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MEMOIRE

devant la Cour européenne des Droits de l’Homme

POUR : Monsieur . Skander VOGT, né le XXX 1980 à XXX, ayant la double


nationalité suisse et tunisienne, emprisonné dans l’Etablissement de la Plaine de
l’Orbe (E.P.O.), case postale 150, 1350 Orbe (Suisse)

Représenté par : Maître Isabelle COUTANT PEYRE, Avocat à la Cour


215 bis, Boulevard Saint Germain 75007 PARIS.
Tel 01.42.22.84.95 – Fax 01 42 22 16 69

CONTRE : CONFEDERATION HELVETIQUE

Violation des articles 3, 5, 6, 14, l’article 3 du Protocole n° 4 et l’article 4 du


Protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales
2

I - Exposé des faits

Monsieur Skander VOGT est né le 6 mars 1980 en Tunisie, à Tunis. A trois ans, après
la mort de sa mère, il est élevé d’abord par sa grand-mère maternelle, puis après le décès
de cette dernière par une tante.

Il s’en suit pour VOGT une scolarité chaotique rapidement marquée par un absentéisme
considérable.

En 1995, à l’age de 15 ans, Skander VOGT arrive en Suisse, accompagné de sa sœur


Senda. . Le Service de Protection de la Jeunesse (SPJ) est chargé de superviser leur
séjour en Suisse.

En 1996, le SPJ demande à la Justice de Paix de Lausanne la désignation d’un tuteur


professionnel.

En 1996 et 1997, Skander VOGT a été condamné par le Tribunal des mineurs pour une
série d’infractions délictuelles, et placé en maison d’éducation, mesure assortie d’un
traitement psychiatrique.

Le 6 mars 1998, il fait l’objet d’une libération conditionnelle.

Les 2 juin 1997, 22 février 1999, 23 février 2000 – M. VOGT fait l’objet de trois
expertises psychiatriques.
Une mesure d’internement prise sur la base de la dernière expertise.

Le 5 août 1999, le Tribunal correctionnel de Lausanne condamne M. VOGT à une


peine de 15 mois d’emprisonnement, sous déduction de 360 jours de détention
préventive, pour des atteintes à la propriété.

Le 10 janvier 2001, le Tribunal correctionnel de Lausanne condamne M. VOGT à une


peine de 20 mois d’emprisonnement, sous déduction de 415 jours de détention
préventive pour des voies de fait et insultes contre des fonctionnaires, mais ordonne
son internement dans le cadre de l’article 43 ch. 1 al. 2 CP.

Le 20 juin 2001, la Cour de Cassation pénale du tribunal cantonal confirme ce


jugement.

Le 15 novembre 2001, le Tribunal fédéral de Lausanne confirme l’arrêt de la Cour de


Cassation pénale du 20 juin 2001.
3

Le 28 janvier 2002 et le 20 février 2003, La Commission de libération refuse de


libérer à l’essai M. VOGT. Ces décisions sont confirmées par la Cour de Cassation
pénale le 24 mars 2003.

Le 22 janvier 2004, La Commission de libération refuse de nouveau, à deux reprises,


de libérer à l’essai M. VOGT. Ces décisions sont confirmées par la Cour de Cassation
pénale le 19 février 2004 et du 4 mars 2005.

Le 19 février 2004 et le 4 mars 2005, nouveau refus de libérer à l’essai M. VOGT

Le 7 janvier 2004, condamnation pour avoir fait naître un danger collectif en « boutant
le feu » à la cellule forte dans laquelle il avait été placé.

Le 12 mai 2005, placement de M. VOGT en section de sécurité renforcée aux EPO


(Etablissement de la Plaine de l’Orbe) pour 6 mois.

Le 24 mai 2005, le Tribunal Correctionnel condamne M. VOGT pour incendie de peu


d’importance à la peine de 4 mois d’emprisonnement et suspend la peine précitée au
profit de l’internement en cours de M. VOGT.

Le 25 mai 2005, transfert à la demande de M. VOGT au pénitencier de Pöschwies.

Le 22 juillet 2005, placement en section haute sécurité aux établissements de Thoerberg


pour 6 mois.

Le 3 août 2005, transfert aux établissements de Throberg Krauchtal. .

