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HST ND 2305 - 214 - 09

Estimation des risques 3


3
Machine
Estimation des risques

machines
3 Méthodologie

h Pascal LAMY, Philippe CHARPENTIER,


INRS, département Ingénierie des équipements de
Recensement des méthodes travail

et subjectivité des paramètres de


Machinery risk assessment – Survey
l’estimation of methods and subjectivity of
assessment parameters

Serious accidents are still caused by


Les risques liés aux machines continuent de provoquer des accidents graves dans l'industrie. Pour y machinery-related risks in industry. One of
faire face, une des conditions est de concevoir des machines sûres. La première étape de la démarche the conditions for dealing with this problem
de prévention en conception conduit à analyser l'ensemble des risques susceptibles d'affecter les is to design safe machines. At design stage,
travailleurs qui interagissent avec ces machines, à les estimer et à les évaluer, pour être ainsi en the first step of the prevention approach
mesure de définir une stratégie pour les réduire. involves analysing all the risks likely to
Le processus proposé par les normes a été largement décliné dans différents guides issus affect workers interacting with machinery,
d’organismes de prévention. Il a semblé intéressant à l’INRS et à l’Institut de recherche Robert estimating and assessing these risks to
Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST, Québec) de mener une étude bibliographique de grande develop a strategy aimed at reducing the
ampleur sur les méthodes d’estimation du risque. Cette étude a mis en avant la prépondérance des risks.
méthodes matricielles pour la détermination du niveau de risque, mais aussi de grandes diversités The process proposed by the relevant
dans les paramètres utilisés et les termes les décrivant. Elle montre ainsi une adaptation des concepts standards has been extensively described
normatifs. in the various guides issued by prevention
Une autre partie de nos travaux s’est intéressée à la difficulté pour l’expert de saisir les valeurs organisations. Occupational health and
des différents paramètres entrant dans l’estimation des risques; par exemple, placer une durée safety institutes INRS and Robert Sauvé
d'exposition au risque de 6 heures sur une échelle discrète à 4 niveaux : 2h/4h/8h/20h par semaine. Research Institute (IRSST, Quebec) have
Nous avons appliqué les techniques possibilistes pour introduire l’imprécision sur les valeurs à affecter considered a large-scale bibliographical
aux données d’entrée de l’estimation. Un outil logiciel a été développé, qui facilite la hiérarchisation study on risk assessment methods to be
des risques et fournit une tendance pour le niveau de risque. En outre, il permet d’avoir un passage of significance. This study has underlined
progressif entre chaque niveau de risque. the predominance of matrix methods for
determining risk levels, as well as a large
variety in the parameters employed and in

D
the terms which describe them. The study
ans le domaine de la pré- sont effectuées dans les conditions prévues therefore reveals an adaptation of normative
vention des accidents du tra- par le fabricant ». concepts.
vail liés à l’utilisation d’une Another part of our work focuses on the
machine (cf.  Figure  1), il est Classiquement, et selon la norme difficulty for experts to integrate the values
nécessaire de dérouler un processus EN ISO 14121-1  [2], l’appréciation des of the different parameters used in risk
global d’analyse des risques pour juger risques (cf.  Figure  2) consiste à déter- assessment. For instance, placing a risk
si les objectifs de réduction du risque miner les limites de la machine, puis à exposure time of 6 hours on a 4-level
ont été atteints. identifier les phénomènes dangereux et discrete scale - 2h/4h/8h/20h per week.
à estimer les risques inhérents à chacun We have applied probabilistic techniques
Plus particulièrement, dans le cadre de ces phénomènes. À partir de l’esti- for introducing the inaccuracy applicable
de la phase de conception des machi- mation des risques associés à chaque to the values allocated to assessment input
nes, la directive européenne Machine phénomène dangereux, il est alors pos- data. A software tool has been developed
98/37/CE  [1] (2006/42/CE à partir du sible de procéder à une hiérarchisation for facilitating risk ranking and provides a
29 décembre 2009), par les exigences préalable des risques et donc des actions trend for the risk level. Furthermore, this
essentielles de sécurité qu’elle contient, afin de choisir les mesures à appliquer tool ensures a gradual transition between
précise par exemple que «  Les machi- pour réduire les risques. Le processus each risk level.
nes doivent, par construction, être aptes proposé est itératif, dans le but de s'as-
à assurer leur fonction, à être réglées et surer que les mesures mises en œuvre 3 Machinery
entretenues sans que les personnes soient ont effectivement les effets escomptés. 3 RIsk assessment
exposées à un risque lorsque ces opérations 3 Methodology

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FIguRe 1 Ce  processus  est  difficilement  uti-
lisable  tel  quel.  En  effet,  il  décrit  les 
un centre d'usinage pour le bois grandes  lignes  de  ce  que  doit  être  une 
analyse des risques, mais ne donne pas 
suffisamment de détails pour être réel-
lement exploitable dans les entreprises. 
En  particulier  pour  la  phase  d'estima-
tion des risques qui, en suivant la norme 
ISO  14121-1,  consiste  à  déterminer  un 
niveau  de  risque  à  partir  d'une  combi-
naison des éléments suivants 1 :

1 la gravité du dommage,
1 la probabilité d'occurrence de ce 
dommage qui est une fonction de :
• l'exposition de la ou des personnes 
au phénomène dangereux,
• l'occurrence d'un événement dan-
gereux,
• les  possibilités  techniques  et 
humaines d'éviter ou de limiter le dom-
mage.

