux cobénéficiaires survivants. La
part du bénéficiaire prédécédé reviendra au titulaire (ou à sa succession si le titulaire est
également l'assuré).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Si le titulaire voulait qu'il y ait accroissement quand même, il faudrait qu'il le spécifie par
Il est donc important, lors de l'analyse de la situation au décès, de toujours vérifier s'il
existe ou non des bénéficiaires des produits d'assurance vie et, dans l'affirmative, de
vérifier si cette désignation correspond bien aux volontés du titulaire ou de l'adhérent de
la police d'assurance en cause.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Par exemple, un individu rédige son testament et désire, aux termes de ce testament,
léguer la plus grande partie de ses biens à son conjoint survivant, mais voudrait que le
produit de la police d'assurance vie qu'il détient (et dont le produit est payable sans
incidences fiscales) soit transféré dans une fiducie permettant aux fiduciaires d'utiliser
les revenus (et au besoin le capital) pour les besoins d'instruction, d'éducation et de
soutien alimentaire de son enfant. Pour réaliser cette volonté, il est possible de prévoir la
création de la fiducie par testament et de diriger le produit de l'assurance dans la
succession qui remettra le montant à la fiducie143.
Il peut parfois s'avérer primordial que le produit d'assurance vie soit versé à un
bénéficiaire désigné pour ainsi éviter qu'il ne se trouve dans le patrimoine de la
succession et devienne le gage commun des créanciers du défunt (puisque le produit
d'assurance stipulé payable à un bénéficiaire désigné ne fait pas partie de la succession
de l'assuré). Il est donc nécessaire, dans le cadre de toute planification testamentaire,
de vérifier s'il existe un bénéficiaire du produit d'assurance vie et de s'interroger sur la
pertinence de cette désignation.
On peut résumer les dispositions qui précèdent de la façon suivante : la somme assurée
payable à un bénéficiaire ne fait pas partie de la succession de l'assuré (art. 2455
C.c.Q.). Donc, si le produit d'assurance vie est payable à un bénéficiaire désigné, tel
produit sera remis directement à ce bénéficiaire, sans égard aux stipulations du
testament ou à celles du Code civil (dans le cas où l'assuré est décédé sans testament).
De plus, une telle disposition (la désignation d'un bénéficiaire) permettra de soustraire ce
produit d'assurance aux créanciers de la personne décédée puisque ce produit ne fait
pas partie de sa succession. Par contre, il deviendra saisissable par les créanciers du
bénéficiaire désigné.
Bien que certains jugements l'aient accepté, nous tenons à préciser qu'au Québec, il est
impossible de créer une fiducie par une désignation de bénéficiaire. Pour qu'une fiducie
testamentaire puisse être désignée comme bénéficiaire, il faut qu'elle ait été valablement
créée par testament144. Dans le même sens, dans le cas où un propriétaire assuré
désire que le produit d'assurance soit versé au bénéfice de son enfant mineur, il nous
semble à tout le moins risqué de tenter de nommer un administrateur indépendant dont
l'administration serait soustraite à l'administration du tuteur en vertu de l'article 210
C.c.Q. à moins que ce ne soit par testament.
Il faut également retenir que si le produit d'assurance est stipulé payable à la succession
de l'assuré, à ses ayants cause, héritiers, liquidateurs ou autres représentants légaux,
alors le produit d'assurance fera partie de la succession de l'assuré et n'aura pas pour
effet de soustraire ledit produit d'assurance aux créanciers de la personne assurée. La
dévolution de ce produit d'assurance s'opérera selon les règles prévues par le Code civil
(dans le cas d'une succession ab intestat) ou selon les termes du testament du défunt.
Par ailleurs, les dispositions du Code civil permettent également de protéger les droits
conférés par un contrat d'assurance vie (valeur de rachat et participations) lorsqu'une
désignation de bénéficiaire a été faite et que cette désignation correspond à certains
critères bien précis.
Ainsi, l'article 2457 C.c.Q. prévoit que, lorsque le bénéficiaire désigné de l'assurance est
le conjoint marié ou uni civilement, le descendant ou l'ascendant du titulaire de la police
ou de l'adhérent (lorsqu'il s'agit d'un contrat d'assurance collective), les droits conférés
par le contrat sont insaisissables tant que le bénéficiaire n'a pas touché la somme
assurée. Par ailleurs, l'article 2458 C.c.Q. mentionne que «[t]ant que la désignation à
titre irrévocable subsiste, les droits conférés par le contrat au titulaire, à l'adhérent et au
bénéficiaire sont insaisissables».
Donc, du vivant du titulaire ou de l'adhérent d'un contrat d'assurance vie, les droits
conférés par ce contrat pourront être protégés de la saisie des créanciers dudit titulaire
ou adhérent (en assurance collective) si le bénéficiaire désigné du produit d'assurance
vie est :
• le conjoint légal du titulaire ou de l'adhérent (que la désignation ait été faite à titre
révocable ou irrévocable);
• un ascendant du titulaire ou de l'adhérent (que cette désignation soit faite à titre
révocable ou irrévocable);
• un descendant du titulaire ou de l'adhérent (que cette désignation soit faite à titre
révocable ou irrévocable); et
• toute autre personne (à l'exception de celles mentionnées ci-dessus) à condition
que la désignation faite en faveur de cette personne soit irrévocable.
Il est à noter qu'une désignation de bénéficiaire faite par testament n'a d'effet qu'au
décès du testateur à moins que l'assureur n'en ait été avisé. Par conséquent, les droits
conférés par un contrat dont le bénéficiaire n'a été désigné que par testament seront
saisissables même si la désignation a été faite en faveur d'une personne visée par
l'article 2457 C.c.Q.
Il est enfin utile de rappeler les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2459 C.c.Q.
qui édicte que le divorce ou la nullité du mariage et la dissolution ou la nullité d'une union
civile rendent caduque (inopérante) toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire
ou de titulaire subrogé, que cette désignation ait été révocable ou irrévocable. Dans ces
cas, la révocation du conjoint à titre de bénéficiaire d'une assurance vie fait en sorte que
le produit de telle assurance deviendra payable à la succession du titulaire assuré, à
moins qu'un bénéficiaire subsidiaire ait déjà été prévu aux termes du contrat
d'assurance.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Le propriétaire d'un contrat qui est en situation d'insolvabilité ou de faillite non libérée et
qui est en voie de divorcer aura intérêt à procéder à la nomination d'un bénéficiaire
subrogé privilégié afin d'éviter la saisie des droits conférés par son contrat une fois que
son divorce aura été prononcé. Il pourrait également demander au juge prononçant son
divorce de maintenir la désignation de bénéficiaire en faveur de son conjoint.
Monsieur est propriétaire d'une assurance sur la vie de sa conjointe. Dans le contrat,
Monsieur est désigné comme bénéficiaire.
Le deuxième alinéa de l'article 2459 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :
Le divorce ou la nullité du mariage et la dissolution ou la nullité d'une union civile rendent
caduques toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire ou de titulaire subrogé.
Réponse :
Il faut d'abord déterminer à quel conjoint se réfère l'article 2459, al. 2 C.c.Q. Dans les
règles relatives à l'assurance vie en droit civil, le lien s'établit toujours avec le titulaire
(propriétaire) du contrat. Ainsi, c'est au conjoint du titulaire que se réfère l'article 2459,
al. 2 C.c.Q. Donc, dans cet exemple, comme Monsieur ne peut être le conjoint de lui-
même, la disposition ne peut s'appliquer. Monsieur, à titre de titulaire, serait toujours le
bénéficiaire du contrat.
Il faut par ailleurs noter que la séparation de corps n'entraîne pas d'office la révocation
du conjoint à titre de bénéficiaire d'une assurance vie. Cependant, le tribunal peut, à sa
discrétion, opérer une telle révocation lors du prononcé du jugement de séparation de
corps.
d'assurance sont des rentes différées à capital variable et sont par conséquent
également régis par ces articles du C.c.Q.