Le 5 août 2005, placement à l’hôpital de l’Ile à Bern.

Le 12 août 2005, M. VOGT réintègre les EPO. Nouvelle décision de placement en


section de sécurité renforcée pour 6 mois.

Le 30 septembre 2005, décision du service pénitentiaire de condamnation à 15 jours


d’arrêt disciplinaire sans travail pour le motif d’une altercation avec le personnel
pénitentiaire.

Le 13 décembre 2005, l’avis de la Commission interdisciplinaire consultative


(concernant les délinquants nécessitant une prise en charge psychiatrique) constate après
une période de relative stabilisation de l’état de M. VOGT pendant le séjour à
Pöschwies, « la réitération des difficultés que M. VOGT est capable de causer à son
entourage par ses troubles de comportement justifiant à nouveau la mise en œuvre d’un
cadre strict et contenant. »
4

Le 18 janvier 2006, rapport de la Direction des EPO, constatant une amélioration de


l’attitude de M. VOGT au sein de l’atelier occupationnel qu’il fréquente quelques
heures depuis le 10 janvier 2006.

Le 10 février 2006, décision du service pénitentiaire de poursuivre le placement de M.


VOGT en section de sécurité renforcée pour 6 mois.

Le 13 février 2006, le service pénitentiaire préavise défavorablement à la libération à


l’essai et propose le maintien de la mesure d’internement.

Le 16 mars 2006, décision de la Commission de libération du département de la


sécurité et de l’environnement du canton de Vaud refusant à M. VOGT la libération à
l’essai et ordonnant la poursuite de la mesure de l’internement au sens de l’article 43
chiffre 1 alinéa 2 CP pour une durée indéterminée.

Le 10 mai 2006, rejet par la Cour de Cassation pénale du recours de M. VOGT contre
la décision du 16 mars 2006 de la Commission de libération et refus d’accorder à M.
VOGT une expertise psychiatrique et un traitement thérapeutique.

Le 5 juillet 2006, arrêt de rejet du recours devant la Cour de Cassation pénale du


Tribunal fédéral contra l’arrêt rendu le 10 mai 2006 par la Cour de Cassation pénale
sous le motif « qu’il n’y a pas de violation du droit fédéral suisse. »

Cette dernière décision épuise les voies de recours en droit interne et permet la saisine
de la Cour.

La situation de Monsieur Skander VOGT est donc la suivante :

A ce jour, Monsieur VOGT est toujours emprisonné en milieu carcéral, la plupart


du temps en section dite de sécurité renforcée, sans aucune condamnation pénale
depuis janvier 2001, peine dont l’exécution était terminée en juin 2001, et ce, pour
une durée indéfinie.
Il s’agit d’une mesure coercitive privant Monsieur Skander VOGT de sa liberté, selon
des critères arbitraires.

Les décisions judiciaires et pénitentiaires de la Confédération helvétiques, rendues


contre Monsieur Skander VOGT, violent les articles 3, 5, 6, 14 de la Convention,
l’article 3 du Protocole n° 4 et l’article 4 du Protocole n° 7.
5

III Violations de la Convention

III-1 Premier Grief : Violation de l’article 5 de la Convention

A) Dispositions pertinentes en droit interne

Article 43 ch 1 du Code pénal suisse

1 al 1 :Lorsque l’état mental du délinquant ayant commis, en rapport avec cet état, un
acte punissable de réclusion ou d’emprisonnement en vertu du présent code, exige un
traitement médical ou des soins spéciaux et à l’effet d’éliminer ou d’atténuer le danger
de voir le délinquant commettre d’autres actes punissables, le juge pourra ordonner le
renvoi dans un hôpital ou un hospice. Il pourra ordonner un traitement ambulatoire si le
délinquant n’est pas dangereux pour autrui.

1 al 2 Si, en raison de son état mental, le délinquant compromet gravement la sécurité


publique et si cette mesure est nécessaire pour prévenir la mise en danger d’autrui, le
juge ordonnera l’internement. Celui-ci sera exécuté dans un établissement approprié.

1 al 3 Le juge rendra son jugement au vu d’une expertise sur l’état physique et mental
du délinquant, ainsi que sur la nécessité d’un internement, d’un traitement ou de soins.

