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UNIVERSITE DE TUNIS EL MANAR

Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis


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Cours Droit de la propriété intellectuelle


Droit des marques

Master II Droit privé

Année Universitaire 2015- 2016

1
1-Définition et Particularités de la propriété intellectuelle
« Le droit de la propriété intellectuelle protège les fruits de l’activité créative de
l’homme ».
L’objet de la propriété varie :
Il peut s’agir de la propriété de biens immeubles : la propriété est dans ce cas dite
immobilière.
Elle peut porter aussi sur des biens de nature mobilière tels que des articles, des actions,
des voitures, elle est dite dans ce cas propriété mobilière.
Elle peut aussi porter sur les fruits de la créativité humaine, elle est dite dans ce cas
propriété intellectuelle, elle s’applique à la littérature aux chansons etc…
La propriété intellectuelle englobe des domaines distincts du droit : les marques, le
droit d’auteur, le brevet d’invention, les dessins et modèles industriels, les obtentions
végétales.
Le droit de propriété intellectuelle se divise en deux catégories: le droit de la propriété
littéraire et artistique d’une part et le droit de la propriété industrielle de l’autre. La
première catégorie recouvre les droits d’auteurs et droits voisins, la deuxième le droit des
marques, le droit des brevets, le droit des dessins et modèles, ainsi que celui des
obtentions végétales.
Il faut dans ce contexte remarquer que l’objet de la protection par les droits de la
propriété intellectuelle est variable, il n’est pas unique. Alors que le droit d’auteur porte
sur les œuvres de l’esprit , les droits voisins portent sur l’interprétation de ces œuvres, le
droit des marques de commerce, de fabrique et de services sur des signes distinctifs, le
droit des dessins et modèles sur des modèles, le droit des brevets sur des inventions, ,
d’où la diversité de la matière.
Malgré cette diversité de l’objet, sa nature intellectuelle explique le regroupement de la
protection légale de tous ces droits sous la même matière : la propriété intellectuelle.
C’est « un pluriel bien singulier » disait un auteur1. Un bien singulier car relevant de
l’esprit, c’est une création de l’esprit qui fait l’objet de la protection légale, c’est ce qui fait
son originalité et sa singularité. Ainsi, la propriété porte sur l’immatériel et non sur un
support physique2.
Le droit de la propriété intellectuelle est alors l’ensemble des règles et institution qui
régissent toutes les propriétés intellectuelles.

1
Raynard J., « Propriétés incorporelles : un pluriel bien singulier », Mélanges Burst, Litec, 1997,p.527. ,
Cité par Marino L., Droit de la propriété intellectuelle, éd. PUF coll. Thémis Droit, p.1 .
2
Marino L . , op.cit , p.2.

2
2- Nature juridique des droits de la propriété intellectuelle
La nature juridique des droits intellectuels est un sujet qui anime toujours les
controverses. Juridiquement, il y existe deux catégories de droits subjectifs : les droits
patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux.
Les droits patrimoniaux sont les droits qui ont une valeur pécuniaire et qui font,
partie du patrimoine de la personne. Dans la catégorie des droits patrimoniaux, on
trouve, d’un côté ce qu’on appelle les droits réels et de l’autre, ce qu’on appelle les droits
personnels. Le droit réel est un droit qui porte sur une chose et qui confère à son titulaire
un pouvoir direct et immédiat sur cette chose : le droit réel met en rapport une personne
face à une chose.
Le droit personnel, en revanche, traduit un rapport de créance entre deux individus :
c’est un droit exercé par une personne à l’encontre d’une autre personne.
Des difficultés alors surgissent quant à la classification des droits de la propriété
intellectuelle dans l’une ou l’autre des catégories.
Les droits de propriété industrielle se caractérisent, de fait, par un monopole
d’exploitation, par une exclusivité :
*C’est un droit patrimonial d’exploitation : le propriétaire du bien peut en user, en jouir
et en disposer, ainsi la jouissance peut se manifester par la conclusion d’un contrat de
licence, la disposition par un contrat de cession, ou encore en faire une donation.
*C’est un droit exclusif qui permet à son auteur d’interdire aux tiers tout usage ou
exploitation de l’œuvre ou de la marque, ou du dessin objet de la protection, il est
opposable à tous, une opposabilité absolue qui est l’une des caractéristiques essentielles
du droit de la propriété (erga omnes).Ils sont ainsi différents des droits personnels qui
sont relatifs et qui ne produisent leurs effets que dans la relation entre le débiteur et le
créancier.
Les droits de propriété intellectuelle ne sont pas, pour autant, des droits réels parce qu’ils
ont une durée relativement brève : ils ne sont pas perpétuels.
En outre, ces droits ont des caractères qui les distinguent de ceux du droit de la propriété
classique : ils sont spéciaux et temporels. C’est une propriété délimitée dans le temps.
En droit tunisien, par exemple, la durée de protection du droit sur le brevet est de 20
ans, celle sur le droit des marques est de 10 ans, mais indéfiniment renouvelable, et celle
sur les dessins et modèles de 5, 10, 25 ans maximum. On a, donc, proposé d’ériger les
droits de propriété intellectuelle en catégorie de droits à part en dehors des droits réels
et des droits personnels.
*Ce droit est spécial car il est soumis à un régime juridique différent de celui du droit de
la propriété classique. L’action en vue de protéger le droit des marques est en effet
particulière il s’agit de l’action en contrefaçon.
Il faudrait, en fait, suivre le sens des réalités en cette période de dématérialisation
généralisée et admettre qu’aujourd’hui, les plus grandes fortunes du monde sont
possédées par des auteurs qui touchent des revenus de leurs droits de propriétés
incorporelles. Ce qui fait la valeur d’un grand groupe industriel, c’est la qualité de ses
marques, brevets et autre know-how, plus que celle de ses bâtiments et machines.

3
D’ailleurs, l’importance grandissante des droits de propriété intellectuelle dans le
commerce mondial explique que l’on ait éprouvé le besoin d’intégrer la protection des
droits de propriété intellectuelle dans les négociations commerciales multilatérales tenues
lors de l’Uruguay Round. Ce qui a débouché sur la conclusion de l’Accord sur la
protection des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce –l’ADPIC- :
accord annexé à l’Accord portant création de l’Organisation mondiale du commerce,
datant du 14 avril 1995 et qui supervise une protection mondiale des droits de propriété
intellectuelle. La nécessité d’assurer la protection des droits de propriété intellectuelle a
été, par ailleurs, soulignée dans l’Accord d’association conclu entre la Tunisie et la
Communauté européenne et ses Etats membres. En effet, l’article 39 de l’Accord en
question, prévoit bien, dans son premier paragraphe, que : « Les parties assureront
une protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle, industrielle et
commerciale en conformité avec les plus hauts standards internationaux, y compris les
moyens effectifs de faire valoir de tels droits. » L'Accord a pour objet de réduire les
distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, de promouvoir
une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle et de faire en
sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété
intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime. Il a
pour objectif la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle qui devrait
contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion
de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des
connaissances techniques et d'une manière propice au bien-être social et économique, et
à assurer un équilibre de droits et d'obligations.3
Cet accord est différent des traités de l’OMPI dans la mesure où, l’accord ADPIC
s’impose aux Etats qui en cas de violations risquent des sanctions commerciales.
Par ailleurs, une nouvelle approche appelée ADPIC-Plus consiste à adopter des
dispositions surpassant les standards de l’ADPIC. Un ou plusieurs Etats peuvent alors
conclure des accords comportant des clauses ADPIC-Plus tel que celui conclu en 2004
par les Etats-unis (Central American Free Trade Agreement), prévoyant la durée de 20
pour la protection du brevet.
3- La propriété intellectuelle et le développement économique
Il est généralement admis que la propriété intellectuelle constitue un facteur de
développement technique et de progrès économique. En effet, le progrès économique
suppose la réunion de deux conditions fondamentales : l’existence d’un outil stimulant
l’activité inventive et facilitant l’échange de connaissances techniques. Le brevet
d’invention constitue cet outil.
Par le droit exclusif temporaire qu’il confère, il offre à l’inventeur l’espoir d’amortir les
investissements souvent considérables qu’implique la transformation d’une invention en
un produit ou un procédé industrialisable et commercialisable, outre les investissements
nécessités par la mise au point de l’invention comme de ceux dus par la procédure de
délivrance de brevet.
Le brevet joue aussi un rôle important dans la circulation des informations
scientifiques et techniques et contribue ainsi à l’enrichissement du patrimoine

3
www.wto.org

4
technologique de la société. En effet, les transferts de techniques impliquent un climat
de confiance et le rôle essentiel de la propriété industrielle est de renforcer ce climat de
confiance. La protection de la propriété industrielle arrange autant le preneur que le
donneur de techniques : en fait, lors de la conclusion d’un contrat de transfert
technologique qui peut, le cas échéant, prendre la forme d’un contrat de cession de
brevet, le preneur de techniques, c'est-à-dire, l’acheteur du brevet aura la possibilité de
savoir la consistance exacte de ce qui lui est proposé grâce au brevet. Ceci grâce à la
documentation complète qui accompagne la délivrance d’un titre de brevet et qui est
contenue dans le titre lui-même : description totale du produit ou du procédé technique,
en plus des croquis et des dessins techniques qui schématisent l’invention.
Aussi le donneur de la technique sera en sécurité sur son invention puisque en
contrepartie de la divulgation de son invention au moyen du brevet, l’inventeur est
protégé par la loi contre ceux qui exploiteraient et utiliseraient son invention, sans son
consentement.
Par ailleurs, la marque constitue un vecteur de progrès économique :
l’amélioration de la qualité du produit, d’une part et l’investissement dans l’amélioration
de la présentation du produit. Ceci passe par l’amélioration de l’emballage, du paquetage,
mais touche aussi l’image de marque du produit.
Sur ce point, il est clair que la marque constitue, de plus en plus, un excellent moyen de
conquête des marchés grâce en particulier au développement des moyens de la publicité.
Au fait, dans le combat pour l’attachement de la clientèle, la marque constitue, pour les
entreprises concurrentes, une arme essentielle pour la conquête des marchés. Au bout
de véritables politiques des marques, qui relèvent, d’ailleurs, du marketing économique,
et au moyen des campagnes publicitaires massives, les entreprises commerciales
s’acharnent à dorer l’image de leurs marques. Tout ceci témoigne de l’importance du
rôle économique de la marque.
Dans un contexte de mondialisation, un pays qui ne protège pas les droits de
propriété industrielle, est un pays qui se prive des chances de l’investissement étranger
direct sur son territoire. C’est ce qui explique, d’ailleurs, l’empressement de certains pays
en voie de développement à protéger les droits de propriété industrielle et à adopter des
lois à cette fin. C’est ainsi qu’en Tunisie la majorité des droits de propriété industrielle et
intellectuelle, en général, ont été protégés par des lois récentes.
Ainsi une loi n°2000/84 en date du 24/8/2000 relative aux brevets d’invention4 est venue
remplacer le décret beylical du 26/12/1888. De même une loi n°2001-36 du 17/4/2001
relative à la protection des marques de fabrique, de commerce et de services5, est venue
remplacer le décret du 3/6/1889. Cette loi fût modifiée en 2007 par la loi n° 2007-50 du
23/7/2007 modifiant et complétant la loi n° 2001-36 du 17/4/2001 relative à la protection
des marques de fabriques de commerce et de services.6

4
JORT 25/8/200, n°68, p.1983.
5
JORT 17/4/2001, n°31, p. 834, modifiée par la loi n° 2007-50 du 23/7/2007 modifiant et complétant la
loi n°2001-36 du 17/4/2001 relative à la protection des marques de fabrique de commerce et de service.
6
JORT 27/7/2001, n°60, p.2580.

5
Pour les dessins et modèles industriels, ils font désormais l’objet de la loi n°2001-21 du
6/2/2001 relative à la protection des dessins et modèles industriels7, qui a abrogé le décret
du 25/2/1911.
En outre, il y a eu création de nouveaux titres de protection pour des éléments non
protégés.
Ainsi, une loi n°1999-57 du 28/6/1999 est venue consacrer en droit tunisien la protection
des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance des produits
agricoles. En outre, les obtentions végétales font désormais l’objet de la loi n°99-42 du
10/5/1999 relative aux semences, plants et obtentions végétales8. Par ailleurs, une loi
n°2001-20 relative à la protection des schémas de configurations des circuits intégrés a
été adoptée le 6/2/20019. La protection de la propriété littéraire et artistique fait l’objet
de la loi du 24/2/1994 modifiée en 2009 par la loi n°2009-33 du 23/6/2009.
Il faudrait signaler que cette loi ne se limite pas à protéger les œuvres littéraires,
artistiques ou cinématographiques, mais prenant en considération ce qui se passe dans le
monde informatique et des technologies de l’information et de la communication, elle
comporte tout un chapitre consacré à la protection des logiciels ou programmes
d’ordinateur. Le logiciel est protégé, en Tunisie, par le droit d’auteur. En outre sa
modification par la loi de 2009 a expressément étendu la protection par les droits
d’auteurs aux bases de données et aux œuvres numériques.
Par ailleurs, la Tunisie fait partie de certains Accords Internationaux visant la
protection des différents aspects de la propriété intellectuelle : elle a ainsi adhéré à la
Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle le 7 juillet
1884, à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques,
à la Convention universelle sur le droit d’auteur et à la Convention de Rome : Convention
internationale pour la protection des artistes interprètes exécutants, des producteurs de
phonogrammes et des organismes de radiodiffusion de 1961. La Tunisie a adhéré à
l’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des
services aux fins de l’enregistrement des marques depuis le 29/5/1967.
La Convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
(OMPI), l’Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de
provenance fausses ou fallacieuses sur les produits, l’Arrangement de La Haye
concernant le dépôt des dessins et modèles industriels, l’Arrangement de Lisbonne
concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international,
l’Arrangement de Vienne instituant une classification internationale des éléments
figuratifs des marques, sont tous des instruments internationaux auxquels la Tunisie est
adhérente depuis, respectivement, le 28/11/1975, le 15/7/1892, le 20/10/1930, le
31/10/1973 et le 9/8/1985.
La Tunisie est aussi partie au Traité de Nairobi concernant la protection du
symbole olympique depuis le 28/2/1983 et à la Convention de Locarno concernant la
classification internationale des dessins et modèles industriels et au Traité de
coopération en matière de brevets (PCT) depuis le 10/9/2001. Par ailleurs, elle a adhéré,

7
JORT 9/2/2001, p.257.
8
JORT, 14/5/1999, n°39 p706
9
JORT, 9/2/2001, n°12 p253

6
le 31 août 2003, à la Convention internationale pour la protection des obtentions
végétales.
A cet arsenal législatif national et international, une adhésion au protocole de
l’arrangement de Madrid relatif à la protection Internationale des marques, vient
marquer un avantage en faveur de l’investissement national et étranger en Tunisie. En
effet, le 16 juillet 2013, le Gouvernement de la Tunisie a déposé auprès du Directeur
général de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) son instrument
d’adhésion au Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement
international des marques (“le Protocole de Madrid”). Le Protocole de Madrid est déjà
entré en vigueur, à l’égard de la Tunisie le 16 octobre 2013.

7
Première partie : Droit de la propriété industrielle
Titre I : Les droits sur les signes distinctifs
Chapitre 1 : Le droit des marques
Section 1 : Notion de marque
§ 1 : Définition de la marque
« Le droit des marques est un droit de propriété portant sur un signe propre à distinguer
les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. 10»
Partant de cette définition, certains considèrent le signe distinctif comme une création de
l’esprit susceptible de protection au même titre que les œuvres et les inventions, d’autres
pensent qu’il s’agit d’un simple droit d’occupation (la jurisprudence). La marque est
susceptible de protection car tout signe distinctif résulte forcément de l’esprit
humain : « il naît d’un effort créatif.11 »
L’article 2 de la loi tunisienne relative à la protection des marques de fabrique, de
commerce ou de service prévoit, dans son premier paragraphe, que : « La marque de
fabrique, de commerce ou de service est un signe visible permettant de distinguer les
produits offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou morale. »
Le décret du 11 juillet 2001 fixant les modalités d’enregistrement et d’opposition à
l’enregistrement des marques de fabrique, de commerce et de services et les modalités
d’inscription sur le registre national des marques prévoit dans son premier article,
paragraphe 2 que : « Cette demande (d’enregistrement de la marque) doit préciser
notamment : l’identité du déposant et son adresse, le modèle de la marque, consistant en
la représentation graphique de celle-ci en triple exemplaire. ».
L’article L. 711-1 du Code français de la propriété intellectuelle fournit la définition
suivante : « La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible
de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne
physique ou morale. ».
La marque est donc un signe visible qui est nécessairement, matériel apposé sur un
produit ou qui accompagne un service Elle est en quelque sorte la signature du fabricant
ou du commerçant. De part sa fonction, la marque est un instrument de distinction entre
les produits ou les services des opérateurs économiques concurrents. Elle permet au
public de savoir exactement quelle est l’origine du produit qu’il achète ou du service
qu’on lui rend. Elle lui i permet aussi symétriquement, lorsqu’il est à la recherche de tel

101010
Marino L.,op.cit., p.323.
11
Ibidem.

8
produit ou de tel service dont il apprécie la qualité, de pouvoir l’obtenir sans risquer de
se tromper ou d’être trompé. La marque est, donc, appréhendée par le droit tunisien
dans un contexte de concurrence et pour le commerçant, elle sert à attirer une clientèle.
Juridiquement parlant, elle n’est pas censée garantir la qualité du produit qu’elle désigne
même si réellement et dans l’esprit du consommateur, elle constitue un gage d’une
certaine qualité et c’est ce quii explique au fond le conditionnement psychologique du
consommateur par la marque.
La marque est, donc, un signe sensible destiné à distinguer un produit des produits
similaires des concurrents ou des services rendus par d’autres.
§ 2 : Caractères généraux de la marque
1/- Caractère individuel
Le droit sur la marque est en principe, individuel en ce sens que la marque appartient à
une personne unique, personne physique ou morale. Mais, on peut très bien concevoir
des situations de copropriété de la marque, une même marque pourrait être la propriété
de plusieurs personnes. D’ailleurs, la loi tunisienne relative aux marques prévoit, bien
dans son article 6 que :« la propriété d’une marque peut être acquise en copropriété. »
2/- Caractère facultatif
La marque est facultative dans la mesure où, l’opérateur économique peut offrir au
public des produits ou services non marqués. L’utilisation d’une marque pour la
commercialisation d’un produit n’est pas obligatoire. Cecii s’explique par la conception
de la marque en tant qu’instrument de concurrence. La marque n’est pas dans le droit
tunisien un moyen de contrôle et de police du commerce : elle n’est pas utilisée comme
un moyen de contrôler l’origine ou la qualité des produits et c’est pour cette raison qu’elle
n’est point obligatoire.
3/- Indépendance de la marque par rapport au produit
Cette règle signifie que l’appréciation de la validité de la marque est indépendante de la
licéité du produit ou du service qu’elle vise. Le dépôt d’une marque sera accepté même
si le produit sur lequel elle s’applique fait l’objet d’un monopole étatique et donc ne peut
être librement commercialisable.
Ce principe de l’indépendance de la marque par rapport au produit résulte de l’article 7
de la Convention de Paris relative à la protection de la propriété industrielle, lequel
prévoit que : « La nature du produit sur lequel la marque de fabrique ou de commerce
doit être apposée ne peut dans aucun cas, faire obstacle à l’enregistrement de la
marque. ».
Cette marque ne pourra alors être invalidée pour illicéité de l’objet, ne peut être exploitée
mais son titulaire ne pourra être déchu de son droit pour défaut d’inexploitation parce
qu’il pourra invoquer un juste motif d’inexploitation.
§ 3 : Les différentes sortes de marques

9
Historiquement, les commerçants usaient des sceaux comme signe distinctif. Ce
n’est que vers le début du 18ème siècle que le droit des marques commence à voir le jour12.
Il existe plusieurs types de marques : les marques de fabrique, de commerce et
de services. Malgré la distinction qu’il y a lieu de faire entre les trois catégories, elles sont
toutes soumises à un même régime juridique.
1/- Les marques de fabrique
La marque de fabrique est celle qui appartient à l’industriel qui fabrique le
produit : le fabricant propriétaire de la marque l’appose sur ses propres produits. Si
l’industriel qui fabrique un produit fini utilise un produit de base qui est lui-même revêtu
d’une marque, le produit fini peut être revêtu de deux marques : la marque du produit
de base est appelé, dans ce cas, marque accompagnante. Aucun problème ne se pose
lorsque c’est la même personne qui est propriétaire de la première et seconde marque.
Des problèmes se posent dans le cas contraire parce que si la marque première est
connue, le fabricant du produit fini aurait intérêt à l’associer à son produit alors que si le
produit fini est de mauvaise qualité, le titulaire de la première marque n’aurait pas intérêt
à ce que sa marque soit associée à un tel produit : chose qui va déprécier la valeur de sa
marque.
2/- Les marques de commerce
Elles ne sont pas la propriété d’un fabricant mais d’un commerçant. Elles sont
apposées sur des produits divers que le commerçant n’a pas fabriqués mais dont il assure
la distribution : le plus souvent, elles traduisent, du côté du commerçant, des sources
multiples d’approvisionnement. Les marques de commerce sont, également, appelées
marques de distribution lorsqu’elles sont utilisées par les grandes surfaces ou les grands
magasins.
3/- Les marques de service
Ce sont des signes qui distinguent les services et non pas les produits d’un
opérateur économique de ceux de ses concurrents. Puisqu’elles ne sont pas apposées sur
un produit, elles apparaissent dans une trace matérielle laissée par le service : étiquette
sur la valise du voyageur transporté, signe accompagnant les imprimés pour opérations
bancaires.
4/- Les marques de réserve, de défense et de barrage
A côté des marques de fabrique, de commerce et de service, on parle de plus en
plus des marques de réserve, de défense ou de barrage.
a/- Les marques de réserve
La marque de réserve est une marque qui est déposée par une personne en
prévision d’un produit nouveau qui va sortir. Les marques de réserve répondent à un
souci économique légitime de se réserver un signe pour un produit qui est tout prêt à
sortir. Cependant, si au bout de 5 ans du dépôt, la marque enregistrée n’est pas exploitée,
elle fait l’objet d’une déchéance pour défaut d’exploitation.