Par ailleurs, l'article 178 de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne148
indique que les fonds constituant les rentes à terme fixe sont insaisissables entre les
mains de la société de fiducie comme s'il s'agissait de rentes à terme fixe pratiquées par
les assureurs.
De ce qui précède, on peut constater qu'il est possible, en cas de décès, de prévoir la
transmission de certains biens, tels les contrats d'assurance vie et certains types de
placements (rentes), par des moyens autres que la rédaction d'un testament, soit au
moyen de la désignation de bénéficiaire. Cette désignation, tant en matière d'assurance
vie que de rentes, aura pour effet d'exclure les sommes visées de la succession de
l'assuré et de rendre rapidement disponibles des liquidités au bénéficiaire lors de son
décès. Cette désignation sera également très utile dans les cas où on désire accorder
une certaine protection à ses biens à l'égard de créanciers éventuels.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Certaines personnes souhaitent que leur conjoint ou un proche ait rapidement accès à
certains montants d'argent à la suite de leur décès. Bien qu'il soit fréquent de proposer
un produit d'assurance-vie dans ces situations, il pourrait aussi être opportun de
proposer de remplacer un ou des placements traditionnels par un produit de rente à
capital fixe (placement à terme de compagnie d'assurance) ou à capital variable (fonds
distincts) sur lequel il est possible de faire une désignation de bénéficiaire. Par exemple,
un client pourrait remplacer un certificat de placement garanti de 5 000 $ par un produit
de placement à terme du même montant auprès d'une compagnie d'assurance et y
désigner son conjoint ou son enfant comme bénéficiaire en cas de décès. Ces liquidités
deviendront ainsi rapidement disponibles puisqu'elles seront versées directement au
bénéficiaire suivant le décès sans qu'il soit nécessaire d'attendre que l'inventaire de la
succession ait été dressé et que le liquidateur ait obtenu les autorisations fiscales
requises pour libérer les sommes.
être enregistré à titre de «compte d'épargne libre d'impôt»152. Ces définitions prévoient
essentiellement trois formes de «contrats» ou «d'arrangements» susceptibles d'être ainsi
enregistrés :
Notons qu'aux fins de l'application de la L.I.R., les CRI et les FRV sont respectivement
des REER et des FERR.
Cependant, la loi fiscale ne définit pas ce que sont une rente, une fiducie et un dépôt, il
faut donc se référer aux lois applicables dans la province de résidence du particulier
pour déterminer les conditions de validité de ces contrats154.
Au Québec, les règles applicables aux différents contrats se trouvent dans le Code civil
du Québec. On y définit le contrat de rente155, la fiducie156 et le simple prêt157 qui est le
type de contrat qui régit la relation entre le déposant et l'institution financière lors d'un
dépôt bancaire.
De la même façon, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il est possible de procéder à une
«désignation de bénéficiaire» ou de «titulaire subrogé» dans un REER, FERR ou CELI,
on doit se référer au droit applicable dans la province du rentier ou du titulaire. Au
Québec, les articles 2379 et 2445 C.c.Q. prévoient que les seuls contrats dans lesquels
il est possible de désigner un bénéficiaire ou un titulaire subrogé, sont les contrats
d'assurance, les contrats de rente et les régimes de retraite.
prévoit qu'une personne ne peut tester que par testament notarié, olographe ou devant
témoins.
Dans tous les autres types de contrats REER, FERR ou CELI, seule une mention
expresse au testament, généralement par le biais d'un legs à titre particulier des droits,
titres et intérêts du défunt dans ces régimes, permettra de s'assurer de rencontrer les
conditions d'un transfert libre d'impôt.
4.3.5 — Insaisissabilité
Quant à l'insaisissabilité, les articles 2457 et 2458 C.c.Q. se lisent comme suit :
2457. Lorsque le bénéficiaire désigné de l'assurance est l'époux ou le conjoint uni
civilement, le descendant ou l'ascendant du titulaire ou de l'adhérent, les droits conférés
par le contrat sont insaisissables, tant que le bénéficiaire n'a pas touché la somme
assurée.
Conjugués à l'article 2393 C.c.Q. et à l'article 178 de la Loi sur les sociétés de fiducie et
les sociétés d'épargne161, ces deux articles établissent donc qu'il est possible de
procurer une protection contre les créanciers à des rentes à terme fixes ou viagères.
Il faut noter que cette protection est accordée que la rente soit enregistrée (REER) ou
non. En vertu de ces règles, ce n'est pas la qualification fiscale du véhicule de
placement (p. ex. REER) qui importe, mais le statut du véhicule juridique de placement,
soit la rente.
Il sera également possible de protéger les valeurs accumulées dans ce REER des
créanciers du souscripteur, du vivant de ce dernier, pourvu que le bénéficiaire désigné
du REER soit le conjoint légal (marié ou uni civilement) du souscripteur, ses ascendants,
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ses descendants ou toute autre personne si, dans ce dernier cas, cette personne est
désignée bénéficiaire irrévocable.
Cette protection sera opposable aux créanciers du souscripteur, que ce dernier soit en
faillite ou simplement en situation d'insolvabilité. Par contre, l'ARC ne pourra se faire
opposer cette insaisissabilité que si le titulaire est en faillite, puisqu'elle n'est pas
soumise au droit provincial relatif à l'insaisissabilité. Elle est par contre assujettie à ses
propres lois, dont la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
REER
Une protection encore plus étendue est accordée au REER. En effet, depuis 2008, les
modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité162 portant sur la protection contre les
créanciers pour les REER et les FERR sont en vigueur. Cette protection s'étend aussi
aux régimes de participation différée aux bénéfices (RPDB). Ainsi :
• les REER, FERR et RPDB qui sont protégés d'une saisie par les créanciers au
titre d'une loi provinciale (y compris les contrats d'assurance et de rentes pour
lesquels on a désigné un bénéficiaire privilégié) continueront de l'être en cas de
faillite;
• les REER, FERR et RPDB qui ne sont pas protégés d'une saisie par les
créanciers au titre d'une loi provinciale le seront dorénavant, en cas de faillite, sous
réserve d'une récupération des cotisations versées au cours des 12 mois
précédant la faillite.
À noter que cette protection n'est offerte aux REER, FERR et RPDB que dans un
contexte de faillite, et ce, peu importe le véhicule de placement utilisé (rente, CPG, fonds
communs, etc.).
Toutefois, tout utile qu'elle soit, il faut souligner que la protection accordée, soit par une
désignation de bénéficiaire soit par les dispositions de la Loi sur la faillite et
l'insolvabilité, ne permettra pas de mettre ces biens à l'abri de tous les créanciers du
détenteur. À titre d'exemple, cette protection ne sera pas opposable à des créanciers
existants et elle souffrira de certaines limitations, notamment en ce qui concerne le
partage du patrimoine familial.
REEI
Contrairement aux REER, les REEI ne sont pas exempts de saisie par les créanciers en
cas de faillite. Le budget fédéral de 2019 a proposé de rendre ces sommes
insaisissables de la même façon et au même titre que les REER, sauf pour les
cotisations versées dans les 12 mois précédant la faillite.
Le Code civil stipule qu'il est possible, par contrat de mariage, de prévoir la transmission
de ses biens en cas de décès. En effet, l'article 1839 C.c.Q. permet de faire des
donations «à cause de mort» par contrat de mariage. Le Code civil ajoute que ces
donations peuvent être révocables ou irrévocables.
Dans la très grande majorité des cas rencontrés en pratique, lorsqu'un contrat de
mariage contient une telle disposition, il s'agit d'une donation à cause de mort mutuelle
et révocable de tous les biens composant la succession du premier décédé. Il s'agit-là
d'une disposition testamentaire simple, intégrée au contrat de mariage. Elle est aussi
connue sous le nom d'«institution contractuelle» ou de clause «au dernier vivant les
biens».
