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COURS DE DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

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Définition. Les droits de propriété intellectuelle sont des droits conférés à l’individu sur
une création intellectuelle. Ils protègent les intérêts des créateurs en leur conférant des droits sur
leurs créations. Sous l’expression « propriété intellectuelle », sont désignées deux branches
principales du droit : la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique.

La « propriété industrielle » protège pour l’essentiel les innovations (brevets, dessins et


modèles industriels, obtentions végétales etc.) et les signes distinctifs (marques, appellations
d’origine, indications de provenance)1. Tandis que le droit de la propriété littéraire et artistique qui
intéresse les œuvres de l’esprit à vocation culturelle, comprend le droit d’auteur et les droits voisins
du droit d’auteur (artistes interprètes, le droit des producteurs (producteurs de l’audiovisuel,
producteurs de bases de données2)

Si l’histoire de la propriété intellectuelle remonte à la période de la révolution industrielle


pour la majorité des pays industrialisés, il en va autrement des pays africains. Elle est assez récente
et remonte à la période de l’indépendance.

Genèse de l’OAPI. À la suite de leur accession à l’indépendance, les États africains qui
étaient régis par la législation du colonisateur3 vont élaborer leurs propres dispositions en matière
de propriété intellectuelle. Ayant ratifié les conventions originaires que sont la CUP4 et la CUB, les
anciennes colonies françaises d’Afrique et de Madagascar vont mettre en place un organisme

1 Séverine VISSE-CAUSSE, Droit de la propriété intellectuelle, 2ème édition, Gualino, Lextenso éditions 2017,
p.17.
2 Selon l’article 1er de l’annexe VII de l’Accord de Bangui, Acte de Bamako, sur la propriété littéraire et artistique,
la « base de données » est une compilation de données ou de faits. L’article L. 112-3 al.2 du Code français
de la propriété intellectuelle définit la base de données comme « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres
éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement indépendants,
disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens
électroniques ou par tout autre moyen». Les bases de données permettent un traitement ordonné et accessible
de nombreuses informations. Elles peuvent bénéficier d’une double protection juridique :
-Les bases de données sont protégées par le droit d’auteur à condition de présenter une certaine originalité
-Les bases de données peuvent également faire l’objet d’une protection par le droit des producteurs de base de
données ou droit sui generis.
3 Étaient applicables dans les anciennes colonies françaises, les lois françaises du 5 juillet 1844 sur les brevets
d’invention, la loi du 23 juin 1857 sur les marques de fabriques et de commerce, et la loi du 14 juillet 1909 sur les
dessins et modèles industriels.
4 Les anciennes colonies françaises ont procédé à la ratification de la CUP aux dates suivantes : Bénin, le 10 janvier
1967 ; Burkina Faso, le 19 novembre 1963 ; Cameroun, le 10 mai 1964 ; Congo, le 2 septembre 1963 ; Côte
d’Ivoire, le 23 octobre 1963 ; Gabon, le 29 février 1964 ; Guinée, 25 octobre 1995 ; Guinée-Bissau, 28 juin 1988 ;
Guinée Équatoriale, le 26 juin 1997 ; Mali, le 1er mars 1983 ; Mauritanie, le 11 avril 1965 ; Niger, le 5 juillet 1964 ;
la République Centrafricaine, le 19 novembre 1963 ; Sénégal, le 21 décembre 1963 ; Tchad, le 19 novembre 1963 ;
Togo, le 10 septembre 1967.

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commun de gestion de la propriété industrielle dénommé Office Africain et Malgache de la
Propriété Industrielle (OAMPI) 5 qui est à l’origine de l’OAPI.

Le 13 septembre 1962, douze anciennes colonies françaises adoptèrent l’Accord de


Libreville. Élaboré avec la collaboration de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)
français6, l’Accord de Libreville va créer l’OAMPI qui va se substituer à l’office français dans la
délivrance des titres de propriété industrielle7. Cet Accord, comme l’a résumé Denis EKANI, avait
pour but d’instituer une législation uniforme de protection des droits de propriété industrielle, et
de centraliser auprès d’une administration unique, les procédures découlant de l’application de
ladite législation 8

Création de l’OAPI. Le 2 mars 1977, l’Accord de Libreville a été révisé pour donner naissance
à l’Accord de Bangui portant création de l’OAPI. Outre le retrait de Madagascar pour des raisons
idéologiques9, cette révision s’imposait pour d’autres raisons notamment, adapter le texte uniforme
à l’évolution du contexte législatif international et étendre la compétence de l’Accord révisé au
domaine de la propriété littéraire et artistique10.
Étant le fruit d’un accord de volonté de plusieurs États souverains, sujets de droit
international par excellence, l’Accord de Bangui a le statut d’un traité international. Sa ratification
obéit aux exigences du droit des traités. Ces annexes qui font, aux termes de l’article 4 § 3 de l’ABR,
parties intégrante de l’Accord de Bangui ont par extension le même statut juridique.

Les principes de fonctionnement de l’OAPI sont similaires à ceux de l’OAMPI à savoir :


l’adoption d’une législation uniforme annexée à l’Accord, la création d’un office commun qui tient

5 L’adoption de l’Accord de Libreville le 13 septembre 1962 va donner naissance à l’OAMPI qui a vu sa


compétence limitée à la protection de la propriété industrielle. L’OAMPI est entrée en fonction à partir du 1er
janvier 1964 après le dépôt des instruments de ratification par les douze pays signataires à savoir : la république
fédérale du Cameroun, la république Centrafricaine, la république du Congo, la république de la Côte d’Ivoire, la
république du Dahomey, la république de Haute-Volta, la république Gabonaise, la république de la Mauritanie,
la république du Sénégal, la république du Tchad, la république Malgache, la république du Niger.
6 Notons que jusqu’en 1962, c’est l’INPI qui était chargé de la délivrance des titres de propriété industrielle dans
les colonies françaises.
7 Gérard MEYO-M’EMANE, « L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), exemple original de
coopération multinationale en matière de propriété industrielle », in Mélanges dédiés à Paul MATHELY, Litec 1990,
p.259 ; Robert CAZENAVE, « Lettre concernant les pays de l’Office Africain et Malgache de la Propriété
Industrielle, la Guinée et le Mali », Propriété Industrielle, 1970, p. 246 ; Philippe COMTE, « Une institution pilote
pour la protection multilatérale de la propriété industrielle : l’OAMPI », Revue Juridique et Politique, Indépendance et
Coopération, vol. 3, juillet-septembre 1971, pp. 329-376.
8 Denis EKANI, L’Union Africaine et Malgache de la Propriété Intellectuelle : La protection régionale des droits de propriété
industrielle, Thèse de Doctorat en Droit, Université de Strasbourg 1973, p. 6 ; Philippe COMTE, op.cit, p. 329-376.
9 Madagascar s’est retiré de l’OAMPI le 31 décembre 1973, après avoir opté pour un régime socialiste de type
marxiste-léniniste. Pour plus de précisions sur ce retrait, voir Paulin EDOU EDOU, Les incidences de l’Accord ADPIC
sur la protection de la propriété industrielle au sein de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), Thèse de
Doctorat en Droit privé, 2005, Université de Strasbourg III, p. 34 ; L. RAKETAMANGA, Propositions pour un régime
de protection de la propriété industrielle à Madagascar, Thèse, Université de Paris II, 1984, p. 13.
10 Denis EKANI, « Les innovations de l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 », Propriété industrielle, juin 1982, p. 224 et
s.

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lieu d’office nationale à chacun des États membres et la centralisation des procédures de délivrance
des titres de propriété industrielle.
Situé à Yaoundé (Cameroun) et actuellement composée de dix-sept pays répartis en Afrique
Centrale et Occidentale11, l’OAPI couvre une superficie de plus 7.755.967 km2 pour plus de
100.000.000 d’habitants12. Si la majorité des pays membres est francophone, l’Organisation compte
un pays hispanophone (la Guinée Équatoriale) et un État lusophone (la Guinée Bissau) confirmant
ainsi sa vocation continentale. L’ensemble des États africains ont d’ailleurs vocation à intégrer
l’OAPI conformément aux dispositions de l’article 22 du Préambule de l’ABR. Aux termes du texte
précité, peut-être membre de l’OAPI, « Tout État africain qui n’est pas partie à l’Accord de Bangui et qui
est partie à la Convention instituant l’Organisation Mondiale de la propriété Intellectuelle, à la Convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle, à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et
artistiques et/ou à la Convention universelle sur le droit d’auteur, et au Traité de coopération en matière de brevets ».
Tout État non partie à l’Accord et par conséquent non membre de l’OAPI, peut demander à
bénéficier de la qualité de membre associé. La qualité d’État associé donne droit de bénéficier des
services rendus par le Centre de documentation et d’information en matière de brevets13.

L’accord de Bangui a été révisé le 14 décembre 2015 par les pays membres à Bamako (Mali)
dans le cadre de la 55ème session ordinaire du Conseil d’administration de l’OAPI. Cette révision a
été initiée pour répondre aux différentes préoccupations de développement des États membres et
corriger certaines insuffisances de la législation uniforme. C’est désormais l’Accord de Bangui
instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, Acte du 14 décembre 2015 qui
régit la propriété intellectuelle.

Afin d’appréhender le système de protection de l’OAPI, ce cours sera subdivisé en deux


parties :

- La propriété industrielle

- La propriété littéraire et artistique et les droits voisins du droit d’auteur

11 Les seize États membres de l’OAPI sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte
d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Équatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal,
le Tchad, le Togo. Ce nombre est passé à dix-sept (17) avec l’adhésion de l’Union des Comores qui a pris effet
le 25 mai 2013.
12 Source : www.oapi.wipo.net
13 Gérard MEYO-M’EMANE, « L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, exemple original de
coopération multinationale en matière de propriété industrielle », in Mélange à l’honneur de Paul Mathély, Paris, Litec
1990, p. 270.

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1ère PARTIE : La propriété industrielle

Composante de la propriété intellectuelle, la propriété industrielle prend des formes variées


dont les principales sont les inventions, les médicaments, les nouvelles variétés de plantes, les
créations esthétiques (design), les signes distinctifs comme les marques, les indications
géographiques, les enseignes etc.

Ces innovations peuvent être subdivisées en deux grandes catégories à savoir les créations
industrielles (Titre I) et les signes distinctifs (Titre II).

TITRE 1 : LES CREATIONS INDUSTRIELLES

Le droit sur les créations techniques regroupe le droit des brevets qui protègent les
inventions techniques (CHAP. I) et les droits connexes du droit de brevet qui organisent une
protection pour d’autres types de créations techniques tels que les dessins et modèles (CHAP. II).

CHAPITRE I. LE BREVET D’INVENTION

Au sens de l’article 1er de l’Annexe I de l’Accord de Bangui, l’invention s'entend d'une idée
qui permet dans la pratique la solution d'un problème particulier dans le domaine de la technique.
En d’autres termes, de nouvelles solutions à des problèmes techniques.

Le “Brevet” s'entend du titre délivré pour protéger une invention. Le brevet d’invention
est donc un titre de propriété portant sur un bien intellectuel répondant à des caractéristiques
technologiques spécifiques. Le brevet ayant été conçu comme stimulant du progrès technique, le
bénéfice du brevet est réservé aux auteurs d’inventions susceptibles de contribuer à ce progrès
social.

Si le droit des brevets des pays membres de l’OAPI trouve aujourd'hui sa source
essentiellement dans l’Annexe I de l’Accord de Bangui, la matière, comme l'ensemble de la
propriété intellectuelle, est largement soumise à l'influence des engagements internationaux tels que
la Convention d'Union de Paris (ci-après CUP) signée le 20 mars 1883 et ses amendements
ultérieurs, le Traité de coopération en matière de brevets” signé le 19 juin 1970 à Washington et
ses amendements ultérieurs ; l’Accord de Marrakech de 1995
Si le législateur africain vise en premier lieu le brevet, il faut noter que les biens intellectuels
remplissant une fonction technique sont appropriables par plusieurs voies. A ce principal titre de

5
propriété qu’est le brevet, le législateur africain ajoute conformément à l’article 12 de l’Annexe I, le
certificat d'utilité, délivré pour une durée de dix ans à compter du jour du dépôt de la demande.

Les brevets, sous certaines conditions, peuvent être complétés par des certificats d’addition
complémentaires de protection rattachés à un brevet dans les conditions prévues à l’article 29 de
l’Annexe I de l’Accord de Bangui. Les certificats d'addition prennent fin avec le brevet principal
conformément à l’article 30 de l’Annexe I de l’ABR.

Nous verrons dans un premier temps les conditions de protection de l’invention


(SECTION I) et les effets de la protection (SECTION. II).

SECTION I. LES CONDITIONS DE PROTECTION DE L’INVENTION

La brevetabilité est l’aptitude d’une création à être protégée par un brevet. On distingue les
conditions de fond des conditions de forme.

PARAG. I. LES CONDITIONS DE FOND

Ce sont les articles 1er à 5 de l’A1 de l’ABR qui précisent les conditions de brevetabilité.
Pour être approprié par un brevet, un bien intellectuel doit répondre à certaines caractéristiques
quant à ses qualités intrinsèques, mais aussi au regard de l’ordre public et des bonnes mœurs. Les
conditions de brevetabilité se répartissent en deux catégories : les conditions exclusives ou
négatives de brevetabilité (A) et les conditions nécessaires ou positives de brevetabilité (B).

A. LES CONDITIONS NEGATIVES DE BREVETABILITE

Les conditions négatives de brevetabilité sont énoncées aux articles 1 et 2 de la nouvelle Annexe
I. Selon l’article 1er. 3) de l’A1 de l’ABR, ne peuvent être brevetés

a) les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques : Il s’agit des
résultats non inventifs.

*la découverte est la mise en évidence d’un phénomène physique, d’une substance naturelle
jusqu’à la inconnus, inexpliqués. Les découvertes ne sont pas, par nature, des biens intellectuels,
elles ne sont pas des créations de l’homme mais le constat de phénomènes naturels. Par exemple,
la découverte d’un champignon nouveau n’est pas brevetable ; en revanche, l’invention d’un
produit thérapeutique utilisant ce champignon peut l’être. L’application de la découverte constitue
une invention.