2 al 1 En cas d’internement ou de placement dans un hôpital ou un hospice,, le juge


suspendra d’exécution d’une peine privative de liberté.

(…)

B) Sur les violations de l’article 5 de la Convention

L’article 5 veille à ce que nul ne soit arbitrairement privé de sa liberté individuelle.

A cet égard, la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre


l’obligation d’en respecter les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de
surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger
l’individu contre l’arbitraire.

Il faut non seulement que la privation de liberté ait lieu conformément au droit interne,
mais il faut aussi que le droit interne « se conforme lui-même à la Convention, y
compris les principes généraux énoncés et impliqués par elle. » (arrêt Winterwerp).

A l’évidence, l’article 43 ch 1 du Code pénal suisse n’est pas conforme aux


prescriptions de l’article 5 de la Convention.
6

En outre, l’incarcération de Monsieur Skander VOGT dans un établissement


pénitentiaire, sur le fondement de l’article 43 ch 1 du Code pénal suisse, constitue elle-
même un violation de cet texte de droit suisse, puisque l’internement médical prévu par
ce texte doit se substituer à l’emprisonnement pénal.

Or Skander VOGT, depuis le jugement se référant à l’article 43 ch 1 du Code pénal


suisse, se trouve privé de sa liberté dans des établissement pénitentiaires suisses,
déplacé très fréquemment de l’un à l’autre et au surplus, soumis la plupart du temps à
un régime de sécurité renforcée, le privant de ses droits essentiels.

Dans le cas de Skander VOGT, ce dernier a été considéré, d’après sa troisième expertise
en 2000, comme souffrant de troubles de la personnalité et de troubles psychotiques.
C’est au prétexte de cette expertise, dont il sera démontré l’absence de fiabilité et de
sérieux, que l’internement de Skander VOGT a été ordonné par le juge suisse, sur la
base de l’article 43 ch. 1 al. 2 CP en 2001 et pour une durée indéterminée et se
trouve reclus dans divers établissement pénitentiaires suisses, ce qui n’est même pas
conforme à ce texte.

Aussi, quand bien même M. VOGT aurait besoin d’une assistance psychologique
qualifiée, la réponse par l’emprisonnement, et surtout, lorsque celui-ci est ordonné pour
une durée indéterminée, constitue une violation grossière de la Convention.

En effet, la Cour européenne dans son arrêt Ashingdane rappelle que « la détention
d’une personne comme malade mentale, n’est « régulière » au regard de « cette
disposition » (article 5) que si elle se déroule dans un hôpital, une clinique ou un autre
établissement approprié, à ce habilité ».

En outre, la détention en section de haute sécurité dans une prison, comme la


Confédération suisse l’impose à M. VOGT, viole encore plus gravement les conditions
fixées par l’arrêt Ashingdane.

La situation illégale subie par Skander VOGT résulterait d’un manque de places
disponibles ailleurs que dans les prisons !
Un courriel du 29/06/2001 au sujet de Skander VOGT, émis de la part d’André
Vallotton, à l’époque, chef du service pénitentiaire (….) destiné à Jean-Luc Pochon
(…), en copie pour Anne-Laure Pages, André Vallotton affirme que dans le cas de
VOGT « la priorité serait donnée aux Bernois, et il y a déjà une liste d’attente. Ce n’est
donc pas une solution envisageable et la seule piste disponible est le pénitencier ».
7

Il n’est pas insignifiant de noter qu’ultérieurement, le même André Valloton est devenu
la voix univoque du C.I.C. (Commission Interdisciplinaire Consultative), l’organisme
de contrôle des détentions dont le rôle sera évoqué plus loin en page 10.

Il s’ensuit que les autorités suisses n’ont même pas appliqué leur propre texte légal,
lequel viole l’article 5 de la Convention, mais imposent à Skander VOGT une solution
qui leur convient, selon leurs disponibilités, et dans le cas de VOGT c’est le pénitencier
à durée indéterminée.

Le Tribunal fédéral affirme que l’article 43 ch. 1 al. 2 CP est correctement appliqué par
le Tribunal correctionnel de Lausanne et par la Commission de libération, mais cette loi
apparaît comme un moyen de répression arbitraire, ressemblant étrangement à ce que
décrivait Georges Orwell dans son ouvrage prémonitoire publié en 1946 sous le titre
« 1984 ».