Il faut donc être prudent avant de conclure qu'une personne est décédée sans
testament. En effet, il se peut qu'on n'ait trouvé aucun testament proprement dit dans les
papiers de la personne décédée et qu'une recherche au Registre des dispositions
testamentaires et des mandats du Québec n'ait pas permis de retracer de testament
connu. Toutefois, si la personne décédée avait un contrat de mariage et que ce contrat
de mariage contenait une donation à cause de mort de tous les biens composant sa
succession, le défunt a, dans les faits, laissé une disposition testamentaire. Il est donc
toujours important de vérifier si la personne décédée avait un contrat de mariage et, le
cas échéant, d'en vérifier les dispositions avant de conclure que cette personne est
décédée sans testament, et d'appliquer en conséquence les règles de dévolution
prévues au Code civil pour la succession ab intestat.
Donation irrévocable
Il est peu fréquent de trouver une donation à cause de mort universelle et irrévocable
dans un contrat de mariage. Cependant, une donation à cause de mort irrévocable des
droits dans le patrimoine familial (et non pas des biens du patrimoine familial) faite au
conjoint survivant permet de s'assurer que nulle autre personne que le conjoint survivant
ne pourra exercer l'option sur le partage de la valeur du patrimoine familial à la suite du
décès de l'un des époux.
Depuis la réforme du Code civil opérée en 1994, l'article 1824 du Code civil exige la
publication de l'acte de donation au registre des droits personnels et réels mobiliers
(RDPRM). Ce n'est pas une copie conforme du contrat qui est ici déposée, mais bien un
avis relatant seulement les éléments pertinents pour fins de publicité.
En général, le mineur ne peut tester de ses biens. Cette règle souffre cependant de
certaines exceptions. Ainsi, quel que soit son âge, le mineur peut tester de biens de peu
de valeur, cette notion étant laissée à l'appréciation du tribunal, compte tenu de la
condition sociale du mineur. Le mineur simplement émancipé ne peut davantage
disposer de ses biens par testament, sous réserve de l'exception mentionnée ci-dessus.
Le mineur pleinement émancipé peut, quant à lui, disposer de ses biens par testament,
la pleine émancipation le rendant capable, comme le majeur, du plein exercice de ses
droits civils.
2) le testament olographe;
1) Le testament notarié
Le testament notarié est reçu en minute par un notaire, assisté d'un témoin ou, en
certains cas, de deux témoins. L'original est toujours conservé au greffe du notaire et
une mention de son existence est inscrite aux Registres des dispositions testamentaires
et des mandats de la Chambre des notaires du Québec. Il ne peut donc être perdu ou
détruit.
2) — Le testament olographe
Le testament olographe est entièrement écrit par le testateur et signé par lui, autrement
que par un moyen technique.
Lorsque ce testament est écrit par un tiers ou par un moyen technique, le testateur et les
témoins doivent parapher ou signer chaque page qui ne contient pas leur signature.
Il en est de même, pour la partie qui excède sa rémunération, du legs fait en faveur du
liquidateur ou d'un autre administrateur du bien d'autrui désigné au testament, s'il agit
comme témoin.
Lorsqu'un testament porte la signature de témoins, il est préférable de vérifier que ces
derniers ne font pas partie des légataires.
Le testament, une fois vérifié, est déposé au greffe de la Cour. Celle-ci peut ensuite en
délivrer des copies certifiées. L'effet de la procédure de vérification est de confirmer que
le document déposé émane bien de la personne décédée, et satisfait aux exigences de
formes prévues par la loi.
Néanmoins, le testament fait sous une forme donnée et qui ne satisfait pas aux
exigences de cette forme vaut comme testament fait sous une autre forme, s'il en
respecte les conditions de validité.
Il pourrait donc être possible par exemple qu'un testament notarié, qui ne serait pas
reconnu comme tel (prenons le cas d'un notaire qui aurait procédé à la rédaction d'un
testament même en étant radié), puisse être reconnu comme testament devant témoins.
La signature du notaire serait ici considérée comme celle d'un témoin.
L'article 714 vient renforcer cette possibilité de reconnaître un testament qui, à première
vue, ne respecte pas les conditions de forme, en édictant :
Le testament olographe ou devant témoins qui ne satisfait pas pleinement aux conditions
requises par sa forme vaut néanmoins s'il y satisfait pour l'essentiel et s'il contient de
façon certaine et non équivoque les dernières volontés du défunt.
Les tribunaux ont fait appel à maintes reprises à cet article dans le but de reconnaître les
dernières volontés d'un défunt, même si le document contenant ces dernières volontés
s'apparentait plus ou moins à un testament respectant les formes prescrites par le droit
civil québécois.
Ainsi, un testament rédigé à la main sur un formulaire préimprimé a été accepté pour
vérification, car il fut jugé que le testament pouvait être considéré comme olographe, car
il comportait la signature de la testatrice et toutes les donations avaient été rédigées de
sa main163 .
Quoique l'article 714 accorde une certaine latitude aux tribunaux et comme chaque
situation est jugée à son mérite, il vaut mieux respecter en tout point les conditions de
forme requises pour la validité d'un testament.
À cet effet, les règles de droit international privé qui s'appliquent, ont comme objectif
principal, la validation de l'acte.
L'article 3109 du Code civil, démontre bien cette intention. Il stipule que la validité d'un
testament peut, indifféremment, être rattachée :
Le Code civil reconnaît trois types de legs pouvant être contenus dans un testament,
soit :
1) le legs universel;
Monique héritera de tous les biens qui ne sont pas transmis spécifiquement à d'autres
légataires et aura également vocation à recueillir les biens spécifiquement transmis dans
le cas où le légataire à qui tel bien était destiné prédécéderait le testateur ou renoncerait
à le recevoir.
D'autre part, le legs universel peut être fait à plusieurs personnes conjointement. Ainsi,
la disposition suivante : «Je lègue l'universalité de mes biens meubles et immeubles, en
parts égales, à mes enfants au premier degré, Jean, Benoît et Guy, sans qu'il y ait lieu à
représentation au cas où l'un ou l'autre de mesdits enfants décède avant moi ou en
même temps que moi.» Le testateur a ainsi prévu que l'ensemble des biens de sa
succession se diviserait en parts égales entre trois légataires, ses enfants au premier
degré. Chacun d'eux étant un légataire universel, il a un droit potentiel de recevoir la
totalité des biens de la succession. Ainsi, si l'un ou l'autre des enfants au premier degré
du testateur ne lui avait pas survécu, la part qu'il aurait reçue dans sa succession serait,
par le simple fait de la loi, réattribuée aux deux autres enfants au premier degré du
testateur. De même, si deux des trois enfants du testateur l'avaient prédécédé, le seul
enfant au premier degré survivant serait admissible à recevoir la totalité de la succession
du testateur.
Il est à noter que la représentation ne s'appliquerait pas ici en cas de prédécès de l'un
ou l'autre des enfants du testateur, ce dernier l'ayant spécifiquement exclue.
Une illustration typique d'un legs à titre universel est la disposition suivante : «Je lègue
soixante-dix pour cent (70 %) de tous les biens composant ma succession à mon frère
Jean et je lègue trente pour cent (30 %) desdits biens à ma sœur Monique.» Par cette
disposition, le testateur a attribué à chacun de son frère et de sa sœur une quote-part de
sa succession. Ainsi, Jean recevra des biens de la succession du testateur représentant
70 % de la valeur totale de sa succession, alors que Monique recevra également des
biens équivalant à 30 % de cette valeur. Il faut noter que cette disposition, même si elle
attribue 100 % de la succession du testateur entre deux personnes, confère à chacun un
droit limité au pourcentage qui lui est destiné. Ainsi, dans le cas du prédécès de
Monique, Jean n'a pas droit de recueillir le 30 % qui aurait autrement été destiné à
Monique. À défaut d'une disposition de rechange dans le testament, la part n'ayant pu
être dévolue à Monique sera remise aux héritiers légaux du testateur (ses héritiers ab
intestat).