6
*les théories scientifiques et les méthodes mathématiques. Il s’agit d’un cas particulier
de la découverte. Les méthodes mathématiques ne sont pas brevetables car elles sont dépourvues
d’effet technique. Elles sont trop abstraites alors que l’invention est une création technique. Étant
des types de découvertes, elles vont suivre le même sort que les découvertes. Ainsi, les méthodes
commerciales, les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique. Des méthodes dans
l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu sont dépourvues d’effet technique. En
revanche, les inventions fondées sur les applications de ces théories scientifiques ou mathématiques
sont parfaitement appropriables par brevet.
b) les plans, principes ou méthodes en vue de faire des affaires, de réaliser des actions purement
intellectuelles ou de jouer

Il s’agit d’une variante de la découverte. Une équation ou un modèle mathématique n’est


pas brevetable. Le bénéfice du brevet est refusé aux (plans, principes ou méthodes en vue de faire
des affaires, de réaliser des actions purement intellectuelles ou de jouer). Cette exclusion rejoint
celle visant les découvertes, les théories scientifiques et méthodes mathématiques. La jurisprudence
étrangère a maintes fois insisté sur la nécessité pour l’inventeur de matérialiser sa conception.
c) les simples présentations d’informations

L’organisation des informations, par exemple sur une fiche de contrôle ou sur un écran de
visualisation, n’est pas brevetable. L’infographie d’un site ou d’un programme d’ordinateur ne
constitue pas une invention et est protégée par le droit d’auteur. Il ne s’agit que d’une illustration
de l’exclusion visant « plans, principes ou méthodes en vue de faire des affaires, de réaliser des
actions purement intellectuelles ou de jouer »
d) les programmes d’ordinateurs

Tout comme le code français de la propriété intellectuelle (L.511-1 in fine, L.611-10 c) ) ,


qui interdit la protection des logiciels par voie de brevet, l’article 6 de l’A1 de l’ABR en son alinéa
g, interdit la protection des programmes d’ordinateur par voie de brevet. Les deux expressions
peuvent être tenues ici pour équivalentes. Le programme informatique tout comme le logiciel est
le produit d’une activité intellectuelle exprimée dans un langage particulier. Le programme
informatique s’assimile à une partition musicale, tous deux sont écrit dans un langage
particulier et intelligible. La personnalité des auteurs rejaillit sur le programme. Chaque
programmeur exprime sa personnalité dans la façon d’écrire son programme, faisant des
choix personnels. L’exercice d’un droit d’auteur sur un programme est donc naturel. : Critère de
l’originalité protection par le droit d’auteur
e) les créations de caractère exclusivement ornemental

Lorsque la finalité de l’invention est uniquement esthétique, elle n’est pas brevetable, mais
éventuellement protégeable à titre de dessin et modèle. Par contre, si l’effet esthétique est obtenu
par des caractéristiques techniques nouvelles, celles-ci pourraient faire l’objet d’un brevet.

7
L’exigence du caractère industriel de l’invention justifie l’exclusion des créations esthétiques. Elles
peuvent être protégées en tant que dessins et modèles si elles remplissent les conditions.
f) les œuvres littéraires, architecturales et artistiques ou toute autre création esthétique

La création artistique ne répond pas aux conditions de brevetabilité. Le brevet permet


l’appropriation d’une fonction et non d’une forme. Le choix esthétique du créateur est indifférent.

Quant à l’article 2 de la nouvelle annexe I, il vise les réalisations qui, en raison de leur nature,
ne peuvent être brevetées. Selon l’article 2. a) de l’A1 de l’ABR, ne peuvent être brevetés :
a) l’invention dont l’exploitation est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Le législateur fait implicitement référence à la condition de licéité. Cette exclusion est


fondée sur des valeurs qui sont proches de l’éthique. Par exemple le clonage humain, les procédés
de modification de l’identité génétique de l’être humain, l’utilisation d’embryons humains à des fins
industrielles ou commerciales.

Les inventions contraires à l’ordre public sont exclues de la brevetabilité. Il n’existe pas de
réelle définition de l’ordre public car cette notion ne recouvre pas la même chose selon les pays.
On peut néanmoins noter que la notion d’ordre public comprend les principes fondamentaux de
l’ordre juridique, à savoir les normes, qui servent à la réalisation et à la protection des valeurs et des
biens fondamentaux nécessaires à la vie en communauté. Certaines manipulations génétiques
d’animaux ou de végétaux ont été considérées comme contraires à l’ordre public pour des raisons
liées à la protection de l’environnement.

La notion de bonnes mœurs se réfère au comportement social correct et à des règles


généralement admises d’honnêteté et de convenance : elle n’est donc pas limitée aux mœurs
sexuelles.
b) les méthodes de traitement du corps humain ou animal par la chirurgie ou la thérapie ainsi que
les méthodes de diagnostic

Les méthodes pourraient être rangées dans la catégorie des découvertes scientifiques. Le
fondement de cette exclusion semble lié à l’éthique.
c) l’invention qui a pour objet des variétés végétales, races animales, procédés essentiellement
biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, autres procédés microbiologiques et produits
obtenus par ces procédés

Les variétés végétales et les races animales ne sont pas brevetables. On peut néanmoins
breveter des animaux ou des végétaux transgéniques en Europe. Ils ne sont pas considérés comme
des races d’animaux ou des variétés végétales. La célèbre souris oncogène de Harvard a ainsi pu
être brevetée, car l’oncosouris n’est pas une race animale. C’est une souris génétiquement modifiée,
conçue et produite pour être prédisposée au développement de tumeurs cancéreuses.

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B. LES CONDITIONS POSITIVES DE BREVETABILITE

Aux termes de l’article 2 de l’Annexe I de l’ABR : « 1) Peut faire l’objet d’un brevet d’invention,
l’invention nouvelle impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle
2) L’invention peut consister en, ou se rapporter à un produit, un procédé, ou à l’utilisation de ceux-ci. »

Il découle de la lecture de cette disposition que pour être brevetable, une invention doit
être nouvelle (1). Cette invention doit impliquer une activité inventive (2) et être susceptible
d’application industrielle (3).

Il faut souligner que chaque condition de brevetabilité est analysée de façon autonome.
L’invention ne pourra être appropriée par brevet que lorsque ces critères précédemment énoncés
seront cumulativement réunis.

1. La nouveauté

Pour être brevetable, un bien intellectuel doit être nouveau. Selon l’Article 3 de l’AABR sur la
nouveauté : 1) une invention est nouvelle si elle n’a pas d’antériorité dans l’état de la technique.

La nouveauté s’apprécie par rapport à l’état de la technique (a). La notion de nouveauté


comporte des atténuations (b) et une exception (c).

a) L’état de la technique

La nouveauté s’apprécie par rapport à l’état de la technique. Selon l’alinéa 2 de l’article 3,


« l’état de la technique est constitué par tout ce qui été rendu accessible au public, quel que soit le lieu, le moyen
ou la manière, avant le jour du dépôt de la demande du brevet ou d’une demande de brevet déposée à l’étranger et
dont la priorité a été valablement revendiquée. »

L’invention doit comporter une caractéristique nouvelle qui ne fait pas partie du fonds de
connaissances existantes. L’état de la technique englobe toute information accessible au public :
par exemple l’information peut se trouver sur un site internet, courriel, photo, vidéo.
L’état de la technique est la notion qui, dans le jargon des initiés, désigne tout ce qui a été rendu
accessible à des personnes non tenues au secret, avant le dépôt de la demande de brevet. Un
document ou une information faisant partie de l’état de la technique est appelé une « antériorité »
qui détruit la nouveauté de l’invention revendiquée.

Dès lors, l’invention est nouvelle, si au moment du dépôt de la demande de brevet, elle n’a
pas encore été révélée au public. La divulgation fait obstacle à la brevetabilité en détruisant la
nouveauté.

b) Les atténuations

La nouveauté d’une invention n’est pas mise en échec si, dans les douze (12 mois)
précédant, cette invention a fait l'objet d'une divulgation résultant :

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a) d’un abus manifeste à l’égard du déposant de la demande ou de son prédécesseur en droit.
Cette disposition fait référence à la divulgation frauduleuse. Il s’agit de protéger l’inventeur, victime
d’agissements illicites.

b) ou l’a exposée dans une exposition internationale. La présentation publique lors d’une
exposition officielle ne détruit pas la nouveauté. C’est l’article 11 de la CUP qui impose une
protection temporaire aux inventions, marques, dessins et modèles qui figureront aux expositions
internationales.

c) L’exception au critère de nouveauté : le droit de priorité du déposant

L’article 4 de la CUP instaure entre les États membres un délai de priorité dont jouit le
déposant pour effectuer un dépôt pour le même bien intellectuel dans tous les pays membres. Le
délai de priorité est consacré par le Traité de coopération en matière de brevet (article 8) et l’Accord
sur les ADPIC. Cette priorité naît dès le dépôt national régulier.

Cette exception ne s’applique qu’aux demandes effectuées dans les pays signataires de la
CUP. Le droit de priorité signifie que, lorsqu’il a effectué une demande de brevet dans un pays
partie à la CUP, le déposant ou ses ayants droit peuvent, dans un délai déterminé, demander la
protection de la même invention dans tout autre pays partie à cette convention. Ces demandes
ultérieures seront considérées comme ayant été déposées à la même date que la première demande.
Le droit de priorité est subordonné au respect d’un délai n’excédant pas douze mois entre ces deux
dates.

2. L’activité inventive

Selon l’article 4 de l’ABR, « une invention est considérée comme résultant d’une activité inventive si,
pour un homme du métier ayant des connaissances et une habilité moyennes, elle ne découle pas d’une manière évidente
de l’état de la technique à la date du dépôt de la demande de brevet ou bien, si une priorité a été revendiquée, à la
date de la priorité valablement revendiquée pour cette demande. »

Il ne suffit pas qu’une invention soit nouvelle pour donner prise à un brevet, elle doit encore
ne pas être une simple évidence. En d’autres termes, l’invention ne doit pas être évidente pour une
personne ayant une connaissance moyenne du domaine technique considéré. Un degré de banalité
et de simplicité écarte la possibilité de revendiquer un titre de propriété.

Sous le nom d’activité inventive, c’est en réalité « la non-évidence » de l’invention qui


est recherchée. La formule légale retenue pour décrire l’activité inventive est construite par l’emploi
de 3 notions cadres éléments : l’homme de métier (a), l’évidence (b) et l’état de la technique
(c).

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a. L’homme de métier

L’homme du métier est un personnage fictif de référence, moyennement savant, et qui


appartient au même secteur d’activité. C’est celui qui possède les connaissances normales de la
technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles de concevoir
la solution du problème que propose de résoudre l’invention

b. L’évidence

Le langage commun définit l’évidence comme ce qui s’impose à l’esprit avec une telle force
qu’il n’est besoin d’aucune preuve pour en connaitre la vérité. L’évidence ne laisse pas place à l’aléa.
S’il est aléatoire, incertain que l’homme du métier retienne la même solution face au
problème qui lui est posé, alors la solution apportée n’est pas évidente et elle porte
l’empreinte d’une activité inventive. Plus simplement, l’invention ne doit pas être évidente pour
une personne ayant une connaissance moyenne du domaine technique considéré.

c. L’état de la technique

L’état de la technique pris en considération pour l’analyse de l’activité inventive n’est pas le
même que celui retenu pour l’appréciation de la nouveauté. Il intègre l’ensemble des informations
pertinentes dans un domaine technique donné. Il est constitué de tout ce qui a été effectivement
rendu accessible au public. Si la solution découle de façon évidente de la combinaison naturelle de
plusieurs documents antérieurs, alors il n'y a pas activité inventive. À l'inverse, si la combinaison
des documents antérieurs ne relève pas de l'évidence, il sera possible de démontrer le caractère
inventif de la solution proposée.

3. L’application industrielle

Selon l’article 5 A1. ABR « Une invention est considérée comme d’application industrielle si son objet
peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie. Le terme « industrie » doit être compris dans le sens le
plus large ; il couvre notamment l’artisanat, l’agriculture, la pêche et les services. »

Le brevet n’est accordé qu’à celui qui apporte un résultat palpable à la société. L’objet de
l’invention doit pouvoir être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie.

On fait breveter l’invention d’un produit ou d’un procédé nouveau qui constitue un résultat
tangible pour l’industrie, une application concrète. Tout bien intellectuel engendrant un
produit, dont la fabrication peut être manufacturée, répond à ce critère. En pratique, peu
de demandes de brevet sont écartées pour défaut d’application industrielle. La demande de
brevet doit expliciter la manière dont l’invention est susceptible d’application industrielle.

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PARAG. II. LES CONDITIONS DE FORME

Il convient au préalable de préciser la question de la titularité c’est-à-dire à qui appartient


l’invention avant d’aborder la question de la procédure de dépôt.

A. Les personnes habilitées à demander un brevet


Il découle des dispositions de l’ABR que la personne à priori habilitée à obtenir le titre de
propriété est celle qui a créé le bien intellectuel. Ce principe connaît plusieurs aménagements.
1) Principe

Selon l’article 9 al. 1 de l’Annexe de l’ABR, « Le droit au brevet d'invention appartient à l'inventeur;
le déposant est réputé être le titulaire du droit. »

Deux grands systèmes s'affrontent dans le monde pour établir la règle d'attribution des
brevets : l'attribution du titre de propriété au premier inventeur ou l'attribution du titre au premier
déposant. Le premier système peut être source de conflits lorsqu’il y a des controverses sur l’identité
de l’inventeur. C’est la raison pour laquelle des pays comme la France ont opté pour le second
système. Le titre est attribué au premier déposant. Lorsque plusieurs personnes ont réalisé
l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit de propriété appartient à la personne qui a
déposé une demande en premier. La date la plus ancienne confère la propriété (voir en ce sens
l’article 10 al. 3 de l’Annexe I de l’ABR).

Les USA retiennent un système original désigné « inventeur – premier déposant ».


2) Les aménagements au principe

Les aménagements au principe concernent les inventions de salarié : il faut distinguer les
inventions de missions, des inventions hors mission.

***** Les inventions de missions

Les inventions de mission. Le droit au brevet pour une invention faite en exécution du
contrat de travail appartient au maitre d’ouvrage ou à l’employeur (Article 11 de l’A1 de l’ABR).
Ce texte vise exclusivement les inventions réalisées par les salariés. Ce texte ne peut être appliqué
à toute personne qui n’aurait pas ce statut par exemple : le travailleur indépendant, le mandataire
social, le stagiaire, le travailleur intérimaire. Même si le texte ne le précise pas, pour que la
qualification d’invention de mission puisse s’appliquer, il faut que le contrat de travail contienne
une mission inventive qui correspond à des fonctions effectives. Seuls les salariés affectés à temps
plein ou à temps partiel, à une tâche de recherche et développement remplissent cette condition
d’effectivité.

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*Il a droit à une rémunération supplémentaire selon l’alinéa 11 de l’A1 de l’ABR ; La
condition relative à l’importance exceptionnelle de l’invention a disparu. Le législateur africain
qui avait repris la règle en vigueur en France jusqu’en 1990, l’a abandonnée.

**En droit français, depuis la modification de l’article L.611-7.1 du CPI, le salarié inventeur
dans une telle hypothèse a droit à une rémunération supplémentaire. Cette règle est d’ordre public,
aucun texte ne peut l’écarter.

*****Invention hors mission.

Il convient de distinguer les inventions hors missions attribuables des inventions de mission
non attribuables.