12
En France avec la loi de 1824 sur les noms commerciaux, sur les marques en 1857 .

10
b/- Les marques de défense
La marque de défense est un signe qu’on dépose pour défendre une autre
marque : elle est constituée d’un signe proche d’une marque qu’on exploite réellement.
Elle n’est pas destinée à être exploitée mais seulement à rendre plus difficile l’imitation
de la marque qu’on exploite. Elle est, donc, destinée à protéger une marque des
concurrents malhonnêtes.
Le problème pour les marques de défense c’est qu’elles n’échappent pas au délai de
déchéance de cinq ans pour défaut d’exploitation, en plus, elles ne présentent d’intérêt
que pour les marques faibles contrairement aux marques fortes ou solides.
c/- Les marques de barrage
Ce sont des marques déposées seulement pour empêcher un concurrent de les
exploiter.
C/- Rapports entre la marque et les autres droits de propriété intellectuelle
1/- Distinction entre la marque et les autres droits de propriété intellectuelle
a/- Distinction entre la marque et le nom commercial
Le nom commercial est le terme qui désigne au public un établissement
commercial et sous lequel il est connu du public et exploité. Il est unique et doit
permettre de distinguer un établissement des autres établissements similaires. Déjà, donc,
la marque se distingue du nom commercial par le fait que celui-ci sert à distinguer une
entreprise des autres entreprises alors que la marque sert à distinguer les produits ou
services qui émanent des entreprises.
Il est possible à une entreprise d’avoir un portefeuille de marques, alors qu’elle
ne peut être titulaire que d’un seul nom commercial. Le droit sur le nom commercial
naît d’un premier usage alors que le droit sur la marque naît du dépôt : ce qui signifie
que le nom commercial est protégé indépendamment de toute procédure de dépôt.
Le nom commercial est protégé par l’action en concurrence déloyale alors que la
marque est protégée par l’action en contrefaçon. La marque, contrairement au nom
commercial, a un rayonnement national en ce sens qu’une fois enregistrée, elle bénéficie
d’une protection sur tout le territoire national. Le nom commercial n’a qu’un
rayonnement local : s’il n’est pas notoire, il n’est pas protégé sur tout le territoire national.
En pratique, une personne enregistre en tant que marque un nom commercial qui n’est
connu que dans la localité de son exploitation, elle n’est pas, forcément, dans l’illégalité.
C’est ce qui explique, d’ailleurs, que plusieurs commerçants déposent leur nom
commercial en tant que marque et ce pour pouvoir profiter de la protection attachée au
droit sur la marque. Il reste que dans ce cas, ils devront exploiter leurs marques sinon ils
risquent la déchéance de leurs droits pour défaut d’exploitation.
La jurisprudence française s’est prononcée à plusieurs reprises sur l’usage du
nom. La première affaire qu’on pourrait citer est celle de l’arrêt BORDAS -
Cass.Com en date du 12 /3/1985 : la cour considère dans cet arrêt que le
fondateur d’une société qui a autorisé celle-ci à adopter son nom , n’est plus maître et
ne peut s’opposer(une fois écarté des affaires) à ce que son nom continue à être exploité
sous sa forme commerciale, « le nom Bordas , était devenu en raison de son insertion

11
dans les statuts de la société signés par Monsieur P . Bordas, un signe distinctif qui s’est
détaché de la personne physique qui le porte, pour s’appliquer à la personne morale qu’il
distingue et devenir ainsi l’objet de propriété incorporelle.13 »
Dans une autre affaire la cour de cassation avait conclu que l’autorisation d’utiliser un
patronyme notoire en tant que dénomination sociale ne permet pas de le déposer en tant
que marque, il faut donc un accord spécifique et supplémentaire de la personne physique
(Arrêt DUCASSE Cass. Com. 6/5/2003) dans le même ordre d’idées, la cour de
cassation distingue entre le caractère notoire et non notoire du patronyme pour
expliquer l’annulation de la marque, selon la cour, le patronyme doit être notoire sur
l’ensemble du territoire national et non uniquement localement, si le patronyme n’est
pas notoire il n’y a pas atteinte aux droits de la personnalité par le dépôt de la marque(on
protège la société dans ce cas), au contraire si le patronyme est notoire l’annulation de
la marque est possible en raison de l’atteinte aux droits de la personnalité14.
b/- Marque et enseigne
L’enseigne se confond parfois avec le nom commercial, elle sert, également, à
distinguer un établissement commercial. Cependant, elle a un caractère plus concret que
le nom commercial puisqu’elle est localisée dans l’espace et qu’elle se situe à
l’emplacement d’un établissement commercial qu’elle désigne aux yeux du public. Le
nom commercial est un élément abstrait du fonds de commerce. Comme on l’a noté
pour la différence entre le nom commercial et la marque, l’enseigne n’a qu’un
rayonnement local et n’a, donc, qu’une protection limitée au lieu où se trouve
l’établissement qui la porte. Elle ne fait pas, de même, l’objet d’un dépôt.
c/- Marque et appellation d’origine
L’appellation d’origine15 est une dénomination constituée par le nom d’une région
dont les produits jouissent d’une longue réputation et dont leur qualité est rattachée aux
facteurs naturels et humains liés à la région. L’appellation d‘origine garantie la qualité
alors que la marque indique l’origine du produit même si elle finit par être, dans l’esprit
du consommateur, un gage de qualité. La marque est la propriété privative de son titulaire
alors que l’appellation d’origine constitue une valeur collective et elle est mise à la

13
Marino L., op .cit.,p.342.
14
Marino L ., op.cit., p.343-344.
15
Loi n° 2007-68 du 27 décembre 2007, relative aux appellations d’origine, aux indications géographiques
et aux indications de provenance des produits artisanaux :
Art.2- « On entend par « appellation d’origine », la dénomination géographique d’une région ou parties de
régions, servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractéristiques sont dus
exclusivement ou essentiellement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et les facteurs
humains. Les facteurs naturels comprennent d’une façon générale le milieu géographique de provenance
du produit. Les facteurs humains comprennent notamment les techniques spécifiques acquises par les
artisans. Ces techniques spécifiques doivent découler de traditions locales, anciennes, stables et notoires.
Art. 3 - On entend par indication géographique, l’indication qui sert à identifier un produit comme étant
originaire d’une région, d’une localité ou un lieu de cette région au cas où la qualité, la réputation ou les
autres caractéristiques du produit peuvent être attribués essentiellement à son origine géographique.
Art. 4 - L’indication de provenance désigne le nom du pays, d’une région ou localité où le produit est
fabriqué. L'indication de provenance peut contenir des noms ou des emblèmes qui symbolisent le pays, la
région ou localité.
Art.5 - On entend par artisanat, les activités de production, de transformation ou de réparation
essentiellement manuelles qui répondent à des besoins utilitaires, fonctionnels ou décoratifs portant un
aspect artistique et culturel inspiré de l’identité et du patrimoine national.
Art. 6 - On entend par l’aire géographique, un pays, une région, partie de région, localité ou lieu.

12
disposition de tous les producteurs de la région bénéficiant de l’appellation d’origine.
Chaque producteur de la région n’a que sur l’appellation qu’un droit d’usage, il n’a pas
un droit de propriété.
Il reste que le produit bénéficiant de l’appellation d’origine peut, également, être
revêtu d’une marque. Le produit sera, ainsi, revêtu de deux signes distinctifs :
l’appellation d’origine et une marque de fabrique indépendante. Il arrive aussi que
l’appellation d’origine soit intégrée dans une marque et qu’elle constitue, ainsi, un
élément d’une marque de fabrique complexe à condition que les produits en présence
aient droit à cette appellation d’origine. A Défaut la marque identique à l’appellation
d’origine pourrait être annulée. On cite à titre d’exemple une jurisprudence française
concernant l’affaire CHAMPAGNE , la marque déposée par Yves Saint Laurent a été
annulée, car elle avait été antériorisée par l’appellation d’origine Champagne qui est une
appellation renommée(CA Paris 15/12/1993)16..
2/- Interférence entre la marque et les autres droits de propriété intellectuelle
En principe, la marque relève de la catégorie des signes distinctifs et n’a aucun
rapport avec les droits sur les créations nouvelles. Il reste que des interférences sont
concevables entre les deux catégories.
a/- Marque et brevet
En effet, il est tout à fait, envisageable qu’un produit protégé par un droit sur le
brevet soit commercialisé sous une marque de fabrique. Dans ce cas, la marque ne jouera
qu’un rôle de promotion commerciale. Elle ne pourra pas avoir un rôle distinctif puisque,
par définition et sauf licence, le produit ne pourra être offert que par le titulaire du brevet
et non par des concurrents. Il reste que la commercialisation du produit breveté sous une
marque constituera une stratégie commerciale pour faire durer la durée du brevet au-
delà du terme légal de 20 ans. En effet, pendant les 20 ans qu’a duré le monopole du
brevet, le public a été habitué à n’acheter le produit désigné que sous la marque choisie
par l’inventeur. Ce conditionnement du consommateur fera que ce dernier continuera à
acheter le produit auprès de l’inventeur même si à l’expiration de la durée du monopole,
le même produit est commercialisé par d’autres personnes.

b/- Marque et dessin ou modèle


Une marque pourrait être composée par un dessin ou par un modèle s’il s’agit,
dans ce dernier cas, d’une marque tridimensionnelle.
Si la marque et le dessin ou modèle en question appartiennent à la même personne,
aucun problème ne se pose. Cependant, si la marque et le dessin ou modèle sont la
propriété de personnes différentes, le propriétaire de la marque devra obtenir
l’autorisation du titulaire du dessin ou modèle avant de l’utiliser dans sa marque.
c/- Marque et droit d’auteur
Les interférences entre la marque et le droit d’auteur se posent dans les mêmes
termes que celles entre la marque et les dessins ou modèles.

16
Marino L., op.cit., p.341.

13
En effet, si la marque est composée par des mots ou des signes protégés par un droit
d’auteur appartenant à une autre personne, le titulaire de la marque devra obtenir son
consentement.
§ 2 : Les divers signes susceptibles de constituer une marque
Plusieurs types de signes sont susceptibles de constituer une marque. L’article 2
de la loi tunisienne prévoit que peuvent notamment constituer une marque : « a)- Les
dénominations sous toutes les formes, telles que les mots, les assemblages de mots, les
noms patronymiques, les noms géographiques, les pseudonymes, les lettres, les chiffres
et les sigles.
b)- Les signes figuratifs, tels que les dessins, les reliefs, les formes, notamment celles du
produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant les services, les dispositions,
les combinaisons ou les nuances de couleurs.
c)- Les signes sonores, tels que les sons et les phrases musicales. »
Les marques pourraient, donc, être nominales, figuratives ou auditives. Les
marques doivent être susceptibles de représentation graphique et de perception
objective. A cet égard, pour que les marques auditives puissent être déposées, une
représentation graphique des sons sera nécessaire : il s’agira d’une portée musicale.
Pour les phrases musicales, des problèmes d’interférence entre le droit des marques et
le droit d’auteur, pourraient se poser. Exemples de marques auditives : l’indicatif d’un
poste émetteur pour une radio ou une émission déterminée ou encore
l’accompagnement de la publicité pour un produit quelconque.
A/- Les marques nominales
On les appelle également, les marques verbales : elles sont composées de termes
qui peuvent avoir une signification ou être tout simplement des termes de fantaisie. Les
marques nominales sont diverses.
1/- Les noms patronymiques, pseudonymes et prénoms
a/- Noms patronymiques
Il est très fréquent qu’une personne utilise son propre nom patronymique en tant
que marque. Dans ce cas, il faudrait faire la distinction entre le nom attribut de la
personne de son titulaire et la marque, élément incorporel du fonds de commerce. En
effet, par le dépôt du nom en tant que marque, il devient, justement, élément du fonds
de commerce, appréciable en argent et il perd totalement son aspect personnel pour être
soumis à toutes les règles du droit des marques (cessible, saisissable….) Bien évidemment,
le titulaire d’un nom a le droit de le déposer et de l’utiliser comme marque pour l’exercice
de son commerce : il y a dans ce cas, conversion du nom patronymique en signe distinctif.
Un problème se pose, cependant, en cas d’homonymes, c’est-à-dire en présence
de personnes qui exercent le commerce dans le même secteur d’activité ou dans des
secteurs voisins, qui portent le même nom patronymique et qui prétendent à l’utilisation
de leur nom patronymique pour désigner leurs produits ou services. Dans ce cas,
l’homonyme ne pourra pas déposer, ni utiliser son nom comme marque. L’utilisation du
nom comme marque appartient au premier qui a fait de son nom un tel usage. Il reste
que l’homonyme pourra utiliser son nom comme dénomination sociale, comme nom

14
commercial ou comme enseigne et à condition que cet usage ne soit pas frauduleux, c’est-
à-dire à condition que l’homonyme n’agisse pas en parasite et qu’il veuille, en réalité, tirer
profit de la notoriété attachée au nom patronymique.
D’ailleurs, en dehors de toute fraude, le juge pourra, sur demande du titulaire de
la marque interdire l’usage du nom en tant que nom commercial ou en tant qu’enseigne
si cette utilisation porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en créant la confusion
dans l’esprit du consommateur.
Le juge pourra, également, permettre l’usage du nom en tant que nom
commercial, mais il pourra réglementer cet usage en exigeant de l’homonyme d’apposer
sur son produit des mentions destinées à éviter les risques de confusion : adjonction d’un
graphisme particulier, d’un prénom ou de tout autre élément distinctif. Il arrive qu’un
commerçant dépose un terme en tant que marque qui se révèle être le nom
patronymique d’un tiers. Il faudrait savoir que l’article 5 de la loi tunisienne décide
que : « Ne peut être adopté comme marque, un signe portant atteinte à des droits
antérieurs, et notamment :…. Aux droits rattachés à la personnalité d’un tiers, notamment
à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image. » Il est vrai que le droit
protège les noms patronymiques des personnes, mais pour que le titulaire du nom puisse
protester et agir en justice pour protéger son nom, il doit avoir un intérêt à agir.
Il y aura intérêt à agir dans l’hypothèse d’un nom noble, rare ou encore célèbre.
En outre pour que le titulaire du nom puisse invoquer un préjudice et obtenir des
dommages et intérêts, il faudrait vérifier une reproduction exacte de son nom, sinon il
n’y a plus de danger de confusion et le déposant peut légitimement conserver sa marque.
Cependant, un commerçant pourrait obtenir l’autorisation d’un tiers pour utiliser son
nom comme marque. Rien n’empêche en effet que le titulaire d’un nom fasse argent de
l’attrait de son nom et autorise un commerçant à le déposer comme marque ou une
société à le faire figurer dans sa raison sociale. Il y aura, ainsi, conclusion de ce qu’on
appelle un contrat d’usage de nom à titre de marque. Exemples : un champion de ski
peut autoriser que son nom soit déposé comme marque de skis, de fixations ou de
chaussures de ski, un champion de tennis pour des marques de raquettes ou de balles,
un chanteur célèbre pour une marque de disques, une vedette pour une marque de
produits de beauté, etc.
Le titulaire du nom pourrait participer à une société en présentant son nom comme
apport à la société. Il y a lieu de préciser que le titulaire du nom ne cède pas son nom
patronymique, mais qu’il concède le droit d’usage de son nom.
Il y a lieu de préciser, également, que le cédant et ses héritiers doivent garantie au
titulaire de la marque en ce sens qu’ils ne pourraient lui faire concurrence en utilisant
dans le même secteur commercial leur propre nom patronymique à titre de marque. Il
est à signaler que lorsque le nom célèbre appartient à plusieurs membres d’une même
famille, le cessionnaire du nom risquerait de subir les actions des membres de la famille
qui n’auraient pas été parties au contrat d’usage car tous auraient dû donner leur
consentement pour l’utilisation de leur nom en tant que marque.
b/- Pseudonymes
La réglementation du rapport entre une marque et un pseudonyme se pose dans
les mêmes termes que celle du rapport entre la marque et le nom patronymique d’un
tiers. Le pseudonyme est un nom sous lequel une personne dissimule sa véritable identité

15
dans l’exercice de ses activités publiques, notamment littéraires ou artistiques. En effet,
pour que le titulaire d’un pseudonyme puisse s’opposer à son dépôt comme marque par
un tiers, il est nécessaire de faire état d’une certaine notoriété du pseudonyme pour que
le titulaire puisse se prévaloir d’un préjudice.
Il est nécessaire, bien entendu de prouver la propriété du pseudonyme. De
même, le titulaire d’un pseudonyme pourrait consentir une cession du droit d’usage de
son pseudonyme. Par ailleurs, comme il n’est pas possible d’invoquer un nom
patronymique pour justifier l’imitation d’une marque antérieure, il n’est pas aussi possible
d’invoquer un pseudonyme pour justifier l’imitation d’une marque antérieure.
c/- Prénoms
Un prénom peut être adopté en tant que marque et il importe peu que ce prénom
appartienne au déposant ou pas et il importe peu, également, que ce prénom est celui
d’une tierce personne puisque le lien avec la personne est plus lointain que pour le nom
patronymique. Si une marque antérieure est composée seulement d’un prénom, elle ne
fait pas obstacle à ce qu’une marque ultérieure soit composée du même prénom mais à
condition qu’il soit joint à un nom avec lequel, il forme un tout indivisible.
2/- Les noms géographiques
Les noms géographiques peuvent être déposées en tant que marque à condition
de ne pas porter atteinte à une appellation d’origine ou à une indication de provenance.
Il y a des pays qui acceptent les marques composées de noms géographiques et il y a des
pays qui ne l’admettent pas, comme c’est le cas en Allemagne, en Autriche ou en
Espagne. Le droit français comme le droit tunisien acceptent en revanche, d’enregistrer
un nom géographique en tant que marque. L’appellation d’origine ne pourrait constituer
un élément d’une marque complexe que si le titulaire de la marque a droit à l’appellation
d’origine : sa marque sera distinctive si les éléments ajoutés le sont eux-mêmes.
L’indication de provenance ne pourra pas à elle seule être déposée en tant que marque :
c’est ainsi que le dépôt du terme Paris pour une marque de parfum a été déclaré nul, ce
nom géographique ayant une connotation de qualité et constituant une indication de
provenance.
Seulement, l’indication de provenance, combinée avec d’autres éléments,
pourrait valablement être déposée comme marque à condition d’indiquer clairement sur
le produit l’origine du produit et le lieu d’établissement, donc de l’entreprise. Il y a lieu
de préciser que c’est au moment du dépôt de la marque qu’on doit apprécier si le terme
géographique constitue une indication de provenance ou un simple lieu d’établissement
de l’entreprise qui peut librement être choisi comme marque.
Exemple : Baccara est une indication de provenance pour les cristalleries d’art, on parle,
ainsi, du cristal de Baccara. Seulement, le terme Baccara est déposé en tant que marque
parce qu’au moment du dépôt, lorsqu’un cristallier d’art s’est installé à Baccara et qu’il a
déposé le nom de la ville comme marque, cette dernière n’était pas réputée pour ce genre
de produits. Toutefois, les produits de ce cristallier d’art ont connu un tel succès que le
terme Baccara est devenu, au fil du temps, une indication de provenance mais le droit à
sa marque était quand même maintenu parce qu’il s’agissait d’un droit acquis, valable au
moment de son dépôt. Dans ce cas précis, il y a lieu de préciser que les concurrents de
ce cristallier d’art installés eux aussi à Baccara, ne pouvaient pas intégrer l’indication de

16
provenance Baccara dans une marque complexe parce que notre cristallier d’art leur
aurait opposait avec succès sa marque Baccara.
Et même lorsqu’il était question d’indiquer sur leurs produits l’origine de ceux-ci
puisqu’on ne pouvait pas les empêcher de donner leur adresse à leurs clients, il fallait
que le terme Baccara soit apposé en petites lettres sur les produits pour qu’il n’apparaisse
comme étant une marque aux yeux des consommateurs.
Peuvent également, être déposées en tant que marque les lettres et les chiffres. Exemple :
Chanel n° 5 et n° 19.
3/- Les termes de fantaisie
C’est la catégorie la plus nombreuse des marques de fabrique : il peut s’agir de
termes du langage courant, de mots n’ayant aucune signification, d’assemblages de mots,
de mots en langue arabe française ou dans n’importe laquelle des langues étrangères. En
fait, le dépôt des termes étrangers est libre. Il est à remarquer qu’aux USA, on rejette les
demandes d’enregistrement des termes étrangers lorsque leur traduction en anglais
risquerait de créer une confusion avec une marque américaine antérieure.
Les slogans pourraient, également, être déposées en tant que marques puisque la
loi admet le dépôt d’assemblages de mots, mais en général, un slogan est trop long pour
constituer une bonne marque : il joue beaucoup plus le rôle d’un argument publicitaire
que celui de distinguer des produits de ceux des concurrents. Remarquons qu’en
Turquie, par exemple, il est interdit de déposer une marque de plus de cinq mots sauf
s’il s’agit d’une raison sociale.
B/- Les marques figuratives
On les appelle, également, marques emblématiques car ce sont des signes qui
sont d’abord captés par la vue ou qui s’adressent, d’abord à la vue. Ce qu’il faudrait noter
c’est qu’il existe un lien entre la marque figurative et la marque nominale correspondante.
Ainsi, le propriétaire d’une marque constituée par un schéma d’éléphant pourrait
s’opposer à ce qu’un concurrent utiliserait comme marque le mot éléphant (exemple : le
singe dans la marque Judy). La réciproque est, également, vrai en ce sens que celui qui a
déposé la marque nominale éléphant devrait pouvoir s’opposer à ce qu’un concurrent
utiliserait une marque figurative constituée par le schéma de l’éléphant car ceci risque de
créer une confusion pour le consommateur.

1/- Les marques tridimensionnelles ou à trois dimensions


Ce sont des marques qui sont constituées par la forme du produit lui-même ou
de son emballage ou encore accompagner un produit ou la prestation d’un service.
La marque dans ce cas, se rapproche des modèles mais ne joue pas le même rôle
qu’eux.En fait, le modèle est une création de forme qui se justifie par elle-même et qui
trouve sa fin en elle-même alors que la marque à trois dimensions est conçue et déposée
dans un but de ralliement de la clientèle. Bien évidemment, lors du dépôt la forme doit
être décrite d’une manière précise et ne doit pas être signalée dans l’abstrait.

17
En outre, pour que les marques à trois dimensions soient valables, il ne faudrait
pas que le dépôt du modèle en tant que marque soit l’occasion d’un détournement de la
finalité normale de la marque et soit, donc, source d’abus de droit. Il y aurait abus de
droit si la forme déposée comme marque serait inséparable d’un résultat industriel : le
résultat industriel ne peut pas être protégé par la loi sur les dessins et modèles industriels,
mais seulement par la loi sur les brevets.
Il serait injuste qu’un dépôt à titre de marque puisse aboutir à l’appropriation
perpétuelle d’un résultat industriel, alors que l’application du droit des brevets ne
permettrait qu’une appropriation temporaire de 20 ans. Ce serait le cas par exemple,
pour des produits pharmaceutiques du dépôt à titre de marque des formes galéniques de
présentation et de conditionnement des produits. Ces formes permettent, en effet,
d’obtenir des avantages dans la conservation, l’administration et même l’action
thérapeutique des produits (permettant par exemple, que le tel corps n’entre en contact
avec tel autre et n’agisse sur l’organisme que dans un ordre déterminé. Dans d’autres cas,
le dépôt d’un modèle en tant que marque vise non pas à détourner le droit des brevets
mais le droit sur les dessins et modèles industriels.
De fait, si la forme est liée à la « valeur essentielle » du produit, elle ne doit pas
pouvoir être appropriée par une marque. La forme doit seulement avoir une valeur
d’attrait par rapport à la valeur utilitaire du produit : si la forme est c’est ce qui fait la
valeur du produit, en ce sens que c’est elle qui est visée et qu’elle constitue, donc, le
produit, elle ne peut pas être déposée en tant que marque. Exemple : un couturier ne
peut pas déposer comme marque le modèle d’une robe, un industriel de verrerie ne peut
pas déposer comme marque le modèle d’un service de cristal. Pour ces exemples, il ne
s’agit plus de signes permettant de reconnaître l’origine du produit, mais du produit lui-
même.
D’ailleurs, la loi tunisienne sur les marques prévoit, bien, dans son article 3 que :
« Sont dépourvus de caractère distinctif, les signes suivants : ….c) les signes constitués
exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant
à ce dernier sa valeur substantielle. »
2/- Les couleurs
Le législateur tunisien accepte le dépôt des couleurs en tant que marque : ça
pourrait être des combinaisons ou des dispositions de couleurs comme de ce qu’on
appelle les couleurs plates, c’est-à-dire les couleurs unies ou plus précisément, les
nuances de couleurs.
Exemples : bleu azur, bleu turquoise… Pour la validité du dépôt, il faudrait que la couleur
soit présentée d’une manière concrète et non signalée dans l’abstrait. Aux USA, une
couleur unie ne peut être enregistrée et déposée que si elle a acquis, dans l’usage, une
certaine notoriété.
3/- Les autres signes figuratifs possibles
Le droit des marques ne s’oppose pas au dépôt d’une marque constituée par un
portrait. Toutefois, toute personne a droit à son image comme elle a droit à son nom. Ce
qui fait que le droit à l’image permet à une personne de s’opposer à ce qu’on reproduise
ses traits, sans son consentement, dans une marque. Il est désormais admis et protégé
comme étant l’un des droits fondamentaux, composante du droit à la vie privée.