L’emprisonnement de Monsieur Skander VOGT constitue une atteinte flagrante à la


liberté individuelle au sens de l’article 5 de la Convention, dans la mesure où, dans
l’espèce, en cas de doute par rapport à l’état mental et psychologique du détenu, la Cour
fédéral suisse privilégie la sécurité publique, et non l’individu.

Il apparaît en outre que les avis de psychiatres auxquels la Confédération Suisse prétend
se référer pour procéder à l’internement de Skander VOGT ne sont pas fiables.

La seule lecture de certains échanges de correspondances entre des psychiatres qui


décident de la prolongation de l’internement de Skander VOGT pour une durée
indéfinie, permet de se poser des questions sur leur propre équilibre mental et
psychologique, tant leurs préoccupations paraissent infantiles.

De plus, il est permis de douter de la fiabilité du rapport du Dr Niveau, auteur de


l’expertise à laquelle se réfèrent les autorités suisses pour appliquer l’article 43 ch. 1 al.
2 CP à Monsieur Skander VOGT, celui-ci concluant à une solution d’internement dans
le cadre de l’article précité mais, lors de son audition, attribuant le comportement de
Skander VOGT à l’absorption d’une substance indéterminée le soir le 15 novembre
1999, de sorte que le seul traitement utile ressortirait de la désintoxication et non pas de
la répression.

En effet, le Dr Niveau déclarait qu’en l’absence de consommation d’une telle substance,


VOGT ne présenterait pas de troubles psychotiques et pourrait contrôler son agressivité
8

(in arrêt 20 juin 2001 de la Cour de cassation pénale du Canton de Vaud, page 7 et
arrêt du tribunal fédéral suisse du 15 novembre 2001, page 10).

Le Dr Niveau soutenait donc, en fin de compte, que seule la consommation de drogue


rendait Skander VOGT agressif.

Le Tribunal ordonnait cependant son internement sur le fondement de l’article 43 ch. 1


al. 2 CP.

Toutes les demandes de contre expertise de Skander VOGT ont été rejetées par la
Commission de libération ; ces refus ont été confirmés par le Tribunal fédéral au motif
qu’il n’y avait pas d’amélioration ou de changements significatifs dans son
comportement, et cela sur la seule foi des affirmations des fonctionnaires pénitentiaires.

En refusant une nouvelle expertise et en maintenant Monsieur VOGT en détention


carcérale en application de l’article 43 ch. 1 al. 2 CP pour une durée indéterminée,
celui-ci se trouve privé de la connaissance d’un délai et d’une date de libération, ce qui
caractérise la situation arbitraire dont il est victime de la part des autorités suisses.

En effet, les critères d’application de ce texte permettent tous les abus, et sont subjectifs,
anticipant le comportement de la personne concernée.

Ainsi lit-on dans la décision du 20 Juin 2001 de la Cour de cassation pénale du Canton
de Vaud (page 16 et suivantes):
«L’internement d’un délinquant en vertu de l’article 43 ch. 1 al.2 CP suppose que, du
fait de son état mental, l’intéressé compromette gravement la sécurité publique et que
cette mesure soit nécessaire pour prévenir la mise en danger d’autrui..
(…)
Déterminer quel est l’état physique et mental de l’auteur, si cet état l’expose à la
récidive, si l’auteur est accessible à une traitement et, le cas échéant, s’il est apte à être
traité, de même que la question de savoir si un traitement ambulatoire serait
compatible avec l’exécution de la peine, est une question de fait à laquelle le juge doit
répondre au vu d’une expertise. En revanche, le point de savoir si, au vu des faits
retenus, les conditions d’application de l’article 43 ch. 1 al.2 CP sont réalisées, c’est à
dire si l’auteur compromet gravement la sécurité publique et si l’internement est
nécessaire pour prévenir la mise en danger d’autrui, est une question de droit. Pour
juger si la sécurité publique est gravement compromise, il faut tenir compte non
seulement de l’imminence et de la gravité du danger, mais encore de la nature et de
l’importance du bien menacé.
(…)
9

Le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert qu’il a mis en œuvre.
(…)
Enfin, on précisera encore que l’application de l’article 43 CP suppose une anomalie
mentale, et même une anomalie qualifiée, si l’on peut dire. (…) »

Il faut constater que les juges eux-même se contredisent en indiquant que la question de
fait est évaluée par une expertise, puis plus loin, que le juge n’est pas lié par l’expertise.