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Pour éviter une telle situation, le testament devrait prévoir une disposition de rechange
attribuant la quote-part destinée à chacun des légataires à titre universel à d'autres
personnes, advenant le prédécès de ce dernier.
Au cas où mon frère Jean décéderait avant moi, en même temps que moi ou dans les
trente (30) jours suivant mon propre décès, alors je lègue le pourcentage de l'ensemble
de mes biens lui étant attribué à ma sœur Monique.
D'autre part, au cas où ma sœur Monique décéderait avant moi, en même temps que
moi ou dans les trente (30) jours suivant mon propre décès, alors je lègue la part de
l'ensemble de mes biens lui étant attribuée à mon frère Jean.»
particulier) devront être supportées par les légataires universels ou à titre universel selon
le cas, lesquels sont des héritiers et, en tant que tels, tenus aux dettes du défunt, à
moins que les autres biens de la succession ne suffisent pas à payer les dettes.
Toutefois, il est possible d'obliger le légataire particulier à assumer les dettes rattachées
au bien qui lui est légué (tel le solde d'un prêt ayant servi à acheter ou améliorer un
immeuble) ou les impôts sur les revenus générés par la disposition réputée d'un bien en
immobilisations) si le testateur en fait une condition rattachée au legs particulier. À
défaut d'une telle condition, le légataire particulier pourra revendiquer le bien, laissant le
soin aux légataires universels ou à titre universel, selon le cas, d'acquitter les dettes du
défunt se rapportant audit bien.
Exemple 2-9.1
Prenons la disposition suivante contenue dans le testament de Paul : «Je lègue, à titre
de legs particulier, mon immeuble à revenus situé sur la rue Berri à Montréal, à mon
frère Jean et le résidu de tous mes biens meubles et immeubles à ma conjointe
Monique.» Jean est un légataire à titre particulier ayant droit à l'immeuble de la rue Berri,
alors que Monique hérite du résidu des biens de la succession. Supposons que
l'immeuble de la rue Berri est affecté d'une dette garantie par hypothèque, sur laquelle
un solde de 60 000 $ demeure impayé lors du décès de Paul et qu'aucune assurance
vie n'assure le paiement du solde de cette dette à son décès. Jean, légataire à titre
particulier, est un créancier de la succession ayant droit de revendiquer la possession du
bien (l'immeuble à revenus de la rue Berri) mais n'a pas à assumer les dettes de Paul,
même celles ayant un rapport avec le bien qui lui est légué. C'est donc Monique, la
conjointe de Paul (et légataire universelle résiduaire) qui devra en principe assumer ou
rembourser la dette hypothécaire. Il en sera de même des impôts qu'une telle disposition
testamentaire pourrait entraîner, Paul étant, en pareil cas, réputé avoir disposé dudit
immeuble pour une contrepartie égale à sa juste valeur marchande au moment de son
décès, ce qui pourrait résulter en un gain en capital, ainsi qu'une récupération
d'amortissement, le cas échéant.
Ces dettes fiscales sont des dettes personnelles de Paul et devront également être
assumées par Monique.
Si l'intention réelle de Paul était de léguer l'immeuble à revenus à son frère Jean en
faisant en sorte que ce dernier assume le solde de la dette garantie par hypothèque sur
ledit immeuble, ainsi que les impôts sur le revenu pouvant être générés par le legs fait
en sa faveur, il faudrait que le legs fait à Jean soit assorti d'une condition l'obligeant à
supporter de telles dettes. Faute par Jean de respecter une telle condition (d'assumer
les dettes rattachées au bien), le legs fait en sa faveur deviendra donc caduc et Monique
recueillera alors ledit immeuble.
Clause de révocation
La clause de révocation énonce de façon expresse la révocation de toutes dispositions
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testamentaires antérieures. L'on trouvera une telle clause dans un testament lorsque
toutes les dispositions de ce dernier remplacent celles de tout testament existant.
Il faut souligner que, dans le cas où il s'agirait d'un simple amendement à un testament
antérieur (ce qu'on appelle parfois «codicille», même si cette expression est disparue du
Code civil), on n'utilisera pas une clause de révocation générale puisque les dispositions
du testament original, lesquelles ne sont pas incompatibles avec celles de
l'amendement, continueront d'exister. En ce cas, on prendra soin de ne révoquer que les
dispositions du testament original qui ne sont pas compatibles avec les dispositions de
l'amendement.
Dispositions funéraires
Une clause concernant les dispositions funéraires peut être insérée au testament.
Notons cependant que l'article 42 C.c.Q. permet à une personne de régler ses
funérailles et de décider du mode de disposition de son corps par un écrit autre qu'un
testament, ce qui est beaucoup plus pratique.
faire publier cette stipulation d'insaisissabilité pour la rendre opposable aux tiers. À
l'égard de tout immeuble légué, la stipulation d'insaisissabilité devra être publiée au
bureau de la circonscription foncière de la division d'enregistrement où est situé
l'immeuble concerné. À l'égard de tout autre bien légué, la stipulation d'insaisissabilité
devra être publiée au registre des droits personnels et réels mobiliers.
Le testateur peut prévoir que les biens légués à des personnes mineures ou inaptes au
moment de son décès seront administrés par la personne nommée comme liquidateur
par le testament. Dans le cas du légataire mineur, les biens ainsi légués et administrés
par le liquidateur sont soustraits à l'administration du tuteur. De plus, le testateur peut
prévoir que lesdits biens seront remis au bénéficiaire à un âge plus avancé que celui de
la majorité. Lorsque le testament attribue au liquidateur des pouvoirs suffisants à cet
effet, le liquidateur aura plus de latitude dans l'administration desdits biens que n'en
aurait eue le tuteur.
Exemple : Mon liquidateur aura l'administration de tous les biens légués par les
présentes à des légataires mineurs et il remettra à chacun de mes légataires leur part
respective à leur majorité.
Dans le cas du majeur inapte, le testament peut également prévoir que les biens seront
sous l'administration de la personne nommée comme liquidateur jusqu'à la cessation de
l'inaptitude, le cas échéant.
Nous ne parlons pas ici de fiducie, mais bien d'une administration prolongée du
liquidateur. Cette avenue est souvent préconisée pour son apparente simplicité et dans
les situations où, pour des raisons personnelles, la fiducie n'est pas retenue. Son
apparente simplicité? Rien n'est plus faux.
Bien que les auteurs et les tribunaux se soient prononcés à plusieurs reprises sur la
validité de telles clauses, il n'en demeure pas moins que ce régime d'administration
présente encore certaines incertitudes.
Cependant, il faut savoir que ce régime d'administration prolongée ne bénéficie pas d'un
encadrement aussi précis que la fiducie. En effet, la création, le fonctionnement et
l'extinction de ce mécanisme ne sont pas prévus au code. De là l'importance d'une
qualité de rédaction accrue de ces clauses, puisqu'elles se doivent d'être beaucoup plus
précises et détaillées que celle ci-haut mentionnée.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
• l'administration prolongée est pour une période relativement courte, soit deux,
trois ou quatre ans, ou ne doit pas se prolonger au-delà de la majorité du
bénéficiaire;
• la valeur du patrimoine à administrer est peu importante (cette notion est très
subjective);
• les modalités de la gestion des biens au bénéfice du légataire sont minimales, le
testateur voulant surtout s'assurer de la remise des biens à un âge précis ou aux
termes d'un certain (court) délai.