18
L’article 5 de la loi tunisienne prévoit bien que : « Ne peut être adopté comme marque,
un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : ... g) aux droits rattachés
à la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou
à son image. » Comme en matière d’homonymes, celui qui a déposé, en premier, son
portrait en tant que marque pourrait s’opposer à ce qu’un tiers qui lui ressemble dépose
à son tour son propre portrait comme marque : il n’y a pas lieu, dans ce cas, à
réglementation requise par le juge comme en matière d’homonymes. Une marque
figurative pourrait, également, représenter des monuments publics ou privés. Lorsque le
monument est privé, il faudrait composer avec le droit de propriété du propriétaire du
monument : de fait, celui-ci a un droit de propriété qui englobe le bâtiment mais aussi
l’image du bâtiment.
Section II : L’acquisition des droits relatifs à la marque
Pour acquérir des droits sur une marque une procédure d’enregistrement a été prévue
par la loi (§1) une fois achevée la marque est protégée et le déposant devient titulaire de
certains droits (§2). Toutefois, parfois il peut retirer sa demande d’enregistrement ou être
déchu de ses droits (§3).
§1- La procédure d’enregistrement de la marque :
Outre les dispositions de la loi du 17 avril 2001, le décret gouvernemental n° 303 du
1er/6/2015 fixant les procédures d'enregistrement et d'opposition à l'enregistrement des
marques de fabrique, de commerce et de services et les modalités d'inscription sur le
registre national des marques a abrogé et remplacé le décret n° 2001-1603 du 11 juillet
2001, en introduisant une nouvelle modalité l’introduction de la demande
d’enregistrement prenant en compte l’évolution technologique.
Trois phases se suivent alors : le dépôt, la vérification, la publication et l’inscription.
1-Le dépôt de la demande :
*L’article 7 de la loi de 2001 prévoit en effet que : « La demande d’enregistrement d’une
marque est déposée auprès de l’organisme chargé de la propriété industrielle…. »,
l’article 2 du décret gouvernemental n°303, prévoit que : « La demande d'enregistrement
d'une marque est déposée auprès de l'organisme chargé de la propriété industrielle. »
Le même article exige que la demande d’enregistrement, doit être nécessairement
accompagnée d'un dossier comprenant les pièces et les indications suivantes :
1)Une demande d'enregistrement de la marque rédigée conformément à un formulaire
établi par l'organisme chargé de la propriété industrielle. Cette demande doit préciser
notamment : - l'identité du déposant et son adresse, - le modèle de la marque consistant
en la représentation graphique de celle-ci en triple exemplaire, - les produits ou services
auxquels la marque s'applique, ainsi que les classes auxquelles ces produits et services
appartiennent, - l'indication que le déposant revendique le droit de priorité attaché à un
précédent dépôt à l'étranger le cas échéant.
2) La justification du paiement des redevances prescrites.
3) Le pouvoir du mandataire, le cas échéant.
4) La justification de l'usage si le caractère distinctif du signe déposé à titre de marque a
été acquis par l'usage.

19
5) Si le déposant est un étranger qui n'est ni domicilié ni établi en Tunisie et sous réserve
des conventions internationales, la justification qu'il a régulièrement déposé la marque
dans le pays de son domicile ou de son établissement et que ce pays accorde la réciprocité
de protection aux marques tunisiennes.
Il convient de remarquer que le nouveau décret à améliorer et réorganiser la
procédure d’enregistrement de la marque auprès de l’INNORPI. Le nouveau décret
exige que la demande soit faite selon la forme préétablie par l’INNORPI
L’ancien décret prévoyait que la demande doit préciser l’identité du déposant et son
adresse, on suppose que ces indications doivent figurer dans le texte du formulaire.
En cas de dépôt de la demande par un mandataire, l’article 7 de la loi exige un pouvoir
spécial qui doit être joint à la demande, c’est ce que précise l’article 2-3 du décret. Si le
déposant est domicilié à l’étranger il doit constituer un mandataire établi en Tunisie, pour
le représenter.
L’organisme chargé de la propriété industrielle est tenu de mentionner sur toute
demande de dépôt la date et le numéro de dépôt, au risque de se voir refuser les pièces
ou correspondances en question, qui seront déclarées irrecevables et ce par application
de l’article 4. Le même article précise par ailleurs, que tout ajout ultérieur d’une pièce
au dossier ou toute correspondance doivent rappeler le numéro d’enregistrement de
la demande, à défaut ils seraient déclarés irrecevables.
Le dépôt de la demande d’enregistrement auprès de l’organisme chargé de la propriété
industrielle donne lieu à un examen de la demande en vue de son acceptation ou de son
rejet.
*L’article 5 du décret 303 rajoute une nouveauté par rapport à l’ancien texte, il admet
une nouvelle modalité de dépôt d’une demande d’enregistrement, il s’agit du dépôt par
voie électronique. A cet effet, le texte précise que « les modalités de dépôt électronique
des demandes d'enregistrement des marques seront fixées par décision du directeur
général de l'organisme chargé de la propriété industrielle et sont publiées au site web
officiel de l'organisme.17 » et que ce dépôt n’est possible qu’après acquittement des droits
exigibles.
*Une autre nouveauté contenue dans le décret de 2015,celle contenue à l’article 6 qui
prévoit que : « L'organisme chargé de la propriété industrielle reçoit la demande
d'enregistrement internationale de marque désignant la République Tunisienne pour
extension de la protection par l'intermédiaire du bureau international de l'organisation
mondiale de la propriété intellectuelle, et ce, conformément au protocole relatif à
l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 27
juin 1989 et à son règlement d'exécution. » Cette disposition permet d’étendre la
protection Internationales des marques sur le territoire Tunisien. Ceci s’inscrit dans le
cadre de la concrétisation de l’adhésion de la Tunisie au protocole de Madrid sur la
protection Internationale des marques.
2-La vérification de la demande : admission et rejet

17
Aucune indication dans ce sens n’a faite sur le site web de l’innopri.

20
L’article3 du décret de 2015 prévoit qu’ : « Un même dépôt ne peut porter que sur une
seule marque ».
C’est dans ce sens que l’article 8 de la loi prévoit que la vérification porte sur la
conformité de la demande à la procédure et au contenu du dossier déposé aux
dispositions du décret de 2015, ainsi que la conformité du signe déposé aux dispositions
des articles 2,3 et 4 de la loi. La loi de 2001 devrait dans ce cas être modifiée en faisant
référence au décret de 2015, comme étant le texte contenant les éléments d’étude et les
critères d’appréciation de l’admission de la marque pour enregistrement.
L’organisme chargé de la propriété industrielle vérifie la demande et envoie au déposant
une notification motivée sur les raisons de non-conformité .
*Si la demande d’enregistrement est admise, l’enregistrement produit ses effets à
compter de la date de dépôt de la demande et ce pour une période de 10 ans
indéfiniment renouvelable. Le renouvellement de la demande, ne sera pas soumis à la
vérification de sa conformité aux dispositions des articles 2,3 et 4 de la loi de 2001, ni à
la procédure d’opposition prévue à l’article 11.18
Lorsque la demande porte sur une marque Internationale, l’article 6§2 du décret 303,
prévoit que « Toute demande d'enregistrement internationale reconnu recevable est
publiée au bulletin officiel de l'organisme chargé de la propriété industrielle, et ce, dans
un délai maximum de douze mois à partir de la désignation prévu au paragraphe premier
du présent article. »
*Si la demande est rejetée, le rejet peut ne pas être total, mais plutôt partiel lorsqu’il
affecte une partie de la demande. Dans tous les cas la décision de rejet doit être motivée
par l’organisme chargé de la propriété industrielle.
Cependant, ni la loi de 2001, ni le décret d’application ne prévoient les motifs du rejet.
En droit comparé, en droit communautaire, les motifs de refus sont classés en deux
catégories : les motifs absolus et les motifs relatifs.
Les motifs absolus ont trait à l’intérêt général, il en est ainsi de l’illicéité de la marque ou
encore de l’absence de distinctivité. Ils sont recherchés d’office par l’organisme chargé
de l’enregistrement. Ces motifs peuvent aussi être invoqués même après l’enregistrement
et font dans ce cas l’objet d’une demande en annulation.
Les motifs relatifs concernent les conflits pouvant opposer le titulaire d’une marque et
le titulaire d’un droit antérieur.19Contrairement aux motifs absolus, les motifs relatifs
doivent être invoqués par les parties et non par l’autorité administrative.
S’agissant d’une marque Internationale dont l’extension de la protection est demandée
en Tunisie, l’article 7 du nouveau décret prévoit que le refus de la demande doit être
notifié par l’INNORPI au bureau international de l'organisation mondiale de la propriété
intellectuelle, conformément au protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant
l'enregistrement international des marques du 27 juin 1989 et à son règlement
d'exécution. « Le titulaire de l'enregistrement international est réputé avoir reçu la
notification de refus provisoire de protection dans un délai de quinze jours à compter de

18
Art.16 infinie.
19
Marino L., Droit de la propriété intellectuelle, éd.PUF, Thémis droit, Paris, 2013, p. 328-329.

21
la date d'envoi de cette notification au bureau international de l'organisation mondiale de
la propriété intellectuelle. »
Quant au recours formulés contre la décision de l’organisme chargé de la propriété
industrielle, l’article 37 de la loi prévoit que le recours se fait devant les tribunaux
compétents, et attribut un délai d’un mois à partir de la notification de la décision
litigieuse pour déposer une requête au greffe du tribunal compétent.

3- La publication et l’inscription sur le registre national


L’article 9 de la loi prévoit que toute demande recevable doit faire l’objet d’une
publication au bulletin officiel de l’organisme chargé de la propriété industrielle, dans un
délai qui ne doit pas dépasser un mois « mousafet ».
Toute marque enregistrée doit être inscrite au Registre National des Marques tenu par
l’INNORPI, qui remet au déposant un certificat d’enregistrement moyennant le
paiement d’une redevance.
L’opposabilité de toute modification ou transmission des droits attachés à la marque aux
tiers dépend de la mention de cette modification ou de cette cession au Registre National
des Marques.20
Entre la date du dépôt de la marque et sa publication, le déposant a le droit
conformément à l’article 10 de la loi, de rectifier les erreurs matérielles qui affectent sa
demande d’enregistrement à condition de faire une requête justificative.
§2 – Les droits conférés par l’enregistrement
L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur
cette marque pour les produits et services désignés lors du dépôt.21
L’acquisition d’un droit de propriété sur la marque implique pour le titulaire la jouissance
de certains droits. En effet, faisant l’objet d’une propriété, la marque peut être cédé, mise
en gage, ou donnée en exploitation.
*La propriété de la marque confère à son titulaire un droit exclusif de reproduction et
d’usage. C’est dans cet ordre d’idées, que le législateur prévoit aux articles 22 et 23 de la
loi de 2001 l’interdiction de toute reproduction ou usage ou apposition d’une marque
ou encore de toute imitation risquant d’engendrer une confusion dans l’esprit du public.
En effet, l’article 22 de la loi précise que toute reproduction, usage ou apposition d’une
marque même avec adjonction de mots tels que : « formule de… », « façon de… »…, ainsi
que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux
désignés à l’enregistrement est interdite sans l’autorisation du propriétaire. La même
interdiction est prévue à l’article 23 s’il peut en résulter une confusion dans l’esprit du
public.
Lorsque le titulaire d’une marque de service ou de commerce de renommée ou notoire,
subi un préjudice suite à l’usage de sa marque, pour un service ou un produit non

20
Article 13.
21
Article 21.

22
similaire à ceux désignés dans l’enregistrement, l’auteur de l’usage injustifié est
responsable civilement d’après l’article 24, ce qui implique qu’il est tenu de réparer le
dommage subi par le titulaire de la marque.
Cependant, si législateur use de l’expression « marque notoire » et « marque de
renommée », il n’en donne aucune définition. A l’article 24 infine, il se contente de faire
un renvoi aux conventions internationales.
La convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883,22
prévoit dans son article 6 bis des dispositions relatives aux marques notoirement connues
sans avancer une définition de la notion de marque notoire, elle n’envisage pas les
marques de renommée.
La jurisprudence Tunisienne a eu l’occasion d’avancer une définition de la marque
notoire et la marque de renommée tout en établissant une différence entre les deux
notions.
En effet, dans un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 janvier 2013, la marque
notoire a été définie comme étant une marque jouissant d’une protection sans qu’elle
fasse l’objet d’un enregistrement. La marque est dite notoire lorsqu’elle est connue d’une
grande partie du public, même si elle n’est pas utilisée par tous. La notoriété exige sa
connaissance sur un large niveau lui permettant de jouir d’une protection nationale et
Internationale. 23
Elle diffère de ce fait, de la marque de renommée est une marque connue mais pas
notoire, la Cour précise que la marque de renommée répond au critère de la
connaissance du public, mais pas à celui de la notoriété qui confère à la marque notoire
la protection malgré l’absence de tout enregistrement.
La jurisprudence Française a à son tour avancé des critères permettant d’apprécier la
notoriété d’une marque et qui sont laissé à la libre appréciation des juges, il s’agit « de
l'importance et l'étendue de l'usage, de l'ancienneté de la marque, des budgets consacrés
à la publicité, de la part de marché et de la qualité des produits revêtus de la marque. »24
Par ailleurs la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué dans
l'arrêt General motors c/ Yplon que : « Dans l'examen de cette condition [connaissance
de la marque par une partie significative du public concerné], le juge national doit
prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment,
la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée
de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la
promouvoir. » 25
La difficulté d’établir une distinction entre marque notoire et marque de renommée a
permis a certains de se baser sur le critère de l’enregistrement pour dire que la marque

22
Révisée à Bruxelles le 14/12/1900, à Washington le 2/6/2011, à la Haye le 6/11/1925, à Londres le
2/6/1934, à Lisbonne le 31/10/1958, et Stockholm le 14/7/1967 et modifiée le 28 septembre 1979.
23
Cass n°67329/2011 du 29/1/2013 inédit.
24
J-Cl. Marques, Dessins et Modèles, Fasc 7720, n°102.
25
CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors Corporation et Yplon SA : Rec. CJCE 1999, I,
p. 5421) comm. 71, cité in J-Cl. Marques, Dessins et Models, Fasc 7720, n°102.

23
notoire est une marque non enregistrée et la marque de renommée est une marque
enregistrée.
On déduit donc, que l’appréciation de la notoriété et de la renommée est laissée à la
libre appréciation des juges qui retiendront l’un des deux caractères de la marque selon
chaque cas d’espèce. La preuve de la notoriété ou de la renommée est libre, tous les
moyens sont admis.
On retiendra la définition de l’association Internationale pour la protection de la
propriété industrielle qui avance une définition qui permet d’assurer un équilibre et
d’instaurer une certaine justice dans les rapports, considérant que la marque notoire est
celle qui est : « connue d'une large fraction des milieux concernés par la production ou
le commerce ou l'utilisation des produits en cause et qui est clairement perçue comme
indiquant une origine particulière de ces produits. »
Le rattachement de la notion de notoriété à la notion de grand public risque en effet de
favoriser des commerçants ayant déposé pour s’approprier une marque déjà connue des
milieux professionnels.
*Si le titulaire de la marque peut en interdire l’usage ou la reproduction comme le
prévoient les dispositions des articles 22 et 23 de la loi de 2001, il ne peut faire obstacle
à l’utilisation du signe ou d’un signe similaire à sa marque par une autre personne,
lorsque l’usage fait par celle-ci est antérieur à l’enregistrement, ou fait de bonne foi. Il
s’agit dans ce cas de l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une
enseigne. Ou lorsque l’usage est une référence nécessaire pour indiquer la destination
d’un produit ou d’un service, à condition que cet usage n’entraîne pas une confusion
dans l’esprit du public sur l’origine du produit ou du service.
Le titulaire de la marque peut faire cesser cet usage s’il prouve une atteinte à ses droits,
en saisissant le tribunal compétent.
§3-Le retrait et la déchéance
*Le retrait de la demande d’enregistrement a été prévu par la loi à l’article 30 qui autorise
le déposant à retirer sa demande d’enregistrement. Cette demande doit être formulée
avant la délivrance de la marque, par écrit soit par le déposant ou son mandataire.
Si un droit d’exploitation ou de gage a été accordé, la demande de retrait doit être
accompagnée par le consentement écrit du bénéficiaire du droit d’exploitation ou du
créancier gagiste.
Cependant, le dépôt d’une demande de retrait n’empêche pas une publication de la
demande d’enregistrement au bulletin officiel de l’organisme chargé de la propriété
intellectuelle.
*Quant à la déchéance, l’article 34 de la loi de 2001 prévoit que le titulaire de la marque
peut être déchu de ses droits s’il n’a pas fait un usage sérieux de la marque pendant une
durée de 5 ans ininterrompue.
Dans le même article le législateur avance des cas d’un usage sérieux d’une marque et
précise que l’apposition de la marque sur les produits en vue de leur commercialisation,
l’usage sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, ou encore l’usage
de la marque avec le consentement du titulaire ou par toute personne pouvant utiliser
une marque collective.

24
La déchéance ne pourra pas être invoquée si entre l’expiration de la durée de 5 ans et
l’introduction de la demande de déchéance, la marque a fait l’objet d’un commencement
d’usage ou d’une reprise d’usage sérieux.
Toutefois, la déchéance peut avoir lieu si l’usage de la marque a été entrepris dans les
trois mois précédant le dépôt de la demande et après que le titulaire ai eu connaissance
de cette demande de déchéance.
La preuve de l’exploitation de la marque peut être rapportée par tous les moyens, par le
titulaire de la marque dont la déchéance est demandée.
*Toute personne intéressée a le droit d’agir devant le tribunal compétent pour demander
la déchéance de la marque. La déchéance prend effet à partir de l’expiration du délai de
5 ans.
*Le titulaire de la marque peut être déchu des droits sur la marque, dans le cas ou de
son fait elle est devenue la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du
service,
Ou lorsque la marque est devenue propre à induire le public en erreur sur la nature, la
qualité ou la provenance géographique du produit ou du service et ce par suite de l’usage
qui en est fait par le titulaire ou avec son consentement.26
Section III : L’opposition et l’annulation d’une marque
Le législateur ouvre le droit à l’opposition à l’enregistrement d’une marque (§1) ainsi que
le droit d’en demander l’annulation (§2).
§1-L’opposition à l’enregistrement d’une marque :
L’opposition est reconnue par l’article 11 de la loi de 2001 dans trois cas :
-En cas d’antériorité ou d’existence d’un droit de priorité
-En cas d’existence d’une marque notoire27
-En cas d’existence d’un droit exclusif d’exploitation.
Ainsi par application de l’article 11 toute personne titulaire d’une marque déposée ou
enregistrée antérieurement, d’une marque notoire ou d’un droit exclusif peut formuler
dans les deux mois qui suivent la publication de la demande d’enregistrement auprès de
l’organisme chargé de la propriété industrielle. Le demandeur de l’opposition doit avoir
la qualité pour le faire à défaut la demande sera rejetée.
Quant à la procédure d’opposition, c’est le décret gouvernemental de 2015, l’article 8 du
dit décret précise le contenu de la demande ainsi que les pièces qui doivent lui être
annexées.

26
Article 36 de la loi de 2001.
27
La notoriété de la marque n’a pas fait l’objet d’une définition légale, la jurisprudence française la définit
comme étant la marque connue d’une large fraction du public, en application de l'article 6 bis, de la
convention de Paris, la marque notoire n’est susceptible de protection que si certaines conditions sont
réunies. Ces exigences portent caractère notoire de la marque, sur son usage dans le pays où la protection
est demandée, sur l'existence d'un risque de confusion et sur l'identité ou la similarité entre les produits
visés par les deux marques en présence.

25
Une requête pour l'inscription d'une opposition au registre national des marques en deux
exemplaires, est exigée, elle doit obligatoirement comporter les indications suivantes :

- l'identité de la partie opposante, ainsi que les indications propres à établir l’existence, la
nature, l'origine et la portée de ses droits,

- les références de la demande d'enregistrement contre laquelle est formée l'opposition,


ainsi que l'indication des produits ou services objet de l'opposition.

- L'exposé des motifs de l'opposition. Et enfin, le pouvoir du mandataire, si le demandeur


en a désigné un. »

La procédure d’opposition n’a pas été précisée par la loi qui se limite à indiquer que
l’organisme chargé de la propriété industrielle tente de concilier entre les deux parties.28
C’est l’article 9 du décret précité qui fixe la procédure.
Dès la réception de la demande d’opposition, l’INNORPI est tenu d’en informer le
titulaire de la demande d’enregistrement, qui dispose d’un délai de deux mois pour
répondre, ou de se faire représenter. Si au delà du délai qui lui est imparti le demandeur
ne répond pas et ne se fait pas représenter, il est réputé avoir accepté l’opposition et
renoncer à sa demande d’enregistrement. Pour repousser l’opposition faite, il est donc
tenu de répondre et de réagir.
Si dans le cas contraire il répond, l’organisme ayant reçu la réponse doit la communiquer
à la partie opposante et détermine une date fixe pour réunir les deux parties, en vue de
faire une conciliation. On remarque ainsi que la procédure est soumise au principe du
contradictoire.
L’organisme dispose d’un délai de 8 mois à partir de la réception de la réponse pour
faire la conciliation. Ce délai nous semble trop long car il bloque la procédure
d’enregistrement qui ne peut être réalisée qu’une fois le dossier de l’opposition clôturée.
Après l’étude du dossier et après avoir entendu les deux parties l’organisme chargé de la
propriété industrielle propose une solution amiable, qui sera consignée d’après les
dispositions de l’article 10 du décret dans un procès verbal.
En cas de refus, la partie opposante doit dans un délai de deux mois saisir le tribunal
compétent et en informer l’organisme chargé de la propriété industrielle qui suspendra
la procédure d’enregistrement.
La procédure d’opposition est clôturée dans trois cas :
Lorsque la partie opposante a perdu la qualité pour agir ou n’a pas fourni les pièces
prouvant l’absence de déchéance de ses droits dans le délai d’un mois qui lui est accordé.
Lorsque l’opposition n’a plus d’objet suite à un accord des parties ou à un retrait ou a un
refus d’enregistrement de la marque contre laquelle l’opposition a été formulée.

28
Article 9decret gouv n 303 du1/6/2015.

26
Lorsque les effets de la marque antérieure sur la base de laquelle l’opposition a été
formulée ont cessé.29
§2-L’annulation d’une marque
La loi confère à certaines personnes le droit de demander l’annulation de la marque, il
s’agit du titulaire d’une marque antérieure et celui titulaire d’une marque notoire, le
ministère public a le droit aussi de se saisir d’office.
L’article 33§2 donne au titulaire d’un droit antérieur, la possibilité d’agir en nullité en se
basant sur l’article 5 de la loi qui prévoit l’interdiction d’enregistrer comme marque un
signe portant atteinte à des droits antérieurs notamment une marque enregistrée
antérieure ou une marque notoire.
Le même article prévoit une exception : l’action en nullité ne peut dans ce cas être admise
si le titulaire d’un droit antérieur en a toléré l’usage pendant 5ans et que la marque objet
de l’annulation a été déposée de bonne foi.
Le titulaire d’une marque notoire est aussi autorisé à formuler une action en annulation,
et ce dans un délai de 5 ans à compter de la date d’enregistrement sauf si l’enregistrement
a été fait de mauvaise foi.
Le ministère public peut son tour se saisir d’office pour annuler une marque, lorsqu’une
marque est déposée contrairement aux dispositions des articles 2,3et 4 de la loi.
Enfin, l’action en nullité est intentée devant le tribunal compétent qui se prononce sur
la nullité de la marque par une décision qui a un effet absolu.30

Section IV : La transmission des droits sur la marque


La transmission des droits sur la marque est régie par les dispositions des articles 26 et
suivants de la loi de 2011. Ces articles prévoient trois opérations possibles sur les droits
conférés par les marques, il s’agit de la cession, de la mise en gage et de l’exploitation
exclusive ou non exclusive.
La mise en œuvre de ses modalités d’exploitation des droits sur la marque, se fait par le
recours à la liberté contractuelle. Les modèles d’exploitation des biens intellectuels
trouvent cependant une limite dans les règles impératives et celles du droit de la
concurrence.
La liberté contractuelle permet aux parties de jouir d’une liberté dans la détermination
de la loi applicable en cas de survenance d’un litige, de déterminer le tribunal compétent
ou encore de recourir à l'arbitrage par l’insertion d’une clause compromissoire.31

29
Article du décret d’application de la loi de 2001 repris dans les mêmes termes par l’article13 du décret-
gouvernemental de 2015.
30
Article 32 et 33 de la loi.
31
Binctin N., « Contrats d’exploitation : Transfert de propriété et Licence-Conditions communes et
spécifiques aux marques et brevets » , J-Cl Commercial- Fasc665,n°1.

