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Monsieur Skander VOGT est né le 6 mars 1980 en Tunisie, à Tunis. A trois ans, après
la mort de sa mère, il est élevé d’abord par sa grand-mère maternelle, puis après le décès
de cette dernière par une tante.
Il s’en suit pour VOGT une scolarité chaotique rapidement marquée par un absentéisme
considérable.
En 1996 et 1997, Skander VOGT a été condamné par le Tribunal des mineurs pour une
série d’infractions délictuelles, et placé en maison d’éducation, mesure assortie d’un
traitement psychiatrique.
Les 2 juin 1997, 22 février 1999, 23 février 2000 – M. VOGT fait l’objet de trois
expertises psychiatriques.
Une mesure d’internement prise sur la base de la dernière expertise.
Le 7 janvier 2004, condamnation pour avoir fait naître un danger collectif en « boutant
le feu » à la cellule forte dans laquelle il avait été placé.
Le 10 mai 2006, rejet par la Cour de Cassation pénale du recours de M. VOGT contre
la décision du 16 mars 2006 de la Commission de libération et refus d’accorder à M.
VOGT une expertise psychiatrique et un traitement thérapeutique.
Cette dernière décision épuise les voies de recours en droit interne et permet la saisine
de la Cour.
1 al 1 :Lorsque l’état mental du délinquant ayant commis, en rapport avec cet état, un
acte punissable de réclusion ou d’emprisonnement en vertu du présent code, exige un
traitement médical ou des soins spéciaux et à l’effet d’éliminer ou d’atténuer le danger
de voir le délinquant commettre d’autres actes punissables, le juge pourra ordonner le
renvoi dans un hôpital ou un hospice. Il pourra ordonner un traitement ambulatoire si le
délinquant n’est pas dangereux pour autrui.
1 al 3 Le juge rendra son jugement au vu d’une expertise sur l’état physique et mental
du délinquant, ainsi que sur la nécessité d’un internement, d’un traitement ou de soins.
(…)
Il faut non seulement que la privation de liberté ait lieu conformément au droit interne,
mais il faut aussi que le droit interne « se conforme lui-même à la Convention, y
compris les principes généraux énoncés et impliqués par elle. » (arrêt Winterwerp).
Dans le cas de Skander VOGT, ce dernier a été considéré, d’après sa troisième expertise
en 2000, comme souffrant de troubles de la personnalité et de troubles psychotiques.
C’est au prétexte de cette expertise, dont il sera démontré l’absence de fiabilité et de
sérieux, que l’internement de Skander VOGT a été ordonné par le juge suisse, sur la
base de l’article 43 ch. 1 al. 2 CP en 2001 et pour une durée indéterminée et se
trouve reclus dans divers établissement pénitentiaires suisses, ce qui n’est même pas
conforme à ce texte.
Aussi, quand bien même M. VOGT aurait besoin d’une assistance psychologique
qualifiée, la réponse par l’emprisonnement, et surtout, lorsque celui-ci est ordonné pour
une durée indéterminée, constitue une violation grossière de la Convention.
En effet, la Cour européenne dans son arrêt Ashingdane rappelle que « la détention
d’une personne comme malade mentale, n’est « régulière » au regard de « cette
disposition » (article 5) que si elle se déroule dans un hôpital, une clinique ou un autre
établissement approprié, à ce habilité ».
La situation illégale subie par Skander VOGT résulterait d’un manque de places
disponibles ailleurs que dans les prisons !
Un courriel du 29/06/2001 au sujet de Skander VOGT, émis de la part d’André
Vallotton, à l’époque, chef du service pénitentiaire (….) destiné à Jean-Luc Pochon
(…), en copie pour Anne-Laure Pages, André Vallotton affirme que dans le cas de
VOGT « la priorité serait donnée aux Bernois, et il y a déjà une liste d’attente. Ce n’est
donc pas une solution envisageable et la seule piste disponible est le pénitencier ».
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Il n’est pas insignifiant de noter qu’ultérieurement, le même André Valloton est devenu
la voix univoque du C.I.C. (Commission Interdisciplinaire Consultative), l’organisme
de contrôle des détentions dont le rôle sera évoqué plus loin en page 10.
Il s’ensuit que les autorités suisses n’ont même pas appliqué leur propre texte légal,
lequel viole l’article 5 de la Convention, mais imposent à Skander VOGT une solution
qui leur convient, selon leurs disponibilités, et dans le cas de VOGT c’est le pénitencier
à durée indéterminée.