De plus, comme indiqué plus haut, l’expert lui-même (Le Dr Niveau), lorsqu’il fut
entendu aux débats, concluait que les actes commis par Skander VOGT et pour lesquels
il était poursuivi, résultaient de l’ingestion d’une substance stupéfiante, sans laquelle il
ne serait pas comporté de la sorte.

Or, les juges rappellent que l’application de l’article 43 CP n’est possible que dans le
cas d’une anomalie mentale, et même une anomalie qualifiée, si l’on peut dire.

Aucune expertise fiable ne démontre une quelconque anomalie mentale qui affecterait le
comportement de Skander VOGT.

Ainsi, il apparaît que l’article 43 ch. 1 al. 2 CP suisse permet l’application de mesures
arbitraires.

L’article 43 ch. 1 al. 2 CP suisse instituant un régime d’internement dans des


établissements pénitentiaires n’est donc pas conforme aux prescriptions de l’article 5 de
la Convention.

Il suffit d’ailleurs de constater que la peine prononcée le 9 janvier 2001 par le


Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, était de 20 mois
d’emprisonnement, sous déduction de 415 jours de détention préventive.

Monsieur Skander VOGT, même dans l’hypothèse d’une privation intégrale de


remise de peine, aurait dû être libéré début juin 2001.

Il est cependant toujours emprisonné dans un établissement pénitentiaire, exclusivement


sur la base d’un texte suisse, dont les critères d’applications violent lourdement les
dispositions de l’article 5 de la Convention, puisque son emprisonnement ne se réfère
qu’à des opinions subjectives de psychiatres et de juges et qu’aucun délai n’est fixé
pour sa libération.
10

III – 2 Deuxième Grief : Violation de l’article 3 de la Convention

A l’illégalité de l’emprisonnement de Monsieur Skander VOGT dans un pénitencier,


s’ajoutent les mesures discriminatoires et xénophobes que lui font subir les
fonctionnaires pénitentiaires suisses.

En effet, les autorités suisses, non seulement ne cessent de le déplacer d’un lieu
d’emprisonnement à un autre, mais lui le placent aussi de manière quasiment
permanente en « Section de sécurité renforcée », lui imposant ainsi un isolement social
total, en lui interdisant de participer aux activités collectives.

A la lecture de la décision du 7 août 2006 du service pénitentiaire Département de la


Sécurité et de l’environnement du Canton de Vaud, la Cour pourra constater que
Monsieur Skander VOGT

Depuis le 19 janvier 2001, c’est à 13 reprises que Skander VOGT a été placé en
« Section de sécurité renforcée » et transféré d’une prison à une autre, à 19
reprises.

Sa libération a été refusée 5 reprises.

Il est significatif de lire dans cette décision le motif réel de maintien de Skander VOGT
dans une prison, à savoir :

« Le rapport du 10 mai 2006 de la Direction des Etablissements de la plaine de l’Orbe


dont il ressort pour l’essentiel que le comportement du prénommé envers le personnel
est correct et adéquat, que toutefois, il n’a pas respecté une des conditions émises lors
de la dernière évaluation, c’est à dire accepter des entretiens avec sa thérapeute, qu’il
persiste dans son discours de ‘croisade’ contre les institutions, que le cadre à un effet
contenant et rassurant pour lui et préconisant dès lors que l’intéressé reste en régime
de sécurité renforcé »

et le chef de service du service pénitentiaire Département de la Sécurité et de


l’environnement du Canton de Vaud d’en conclure :

«(…) « Le 23 décembre 2005, la CIC composée de différents spécialistes en psychiatrie


(sic), était d’avis que le dispositif de prise en charge devrait être entretenu, aussi
longtemps que l’état de Skander VOGT le nécessitera,
Que dès lors le 10 février 2006, le placement de l’intéressé a été maintenu pour une
durée de 6 mois,
11