27
Les contrats portant sur les marques ont pour objet un bien intellectuel.32
Ils ont pour conséquence : soit de transférer la propriété des droits attachés à la marque,
(§1) soit de les donner en garantie, soit d’en autoriser l’exploitation dans le cadre d’une
concession ou sous forme de licence d’exploitation (§2). La franchise est aussi une
illustration de la transmission d’une exploitation des droits sur la marques (§3).
§1- La cession ou la transmission et gage des droits
Le législateur précise à l’article 27 que les droits attachés à une marque peuvent faire
l’objet en tout ou partie, d’une cession. Il ajoute que la cession doit être faite par écrit et
ne peut comporter de limitation territoriale.
Le texte n’apporte pas plus de précisions quant aux conditions de validité du contrat.
Cependant, il est à noter que les règles de validité des contrats de droit commun sont
applicables à savoir : capacité, consentement, objet et cause.
Les parties à un contrat de cession d’une marque doivent être capables de s’obliger et
disposer du bien objet de la cession, c'est-à-dire, être titulaire de l’objet de la cession (des
droits conférés par la marque).
L’objet de la cession doit porter sur un bien intellectuel approprié, il peut porter sur une
marque à créer33, dans ce cas le cessionnaire assumera les risques attachés à la délivrance
du titre de propriété.
Le législateur, précise que la cession peut être partielle, elle portera dans ce cas sur les
démembrements du droit de propriété. Elle peut porter sur une exploitation du bien
pour un territoire déterminé dans un même Etat. Elle peut aussi porter sur une quote-
part de propriété du bien, dans ce cas la propriété devient indivise entre le cédant et le
cessionnaire.34
S’agissant d’un contrat de vente, emportant transfert de propriété, le prix doit être
déterminé ou déterminable. Les parties sont libres de le déterminer, il dépend de
l’évaluation du bien intellectuel objet de la vente.
Outre, ces conditions de validité, le législateur ajoute une condition d’opposabilité de la
cession aux tiers, celle de la publicité. Ainsi, selon l’article 26 de la loi de 2001, le contrat
de cession doit faire l’objet d’une inscription au registre national des marques pour qu’il
soit opposable aux tiers.35
Le silence de la loi de 2001 sur les garanties au profit du cessionnaire, nous permet de
recourir aux règles de garanties applicables en droit commun de la vente.
De ce fait le cédant des droits sur la marque doit assumer par application des dispositions
des articles 630 et suivants du COC, la garantie des vices et la garantie d’éviction.
Il garantit ainsi les vices cachés de la chose qui peuvent la rendre impropre à l’usage, telle
que la nullité d’un titre de propriété. Le vice peut aussi être représenté par un échec de
l’exploitation économique du bien intellectuel sur le marché.

32
Ibid.
33
Ibid, n°7.
34
Ibid, n°
35
Art.14 -2) décret gouvernemental de 2015

28
Le cédant doit aussi garantir au cessionnaire d’une marque une jouissance paisible des
droits y attachés objet de la cession, il est tenu de lui permettre une utilisation paisible
des droits, donc garantir l’éviction des faits personnels et des faits des tiers, telle une
action en contrefaçon intentée par un tiers ou contre un tiers.
Quant au gage des droits découlant d’une marque, le législateur prévoit que la mise en
gage doit être faite par écrit à peine de nullité. L’écrit est donc une condition de validité
de l’acte. L’opération implique donc la mise en garantie des droits que confère la marque
au profit d’un créancier.

§2-La licence d’exploitation ou concession


L’article 28 de la loi de 2001 prévoit que : « Les droits attachés à une marque peuvent
faire l’objet d’une licence d’exploitation exclusive ou non exclusive. »
Il peut aussi selon l’article 29 obtenir le retrait de la licence d’exploitation d’une marque
à l’encontre d’un licencié qui ne respecte pas les clauses du contrat de licence
d’exploitation.
Le législateur ne fournit pas plus de précisions sur le contrat de licence d’exploitation,
bien que le recours à cette technique d’utilisation des droits découlant de la marque est
très fréquente. La licence d’exploitation ou la concession de marques représente la
« masse de conventions la plus importante sur les biens intellectuels. »36
Le contrat de licence d’exploitation confère la jouissance des biens intellectuels (droit sur
la marque) à plusieurs personnes en même temps, sans que la jouissance de l’une affecte
la jouissance qui en est faite par l’autre.
La concession a pour objet de donner à une personne en bail un bien intellectuel. Le
contrat permet au licencié ou au concessionnaire la jouissance d’un bien intellectuel
conformément à des conditions déterminées par le contrat dans d’un commun accord
entre les parties.
La licence peut être simple comme elle peut être exclusive, ces deux modes
d’exploitation ont été prévus à l’article 28 de la loi sans pour autant donner lieu à une
précision quant aux modalités de leur exercice.
-La licence simple permet au propriétaire des droits sur la marque d’exploiter lui-même
le bien tout en permettant à un tiers de jouir concomitamment partiellement ou
totalement de ce bien. Cette licence permet donc de faire jouir plusieurs personnes du
même bien.
-La licence exclusive ne permet pas contrairement à la licence simple, d’accorder
l’exploitation des droits sur la marque à plusieurs personnes en même temps. Elle ne
permet comme son nom l’indique, qu’une exploitation exclusive, c'est-à-dire, par une
seule et unique personne. Elle implique dans ce cas l’interdiction au concédant de
conclure un contrat d’exploitation ou de concession avec d’autres personnes. Elle

Binctin N., « Contrats d’exploitation : Transfert de propriété et Licence-Conditions communes et spécifiques aux
36

marques et brevets » , J-Cl Commercial- Fasc665,n°29.

29
implique aussi une interdiction qui peut être imposée au titulaire des droits lui-même
pour exploiter son bien.
L’exploitation exclusive d’une marque, mets en jeu les règles de la concurrence. En effet,
le contrôle de l’exclusivité est fait par les règles du droit de la concurrence, dans la mesure
où l’exclusivité a pour effet de réduire le libre jeu de la concurrence sur le marché. C’est
dans ce contexte que l’article 5 §2 de la loi relative à la concurrence et aux prix prévoit
ce qui suit : « Sont prohibés, sauf cas exceptionnels autorisés par le ministre chargé du
commerce après avis du conseil de la concurrence, les contrats de concession et de
représentation commerciale exclusive. »37
La concession ou l’exploitation des droits sur une marque donne lieu au paiement d’une
redevance lorsque le contrat est conclu à titre onéreux. Elle est librement fixée par les
parties au contrat qui peuvent choisir des critères pour sa détermination tel que le chiffre
d’affaire du licencié.38
La concession d’une exploitation peut aussi être accordée dans le cadre d’un contrat de
franchise. Contrairement à la licence d’exploitation régie par les règles de droit commun
et de la liberté contractuelle, la franchise est régie par des règles spécifiques que le
législateur avait promulguées dans le cadre de la loi relative au commerce de distribution
en date du 12/8/2009.39
Cette loi a fait du contrat de franchise en droit tunisien un contrat nommé, soumis à des
conditions validité particulières qui permettent de protéger les droits en question à savoir
les droits du franchiseur et ceux du franchisé.
§3- Le contrat de franchise
Le contrat de franchise a pour objet un droit de propriété industrielle. Il a fait l’objet
d’une réglementation en droit tunisien, qui définit ce type de contrat dans la loi relative
au commerce de distribution40. L’article 14 de cette loi définit la franchise comme étant
un contrat « par lequel le propriétaire d’une marque ou d’une enseigne commerciale
accorde le droit de son exploitation à une personne physique ou morale dénommée
franchisé, et ce, dans le but de procéder à la distribution de produits ou à la prestation
de services moyennant une redevance.
Le droit d’exploitation de la franchise comprend le transfert des connaissances acquises,
le savoir faire et l’exploitation des droits de la propriété intellectuelle. »
Cette définition légale permet d’abord de déterminer l’objet du contrat qui est soit une
marque, soit une enseigne commerciale, ensuite, le champ de son intervention, il s’agit
de distribution ou de service et enfin les modalités de sa réalisation.
Le contrat de franchise étant un contrat onéreux car il donne droit au paiement d’une
redevance, il est particulier car il le transfert de connaissances et de savoir faire.

37
Loi n° 91-64 du 29 Juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix, telle que modifiée et révisée par la loi 93-83 du
26 juillet 93 et la loi 95-42 du 24 avril 95 et la loi 99-41 du 10 mai 99 et enfin la loi 2003-47 du 11 novembre 2003.
38
Binctin N., art. précité., n°41.
38

39
Loi n°2009/69 du 12/8/2009 relative au commerce de distribution.
40
Loi n° 2009-69 du 12 août 2009, relative au commerce de distribution, JORT 14/8/2009, p.2349.

30
Ce qui permet à partir de ces caractéristiques de le distinguer des contrats voisins, tels
que le contrat de travail, de concession, d’exploitation d’une marque …41
Le contrat de franchise et le contrat de travail :
Le contrat de franchise est conclu entre deux personnes qui peuvent être physiques ou
morales, il s’agit du franchiseur (titulaire du droit) et du franchisé (exploitant du droit).
Entre ces deux contractant, il n’ya aucun lien de subordination, le franchisé exerce son
activité en toute liberté et ne reçoit aucun ordre du franchiseur, contrairement à
l’employé dans le cadre du contrat de travail. Le franchisé est indépendant.
Le contrat de franchise et le contrat de mandat :
Contrairement au mandataire qui puise ses pouvoirs du mandat qui lui a été donné par
le mandant, le franchisé est totalement indépendant et libre dans l’exercice de son
activité.
Le contrat de franchise et le contrat de concession :
Le concédant contrairement au franchiseur ne transfert aucun savoir faire au
concessionnaire. En outre, l’exclusivité territoriale est caractéristique du contrat de
franchise, or ce n’est pas le cas dans le cadre du contrat de franchise.
Le contrat de franchise et la licence d’exploitation d’une marque :
Le titulaire d’une licence de marque n’a pas comme le franchisé le droit à l’utilisation de
l’enseigne et au transfert du savoir faire. Il a uniquement le droit d’usage de la marque.
Ces distinctions permettent de conclure à l’originalité du contrat de franchise qui
est essentiellement fondé sur le transfert non pas uniquement de l’utilisation d’une
marque ou d’une enseigne, mais du savoir faire et des connaissances, il doit être fait profit
du franchisé qui serait tenu par conséquent d’une obligation de confidentialité à l’égard
du franchiseur.
Le franchiseur exploite son commerce librement et en toute indépendance, ce qui fait
qu’il a le statut d’un commerçant indépendant du franchisé et peut de ce fait acquérir la
propriété d’un fonds de commerce et demander le droit au renouvellement de son bail.
Deux types de franchises sont prévues par le législateur à l’article 14 de la loi de 2009, la
franchise de distribution qui est le type le plus pratiqué de franchise, le franchisé
procédera alors à la distribution de biens ou d’une collections de biens du franchiseur.
La franchise de services, dans ce cas le savoir faire est plus important et plus accru. Les
parties doivent alors collaborer.
Il existe aussi un autre type de franchise, celui de la production. Dans ce cas, le franchisé
fabrique lui-même selon les indications du franchiseur des produits qu’il vend sous la
marque de celui-ci.

41
Legeais D., « Le contrat de franchise », Jcl. Com. Fasc 316.

31
Les marques peuvent ainsi faire l’objet d’un contrat de franchise, qualifié d’un contrat de
distribution permettant à un commerçant de faire écouler ses produits ou ses services
selon une méthode commerciale unique pour le franchiseur et le franchisé.

Les recours en justice

Deux actions sont prévues par les textes au profit du titulaire d’une marque, il s’agit de
l’action en contrefaçon (Section 1) et de l’action en concurrence déloyale (Section 2).

FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES DE TUNIS


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COURS DROIT PROPRIETE INDUSTRIELLE


ET
DROIT DE LA CONCURRENCE

MASTERE PROFESSIONNEL /PROPRIETE INTELLECTUELLE

32
Année Universitaire 2010/2011

Introduction

« Le droit de la concurrence et les droits de propriété intellectuelle sont souvent


présentés comme deux sphères juridiques antagonistes par nature…………Pour autant le
droit de la concurrence et les droits de la propriété intellectuelle poursuivent un objectif
commun de promotion de la recherche et de l’innovation afin d’accroître le bien-être
économique et social. La coexistence de ces deux sphères juridiques n’est susceptible
d’être remise en cause, au nom de l’intérêt général, que dans des circonstances
exceptionnelles. »42
A première vue les droits de la propriété industrielle semblent alors être en contradiction
avec les règles du droit de la concurrence. Toutefois une analyse approfondie des deux
disciplines nous permet de mettre en relief leur interférence et leur complémentarité.
Il convient d’abord de définir le droit de la concurrence et de donner un aperçu sur le
contexte juridique de la concurrence, ensuite de définir les droits de la propriété
industrielle en soulignant la convergence de ces deux disciplines apparemment
contradictoires.
1- Le droit de la concurrence : définition et contexte juridique
L’accroissement des transactions commerciales et financières, a caractérisé la scène
économique Internationale. Ce qui a engendré la naissance d’entreprises et d’agents
économiquement forts et puissants ayant un monopole et jouissant d’une position
dominante sur le marché. Cette situation a par conséquent suscité des réactions et des
revendications exigeant la nécessité de mettre en œuvre des mesures protectrices de
nature à assurer un certain équilibre sur le marché et de faire respecter le principe du
libre échange.
Le concept de concurrence a peu à peu évolué à travers les époques. Au départ la
concurrence été conçue comme une institution sociale considérée comme favorable à
l’intérêt général. C’est la pensée classique du 18e et du début du 20e siècle. Ces classiques
tenaient la concurrence pour une notion empirique qui désigne un type de
comportement jouant un rôle primordial dans une économie libérale.

42
Baccichetti E. et Bonnet Ph., « Droit des pratiques anticoncurrentielles et droits de propriété
intellectuelle », JCP éd. Entreprise et affaires n° 46 du 12/11/2009,chro.2057, p.18 .

33
Ensuite, avec l’école néoclassique, la concurrence été conçue comme un ensemble de
conditions de marché strictement défini. Avec certains auteurs éminents on a parlé de
la concurrence pure et parfaite. Ces éléments essentiels sont : la rationalité complète des
agents, la mobilité parfaite et sans coûts des agents et des facteurs de production, la
continuité et la divisibilité des unités économiques, l’information complète et l’absence
de collusion. Enfin, la concurrence est présentée comme un phénomène empiriquement
observable mais fragile et constamment menacé d’autodestruction. Cette manière de
présenter la concurrence, résulte de la pensée des économistes qui s’attachent à
observer les phénomènes de production et le comportement spontané des entreprises
plutôt que de s’attacher au marché abstraitement définit. Cette philosophie nouvelle de
la concurrence renvoie à des réflexions de certains auteurs sur « la concurrence
monopolistique », « la concurrence imparfaite » et « l’entrepreneur innovateur ».

Dans ce contexte il faut établir la distinction entre concurrence et libre concurrence. Si


la concurrence définie les modes d’interaction plus au moins conflictuels entre
opérateurs, la libre concurrence fait intervenir la puissance publique à fin de prévenir et
même interdire, par des règles juridiques minimales, les disfonctionnements des forces
du jeu concurrentiel. La libre concurrence serait la canalisation des forces du marché par
un petit nombre de règles juridiques pour éviter leur autodestruction.

La concurrence est une notion plus au moins abstraite, on pourrait considérer qu’il y a
concurrence dès lors qu’il y a une offre et une demande sur un même marché. Du côté
de l’entreprise, on pourrait considérer qu’il y a concurrence dès lors qu’il y a une clientèle
au moins potentielle représentant l’ensemble de ces demandes sur le marché. « La
concurrence revêt donc une double dimension : offensive : lorsqu’il s’agit d’acquérir une
clientèle, notamment en conquérant celle des autres, et défensive lorsqu’il s’agit de
conserver sa clientèle contre les attaques de ses concurrents. Ces deux actions étant
opposées, elles entraînent une rivalité entre ceux qui les développent. »43

Le concept de concurrence est un concept difficile à définir. Certains auteurs estiment


qu’ : « aucun concept n’est plus ambigu et ne relève plus de passion que celui de la
concurrence ». D’autres soutiennent : « Sera-t-on surpris que les auteurs hésitent sur la
notion, son domaine exact et sa nature, droit privé ou droit public, droit des affaires ou
mieux droit économique ».Cette difficulté découle du fait que ce terme économique
plutôt que juridique. La « concurrence » veut dire « courir avec » ou « courir ensemble ».
La concurrence apparaît donc comme une situation de convergence d’un certain nombre
de personnes qui poursuivent les mêmes objectifs, aspirent aux mêmes avantages. La
doctrine soutient que « cette situation est proche de l’entente ou de la collusion », et elle
ajoute que « la concurrence est une situation de rivalité, de compétition, de lutte, de
conflit et toujours d’antagonisme ».On ne peut pas parler de concurrence sans faire
référence à un autre élément important qui est le marché. Cette notion peut se résumer
en la confrontation entre l’offre et la demande.

Or, dans une situation de rivalité dans un marché où la convoitise des uns
juxtaposent celle des autres doit être réglementée de façon à ce que les operateurs
économiques soient dans l’obligation de respecter leur concurrent et de respecter leur
client. C’est là l’objet même du droit de la concurrence.

43
Droit de l’entreprise-Droit de la concurrence et droit de la consommation, p.590 .

34
La doctrine a avancé plusieurs définitions du droit de la concurrence, un auteur
considère que : « le droit de la concurrence est par nature hybride, il s’apparente au droit
privé, car il se situe au cœur des relations commerciales il est aussi liés au droit public,
car touchant aux structures même de l’économie, il ne peut se dissocier complètement
des grands choix des politiques économiques ». Pour certains économistes le droit de la
concurrence c’est : « l’ensemble des règles par lesquelles l’Etat entend préserver un
certain équilibre dynamique dans le jeu des forces économiques, devenues aujourd’hui
assez rebelles aux interventions intempestives des autorités publiques nationales ».

Nous retiendrons la définition avancée par les professeurs AZEMA et


PAILLUSSEAU, selon laquelle le droit de la concurrence est : l’ensemble des règles
juridiques qui organisent le jeu des rapports de rivalité et de coopération entre
entreprises, dans le cadre de leur démarche de conquête ou de préservation d’une
clientèle.

Afin de réguler le fonctionnement concurrentiel des marchés, plusieurs Etats se sont


dotés d’un arsenal législatif, d’un ensemble de règles qu’on appelle le droit de la
concurrence, ci haut défini. La Tunisie à l’instar de ces pays s’est dotée d’un ensemble
de règles visant à régir le principe de la liberté des prix et à contrôler le jeu de la libre
concurrence.
La loi sur la concurrence et les prix a été adoptée en 1991, c’est la loi n° 91-64 du
29/7/1991, elle fut modifiée en 1995, en 1999, en 2003et enfin en 2005 ; dans le but
d’adapter les règles de la concurrence au contexte économique en évolution permanente.
Cette loi, admet le principe de la liberté des prix et de la concurrence, mais elle prévoit
des règles répressives applicables en cas de violation de ce principe visant à sanctionner
toutes les pratiques anticoncurrentielles. Elle prévoit en effet, dans son article 2
que : « Les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de
la concurrence. »
Afin de veiller à la bonne application de ces règles, la même loi a créée une autorité
indépendante, le conseil de la concurrence, autorité chargée de contrôler les pratiques
anticoncurrentielles et de les réprimer.
Cependant, malgré les dispositions répressives, le marché Tunisien connaît de multiples
infractions à la législation en vigueur aussi bien celle relative à la concurrence que celle
relative à la propriété industrielle. En effet, et afin de concurrencer les autres entreprises
et de s’attribuer une part du marché, aussi bien les agents économiques que les
entreprises agissants dans des secteurs d’activités différents, ne manquent pas de recourir
à des procédés et à des techniques illégales, qui portent inévitablement préjudice aux
titulaires des droits de la propriété industrielle ; et c’est à partir du principe de la liberté
de la concurrence que la question de la divergence et ou de l’interférence, entre les droits
de la propriété industrielle et ceux du droit de la concurrence se pose.
2- Droit de la propriété industrielle et droit de la concurrence : convergence ou rivalité ?
Il convient tout d’abord de déterminer le champ d’application du droit de la propriété
industrielle, afin de pouvoir déterminer son impact sur le droit de la concurrence.
Le droit de la propriété Industrielle, vise à réglementer les brevets d’invention, les
marques de fabrique de commerce et d’industrie, les dessins et modèles industriels, les
appellations d’origines, les indications géographiques etc….

35
Les droits de la propriété industrielle ont un intérêt certain, en effet, outre le fait qu’ils
permettent d’accorder un monopole au titulaire du droit sur son invention, sa marque,
son obtention etc…., ils constituent « des instruments juridiques et des armes industrielles
et économiques» comme le soutient le professeur Gallaux. 44 Un instrument juridique
dans la mesure où le droit de la propriété Industrielle confère un droit exclusif, un
monopole et rattache à cette exclusivité des sanctions permettant de la défendre et de la
protéger, telle que l’action en contrefaçon, les saisies et les mesures à la frontières…..
Des armes industrielles et économiques :
Le brevet permet en effet, d’accéder à de nouveaux marchés ou de consolider la position
des entreprises sur ces marchés. Par ailleurs, les licences de brevet permettent d’assurer
un échange et une coopération technique entre les entreprises. La marque permet par
ailleurs d’établir une différence entre les produits au regard du consommateur.
Les droits de la propriété industrielle, ont aussi un rôle défensif dans la mesure où le
brevet par exemple permet de faire obstacle à la concurrence de certaines inventions
brevetées et par conséquent oblige le concurrent à demander des licences d’exploitation.
Mr Gallaux soutient aussi que, les droits de la propriété industrielle, représentent un
véhicule technologique dans la mesure où il incite à l’innovation et encourage la création
et contribue par la même au progrès économique. C’est dans ce contexte qu’il est conçu
comme un moyen permettant d’inciter à la concurrence loyale en encourageant les
entreprises à créer et à innover. Toutefois, dans un sens tout à fait contraire, certains
soutiennent que la propriété industrielle est un obstacle à concurrence, c’est dans ce
contexte qu’il convient de développer les rapports entre les deux disciplines.
Le principe étant celui de la liberté de la concurrence, cependant les monopoles institués
et reconnus par le droit de la propriété industrielle peuvent constituer un obstacle à ce
principe et au fonctionnement efficace du marché. En effet, le monopole juridique peut
déboucher sur un monopole économique dans certains cas (tel est le cas dans le domaine
des technologies de pointe par exemple).
Cette confrontation entre les deux droits peut nous amener à une situation de blocage
perpétuel, c’est la raison pour laquelle l’OCDE a rappelé que : » l’idée bien ancrée
selon laquelle il y a conflit entre le droit de la propriété intellectuelle et la politique de la
concurrence, doit être remise en question. Le droit de la propriété intellectuelle, comme
les droits afférents à d’autres formes de propriété sont indispensables au fonctionnement
d’une économie de marché concurrentiel….. »
Dans ce contexte il convient de réglementer les accords portant sur l’exploitation des
droits de propriété Industrielle qui risquent d’engendrer des pratiques
anticoncurrentielles.
D’autres auteurs estiment que l’exercice des droits de la propriété Industrielle accroît les
inégalités entre les pays industrialisés possédant les technologies qu’ils conservent grâce
aux droits de la propriété industrielle et les pays en voie de développement n’ayant pas
les moyens suffisants pour développer les techniques et qui voient leur rendement
diminuer en raison de l’existence des règles de la propriété industrielle.

44
Gallaux J-Ch. Cours de droit de la propriété Industrielles, éd.Dalloz 2003, p.39 et svts.

36
Malgré ces divergences doctrinales, il convient de noter que les deux disciplines
convergent, permettant ainsi d’améliorer le rendement de certaines entreprises et
d’inciter à l’innovation. Certes les droits de la propriété industrielle grâce au monopole
qu’ils confèrent et aux actions en justice qu’ils ouvrent au profit des titulaires des droits
permettent d’assurer une protection efficace contre une concurrence déloyale (l’action
en concurrence déloyale) ou une contrefaçon (l’action en contrefaçon).
Le regain d’intérêt pour la propriété industrielle se justifie pleinement devant la montée
en puissance des réseaux mondiaux de contrefaçon qui sont devenus l’apanage de
sociétés structurées qui profitent des ouvertures des frontières pour parasiter les flux de
biens échangés. Ainsi, une protection nationale et mondiale s’avère dés lors fortement
recommandée pour que la circulation des biens et des services ne soit pas affectée et
pour que le but recherché à travers les dispositions du droit de la concurrence soit atteint.
Nous étudierons successivement la concurrence déloyale (chapitre 1) et la contrefaçon
(chapitre 2).