Pour qu’une invention soit qualifiée d’invention hors mission attribuable, elle doit être
faite à la seule initiative de l’employé sans instruction de son employeur. Le bien intellectuel créé
par un salarié qui n’a pas une mission inventive dans son contrat de travail peut être revendiqué
par l’employeur en droit français. L’invention doit être faite par un salarié soit dans le cours de
l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la
connaissance ou l’utilisation des techniques ou des moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données
procurées par l’entreprise.

En droit africain, le bien créé appartient à l’employeur qui doit seulement fournir une
rémunération supplémentaire à son salarié qui n’est pas tenu par son contrat de travail d’exercer
une activité inventive, mais a fait l’invention en utilisant des données ou des moyens que son emploi
a mis à sa disposition : l’employé a droit à une rémunération tenant compte de l’importance de
l’invention brevetée.
L’invention hors mission non attribuable : toutes les inventions qui ne sont ni des
inventions de mission, ni des inventions hors-mission attribuables sont des inventions hors mission
non attribuables. Elles sont l’entière propriété du salarié inventeur. L’employeur est un tiers
ordinaire, il ne bénéficie d’aucun droit spécifique sur cette invention. S’il souhaite acquérir le bien,
il devra convaincre le salarié qui n’a aucune obligation de la lui céder. Cette qualification suppose
que l’invention soit effectuée dans un domaine parfaitement étranger à celui de la société, sans
recourir aux moyens techniques de celle-ci.

13
3) L’inventeur en collaboration

La demande de brevet ou un brevet peuvent être exercés en copropriété (voir article alinéa
10 de l’Annexe I). Dans ce cas, chacun des copropriétaires est considéré comme inventeur. Il
peut donc exploiter l’invention à son profit. Il doit toutefois indemniser équitablement des autres
copropriétaires qui n’exploitent pas personnellement l’invention ou qui n’ont pas cédé de licences
d’exploitation. A défaut d’accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal.

B. La procédure de dépôt de la demande

Tout inventeur qui veut obtenir un brevet d’invention doit adresser par pli postal recommandé
avec demande d’avis de réception à l’OAPI ou à la SNL de son pays.

- Description de l’invention faisant l’objet du brevet. Il peut revendiquer la priorité d’un dépôt
antérieur (délai de 6 mois) : préciser la date et le numéro de ce dépôt antérieur

- Paiement de la taxe de dépôt voir les articles 13 et suivants de l’Annexe 1 de l’ABR

-Examen des demandes pour vérifier les conditions de brevetabilité

-Si les conditions requises sont remplies, l’Organisation délivre le brevet demandé

SECTION II. LES EFFETS DE LA PROTECTION PAR LE BREVET

PARAG. I LES PREROGATIVES DU BREVETÉ

Le titre de brevet donne à son titulaire un monopole temporaire et territorial pour


l’exploitation de l’invention. Le droit de brevet connaît trois types de limites : des limites spatiales,
des limites temporelles et des limites qui tiennent à son exercice

Concernant l’étendue spatiale des prérogatives du breveté, il faut noter que la portée
géographique du droit de brevet se limite au territoire de l’Etat qui a délivré le titre. S’agissant de
l’espace OAPI, un brevet délivré par l’OAPI n’est valable que sur tout le territoire OAPI : c’est le
principe de la territorialité des brevets.

S’agissant des limites temporelles : la durée de validité du brevet est limitée à 20 ans.
Conformément à l’article 8 de l’A1 de l’ABR, la durée du brevet est de 20 ans. Le point de départ
est la date de dépôt de la demande de brevet. Pour conserver la propriété du brevet, le titulaire doit
payer une taxe annuelle dont le montant est fixé par l’OAPI. Aucune obligation ne pèse sur le
titulaire de conserver vingt ans le titre de propriété, il peut à tout moment mettre fin à sa propriété
sous réserve d’engagements contractuels.

14
Enfin concernant les limites à l’étendue des prérogatives du breveté dans l’exercice de son droit,
on peut citer deux mécanismes juridiques qui viennent limiter l’exercice du droit du brevet : le
mécanisme de l’épuisement du droit et le droit de possession personnelle antérieure.

-Il a le droit d’interdire à toute personne l’exploitation de l’invention brevetée. Il peut céder son
droit et conclure des contrats de licence. Il dispose du droit d’agir en justice à l’encontre des
contrefacteurs.

Limitation au droit exclusif. Le législateur africain exclut du monopole une série d’actes autrement
dit, certains actes d’exploitation peuvent être légalement accomplis par les tiers sans demander
l’autorisation de l’inventeur. Ces exceptions se justifient par ce qu’il n’y a pas véritablement
« exploitation » de l’invention. Il en est ainsi des actes accomplis à titre expérimental : la fabrication
ou l’utilisation de l’invention à des fins purement expérimentales ne constitue pas une exploitation
au sens commercial de l’invention. Le titulaire d’un brevet ne peut s’opposer à l’utilisation dans le
cadre de recherches fondamentales ou techniques à but non commercial (possible
perfectionnement de l’invention).

PARAG. II. LES OBLIGATIONS DU BREVETÉ

A. L’obligation de payer les annuités

Le paiement des annuités maintient le brevet en vigueur pour une période de 20 ans (article 8)

-Le breveté est tenu de payer une taxe qui doit être acquitté annuellement. Est déchu de tous
ses droits le breveté qui n’a pas acquitté son annuité à la date anniversaire du dépôt de sa demande.

- cette taxe a un effet dissuasif, avec l’effet d’inciter à l’abandon de brevets devenus inutiles,
notamment lorsque l’invention apparait dépassé par le progrès technique.

En cas d’oubli, le titulaire du brevet bénéficie d’un « délai de grâce « de 6 mois pour payer la
redevance annuelle accompagnée d’une surtaxe. Passé ce délai, il peut présenter un recours en
restauration de ses droits.

B. L’obligation d’exploiter le brevet


Le brevet est considéré comme un instrument de développement,
- si la loi reconnait au breveté un monopole d’exploitation, c’est dans l’esprit que le brevet sera
effectivement exploité afin que la société profite de l’invention

- il est donc justifié d’imposer au breveté à qui a été accordé un droit exclusif sur l’invention,
une obligation d’exploiter l’invention

15
- Voir en ce sens les articles 49 et suivants de l’Annexe I de l’ABR qui traite des licences non
volontaires en cas d’inexploitation de l’invention sur l’un des territoires membres de l’espace OAPI.

Cette sanction étant disproportionnée, des causes d’exonérations ont été prévues.

- Le breveté peut se voir imposer une licence obligatoire (permettant de s’assurer de


l’exploitation effective de l’invention, voir une licence d’office)

CHAPITRE II. LES AUTRES CREATIONS TECHNIQUES

Il s’agit des dessins et modèles d’utilité (SECTION I), dessins et modèle (SECTION II).

SECTION I. LES MODELES D’UTILITE

Selon l’article 1er de l’Annexe II de l’ABR sur les modèles d'utilité « constituent des modèles
d’utilité protégés par des certificats d'enregistrement délivrés par l'Organisation, les instruments de travail ou les objets
destinés à être utilisés ou les parties de ces instruments ou objets pour autant qu'ils soient utiles au travail ou à l'usage
auquel ils sont destinés grâce à une configuration nouvelle, à un arrangement ou à un dispositif nouveau et qu'ils
soient susceptibles d'application industrielle. »

Le certificat d’utilité est un titre de propriété industrielle délivré à un déposant en


contrepartie de la divulgation de son invention ; L'expression “ modèle d'utilité” n'est qu'un nom
donné à un titre de protection pour certaines inventions, par exemple dans le domaine mécanique.
Les modèles d'utilité sont généralement demandés pour des inventions techniquement moins
complexes ou ayant une durée de vie commerciale courte.

Il convient de préciser les conditions de protection et les effets de la protection.

PARAG. I. CONDITIONS DE PROTECTION

Ce sont les articles 2 et 3 de l’Annexe I de l’Accord de Bangui qui fixent les conditions de
protection du modèle d’utilité. Selon l’article 2 qui traite de la nouveauté « L'instrument ou l’objet ou
les parties de l'un ou de l'autre, tels que visés l'article premier précédent ne sont pas considérés comme nouveaux, si à
la date du dépôt de la demande d'enregistrement auprès de l'Organisation, ils ont été décrits dans des publications ou
s'ils ont été notoirement utilisés sur le territoire de l'un des États membres. »
L’article 3 de l’Annexe I a trait à l’application industrielle. Selon le texte précité, « un modèle
d'utilité est considéré comme susceptible d'application industrielle, si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout

16
genre d'industrie. Le terme “industrie” doit être compris dans le sens le plus large ; il couvre notamment l'artisanat,
l'agriculture, la pêche et les services. »

Il résulte de la lecture combinée des deux dispositions précitée que les critères de protection
sont : la nouveauté (A) et l’application industrielle (B).

A. LA NOUVEAUTE

Si le critère de “ nouveauté” doit toujours être satisfait, celui de l’ « activité inventive » ou


de la “ non-évidence” peut être beaucoup moins strict voire absent. En pratique, la protection des
modèles d'utilité est souvent demandée pour des innovations qui sont plutôt des améliorations et
qui ne remplissent peut-être pas les critères de brevetabilité.

B. L’APPLICATION INDUSTRIELLE

Voir cours sur brevet

C. DIFFERENCE ENTRE BREVET ET CERTIFICAT D’UTILITE

Deux différences essentielles existent entre le brevet et le certificat d’utilité :

- La première différence réside dans la durée de protection. Elle est de 10 ans pour le
certificat d’utilité et de 20 ans pour le brevet. Selon l’article 6 de l’Annexe II de l’ABR « la durée de
la protection conférée par le certificat d'enregistrement d'un modèle d'utilité expire au terme de la dixième année, à
compter de la date du dépôt de la demande d'enregistrement. »

Il faut souligner que les inventions peuvent également être protégés par des modèles
d’utilité connus sous le nom de « petits brevets » « ou certificats d’utilité »

- La deuxième différence a trait aux conditions d’enregistrement. Aucun examen de fond


n’est effectué. Les conditions d’enregistrement des modèles d’utilité sont moins rigoureuses
(aucune activité inventive n’est exigée). La procédure d’enregistrement est par conséquent plus
rapide La procédure d'obtention de la protection pour un modèle d'utilité est généralement plus
rapide et plus simple que pour un brevet.

La notion de durée mise à part, il offre la même protection qu’un brevet.

17
PARAG. II FORMALITE ET EFFETS DE LA PROTECTION

A. FORMALITES

Pour obtenir un certificat d’enregistrement d’un modèle d’utilité, l’intéressé doit adresser
une demande au D.G de l’OAPI. Cette demande doit contenir le nom du déposant, domicile, titre
du modèle d’utilité, etc. A la suite du dépôt il y aura deux examens : un examen administratif et un
examen de fond

B. EFFETS DE LA PROTECTION

Le titulaire du certificat d’enregistrement du modèle d’utilité dispose d’un droit exclusif. Il


a par conséquent le droit d’interdire l’exploitation du modèle d’utilité à toute personne sans son
accord.

Intérêts d’une telle protection.


Le certificat d’enregistrement du modèle d’utilité peut remplir un
rôle dissuasif et informatif. Le certificat d’enregistrement du modèle d’utilité peut aider à
promouvoir le développement de l’entreprise en protégeant par un monopole temporaire ses
recherches. L’entreprise dispose d’un délai pour prendre une avance technologique sur ses
concurrents. Si elle ne dispose pas de moyens financiers suffisants, la protection laisse le temps à
l’entreprise de trouver des financements pour améliorer son invention.

Le certificat d’enregistrement du modèle d’utilité peut procurer des revenus financiers.


L’entreprise peut consentir des licences.

SECTION II. LES DESSINS ET MODELES INDUSTRIELS

Définition. Selon l’article 1er de l’Annexe IV de l’ABR, « est considéré comme dessin, tout assemblage
de lignes ou de couleurs, et comme modèle toute forme plastique associée ou non, à des lignes ou à des couleurs, pourvu
que cet assemblage ou forme donne une apparence spéciale à un produit industriel ou artisanal et puisse servir de type
pour la fabrication d’un produit industriel ou artisanal. »

Un dessin et modèle industriel protège l’aspect ornemental ou esthétique d’un objet


industriel. Un tel aspect peut résider dans la forme, dans la composition ou dans la couleur de
l’objet. Cet objet doit être susceptible d’être reproduit par des procédés industriels ou artisanaux.
Les dessins ou modèles se composent de caractéristiques en trois dimensions la forme d’un objet
par exemple), ou en deux dimensions (motifs, lignes ou couleurs). Ils interviennent dans la

18
conception de produits industriels ou artisanaux très divers : matériel médical, les montres, les
bijoux, les appareils électroménagers, les véhicules, les dessins textiles.

Pour bénéficier de la protection, les dessins et modèles doivent être apparent c’est-à-dire
extérieur et visible. Si le dessin a pour caractère essentiel d’orner un objet, de lui donner un aspect
particulier il faut bien qu’il soit vu. Notons que la protection des dessins et modèles est assurée par
les dispositions relatives à la PLA et aux droits des dessins et modèles.

PARAG.I. LES CONDITIONS DE PROTECTION

A. Les conditions de fond


Il découle de l’article 2 de l’Annexe VI de l’ABR, deux conditions de protection : un dessin ou
modèle industriel peut faire l’objet d’un enregistrement s’il est nouveau ; L’alinéa 4 de l’article 2
précité ajoute qu’un dessin ou modèle industriel dont l’exploitation est contraire à l’ordre public ou
aux bonnes mœurs ne peuvent faire l’objet d’un enregistrement

1. La nouveauté
-La nouveauté. Un dessin ou modèle industriel est nouveau, s’il n’a pas été divulgué en tout
lieu du monde, par une publication sous forme tangible, par un usage ou par tout autre moyen
avant la date de dépôt ou, le cas échéant, avant la date de priorité de la demande d’enregistrement.

-un dessin ou modèle est divulgué lorsqu’il a été rendu accessible au public par une publication,
un usage ou tout autre moyen.

-Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne
diffèrent que par des détails insignifiants.

-La notion de nouveauté ne doit pas être comprise dans un sens rigoureux autrement dit la pure
nouveauté, la nouveauté absolue mais la nouveauté relative.

*En droit français, pour qu’un dessin ou modèle soit enregistré en France, il doit répondre
à deux conditions :

- être nouveau

- posséder un caractère propre. Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque


l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par
tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la
date de priorité revendiquée.

19
L’observateur averti est décrit comme un utilisateur doté non d’une attention moyenne mais
d’une vigilance particulière en raison de son expérience personnelle du domaine considéré.