Toutefois, le legs classique comporte des inconvénients. La part des biens que les
ayants droit pourront donner en fin de compte à l'organisme de bienfaisance choisi
pourrait bien être diminuée, voire totalement absorbée, par les créanciers, les frais de
gestion de la succession et éventuellement les impôts, qui n'auront pas été réduits
autrement ou annulés grâce au crédit d'impôts pour dons de bienfaisance pouvant
s'appliquer à la déclaration finale (le legs à un organisme de bienfaisance demeure un
legs à titre particulier). Il est aussi possible que les ayants droit ne puissent bénéficier
que d'une partie du crédit d'impôt associé au don si les revenus de l'année du décès et
ceux de l'année précédente (et ceux de la succession l'année où elle fait le don et
l'année précédente à partir de 2016) ne sont pas suffisamment élevés pour permettre
d'obtenir un crédit d'impôt sur l'ensemble des dons. Cela peut facilement se produire si
le décès survient au début de l'année, par exemple. En fait, des limites s'appliquent au
montant du revenu admissible au calcul du crédit d'impôt pour dons de bienfaisance,
aussi bien au décès que du vivant du contribuable. Pour en savoir davantage sur les
règles fiscales relatives aux dons de bienfaisance, veuillez consulter les chapitres 9 et
13 du module 5, Fiscalité.
ÉLÉMENT DE PLANIFICATION
Chapitre 5 — Fiducies
L'article 1260 C.c.Q. définit la fiducie comme résultant d'un acte par lequel une
personne, le constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu'il
constitue, des biens qu'il affecte à une fin particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le
fait de son acceptation, à détenir et à administrer.
Ainsi, quatre éléments essentiels sont requis pour la création d'une fiducie :
1) la création d'un patrimoine;
Bien qu'une même personne puisse cumuler plus d'un rôle, le Code civil exige qu'au
moins un fiduciaire soit «neutre», cela sous-tend qu'au moins un des fiduciaires n'est ni
le constituant, ni un des bénéficiaires de la fiducie. Cependant, le constituant ou un
bénéficiaire peuvent être fiduciaires, mais ils doivent agir conjointement avec un
fiduciaire qui n'est ni l'un ni l'autre164.
Aucun de ces intervenants n'a de droit de propriété sur les biens détenus en fiducie. En
effet, la fiducie est un patrimoine d'affectation autonome et distinct de celui de ses
intervenants165.
aux directives données par le document constituant la fiducie, ce qui était loin de
correspondre à une définition parfaite du droit de propriété. La jurisprudence a donc été
forcée d'élaborer un concept à partir duquel le fiduciaire était considéré détenir un droit
de propriété sui generis sur les biens en fiducie, sorte de droit de propriété tronqué,
lequel réconciliait tant bien que mal le fonctionnement d'une institution inspirée de la
common law aux notions civilistes du droit québécois.
Ainsi, lors de l'adoption du nouveau Code civil, dans un souci de rendre le concept de
fiducie plus flexible et plus efficace, bref, mieux adapté aux besoins modernes, et
voulant régler une fois pour toutes la question de la propriété des biens en fiducie, le
législateur québécois a codifié la thèse doctrinale du «patrimoine d'affectation».
Selon le nouveau Code civil, les biens transférés en fiducie forment un patrimoine
autonome et distinct sur lequel ni le constituant, ni le fiduciaire, ni le bénéficiaire ne
détiennent de droits réels. Le fiduciaire jouit, quant aux biens en fiducie, des pouvoirs
d'un administrateur du bien d'autrui chargé de la «pleine administration», ce qui lui
confère tous les pouvoirs nécessaires pour réaliser l'affectation des biens composant le
patrimoine fiduciaire. L'article 1260 C.c.Q. résume ce concept :
La fiducie résulte d'un acte par lequel une personne, le constituant, transfère de son
patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens qu'il affecte à une fin
particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à
administrer.
C'est donc dire qu'il est possible que les revenus tirés des biens en fiducie soient
Il ne faut pas confondre la durée prévue au Code civil du Québec avec la règle «des 21
ans» prévue à des fins fiscales. En effet, en vertu des lois fiscales (tant fédérale que
provinciale), les biens d'une fiducie sont réputés faire l'objet d'une disposition puis d'une
réacquisition immédiate, tous les 21 ans, à leur juste valeur marchande du moment.
Cette règle vise à éviter qu'on utilise une fiducie pour reporter indéfiniment l'imposition
des gains en capital accumulés sur les biens en fiducie. À quelques exceptions près, la
fiducie doit donc s'imposer sur le gain en capital déclenché par la disposition présumée
tous les 21 ans, sans pour autant qu'elle cesse d'exister civilement.
Ainsi, l'article 1294 C.c.Q. permet au tribunal d'apporter des modifications à une fiducie
existante de façon à mieux respecter la volonté du constituant de la fiducie ou pour
favoriser l'accomplissement de ses dispositions.
Serait-il possible que le document constituant la fiducie (le testament dans le cas d'une
fiducie testamentaire) donne aux fiduciaires le pouvoir de modifier les dispositions de la
fiducie sans recourir au tribunal? Dans l'état actuel du droit, il n'est pas encore déterminé
si les fiduciaires peuvent modifier les termes de la fiducie de manière unilatérale.
En effet, il n'est pas clairement établi si, oui ou non, l'article 1294 C.c.Q. est une
disposition d'ordre public. Dans l'affirmative, on ne pourra éviter d'avoir recours au
tribunal si l'on désire modifier les termes de la fiducie. Toutefois, si l'article 1294 C.c.Q.
n'était pas jugé d'ordre public, il serait possible, pour autant que le document constituant
la fiducie le permette, d'autoriser les fiduciaires à apporter eux-mêmes des modifications
à l'acte de fiducie.
Il faut toutefois mentionner que, lorsque l'acte de fiducie accorde de tels pouvoirs aux
fiduciaires, leur discrétion quant aux modifications pouvant être apportées à la fiducie
n'est pas absolue. Ainsi, on ne permettra pas aux fiduciaires d'apporter des
modifications quant à l'identité des bénéficiaires de la fiducie, seules les modifications
permettant de mieux respecter la volonté première du constituant ou favorisant
l'accomplissement de la fiducie étant possibles.
5.1.2 — Fiduciaire
Le fiduciaire est la personne chargée d'administrer les biens en fiducie et d'en réaliser
l'affectation. Pour ce faire, le Code civil lui donne des pouvoirs de pleine administration
du bien d'autrui (art. 1306 et 1307 C.c.Q.).
L'affectation à une fin particulière des biens en fiducie étant un élément essentiel à sa
création, il est important que cette affectation soit précisée dans l'acte de fiducie.
Exemple 2-9.2
Le constituant par les présentes constitue un patrimoine fiduciaire au bénéfice des
enfants au premier degré, présents et futurs de M. X afin de subvenir à leurs besoins
personnels et leurs études jusqu'à l'âge de 28 ans.
Bien que le Code civil catégorise les fiducies uniquement selon ces trois différents types,
la pratique, de même que certaines lois fiscales, utilisent un vocabulaire varié pour faire
référence au type de fiducie mis sur pied, vocabulaire qui renvoie plutôt à l'affectation de
la fiducie, à sa raison d'être.
Notez qu'à l'inverse d'une société par actions, le transfert de biens à une fiducie entraîne
généralement une disposition à la juste valeur marchande pour l'auteur du transfert, ce
qui peut engendrer la réalisation d'un gain en capital ou d'une récupération
d'amortissement. Exceptionnellement, il sera possible d'effectuer un transfert de biens à
une fiducie sur une base de roulement fiscal, dans la mesure où la fiducie respecte
l'ensemble des règles fiscales permettant le roulement. Ces fiducies, auxquelles il est
possible de transférer des biens sur une base de roulement fiscal, sont décrites aux
articles 70(6) et 73 L.I.R. et sont généralement désignées par la doctrine par les noms
suivants : fiducie alter ego, fiducie mixte au profit de l'époux ou du conjoint de fait, fiducie
au profit du conjoint et fiducie pour soi sans limites d'âge. À l'inverse, l'attribution de
biens de la fiducie à un bénéficiaire se fait généralement par voie de roulement fiscal à
moins qu'un choix soit produit par le fiduciaire afin que le transfert déclenche une
disposition à la juste valeur marchande pour la fiducie.