Dans  le  cadre  d’un  processus  acci-


dentel  soudain  et  inattendu,  l'enchaî-
nement  menant  au  dommage  et  donc 
FIguRe 2 le  risque  peut  être  représenté  par  la 
Figure 3  [3].  Si  l’opérateur  est  exposé 
processus d’analyse et d ’appréciation du risque (d’après [2]) (notion  de  fréquence,  durée  d’exposi-
tion)  à  un  phénomène  dangereux  de 
DÉBUt type énergie ou éléments mobiles, il se 
trouve  alors  en  situation  dangereuse. 
Par exemple, dans le cas d’une opération 
Détermination des limites de la machine de  maintenance  nécessitant  de  manu-
tentionner et lever une charge de 150 kg 
et de la laisser en suspens, l’intervention 
Identification des phénomènes dangereux Analyse du risque de  l’opérateur,  s’il  vient  à  être  présent 
sous  la  charge,  constitue  la  situation 
dangereuse  ;  le  phénomène  dangereux 
Estimation du risque étant  lié  à  l’énergie  potentielle  due  à 
la  charge  en  suspens.  Si  un  événe-
ment  dangereux  se  produit  (probabilité 
Évaluation du risque Appréciation du risque  d’occurrence de l’événement dangereux), 
par exemple contact avec un conducteur 
sous tension ou contact avec une partie 
Le risque a-t-il été tournante et plus particulièrement dans 
OUI
convenablement Fin notre cas rupture du dispositif de main-
réduit ? tien de la charge, et active le mécanisme 
de  l’accident,  cet  événement  dangereux 
NON
pourra  entraîner  un  dommage  (notion 
Réduction du risque de  gravité  du  dommage  et  probabilité 
d’occurrence  du  dommage)  si  les  fac-
teurs  d’évitement  ou  de  réduction  du 
dommage  sont  insuffisants  (possibilité 
d’évitement du dommage).

1 Dans la suite de ce document, on appellera


ces éléments "composantes" ou "paramètres" du
risque.

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FIguRe 3 les métHodes


processus accidentel menant au dommage d’estImatIon des
ZONE DE PRÉSENCE ZONE DANGEREUSE
rIsQues

sitUation PhÉnoMÈne
Personne À  partir  d’une  veille  technique  en 
DangereUse DangereUX
place,  de  recherches  bibliographiques, 
d’opportunités suite à des interventions 
ÉVÉneMent
en usine et d’un suivi rapproché des tra-
DangereUX vaux  de  normalisation,  275  documents 
D’ORIGINE ont été collectés et classés. Ils font réfé-
MATÉRIELLE rence  de  façon  plus  ou  moins  détaillée 
OU HUMAINE
à  au  moins  une  méthode  ou  un  outil 
> FACTEURS D’ÉVITEMENT OU DE RÉDUCTION DU DOMMAGE < d’appréciation  de  risque  préconisé  ou 
MATÉRIELS OU HUMAINS utilisé  sur  des  machines  de  production 
industrielle.  Certains  documents  expo-
sent  une  démarche  spécifique  totale 
ou  partielle  d’appréciation  de  risque 
DoMMage tandis que d’autres présentent plutôt des 
LÉSION
conseils ou directives qui devraient être 
suivies lors d’une telle démarche.