La notion de caractère propre est définie. Ce critère est à distinguer de celui de l’originalité.
Le caractère propre est apprécié non pas intrinsèquement mais par comparaison entre le dessin ou
modèle et ceux de connus

Exception : pas de remise en cause de la nouveauté en cas d’abus manifeste à l’égard du


déposant de la demande

- dans une exposition internationale

2-Exploitation contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Il y a peu de dessins et modèles en eux-mêmes contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Par exemple, des dessins et modèles qui portent atteinte à des droits de la personnalité : des
caricatures outrageantes, des dessins grossiers ou choquants. Ou encore des dessins et modèles qui
se heurtent à une interdiction légale, comme l’émission de billet de banque.

B. Les conditions de forme


Dépôt. Le demandeur doit déposer ou adresser par pli postal recommandé avec demande d’avis
de réception à l’Organisation sa demande

Enregistrement de la demande. L’OAPI vérifie si les conditions de forme sont remplies ; si


les taxes ont été payées. Les irrégularités sont notifiées au demandeur

*La demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle industriel comprend :

- le formulaire DM 401 contenant les mentions obligatoires (adresse complète, domicile et la


nationalité du déposant)

-produire la pièce justificative du versement des taxes prescrites

-indiquer le genre du produit pour lequel le dessin ou modèle sera utilisé

- produire deux exemplaires identiques d’une représentation graphique ou photographique ou


d’un spécimen du dessin ou modèle placé sous pli cacheté dans les dimensions fixées par voie
réglementaire

- un pouvoir sous seing privé, sans timbre si le déposant est représenté par un mandataire

- le document de priorité le cas échéant

* dépôt par voie direct (directement à l’OAPI)

*dépôt indirect (dépôt au ministère de la PI)

20
** la délivrance de l’Arrêté d’enregistrement intervient environ 7 mois après le dépôt de la
demande au terme d’un examen concluant.

PARAG. II. LES EFFETS DE LA PROTECTION

L’enregistrement d’un dessin ou modèle industriel produit des effets pendant 5 ans, à compter
de la date de dépôt de la demande. La protection peut être prolongée pendant deux périodes de 5
ans consécutives, par le simple paiement d’une taxe de renouvellement sans obligation
d’exploitation du dessin ou modèle industriel dans l’un des États membres. Le dessin ou modèle
industriel qui n’a pas été renouvelé dans les délais, tombe en principe dans le domaine public.

Le dessin ou modèle qui n’a pas été renouvelé en raison des circonstances indépendantes
de la volonté de son titulaire peut faire l’objet de restauration pendant une période de un an à
compter de la date à laquelle le renouvellement devait intervenir.

TITRE II. LES SIGNES DISTINCTIFS

Les différentes Annexes de l’ABR citent les marques, les indications géographiques et les
noms commerciaux. Il convient de distinguer les signes distinctifs à usage individuel (CHAP.I) des
signes distinctifs à usage collectif (CHAP.II).

CHAPITRE I. LES SIGNES DISTINCTIFS A USAGE INDIVIDUEL

Figurent dans cette catégorie, les marques, les noms de domaine, l’enseigne et les noms
commerciaux

SOUS-CHAPITRE I. LA MARQUE

À l’origine de la marque, se trouve un signe. Juridiquement, la marque est constituée par


l’association d’un signe et des objets ou services qu’elle couvre. On distingue la marque collective
de la marque individuelle. La marque collective ou marque partagée se distingue forment de la
marque individuelle.

21
La marque individuelle désigne le produit ou le service commercialisé par une seule
entreprise, la marque collective est apposée sur des produits ou services commercialisés par
plusieurs entreprises.

La marque collective est une marque exploitée simultanément par plusieurs entreprises qui
n’en sont pas forcément propriétaires. Ces entreprises n’ont pas conclu un contrat de licence pour
cette exploitation, mais elles respectent le règlement d’usage. S’apparentant à un cahier de charges,
ce règlement est établi par le titulaire de l’enregistrement qui va vérifier que les exploitants
respectent bien les conditions posées par le règlement.

SECTION I. LES CONDITIONS DE PROTECTION DU SIGNE

Il convient de distinguer les conditions relatives au signe (§1), des formalités de protection du
signe (§2)

A. LES CONDITIONS RELATIVES AU SIGNE

L’éventail des signes protégeables. S’agissant des signes protégeables, il faut noter une
évolution des textes. L’article 1 de la nouvelle annexe III innove en consacrant la protection des
signes sonores. Seuls les signes visibles étaient protégés comme marques conformément à l’article
1 de l’annexe III de 1999. L’ancienne annexe ne protégeait pas les signes sonores. Les signes
sonores peuvent être subdivisés en deux catégories à savoir les sons et les phrases musicales. La
législation OAPI s’aligne ainsi sur la majorité des législations étrangères.

L’article 1 de la nouvelle annexe énumère une liste non exhaustive de signes admis comme
marques notamment la forme caractéristique du service, les signes audiovisuels, la nuance de
couleur. L’annexe III, Acte de Bamako 2015 fait la distinction entre la marque collective simple et
la marque collective de certification. C’est l’une des principales innovations de la nouvelle annexe
III. Dans l’Annexe III de 1999, la marque collective avait un caractère hybride. Elle tenait à la fois
de marque collective simple et de marque collective de certification.

1) LES SIGNES VISIBLES

Le législateur OAPI qui exige que le signe admis comme marque soit visible, ne définit
pas la notion de visibilité. Selon la doctrine, le caractère visible du signe fait référence à l’aspect

22
matériel du signe14. Un signe visible doit être appréhendé comme étant un signe perceptible par
la vue. Le caractère visible a trait à l’apparence de la marque aux yeux du public ciblé, du
consommateur. Le signe est visible en raison de l’exposition de la marque sur les produits ou
par l’intermédiaire de communications publicitaires. L’article 2.1 de l’annexe III est conforme
aux dispositions de l’Accord sur les ADPIC dont l’article 15§1 laisse la latitude aux États
membres d’exiger comme condition de l’enregistrement que les signes soient perceptibles
visuellement. Parmi les signes visibles figurent, les signes dénominatifs, les signes figuratifs

a. Les signes dénominatifs

Définition. Les signes dénominatifs ou verbaux ont pour particularité d’être


perceptibles par la vue et éventuellement par l’ouïe dans le cadre d’une communication orale.
Les dénominations citées par l’article 2 de l’Annexe III l’ABR sont, « les noms patronymiques
pris en eux-mêmes ou sous une forme distinctive, les dénominations particulières, arbitraires
ou de fantaisie », auxquelles nous pouvons ajouter les lettres, les chiffres, devises,
pseudonymes. Constituent des noms de personnes, le patronyme, le pseudonyme, et le prénom.

Les patronymes. Le nom patronymique, c’est celui consacré par l’état civil.
L’Annexe III de l’ABR mentionne expressément les « noms patronymiques pris en eux-
mêmes ou sous une forme distinctive »

Le pseudonyme. Au contraire du patronyme qui est imposé par la famille, le


pseudonyme est un nom qu’une personne s’attribue. C’est un nom de fantaisie librement choisi
par une personne pour masquer au public sa personnalité véritable dans l’exercice d’une activité
particulière. C’est un accessoire du nom patronymique.

Le prénom. Accessoire du nom patronymique, le prénom n’est pas expressément cité


au sein de la liste de l’article 2 de l’Annexe III de l’ABR. Cette omission n’empêche par son
dépôt comme marque conformément aux exigences de l’ADPIC qui vise les noms de personnes.

Dénominations particulières. Les dénominations particulières, arbitraires ou de


fantaisie sont généralement le fruit de l’imagination de leurs auteurs. Ce sont des mots crées de
toutes pièces, qualifiés de néologismes et qui ont un pouvoir distinctif fort. Des dénominations
fantaisistes comme « CALIXIN », « CALLIDIM » ou des néologismes comme
« VIVABANANE », « VIVALAIT », « MOBILIS », « NESCAFE », « DINOR » etc., ont été
déposées comme marque auprès de l’OAPI.

14 René KIMINOU, « La révision du droit des marques de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
(OAPI) », RDPI, novembre 2001, n° 129, p. 24 et s.

23
b. Les signes figuratifs

Notion. Appelés également signes emblématiques 15, les signes figuratifs sont définis
par opposition aux signes nominaux et sonores. Ce sont des signes qui ne sont ni des mots, ni
des sons, qui s’adressent à la vue. L’article 2 § 1 de l’Annexe III de l’ABR prévoit la protection
des signes figuratifs tels que « la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement,
les étiquettes, enveloppes, emblèmes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, liserés,
combinaisons ou dispositions de couleurs, dessins relief ».

Le dépôt des formes. L’article 2 de l’Annexe III de l’ABR vise expressément « la


forme du produit ou celle de son conditionnement ». Ce qui permet d’envisager la protection
des flacons et emballages. A ainsi été déposée auprès de l’OAPI, la forme cubique du savon
« BF » de la filiale ivoirienne du groupe Blohorn. Il en est de même de la forme de certaines
bouteilles d’huiles.

Le dépôt des couleurs. Les couleurs sont protégeables comme marques conformément
à l’article 2.1.b de l’Annexe III qui fait référence aux combinaisons, dispositions et nuances de
couleur :

-Les combinaisons de couleur sont des signes constitués de la seule association ou


coexistence de différentes couleurs, sans que celles-ci fassent l’objet d’un agencement
particulier.

-La disposition de couleur consiste en l’utilisation d’une ou plusieurs couleurs dans


une dorme et une position déterminées, de façon distinctive
-La nuance de couleur est un mélange de couleurs qui, par fusion, en donne une
nouvelle16.

C. Les signes audiovisuels

Les signes audiovisuels sont visés expressément par l’article 2.1.d de l’Annexe III, Acte
de Bamako. Ils peuvent être définis comme des signes consistant en des séquences animées
d’images sonorisées ou non.

15 Marie Angèle PEROT-MOREL, « La marque emblématique », in Mélanges Albert CHAVANNE, Litec, 1990,
p. 259.
16 Patrick TAFFOREAU, Droit de la propriété intellectuelle, 3ème édition, Gualino éditeur, Lextenso éditions, 2012,
p. 396, n° 553)

24
2) Les signes sonores

Les signes sonores ou auditifs. Les signes sonores sont visés par l’article 2.1.c de la nouvelle
Annexe III comme signes susceptibles de constituer une marque. L’avènement de l’audiovisuel et
de la radiophonie a favorisé l’émergence des marques sonores. Ils se subdivisent en deux
catégories à savoir les sons d’une part et les phrases musicales d’autre part.

-Les sons s’entendent de toutes sortes de bruit, autrement dit, des sons non musicaux
existant dans la nature (par exemple des sons émis par des animaux ou produits par des éléments
météorologiques ou géographiques) ou provenant de machines ou autres dispositifs créés par
l’homme. Le son est fréquemment utilisé pour renforcer l’identité du produit ou du service.

-Les phrases musicales sont celles qui peuvent être transcrites en notes ou portées
musicales.

2) La non consécration de certains signes atypiques


Le nouveau texte ne mentionne pas les signes atypiques tels que :

- Les signes olfactifs. Les entreprises innovent et tentent d’enregistrer comme marque,
des signes s’adressant à d’autres sens que la vue (emballages odorants et nuages olfactifs diffusés
dans les rayons des magasins). Ces signes faisant appel à l’odorat dits marques olfactives ont été
enregistrés auprès d’offices américains et britanniques. La question se pose néanmoins de savoir si
on peut assimiler une odeur ou un parfum à une entreprise ? La nature même de ces signes (les
odeurs) peut être une source de difficulté pour leur protection car ils se confondent avec le produit.
Comme l’a souligné Mme Hélène Gaumont-Prat, « le consommateur ne peut vraisemblablement
pas appréhender un signe qui n’est pas extérieur au produit au moment de l’achat »17. Il est donc
judicieux que le législateur africain n’ait pas consacré les signes olfactifs.

- Les signes gustatifs. Le goût n’a pas échappé à la ruée marketing sur les signes sensoriels.
La société « L’Oréal » commercialise des gammes de rouges à lèvres « Glam shine Sorbet ». Le
législateur africain n’a pas consacré les signes gustatifs. Ce défaut de consécration des signes
gustatifs est salutaire car des difficultés peuvent surgir quant à l’étendue de la protection accordée
à une marque gustative. Le public ne le percevrait, en effet, pas comme une marque mais comme
un arôme, un agrément du produit.

Les dispositions de l’Annexe III de l’ABR imposent au signe formant la marque de


respecter les conditions générales de validité unanimement admises par de nombreuses législations
sur les marques (2).

17 Hélène GAUMONT-PRAT, Droit de la propriété industrielle, 4ème édition, LexisNexis, 2017, p. 217.

25
B) LES CONDITIONS GENERALES DE VALIDITE DES SIGNES

La protection d’une marque est donc soumise à trois conditions cumulatives à savoir la
distinctivité, la licéité et la disponibilité. Ces critères généraux de protection sont repris dans la
majorité des législations des États membres de l’OMC dont ceux de l’OAPI.

A. Le caractère distinctif du signe

Aux termes de l’article 3 a) de l’Annexe III de l’ABR, « une marque ne peut être valablement enregistrée si :
a) elle est dépourvue de caractère distinctif notamment du fait qu’elle est constituée de signes ou d’indication constituant
la désignation nécessaire ou générique du produit ou la composition du produit ».

La marque doit permettre d’identifier les produits et services d’un opérateur économique
par rapport à ceux d’un concurrent ; pour être valable, la marque doit être distinctive. Le caractère
distinctif ne se confond ni avec la nouveauté (la marque n’est pas considérée comme une création)
avec l’originalité (empreinte de la personnalité de son auteur). Exemple : la marque orange.

Ce texte formule les critères d’appréciation de la distinctivité en énumérant les types de


signes présentés comme dépourvus de caractère distinctif.

Les critères du caractère distinctif. Le législateur africain considère comme étant


dépourvus de caractère distinctif, les signes constitués par « la désignation nécessaire ou générique
du produit ou la composition du produit ».

Les signes nécessaires. Par désignation nécessaire, on entend la désignation ordinaire et


courante d’un produit ou d’un service et dont l’appropriation à titre privatif aura pour conséquence
de le retirer du domaine public, causant ainsi un préjudice aux concurrents.

Les signes génériques. S’agissant de la désignation générique, elle peut selon M. Antoine
Braun, être assimilée à la désignation nécessaire. Selon cet auteur, la désignation générique n’est
qu’une forme plus large de la désignation nécessaire18. Ainsi, une marque est générique lorsqu’elle
définit la catégorie, l’espèce ou le genre auquel appartient l’objet. À titre d’exemple, il faut noter
que l’emploi de la marque « mobilier » serait générique pour désigner des mobiliers.

