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La Sacem fait taire ses objecteurs.

La
société d'auteurs refuse d'examiner son
passé sous l'Occupation.
par Nidam Abdi
publié le 10 juin 1999 à 23h27

Réunis mardi en assemblée générale annuelle, les sociétaires de la

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Société des auteurs, compositeurs, éditeurs de musique (Sacem), ont,


dans leur écrasante majorité, refusé d'affronter le passé, malgré les
documents publiés ces dernières semaines dans la presse concernant le
traitement des auteurs juifs par la Sacem durant l'Occupation. L'un des
sociétaires, Daniel Vangarde, auteur-compositeur, avait découvert aux
Archives nationales des pièces qui montrent que la Sacem a, en 1941,
pris des mesures à l'encontre de ses sociétaires juifs sans avoir reçu
d'ordre du gouvernement de Vichy: il n'a pas été autorisé à prendre la
parole. Alors que c'est lui qui a saisi la commission Matteoli, il s'est
entendu dire par ses collègues: «Nous sommes en 1999 et non pas en
1940.» Daniel Vangarde n'a pas pu distribuer à ses collègues ses dossiers
compilant les documents compromettants pour la maison d'auteurs durant
la collaboration. Rejetant en bloc les affirmations de la presse, Jean-Loup
Tournier, le président du directoire de la Sacem, a expliqué que la période
de la guerre était un moment malheureux, estimant qu'il était impossible
de faire la vérité sur cette histoire, puisque «tous les gens de cette époque
sont morts». Une inexactitude, puisque Jean-Jacques Lemoine, chef du
contentieux de la Sacem pendant la guerre et signataire de la circulaire du
17 novembre 1941 qui contraignait les sociétaires à se déclarer «juifs»,
est toujours vivant et réside à Monaco. Face à la polémique, la direction
de la Sacem a décidé de rendre coup pour coup. Elle a procédé à une
modification de ses statuts, de façon à pouvoir sanctionner les sociétaires
qu'elle considère nuisibles. Une réforme nécessaire puisque, depuis
l'automne, Jean-Loup Tournier voulait exclure Daniel Vangarde de la
Sacem. Ce tour de passe-passe n'a pas pu se faire sans l'aval du
ministère de la Culture. Pourtant, les services de Catherine Trautmann
sont restés obstinément muets face à la polémique. Faisant la
démonstration de sa puissance devant des membres acquis à sa cause,
Jean-Loup Tournier a officiellement annoncé que son remplaçant, à
compter de 2001, serait Bernard Miyet, actuellement secrétaire général
adjoint de l'ONU. De quoi rassurer la Sacem, alors que d'autres querelles
s'annoncent, concernant notamment l'acquisition d'une partie de son
patrimoine immobilier à la Libération.

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