Voici une liste non limitative des types de fiducie rencontrés fréquemment.
Fiducie entre vifs créée par un constituant de 65 ans ou plus à son bénéfice et celui de
son conjoint. Elle peut être utilisée dans un but de protection d'actifs. Il est possible de
transférer des biens à cette fiducie par roulement fiscal.
Comme tous les mécanismes de protection d'actifs, il est inutile de mettre en place une
telle fiducie lorsque l'auteur du transfert est déjà insolvable au moment du transfert des
biens à la fiducie ou lorsque le transfert à la fiducie a pour effet de rendre l'auteur du
transfert insolvable. Il s'agit davantage d'une méthode préventive qui pourrait être
utilisée par une personne qui se lance nouvellement en affaires, particulièrement dans
un secteur où les poursuites en responsabilité sont fréquentes.
Il est à noter ici que ce n'est pas en soi la constitution de la fiducie qui permet à un
individu de fractionner son revenu. Par exemple, un individu qui désire fractionner les
revenus provenant d'une entreprise pourrait exploiter son entreprise par l'entremise
d'une société et faire participer ses enfants directement à l'actionnariat. L'avantage de la
fiducie est d'assurer au parent qui exploite l'entreprise d'exercer un contrôle accru sur sa
gestion en faisant en sorte qu'une fiducie soit propriétaire des actions et non ses
enfants, par ailleurs bénéficiaires de la fiducie. Cependant, les multiples règles
d'attribution et anti-évitement inhérentes aux lois fiscales limitent les possibilités de
fractionnement. La mise en place d'une structure corporative complexe nécessite la
collaboration de plusieurs spécialistes, notamment un juriste et un fiscaliste. Consultez le
chapitre 14 du module 5, Fiscalité pour en savoir plus sur les différentes règles
d'attribution.
2) le taux d'imposition.
1) — Règles d'attribution
La fiducie entre vifs présente un problème qui ne se présente pas dans le contexte d'une
fiducie testamentaire, soit l'application possible de plusieurs règles fiscales d'attribution.
L'une d'entre elles prévoit que le revenu (ou la perte) ou tout gain (ou perte) en capital
réalisé à l'égard d'un bien transféré à une fiducie, ou provenant d'un bien qui est
substitué au bien transféré, sera attribué à la personne de qui les biens ont été reçus.
• les biens transférés à la fiducie peuvent revenir à la personne de qui ils ont été
reçus; ou
• les biens transférés à la fiducie peuvent être remis à une personne désignée par
la personne de qui ils ont été reçus après la création de la fiducie; ou
• du vivant de ladite personne, la disposition des biens de la fiducie ne peut se faire
qu'avec son consentement préalable ou suivant ses instructions.
À l'origine, la fiducie est créée par un transfert de biens fait par le constituant à un
patrimoine fiduciaire qu'un fiduciaire accepte et s'oblige à gérer. Il est donc important,
lorsque la fiducie est créée dans le cadre d'un gel successoral et que l'auteur du gel
désire agir comme fiduciaire d'une fiducie «discrétionnaire», que l'auteur du gel ne soit
pas également le constituant de la fiducie, de façon à ne pas se voir attribuer les
revenus tirés des biens en fiducie. En pratique, la fiducie entre vifs est créée par le don
d'un bien non productif de revenus (un don fait par les grands-parents des bénéficiaires
du gel, par exemple) à un patrimoine fiduciaire. La fiducie peut ensuite, si nécessaire,
2) — Taux d'imposition
La fiducie entre vifs est imposée au taux marginal le plus élevé applicable aux
particuliers. Ainsi, il peut être préférable de ne pas déclarer de dividendes sur les actions
détenues en fiducie, à moins qu'il ne soit possible par la suite d'attribuer ces revenus aux
bénéficiaires de la fiducie, de façon à ce que les dividendes soient imposés entre leurs
mains, souvent à un taux inférieur à celui de la fiducie.
Voici un exemple de gel successoral. L'auteur du gel transfère ses actions «ordinaires»
(participantes) qu'il détient dans l'entreprise familiale (OPCO) à cette même société en
échange d'actions privilégiées de gel (non participantes) dont la valeur de rachat
correspond à la valeur des actions ordinaires en date du gel. Ce transfert se fait très
souvent en se prévalant de l'option prévue par le paragraphe 85(1) L.I.R. et peut
permettre, si tel est l'objectif de l'auteur du gel, d'éviter le déclenchement d'un gain en
capital. Ces actions privilégiées de gel possèdent certaines caractéristiques qui ne
seront pas énumérées ici. Les actions ordinaires de l'auteur du gel sont annulées et
OPCO émet de nouvelles actions ordinaires qui sont acquises par les bénéficiaires du
gel, très souvent les enfants de l'auteur du gel, pour une valeur nominale.
L'accroissement de valeur subséquent de l'entreprise familiale (qui se reflètera dans les
nouvelles actions ordinaires) se fera entre les mains des bénéficiaires du gel, tandis que
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Bien que cette illustration paraisse simple, il existe, en pratique, de nombreux facteurs
d'ordre fiscal à considérer afin que le gel ne donne pas naissance à d'autres problèmes.
Les conditions d'application (surtout fiscales) du gel successoral en font une opération
sophistiquée.
Dans le cadre d'un gel successoral, la fiducie entre vifs peut être utilisée pour détenir les
actions participantes émises en faveur des bénéficiaires du gel, plutôt que de les faire
détenir personnellement par ces derniers. Cette solution s'avère particulièrement
avantageuse lorsque les bénéficiaires du gel sont mineurs ou trop jeunes pour détenir
ces actions participantes. Elle s'avère aussi utile lorsque l'auteur du gel n'est pas certain
que ses enfants sont aptes à prendre la relève. La flexibilité de la fiducie permet alors de
reporter à une date ultérieure la répartition des actions participantes entre les
bénéficiaires du gel. La fiducie entre vifs est donc utilisée ici principalement comme
véhicule de détention des actions ordinaires, évitant dès lors que ces actions soient
remises directement aux enfants de l'auteur du gel. Il est donc toujours possible pour ce
dernier, par le biais d'une fiducie discrétionnaire, de «décider» du moment où ces
actions seront effectivement remises aux bénéficiaires de la fiducie et même de décider
des proportions dans lesquelles ces bénéficiaires recevront les actions le moment venu.
La fiducie de type «discrétionnaire» permettrait même de remettre la totalité des actions
ordinaires à un seul des bénéficiaires à l'exclusion des autres, si l'acte de fiducie le
permettait. Notez qu'il est préférable que l'acte de fiducie prévoit que les enfants n'auront
aucun droit de recevoir le revenu ou le capital de la fiducie tant qu'ils seront mineurs,
afin, notamment, d'éviter l'application des règles d'attribution au détriment de l'auteur du
gel.
5.2.3 — Observations
De tout ce qui précède, on peut retenir que la fiducie entre vifs peut se révéler
avantageuse lorsqu'un individu désire se déposséder de certains actifs aux fins,
notamment, de réaliser un gel successoral ou un fractionnement du revenu, ou de les
mettre à l'abri de ses créanciers futurs. La fiducie servira alors de véhicule de détention
de ces actifs au moyen duquel la personne s'en étant dessaisie pourra néanmoins
exercer un droit de regard sur leur administration et leur disposition. Ainsi, dans le cadre
du gel successoral expliqué précédemment, cette personne pourra déterminer à quel
moment et à quels bénéficiaires seront remises les actions ordinaires de la société dans
laquelle le gel s'est opéré. Dans le cas d'une fiducie de protection d'actifs, cette
personne pourra éventuellement devenir à nouveau propriétaire des actifs lorsque plus
aucun créancier ne menacera son patrimoine.