Un signe est usuel lorsqu’il est habituellement employé pour désigner un objet en lui-même en
raison de sa nature ou de ses propriétés19. C’est donc le terme utilisé couramment ou habituellement
pour désigner le produit ou le service couvrant la marque. Cette énumération de l’article 3, a)

18 Antoine BRAUN, Précis des marques, Bruxelles, 4ème édition, Larcier, 2004, n° 99, p. 123.
19 Johanna SCHMIDT-SZALEWSKI et Jean-Luc PIERRE, Droit de la propriété industrielle, 4ème édition, Litec, 2007, n° 497,
p. 212.

26
n’épuise toutefois pas les cas où fait défaut le caractère distinctif. L’emploi de l’adverbe
« notamment » par l’article 3 a) démontre, en effet, le caractère simplement illustratif de cette
énonciation. Par conséquent, les signes usuels devraient être considérés comme dépourvus de
caractère distinctif par l’OAPI et les juges de l’espace OAPI.

La composition du produit. Concernant ce cas d’exclusion, il faut d’abord noter que le


terme « composition du produit » fait référence à une caractéristique quelconque du produit. Ces
marques désignées uniquement par leurs composants sont qualifiées de descriptives c'est-à-dire
« composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ou la composition du
produit » 20.

L’usage prolongé d’un signe peut lui fait acquérir ou perdre son caractère distinctif.

L’usage antérieur du signe. L’usage ou le temps peuvent influer sur le caractère distinctif
d’un signe, soit pour rendre distinctif une marque qui ne l’était pas, soit pour lui fait perdre ce
caractère distinctif.

B. La disponibilité du signe

L’enregistrement de la marque est donc conditionné au fait qu’un tiers n’ait pas acquis de droit sur
le signe en question. Le signe choisi pour constituer une marque doit être libre c’est-à-dire qu’il ne doit
pas être occupé par un tiers qui disposerait sur lui d’un droit juridiquement protégé. Le droit de marque
s’acquiert par voie d’occupation sur un signe supposé libre.

1) l’antériorité constituée par un signe

Aux termes de l’article 3 (b) de l’Annexe III de l’ABR, « une marque ne peut être enregistrée si elle est
identique à une autre déjà enregistrée, où dont la date de dépôt ou de priorité est antérieure pour les mêmes produits ou
services similaires, ou sa ressemblance avec une autre marque peut entraîner un risque de tromperie ou de confusion ».

Cette limitation est conforme à la pratique car l’antériorité la plus fréquemment invoquée est la
marque 21. Seule une marque ayant fait l’objet d’un dépôt auprès de l’OAPI, permettra à son titulaire de
s’opposer au dépôt comme marque d’un signe postérieur identique.

2) Les conditions d’opposabilité des signes

20 Voir article 3 al.3 de la loi n° 64 -1360 du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce ou de
service.
21 Paul MATHELY, Le nouveau Droit Français des marques, op.cit, p. 98. Cet auteur affirme qu’il est naturel que le
premier des droits antérieurs opposables à une marque soit un droit de même nature, en l’occurrence la marque.

27
Les antériorités au droit des marques sont limitées d’une part par le principe de territorialité
et d’autre part par le principe de spécialité. Les marques notoires obéissent à un régime spécifique

***le principe de territorialité

Un signe approprié pour un pays est indisponible seulement sur le territoire de ce pays. Un signe
déposé sur le territoire communautaire OAPI est indisponible sur tout le territoire OAPI.

***le principe de spécialité

Un signe est indisponible lorsqu’il est déjà utilisé par un tiers comme identifiant commercial
c’est dire comme marque, nom commercial, enseigne ou dénomination sociale. La marque obéit au
principe de la spécialité, ce qui signifie qu’un signe approprié à titre de marque n’est indisponible
que pour désigner des produits et services figurant dans l’acte de dépôt.

Si par exemple un signe a été déposé comme marque pour des parfums, il ne peut plus être
employé comme marque ou comme nom commercial dans le domaine de la parfumerie car il y
aurait un risque de confusion de sorte que le signe perdrait au bout du temps son caractère distinctif.

**** Les marques notoires : la marque notoire est définie comme étant celle qui est largement
connue du public (l’ensemble de la population). Comme indices de notoriété : l’ancienneté, la durée
de l’usage, l’effort publicitaire, la diffusion massive du produit. La protection de ces marques est
prévue par la CUP (article 6 Bis) de 1883 et l’Accord sur les ADPIC (art. 16.2). Les marques telle
que Coca cola, Cartier sont considérées comme des marques notoires. Selon la Jurisprudence, la
notoriété doit être prouvée par le titulaire de la marque en fonction de son ancienneté et de sa
notoriété. Les marques notoires obéissent à un régime spécifique. Si elles restent soumises au
principe de spécialité, elles sont protégées plus largement pour éviter les agissements parasitaires :
la notoriété peut rendre le signe indisponible même dans un domaine commercial différent.

Un signe distinctif notoire peut constituer une antériorité opposable interdisant tout nouvel
usage comme identifiant commercial même dans un autre secteur d’activité, c’est-à-dire même en
l’absence de relations de concurrence.

Le titulaire d’une marque notoire est protégé même en l’absence de dépôt et pourra
s’opposer à l’enregistrement d’un même signe par un tiers, ou demander la nullité d’un tel dépôt. Il
est indifférent qu’il n’ait ni déposé ni exploité sa marque en France. L’action en nullité ouverte au
titulaire de la marque notoire ‘au sens de l’article 6 bis de CUP) se prescrit par 5 ans à compter de
la date d’enregistrement.

Il s’agit d’éviter les agissements parasitaires destinés à tirer profit de la notoriété d’un tiers,
même à défaut d’un risque de confusion. En outre, l’emploi du signe notoire dans un secteur
d’activité aboutit à la banalisation du signe, quand il ne porte pas atteinte à l’image qu’il véhicule au
préjudice de son propriétaire.

28
C. La licéité du signe

Les signes interdits. Aux termes de l’article 3 (e) de l’Annexe III de l’ABR, est refusé à
l’enregistrement, une marque qui « reproduit, imite ou contient parmi ses éléments des armoiries, drapeaux ou
autres emblèmes, abréviations ou sigle ou un signe ou poinçon officiel de contrôle et de garantie d’un État ou d’une
organisation intergouvernementale créée par une convention internationale, sauf autorisation de l’autorité compétente
de cet État ou de cette organisation ». Les signes visés par l’article 3 e) de l’Annexe III sont exclus du
dépôt comme marque de fabrique, de commerce et de service. Hormis cette différence, l’emploi et
l’imitation à titre de marque de certains signes, à savoir les emblèmes officiels, les sigles, les
dénominations et autres signes des organisations internationales telles que l’ONU, UNESCO,
OMPI, OIT, FAO, INTERPOL sont prohibés.

Conformité du signe à l’ordre public et aux bonnes mœurs. La règle 2 § 1 du règlement


d’application de l’ABR précise que, « l’ordre public dont il est fait mention aux annexes s’entend
des conceptions fondamentales de la vie commune au sein d’une société ». Quant au paragraphe 2
de la règle 2 dudit règlement d’application, il énonce que, « les bonnes mœurs s’entendent des
habitudes et pratiques morales généralement admises par un groupe ou une société ».

Les notions d’ordre public, de bonnes mœurs et de morale varient d’une société à l’autre ; elles
ne peuvent faire l’objet d’une appréciation uniforme. Cette position du législateur africain tient
compte de la diversité culturelle et religieuse qui caractérise les différents pays membres de l’OAPI.
Toutefois, elle est critiquable dans la mesure où elle va à l’encontre de l’objectif principal de l’OAPI
qui est l’uniformisation juridique.

Le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs conduit à prohiber un signe distinctif qui serait
constitué par un slogan subversif ou une formule à caractère raciste ou obscène. La marque Opium
pour un parfum a tout d’abord été refusée puis admise (car aucune relation directe avec l’usage des
stupéfiants n’a pu être démontrée).

La marque portant sur des produits à caractère pornographique est valable en raison de
l’indépendance de la marque par rapport au produit.

Caractère déceptif ou trompeur du signe. Selon l’article 3 (d) de l’Annexe III de l’ABR, une marque
ne peut être valablement enregistrée si « elle est susceptible d’induire en erreur le public ou les
milieux commerciaux, notamment sur l’origine géographique, la nature, ou les caractéristiques des
produits ou services considérés ». Les marques qui suggèrent une origine non conforme à la réalité
sont en principe déceptives sauf si l’origine invoquée est fantaisiste. La marque ne doit pas être un
instrument de tromperie à l’égard du public.

29
§2. LE FORMALISME DE PROTECTION

Centralisation des procédures à l’OAPI. Aux termes de l’article 2.1. a) dudit Préambule,
« l’Organisation est chargée de mettre en œuvre et d’appliquer les procédures administratives communes découlant
d’un régime uniforme de protection de la propriété industrielle […] » Cette centralisation de la procédure a
pour corollaire la procédure du dépôt unique : par un seul dépôt auprès de l’OAPI, une protection
est obtenue dans l’ensemble des dix-sept États membres de l’OAPI. Cette uniformisation de la
procédure n’est pas incompatible avec les exigences de l’Accord ADPIC.

Ce système de dépôt unique qui présente d’indéniables avantages devrait en principe


favoriser l’accroissement des dépôts. Or, l’OAPI qui compte plusieurs années d’existence présente
un bilan mitigé.

1. Les modalités du dépôt

a. Voie du dépôt direct

Le dépôt direct. Dans ce cas de figure, le déposant effectue sa demande sans passer par
l’intermédiaire de l’administration nationale de propriété industrielle dite structure nationale de
liaison (SNL). La demande est alors déposée directement à l’OAPI ou transmise par voie postale.
Le dépôt par la voie électronique est également possible si l’on se réfère aux termes de l’article 6 § 4
du Préambule de l’ABR qui dispose que : « les dépôts effectués auprès de l’Organisation ou de
l’Administration Nationale peuvent être transmis par voie postale ou par tout moyen légal de
communication ». Le dépôt par la voie électronique étant incontestablement un moyen légal de
communication, rien n’empêche l’utilisation de ce mode de transmission.

L’inconvénient avec cette modalité du dépôt, c’est que le déposant s’expose à un éventuel rejet
de sa demande si cette dernière ne comporte pas les mentions essentielles qui auraient pu être relevé
si la SNL avait été auparavant saisie.

Outre le dépôt direct, les résidents peuvent effectuer leur dépôt par la voie indirecte (b).

b. Voie du dépôt indirect

Présentation de la SNL. Le déposant va soumettre sa demande à l’administration


nationale compétente, en l’occurrence la Structure Nationale de Liaison (SNL), qui va assurer le
relais avec l’OAPI en lui transmettant la demande. Les Structures Nationales de Liaison sont issues
de deux résolutions du Conseil d’Administration de l’OAPI 22. Elles sont chargées d’assurer la
liaison entre l’OAPI et les utilisateurs de ses services au niveau des États d’une part, et de suivre

22 Les SNL ont été créées par deux résolutions prises par le Conseil d’Administration de l’OAPI lors de ses dix
septièmes et dix huitièmes Session tenues en février 1979 à Ouagadougou (Burkina Faso), et à Niamey (Niger)
en décembre 1980.

30
toutes les questions de propriété industrielle au niveau national 23 d’autre part. Elles ont également
pour rôle de sensibiliser les utilisateurs nationaux sur les avantages de la protection des droits de
propriété industrielle par l’OAPI 24. Les SNL assistent les demandeurs dans l’établissement du
dossier. Après avoir réceptionné les demandes, les SNL vérifient que toutes les données légales
requises y figurent. Cet examen par la SNL a pour avantage d’éviter le rejet de la demande pour des
questions de forme. Les SNL sont en quelques sortes l’équivalent des centres régionaux de l’INPI.
Lors de la dernière révision de l’Accord de Bangui, les SNL se sont vues confiées plus de
responsabilités. Elles ont désormais le monopole de la réception des demandes pour les États ayant
opté pour la procédure du dépôt indirect25. Le dépôt par le biais de la SNL est l’option retenue par
certains pays comme le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal et le Togo, le Burkina-Faso.

C) Dépôts effectués par les non-résidents

Les dépôts effectués par les non-résidents (déposants domiciliés hors des territoires des États
membres, les non-résidents sont les personnes physiques ou morales n’ayant ni domicile, ni
établissement industriel ou commercial dans l’espace OAPI) se font directement à l’OAPI, par le
biais de mandataires.

2. Les formalités du dépôt

Les formalités de dépôt prévues par l’article 13 sont similaires à ceux édictées pour les autres
droits de propriété industrielle. Des mentions obligatoires comme les données essentielles à
l’identification du déposant et les précisions sur l’objet du dépôt doivent être mentionnées sur la
demande d’enregistrement sous peine de rejet de celle-ci. Doivent également y figurer, une
reproduction de la marque qui peut être soit une photographie, soit un dessin ou un modèle de la
marque. L’OAPI exige douze reproductions de la marque dans un format déterminé (maximum
9 cm X 9 cm). Le dossier du dépôt qui ne peut porter que sur une seule marque, doit également
énumérer les produits et services couverts par la marque et les classes correspondantes
conformément à la classification internationale prévue par l’Arrangement de Nice du 15 juin 1957.
Les classes de produits et de services doivent être déposées séparément. Les demandes concernant
plusieurs classes sont possibles à condition de payer des suppléments pour chaque classe au-dessus
de la troisième ; cette taxe s’élève à 82 000 CFA (environ 125 €). Il faut produire la preuve du
paiement de la taxe de dépôt dont le montant est de 400 000 FCFA (610 €).

23 Stéphanie NGO MBEM, Les enjeux de la protection des dessins et modèles industriels dans le développement en Afrique, Le cas
des pays membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), L’Harmattan, 2008, p. 39.
24 M’BA Rose Chantal, La protection des inventions en droit de l’OAPI, Thèse de Doctorat en Droit, Université Lyon III,
2004, p. 49.
25 Depuis la dernière révision de l’Accord de Bangui, les dépôts de demandes ne sont plus effectués auprès du
greffe du tribunal

31
Marque notoire. : Absence de dépôt : une marque notoire même non déposée peut
antérioriser le dépôt par un tiers du même signe ou d’un signe similaire. La renommée de la marque
remplace le défaut d’enregistrement car elle assure par elle-même toute la publicité afférente à la
marque ; il ne serait pas juste que du fait de l’absence du dépôt, on permette à un tiers de tirer parti
de cette notoriété.

SECTION II : LES EFFETS DE LA PROTECTION

La durée du droit de marque : l’enregistrement produit ses effets à compter de la date de


dépôt de la demande pour une période de dix ans. Il est indéfiniment renouvelable. Le propriétaire
de la marque doit renouveler son dépôt à l’issue de chaque période décennale, à défaut, il perd son
droit et la marque tombe dans le domaine public.

Droit exclusif sur le signe enregistré Le titulaire de la marque se verra reconnaître, suite
à son enregistrement, un droit exclusif sur le signe bénéficiant de la protection conformément à
l’article 6.1 de l’annexe III.

