FAUNE SAUVAGE

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Octobre 2018

LES MALADIES DU HERISSON

dominantes pathologiques
et exemple de prise en
charge thérapeutique
Mélodie BANTE

Le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) est un petit mammifère en déclin dans les pays européens 5.
Il est très sensible aux changements environnementaux.
Depuis presque quarante ans, l’espèce est protégée par plusieurs législations nationales et internationales.
Il est ainsi interdit de détruire les hérissons, de les transporter (sauf pour le faire soigner), de les naturaliser
et de les mettre en vente.
En tant que vétérinaire en clientèle, il est utile de connaître leurs maladies pour les prendre en charge
en cas d’urgence avant de les transférer rapidement en centre de soins agréé de la faune sauvage,
où les animaux seront placés en soins, souvent sur des périodes assez longues, et réhabilités dans les
meilleures conditions.
Il est important de rappeler au découvreur que la détention d’animaux sauvages
sans certificat de capacité est interdit.

Photo 1 :
Hérisson juvénile
amaigri.
Crédit : M. Bante

NB : Les médicaments cités dans cet article n’ont pas d’AMM pour l’espèce traitée.
EXAMEN Figure 1 :
CLINIQUE Examen clinique EXAMEN RAPPROCHÉ

La réalisation d’un examen

du hérisson mettre sous anesthésie
(source personnelle) animal en générale
clinique d’entrée est sou-
brouette
vent suffisante pour une
stabilisation. Les hérissons EXAMEN À ÂGE ? : 2 semaines : yeux ouverts, piquants blancs et marrons d’égale
sont réévalués ensuite très longueur, apparition des premières dents
DISTANCE
régulièrement en soins. 4 6 semaines : sevrage, 200 à 300 g, sans retard de croissance
Diarrhée ? SEXE ?
L’examen clinique comporte
Vomissement ?
(cf. fig. 1) : POIDS ? : 600 à 1000 g pour un adulte sain
Sang ?
- un examen à distance pour
formuler les premières hy- NOTE D’ÉTAT CORPOREL ? : l / L
VIGILANCE
pothèses diagnostiques,
VISUALISER :
- un examen rapproché pour < 0,8 > 0,8
les confirmer. Cet examen Port de tête Maigre Correct
comportera une exploration Posture
systématique de toutes les Démarche
Pouls (200 à 280 bpm)
parties de l’animal. Difficultés Muqueuses
Au début de l’examen, il est respiratoires ? État d’hydratation (évalué comme PAR
très probable que le héris- (fréquence respiratoire pour les chiens et chats) APPAREIL
son se mette en boule (cf. normale : 20 à Température (entre 35 et 37 °C)
25 mpm)
encadré 1).

La vigilance est l’un des points les plus importants et les plus dé- en boule très serrée présente une vigilance normale. Un hérisson
tectables à l’examen à distance et permet de juger de l’urgence complètement déplié ou en boule non serrée est hypovigilant.
de prise en charge. En effet, celle-ci est plus souvent altérée que
chez les autres espèces de mammifères sauvages à l’admission.
Un hérisson légèrement déplié reniflant son environnement ou LES JEUNES AFFAIBLIS
Ils représentent la majorité des arrivées en automne (cf. photo
1). Souvent en retard de croissance car issus de portées tardives
Encadré 1 : Manipuler un hérisson (deuxième portée) et malades, leur gestion en centre suit sou-
vent la même démarche (cf. fig. 2).
Lorsqu’il se sent menacé, le hérisson se met instinctivement
en boule, sursaute quand on le
touche soudainement mais mord Figure 2 :Démarche de soins des jeunes
rarement.
Ainsi pour le personnel
affaiblis
soignant le danger principal JEUNE ISSU
(source
est la transmission de zoonoses D’UNE PORTÉE
personnelle)
par les piquants. Le port de TARDIVE
gants de jardinage ou l’utilisation (2e portée)
d’une serviette épaisse pour la contention est indispensable.
Pour le vétérinaire pratiquant l’examen clinique, il est Fin novembre (avant hibernation)
préférable de : poids < 450 g
• porter des gants,
• éviter que le hérisson se mette en boule, en touchant le Traitement
moins possible les zones sensibles (vibrisses, ventre, face) des maladies
et en étant silencieux, concomitantes
• faire sortir le hérisson de sa position en boule, en le
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faisant doucement sautiller dans les mains ou en lui

