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médecine de jungle
Par Eve MASSART, formatrice en secourisme opérationnel
en milieux hostiles et soutien santé, infirmière diplômée d’état
pour Secopex/CSA
Se préserver est de première importance pour le survivant. Les aléas de constatations, des traitements
de la survie et l’inexpérience peuvent occasionner une blessure ou préventifs et curatifs basés sur l’uti-
lisation de la végétation. Comme
un suraccident. Suite de notre série sur la survie en jungle, cette le dit la célèbre maxime : «les médi-
troisième partie aborde l’aspect médical et sanitaire en milieu caments soignent, mais les plantes
guérissent…» Nous en explorerons
humide. ici ce que l’on pourrait appeler “la
partie émergée de l’iceberg”. Nous
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spécialement en forêt équatoriale,
sont celles véhiculées par l’eau/la
nourriture, les insectes/animaux,
le milieu et le climat.
Les maladies
véhiculées
par l’eau et la
nourriture
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l’utilisation des graines grillées du endroit sûr et au repos absolu. nes. Néanmoins, il est rassurant
Carica papaya, ou arbre à papayes. - Enlever ses bagues (alliance), de savoir que la morsure de la
Ces fruits délicieux ont eux aussi chaussettes, chaussures ou ceinture. moitié des espèces de serpent est
des propriétés anti-bactériennes et - Rester en position semi-assise une morsure sèche, sans venin,
anti-inflammatoires ! pour anticiper une plausible gène et que 25 % des “mordus enveni-
respiratoire qui est un effet secon- més” font une réaction générali-
Maladies daire de toutes envenimations.
- Mettre la partie touchée plus bas
sée, soit : une chance sur quatre
de s’en sortir avec uniquement les
véhiculées par que le cœur. Il est conseillé de plonger signes cités plus haut. Là encore,
les insectes et la partie mordue dans un cours d’eau il existe plusieurs remèdes végé-
froide car cela diminue la douleur. taux pour contrer la propagation
les animaux - En aucun cas, il ne faut gar- du venin. Par exemple, l’euphorbia
rotter, sucer la plaie (le venin se hirta (dite “la petite malnommée”
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En curatif :
- Nettoyer la plaie avec eau
bouillie une fois par jour.
- Trouver un Inga alba, en
mâcher l’écorce ou faire une décoc-
tion de celle-ci et mettre le tout
sur l’ulcération. Ceci est la recette
“maison” d’un des instructeurs du
stage Selva en Equateur, qui m’a
démontré, preuves à l’appui, la
réussite du traitement. Contre les
poux d’agouti, les tiques, les che-
nilles, et les papillons “cendres” (ils
lancent leurs fléchettes irritantes
en plein vol et sont responsables de
la papillonite), rien ne vaut la pré-
vention : se couvrir. Sinon : frotter
l’écorce et les feuilles du Quassia à
la peau, cela les éloigne.
Pour clore ce chapitre, les autres
animaux sont tous exquis à man-
ger, même les serpents décapités.
Je vous ai cité la plupart des mala-
dies véhiculées par les insectes,
arachnides et serpents. Mais la
liste de leurs qualités et beautés est
encore plus longue et fabuleuse.
Malheureusement, cela ne rentre
pas dans le sujet.
Pathologies
provoquées par
le milieu et le
climat
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Les fractures
En ce qui concerne les fractures,
il y a deux possibilités : fermées ou
ouvertes.
- Fermées : immobilisation en
attachant le membre blessé au
membre sain ou au corps (écharpes,
bandages avec tout matériel souple
disponible). Si possible, immobili-
ser l’articulation au-dessus et en-
dessous de la fracture. Surveiller la
présence du pouls dans l’extrémité
du membre (pouls du pied, du poi-
gnet…) et de la mobilité des extré-
mités (doigts, orteils).
- Ouvertes : éviter l’infection par
des soins quotidiens. Immobiliser
comme pour une fracture fermée et
utiliser du linge bouilli pour panser.
Eviter l’hémorragie, au besoin par
compression.
En application : utiliser l’arbre
très commun qu’est le cécropia
(ou bois canon). La face interne de
l’écorce gorgée de sève est salutaire
contre les fractures, hématomes,
infections et inflammations (appli-
cation en cataplasme). Le climat tro-
pical, quant à lui, permet de prendre
des douches abondantes et tièdes…
mais il a aussi ses revers. La chaleur
est à la fois un ami et un ennemi :
attention aux coups de chaleur, très
fréquents lors des crapahuts.
Symptômes : crampes multi-
ples, respiration difficile, vertiges,
vomissements, pâleur et impossi-
blité d’uriner depuis au moins huit
heures même en étant hydraté.
Conduite à tenir : repos strict à
l’ombre dans un endroit ventilé, en
position demi assise. Boire de l’eau,
salée si possible (hypersudation en
cause), se déshabiller, s’asperger.
Attention à la baignade, il y a un
risque de choc thermique car le
servir d’emplâtre (riz, pomme de Ci-dessus et page tremper dans l’eau chaude, puis patient peut avoir une montée de
terre, argile…). L’écorce du bois suivante en bas : désinfecter, ou laisser la nature fai- température jusqu’à 40° C.