Le titulaire de la marque a le droit d’interdire aux tiers d’exploiter la marque sans son
consentement.

L’exploitation de la marque. La marque peut faire l’objet de diverses sortes de contrats


d’exploitation. L’article 30.2 de l’annexe III énumère trois sortes de conventions transférant le droit
sur la marque notamment la cession, la concession (ou licence d’exploitation) qui peut porter sur
tout ou partie du dépôt et le gage. La cession transfère la propriété du bien et la concession confère
un droit de jouissance.

La perte du droit de marque. De nombreuses situations conduisent à entraîner la perte du


droit sur la marque et tiennent soit à l’abandon, soit à l’annulation.

-l’abandon du titre : cet abandon peut résulter soit de la renonciation (le propriétaire y renonce
à tout moment pour tout ou partie des produits ou service auxquels s’applique la marque en
notifiant sa renonciation)

- le non renouvellement (le propriétaire de la marque peut l’abandonner sans procéder à une
renonciation expresse simplement en ne renouvelant pas le dépôt)

- la déchéance pour défaut d’exploitation de la marque.

SOUS-CHAPITRE II. L’ENSEIGNE, LE NOM COMMERCIAL ET LE NOM DE


DOMAINE

32
Les dénominations sociales, les noms commerciaux, les noms de domaine et l’enseigne sont des
signes distinctifs. Ils permettent d’individualiser et d’identifier. Mais à la différence des marques, ils
n’identifient et n’individualisent pas directement des produits ou des services comme le font les
marques.

SECTION. I : PRESENTATION GENERALE

A. LE NOM COMMERCIAL ET LES DENOMINATIONS SOCIALES

Le nom commercial. Aux termes de l’article 1 de l’Annexe V de l’ABR, « constitue un nom


commercial, la dénomination sous laquelle est connu et exploité un établissement commercial, industriel, artisanal ou
agricole. »

Le nom commercial désigne le fonds de commerce ou l’entreprise, dans les rapports avec
la clientèle. C’est le nom sous lequel un commerçant, personne physique ou morale, exploite le
commerce (c’est l’appellation sous laquelle le commerçant exerce le commerce). Le nom
commercial individualise et identifie une entreprise. Il permet de distinguer une entreprise des
autres. Le nom commercial se distingue de la dénomination sociale, qui, elle identifie la personne
morale et non son activité.

Le choix du nom commercial est libre dans la mesure où son utilisation n’est pas source de
confusion avec le nom, l’enseigne ou la marque d’un concurrent. Le nom commercial peut être un
nom patronymique, un pseudonyme, une dénomination fantaisiste ou un sigle. Alors que le nom
civil est un attribut de la personne et ne peut être cédé, le nom commercial est détachable de la
personne qui le porte. C’est un objet de propriété incorporelle qui a une valeur patrimoniale.

Selon l’article 11 de l’Annexe V de l’ABR, « l'enregistrement d'un nom commercial n'a d'effet que pour 10
ans, à compter de la date de dépôt ; toutefois, le droit conféré par l’enregistrement du nom commercial peut être conservé
sans limitation de durée par des renouvellements successifs effectués tous les 10 ans. »

B. LA DENOMINATION SOCIALE

La dénomination sociale se rapproche autant du nom commercial que du nom


patronymique. C’est un signe qui sert à identifier la personne morale en tant que telle. La
dénomination sociale est liée à la personnalité morale : toute société dotée de la personnalité
juridique doit pouvoir être identifiée afin de la distinguer dans le commerce juridique, des autres
personnes, qu’elles soient physiques ou morales. Seuls les groupements dotés de la personnalité
morale peuvent avoir une dénomination sociale.

33
Pour clore, il faut noter que, la dénomination sociale permet l’identification administrative et
commerciale de la société ou de l’association comme le patronyme joue un rôle de police civile.

C. L’ENSEIGNE

Aux termes de l’article L.581-3 al.2 du code français de l’environnement, « constitue une
enseigne, toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ».
L’enseigne est donc un signe extérieur, visible apposé sur la façade d’un établissement et permettant
de localiser et d’individualiser un établissement. Une enseigne individualise et identifie une boutique
physique.

L’enseigne identifie le local d’exploitation et non l’entreprise qui gère le fonds de commerce.
L’enseigne peut être constituée par un dessin, un emblème, un logo, un nom fantaisiste.

L’enseigne est un signe distinctif que l’on peut retrouver sur les documents commerciaux, les
sacs, documents publicitaires.

D. LE NOM DE DOMAINE

Le nom de domaine est un moyen technique de localisation et d’accès à un site internet.


(Exemple : www.attiekéivoirien.ci). Techniquement, le nom de domaine est définit comme une
adresse électronique personnalisée, identifiant un site Web. Plus simplement, c’est la dénomination
électronique (l’adresse) du site internet d’une entreprise. À l’instar de l’enseigne, il permet la
localisation sur internet de l’activité professionnelle d’un individu. En guise d’illustration on peut
citer, un dessin, un emblème, un logo, un nom fantaisiste. Le nom de domaine se distingue de la
dénomination sociale ou du nom commercial car il n’identifie pas nécessairement la société qui lui
est rattachée. Il se distingue de la marque car ce n’est pas un titre de propriété intellectuelle.

C’est un nouveau signe distinctif dont l’utilisation peut représenter un enjeu stratégique
majeur. C’est un actif essentiel de l’entreprise. La règle technique d’attribution est simple : « premier
arrivé, premier servi ». Pour enregistrer un nom de domaine, il suffit donc que celui-ci n’ait pas été
déjà enregistré auprès des offices d’enregistrement privés.

PARAG. II : PROTECTION PAR L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE

Les dénominations sociales, les noms commerciaux, les noms de domaine et l’enseigne
peuvent avoir une grande valeur pécuniaire et susciter des convoitises. S’ils sont repris sans
autorisation, la victime ne pourra pas agir en contrefaçon, mais en concurrence déloyale ou
parasitisme sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle à certaines conditions. :

-le signe du demandeur doit présenter trois caractères (conditions relatives au signe)

34
** le signe doit être distinctif au sens du droit des marques c’est-à-dire être apte à distinguer
les produits ou services d’une entreprise de ceux des autres entreprises ; certes le signe ne distingue
pas directement des produits ou services, puisque ce n’est pas une marque, mais il suffit qu’ils puisse
les identifier indirectement.

** le signe doit être antérieur au signe litigieux

** le signe doit être arbitraire

** le demandeur doit prouver que la reprise de son signe par un tiers a créé un risque de
confusion dans l’esprit du public. La faute est la condition classique de la concurrence déloyale.

CHAPITRE II. LES SIGNES DISTINCTIFS A USAGE COLLECTIF

Une indication géographique est un signe apposé sur des produits ayant une origine
géographique particulière, qui possèdent des qualités ou une renommée dues à ce lieu d'origine.
Les produits agricoles ont le plus souvent des qualités qui proviennent de leur lieu de production
et sont soumis à l'influence de facteurs locaux précis, tels que le climat ou le sol. Pour savoir si un
signe constitue une indication, il faut se référer à la législation nationale et à la perception des
consommateurs.

Les indications géographiques protégées. L’article 1er de l’Annexe VI de l’ABR définit les
indications géographiques comme des « indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire
du territoire, ou d’une région, ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique
déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».
L’indication géographique est une indication qui sert à désigner un produit, voire un service,
comme étant originaire d’un lieu déterminé et dont la qualité ou une autre caractéristique peut être
attribuée à cette origine géographique. L’indication géographique informe le consommateur sur
l’origine du produit et indique en même temps que sa qualité, sa réputation ou d’autres
caractéristiques déterminées peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique.
L’OAPI a procédé à l’enregistrement de trois signes de qualité. Le premier signe enregistré est le
poivre de Penja, une des indications géographiques protégées. Ce poivre au goût particulier et à la
saveur relevée, est devenue une indication géographique protégée (IGP) à l’OAPI depuis le 10
septembre 2013 pour le compte de l’association IG poivre de Penja (IGPP)26. Après la labellisation
dudit produit en IG, il a connu un essor considérable en termes de notoriété. Le miel blanc d’Oku
ou l’Oku white Honey, label de Kilum Ijim White Honey Association (KIWA) est un produit des
hauts plateaux du Nord-Ouest du Cameroun. Il est protégé comme Indication Géographique
Protégée (IGP) depuis 2013 par l’OAPI. Enfin, le café Ziama-Macenta issu de la Guinée a été
déposé par l’association de défense du café (ADECA). Récolté dans la préfecture de Macenta, au
sud-est de la République de Guinée, ce café robusta aux qualités exceptionnelles (saveur acidulée

26 OAPI Magazine n°29, p. septembre 2016, p. 3.

35
et peu amère, intensité aromatique élevée, un arôme persistant à la fois fort et fin) est protégé
depuis le 14 mars 2014 par l’OAPI27. En raison de la valeur ajoutée qu’elles confèrent aux produits
qu’elles désignent, les indications géographiques ont une importance économique indéniable.
L’appellation d’origine est définie par l’Arrangement de Lisbonne du 31 octobre 1958
comme étant « la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un
produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu
géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains »28. L’appellation d’origine résulte de
la combinaison d’une production et d’un terroir délimité dans lequel interagissent des facteurs
naturels, climatiques, physiques et humains, ce qui confère au produit une typicité particulière.
C’est une catégorie spéciale d'indication géographique utilisée pour des produits ayant une qualité
particulière exclusivement ou essentiellement due à l'environnement géographique du lieu de
fabrication de ceux-ci. L’appellation d’origine va plus loin et vise à indiquer que le produit a non
seulement un lien très strict avec le territoire (production, transformation et élaboration ont lieu
dans l’aire géographique délimitée), mais que sa qualité et ses caractères sont dus essentiellement
ou exclusivement au milieu géographique, y compris les facteurs naturels et les facteurs humains29.
Cette appellation n’appartient pas à une seule personne mais à tous les producteurs qui remplissent
les conditions requises
Quant aux indications de provenance, elles assurent au consommateur que le produit
provient d’une zone géographique déterminée30. Selon la doctrine française, les indications de
provenance évoquent, une qualité particulière 31, mais « ne constituent pas une garantie de qualité, ni même
de caractéristiques particulières » 32.

Il faut noter que sous l’appellation « indications géographiques », est visé l’ensemble des
signes géographiques33que sont les indications de provenance, les indications géographiques
protégées (IGP), les appellations d’origine34.

27 OAPI Magazine n°29 Septembre 2016, p. 36.


28L’article 2, al.1er de l’Arrangement de Lisbonne.
29Voir OCDE, « Appellations d’origine et indications géographiques dans les pays membres de l’OCDE :
implications économiques et juridiques », 19 janvier 2001, Parag. 12, p.10.
30David FOREST, Droit des marques et noms de domaine, Gualino, Lextensoéditions, 2012, p. 34.
31Jérôme PASSA, Traité de Droit de la propriété industrielle, Marques et autres signes distinctifs, dessins et
modèles, t. 1, 2ème édition, LGDJ, Lextenso éditions, 2009, p. 789, n° 558.
32 Frédéric POLLAUD-DULIAN, Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, Coll. Domat Droit privé,
1999, p. 713, n° 1507. Pour plus de précisions, voir Norbert OLSZAK, Droit des appellations d’origine et
indications de provenance, Tec & Doc, 2001 ; Dominique DENIS, Appellation d’origine et indication de
provenance, Dalloz 1995, Coll. Connaissance du Droit, 1995.
33L’article 22§1 de l’Accord sur les ADPIC consacre le terme d’indication géographique pour désigner l’ensemble
des signes géographiques. Selon l’article 22§1 « « on entend par indications géographiques, des indications
qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre de l’Organisation
mondiale du commerce, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation
ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine
géographique ».
34Robert HARLÉ, « La protection des indications géographiques, son évolution, et le rôle de l’AIPPI dans celle-
ci » in Mélanges dédiés à Paul MATHELY, Litec 1990, p. 183.

36
Le règlement des conflits éventuels. Il résulte de ces définitions que le nom
géographique adopté à titre de marque peut porter atteinte à une appellation d’origine protégée ou
à une indication de provenance. Si le produit en cause, objet de la marque, ne peut prétendre à
l’appellation d’origine ou à l’indication de provenance, il y’aurait alors tromperie à l’égard du
consommateur, d’où la nécessité d’une réglementation idoine.

2ème PARTIE : LA PLA

La propriété littéraire et artistique permet au créateur d’une œuvre de l’esprit d’obtenir des
droits exclusifs sur cette œuvre. Imaginée pour les auteurs, cette propriété s’est décalée vers les
voisins de l’auteur, vers ces personnes qui sans être à l’origine même de l’œuvre de l’esprit
participent à sa matérialisation ou sa diffusion. C’est donc la branche de la propriété intellectuelle
qui regroupe le droit d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur.

CHAPITRE I : le droit d’auteur


Le droit d’auteur est constitué par l’ensemble des droits que le législateur et la jurisprudence
reconnaissent à l’auteur et à sa famille sur sa production. Constitué par l’ensemble des prérogatives
reconnues aux auteurs sur leurs productions, le droit d’auteur représente la partie principale de la
propriété littéraire et artistique.

La réglementation ivoirienne du droit d’auteur procède, pour l’essentiel de la loi n°96-564


du 25 Juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit. Cette loi a été modifiée par la loi
n°2016-555 du 26 juillet 2016 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.

Aux termes de l’article 11 de la du 26 juillet 2016, « l’auteur de toute œuvre originale jouit
sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et
opposable à tous » Il résulte de l’analyse du texte précité que le droit d’auteur porte sur une œuvre
de l’esprit (SECTION I). L’œuvre peut être le fait d’une ou de plusieurs personnes (SECTION II).
Pour clore ce point, on abordera la question des droits que l’auteur a sur son œuvre (SECTION
III).

37
SECT. I. L’objet de la protection : l‘œuvre de l’esprit

Selon l’article 1erde la loi de 2016, « l’œuvre de l'esprit » s'entend de toute création littéraire, artistique
ou scientifique. » Il convient de préciser la notion d’œuvre de l’esprit (Parag.I) et les conditions
d’octroi de la protection (Parag.II).

Parag 1 : la notion d’œuvre de l’esprit

A. l’exigence d’une activité intellectuelle

L’article 1er de la loi de 2016 définit indirectement l’œuvre comme étant le produit d’une
création. Toute œuvre de l’esprit requiert une activité créatrice consciente qui résulte d’un choix
arbitraire. Qu’entend-t-on par création ? La création est définie comme l’activité intellectuelle qui
donne naissance à l’œuvre de l’esprit ou tout objet de propriété intellectuelle. La notion d’œuvre
de l’esprit suppose l’exercice d’une activité intellectuelle. L’activité à l’origine de toute création est
une activité humaine. Cette activité humaine ne doit pas résulter du hasard, elle doit être
consciente.