37
La concurrence déloyale
Il est vrai que la lutte concurrentielle est libre, ce qui rend licite l’atteinte à la
clientèle d’autrui, cette liberté dans l’exercice de la concurrence n’est cependant pas sans
limites, elle doit être exercée dans le cadre des usages loyaux du commerce.
C’est dans ce contexte que l’article 1.2 de la convention de Paris 45 pour la protection de
la propriété Industrielle, mentionne parmi les objets de la protection de la propriété
Industrielle : la répression de la concurrence déloyale pour les brevets, les modèles
d’utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de commerce, le
nom commercial, les indications de provenance et les appellations d’origine , l’article 10
contient une disposition qui réprime expressément la concurrence déloyale et la définit
comme étant tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et
commerciale.46
C’est dans cet ordre d’idée que se manifeste la complémentarité entre le droit de la
concurrence et celui de la propriété Industrielle. En effet, l’article 10 bis 3 de la dite
convention prévoit trois exemples qui devraient être interdits, il en est ainsi : des « faits
de nature à créer une confusion et allégation de nature à discréditer un concurrent » et
« des indications ou allégations susceptibles d’induire en erreur » 47

45
Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20/3/1883 révisée à Bruxelles
14/12/1900, washington le 2/6/1911, la Haye 6/11/1925, Londres le 2/6/1934,Lisbonne le 31/10/1958,
Stockholm 14/7/1967,et modifiée le 28/9/1979.
46
Badi Boukemidja N., « Les faits de la concurrence déloyale », www.legalbiznext, visité le 1/4/2010

47
Article 10bis de la convention de Paris prévoit que :

« (1) Les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective
contre la concurrence déloyale.

(2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en
matière industrielle ou commerciale.

(3) Notamment devront être interdits:

(i) tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement,
les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

(ii) les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les
produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

38
En effet, par la répression de la concurrence déloyale, on permet de conserver et de
protéger les droits de la propriété industrielle et d’assurer l’innovation et l’évolution en
protégeant la marque le brevet le savoir faire etc….
La concurrence déloyale est alors un comportement concurrentiel visant à exercer un
agissement préjudiciable soit vis-à-vis du fond de commerce et/ou sur son achalandage,
soit vis-à-vis de ce qui entoure le fond de commerce, sa clientèle virtuelle ou existante.
Section 1 : la notion de concurrence déloyale :

Le droit de la concurrence vise à combattre une pratique assez ancrée dans le commerce
et dans l’industrie : la concurrence déloyale. Le législateur tunisien n’a pas pris le soin de
définir la notion de la concurrence déloyale, se contenant dans l’article 92 du C.O.C
d’énumérer les agissements constitutifs de concurrence déloyale. Ainsi cet article stipule
que :

Art 92 : « Peuvent donner lieu à des dommages – intérêts sans préjudice de l’action
pénale, les faits constituant une concurrence déloyale, et par exemple :

1) le fait d’user d’un nom ou d’une marque à peu près similaires à ceux appartenant
légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une
réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l’individualité
du fabricant et de la provenance du produit ;

2) Le fait d’user d’une enseigne, tableau, inscription écriteau ou autre emblème


quelconque, identique ou semblable à celui déjà adopté légalement, par un
négociant, ou fabricant, ou établissement du même lieu, faisant le commerce de
produits semblables, de manière à détourner la clientèle de l’un ou profit de
l’autre ;

3) Le fait d’ajouter au nom d’un produit les mots : façon de …, d’après la recette de
…, ou autres expressions analogues, tendant à induire le public en erreur sur la
nature ou l’origine du produit ;

4) Le fait de faire croire par des publications ou autres moyens, que l’on est le
cessionnaire ou le représentant d’une autre maison ou un établissement déjà
connu.
Il est très intéressant à notre sens, de procéder avant à la définition de la concurrence
déloyale (paragraphe2) de la distinguer par rapport à certaine notions voisines telles que
la concurrence parasitaire et la concurrence interdite (paragraphe1) :
Paragraphe1 : concurrence déloyale et notions voisines :

(iii) les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le
public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la
quantité des marchandises. »

39
On a souvent tendance à confondre la concurrence déloyale avec la concurrence
parasitaire (A) et la concurrence interdite (B) et les pratiques anticoncurrentielles (C).

A/ Concurrence déloyale et concurrence parasitaire :


Il est assez difficile de distinguer entre la concurrence déloyale et la concurrence
parasitaire tant les agissements tendent parfois à s’interpénétrer. La qualification par le
juge devient dès lors délicate à faire. Les travaux de la jurisprudence dénotent, néanmoins
une certaine constance qui montre que la concurrence parasitaire consiste pour une
entreprise de s’immiscer dans le sillage d’une autre pour tirer profit d’une de ses actions
sans rien dépenser.
Pour illustrer cette différence : dans une affaire très célèbre, la Société Yves Saint-Laurent
Parfum qui avait baptisé son parfum « Champagne », a dû le débaptiser aux motifs qu’elle
avait « détourné la notoriété dont seuls les producteurs et négociants en champagne
peuvent se prévaloir pour commercialiser le vin ayant droit à cette appellation ».
Dans une autre affaire, non moins célèbre, la cour d’appel de Paris dans un jugement
daté du 30 mai 2001, le juge avait condamné une société de parfum pour les faits suivant :
En 1997, la Société Artisan Parfumeur a commercialisé un coffret contenant une palette
de cinq parfums en poudre et l’a appelé « Dessine-moi un parfum ».
L’acheteur du coffret peut composer lui-même son parfum en utilisant les poudres
choisies pour former la palette, chaque poudre ayant une couleur. Le coffret a du succès
et 2789 exemplaires sont vendus.
L’Artisan Parfumeur est alors contacté par les héritiers d’Antoine de Saint-Exupéry qui
estiment être victimes d’agissements parasitaires et en demandent réparation. Ils
considèrent que l’expression « Dessine-moi un mouton », répétée cinq fois par le
personnage principal du livre « Le Petit Prince », évoque immédiatement pour un très
large public le livre de Saint-Exupéry.
Par ailleurs, sur les 5 couleurs de la palette de parfum, 4 (le jaune, le rose, le violet et le
vert) correspondent à celles de l’illustration de la couverture de l’ouvrage. Ils considèrent
qu’il y a agissement parasitaire, car l’Artisan Parfumeur a cherché à tirer profit de la
notoriété de l’œuvre littéraire.
Les juges ont été convaincus et ont considéré que « en faisant usage de cette expression
dotée d’un pouvoir évocateur [la Société] a cherché à tirer profit de la notoriété de
l’œuvre littéraire, fruit de l’imagination de son auteur et a ainsi commis des actes fautifs
de parasitisme.
Pour évaluer le préjudice, les juges sont partis du nombre de coffrets vendus et du prix
de vente (350 F. pièce). Ils ont calculé le montant des droits d’exploitation qui auraient
dû être partagés et ont alloué une indemnité de 250 000 F, précisant que « cet emprunt
illicite a eu nécessairement pour effet de banaliser cette expression et d’affaiblir son
pouvoir attractif ».
Cette affaire illustre bien le large champ du parasitisme puisque les héritiers d’Antoine
de Saint-Exupéry n’exerçaient pas d’activité commerciale. L’Artisan Parfumeur a été
sanctionné pour avoir tiré bénéfice d’une création sans rémunération.

40
B- Concurrence déloyale et concurrence interdite :
La concurrence déloyale n’est pas la concurrence interdite, dans la mesure ou cette
dernière et selon Roubier peut être définie comme étant : « la concurrence interdite ou
non autorisée est celle qui fait l’objet de restrictions formelles résultant de la loi ou d’un
contrat ».
Dès lors, la concurrence interdite, est la concurrence qui est illégale, dans la mesure où
son exercice enfreint une règle juridique préalablement établie par la loi, ou des
engagements pris dans une relation contractuelle. En revanche, la concurrence déloyale
est jugée selon un critère qui identifie un bon commerçant par rapport à son honnêteté
à exercer son commerce et ce en s’abstenant à exercer telle ou telle pratique, soit parce
que les règles et les usages du commerce lui sont contraires, soit parce qu’elle est tout
simplement interdite. La différence entre les deux notions se résume en fait aussi bien
dans l’objet de l’activité que dans les moyens utilisés pour l’exercer.
C- La concurrence déloyale et les pratiques anticoncurrentielles :
Les pratiques anticoncurrentielles sont des pratiques restrictives à la concurrence, elles
portent atteinte à l’intérêt général de la concurrence sur un marché pertinent. Elles
affectent les mécanismes de la concurrence, il en est ainsi des ententes illicites et des
abus de position dominante
*Les ententes illicites se manifestent par des accords entre entreprises ou des décisions
d’association d’entreprise et des pratiques concertées visant à empêcher, à fausser ou la
restreindre la concurrence sur un marché.
Il y a deux types d’entente :
Entente horizontale : Il s’agit d’accords entre acteurs économiques d’un même niveau
(producteurs d’un même type de produit)
Entente Verticale : Il s’agit d’accords entre acteurs économiques d’un niveau différent
(par exemple entre fournisseur et son distributeur ou plusieurs d’entre eux).
*Quant à l’abus de position dominante, c’est une infraction qui est sanctionnée
lorsqu’une entreprise en position dominante à cause de son pouvoir sur le marché. En
effet, l’article 5 nouveau de la loi de 1991 telle que modifiée par la loi n°2005-60 du
18/7/2005 interdit « les actions concertées, les collusions et les ententes expresses ou
tacites ayant un objectif ou un effet anti concurrentiel et lorsqu’elles visent à :
1- Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l’offre et de la demande, limiter
ou contrôler la production les débouchés, les investissements ou le progrès technique.
2- Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
Est prohibée également l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché
Intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci ou d’un état de dépendance
économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose
pas de solutions alternatives, pour la commercialisation, l’approvisionnement ou la
prestation de service.
L’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance
économique…… »

41
Le même article prévoit la nullité de toute convention ou engagement ou clause
contractuelle ayant pour objet l’une des pratiques prohibées. Afin de rendre ces
interdictions plus efficaces le législateur prévoit des sanctions à ces infractions dans le
cadre des articles 34 à 36 de la même loi.
Par ailleurs, l’article 82 du traité de la communauté Européenne considère qu’il y a abus
de position dominante lorsqu’une entreprise ayant un pouvoir sur le marché abus de ce
pouvoir et de cette position.
Lorsqu’il y a abus de position dominante, c’est le conseil de la concurrence qui est
compétent, le règlement du litige relatif à cette question relève de sa fonction
contentieuse (Article 9 nv loi 1991).
Paragraphe2 : la définition de la concurrence déloyale:
La concurrence déloyale, peut être définie comme : « l’ensemble des procèdes
concurrentiels contraires à la loi ou aux usages de commerce, constitutifs d’une faute
intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents ».
La concurrence déloyale est différente des pratiques anticoncurrentielles dans la mesure,
ou ses fondements ainsi que la base sur la quelle le demandeur peut ester en justice
différent de celles prévues pour les pratiques anticoncurrentielles.
En effet et selon l’article 92 du C.O.C précité, le domaine de la concurrence déloyale
reste celui de la responsabilité délictuelle en fonction de la quelle le défendeur, s’il est
reconnu coupable, encoure les réparations civiles matérialisées par des dommages et
intérêts, ainsi qu’éventuellement une responsabilité pénale.
Mais avant de connaître de l’action en responsabilité sur la base de la concurrence
déloyale, il nous semble judicieux de déterminer les agissements de concurrence
déloyale.
Section 2 : les agissements constitutifs d’une concurrence déloyale :
La jurisprudence, notamment française a tiré au clair plusieurs agissements et
pratiques adoptés par les commerçants et qui peuvent constituer une concurrence
déloyale. Il faut en effet, mentionner 4 comportements que la doctrine et la jurisprudence
condamnent au titre de la concurrence déloyale :

- 1/ le dénigrement.
- 2/ les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale.
- 3/ l’utilisation de procèdes commerciaux illégitimes.
- 4/ l’utilisation illégitime de la réputation d’autrui.
Paragraphe1 : le dénigrement :
Le dénigrement consiste a jeté le discrédit sur la personne ou sur le produit du
concurrent dans l’objectif de rendre le client hostile soit à l’achat du produit soit à la
fréquentation du commerce.
Il s’agit d’une attaque dirigée directement contre un concurrent ou une catégorie de
concurrents déterminée, il risque de léser le consommateur dans la mesure ou les
informations sur le produit ou sur le concurrent sont fausses.

42
Le dénigrement apparaît contraire à la notion de concurrence loyale.48
Il convient de noter qu’il y a une différence entre le dénigrement qui constitue une faute
et la simple critique admissible.
A/ Les formes du dénigrement :
Le dénigrement a pour objet soit le commerçant concurrent dans sa personne, soit les
produits que le concurrent essaye de vendre.
Si le dénigrement peut concerner le concurrent lui-même, s’agissant de race, sa
nationalité, ses opinions politiques, son assise financière ou sa loyauté commerciale.
Force est de constater que la jurisprudence s’attèle le plus souvent sur le dénigrement qui
concerne les produits du concurrent. En effet, dans cette optique, on peut distinguer
entre deux formes de dénigrement : directe et indirecte.
Le dénigrement directe a pour objet de dénigrer expressément un produit soit par des
objets, tels que des tracts, des prospectus ou même oralement lorsqu’on arrive à prouver
les propos discréditoires.
Le dénigrement indirect est encore plus difficile à prouver dans la mesure où il résulte
implicitement de l’attitude d’un autre commerçant. Dans ce cas il peut s’agir d’un
dénigrement par omission, qui consiste à vanter les mérites d’un produit qui appartient
à un commerçant, en laissant entendre que le produit de l’autre commerçant est de
moindre qualité ou qu’il ne possède pas les vertus du premier produit.
La jurisprudence relève plusieurs expressions dans ce sens, telles que (le seul produit
naturel, les commerçants les plus dynamiques…). D’ailleurs, c’est sur la base du
dénigrement par omission que le groupe Andros, spécialiste en produit alimentaire a eu
gain de cause par un jugement rendu par la cour d’appel de Versailles datant du
30.01.1993 et l’opposant au groupe Danone, groupe qui fut convaincu de concurrence
déloyale et sommé de payer des dommages –intérêts.

En 1987, la Société Andros lance sur le marché des compotes de pommes conditionnées
sous emballages plastiques. En avril 1993, la Société Danone annonce la mise en vente
de compotes appelées « Compotes fraîches ».

La Société Andros fait alors, en mai 1993, une campagne nationale d’affichage,
présentant sa compote comme « une compote de pommes fraîches », puis décide
d’intenter une action contre la Société Danone qu’elle accuse d’actes de concurrence
déloyale. Elle considère que si Danone précise que sa compote est fraîche, le lancement
postérieur de son produit sous entend que le premier produit n’était pas composé de
produits frais…

Danone aurait ainsi bénéficié du lancement de la compote Andros et capté des clients
potentiels attirés par la mention « compote fraîche » (ce que ne précisait pas à l’origine
Andros, laissant penser au consommateur qu’elle ne l’était pas). Les juges saisis ont

48
Badi Boukemidja, art.précit.

43
considéré qu’il y avait bien concurrence déloyale par utilisation abusive d’une appellation
(compote fraîche) et dénigrement.

Par ailleurs, il a été question de savoir si la publication d’une décision de justice par un
commerçant (demandeur) condamnant un autre commerçant (défendeur) sur la base de
la contrefaçon par exemple constitue un dénigrement en soi.

La réponse diffère selon que l’on soit devant une décision définitive ou devant une
décision susceptible de recours par le défendeur.

Si la décision est définitive, sa publication ne peut pas être considérée comme un


dénigrement sauf, si le demandeur utilise le jugement comme un support marketing pour
promouvoir son produit au détriment de l’autre produit. En utilisant par exemple une
publicité qui aura pour objet de mentionner l’objet du jugement.

Par ailleurs, certains commerçants avaient cru, bien fondée, l’action en concurrence
déloyale contre les revues et magazines spécialisés dans l’évaluation des biens, produits
et autres services offerts sur le marché en vue d’avertir le consommateur sur les éventuels
bienfaits ou méfaits de tel ou tel produit. Ces actions ont été déclarées infondées par les
diverses juridictions civiles dans la mesure où le défendeur n’avait pas qualité de
concurrent d’une part et parce que le but n’était pas de dénigrer un produit mais de
donner au consommateur une information fiable quant aux produits sur le marché.

B- Les conditions du dénigrement :

En outre, des conditions générales de la responsabilité délictuelle, qui seront examinées


ultérieurement et qui portent sur la faute, le préjudice et le lien de causalité entre eux. La
concurrence déloyale ne peut être fondée que lorsque l’intention est de nature à designer
de façon assez explicite la victime ou qu’elle soit du moins aisément identifiable.

Ceci dit, l’action en concurrence déloyale sur la base du dénigrement ne peut avoir lieu
dans le cas où la ou les victimes n’est ou ne sont pas identifiables. Seule exception a été
tolérée par la jurisprudence est celle qui avait condamné un concurrent, qui a jeté le
discrédit sur toute une profession ou sur un corps de métier, entendons par la un
syndicat professionnel.

Paragraphe 2 : les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale :

Comme c’est le cas pour le dénigrement, il est impossible de dresser une liste exhaustive
des pratiques qui peuvent être considérées comme des moyens de désorganisation d’une
entreprise rivale. Ainsi une jurisprudence constante estime que le dénominateur
commun entre les pratiques qui peuvent donner lieu à ce type de comportement est
celui « du ou des moyens d’affaiblir l’entreprise concurrente en portant atteinte de
manière déloyale à ses moyens de production ou de commercialisation ».
Les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale peuvent se résumer en 5 pratiques
majeures, le détournement des commandes, la suppression de la publicité du concurrent,
la méconnaissance d’une clause d’exclusivité et le débauchage du personnel qui aboutit

44
souvent à divulguer le savoir faire de l’entreprise concurrente, ce qui constitue en soi une
faute grave.
Le détournement de commandes vise à restreindre la clientèle du concurrent en
intervenant auprès d’elle afin de se l’approprier créant par la même un préjudice certain
pour la victime qui se traduit souvent par un chiffre d’affaire en nette baisse et d’un accès
de plus en plus difficile au marché. Le dénigrement peut aussi être conjugué au
détournement de la clientèle et ce en se substituant au fournisseur initial âpres l’avoir
dénigré auprès d’elle.
La suppression de publicité du concurrent consiste à faire de telle sorte que le produit
du concurrent ne soit pas connu par les clients, en essayant par exemple d’arracher les
affiches publicitaires vantant les mérites du produit.
La clause d’exclusivité est une clause insérée dans un contrat de vente ou de distribution
et en fonction de laquelle le concédant donne un monopole territorial au concessionnaire
afin que ce dernier soit le seul habilité à distribuer le produit de son concédant.

Les clauses d’exclusivité posent deux types de problèmes, des problèmes entre le
concessionnaire et le concédant et des problèmes entre le concessionnaire et les tiers.
C’est cette dernière relation qui nous concerne et dont les agissements des tiers peuvent
porter préjudice au monopole que détient le concédant lorsque par exemple le tiers
ignore cette clause de territorialité et s’aventure à vendre les produits couverts par cette
clause et qui sont, juridiquement, l’apanage du concessionnaire.
Le débauchage du personnel du concurrent pose, à notre sens, le plus de problème dans
la relation entre les concurrents. Le débauchage signifie le passage du personnel de
l’entreprise vers un concurrent directe.
Ces problèmes naissent de l’existence d’une divergence d’intérêts. D’une part, la
revendication légitime de l’entreprise de ne pas avoir accès à son savoir faire et d’autres
parts le principe de la liberté du travail qui autorise chacun à changer de boulot en
fonction de ses intérêts légitimes (carrière, promotion, salaires...).
S’il est assez aisé de trouver une solution qui se traduit souvent par la condamnation,
d’une part, sur la base de la concurrence déloyale du professionnel qui, étant avisé de
la clause de non-concurrence, qui lie le salarié à l’entreprise victime de débauchage et
d’autre part du salarié qui, en acceptant le travail offert par le concurrent, engage sa
responsabilité contractuelle. Force est de constater, que la solution devient difficile en
l’absence d’une telle clause de non concurrence dans le contrat dans la mesure où le
passage du salarié à un concurrent peut être compris dans le sens de l’amélioration de
ses conditions professionnelles, qui ne constitue pas une faute en soi, la présomption de
bonne foi oblige.

Cependant, même si la preuve de la concurrence déloyale parait difficile en l’absence de


clause de non concurrence. Il est admis, que la faute est prise en compte par les tribunaux
lorsque le concurrent aura dénigré l’entreprise victime chez le salarié, de telle sorte que
ce dénigrement a poussé le salarié à changer d’entreprise (faire circuler des rumeurs
infondées de faillite).

45
On peut également constater la concurrence déloyale dans les circonstances de rupture
du contrat de travail comme par exemple lorsque le concurrent pousse le salarié à
rompre abusivement le contrat de travail sans préavis s’agissant d’un C.D.I.
Enfin, la concurrence déloyale peut avoir pour fondement le passage du salarié vers le
concurrent, rien que pour bénéficier des connaissances acquises chez le concurrent. S’il
est difficile de prouver un tel argument. Force est de constater que la jurisprudence est
intransigeante sur la protection du savoir faire qui peut être définit comme étant : « un
ensemble d’informations pour la connaissance desquelles une personne, désireuse de
faire des économies d’argent et de temps, et prête à verser une certaine somme.. »
Les informations confidentielles et protégées par le savoir faire ne peuvent pas être
prémunies contre le risque de l’usurpation de la part d’autrui. En effet, le savoir faire ne
fait pas l’objet d’un titre de propriété dans la mesure où le titulaire des informations
confidentielles choisit le savoir faire comme parade contre le caractère temporaire du
brevet d’invention qui est de 20ans. Ce choix se fait aux risques et périls du titulaire des
informations. Cependant, l’absence d’un titre de propriété ne signifie pas que le vol ou
la divulgation d’un secret industriel et commercial restent impunis.

Ainsi, la divulgation du savoir faire constitue souvent une faute à l’encontre de l’entreprise
concurrente lorsque le salarié de l’entreprise victime est embauché par un concurrent.
Cet embauche, le plus souvent, s’inscrit dans une logique pernicieuse et sournoise
d’espionnage commercial ou industriel de nature à fausser le jeu de la concurrence et de
faire perdre l’avance technologique ou commerciale que détient l’entreprise victime sur
ses concurrents, une avance qui a été acquise ,souvent, grâce à un travail laborieux, des
recherches ou autres mérites.

Paragraphe3 : L’utilisation de procédés commerciaux illégitimes :


Dans une économie de marché ou la concurrence entre les intervenants, sur un marché
donné, fait rage, l’imagination des commerçants, industriels ou autres prestataires de
services et souvent fertile pour trouver toujours des moyens et des procédés
commerciaux de nature à attirer ou à fidéliser la clientèle.
Néanmoins, le commerçant n’est pas libre de choisir les procèdes qu’il trouve intéressent
pour écouler ses produits. En effet, certaines pratiques sont prohibées soit, par la loi, soit
par les usages de commerce dans le but de protéger aussi bien les autres concurrents que
le consommateur.
A- Les procèdes commerciaux prohibés par la loi :
La liberté du commerce et de l’industrie ne signifie pas que le commerçant puisse vendre
comme il veut, quand il veut et ce qu’il veut. En effet, la vente est soumise à une
réglementation bien particulière dont la prohibition lorsqu’il s’agit de l’utilisation de
procédés commerciaux de nature à fausser le jeu de la concurrence. Tel est le cas par
exemple de la vente à perte, ou encore la réglementation de la vente à primes ou
cadeaux.