Par ailleurs, les «concepteurs» de la fiducie devront prendre garde aux règles
d'attribution et à l'impôt sur le revenu fractionné.
La fiducie testamentaire ne peut être créée que dans un testament, celui du constituant.
Le testament fiduciaire doit donc contenir toutes les clauses nécessaires ou utiles pour
créer la fiducie et pour pourvoir à la réalisation de l'affectation donnée aux biens qui
doivent y être transférés et déterminer les bénéficiaires du revenu et du capital.
Le bénéficiaire du revenu est celui qui a le droit de bénéficier des revenus produits par
les biens (le capital) de la fiducie. Ainsi, le fiduciaire peut utiliser ces revenus pour le
bénéficiaire, les lui verser, ou encore faire l'une et l'autre chose, selon les directives du
testament.
De son côté, le bénéficiaire du capital a vocation de recevoir les biens de la fiducie lors
de sa dissolution ou en tout temps pendant son existence. Ceci n'exclut pas pour autant
qu'il ne puisse également bénéficier des revenus de la fiducie.
Exemple 2-10
Aux termes de son testament, Paul a créé une fiducie au bénéfice de son fils Jean. Les
termes de cette fiducie énoncent que le fiduciaire doit utiliser les revenus de la fiducie de
la manière qu'il jugera la plus appropriée pour le soutien et le bien-être de Jean. Le
testament mentionne qu'au décès de Jean, les revenus de la fiducie devront être utilisés
selon les mêmes critères pour les enfants de Jean et que les biens en fiducie leur seront
remis lorsque le plus jeune de ces enfants aura atteint l'âge de 28 ans.
Dans cet exemple, Jean est donc bénéficiaire du revenu et les enfants de Jean sont à la
fois bénéficiaires du revenu et du capital.
Si le testament de Paul avait plutôt mentionné que les revenus de la fiducie devaient être
utilisés au bénéfice de Jean et que le capital devait être remis à Jean lorsqu'il atteindrait
l'âge de 28 ans, Jean serait à la fois bénéficiaire du revenu et du capital.
• Succession
Les revenus d'une succession sont imposés en fonction des taux progressifs
applicables aux particuliers pour une période n'excédant pas 36 mois à partir du
décès du particulier.
• Fiducie admissible pour personne handicapée
Les fiducies testamentaires ayant comme bénéficiaire une personne ayant droit au
crédit d'impôt pour personnes handicapées au cours d'une année d'imposition et
qui en font le choix conjointement avec le bénéficiaire, sont imposées en fonction
des taux d'imposition progressifs applicables aux particuliers.
• Le testateur désire s'assurer que les biens ne seront transmis à ses héritiers que
lorsqu'ils auront atteint la maturité nécessaire pour gérer un patrimoine important.
Le testament peut prévoir des critères quant au moment où le capital devra ou
pourra être remis au bénéficiaire. Ces critères peuvent notamment faire référence
à l'âge du bénéficiaire. Aussi, le capital fiduciaire n'étant pas la propriété du
bénéficiaire, son administration n'est pas faite par le représentant légal d'un
bénéficiaire mineur ou inapte.
• Les héritiers éventuels du testateur sont ou pourraient être dans une situation
financière précaire.
Comme les biens en fiducie forment un patrimoine «autonome et distinct» de celui
du bénéficiaire, l'utilisation d'une fiducie protège le patrimoine légué contre les
créanciers du bénéficiaire.
• Le testateur veut choisir la personne qui administrera le patrimoine légué.
C'est le testateur qui nomme le fiduciaire lors de la rédaction de son testament, il
est donc en mesure de nommer une personne en qui il a confiance ou encore de
fixer des critères afin de guider le choix du fiduciaire.
• Le testateur désire que son capital soit utilisé dans un but précis.
Le testament fiduciaire prévoit l'affectation des biens en fiducie, soit les fins
auxquelles ils doivent être employés.
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Impression 2021-01-05 23:33
L'aspect discrétionnaire que l'on peut accorder à une fiducie peut parfois être utile dans
certains contextes. Pensons à une personne inapte ou prestataire de certains
programmes sociaux dont les prestations sont fonction de la valeur du patrimoine ou des
revenus du bénéficiaire. Comment faire en sorte que ces personnes se voient
avantagées par un testament sans perdre ces bénéfices?
Le programme de solidarité sociale issu de la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles (RLRQ, c. A-13.1.1) prévoit qu'une personne présentant des contraintes sévères
à l'emploi en raison d'un handicap physique ou mental peut recevoir jusqu'à
203 000 $170 à la suite d'une succession (incluant le bénéfice d'une police d'assurance
vie) sans que ses prestations soient affectées171.
Habituellement, dans une telle situation, il est recommandé d'adopter un legs fiduciaire
discrétionnaire. Ce type de fiducie est mieux connu sous le nom de fiducie Henson.
Ainsi, le fiduciaire n'a pas l'obligation de remettre des revenus ou des biens aux
bénéficiaires, mais il a la discrétion de le faire à sa guise. La remise peut donc se faire
advenant certaines périodes critiques dans la vie du bénéficiaire et n'a pas pour effet de
le disqualifier automatiquement du droit aux subventions auxquelles il a droit.
Cependant, dès que le bénéficiaire aura reçu plus de 203 000 $ de la fiducie, ses
prestations pourraient être modifiées. Cela n'est malheureusement pas aussi simple et
plusieurs autres aspects devront être pris en considération. Il y aura lieu de consulter un
spécialiste avant d'élaborer une planification en ce sens.
Par contre, au Québec, la jurisprudence rendue dans ce domaine, est très peu favorable
aux bénéficiaires, même en présence de fiducies discrétionnaires. Ces décisions,
souvent rendues par des tribunaux administratifs, ont tendance à favoriser
l'administration.
Un autre exemple typique d'utilisation d'une fiducie testamentaire ayant pour objectif
principal le maintien du contrôle sur les biens légués est la personne mariée en
secondes noces et ayant des enfants issus d'un premier mariage. Lorsque le testateur
veut, d'une part, avantager son conjoint, mais, d'autre part, s'assurer qu'au décès de ce
dernier, les actifs utilisés à la satisfaction des besoins de ce conjoint soient transférés à
ses propres enfants, la fiducie testamentaire est l'outil de prédilection.
La fiducie «d'éducation»
Est communément appelée «fiducie d'éducation» la fiducie dont le but est de permettre
de pourvoir aux besoins de jeunes enfants. Ainsi, un testament pourra prévoir qu'au cas
de décès des deux conjoints, les biens seront transférés à une fiducie créée pour le
bénéfice des enfants du testateur, dont les fiduciaires pourront à leur discrétion employer
les revenus ou le capital pour subvenir aux besoins de ces enfants (instruction,
éducation, entretien, soins médicaux, etc.) et dont le capital sera remis aux enfants
lorsqu'ils seront suffisamment «matures» pour gérer eux-mêmes ce capital.
Bien que lui soit accolé le nom «éducation», les revenus et le capital des biens de ce
type de fiducie servent généralement à bien d'autres besoins que les seuls besoins
scolaires, le terme «éducation» étant ici pris dans son sens le plus large. Il pourra
également être avantageux de créer une fiducie d'éducation, non seulement dans le
contexte où les deux parents sont décédés, mais également dans le contexte où l'un des
parents survit au testateur.