B. Mise en forme des idées

Le droit d’auteur est fait pour protéger les œuvres de l’esprit. Il faut cependant que l’auteur
matérialise le fruit de sa création dans une production concrète qui puisse être perçue par les autres
esprits. Autrement dit, échapper en quelque sorte à l’esprit de son auteur pour vivre d’une
existence autonome.

Il faut donc mettre en forme physiquement les idées. L’œuvre doit prendre une forme
perceptible : elle doit pouvoir être communiquée. Elle doit pouvoir être appréhendée par les sens
par conséquent revêtir une forme.

-Une œuvre littéraire devait ainsi donner lieu à un écrit car l’œuvre du langage se perçoit ainsi.

- une œuvre artistique devrait être exprimée par des dessins ou des plans, une description du
projet ne suffit pas.

- Une œuvre musicale doit pouvoir être entendue.

Il en résulte que les idées ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur sauf à être fixées
sur un support et formalisées quelle que soit la forme retenue (d’autres mécanismes juridiques

38
peuvent pallier l’absence de protection du droit d’auteur (les idées comme le droit commun de la
responsabilité civile article 1382 code civil)).

C. Indifférence de certains caractères pour la protection

Selon l’article 5 de la loi de 2016 sur le DA, « l'œuvre est réputée créée, indépendamment de la qualité
de l'auteur, de toute divulgation et de toute fixation matérielle, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la
conception de l'auteur.

L'œuvre créée est protégée quels qu'en soient le genre, la valeur, la destination, le mode ou la forme d'expression. »

Il découle de cette disposition plusieurs conséquences :

* Indifférence du genre et de la forme d’expression de l’œuvre

L’indifférence du genre et de la forme d’expression signifie une protection identique des œuvres
littéraires, artistiques, musicales que celles-ci soient écrites, orales, picturales, sonores, visuelles
etc.

* Indifférence du mérite de l’œuvre

L’indifférence du mérite de l’œuvre renvoie à la théorie française de l’unité de l’art, en vertu


de laquelle le juge n’a pas à apprécier la valeur culturelle ou artistique de l’œuvre. Il en découle
mécaniquement une protection identique d’une toile de maître et d’une affiche publicitaire, d’un
film d’art et d’un « sitcom » télévisée. Il n’est ni critique, ni censeur. Ainsi des œuvres frivoles ou
pornographiques peuvent protégées au titre du DA dès lors qu’elles sont originales

* Indifférence de la destination de l’œuvre

Prolongement de l’indifférence du mérite, l’indifférence de la destination de l’œuvre interdit


au juge de traiter différemment les œuvres selon qu’elles visent des fins culturelles ou au contraires,
qu’elles aient une vocation utilitaire. Le droit d’auteur ne distingue pas entre l’art pur et l’art
appliqué à l’industrie ou au commerce. Ont été qualifiés d’œuvres de l’esprit tout à la fois des
dessins illustrant les brochures techniques d’un constructeur automobile et des jeux vidéo.

Parag II : les conditions d’octroi de la protection

La protection au titre du droit d’auteur n’est subordonnée à aucune formalité, mais elle suppose
néanmoins que l’œuvre considérée soit originale.
39
A. L’absence de formalité

Aux termes de l’article 11 de la loi du 26 juillet 2016, « L'auteur de toute œuvre originale jouit sur
cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont
déterminés par la présente loi.

La protection par le droit d'auteur est acquise dès la création de l'œuvre, même si celle-ci n'est pas fixée sur un
support matériel. »

La loi protège les œuvres du seul fait de la création. Aucune formalité n’est donc nécessaire
et en particulier aucun dépôt contrairement aux dessins et modèles, marques, brevets qui doivent
être déposées à l’OAPI pour bénéficier de la protection pour une durée déterminée.

La preuve de la création peut être rapportée par tout moyen. Il est toutefois recommandé
à titre probatoire d’effectuer un dépôt de l’œuvre fixée sur un support auprès d’un huissier, d’un
notaire.

Le dépôt légal est parfaitement indépendant de la protection du droit d’auteur. C’est un


instrument de préservation du patrimoine culturel.

B. L’originalité de l’œuvre

Selon l’article 11 précité de la loi ivoirienne, «« L'auteur de toute œuvre originale jouit sur cette
œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. »

L’originalité est la condition essentielle de protection des œuvres de l’esprit même si elle n’est
pas expressément posée par la loi. La notion d’originalité est difficile à cerner. La doctrine en
propose une conception classique et une conception plus moderne.

Classiquement, une création est considérée comme originale lorsqu’elle porte l’empreinte
de la personnalité de son auteur. C’est l’expression de la personnalité de l’auteur. L’originalité,
c’est la marque, le reflet de sa personnalité, l’empreinte du talent créateur personnel. Dans la
conception classique, l’originalité se distingue de la nouveauté. La notion de nouveauté est
objective, la notion d’originalité est subjective. Une œuvre peut être originale sans apporter de
nouveauté.

Dans une conception plus moderne, l’originalité implique nécessairement la nouveauté.


Cette conception est née sur un constat ; certaines œuvres ont été protégées par le droit d’auteur
alors que le critère de l’originalité faisait défaut ou pouvait être discuté. Selon cette conception,

40
pour être originale une création est nécessairement nouvelle sans que l’inverse soit vrai. Une
création nouvelle n’est nécessairement originale. Ici la nouveauté renforce l’originalité.

Pour clore ce point, il faut noter que l’originalité n’est pas une notion à géométrie variable,
une œuvre n’est pas plus ou moins originale, elle est originale ou non, qu’elle soit géniale ou
médiocre. Si elle est géniale, son originalité sera facile à établir.

L’appréciation de l’originalité d’une œuvre de l’esprit relève de l’appréciation souveraine


des juges de fond qui doivent l’apprécier au moment de la création. Généralement, ils font tantôt
usage de la conception classique, tantôt de la conception moderne.

PARAG. III. LES ŒUVRES PROTEGEABLES PAR LE DROIT D’AUTEUR

Aux termes de l’article 6 de la loi de 2016 précitée, sont considérées comme des œuvres au sens
de la présente loi les créations intellectuelles dans le domaine littéraire et artistique, notamment :
« — les œuvres écrites, notamment les livres, les brochures, les articles et autres écrits littéraires,
artistiques ou scientifiques, y compris les programmes d'ordinateur;

— les œuvres orales, notamment les contes et légendes, les conférences, les allocutions, les
sermons, livres en format audio tels que les livres sonores et autres œuvres de même nature;

— les œuvres créées pour la scène ou pour la radiodiffusion, sonore ou visuelle, aussi bien
dramatiques et dramatico-musicales que chorégraphiques et pantomimiques ;

— les compositions musicales avec ou sans paroles ;

— les œuvres audiovisuelles et les créations virtuelles interactives;

— les œuvres picturales, les dessins, les lithographies, les gravures à eau forte, sur bois et autres
du même genre ; — les sculptures de toutes sortes ;

— les œuvres d'architecture, aussi bien les dessins et les maquettes que la construction elle-même
; — les tapisseries et les objets créés par les métiers artistiques et les arts appliqués, aussi bien les
croquis ou modèles que l'œuvre elle-même ;

41
— les cartes, ainsi que les dessins et les reproductions graphiques, plastiques, de nature
scientifique ou technique ;

— les œuvres photographiques, auxquelles sont assimilées, aux sens de la présente loi, les œuvres
exprimées par un procédé analogue à la photographie ;

— les expressions culturelles traditionnelles »

Sect. II. L’AUTEUR

PARAG. I. L’ŒUVRE INDIVIDUELLE OU L’ŒUVRE D’UN UNIQUE AUTEUR

L’auteur peut être appréhendé comme celui qui fait naître une œuvre, celui qui la crée.
L’auteur est donc un créateur, celui dont la personnalité s’est exprimée dans l’œuvre. Cette qualité
ne peut être reconnue ni à celui qui se limite à fournir une idée, ni au simple exécutant matériel
qui se contente par exemple d’appuyer sur le bouton d’un appareil photo.

La qualité d’auteur ne peut en principe être reconnue qu’à une personne physique et non
sur celle d’une personne morale, laquelle ne peut exprimer sa personnalité dans une œuvre de
l’esprit. La personne morale peut néanmoins acquérir des droits sur l’œuvre, mais le droit moral
restera la propriété du créateur.

Selon l’article 36 alinéa 2 de la loi du 27 juillet 2016 sur le DA, l'auteur de l'œuvre est, sauf
preuve contraire, la personne, sous le nom de laquelle l'œuvre est divulguée. Ainsi, la qualité
d’auteur appartient à celui sous le nom duquel l'œuvre est divulguée. Il s’agit d’une présomption
simple. La preuve de cette qualité est libre et peut être rapportée par tout moyen.

PARAG. II. L’ŒUVRE PLURALE OU L’ŒUVRE D’UN GROUPE D’AUTEURS

Au sein de cette catégorie, on distingue l’œuvre composite, l’œuvre de collaboration et


l’œuvre collective.

A. L’ŒUVRE COMPOSITE

L’œuvre composite ou dérivée, est appréhendée par l’article 1er de la loi du 27 juillet 2016
comme l'œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre préexistante et qui est réalisée sans la

42
collaboration de l'auteur de cette dernière. Aux termes de l’article 7 de la loi du 27 juillet 2016,
Sont considérées comme œuvres composites ou dérivées et sans préjudice des droits de l'auteur
de l'œuvre préexistante, notamment : les traductions, adaptations, arrangements d'œuvres
littéraires, musicales, artistiques ou scientifiques; les œuvres inspirées des expressions culturelles
traditionnelles ; les recueils d'œuvres littéraires ou artistiques (les encyclopédies, anthologies et les
bases de données).

B. L’ŒUVRE DE COLLABORATION

L'œuvre de collaboration est celle à la création de laquelle ont concouru deux ou plusieurs
auteurs, que ce concours puisse être individualisé ou non.

Selon l’article 38 de la loi du 27 juillet 2016, Les droits d'auteur sur l'œuvre de collaboration
appartiennent en commun aux co-auteurs. Les co-auteurs exercent leurs droits d'un commun
accord. Ils peuvent par convention déterminer les modalités d'exercice de leurs droits. En cas de
litige, il appartiendra à la juridiction compétente saisie de statuer.

C. L’ŒUVRE COLLECTIVE

Aux termes de l’article 1er de la loi de 2016, l’œuvre collective est celle créée sur l'initiative
d'une personne physique ou morale qui la divulgue sous sa direction et sous son nom, et dans
laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans
l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit
distinct sur l'ensemble réalisé.

Elle implique la « fusion » des contributions et un travail d’équipe. Elle adopte la forme
d’une encyclopédie ou un dictionnaire, un journal.

Conformément à l’article 39 de la loi de 2016 sur le DA, les droits d'auteur sur l'œuvre
collective appartiennent à la personne physique ou morale à l'initiative et sous la responsabilité de
laquelle l'œuvre a été créée et qui la divulgue sous son nom.

Sect. III : LES DROITS DE L’AUTEUR SUR SON ŒUVRE


L’auteur jouit sur son œuvre d’un droit moral (Parag.I) et des droits patrimoniaux (Parag. II).

43
Parag 1. LE DROIT MORAL
Selon l’article Art. 47 alinéa 1 de la loi ivoirienne de 2016, « les droits moraux de l'auteur sont
perpétuels, inaliénables et imprescriptibles. Ils persistent à l'expiration des droits patrimoniaux. » Le droit moral
exprime tout à la fois la personnalité de l’auteur et le rapport entre l’aspect intellectuel et l’aspect
pécuniaire de l’œuvre. Le droit moral se présente aussi comme un droit protecteur de l’œuvre elle-
même : il survit de ce chef à l’auteur. Lorsque l’auteur est décédé, le droit moral perdure et
continue à exercer ses effets. Nous verrons les caractères du droit moral (A) et ses attributs (B)

A. Les caractères du droit moral


1. Il est d’abord attaché à la personne de l’auteur. C’est un droit de la personnalité. Le droit
moral est indisponible.

2. Le droit moral est inaliénable. L’auteur ne peut céder son droit moral. Il peut seulement
en confier la défense à son mandataire (par exemple une société d’auteurs). Il ne peut y renoncer.
La clause serait nulle et non avenue.

3. Le droit moral est également imprescriptible. Alors que les droits d’exploitation de
l’œuvre s’éteignent 70 ans après la mort de l’auteur, le droit moral quant à lui est perpétuel et
imprescriptible. Il survit non seulement à l’auteur mais encore au monopole d’exploitation.

B. Les attributs du droit moral


1) Le droit de divulgation : le droit de divulgation est celui qu’à l’auteur de choisir le moment
et les conditions de la communication de son œuvre au public. La divulgation est l’action de rendre
public.

L’article 14 de loi ivoirienne de 2016 dispose : « En cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage
du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé, les tribunaux de première instance ou leurs
sections, saisis par toute personne intéressée, notamment par le département chargé des affaires culturelles, peuvent
ordonner toute mesure appropriée. Il en est de même en cas de désaccord entre lesdits représentants, s'il n'y a pas
d'ayant-droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence. »

2) Le droit à la paternité : comprend le droit au respect du nom et le droit au respect de la


qualité.

*** Le droit au respect consiste à faire connaître de qui est l’œuvre en faisant mentionner
le nom de l’auteur sur l’œuvre. Le droit à la paternité n’est cependant pas une obligation. L’auteur
peut décider de garder l’anonymat ou de publier sous un pseudonyme

*** Le droit au respect de la qualité consiste à faire mention de ses titres, grades et
distinctions. Par exemple : romancier, compositeur, sculpteur, lauréat tel concours

3) Le droit au respect de l’œuvre : Respecter l’œuvre d’un auteur, c’est de s’abstenir de lui
porter atteinte, de la dénaturer, de l’altérer. L’atteinte consiste à la déformer :

44
*soit dans l’un de ses éléments constitutifs par des modifications, des adjonctions ou des
suppressions

*soit dans son esprit (mise en scène qui trahit une interprétation)

4) Le droit de retrait et de repentir : l’auteur, après avoir signé un contrat d’exploitation de


son œuvre est pris de remords d’ordre artistique, il a le droit de retirer cette œuvre économique
(retrait) ou d’y apporter des retouches (repentir). Le cocontractant ne pourra pas poursuivre
l’exploitation contre son gré alors pourtant qu’il est cessionnaire des droits patrimoniaux. La loi
donne la possibilité à l’auteur de se dédire.