grattant le dos, Poids et Poids et
état insuffisant état suffisant
• maintenir le hérisson en position « brouette », en
surélevant légèrement les deux postérieurs tenus d’une
main et en laissant les antérieurs sur le sol.
RESTE EN HIBERNATION
HOSPITALISATION SOUS CONTRÔLE
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APPAREIL RESPIRATOIRE
Les problèmes respiratoires sont souvent d’ordre parasitaire. On
retrouve majoritairement deux nématodes qui agissent souvent
en association chez les jeunes, Crenosoma striatum et Capil-
laria aerophila. Les signes présents sont une toux humide, des
claquements et crépitements à l’auscultation pulmonaire et du
jetage séreux, avec un amaigrissement.
Un traitement possible consiste à administrer du lévamisole
(27 mg/kg une fois par jour (SID), voie sous-cutanée (SC) à J0,
1, 2, 7 et 14), associé à de la dexaméthasone (0,1 mg/kg SID
SC à J0, 1, 2, 3, 7, 8, 14, 15) pour réduire les risques de choc
anaphylactique.
Des surinfections bactériennes sont possibles et on utilise alors
des antibiotiques (doxycycline, 10 mg/kg SID, voie orale (PO) ou
amoxicilline acide clavulanique (12,5 mg/kg SID SC pendant 5
jours au moins).
Dans les cas les plus sévères, on pourra utiliser des bronchodi-
latateurs ou pratiquer des inhalations de mucolytiques. On ob-
serve en général une réponse favorable mais le tableau clinique
peut persister après une atteinte longue.
PEAU ET PHANÈRES
L’affection traumatique la plus courante chez le hérisson est la
présence de plaies. La figure 3 indique la conduite à tenir.
Les parasites externes les plus rencontrés sont les puces (ma-
joritairement Archaeopsylla erinace) et les tiques. De l’ivermec-
tine (0,2 mg/kg SC) à l’arrivée permet de s’en débarrasser. On
Figure 3 : Gestion d’une plaie chez le hérisson (source personnelle)
SURINFECTIONS
FRÉQUENTES
Plaies très délabrantes
ou sales en permanence
PLAIE
CUTANÉE
De préférence * : CICATRISATION
Sous anesthésie
générale
Tonte
Parage
Retrait
raisonné si
des
plaie ancienne
piquants
Nettoyage
Désinfection
Encadré 2 : Comment faire des injections
au hérisson
Pour l’injection par voie sous-cutanée : décoller la peau avec
précaution en soulevant plusieurs piquants à l’aide d’une pince
ou tout simplement avec des gants en latex.
Pour l’injection en intra-musculaire : dans la partie la plus latérale
du muscle orbiculaire, enfoncer l’aiguille perpendiculairement.
Les aiguilles à utiliser : 23 G (la peau du hérisson est épaisse).
constate une anémie d’autant plus sévère que la charge parasi-
taire est importante. On administre dans ce cas du fer (SC). Les
tiques seront retirées manuellement sous anesthésie générale,
uniquement lorsque l’animal est stable et en cas d’infestation
massive, car elles se logent dans des endroits difficiles d’accès
(oreilles, yeux, jupe, postérieurs)
Les myiases (Lucilia spp, Calliphora spp) sont fréquentes sur
des animaux débilités ou présentant des plaies importantes au
printemps. Les œufs regroupés (ponte) sont retirés à l’aide d’une
brosse à dent (ou un aspirateur à mucosités) et on peut utiliser
de l’ivermectine. Si l’animal est déshydraté, la complémentation
de la perfusion en glucose est déconseillée. Les larves peuvent
générer des dommages tissulaires irréparables (direct ou
toxines)  4, auquel cas l’euthanasie de l’animal est préférable. En
règle générale se cache un problème sous-jacent et le pronostic
est alors très mauvais 6.
La gale du hérisson à Caparinia tripilis touche surtout la tête et oc-
casionne un prurit extrêmement intense associée à une hyperkéra-
tose cutanée. On la rencontre moins fréquemment que la teigne.
Elle peut se traiter avec de l’ivermectine (0,5 mg/kg SC en cure).
** 4 points cutanés qui plaquent une compresse contre la peau : le seul
pansement qui tienne sur un hérisson
Pansement
corbeille **
ABCÈS
Points de
rapprochement
Soins de
plaie
EN SECONDE
INTENTION
Antibiotiques
Amoxicilline, acide clavulanique
12,5 mg/kg SID, pendant 5 jours
par voie sous-cutanée
* il faut préférer la cicatrisation en seconde intention
chez le hérisson car les plaies sont en général contaminées,
aussi des points de rapprochement trop serrés ou un
pansement peuvent favoriser un abcès. Ces derniers ne sont
à faire que lors de plaies très délabrantes ou
qui se salissent en permanence
La dermatophytose est essentiellement due à Trichophyton eri-