46
Par ailleurs, le législateur reste très vigilant en ce qui concerne les éventuelles dérives et
dépassement pouvant avoir lieu en période de solde, de promotion et de liquidation ainsi
que la publicité qui peut entourer ces événements commerciaux et qui risque de s’avérer
parfois mensongère pour appâter le consommateur ,toujours, en quête de bonnes affaires
.
Ainsi, il promulgua dans ce sens la loi numéro 98-40 du 2 juin 1998 relative aux
techniques de ventes et à la publicité commerciale, qui a notamment organisé les
différentes manifestations commerciales. Il est par exemple admis que le commerçant ne
doit pas vendre en période de solde que les produits défraichis ou démodés après avoir
avisé le ministère du commerce.
Il en est de même pour les liquidations qui selon l’article 9 de la loi sont des « ventes
tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de la totalité ou d'une partie
des produits en possession d'un établissement commercial à la suite d'une décision de
cessation, de suspension instantanée ou changement d'activité, ou de modification
substantielle des conditions d'exploitation ».
La liquidation doit aussi avoir été autorisée par le ministère de commerce et ne doit pas
durer plus de 3 mois. Il est également interdit pour un seul commerçant de procéder
pour les mêmes motifs, à une deuxième opération de liquidation dans un même
gouvernorat si la période entre la 1ère liquidation et la 2ème n’a pas excédé une année
S’agissant des promotions, la loi dans son article 15 indique qu’elles sont :
« toute opération de vente ou de prestation de service accompagnée d'une réduction du
prix pratiquée, pendant une période limitée, en vue de lancer ou de relancer la vente
d'un ou plusieurs produits ou services. ». Ces promotions ne peuvent jamais avoir lieu
dans les 40 jours qui précédent la tenue des soldes.
Enfin, le législateur protège le concurrent contre la publicité mensongère en l’organisant
de telle sorte qu’il a donné des prérogatives importantes au ministre de commerce qui
peut saisir les tribunaux en cas de publicité portant sur :
-une activité non autorisée,
-les produits dont la commercialisation est interdite,
-les produits qui ne sont pas disponibles sur le marché pendant la période de la publicité,
-les produits dont l'origine est inconnue.
Toute responsabilité découlant d’une publicité mensongère n’incombe pas uniquement
à l’annonceur mais peut échoir sur l’agent de publicité qui peut être considéré dans ce
cas comme complice et subir la même condamnation que l’annonceur
De plus, conscient de l’importance de la vente à crédit dans une économie de marché et
surtout des dangers qu’elle pourrait engendrer tels que l’endettement excessif des
particuliers et des ménages, le législateur a organisé par le biais de la loi numéro 98-39
du 2 juin 1998 relative à la vente à crédit cette modalité de vente en protégeant la partie
la plus faible dans les transaction, c'est-à-dire le consommateur. Il a en effet exigé la
formalité de l’écrit pour la validité du contrat de vente à crédit comme première mesure
à protéger le consommateur

47
Enfin, il est très important de relever que, pour une meilleure application de ces
dispositions ,le législateur a prévu d’engager la responsabilité pénale des contrevenants
dans le sens ou aussi bien le concurrent que le consommateur désabusés peuvent recourir
sciemment au procès civil que pénal pour recouvrer leurs droits bafoués par les procèdes
commerciaux prohibes par la loi. Ainsi, l’orientation pénale va dans le sens des amendes
qui peuvent aller de 100 à 10000d pour la transgression de la loi sur les ventes avec
réduction des prix et de 500 à 10000d pour la publicité mensongère.
B- Les procédés commerciaux contraires aux usages de commerce :
La jurisprudence a, depuis une évolution récente, condamné pour concurrence déloyale,
des pratiques qui n’étaient pas contraires à la loi mais qui transgressaient une certaine
déontologie commerciale censée régir implicitement les rapports entre les individus.
Certes, les coutumes et les usages de commerce peuvent être une source de droit, mais
il n’est pas admis que l’usage ou la coutume aient un caractère obligatoire qui, lui,
distingue la règle juridique de la règle coutumière. Néanmoins, en matière commerciale
qui est une matière ne supportant pas le formalisme, les usages entre les commerçants
constituent un gage de sécurité pour la rapidité des transactions et la confiance entre les
operateurs. C’est pour préserver un tel acquis que la jurisprudence a pris la peine de
condamner sur la base de la violation de la déontologie commerciale des commerçants
qui avaient enfreint ces usages. (Accord entre une agence de voyage et un marchand de
souvenirs drainant des touristes, reprises de produits du concurrent lors de la signature
d’un contrat de fournitures à long terme…).
Par ailleurs, se pose la question de savoir si la pratique des prix anormalement bas
comme le discount constitue un procédé commercial contraire aux usages de commerce.
S’il est établit que la vente à perte est une pratique illégale. Force est de constater que le
jugement n’est pas aussi évident s’agissant de la vente à prix bas mais suffisant pour
échapper à l’incrimination de la vente à perte. D’autant plus que dans la cadre d’une
économie libérale, ce genre de pratique commerciale semble en harmonie avec le
principe de la concurrence par le prix, même si la finalité se situe souvent dans la
disparition de ceux qui ne résistent pas. Une situation qui fausse le jeu de la concurrence
mais combien même difficile à prouver sur la base de la concurrence déloyale. Ce qui
amène les victimes à se tourner vers la base des pratiques anticoncurrentielles tel l’abus
de position dominante ou l’entente.

Paragraphe4 : L’utilisation illégitime de la réputation d’autrui :

L’une des pratiques les plus utilisée par les commerçants malhonnêtes constitue la
confusion qu’ils espèrent créée dans l’esprit des consommateurs en s’adonnant à
l’imitation ou à la contrefaçon d’un produit d’une notoriété certaine chez le
consommateur.
Cette pratique pénalise le commerçant victime, doublement :
D’abord, elle le prive d’une partie de sa clientèle et donc de sa prospérité légitime.
Ensuite, la confusion sème le doute dans l’esprit du consommateur qui se rendra
compte que le produit qu’il achetait ne répond plus au même degré de satisfaction

48
qu’auparavant, d’où une certaine déception, même si le droit sur la propriété industrielle
essaye de trouver une parade contre les risques de confusions.
Par ailleurs, cette imitation peut porter sur des éléments très divers, parmi lesquels, on
peut citer :
-l’imitation qui concerne les signes distinctifs.
-l’imitation qui concerne la présentation du produit.
-l’imitation de la publicité.
-l’imitation des produits eux même.

Les signes distinctifs portent, soit sur les marques, soit sur les enseignes et les noms
commerciaux. Aussi différentes que les marques puissent être par rapport aux enseignes
et autres nom commerciaux, aussi différentes sont les actions juridiques sont à
entreprendre.
Il est en effet, admis pour les marques, que le seul moyen de protection est l’action en
contrefaçon, s’agissant d’un titre de propriété qui se matérialise par l’exercice d’un droit
privatif et d’un monopole d’exploitation détenu par le titulaire de la marque.
En revanche, s’agissant des enseignes et autres nom commerciaux, ceux-ci ne constituent
pas des titres de propriétés et de ce fait, l’action en contrefaçon ne peut pas être évoquée.
Dans ce sens, seule l’action en concurrence déloyale peut constituer le fondement à
l’imitation de l’enseigne et du nom commercial et, pour ce faire, la preuve d’une
reproduction ou d’une imitation de nature à créer la confusion doit être apportée.
Effectivement, le risque de confusion n’est possible que lorsque l’imitation de l’enseigne
ou du nom commercial soit suffisamment proche de ce que l’on voudrait protéger. Pour
cela, les juges se basent sur le principe de la spécialité, en fonction du quel, le risque de
confusion est évident s’agissant d’enseignes ou de noms commerciaux qui sont proche
dans un même domaine d’activité. Il est en effet admis que la protection est d’autant plus
large que le nom commercial ou l’enseigne sont notoires.
En outre, l’imitation de la présentation des produits, et en particulier des emballages et
conditionnement constitue également un cas de concurrence déloyale dans la mesure où
il ya un risque de confusion. Tel est également le cas pour l’imitation de publicité, à la
condition toutefois que le thème ne soit pas à ce point banal qu’il ne peut prétendre à
aucune protection.
Plus délicate est la question de l’imitation des produits eux-mêmes. La fameuse copie
servile crée en effet plusieurs problèmes de nature juridique.
Il faut tout d’abord distingué selon que le produit est ou non l’objet d’un brevet ou d’un
droit de dessin et modèle. Dans le 1er cas, sa reproduction est interdite, sous peine
d’action en contrefaçon. Dans le second cas, le principe du commerce et de l’industrie
s’oppose à ce qu’on contrôle la reproduction.
Toutefois, la question se pose avec acuité après la fin du monopole. Est-ce que l’action
en concurrence déloyale peut prendre le relais après la fin des monopoles ? Il faut alors

49
concilier entre les impératifs du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, et
ne pas prolonger par ce biais des monopoles sur des créations que le législateur veut
essentiellement temporaires
Une solution intermédiaire a été adoptée par les juges et en fonction de laquelle, si une
similitude parfaite entre la copie servile et le modèle original n’est pas imposée pour une
raison impérative, dans le sens ou l’imitateur aurait pu choisir une autre reproduction
que celle de l’originale, la similitude apparaît comme une attitude coupable, orientée vers
une recherche de confusion et à ce titre constitutive de concurrence déloyale.
Dans le cas contraire, la similitude peut s’expliquer et ne constituer que l’application
normale de la liberté du commerce et de l’industrie, en particulier lorsque l’imitation
servile porte sur une forme fonctionnelle, dont la reproduction à l’identique est imposée
par le but technique ne constitue pas un acte de concurrence déloyale. Le cas contraire
rendrait le monopole sur le brevet perpétuel, ce qui contredit la logique même du brevet.
Agir sur la base de la concurrence déloyale ne constitue pas la seule alternative prévue
par le droit de la concurrence. Combattre les pratiques anticoncurrentielles constitue
l’autre segment de ce droit.
L’action en concurrence déloyale retrouve alors son fondement dans les dispositions de
l’article 92 du code des obligations et des contrats qui reconnaît à celui qui s’en prévaut
une action civile et une action pénale. L’article 92 fonde alors l’action civile à chaque fois
que les conditions se vérifient.

50
La contrefaçon

1 : Contexte juridique et économique de la contrefaçon


La mondialisation des échanges dans tous les secteurs économiques confondus,
a entraîné une augmentation importante de la contrefaçon. Des produits sont contrefaits
dans le secteur alimentaire, médical (médicaments et matériel médical), cométiques, les
pièces détachées des véhicules automobiles etc ……elle touche aussi le secteur de
l’horlogerie, des vêtements, les accessoires de luxe (tels que les parfums), et les arts.
Plusieurs raisons favorisent la contrefaçon, dans certains pays : la main d’œuvre est moins
chère que dans les pays industrialisées, s’ajoute à cela les conditions de production qui
sont moins couteuses aussi. Le développement de la technologie a par ailleurs contribué
à la naissance d’appareils de reproduction relativement peu couteux (tels que les graveurs
CD) et à la diffusion et la vente de produits contrefaits (Internet).
En outre, la facilité de transporter des objets influe sur la contrefaçon. En effet, le
transport par conteneurs a permis de décupler le commerce mondial, mais, dans un
même temps a permis de cacher plus facilement des objets.

Plusieurs actes peuvent être considérés comme une contrefaçon :


- la reproduction, l'usage, l'apposition ou l'imitation d'une marque identique ou similaire
à celle désignée dans l'enregistrement, sans l'autorisation du propriétaire ou du
bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation ;
- toute copie, importation ou vente d'une invention nouvelle, sans le consentement du
titulaire du brevet ;
- toute reproduction, totale ou partielle d'un dessin ou modèle, sans autorisation de
l'auteur ;
- toute édition d'écrits, de compositions musicales, de dessins, de peintures ou de toute
autre production imprimée ou gravée en entier ou en partie ainsi que toute reproduction,
représentation ou diffusion d'une œuvre de l'esprit en violation des droits d'auteur ;
- toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre
onéreux ou gratuit, d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un
programme, réalisées sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée de l'artiste interprète, du
producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de
communication audiovisuelle.

La contrefaçon est un délit ayant des conséquences très graves tant au niveau individuel
(affectant le ou les titulaires des droits de propriété industrielle : brevet, invention, dessins

51
et modèles), et les consommateurs, qu’au niveau économique national et International.
En effet, elle représente un préjudice certain du côté du titulaire du droit, dans la mesure
où il se voit privé du monopole et de l’exclusivité dont il bénéficie en principe sur son
invention, sa marque etc … et qui représente le fruit d’un effort de recherche de création
et d’investissement. Sur le plan économique et financier elle entraine une perte de parts
du marché et marque un manque à gagner certain, ce qui baisse la valeur des recettes de
vente. Cette baisse peut avoir selon l’OMPI une répercussion sur le plan social, qui se
traduit pas des pertes d’emplois, voire par des licenciements.

Le consommateur est par ailleurs affecté soit en sa personne même, soit dans ses
intérêts : les produits contrefaits, n’ont pas la même qualité ou sont de qualité inférieure
que ceux imités, ce qui risque de nuire à la santé de ceux qui les consomme
(médicaments, produits cosmétiques etc ………..) . Selon l’OMPI, « l'OMS tient une
liste des médicaments contrefaits, dont certains sont moins efficaces voire ne contiennent
aucun principe actif. Dans le pire des cas, ces médicaments contenaient même du poison
et ont eu des conséquences catastrophiques pour les consommateurs ». La contrefaçon
peut aussi nuire à leurs intérêts, puisque créant une confusion aux yeux du public, ils
payent le produit contrefait au même prix que l’original.

En outre et d’une manière générale la contrefaçon crée un environnement peu propice


à la créativité à l’invention, à la création, au développement et à l’investissement dans la
mesure où les entreprises voulant investir dans un secteur d’activité déterminé seraient
réticentes, face à la multiplication des pratiques de contrefaçon et au cadre juridique
inexistant ou peu protecteur des droits de la propriété Industrielle , c’est la raison pour
laquelle une protection nationale et Internationale des droits en question a été organisée.

Outre la convention de l’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle


du 20 mars 1883, le rôle que joue l’OMPI dans la lutte contre la contrefaçon est très
important.

Les conventions Internationales dans le domaine de la lutte anti contrefaçon, se


rapportent en effet, à des matières relevant du doit de la propriété Industrielle tel que le
droit des marques, dessins et modèles, le droit des brevets etc ….

La Tunisie soucieuse de protéger les droits de la propriété Intellectuelle et


particulièrement ceux de la propriété Industrielle, a adopté des lois visant à assurer une
protection de ces droits, elle a par ailleurs participé à plusieurs conventions et
arrangement internationaux.

Ainsi une loi n°2000/84 en date du 24/8/2000 relative aux brevets d’invention49 est venue
remplacer le décret beylical du 26/12/1888. De même une loi n°2001-36 du 17/4/2001
relative à la protection des marques de fabrique, de commerce et de services50, est venue
remplacer le décret du 3/6/1889. Pour les dessins et modèles industriels, ils font
désormais l’objet de la loi n°2001-21 du 6/2/2001 relative à la protection des dessins et
modèles industriels51, qui a abrogé le décret du 25/2/1911.

49
JORT 25/8/2000 n°68, p1983
50
JORT 17/4/2001, n°31, p 834
51
JORT 9/2/2001, p257

52
En outre, il y a eu création de nouveaux titres de protection pour des éléments non
protégés. Ainsi, une loi n°99-57 du 28/6/1999 est venue consacrer en droit tunisien la
protection des appellations d’origine contrôlée et des indications de provenance des
produits agricoles52 .En outre, les obtentions végétales font désormais l’objet de la loi
n°99-42 du 10/5/1999 relative aux semences, plants et obtentions végétales53. Par ailleurs,
une loi n°2001-20 relative à la protection des schémas de configurations des circuits
intégrés a été adoptée le 6/2/200154.
Par ailleurs, la Tunisie est partie à bon nombre d’accords internationaux de
protection des différents aspects de la propriété intellectuelle : elle a, ainsi, adhéré à la
Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle le 7 juillet
1884. En outre, la Tunisie a adhéré à l’Arrangement de Nice concernant la classification
internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques
depuis le 29/5/1967.
La Convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI),
l’Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses
ou fallacieuses sur les produits, l’Arrangement de La Haye concernant le dépôt des
dessins et modèles industriels, l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des
appellations d’origine et leur enregistrement international, l’Arrangement de Vienne
instituant une classification internationale des éléments figuratifs des marques, sont tous
des instruments internationaux auxquels la Tunisie est adhérente depuis, respectivement,
le 28/11/1975, le 15/7/1892, le 20/10/1930, le 31/10/1973 et le 9/8/1985.
En plus, la Tunisie est partie au Traité de Nairobi concernant la protection du symbole
olympique depuis le 28/2/1983 et à la Convention de Locarno concernant la classification
internationale des dessins et modèles industriels et au Traité de coopération en matière
de brevets (PCT) depuis le 10/9/2001. Par ailleurs, la Tunisie a adhéré, le 31 août 2003,
à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales.
Récemment, plusieurs pays se mobilisent afin d’adopter une convention ayant pour
objectif de lutter contre la contrefaçon des produits médicaux. La Convention
MEDICRIME est la première convention internationale de l’Histoire à ériger en
infraction pénale:

 la fabrication de produits médicaux contrefaits,55


 la fourniture, l’offre de fourniture et le trafic de produits médicaux contrefaits,
 la falsification de documents,
 la fabrication ou fourniture non autorisée de médicaments et la
commercialisation de dispositifs médicaux ne satisfaisant pas aux exigences de
conformité.

52
JORT, 6/7/1999, n°54 p1088
53
JORT, 14/5/1999, n°39 p706
54
JORT, 9/2/2001, n°12 p253
55
Pour de plus amples détails sur la contrefaçon des produits médicaux consultez le rapport : « Impacts
de la contrefaçon et de la piraterie en Europe »,
http://ec.europa.eu/justice_home/doc_centre/crime/studies/study_ceipi_counterfeiting_fr.pdf

53
Elle prévoit en outre que chaque Partie devra prendre toute mesure nécessaire pour que
les infractions précitées soient passibles de « sanctions effectives, proportionnées et
dissuasives, y compris des sanctions pécuniaires pénales ou non pénales ».

Ces sanctions pourront être, notamment:

 des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à l’extradition;


 des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité
commerciale;
 un placement sous surveillance judiciaire;
 une mesure judiciaire de dissolution.

Tous les États membres du Conseil de l’Europe ainsi que les États non membres56 ayant
participé à son élaboration pourront prendre part à cette Convention qui est destinée à
prévenir et combattre les menaces qui pèsent sur la santé publique.
Elle devrait être adoptée par le Comité des Ministres le 11 mai 2010 et proposée à la
signature lors de la Conférence du Conseil de l’Europe des Ministres de la justice à
Istanbul le 25 novembre 2010.

Dans une économie de marché, la contrefaçon lèse inévitablement les droits des divers
acteurs économiques intervenants, elle ouvre droit à un recours en justice sous forme
d’une action en contrefaçon, qui est souvent intentée parallèlement à une action en
concurrence déloyale, car la contrefaçon d’une marque ou d’un dessin, d’une invention
peut représenter une concurrence déloyale en raison de la confusion que le produit
contrefait créer aux yeux du consommateur. C’est pourquoi une distinction entre les
deux actions s’impose.

2 : L’action en contrefaçon

Contrairement à l’action en concurrence déloyale qui est consacrée par une disposition
générale à savoir l’article 92 COC, l’action en contrefaçon n’est pas organisée par le COC
mais plutôt par des dispositions spécifiques contenues dans diverses lois. Mais avant de
rechercher les fondements de cette action, il convient de la distinguer de l’action en
concurrence déloyale.

Pragraphe1 : Action en concurrence déloyale et action en contrefaçon

S’il est vrai que les deux actions ont un objectif commun celui de réprimer une infraction
et à réclamer une réparation suite à la violation d’une règle de droit, il convient de noter
que leur fondement et les éléments servant à les qualifier sont bien différentes.

1- L’action en contrefaçon se justifie lorsqu’un droit de propriété intellectuelle a été


violé ; il en est ainsi de la violation d’un droit sur une marque enregistrée, ou d’une
invention brevetée, ou d’un model ou dessin protégé. La concurrence déloyale ne

56
Pour voir la liste des pays membres consultez :
http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/medicrime/B%C3%A2le%20-
%20Conf%C3%A9rence%20m%C3%A9dicaments%20de%20contrefa%C3%A7on.pdf

54
représente pas à son tour une violation d’un droit protégé, mais constitue un agissement
contraire aux règles de la libre concurrence et de la concurrence loyale.

2- Alors que l’action en contrefaçon a deux objectifs : celui de préserver le droit privatif
de propriété intellectuelle (sur un brevet par exemple), et de réparer le préjudice causé
par l'atteinte à un tel droit.
La recevabilité de l'action est donc subordonnée à la titularité d'un tel droit, ce qui est
différent dans le cadre de l’action en concurrence déloyale qui ne nécessite pour sa mise
en œuvre que la preuve d’un agissement déloyal telle qu’une pratique anticoncurrentielle
ou une entente frauduleuse, aucun droit de propriété industrielle n’est le cas échéant mis
en jeu ; elle vise uniquement la réparation. S’agissant d’une infraction, elle peut par
ailleurs permettre un recours sur le plan pénal.

Les deux actions ont des objets différents (protection d’un droit privatif / répression d’un
agissement causant un préjudice commercial : perte de part de marché, de clientèle
etc …..) et des causes différentes.

D’ailleurs, la cour de cassation française a rappelé dans son arrêt du 20 mars 2007, « le
principe classique selon lequel, peuvent se cumuler, dans un même procès, une action
en contrefaçon et une action en concurrence déloyale sous réserve que chacune d’elle
s’articule sur des faits distincts.57 »

3-Enfin, rappelons qu'en pratique, l'action en concurrence déloyale est souvent invoquée
comme auxiliaire de la protection de l'action en contrefaçon. Les faits constitutifs de
contrefaçon sont souvent accompagnés d'agissements qui causent un préjudice
commercial distinct. Toutefois, l’action en concurrence déloyale ne nécessite pas une
faute intentionnelle.

Les deux actions peuvent alors être invoquées en même temps, celle de la concurrence
déloyale accompagne généralement une action en contrefaçon, car cette violation des
droits de la propriété industrielle créer inévitablement des dommages du coté des
entreprises et des commerçants titulaires des droits et par conséquent une confusion dans
l’esprit du consommateur qui risque d’être détourné vers les produits contrefaits.

Les deux actions sont alors bien différentes, malgré leur convergence sur un point
déterminé celui de la protection du marché dans lequel se confrontent les divers produits,
les diverses marques de diverses entreprises dans des secteurs d’activités aussi variés.

L’action en contrefaçon est organisée en droit tunisien par plusieurs textes régissant les
droits de propriété industrielle, il s’agit de la loi relative aux brevets d’invention (les
articles 82 à 90) ; de la loi relative à la protection des dessins et modèles industriels
(articles 24 à 30) ; de la loi relative à la protection des marques de fabrique de commerce
et de services (articles 44 à 65).

Vu la propagation et la multiplication de la contrefaçon des marques par l’usage des


nouvelles technologies, à savoir particulièrement Internet, nous développerons l’action
en contrefaçon de la marque.

57
Voir : http://www.legalbiznext.com/droit/L-autonomie-de-la-concurrence

55
Paragraphe 2 : L’action en contrefaçon d’une marque

Pour cerner la notion de la contrefaçon, il faudrait, toutefois, distinguer entre l’atteinte


au droit sur la marque et l’atteinte à la valeur de la marque. On parle d’atteinte au droit
sur la marque lorsque l’atteinte est le fait d’un concurrent qui agit, donc, dans le même
secteur d’activité. En effet, la contrefaçon d’une marque est établie lorsque l’atteinte
touche le droit sur la marque et le droit sur la marque n’existe que dans le cadre de la
spécialité c'est-à-dire pour des produits identiques ou similaires aux produits pour
lesquels la marque est déposée.
La marque a, bien évidemment, une valeur en dehors de la spécialité. Lorsque l’atteinte
à la marque se réalise en dehors de la concurrence c’est à dire pour des produits qui ne
sont pas identiques ou similaires aux produits du dépôt, l’atteinte est portée à la valeur
de la marque parce qu’il y a une volonté de parasiter l’attrait de la marque. La marque
d’autrui est utilisée pour servir à la promotion de produits non concurrents : il n’y a pas,
certes, de danger de confusion, mais comportement parasitaire fautif. Dans ce cas, la
protection de la marque se fait non pas sur la base de l’action en contrefaçon mais au
moyen de l’action en concurrence déloyale : le comportement parasitaire est un
comportement fautif qui engage la responsabilité de son auteur.
La contrefaçon serait, donc, toute violation des droits conférés par l’enregistrement. Cette
violation peut couvrir des aspects variés.