Que pour l’heure, l’amélioration qui a pu être relevée dépend essentiellement du cadre
sécurisant dans lequel est placé le prénommé,
(…)
qu’il est ainsi à relever qu’il n’y a aucun motif tangible pour changer de régime pour le
moment, mais qu’il se justifie, en revanche, de maintenir le placement de l’intéressé en
régime de sécurité renforcé,

ordonne

le maintien du placement de Skander VOGT en section de haute sécurité aux


Etablissements de la plaine de l’Orbe (…)

Il convient de noter que la CIC (Commission Interdisciplinaire Consultative) ne rend


jamais visite à Monsieur Skander VOGT. Cette référence constitue un artifice
mensonger des autorités suisses.

Il apparaît ainsi qu’outre la détention arbitraire de Monsieur Skander VOGT dans des
établissements pénitentiaires suisses, s’ajoutent des mesures pénitentiaires répressives et
spéciales, tout aussi arbitraires, dénotant un acharnement à son encontre et une volonté
de destruction de sa personnalité.

A la violation de l’article 5 de la Convention, s’ajoutent les pratiques interdites par


l’article 3 de la Convention.

III – 3 Troisième Grief : Violation de l’article 6 de la Convention

La situation de Monsieur Skander VOGT constitue également une violation de l’article


6 de la Convention, dans la mesure où son incarcération dépend uniquement de l’avis de
psychiatres et de fonctionnaires.

La décision dont des extraits ont été rapportés ci-dessus démontre le caractère partial,
inéquitable et non indépendant des personnes qui décident de son maintien en
incarcération, dans un régime de haute sécurité, en l’absence de tout débat public.

Aucune des décisions qui se sont succédées depuis l’année 2001, soumettant Skander
VOGT à un emprisonnement illégal, ne sont conformes aux prescriptions de l’article 6
de la Convention.
12

III – 4 Quatrième Grief : Violation de l’article 14 de la Convention

Il apparaît également à la lecture des opinions émises à propos de Monsieur Skander


VOGT, qu’il fait l’objet d’une répression en vue de sa mise en conformité avec des
critères culturels qui en sont probablement pas les siens, à savoir la docilité et la
soumission à un ordre établi dont il conteste la moralité.

Le critère retenu par le chef de service du service pénitentiaire Département de la


Sécurité et de l’environnement du Canton de Vaud pour maintenir Skander VOGT sous
ce régime, à savoir :
« qu’il persiste dans son discours de ‘croisade’ contre les institutions »
démontre qu’il s’agit bien d’une répression contre ses opinions.

Monsieur Skander VOGT est donc victime d’une violation de l’article 14 de la


Convention, de la part des autorités suisses.

III – 5 - Cinquième Grief :Violation de l’article 4 du Protocole n° 7

Il est établi que Skander VOGT aurait du retrouver sa liberté en juin 2001, alors qu’il se
trouve toujours en 2006 détenu dans des établissements pénitentiaires au motif d’un
texte suisse qui constitue une mesure pénale portant atteinte à la liberté, sans aucune
base nouvelle que celle qui a provoqué le jugement du Tribunal correctionnel de
Lausanne en janvier 2001.

Les autorités suisses font état d’un jugement du 24 mars 2005 prononcé par le tribunal
correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, à une peine de 4 mois
suspendue au profit de l’internement en courts « pour incendie de peu d’importance ».

Or, cet « incendie de peu d’importance », survenu dans la cellule de Skander VOGT
n’est que la conséquence directe de son internement illégal.

Cette condamnation est entachée de l’illégalité de la présence de Skander VOGT dans


une prison. Il ne saurait en être tenu compte pour légaliser sa présence dans les prisons
suisses.

La situation de Skander VOGT constitue bien une violation de l’article 4 du Protocole


n° 7, en ce que à la peine pénale prononcée contre lui et exécutée s’est poursuivie
13

depuis juin 2001 jusqu’à aujourd’hui, alors qu’elle était intégralement exécutée depuis
juin 2001, sans qu’aucun délai ne soit fixé pour lui restituer sa liberté.

III – 6 Violation de l’article 3 du Protocole n° 4

Skander VOGT a une double nationalité, la nationalité suisse par son père et la
nationalité tunisienne par sas mère.