Le Tribunal fédéral affirme que l’article 43 ch. 1 al. 2 CP est correctement appliqué par
le Tribunal correctionnel de Lausanne et par la Commission de libération, mais cette loi
apparaît comme un moyen de répression arbitraire, ressemblant étrangement à ce que
décrivait Georges Orwell dans son ouvrage prémonitoire publié en 1946 sous le titre
« 1984 ».
Il apparaît en outre que les avis de psychiatres auxquels la Confédération Suisse prétend
se référer pour procéder à l’internement de Skander VOGT ne sont pas fiables.
(in arrêt 20 juin 2001 de la Cour de cassation pénale du Canton de Vaud, page 7 et
arrêt du tribunal fédéral suisse du 15 novembre 2001, page 10).
Toutes les demandes de contre expertise de Skander VOGT ont été rejetées par la
Commission de libération ; ces refus ont été confirmés par le Tribunal fédéral au motif
qu’il n’y avait pas d’amélioration ou de changements significatifs dans son
comportement, et cela sur la seule foi des affirmations des fonctionnaires pénitentiaires.
En effet, les critères d’application de ce texte permettent tous les abus, et sont subjectifs,
anticipant le comportement de la personne concernée.
Ainsi lit-on dans la décision du 20 Juin 2001 de la Cour de cassation pénale du Canton
de Vaud (page 16 et suivantes):
«L’internement d’un délinquant en vertu de l’article 43 ch. 1 al.2 CP suppose que, du
fait de son état mental, l’intéressé compromette gravement la sécurité publique et que
cette mesure soit nécessaire pour prévenir la mise en danger d’autrui..
(…)
Déterminer quel est l’état physique et mental de l’auteur, si cet état l’expose à la
récidive, si l’auteur est accessible à une traitement et, le cas échéant, s’il est apte à être
traité, de même que la question de savoir si un traitement ambulatoire serait
compatible avec l’exécution de la peine, est une question de fait à laquelle le juge doit
répondre au vu d’une expertise. En revanche, le point de savoir si, au vu des faits
retenus, les conditions d’application de l’article 43 ch. 1 al.2 CP sont réalisées, c’est à
dire si l’auteur compromet gravement la sécurité publique et si l’internement est
nécessaire pour prévenir la mise en danger d’autrui, est une question de droit. Pour
juger si la sécurité publique est gravement compromise, il faut tenir compte non
seulement de l’imminence et de la gravité du danger, mais encore de la nature et de
l’importance du bien menacé.
(…)
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Le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert qu’il a mis en œuvre.
(…)
Enfin, on précisera encore que l’application de l’article 43 CP suppose une anomalie
mentale, et même une anomalie qualifiée, si l’on peut dire. (…) »
Il faut constater que les juges eux-même se contredisent en indiquant que la question de
fait est évaluée par une expertise, puis plus loin, que le juge n’est pas lié par l’expertise.
De plus, comme indiqué plus haut, l’expert lui-même (Le Dr Niveau), lorsqu’il fut
entendu aux débats, concluait que les actes commis par Skander VOGT et pour lesquels
il était poursuivi, résultaient de l’ingestion d’une substance stupéfiante, sans laquelle il
ne serait pas comporté de la sorte.
Or, les juges rappellent que l’application de l’article 43 CP n’est possible que dans le
cas d’une anomalie mentale, et même une anomalie qualifiée, si l’on peut dire.
Aucune expertise fiable ne démontre une quelconque anomalie mentale qui affecterait le
comportement de Skander VOGT.
Ainsi, il apparaît que l’article 43 ch. 1 al. 2 CP suisse permet l’application de mesures
arbitraires.
En effet, les autorités suisses, non seulement ne cessent de le déplacer d’un lieu
d’emprisonnement à un autre, mais lui le placent aussi de manière quasiment
permanente en « Section de sécurité renforcée », lui imposant ainsi un isolement social
total, en lui interdisant de participer aux activités collectives.
Depuis le 19 janvier 2001, c’est à 13 reprises que Skander VOGT a été placé en
« Section de sécurité renforcée » et transféré d’une prison à une autre, à 19
reprises.