A- Conditions générales de l’action en contrefaçon :


Plusieurs conditions doivent être vérifiées pour pouvoir concrétiser la protection
de la marque au moyen de l’action en contrefaçon : on voit voir, essentiellement, deux
conditions : l’enregistrement de la marque et la validité de la marque.

1- Enregistrement de la marque :
Ce sont les marques enregistrées qui ouvrent droit à une action en contrefaçon.
Il est vrai, à cet égard, qu’une marque est, en principe, protégée pour une période de 10
ans à partir de la date de son dépôt. Seulement, la date de l’acte de dépôt sert à fixer le
point de départ de l’appropriation exclusive de la marque par son titulaire. Les faits de
contrefaçon antérieurs à la publication de la demande d’enregistrement ne sont, donc,
pas en principe soumis à l’action en contrefaçon. Il reste que le déposant pourra adresser
le contrefacteur avant la date de l’enregistrement de sa marque une notification
l’informant du dépôt de la demande d’enregistrement. C’est après cette notification que
le déposant pourra agir en contrefaçon mais le juge va surseoir à statuer jusqu’à la
publication de l’enregistrement.
En effet, l’article 45 de la loi tunisienne sur les marques prévoit que : « Ne
peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés à une marque, les
faits antérieurs à la publication de la demande d’enregistrement de cette marque.
Cependant, si le déposant notifie au présumé contrefacteur une copie de la demande
d’enregistrement, les faits postérieurs à cette notification peuvent être constatés et
poursuivis. Le tribunal saisi sursoit à statuer jusqu’à la publication de l’enregistrement. »

56
En définitive, pour pouvoir agir en contrefaçon, indépendamment du déroulement en
cours du procès de contrefaçon, il faudrait que la marque ait été déposée au moment des
faits de contrefaçon incriminés.
Il n’y a qu’une exception à cette règle : les marques notoires qui sont protégées
indépendamment de tout acte de dépôt encore qu’elles ne sont pas protégées par l’action
en contrefaçon. En effet, l’action en contrefaçon se base sur un droit de marque et le
droit de marque naît, nécessairement d’un dépôt. En conclusion, le titulaire d’une
marque notoire non déposée ne peut, certes, pas agir en contrefaçon, mais il peut faire
déclarer nul le dépôt par un tiers de sa marque.

2- Validité de la marque :
Le titulaire d’une marque ne pourra gagner le procès en contrefaçon que si sa
marque est une marque valable et valable sur le territoire de l’Etat où la protection est
demandée. Le défendeur à l’action en contrefaçon pourra, ainsi, invoquer la nullité de la
marque pour se défendre du grief de la contrefaçon. Il faudrait, bien évidemment, se
garder de confondre entre marque nulle et marque non exploitée. En effet, le titulaire
d’une marque non exploitée pourra toujours lancer une action en contrefaçon : il pourra
le faire même si son inexploitation dure depuis plus de cinq ans aussi longtemps qu’une
demande de déchéance n’aura pas été introduite. En revanche, si la marque litigieuse a
fait l’objet d’une demande de déchéance, le défendeur à l’action en contrefaçon pourra
bien invoquer la déchéance en exception.
Remarque :

 En raison de la territorialité de la marque, un dépôt en Tunisie ne produit ses


effets que sur le territoire tunisien. Parallèlement, les faits de contrefaçon ne
peuvent faire l’objet de poursuites que s’ils sont localisés en Tunisie.
 L’action en contrefaçon pourrait, dans certains cas, ne plus être possible en
raison de la tolérance. En effet, est irrecevable toute action en contrefaçon
d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq
ans à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi. L’article 48
alinéa 5 de la loi tunisienne sur les marques prévoit, à cet égard, que : « Est
irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée
dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été
effectué de mauvaise foi. Toutefois, l’irrecevabilité est limitée aux seuls
produits et services pour lesquels l’usage de la marque est toléré. »

3- L’atteinte à la marque :
Le terme contrefaçon est, généralement, employé pour désigner d’une manière
synthétique toutes les atteintes apportées au droit résultant de l’enregistrement d’une
marque. Il faudrait, toutefois, spécifier les différentes atteintes au droit sur la marque.
C’est, ainsi, qu’on pourrait distinguer entre le délit de contrefaçon par reproduction, le
délit de contrefaçon par imitation, le délit de contrefaçon par usage, le délit de
contrefaçon par substitution de produit, le délit de contrefaçon par apposition d’une
marque appartenant à autrui et le délit de vente et de mise en vente.

57
L’article 44 de la loi tunisienne sur les marques prévoit, sur ce point,
que : « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une
contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur. Constitue une
atteinte aux droits sur la marque, la violation des dispositions prévues aux articles 22 et
23 de la présente loi. ». L’article 22 en question dispose : « Sont interdits, sauf
autorisation du propriétaire : a)- La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque,
même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre,
méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services
identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, b)- La suppression ou la modification
d’une marque régulièrement apposée. »
L’article 23 prévoit, quant à lui, que : « Sont interdits, sauf autorisation du
propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a)- La
reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque
reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans
l’enregistrement, b)- L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des
produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »

a/- Le délit de contrefaçon par reproduction :


La contrefaçon par reproduction consiste en la reproduction à l’identique de tout
ou partie de la marque d’autrui. Il faudrait distinguer entre la reproduction de la marque
pour des produits ou services identiques et la reproduction de la marque pour des
produits ou services similaires. Dans la première hypothèse, la contrefaçon existe en
l’absence de tout danger de confusion. Pour que la contrefaçon soit constituée, dans la
seconde hypothèse, il faudrait vérifier un danger de confusion dans l’esprit du public. La
contrefaçon est, par ailleurs constituée dans le cas de la reproduction totale ou partielle
de la marque d’autrui. Lorsque la marque d’autrui est composée d’un seul terme, la
contrefaçon procède souvent par l’adjonction d’un terme ou d’un signe : dans ce cas, on
retiendra la contrefaçon à moins que la marque reproduite soit englobée dans un tout
indivisible et que dans ce tout, elle perd le caractère distinctif qu’elle avait d’une manière
isolée. Pour des exemples contraires, citons le cas de la marque « Petit Pierrot » qui a été
jugée contrefaisant la marque « Pierrot », « Tricobel » est une contrefaçon de « Bel »
b/- Le délit de contrefaçon par imitation :
Sans pour autant reproduire exactement la marque d’autrui, imiter consiste à se
rapprocher de cette marque en vue, précisément de créer la confusion dans l’esprit des
consommateurs et c’est pour cette raison qu’on exige le risque de confusion à l’appui
d’une action en contrefaçon par imitation. A cet égard, il faudrait procéder à la
comparaison des deux marques et il faudrait prendre en considération les ressemblances
et non pas les différences parce que ces dernières sont, justement, introduites pour
s’affranchir de tout grief de contrefaçon. Ce qui compte, avant tout, c’est l’impression
d’ensemble puisque le consommateur n’aura pas, la plupart du temps, les deux marques
sous les yeux. Exemples : « Galeries Lafayette » et « Galeries Layettes », « Fango » et
« Fanta »

58
c/- Le délit de contrefaçon par usage :
Le délit d’usage est, généralement, confondu avec le délit de contrefaçon par
reproduction ou de contrefaçon par imitation. La raison en est que l’auteur de la
reproduction ou de l’imitation de la marque est, en même temps, l’auteur du délit d’usage
de marque. Or, l’usage implique l’emploi de la marque d’autrui pour présenter ou
accompagner la commercialisation d’un produit identique ou similaire. Il s’agit, donc, de
toute utilisation de la marque d’autrui à un moment qui se situe entre la fabrication et la
vente du produit.

d/- Le délit de contrefaçon par substitution de produit :


Le délit de contrefaçon par substitution de produit consiste à substituer un
produit à un autre c'est-à-dire à fournir, de manière intentionnelle, un produit autre que
celui qui aura été demandé sous une marque enregistrée appartenant à autrui.
e/- Le délit de contrefaçon par apposition d’une marque appartenant à autrui :
Ce délit est, également, désigné sous le nom de délit de remplissage. Il consiste
en l’emploi de marques authentiques pour accompagner des produits qui n’y ont pas
droit. Le délit d’apposition est, ainsi, constitué par l’emploi de sacs, d’emballages,
d’étiquettes sur lesquels figure la marque authentique d’autrui : il s’agira le plus souvent
du remplissage de bouteilles marquées par une marque authentique d’un liquide qui n’est
pas le liquide authentique.
f/- Le délit de vente et de mise en vente :
Il s’agit de la vente de produits portant une marque contrefaite par un concurrent.
A cet égard, il importe de rappeler le principe selon lequel importer c’est contrefaire. En
effet, des produits sur lesquels la marque authentique aurait été licitement apposée à
l’étranger deviennent contrefaisants en pénétrant la Tunisie. Bien évidemment, le délit
de vente est constitué lorsque les produits contrefaisants sont offerts au public en vue de
la vente. Il est, également, constitué lorsque les produits contrefaisants sont stockés en
vue de la mise en vente. Le législateur tunisien semble exiger l’élément intentionnel pour
la constitution du délit de vente ou de mise en vente puisque l’article 52 de la loi
tunisienne sur les marques² emploie le terme « sciemment ».
B- Sanctions de l’action en contrefaçon
La contrefaçon lorsqu’elle est caractérisée emporte des sanctions pénales et des
sanctions civiles qui peuvent, le cas échéant, se cumuler. En effet, l’article 44 de la loi
tunisienne sur les marques précise bien dans son premier paragraphe que : « Toute
atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon
engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur. »
1/- Sanctions pénales :
Les peines répressives sont prévues dans les articles 51, 52 et 53 : elles consistent,
essentiellement, en des amendes et en l’emprisonnement. En effet, l’article 51
dispose : « Sous réserve des peines prévues par des textes spéciaux, sera puni d’une
amende de 5000 à 50 000 dinars quiconque aura : a)- reproduit, imité, utilisé, apposé,
supprimé ou modifié une marque en violation des droits conférés par son enregistrement

59
et des interdictions qui découlent de celui-ci, b)- importé ou exporté des marchandises
présentées sous une marque contrefaite. ». L’article 52 prévoit, de son côté, que : « Sous
réserve des peines prévues par des textes spéciaux, sera puni de la peine prévue à l’article
51 de la présente loi quiconque aura détenu, sans motif légitime, des marchandises qu’il
sait revêtues d’une marque contrefaite, ou aura sciemment vendu, mis en vente, fourni
ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle marque ».
La peine pénale prévue à titre principal par le législateur tunisien est l’amende.
Ce n’est qu’en cas de récidive que le législateur tunisien, outre l’amende qui est portée
au double, prévoit l’emprisonnement. C’est ce qui découle de l’article 53 de la loi
tunisienne sur les marques : « En cas de récidive pour ce qui est des infractions définies
aux articles 51 et 52 de la présente loi, un emprisonnement de un à six mois peut être
prononcé outre l’amende qui est portée au double. »
Le législateur tunisien prévoit des sanctions complémentaires qui s’ajoutent aux
sanctions répressives : il s’agit de la publication du jugement prononçant la
condamnation, de mesures de confiscation et de mesures de destruction. C’est ce que
prévoient les articles 54 et 55 de la loi tunisienne sur les marques. En effet, l’article 54 en
question dispose : « Le tribunal peut, dans tous les cas, ordonner, aux frais du condamné,
la publication intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désigne ainsi
que son affichage dans les lieux qu’il indique notamment aux portes principales des
usines ou ateliers du condamné et à la devanture de ses magasins. »
Les mesures de confiscation et de destruction découlent de l’article 55 de la
même loi qui prévoit que : « En cas de condamnation pour infraction aux dispositions
des articles 51, 52 et 53 de la présente loi, le tribunal peut prononcer la confiscation des
produits ainsi que celle des instruments ayant servi à commettre le délit. Le tribunal peut,
également, prescrire la destruction de ces produits. »
2/- Sanctions civiles :
Concernant le fondement des sanctions civiles, il faudrait souligner que le
législateur tunisien a posé, dans l’article 44 de la loi tunisienne sur les marques, le principe
que l’atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon
qui engage la responsabilité civile de son auteur.
Ce qui découle, essentiellement, de l’engagement de la responsabilité civile d’une
personne est l’obligation de réparer le préjudice occasionné à autrui. Il en découle que
les dommages-intérêts constituent la sanction civile principale de la contrefaçon. En effet,
le contrefacteur occasionne un préjudice au titulaire de la marque : pertes de ventes et,
probablement, dilution de la valeur de la marque si les produits contrefaisants sont de
mauvaise qualité. Du préjudice naît l’obligation de le réparer.
L’article 48 de la loi tunisienne sur les marques dispose, à cet égard : « L’action
civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Elle peut être engagée
par le titulaire d’une demande d’enregistrement dans les conditions prévues par l’article
45 de la présente loi. Toutefois, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir
en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat, si, malgré sa mise en demeure, le
titulaire n’exerce pas ce droit. Toute partie à un contrat de licence est recevable à
intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la
réparation du préjudice qui lui est propre. »

60
Il importe, toutefois, avant le jugement prononçant la réparation de stopper les
troubles de la contrefaçon pour l’avenir. C’est pour cela que le législateur tunisien confère
au juge le pouvoir d’imposer au contrefacteur une injonction sous astreinte. C’est ce qui
ressort de l’article 49 alinéa 1 de la loi tunisienne sur les marques : « Lorsque le tribunal
est saisi d’une action en contrefaçon, son président, saisi et statuant en la forme des
référés, peut interdire, à titre provisoire, et sous astreinte, la poursuite des actes argués
de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à
assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit
exclusif d’exploitation. »
Le préjudice résultant de la contrefaçon pose le problème de son évaluation. Les
juges disposent, à cet égard, d’un large pouvoir discrétionnaire et peuvent, le cas échéant,
se faire assister par des experts. Bien évidemment, il faudrait que le préjudice soit direct
et certain. Le plus souvent, les tribunaux calculent le montant des dommages-intérêts sur
la base du manque à gagner : calculer le bénéfice qu’aurait réalisé le titulaire de la marque
authentique s’il n’aurait pas été victime d’une contrefaçon.

La concurrence déloyale

Il est vrai que la lutte concurrentielle est libre, ce qui rend licite l’atteinte à la
clientèle d’autrui, cette liberté dans l’exercice de la concurrence n’est cependant pas sans
limites, elle doit être exercée dans le cadre des usages loyaux du commerce.
C’est dans ce contexte que l’article 1.2 de la convention de Paris 58 pour la protection de
la propriété Industrielle, mentionne parmi les objets de la protection de la propriété
Industrielle : la répression de la concurrence déloyale pour les brevets, les modèles
d’utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de commerce, le
nom commercial, les indications de provenance et les appellations d’origine , l’article 10
contient une disposition qui réprime expressément la concurrence déloyale et la définit
comme étant tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et
commerciale.59
C’est dans cet ordre d’idée que se manifeste la complémentarité entre le droit de la
concurrence et celui de la propriété Industrielle. En effet, l’article 10 bis 3 de la dite
convention prévoit trois exemples qui devraient être interdits, il en est ainsi : des « faits

58
Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20/3/1883 révisée à Bruxelles
14/12/1900, washington le 2/6/1911, la Haye 6/11/1925, Londres le 2/6/1934,Lisbonne le 31/10/1958,
Stockholm 14/7/1967,et modifiée le 28/9/1979.
59
Badi Boukemidja N., « Les faits de la concurrence déloyale », www.legalbiznext, visité le 1/4/2010

61
de nature à créer une confusion et allégation de nature à discréditer un concurrent » et
« des indications ou allégations susceptibles d’induire en erreur » 60
En effet, par la répression de la concurrence déloyale, on permet de conserver et de
protéger les droits de la propriété industrielle et d’assurer l’innovation et l’évolution en
protégeant la marque le brevet le savoir faire etc….
La concurrence déloyale est alors un comportement concurrentiel visant à exercer un
agissement préjudiciable soit vis-à-vis du fond de commerce et/ou sur son achalandage,
soit vis-à-vis de ce qui entoure le fond de commerce, sa clientèle virtuelle ou existante.
Section 1 : la notion de concurrence déloyale :

Le droit de la concurrence vise à combattre une pratique assez ancrée dans le commerce
et dans l’industrie : la concurrence déloyale. Le législateur tunisien n’a pas pris le soin de
définir la notion de la concurrence déloyale, se contenant dans l’article 92 du C.O.C
d’énumérer les agissements constitutifs de concurrence déloyale. Ainsi cet article stipule
que :

Art 92 : « Peuvent donner lieu à des dommages – intérêts sans préjudice de l’action
pénale, les faits constituant une concurrence déloyale, et par exemple :

5) le fait d’user d’un nom ou d’une marque à peu près similaires à ceux appartenant
légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une
réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l’individualité
du fabricant et de la provenance du produit ;

60
Article 10bis de la convention de Paris prévoit que :

« (1) Les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective
contre la concurrence déloyale.

(2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en
matière industrielle ou commerciale.

(3) Notamment devront être interdits:

(i) tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement,
les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

(ii) les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les
produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

(iii) les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le
public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la
quantité des marchandises. »

62
6) Le fait d’user d’une enseigne, tableau, inscription écriteau ou autre emblème
quelconque, identique ou semblable à celui déjà adopté légalement, par un
négociant, ou fabricant, ou établissement du même lieu, faisant le commerce de
produits semblables, de manière à détourner la clientèle de l’un ou profit de
l’autre ;

7) Le fait d’ajouter au nom d’un produit les mots : façon de …, d’après la recette de
…, ou autres expressions analogues, tendant à induire le public en erreur sur la
nature ou l’origine du produit ;

8) Le fait de faire croire par des publications ou autres moyens, que l’on est le
cessionnaire ou le représentant d’une autre maison ou un établissement déjà
connu.
Il est très intéressant à notre sens, de procéder avant à la définition de la concurrence
déloyale (paragraphe2) de la distinguer par rapport à certaine notions voisines telles que
la concurrence parasitaire et la concurrence interdite (paragraphe1) :
Paragraphe1 : concurrence déloyale et notions voisines :
On a souvent tendance à confondre la concurrence déloyale avec la concurrence
parasitaire (A) et la concurrence interdite (B) et les pratiques anticoncurrentielles (C).
A/ Concurrence déloyale et concurrence parasitaire :
Il est assez difficile de distinguer entre la concurrence déloyale et la concurrence
parasitaire tant les agissements tendent parfois à s’interpénétrer. La qualification par le
juge devient dès lors délicate à faire. Les travaux de la jurisprudence dénotent, néanmoins
une certaine constance qui montre que la concurrence parasitaire consiste pour une
entreprise de s’immiscer dans le sillage d’une autre pour tirer profit d’une de ses actions
sans rien dépenser.
Pour illustrer cette différence : dans une affaire très célèbre, la Société Yves Saint-Laurent
Parfum qui avait baptisé son parfum « Champagne », a dû le débaptiser aux motifs qu’elle
avait « détourné la notoriété dont seuls les producteurs et négociants en champagne
peuvent se prévaloir pour commercialiser le vin ayant droit à cette appellation ».
Dans une autre affaire, non moins célèbre, la cour d’appel de Paris dans un jugement
daté du 30 mai 2001, le juge avait condamné une société de parfum pour les faits suivant :
En 1997, la Société Artisan Parfumeur a commercialisé un coffret contenant une palette
de cinq parfums en poudre et l’a appelé « Dessine-moi un parfum ».
L’acheteur du coffret peut composer lui-même son parfum en utilisant les poudres
choisies pour former la palette, chaque poudre ayant une couleur. Le coffret a du succès
et 2789 exemplaires sont vendus.
L’Artisan Parfumeur est alors contacté par les héritiers d’Antoine de Saint-Exupéry qui
estiment être victimes d’agissements parasitaires et en demandent réparation. Ils
considèrent que l’expression « Dessine-moi un mouton », répétée cinq fois par le
personnage principal du livre « Le Petit Prince », évoque immédiatement pour un très
large public le livre de Saint-Exupéry.

63
Par ailleurs, sur les 5 couleurs de la palette de parfum, 4 (le jaune, le rose, le violet et le
vert) correspondent à celles de l’illustration de la couverture de l’ouvrage. Ils considèrent
qu’il y a agissement parasitaire, car l’Artisan Parfumeur a cherché à tirer profit de la
notoriété de l’œuvre littéraire.
Les juges ont été convaincus et ont considéré que « en faisant usage de cette expression
dotée d’un pouvoir évocateur [la Société] a cherché à tirer profit de la notoriété de
l’œuvre littéraire, fruit de l’imagination de son auteur et a ainsi commis des actes fautifs
de parasitisme.
Pour évaluer le préjudice, les juges sont partis du nombre de coffrets vendus et du prix
de vente (350 F. pièce). Ils ont calculé le montant des droits d’exploitation qui auraient
dû être partagés et ont alloué une indemnité de 250 000 F, précisant que « cet emprunt
illicite a eu nécessairement pour effet de banaliser cette expression et d’affaiblir son
pouvoir attractif ».
Cette affaire illustre bien le large champ du parasitisme puisque les héritiers d’Antoine
de Saint-Exupéry n’exerçaient pas d’activité commerciale. L’Artisan Parfumeur a été
sanctionné pour avoir tiré bénéfice d’une création sans rémunération.
B- Concurrence déloyale et concurrence interdite :
La concurrence déloyale n’est pas la concurrence interdite, dans la mesure ou cette
dernière et selon Roubier peut être définie comme étant : « la concurrence interdite ou
non autorisée est celle qui fait l’objet de restrictions formelles résultant de la loi ou d’un
contrat ».
Dès lors, la concurrence interdite, est la concurrence qui est illégale, dans la mesure où
son exercice enfreint une règle juridique préalablement établie par la loi, ou des
engagements pris dans une relation contractuelle. En revanche, la concurrence déloyale
est jugée selon un critère qui identifie un bon commerçant par rapport à son honnêteté
à exercer son commerce et ce en s’abstenant à exercer telle ou telle pratique, soit parce
que les règles et les usages du commerce lui sont contraires, soit parce qu’elle est tout
simplement interdite. La différence entre les deux notions se résume en fait aussi bien
dans l’objet de l’activité que dans les moyens utilisés pour l’exercer.
C- La concurrence déloyale et les pratiques anticoncurrentielles :
Les pratiques anticoncurrentielles sont des pratiques restrictives à la concurrence, elles
portent atteinte à l’intérêt général de la concurrence sur un marché pertinent. Elles
affectent les mécanismes de la concurrence, il en est ainsi des ententes illicites et des
abus de position dominante
*Les ententes illicites se manifestent par des accords entre entreprises ou des décisions
d’association d’entreprise et des pratiques concertées visant à empêcher, à fausser ou la
restreindre la concurrence sur un marché.