Or, les autorités suisses l’expulsèrent vers la Tunisie en 1996.

Ce grief, quoique invoqué hors du délai fixé par la Convention, doit cependant être
évoqué comme témoignant d’une autre pratique des autorités suisses, en violation des
dispositions que la Suisse comme tout autre Etat doit respecter.

Skander VOGT relate que cette expulsion faisait suite à un ordre donné par un juge
dénommée Madame H. Chatelain, présidente du Tribunal des mineurs, alors qu’aucune
décision écrite ne lui a été remise.
La police des étrangers s’emparait alors de Skander VOGT, âgé de 16 ans, et le plaçait
dans un vol vers la Tunisie, sans qu’aucun membre de sa famille n’en soit prévenu.

Celui-ci revenait en Suisse le 1er mars 1997, la Présidente du Tribunal des mineurs
déclarant à son retour qu’elle avait oublié qu’il était suisse.

A travers cet exemple, la Cour ne pourra que constater la désinvolture avec laquelle la
Confédération helvétique traite les textes légaux de droit interne et les conventions
qu’elle a pourtant ratifiée.

IV – Satisfaction équitable et dépens (article 50 de la Convention)

IV 1 – Satisfaction équitable

Il est demandé à la Cour de :

- Pour les motifs exposés par le requérant et tous autres à produire, déduire ou suppléer,
même d’office, il est demandé à la Cour de déclarer constituée la violation grave et
caractérisée par la Confédération helvétique des articles3, 5, 6, 14 de la Convention,
l’article 3 du Protocole n° 4 et l’article 4 du Protocole n° 7.

- Constater que l’article 43 ch. 1 du Code pénal suisse ne garantit pas le respect de
l’article 5 de la Convention, et qu’en tous cas, Monsieur Skander VOGT fait l’objet
d’une application non fondée et arbitraire de ce texte.

IV 2 Indemnisation du dommage

L’emprisonnement illégal subi par Monsieur Skander VOGT dans des établissements
pénitentiaires suisses depuis juin 2001, soit depuis plus de cinq années, dans les
conditions décrites dans le présent mémoire, lui cause un préjudice exceptionnellement
grave qui doit s’évaluer à la somme de 500.000 euros, toutes causes confondues,
indemnisation que la Confédération helvétique sera condamnée à payer au requérant.
15

IV 3– Frais et dépens

Au titre des dépens, il est demandé à la Cour de condamner Confédération helvétique à


rembourser :

Les sommes engagées pour le présent recours, soit, une somme totale de 10.000 euros
(avocat : frais d’étude de dossier, de recherche, de documentation, de correspondances
et honoraires).

Fait à Paris, le 9 novembre 2006


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Pièces jointes

- Mémoire à l’appui de la requête


- Deux mémoires manuscrits de Monsieur Skander Vogt
- Un dossier de Monsieur Skander Vogt
- 9 janvier 2001 jugement du Tribunal correctionnel du Canon de Vaud
- 20 juin 2001 arrêt de la cour de cassation cantonale
- 15 novembre 2001 arrêt de la cour de cassation fédérale
- 4 mars 2005 décision de la Commission de libération du Canton de Vaud
- 13 janvier 2006 avis de la CIC
- Décision du service pénitentiaire du 10 février 2006
- 16 mars 2006 décision de la Commission de libération du Canton de Vaud
- 30 mars 2006 Lettre du service pénitentiaire
- 3 avril 2006 Lettres de M. Skander Vogt au service psychiatrique et à la
direction de la prison
- 10 mai 2006 décision de la Cour de cassation cantonale (recours)
- 6 juin 2006 Lettre du service médical et psychiatrique pénitentiaire
- 5 juillet 2006 décision de la Cour de cassation fédérale (dernier recours)
- 13 juillet 2006 lettre de la direction de la prison à M. Vogt
- 24 juillet 2006 lettre de M. Vogt au service médical
- 7 août 2006 Décision du service pénitentiaire sur le maintien en section de haute
sécurité
- 11 août 2006 lettre de M. Vogt à la direction de la prison
- 14 août 2006 lettre de M. Vogt au Tribunal cantonal

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