Il est significatif de lire dans cette décision le motif réel de maintien de Skander VOGT
dans une prison, à savoir :
Que pour l’heure, l’amélioration qui a pu être relevée dépend essentiellement du cadre
sécurisant dans lequel est placé le prénommé,
(…)
qu’il est ainsi à relever qu’il n’y a aucun motif tangible pour changer de régime pour le
moment, mais qu’il se justifie, en revanche, de maintenir le placement de l’intéressé en
régime de sécurité renforcé,
ordonne
Il apparaît ainsi qu’outre la détention arbitraire de Monsieur Skander VOGT dans des
établissements pénitentiaires suisses, s’ajoutent des mesures pénitentiaires répressives et
spéciales, tout aussi arbitraires, dénotant un acharnement à son encontre et une volonté
de destruction de sa personnalité.
La décision dont des extraits ont été rapportés ci-dessus démontre le caractère partial,
inéquitable et non indépendant des personnes qui décident de son maintien en
incarcération, dans un régime de haute sécurité, en l’absence de tout débat public.
Aucune des décisions qui se sont succédées depuis l’année 2001, soumettant Skander
VOGT à un emprisonnement illégal, ne sont conformes aux prescriptions de l’article 6
de la Convention.
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Il est établi que Skander VOGT aurait du retrouver sa liberté en juin 2001, alors qu’il se
trouve toujours en 2006 détenu dans des établissements pénitentiaires au motif d’un
texte suisse qui constitue une mesure pénale portant atteinte à la liberté, sans aucune
base nouvelle que celle qui a provoqué le jugement du Tribunal correctionnel de
Lausanne en janvier 2001.
Les autorités suisses font état d’un jugement du 24 mars 2005 prononcé par le tribunal
correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, à une peine de 4 mois
suspendue au profit de l’internement en courts « pour incendie de peu d’importance ».
Or, cet « incendie de peu d’importance », survenu dans la cellule de Skander VOGT
n’est que la conséquence directe de son internement illégal.
depuis juin 2001 jusqu’à aujourd’hui, alors qu’elle était intégralement exécutée depuis
juin 2001, sans qu’aucun délai ne soit fixé pour lui restituer sa liberté.
Skander VOGT a une double nationalité, la nationalité suisse par son père et la
nationalité tunisienne par sas mère.
Ce grief, quoique invoqué hors du délai fixé par la Convention, doit cependant être
évoqué comme témoignant d’une autre pratique des autorités suisses, en violation des
dispositions que la Suisse comme tout autre Etat doit respecter.
Skander VOGT relate que cette expulsion faisait suite à un ordre donné par un juge
dénommée Madame H. Chatelain, présidente du Tribunal des mineurs, alors qu’aucune
décision écrite ne lui a été remise.
La police des étrangers s’emparait alors de Skander VOGT, âgé de 16 ans, et le plaçait
dans un vol vers la Tunisie, sans qu’aucun membre de sa famille n’en soit prévenu.
Celui-ci revenait en Suisse le 1er mars 1997, la Présidente du Tribunal des mineurs
déclarant à son retour qu’elle avait oublié qu’il était suisse.
A travers cet exemple, la Cour ne pourra que constater la désinvolture avec laquelle la
Confédération helvétique traite les textes légaux de droit interne et les conventions
qu’elle a pourtant ratifiée.
IV 1 – Satisfaction équitable
- Pour les motifs exposés par le requérant et tous autres à produire, déduire ou suppléer,
même d’office, il est demandé à la Cour de déclarer constituée la violation grave et
caractérisée par la Confédération helvétique des articles3, 5, 6, 14 de la Convention,
l’article 3 du Protocole n° 4 et l’article 4 du Protocole n° 7.
- Constater que l’article 43 ch. 1 du Code pénal suisse ne garantit pas le respect de
l’article 5 de la Convention, et qu’en tous cas, Monsieur Skander VOGT fait l’objet
d’une application non fondée et arbitraire de ce texte.
IV 2 Indemnisation du dommage
L’emprisonnement illégal subi par Monsieur Skander VOGT dans des établissements
pénitentiaires suisses depuis juin 2001, soit depuis plus de cinq années, dans les
conditions décrites dans le présent mémoire, lui cause un préjudice exceptionnellement
grave qui doit s’évaluer à la somme de 500.000 euros, toutes causes confondues,
indemnisation que la Confédération helvétique sera condamnée à payer au requérant.
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IV 3– Frais et dépens
Les sommes engagées pour le présent recours, soit, une somme totale de 10.000 euros
(avocat : frais d’étude de dossier, de recherche, de documentation, de correspondances
et honoraires).
Pièces jointes