Il y a deux types d’entente :


Entente horizontale : Il s’agit d’accords entre acteurs économiques d’un même niveau
(producteurs d’un même type de produit)

64
Entente Verticale : Il s’agit d’accords entre acteurs économiques d’un niveau différent
(par exemple entre fournisseur et son distributeur ou plusieurs d’entre eux).
*Quant à l’abus de position dominante, c’est une infraction qui est sanctionnée
lorsqu’une entreprise en position dominante à cause de son pouvoir sur le marché. En
effet, l’article 5 nouveau de la loi de 1991 telle que modifiée par la loi n°2005-60 du
18/7/2005 interdit « les actions concertées, les collusions et les ententes expresses ou
tacites ayant un objectif ou un effet anti concurrentiel et lorsqu’elles visent à :
1- Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l’offre et de la demande, limiter
ou contrôler la production les débouchés, les investissements ou le progrès technique.
2- Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
Est prohibée également l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché
Intérieur ou sur une partie substantielle de celui-ci ou d’un état de dépendance
économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose
pas de solutions alternatives, pour la commercialisation, l’approvisionnement ou la
prestation de service.
L’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance
économique…… »
Le même article prévoit la nullité de toute convention ou engagement ou clause
contractuelle ayant pour objet l’une des pratiques prohibées. Afin de rendre ces
interdictions plus efficaces le législateur prévoit des sanctions à ces infractions dans le
cadre des articles 34 à 36 de la même loi.
Par ailleurs, l’article 82 du traité de la communauté Européenne considère qu’il y a abus
de position dominante lorsqu’une entreprise ayant un pouvoir sur le marché abus de ce
pouvoir et de cette position.
Lorsqu’il y a abus de position dominante, c’est le conseil de la concurrence qui est
compétent, le règlement du litige relatif à cette question relève de sa fonction
contentieuse (Article 9 nv loi 1991).
Paragraphe2 : la définition de la concurrence déloyale:
La concurrence déloyale, peut être définie comme : « l’ensemble des procèdes
concurrentiels contraires à la loi ou aux usages de commerce, constitutifs d’une faute
intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents ».
La concurrence déloyale est différente des pratiques anticoncurrentielles dans la mesure,
ou ses fondements ainsi que la base sur la quelle le demandeur peut ester en justice
différent de celles prévues pour les pratiques anticoncurrentielles.
En effet et selon l’article 92 du C.O.C précité, le domaine de la concurrence déloyale
reste celui de la responsabilité délictuelle en fonction de la quelle le défendeur, s’il est
reconnu coupable, encoure les réparations civiles matérialisées par des dommages et
intérêts, ainsi qu’éventuellement une responsabilité pénale.
Mais avant de connaître de l’action en responsabilité sur la base de la concurrence
déloyale, il nous semble judicieux de déterminer les agissements de concurrence
déloyale.

65
Section 2 : les agissements constitutifs d’une concurrence déloyale :
La jurisprudence, notamment française a tiré au clair plusieurs agissements et
pratiques adoptés par les commerçants et qui peuvent constituer une concurrence
déloyale. Il faut en effet, mentionner 4 comportements que la doctrine et la jurisprudence
condamnent au titre de la concurrence déloyale :

- 1/ le dénigrement.
- 2/ les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale.
- 3/ l’utilisation de procèdes commerciaux illégitimes.
- 4/ l’utilisation illégitime de la réputation d’autrui.
Paragraphe1 : le dénigrement :
Le dénigrement consiste a jeté le discrédit sur la personne ou sur le produit du
concurrent dans l’objectif de rendre le client hostile soit à l’achat du produit soit à la
fréquentation du commerce.
Il s’agit d’une attaque dirigée directement contre un concurrent ou une catégorie de
concurrents déterminée, il risque de léser le consommateur dans la mesure ou les
informations sur le produit ou sur le concurrent sont fausses.
Le dénigrement apparaît contraire à la notion de concurrence loyale.61
Il convient de noter qu’il y a une différence entre le dénigrement qui constitue une faute
et la simple critique admissible.
A/ Les formes du dénigrement :
Le dénigrement a pour objet soit le commerçant concurrent dans sa personne, soit les
produits que le concurrent essaye de vendre.
Si le dénigrement peut concerner le concurrent lui-même, s’agissant de race, sa
nationalité, ses opinions politiques, son assise financière ou sa loyauté commerciale.
Force est de constater que la jurisprudence s’attèle le plus souvent sur le dénigrement qui
concerne les produits du concurrent. En effet, dans cette optique, on peut distinguer
entre deux formes de dénigrement : directe et indirecte.
Le dénigrement directe a pour objet de dénigrer expressément un produit soit par des
objets, tels que des tracts, des prospectus ou même oralement lorsqu’on arrive à prouver
les propos discréditoires.
Le dénigrement indirect est encore plus difficile à prouver dans la mesure où il résulte
implicitement de l’attitude d’un autre commerçant. Dans ce cas il peut s’agir d’un
dénigrement par omission, qui consiste à vanter les mérites d’un produit qui appartient
à un commerçant, en laissant entendre que le produit de l’autre commerçant est de
moindre qualité ou qu’il ne possède pas les vertus du premier produit.
La jurisprudence relève plusieurs expressions dans ce sens, telles que (le seul produit
naturel, les commerçants les plus dynamiques…). D’ailleurs, c’est sur la base du
dénigrement par omission que le groupe Andros, spécialiste en produit alimentaire a eu

61
Badi Boukemidja, art.précit.

66
gain de cause par un jugement rendu par la cour d’appel de Versailles datant du
30.01.1993 et l’opposant au groupe Danone, groupe qui fut convaincu de concurrence
déloyale et sommé de payer des dommages –intérêts.

En 1987, la Société Andros lance sur le marché des compotes de pommes conditionnées
sous emballages plastiques. En avril 1993, la Société Danone annonce la mise en vente
de compotes appelées « Compotes fraîches ».

La Société Andros fait alors, en mai 1993, une campagne nationale d’affichage,
présentant sa compote comme « une compote de pommes fraîches », puis décide
d’intenter une action contre la Société Danone qu’elle accuse d’actes de concurrence
déloyale. Elle considère que si Danone précise que sa compote est fraîche, le lancement
postérieur de son produit sous entend que le premier produit n’était pas composé de
produits frais…

Danone aurait ainsi bénéficié du lancement de la compote Andros et capté des clients
potentiels attirés par la mention « compote fraîche » (ce que ne précisait pas à l’origine
Andros, laissant penser au consommateur qu’elle ne l’était pas). Les juges saisis ont
considéré qu’il y avait bien concurrence déloyale par utilisation abusive d’une appellation
(compote fraîche) et dénigrement.

Par ailleurs, il a été question de savoir si la publication d’une décision de justice par un
commerçant (demandeur) condamnant un autre commerçant (défendeur) sur la base de
la contrefaçon par exemple constitue un dénigrement en soi.

La réponse diffère selon que l’on soit devant une décision définitive ou devant une
décision susceptible de recours par le défendeur.

Si la décision est définitive, sa publication ne peut pas être considérée comme un


dénigrement sauf, si le demandeur utilise le jugement comme un support marketing pour
promouvoir son produit au détriment de l’autre produit. En utilisant par exemple une
publicité qui aura pour objet de mentionner l’objet du jugement.

Par ailleurs, certains commerçants avaient cru, bien fondée, l’action en concurrence
déloyale contre les revues et magazines spécialisés dans l’évaluation des biens, produits
et autres services offerts sur le marché en vue d’avertir le consommateur sur les éventuels
bienfaits ou méfaits de tel ou tel produit. Ces actions ont été déclarées infondées par les
diverses juridictions civiles dans la mesure où le défendeur n’avait pas qualité de
concurrent d’une part et parce que le but n’était pas de dénigrer un produit mais de
donner au consommateur une information fiable quant aux produits sur le marché.

B- Les conditions du dénigrement :

En outre, des conditions générales de la responsabilité délictuelle, qui seront examinées


ultérieurement et qui portent sur la faute, le préjudice et le lien de causalité entre eux. La
concurrence déloyale ne peut être fondée que lorsque l’intention est de nature à designer
de façon assez explicite la victime ou qu’elle soit du moins aisément identifiable.

Ceci dit, l’action en concurrence déloyale sur la base du dénigrement ne peut avoir lieu
dans le cas où la ou les victimes n’est ou ne sont pas identifiables. Seule exception a été

67
tolérée par la jurisprudence est celle qui avait condamné un concurrent, qui a jeté le
discrédit sur toute une profession ou sur un corps de métier, entendons par la un
syndicat professionnel.

Paragraphe 2 : les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale :

Comme c’est le cas pour le dénigrement, il est impossible de dresser une liste exhaustive
des pratiques qui peuvent être considérées comme des moyens de désorganisation d’une
entreprise rivale. Ainsi une jurisprudence constante estime que le dénominateur
commun entre les pratiques qui peuvent donner lieu à ce type de comportement est
celui « du ou des moyens d’affaiblir l’entreprise concurrente en portant atteinte de
manière déloyale à ses moyens de production ou de commercialisation ».
Les moyens de désorganisation de l’entreprise rivale peuvent se résumer en 5 pratiques
majeures, le détournement des commandes, la suppression de la publicité du concurrent,
la méconnaissance d’une clause d’exclusivité et le débauchage du personnel qui aboutit
souvent à divulguer le savoir faire de l’entreprise concurrente, ce qui constitue en soi une
faute grave.
Le détournement de commandes vise à restreindre la clientèle du concurrent en
intervenant auprès d’elle afin de se l’approprier créant par la même un préjudice certain
pour la victime qui se traduit souvent par un chiffre d’affaire en nette baisse et d’un accès
de plus en plus difficile au marché. Le dénigrement peut aussi être conjugué au
détournement de la clientèle et ce en se substituant au fournisseur initial âpres l’avoir
dénigré auprès d’elle.
La suppression de publicité du concurrent consiste à faire de telle sorte que le produit
du concurrent ne soit pas connu par les clients, en essayant par exemple d’arracher les
affiches publicitaires vantant les mérites du produit.
La clause d’exclusivité est une clause insérée dans un contrat de vente ou de distribution
et en fonction de laquelle le concédant donne un monopole territorial au concessionnaire
afin que ce dernier soit le seul habilité à distribuer le produit de son concédant.

Les clauses d’exclusivité posent deux types de problèmes, des problèmes entre le
concessionnaire et le concédant et des problèmes entre le concessionnaire et les tiers.
C’est cette dernière relation qui nous concerne et dont les agissements des tiers peuvent
porter préjudice au monopole que détient le concédant lorsque par exemple le tiers
ignore cette clause de territorialité et s’aventure à vendre les produits couverts par cette
clause et qui sont, juridiquement, l’apanage du concessionnaire.
Le débauchage du personnel du concurrent pose, à notre sens, le plus de problème dans
la relation entre les concurrents. Le débauchage signifie le passage du personnel de
l’entreprise vers un concurrent directe.
Ces problèmes naissent de l’existence d’une divergence d’intérêts. D’une part, la
revendication légitime de l’entreprise de ne pas avoir accès à son savoir faire et d’autres
parts le principe de la liberté du travail qui autorise chacun à changer de boulot en
fonction de ses intérêts légitimes (carrière, promotion, salaires...).

68
S’il est assez aisé de trouver une solution qui se traduit souvent par la condamnation,
d’une part, sur la base de la concurrence déloyale du professionnel qui, étant avisé de
la clause de non-concurrence, qui lie le salarié à l’entreprise victime de débauchage et
d’autre part du salarié qui, en acceptant le travail offert par le concurrent, engage sa
responsabilité contractuelle. Force est de constater, que la solution devient difficile en
l’absence d’une telle clause de non concurrence dans le contrat dans la mesure où le
passage du salarié à un concurrent peut être compris dans le sens de l’amélioration de
ses conditions professionnelles, qui ne constitue pas une faute en soi, la présomption de
bonne foi oblige.

Cependant, même si la preuve de la concurrence déloyale parait difficile en l’absence de


clause de non concurrence. Il est admis, que la faute est prise en compte par les tribunaux
lorsque le concurrent aura dénigré l’entreprise victime chez le salarié, de telle sorte que
ce dénigrement a poussé le salarié à changer d’entreprise (faire circuler des rumeurs
infondées de faillite).
On peut également constater la concurrence déloyale dans les circonstances de rupture
du contrat de travail comme par exemple lorsque le concurrent pousse le salarié à
rompre abusivement le contrat de travail sans préavis s’agissant d’un C.D.I.
Enfin, la concurrence déloyale peut avoir pour fondement le passage du salarié vers le
concurrent, rien que pour bénéficier des connaissances acquises chez le concurrent. S’il
est difficile de prouver un tel argument. Force est de constater que la jurisprudence est
intransigeante sur la protection du savoir faire qui peut être définit comme étant : « un
ensemble d’informations pour la connaissance desquelles une personne, désireuse de
faire des économies d’argent et de temps, et prête à verser une certaine somme.. »
Les informations confidentielles et protégées par le savoir faire ne peuvent pas être
prémunies contre le risque de l’usurpation de la part d’autrui. En effet, le savoir faire ne
fait pas l’objet d’un titre de propriété dans la mesure où le titulaire des informations
confidentielles choisit le savoir faire comme parade contre le caractère temporaire du
brevet d’invention qui est de 20ans. Ce choix se fait aux risques et périls du titulaire des
informations. Cependant, l’absence d’un titre de propriété ne signifie pas que le vol ou
la divulgation d’un secret industriel et commercial restent impunis.

Ainsi, la divulgation du savoir faire constitue souvent une faute à l’encontre de l’entreprise
concurrente lorsque le salarié de l’entreprise victime est embauché par un concurrent.
Cet embauche, le plus souvent, s’inscrit dans une logique pernicieuse et sournoise
d’espionnage commercial ou industriel de nature à fausser le jeu de la concurrence et de
faire perdre l’avance technologique ou commerciale que détient l’entreprise victime sur
ses concurrents, une avance qui a été acquise ,souvent, grâce à un travail laborieux, des
recherches ou autres mérites.

Paragraphe3 : L’utilisation de procédés commerciaux illégitimes :


Dans une économie de marché ou la concurrence entre les intervenants, sur un marché
donné, fait rage, l’imagination des commerçants, industriels ou autres prestataires de

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services et souvent fertile pour trouver toujours des moyens et des procédés
commerciaux de nature à attirer ou à fidéliser la clientèle.
Néanmoins, le commerçant n’est pas libre de choisir les procèdes qu’il trouve intéressent
pour écouler ses produits. En effet, certaines pratiques sont prohibées soit, par la loi, soit
par les usages de commerce dans le but de protéger aussi bien les autres concurrents que
le consommateur.
A- Les procèdes commerciaux prohibés par la loi :
La liberté du commerce et de l’industrie ne signifie pas que le commerçant puisse vendre
comme il veut, quand il veut et ce qu’il veut. En effet, la vente est soumise à une
réglementation bien particulière dont la prohibition lorsqu’il s’agit de l’utilisation de
procédés commerciaux de nature à fausser le jeu de la concurrence. Tel est le cas par
exemple de la vente à perte, ou encore la réglementation de la vente à primes ou
cadeaux.
Par ailleurs, le législateur reste très vigilant en ce qui concerne les éventuelles dérives et
dépassement pouvant avoir lieu en période de solde, de promotion et de liquidation ainsi
que la publicité qui peut entourer ces événements commerciaux et qui risque de s’avérer
parfois mensongère pour appâter le consommateur ,toujours, en quête de bonnes affaires
.
Ainsi, il promulgua dans ce sens la loi numéro 98-40 du 2 juin 1998 relative aux
techniques de ventes et à la publicité commerciale, qui a notamment organisé les
différentes manifestations commerciales. Il est par exemple admis que le commerçant ne
doit pas vendre en période de solde que les produits défraichis ou démodés après avoir
avisé le ministère du commerce.
Il en est de même pour les liquidations qui selon l’article 9 de la loi sont des « ventes
tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de la totalité ou d'une partie
des produits en possession d'un établissement commercial à la suite d'une décision de
cessation, de suspension instantanée ou changement d'activité, ou de modification
substantielle des conditions d'exploitation ».
La liquidation doit aussi avoir été autorisée par le ministère de commerce et ne doit pas
durer plus de 3 mois. Il est également interdit pour un seul commerçant de procéder
pour les mêmes motifs, à une deuxième opération de liquidation dans un même
gouvernorat si la période entre la 1ère liquidation et la 2ème n’a pas excédé une année
S’agissant des promotions, la loi dans son article 15 indique qu’elles sont :
« toute opération de vente ou de prestation de service accompagnée d'une réduction du
prix pratiquée, pendant une période limitée, en vue de lancer ou de relancer la vente
d'un ou plusieurs produits ou services. ». Ces promotions ne peuvent jamais avoir lieu
dans les 40 jours qui précédent la tenue des soldes.
Enfin, le législateur protège le concurrent contre la publicité mensongère en l’organisant
de telle sorte qu’il a donné des prérogatives importantes au ministre de commerce qui
peut saisir les tribunaux en cas de publicité portant sur :
-une activité non autorisée,
-les produits dont la commercialisation est interdite,

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-les produits qui ne sont pas disponibles sur le marché pendant la période de la publicité,
-les produits dont l'origine est inconnue.
Toute responsabilité découlant d’une publicité mensongère n’incombe pas uniquement
à l’annonceur mais peut échoir sur l’agent de publicité qui peut être considéré dans ce
cas comme complice et subir la même condamnation que l’annonceur
De plus, conscient de l’importance de la vente à crédit dans une économie de marché et
surtout des dangers qu’elle pourrait engendrer tels que l’endettement excessif des
particuliers et des ménages, le législateur a organisé par le biais de la loi numéro 98-39
du 2 juin 1998 relative à la vente à crédit cette modalité de vente en protégeant la partie
la plus faible dans les transaction, c'est-à-dire le consommateur. Il a en effet exigé la
formalité de l’écrit pour la validité du contrat de vente à crédit comme première mesure
à protéger le consommateur
Enfin, il est très important de relever que, pour une meilleure application de ces
dispositions ,le législateur a prévu d’engager la responsabilité pénale des contrevenants
dans le sens ou aussi bien le concurrent que le consommateur désabusés peuvent recourir
sciemment au procès civil que pénal pour recouvrer leurs droits bafoués par les procèdes
commerciaux prohibes par la loi. Ainsi, l’orientation pénale va dans le sens des amendes
qui peuvent aller de 100 à 10000d pour la transgression de la loi sur les ventes avec
réduction des prix et de 500 à 10000d pour la publicité mensongère.

B- Les procédés commerciaux contraires aux usages de commerce :


La jurisprudence a, depuis une évolution récente, condamné pour concurrence
déloyale, des pratiques qui n’étaient pas contraires à la loi mais qui transgressaient une
certaine déontologie commerciale censée régir implicitement les rapports entre les
individus.
Certes, les coutumes et les usages de commerce peuvent être une source de droit, mais
il n’est pas admis que l’usage ou la coutume aient un caractère obligatoire qui, lui,
distingue la règle juridique de la règle coutumière. Néanmoins, en matière commerciale
qui est une matière ne supportant pas le formalisme, les usages entre les commerçants
constituent un gage de sécurité pour la rapidité des transactions et la confiance entre les
operateurs. C’est pour préserver un tel acquis que la jurisprudence a pris la peine de
condamner sur la base de la violation de la déontologie commerciale des commerçants
qui avaient enfreint ces usages. (Accord entre une agence de voyage et un marchand de
souvenirs drainant des touristes, reprises de produits du concurrent lors de la signature
d’un contrat de fournitures à long terme…).
Par ailleurs, se pose la question de savoir si la pratique des prix anormalement bas
comme le discount constitue un procédé commercial contraire aux usages de commerce.
S’il est établit que la vente à perte est une pratique illégale. Force est de constater que le
jugement n’est pas aussi évident s’agissant de la vente à prix bas mais suffisant pour
échapper à l’incrimination de la vente à perte. D’autant plus que dans la cadre d’une
économie libérale, ce genre de pratique commerciale semble en harmonie avec le
principe de la concurrence par le prix, même si la finalité se situe souvent dans la
disparition de ceux qui ne résistent pas. Une situation qui fausse le jeu de la concurrence
mais combien même difficile à prouver sur la base de la concurrence déloyale. Ce qui

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amène les victimes à se tourner vers la base des pratiques anticoncurrentielles tel l’abus
de position dominante ou l’entente.
Paragraphe4 : L’utilisation illégitime de la réputation d’autrui :
L’une des pratiques les plus utilisée par les commerçants malhonnêtes constitue la
confusion qu’ils espèrent créée dans l’esprit des consommateurs en s’adonnant à
l’imitation ou à la contrefaçon d’un produit d’une notoriété certaine chez le
consommateur.
Cette pratique pénalise le commerçant victime, doublement :
D’abord, elle le prive d’une partie de sa clientèle et donc de sa prospérité légitime.
Ensuite, la confusion sème le doute dans l’esprit du consommateur qui se rendra
compte que le produit qu’il achetait ne répond plus au même degré de satisfaction
qu’auparavant, d’où une certaine déception, même si le droit sur la propriété industrielle
essaye de trouver une parade contre les risques de confusions.
Par ailleurs, cette imitation peut porter sur des éléments très divers, parmi lesquels, on
peut citer :
-l’imitation qui concerne les signes distinctifs.
-l’imitation qui concerne la présentation du produit.
-l’imitation de la publicité.
-l’imitation des produits eux même.
Les signes distinctifs portent, soit sur les marques, soit sur les enseignes et les noms
commerciaux. Aussi différentes que les marques puissent être par rapport aux enseignes
et autres nom commerciaux, aussi différentes sont les actions juridiques sont à
entreprendre.
Il est en effet, admis pour les marques, que le seul moyen de protection est l’action en
contrefaçon, s’agissant d’un titre de propriété qui se matérialise par l’exercice d’un droit
privatif et d’un monopole d’exploitation détenu par le titulaire de la marque.
En revanche, s’agissant des enseignes et autres nom commerciaux, ceux-ci ne constituent
pas des titres de propriétés et de ce fait, l’action en contrefaçon ne peut pas être évoquée.
Dans ce sens, seule l’action en concurrence déloyale peut constituer le fondement à
l’imitation de l’enseigne et du nom commercial et, pour ce faire, la preuve d’une
reproduction ou d’une imitation de nature à créer la confusion doit être apportée.
Effectivement, le risque de confusion n’est possible que lorsque l’imitation de l’enseigne
ou du nom commercial soit suffisamment proche de ce que l’on voudrait protéger. Pour
cela, les juges se basent sur le principe de la spécialité, en fonction du quel, le risque de
confusion est évident s’agissant d’enseignes ou de noms commerciaux qui sont proche
dans un même domaine d’activité. Il est en effet admis que la protection est d’autant plus
large que le nom commercial ou l’enseigne sont notoires.
En outre, l’imitation de la présentation des produits, et en particulier des emballages et
conditionnement constitue également un cas de concurrence déloyale dans la mesure où
il ya un risque de confusion. Tel est également le cas pour l’imitation de publicité, à la

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condition toutefois que le thème ne soit pas à ce point banal qu’il ne peut prétendre à
aucune protection.
Plus délicate est la question de l’imitation des produits eux-mêmes. La fameuse copie
servile crée en effet plusieurs problèmes de nature juridique.
Il faut tout d’abord distingué selon que le produit est ou non l’objet d’un brevet ou d’un
droit de dessin et modèle. Dans le 1er cas, sa reproduction est interdite, sous peine
d’action en contrefaçon. Dans le second cas, le principe du commerce et de l’industrie
s’oppose à ce qu’on contrôle la reproduction.
Toutefois, la question se pose avec acuité après la fin du monopole. Est-ce que l’action
en concurrence déloyale peut prendre le relais après la fin des monopoles ? Il faut alors
concilier entre les impératifs du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, et
ne pas prolonger par ce biais des monopoles sur des créations que le législateur veut
essentiellement temporaires
Une solution intermédiaire a été adoptée par les juges et en fonction de laquelle, si une
similitude parfaite entre la copie servile et le modèle original n’est pas imposée pour une
raison impérative, dans le sens ou l’imitateur aurait pu choisir une autre reproduction
que celle de l’originale, la similitude apparaît comme une attitude coupable, orientée vers
une recherche de confusion et à ce titre constitutive de concurrence déloyale.
Dans le cas contraire, la similitude peut s’expliquer et ne constituer que l’application
normale de la liberté du commerce et de l’industrie, en particulier lorsque l’imitation
servile porte sur une forme fonctionnelle, dont la reproduction à l’identique est imposée
par le but technique ne constitue pas un acte de concurrence déloyale. Le cas contraire
rendrait le monopole sur le brevet perpétuel, ce qui contredit la logique même du brevet.
Agir sur la base de la concurrence déloyale ne constitue pas la seule alternative prévue
par le droit de la concurrence. Combattre les pratiques anticoncurrentielles constitue
l’autre segment de ce droit.
L’action en concurrence déloyale retrouve alors son fondement dans les dispositions de
l’article 92 du code des obligations et des contrats qui reconnaît à celui qui s’en prévaut
une action civile et une action pénale. L’article 92 fonde alors l’action civile à chaque fois
que les conditions se vérifient.

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