Les stages de
cathédrale est anti-inflammatoire, survie et d’aguer- re : dans deux jours elle sera évacuée En prévention : gestion de l’ef-
on peut l’utiliser en cataplasme. rissement en avec son pus hors de l’organisme. fort, repos pendant les heures chau-
Nettoyer quotidiennement la milieu tropical ou - Brûlures : soins rigoureux et des, bonne alimentation, hydrata-
équatorial sont
plaie, un linge bouilli peut servir à toujours l’occa- propres ! tion régulière, vêtements adaptés
l’envelopper ou la drainer en met- sion d’ingérer des - Ampoules : si trop gênantes, les (amples et respirants), être atten-
tant un bout dans la plaie. Bon à choses plus ou percer. Conduite à tenir : stériliser tif à son organisme (transpiration
moins ragoûtan-
savoir : la chaleur favorise la cica- tes, ici du sang une aiguille ou en prendre une sur abondante, faiblesse majeure non
trisation ; il est possible de chauf- de serpent. Cet un arbre et la chauffer. Percer le plus expliquée, pas de miction).
fer une pierre, de l’envelopper et de instructeur des près du bord. Evacuer le liquide, L’autre aspect du climat équa-
Marines thaï ne
l’appliquer à côté de la plaie. s’y trompe pas et bander ou panser une nuit/journée. torial est l’humidité, dont on note
- Plaie profonde: à laisser guette avec un - Plaies infectées : rien ne vaut les plusieurs conséquences :
ouverte pour que les chairs pro- regard chafouin asticots qui ne se nourrissent que - Mycoses multiples (surtout aux
la réaction du sta-
fondes cicatrisent. giaire qui sait que de chair mortes et vous nettoient pieds et aux mains gantées), soins
- Echardes : les enlever soigneu- son brevet est en tout ça en quelques jours. quotidiens et repos la nuit avec les
sement après avoir laissé l’endroit jeu ! (Photo DoD) pieds non chaussés ou mains non
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gantées. Sécher au maximum les
espaces inter-digitaux.
- Plaies qui ne cicatrisent pas Ci-contre :
(ampoules, échardes), éviter les Brancardage de
surinfections, ne pas enfermer les fortune réalisé à
l’aide de branches
plaies sous des bandages non étan- et d’un poncho.
ches. Laisser à l’air libre le soir ou Le medic, dans
lorsque l’on se met “au sec”. certains cas,
transporte déjà
- Bourbouille (liée aussi à la cha- une civière souple
leur et à transpiration), bains quo- mais dans le cas de
tidiens ou douches de pluie avec blessés multiples,
il est toujours
rinçage des vêtements. Dormir bon de cultiver
dans du linge sec si possible. ce savoir-faire,
- Frottements irrités (zones de d’autant que c’est
un excellent exer-
contact avec les vêtements, le sac cice de cohésion.
ou les équipements), ils sont la Si la connaissance
porte ouverte à la bourbouille, à la du milieu est très
importante, le
surinfection et à l’eczéma ! Veiller à travail d’équipe
anticiper ce problème. Sinon, chan- permettra de faire
ger le sens du tee-shirt (devant/der- face à de nom-
breux problèmes
rière) et porter différemment le sac. liés à la survie.
On peut aussi porter une tenue ves- (Photo DoD)
timentaire adaptée, le cycliste évite
les frottements des cuisses.
En plus de tout cela, pour un
secourisme efficace face à toutes les
situations, il est conseillé d’opérer
dans une ambiance calme et serei-
ne ! Facile à dire me direz vous ? Eh
oui, mais tellement essentiel pour
anticiper et relativiser la suite !
A tous, profitez de la beauté des
éléments autour de vous : le moral
en cas de survie ou de secourisme,
est primordial. Et il est difficile de à la mission du jour. Il me faudrait la chaîne peuvent effrayer, mais ne
“pécher” du positif ailleurs que dans encore dix pages pour vous rendre vous laissez pas troubler, car la jun-
la nature elle-même ! Bien sûr, ce compte de toutes les erreurs et autres gle est une superbe école de la vie, et
texte doit être remis dans le contexte aberrations que j’ai vu s’y glisser. Et de la survie.
d’un secourisme de fortune, sans encore dix pour vous expliquer la Un conseil fameux m’a été donné
appui médical ni trousse adaptée, simple logique à avoir pour la cons- en Amérique du sud, par un chef de
et dans le milieu spécifique qu’est la tituer. Vous n’avez dans ce texte section soucieux de diminuer les
forêt équatoriale. Cette trousse indi- qu’une infime partie de la bio phar- risques de secourisme opérationnel :
viduelle de santé accompagne cha- maco médecine traditionnelle, mais « Objet inconnu, touche à ton c… ! »
que soldat, elle est faite normalement les plantes ou arbres cités ici sont des Bête à retenir mais tellement vrai
sur les conseils de l’infirmier ou du plus connus sur place. Par ailleurs, sur le terrain !
médecin sur place, et elle s’adapte les exemples de pathologies cités à
www.secopex.com
Email : formations@secopex.com
Tel : 06 75 24 11 54
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