nacei et est très rencontrée (cf. photo 2). Au moins 25% des
hérissons en sont atteints, mais nombreux sont les porteurs
asymptomatiques 2.
Le hérisson véhiculant des zoonoses, il est nécessaire de porter
des gants lors de leur manipulation, quelle que soit leur apparence.
Les signes, s’ils sont présents, sont une perte de poils ou de
picots associés à des croûtes sur les pattes et la tête. La teigne
peut être assez protéiforme. Elle n’est pas prurigineuse habituel-
lement, mais chez le hérisson les lésions se surinfectent.
Idéalement, en centre de soins, on réalise une moquette à
l’admission. Si des signes sont présents on met en place un
antifongique systémique. L’itraconazole peut être employé
(10 mg/kg SID PO) 1 mois minimum. La terbinafine (100 mg/kg
SID PO pendant 15 jours) semble plus efficace mais l’observan-
ce du traitement en comprimés est plus difficile. En l’absence
de signes, on considère que la pression infectieuse va diminuer
régulièrement, avec l’isolement de l’animal et une désinfection
quotidienne de l’environnement.
APPAREIL DIGESTIF
La bactérie la plus rencontrée est Salmonella enteritica qui
touche les juvéniles en été. On observe des selles vertes,
mucoïdes, hémorragiques, une perte de poids et une mortalité
importante. On met en place une antibiothérapie large spectre
(amoxicilline acide clavulanique, 12,5 mg/kg SID SC) dès la sus-
picion de la maladie. Mais souvent la détection est trop tardive 4.
La pseudotuberculose (Yersinia pseudotuberculosis), fréquente
chez les juvéniles, peut être insoupçonnée au début. On ob-
serve surtout une perte ou absence de prise de poids chronique
entraînant un retard de croissance puis la mort, et rarement de
la diarrhée. On trouve à l’autopsie de multiples granulomes à
centre caséeux. A ce jour il n’existe pas de traitement efficace.
Les helminthes (cestodose à Hymenolepis erinacei, trématodose
à Brachylaemus erinacei ou capillariose à Capillaria erinacei) sont
responsables d’une diarrhée mucoïde verte contenant parfois des
parasites, d’une perte de poids, voire de signes de douleur abdo-
minale. L’utilisation de lévamisole donne de bons résultats.
Des diarrhées hémorragiques dues à des coccidies surviennent
en période estivale chez les jeunes. On peut alors administrer du
toltrazuril (75 mg/kg PO une fois) le plus précocement possible.
La période du sevrage doit être surveillée.
Les diarrhées entraînent rapidement une déshydratation. Il est
toujours nécessaire de réchauffer l’animal et de lui administrer
des fluides (Ringer Lactate, complémenté en glucose ou avec
du DUPHALYTE®) par voie sous-cutanée. On peut aussi propo-
ser une alimentation hyperdigestible et des protecteurs digestifs.
L’isolement du juvénile malade est bien sûr préférable. Une co-
prologie sera idéalement réalisée en centre.
PORTAGE SAIN ET PROBLÉMATIQUES
THÉRAPEUTIQUES
Les intoxications aux herbicides, molluscicides ou rodenticides
sont rarement observées, car la mort survient rapidement après
leur ingestion. On note également que le hérisson peut être por-
Photo 2 :
Hérisson juvénile
indépendant
souffrant de teigne.
Crédit : M. Bante
teur sain de Borrelia burgdorferi, de Coxiella burnetii, de leptos-
pires 1, de toxoplasmes, de Giardia et de cryptosporidies 3.
Les antibiotiques critiques, comme les fluoroquinolones, ne
peuvent désormais plus être utilisés comme traitements de pre-
mière ligne. La colistine est également un antibiotique à utiliser
de manière raisonnée, car son utilisation est très surveillée (an-
tibiorésistance).
CONCLUSION
Le hérisson d’Europe reste une des préoccupations majeures
en centre car c’est un des mammifères les plus recueillis et soi-
gnés. L’échange entre les structures de soins et la réalisation de
nouveaux travaux d’étude (dont les thèses vétérinaires) doivent
rester constants afin de progresser sur le traitement et la gestion
de l’espèce, de la stabilisation au transfert et à la réhabilitation
en centre de soins.
Photo 3 :
Relâcher
progressif d’un
hérisson arrivé en
tant que juvénile
affaibli.
Crédit : Faune Alfort
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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29
BSAVA Manuals
5. ROOS S. et al. (2012), UK Hedgehog Datasets and their potential
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