Cette stratégie pourra présenter des avantages, surtout lorsque le parent survivant
gagne des revenus substantiels et est imposé à un niveau élevé. En pareil cas, l'on
pourra léguer en fiducie des biens ne générant aucune imposition malgré le fait qu'ils
sont transmis à une fiducie créée au bénéfice des enfants (tels que titres à revenu fixe
ou produits d'assurance vie). Le conjoint survivant pourra être fiduciaire de cette fiducie
avec une personne nommée par lui (ce cofiduciaire pourra aussi être désigné par le
testateur lui-même) et ces fiduciaires auront des pouvoirs discrétionnaires d'utilisation
des revenus et du capital pour le bénéfice des enfants du testateur. En ce faisant, les
revenus générés par les biens en fiducie pourront être fractionnés entre les enfants du
testateur plutôt que d'être ajoutés au revenu imposable du conjoint survivant ayant la
charge desdits enfants. Des économies pourront être réalisées en imposant les enfants
au lieu du conjoint survivant.
Par ailleurs, le capital de cette fiducie pourra être remis soit aux enfants à un âge où ils
auront atteint une plus grande maturité, soit encore au conjoint à un moment où les
enfants ne seront plus à sa charge.
Notes explicatives
Ce tableau présente les principaux points de comparaison entre les protections légales
offertes par le Code civil du Québec selon le statut des couples, qu'ils soient mariés, unis
civilement ou vivant en union de fait. Il permet d'obtenir rapidement une vue d'ensemble
des dispositions applicables et leur référence. Il fait état d'alternatives possibles pour
remédier, le cas échéant, à l'absence de protection. Ce tableau n'est nullement exhaustif
et demande à être utilisé avec prudence. La consultation des textes législatifs est
toujours requise. L'adaptation à la situation factuelle des clients est nécessaire et le
choix de déterminer l'acte approprié dans les circonstances appartient au rédacteur.
Résidence
familiale don
conjoint est
propriétaire
(immeuble d
moins de 5
logements)
Le conjoint q
n'a pas donn
son
consenteme
alors qu'il ét
requis, peut
demander l
nullité de l'a
(art.
Résidence
familiale don
conjoint est
propriétaire
(immeuble d
logements o
plus) :
Le conjoint q
n'a pas donn
son
consenteme
a) à l'acte
d'aliéna-tion
peut exiger
l'acquéreur q
lui consente
bail des lieu
déjà occupé
des fins
d'habitation;
b) à l'acte de
location : pe
demander la
nullité.
(art.
Le couple en tant Égalité des Tous les enfants dont la filiation est Idem
que parents enfants établie ont les mêmes droits et les
mêmes obligations quelles que soient les
circonstances de leur naissance.
(art. 522 C.c.Q.)
L'enfant reste sous l'autorité de ses père
et mère jusqu'à sa majorité ou son
émancipation.
(art. 598 C.c.Q.)
Les père et mère ont, à l'égard de leur
enfant, le droit et le devoir de garde, de
surveillance et d'éducation.
Ils doivent nourrir et entretenir leur
enfant.
(art. 599 C.c.Q.)
2. Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, L.Q. 2002, c.
6.
6. B. (L.) c. M. (C.), REJB 1999-16122 ((sub nom Droit de la famille — 3511) [2000]
R.D.F. 93 (C.S.)
K. (V.) c. D. (S.), EYB 2007-122768 (sub nom Droit de la famille — 0719938) [2007]
R.D.F. 711 (C.S.).
9. B. (A.) v. S. (Am.), EYB 2009-156702, (sub nom. Droit de la famille — 09645) [2009]
R.D.F.349, 2009 QCCS 1283.
11. .
66. La première exigence relativement aux témoins est qu?ils ne doivent pas avoir d?
intérêt dans l?acte, c?està- dire qu?ils ne sont pas nommés à titre de mandataires,
mandataires remplaçants, ou à titre de tiers ayant droit à la reddition de compte du
mandataire, etc. De plus, les témoins doivent signer le mandat en présence du mandant,
soit dès que ce dernier a apposé sa signature en leur présence ou qui leur a reconnu sa
signature préalablement apposée au mandat.
67. Les témoins doivent être en mesure de constater l?aptitude du mandant à agir.
144. Voir à cet effet l'article intitulé «La désignation d'un fiduciaire sur une police
d'assurance vie au Québec», La Cible, édition août 2010, vol. 18, nº 2.
147. Voir module 3, Assurance et gestion des risques, chapitre 10, pour une définition de
«rente».
149. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) et ses modifications (ci-après : «L.I.R.»). Dans le
cadre du présent texte, toute référence à une disposition de la loi fédérale vaut aussi
référence aux articles correspondants de la Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3 et ses
modifications (ci-après : «L.I.»), qui sont généralement harmonisées, à moins
d'indication contraire.
153. Il ne s'agit pas nécessairement toujours d'une fiducie au sens de l'article 1260
C.c.Q., mais plutôt d'un «arrangement en fiducie», soit un contrat écrit régi par le droit de
154. Article 8.1 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21 : «8.1 Le droit civil et la
common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de
propriété et de droits civils au Canada et, s'il est nécessaire de recourir à des règles,
principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue
d'assurer l'application d'un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s'y
opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province
au moment de l'application du texte.»
155. Art. 2367 C.c.Q. : «Le contrat constitutif de rente est celui par lequel une personne,
le débirentier, gratuitement ou moyennant l'aliénation à son profit d'un capital, s'oblige à
servir périodiquement et pendant un certain temps des redevances à une autre
personne, le crédirentier.»
156. Art. 1260 C.c.Q. : «La fiducie résulte d'un acte par lequel une personne, le
constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens
qu'il affecte à une fin particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le fait de son
acceptation, à détenir et à administrer.»
157. Art. 2314 C.c.Q. : «Le simple prêt est le contrat par lequel le prêteur remet une
certaine quantité d'argent ou d'autres biens qui se consomment par l'usage à
l'emprunteur, qui s'oblige à lui en rendre autant, de même espèce et qualité, après un
certain temps.»
143. Certains sont d'avis qu'il est également possible de désigner comme bénéficiaire la
fiducie testamentaire qui aurait été créée par testament. Comme l'enfant ne serait pas
nommément désigné, les droits conférés par le contrat ne seraient pas insaisissables.
Par contre, le produit d'assurance versé ne ferait pas partie de la succession de l'assuré.
Nous invitons cependant les planificateurs financiers à la prudence, car il n'est pas
assuré que cette désignation serait acceptée d'un point de vue civil. Pour plus de sûreté,
nous croyons qu'il serait préférable de faire cette désignation de la fiducie testamentaire
à titre de bénéficiaire de la police par testament et de l'assortir d'un legs particulier de la
police visée qui s'appliquerait si la désignation de bénéficiaire n'était pas reconnue. Il est
à noter que cette façon de faire n'aurait pas pour effet de faire perdre à la fiducie son
statut fiscal de fiducie testamentaire. Voir à cet effet l'interprétation technique 2005-
0132271C6, «Fiducie et Police d'assurance-vie», 7 octobre 2005.
16. Droit de la famille — 091768, [2009] R.J.Q. 2070 EYB 2009-161578 2009 QCCS
3210.
17. Droit de la famille — 102866, [2010] R.J.Q. 2259 EYB 2010-181371 2010 QCCA
1978.
23. Voir notamment : Belley c. Lidy, EYB 2012-207863 2012 QCCS 2671 et Grégoire c.
St-Arnaud, EYB 2012-201279 2012 QCCS 173; conf. par EYB 2012-212409 2012 QCCA
1852.
24. Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, L.Q. 2002, c.
6; art. 2419 C.c.Q.
31. Convention régissant les relations entre conjoints de fait, «famille», répertoire de
droit, document nº 2, Montréal, Chambre des notaires du Québec.
160. Succession Law Reform Act, L.R.O. 1990, c. S.26, art. 50 à 54.1 telle qu'elle sera
modifiée à la suite de l'annonce faite dans le budget 2009 de l'Ontario déposé le 16 juin
2009. En ligne : .