Parag II. LES DROITS PATRIMONIAUX


Le droit d’exploitation est l’ensemble des prérogatives qui permettent à l’auteur de
subordonner l’utilisation de ses œuvres au paiement d’une rémunération. Selon l’article Art. 47
alinéa 3 de la loi ivoirienne de 2016, « Les droits patrimoniaux sur une œuvre durent pendant la vie de
l'auteur, sauf dispositions légales contraires. Au décès de l'auteur, ils persistent au bénéfice de ses ayants droit
pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent. » Selon le type d’œuvre, l’exploitation
peut prendre diverses formes. Pour une œuvre littéraire, édition de livres, de journaux, revues,
récitation, multimédia

Pour une pièce de théâtre : représentation, cassette vidéo/DVD, disque, télévision, radio

Pour une musique : interprétation vivante (concert, studio), disque, cassette, multimédia,
télévision, radio

Pour les arts plastiques : expositions, livres, catalogues, multimédia, documentaire, télévision ou
cinéma, DVD

Pour les bases de données : CD ROM, internet, service télématique.

A. Le droit de représentation
Notion de droit de représentation. La représentation consiste « dans la communication
de l’œuvre au public par un procédé quelconque » ; La représentation consiste à faire entendre
ou à faire voir l’œuvre au public, quel que soit le genre de l’œuvre :

** les œuvres littéraires sont communiquées au public par « récitation publique » (poésie,
texte de toute nature lu ou dit) ou représentation dramatique (pièces de théâtre)

45
** les œuvres artistiques sont communiquées au public par exposition (présentation
publique) ou par diffusion à la télévision ou au cinéma (projection publique) et (télédiffusion,
même texte)

*** les œuvres musicales et chorégraphiques (exécution lyrique : opéra) ou présentation


publique (concert, tout spectacle de danse ou de mime).

Le principe directeur consiste à soumettre à l’autorisation de l’auteur chaque utilisation


nouvelle de l’œuvre qui atteint un public nouveau. Et chaque autorisation donne lieu au paiement
d’une redevance distincte.

Les exceptions au droit de représentation. Les représentations privées et gratuites effectuées


exclusivement dans un cercle de famille ». La notion de cercle de famille peut englober des
personnes qui ne sont pas parentes les unes des autres. Il est nécessaire qu’au moins des liens
assez étroits d’amitié et d’intimité les unissent de telles sortes que tout se passe comme s’il s’agissait
de membres d’une même famille. L’exception ne concerne que des réunions tenues au foyer même
de la famille ou, si elles le sont à l’extérieur, ce soit à l’occasion d’une fête de famille.

En outre, la représentation doit revêtir un caractère privé. La représentation doit être gratuite.

Ce type de représentation n’est pas soumis à l’autorisation de l’auteur.

B. Le droit de reproduction
Notion. Le droit de reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous
procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Exemple :
imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage, et tout procédé des arts graphiques et
plastiques, enregistrement mécanique, cinématographie ou magnétique, numérique.

Les exceptions au droit de reproduction. Voir article 24 de la loi ivoirienne sur le DA et DV


qui énoncent les exceptions au droit de reproduction.

1) les analyses et courtes citations : les analyses sont de courts exposés relatant une œuvre et
donnant un avis sur celle-ci. Elles en contiennent un résumé (critique de films, en matière de
spectacles. Les courtes citations sont des extraits d’œuvre ; elles doivent être courtes et
incorporées à une œuvre

2) les revues de presse : les revues de presse sont des comptes rendus des articles, édités par les
différents quotidiens, faisant apparaître divers points de vue sur un même sujet d’actualité. (Les
revues de presse se pratiquent surtout à la radio et à la TV)

46
3) la diffusion des discours officiels : la diffusion médiatique des discours n’est permise qu’à
titre d’information d’actualité.

4) l’utilisation à des fins pédagogiques ou de recherche : la représentation et la reproduction


d’extraits d’œuvres dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche est libre

5) les représentations et reproduction d’œuvres d’art situées dans les lieux accessibles au
public

C. Le droit de suite
Les auteurs d’œuvres graphiques, plastiques et manuscrites bénéficient d’un droit de suite (voir
article 20 de la loi ivoirienne sur le DA et le DV). Il s’agit d’un droit inaliénable de participation au
produit de toute vente d’une œuvre graphique, plastique et d’un manuscrit. Le droit de suite a pour
but d’associer l’artiste au bénéfice d’une éventuelle plus-value de son œuvre et ainsi de compenser
le faible prix auquel il l’a vendue à une époque où il ne connaissait pas encore la notoriété.

CHAP. II : LES DROITS VOISINS DE LA P.L.A


Sont appelés « droits voisins », les droits conférés, non pas aux auteurs d’œuvres de l’esprit, mais
à des personnes parfois qualifiées d’auxiliaires de la création, à savoir, les artistes-interprètes, les
producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes et de bases de données, ainsi que les entreprises
de comme les entreprises de communication audiovisuelle.

La protection des droits voisins est susceptible de porter sur les prestations des artistes-
interprètes, sur les productions de phonogrammes, de vidéogrammes et de bases de données ainsi
que sur les programmes des entreprises de communication audiovisuelle.

Sect. I : LE DROIT VOISIN DE L’ARTISTE-


INTERPRETE
L’artiste-interprète jouit d’un droit de propriété intellectuelle sur son interprétation

Parag.I. LA NOTION D’INTERPRETATION et D’ARTISTE INTERPRETE

A. LA NOTION D’INTERPRETATION

Il y a deux sens :

47
- c’est la restitution d’une œuvre musicale, théâtrale, audiovisuelle ou chorégraphique dans tous
ses éléments constitutifs

-Dans un second sens, c’est la conception que l’interprète a élaborée de l’œuvre ainsi restituée.

B. LA DEFINITION DE L’ARTISTE INTERPRETE

L’article 1 de loi de 2016 donne une définition de l’artiste-interprète ou exécutant : « la


personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou
artistique, des expressions culturelles traditionnelles, un numéro de variété, de cirque ou de marionnettes »

Seuls doivent être exclus de la catégorie juridique d’artiste interprète les artistes de compléments
et les mannequins. L’artiste de complément est l'artiste considéré comme tel dans les usages
professionnels (dans le domaine cinématographique : figurants);

1. Les artistes de complément

L’artiste de complément est un figurant ou un acteur dont le rôle ne dépasse pas 13 lignes
de texte. La Cour d’Appel de Paris a posé un triple critère de distinction des artistes interprètes et
des artistes de complément :1) l’artiste de complément avait un rôle complémentaire et accessoire
2) sa personnalité ne transparaît pas dans sa prestation 3) enfin, il est interchangeable et non
identifiable.

Selon la Cour de cassation française, pour accorder la protection ou non, il faut rechercher
s’il y a bien eu activité créative. L’originalité doit être présumée de façon irréfragable
(l’interprétation s’exprime par le truchement de l’artiste qui lui prête sa voix, son image, son corps
même, bref sa personnalité. Comme toute personnalité est différente d’une autre, l’interprétation
ne saurait être qu’originale)

2. Les mannequins

Selon les juges français, le mannequin se limite à une présentation alors que l’artiste
interprète joue un rôle. Le mannequin a un rôle passif

En conclusion, l’artiste-interprète est celui qui tient un rôle à l’occasion de la représentation


d’une œuvre. L’artiste de complément, le mannequin, ne sont pas des artistes interprètes.

PARAG. II. LES DROITS DE L’ARTISTE INTERPRETE

A. Le contenu des droits


48
Comme le DA, celui de l’artiste interprète comporte deux types de prérogatives :

Le droit moral et le droit patrimonial

1. le droit moral
Il a pour but de protéger sa réputation artistique, soit directement en assurant le respect de son
nom et de sa qualité, soit indirectement en lui permettant de ne divulguer que les prestations dont
il est satisfait et de faire sanctionner toute atteinte. Il se transmet aux héritiers de l’artiste ; il est
imprescriptible, inaliénable.

a) Le droit de divulgation est le droit pour l’interprète de décider souverainement de


communiquer au public ses interprétations (prestations enregistrées)

b) Le droit à la paternité : le droit au respect du nom et de la qualité consiste en un droit au


respect de la « paternité » c’est-à-dire que nul ne doit attribuer à un autre la prestation fournie par
tel interprète (respect du nom) ni modifier les titres de celui-ci ou la fonction qu’il remplit dans
une représentation (respect de la qualité) Le respect de la paternité est assuré en indiquant sur les
programmes ou pochettes de disques ou DVD le nom de l’artiste et sa qualité.

c) Le droit au respect de l’interprétation : permet à l’interprète de faire sanctionner toute


déformation de sa prestation enregistrée ou non

2) Le droit patrimonial
Le droit patrimonial de l’artiste-interprète :

Grâce au droit patrimonial, l’artiste-interprète a la possibilité d’exploiter les enregistrements


de ses prestations. L’artiste-interprète a en effet le droit d’autoriser ou d’interdire la fixation, la
reproduction et la communication au public de sa prestation.

En contrepartie des autorisations qu’il donne, l’artiste-interprète reçoit une rémunération


ayant la nature d’un salaire.

La durée des droits patrimoniaux est précisée à l’article 94 de la loi ivoirienne qui dispose
que, « la durée de protection des interprétations ou exécutions est de cinquante années à compter de : — la fin de
l'année de la fixation, pour les interprétations ou exécutions fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes ou à la fin
de l'année de publication, lorsque le phonogramme ou le vidéogramme ont fait l'objet d'une publication ; — la fin
de l'année où l'interprétation ou exécution a eu lieu, pour les interprétations ou exécutions qui ne sont pas fixées
sur phonogrammes ou vidéogrammes »

B. Les limites et exceptions aux droits de l’artiste-interprète

49
Limites. En matière audiovisuelle, le simple fait de signer un contrat passé avec un
producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation par l’artiste interprète
de fixer, reproduire et communiquer au public sa prestation.

Licences légales. Ce sont des autorisations (licences) données par la loi (légales) de faire
certaines utilisations des interprétations sans que le titulaire du droit voisin puisse s’y opposer. Il
en existe deux :

La licence de phonogramme de commerce : lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins


de commerce, les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes ne peuvent s’opposer
à sa communication directe dans un lieu public, à sa radiodiffusion

Le second cas de licence légale concerne la copie privée de phonogrammes et de


vidéogrammes : la rémunération pour copie privée sonore, audiovisuelle et numérique. Le
développement des repiquages de phonogrammes et de vidéogrammes sur des supports vierges
(bandes magnétiques, cassettes audio et vidéo) pouvait causer un préjudice pour les auteurs. Le
législateur va instituer un droit à rémunération forfaitaire pour copie privée de phonogrammes et
de vidéogrammes. La redevance pour copie privée va bénéficier aux auteurs, artistes interprètes,
et aux producteurs de phonogrammes (Voir article 100 et suivants de la loi ivoirienne de 2016 sur
le droit d’auteur). Selon l’article 102 de la loi ivoirienne de 2016, « La rémunération prévue au précédent
article est versée par le fabricant ou l'importateur des supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à
usage privé d'œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes. » Le taux de répartition sera fixé par
voie réglementaire.

C. LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS

Les droits de l’artiste-interprète sont exploités au moyen de contrats tantôt conclus directement
par le titulaire, tantôt par l’intermédiaire d’une société de perception et de répartition des droits

1) les contrats d’artistes-interprètes

L’exploitation d’une prestation artistique résulte de deux types d’actes :

- l’acte d’interprétation lui-même

50
Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation, la reproduction et la
communication au public, de sa prestation, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image
de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image.

Selon l’article 92 de la loi de 2016 sur le DA et le DV, « la signature du contrat conclu entre un artiste-
interprète et un producteur pour la réalisation d'une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et
communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète. »

Ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de l'œuvre.

-L’utilisation secondaire de l’interprétation : le play-back (communication de la fixation pendant


que l’artiste mime les paroles d’une chanson)

SECTION II : LA GESTION COLLECTIVE

La gestion collective des droits d’auteur et droits voisins est apparue comme nécessaire
dans la mesure où les auteurs ne peuvent contrôler l’exploitation de leurs œuvres en tous lieux et
occasions. Ce constat a été conforté par la multiplication des modes de diffusion. Certaines
structures notamment les sociétés de gestion des droits vont être mises en place pour percevoir les
diverses sommes revenant à l’artiste-interprète en contrepartie des utilisations secondaires de sa
prestation. Ces sommes perçues vont ensuite être réparties aux artistes. En Côte d’Ivoire, cette
structure est dénommée le Bureau ivoirien des droits d’auteurs (BURIDA). Il a pour objet de
promouvoir et de défendre les intérêts matériels et moraux des auteurs d’œuvre de l’esprit et
artistes-interprète ainsi que de leurs ayants droit. Le Bureau ivoirien du Droit d'Auteur (BURIDA)
a désormais le statut juridique d'une société civile particulière. Il est placé sous la tutelle du Ministère
en charge de la Culture. Le BURIDA est une personne morale de droit privé. A cet effet, il est
soumis aux dispositions générales du droit privé et à celles spéciales contenues dans le Décret
n°2008-357-du 20 novembre 2008 portant réforme du Bureau ivoirien du droit d’auteur.

Les droits voisins sont des prérogatives reconnues à certaines personnes qui assistent l’auteur dans
la création ou dans la diffusion de l’œuvre. La différence entre ces personnes et les auteurs :

Les auteurs conçoivent l’œuvre et a réalisent eux-mêmes (par exemple une personne imagine un
roman et l’écrit, un sculpteur imagine une statue et la sculpte ; parfois aussi les auteurs imaginent
les œuvres et les font exécuter par une machine. C’est le cas du photographe qui met en place le
décor, l’éclairage et autres, et qui fait finir l’œuvre par son appareil.

51
Néanmoins dans l’ensemble, les titulaires de droits voisins sont les personnes appelées auxiliaires
de la création, parce qu’elles n’interviennent jamais dans la phase de conception de l’œuvre. Ces
personnes sont de plusieurs catégories :

Il s’agit d’abord des acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs et de toutes les personnes qui
représentent, récitent, jouent ou exécutent de toute autre manière des œuvres littéraires ou
artistiques ou même les expressions du folklore : Ce sont les artistes interprètes

Il s’agit ensuite des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Le phonogramme est le


terme technique qui permet de désigner tout support dans lequel se trouvent des sons alors que le
vidéogramme est, quant à lui, le support dans lequel se trouvent des images et du son ou des images
seules.

Il s’agit enfin des organismes de radiodiffusion encore appelés « entreprises de communication


audiovisuelle ». Cette appellation englobe aussi bien les chaines de radio et de télévision qu’elles
soient publiques ou privées, qu’elles soient commerciales ou non.

Ces personnes ont le pouvoir de s’opposer à l’enregistrement de leur prestation, à la reproduction


ou à la distribution de leur prestation déjà enregistrée, à la reproduction, à la distribution ou à la
communication au public des phonogrammes ou vidéogrammes dont ils sont producteurs. En ce
qui concerne les chaînes de radio et de télévision, celles-ci ont le droit d’accomplir ou d’autoriser
l’enregistrement de leurs émissions, la reproduction ou la distribution d’un enregistrement de leurs
émissions, ainsi que la réémission de leurs émissions.

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