Suite à une première analyse, 108 docu-
Pour  l'estimation  de  la  gravité,  la  de  mener,  dans  le  cadre  d'un  partena- ments contenant une méthode d’estimation 
norme propose de s'interroger sur :  riat,  une  étude  bibliographique  sur  les  des risques ont été retenus pour être codés 
méthodes d’estimation des risques exis- dans  une  base  de  données  relationnelle 
1 la  nature  de  ce  qui  est  à  proté- tantes [4, 5]. L’objectif était de dresser les  (cf. @nnexe A 1). Pour étendre le champ 
ger : personnes, biens, environnement, grandes  caractéristiques  des  méthodes  des  connaissances  au-delà  du  domaine 
1 la  gravité  des  lésions  ou  de  généralement  utilisées,  pour  guider  les  particulier de la sécurité dans l'industrie 
 l'atteinte  à  la  santé  :  légères  (générale- concepteurs  et  utilisateurs,  soit  dans  le  manufacturière,  un  certain  nombre  de 
ment réversibles), graves (généralement  choix  d'une  méthode,  soit  dans  l'amé- documents issus de domaines, tels que 
irréversibles), décès, lioration  d'une  méthode  existante  pour  le process ou l'équipement militaire, ont 
1 l’importance du dommage (pour  tenir  compte  de  l'état  de  l'art  dans  le  également été retenus.
chaque  phénomène  dangereux)  :  une  domaine.  Il  est  à  noter  que  ces  travaux 
personne, plusieurs personnes. n'avaient  pas  pour  objectif  d'effectuer 
une analyse critique, mais bien d'établir  souRces BiBlioGRapHiques
Pour cet élément du risque, la norme  un bilan des connaissances relatives aux 
propose des voies d'estimation, mais :  pratiques  en  termes  d'estimation  des  Les  documents  recensés  et  entrés 
risques. Cette étude a également montré  dans  la  base  de  données  ont  des  sour-
1 toutes  ces  voies  ne  sont  peut- les  différences  entre  les  prescriptions  ces  très  diversifiées  (cf. Tableau I).  On 
être  pas  applicables  :  on  peut  ne  s'inté- normatives et les pratiques réelles. constate  cependant  que  près  de  la  moi-
resser par exemple qu'à la protection des  tié  de  ces  documents  sont  des  normes 
personnes,  Par  ailleurs,  la  détermination  des  « sectorielles » ou des guides, qui repré-
1 les  niveaux  d'estimation  propo- valeurs  à  affecter  aux  composantes  du  sentent généralement un consensus éta-
sés  peuvent  être  mal  adaptés  :  on  peut  risque  pour  leur  estimation  est  sujette  bli  entre  experts  d'un  domaine  d'appli-
par  exemple  souhaiter  estimer  la  gra- à la subjectivité de l'analyste. Un expert  cation pour définir un état de l'art. Peu 
vité des lésions sur un nombre plus ou  peut ainsi avoir des difficultés à se posi- de  documents  issus  d'entreprises  ont 
moins important de niveaux. tionner  sur  des  paramètres  tels  que  la  été  recensés.  Une  explication  au  moins 
gravité  du  dommage.  C'est  le  cas  lors- peut  être  avancée  :  les  entreprises  ont 
Les critères  pertinents  et la  façon  que la description des niveaux n’est pas  leurs propres méthodes qu'elles ne tien-
dont il faudra les qualifier doivent donc  assez  précise  (par  exemple,  amputation  nent  pas  à  divulguer.  Ceci  peut  certai-
être choisis. Cette nécessaire appropria- d’un doigt à positionner parmi invalidité  nement être aussi lié au problème d’ap-
tion a conduit de nombreux organismes  grave  et  invalidité  légère)  ou  lorsqu’elle  propriation  des  normes  avec  un  choix 
à  proposer  des  outils,  basés  sur  les  ne  correspond  pas  à  la  situation  analy- de critères pertinents et une façon de les 
concepts  théoriques  définis  dans  les  sée.  En  vue  d'apporter  une  réponse  à  qualifier propres à l’entreprise.
normes internationales, pour aider les  cette  difficulté,  nous  avons  appliqué  les 
concepteurs et les utilisateurs à appliquer  techniques  possibilistes  pour  modéliser 
le processus d'appréciation des risques  l’imperfection de la connaissance de l’ex-
associés aux machines industrielles. pert vis-à-vis des données d’entrée inter-
venant dans l’estimation des risques.
Compte  tenu  de  cette  diversité,  il  a  2 IRSST : Institut de recherche Robert-Sauvé en
semblé intéressant à l'INRS et à l'IRSST 2  santé et en sécurité du travail, Québec.

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Tableau I
Répartition des documents codés selon le type de document d’origine

Revue Revue scientifique Autre (livre, etc.) Document d'entreprise Guide Norme Procédure détaillée Logiciel

6,25 % 3,6 % 18,8 % 10,7 % 28,6 % 19,6 % 10,7 % 1,8 %

Tableau II
Public visé par les méthodes

Préventeurs Concepteurs Gestionnaires * Consultants SST Autres Non précisé

13 % 34,2 % 20,4 % 2,8 % 16,7 % 34,2 %

* Les gestionnaires font généralement partie du management ou du personnel d’encadrement.

Tableau III
Représentation de la relation entre le risque et ses composantes

Matrice Graphe Opération numérique Abaque Combinaison Total

53,7 % 10,2 % 14,8 % 2,8 % 18,5 % 100 %

Tableau IV
Composantes du risque

Fréquence et/ou Probabilité Probabilité d'occurrence Possibilité


Gravité du Fréquence Durée Fréquence et/ou
Probabilité non d'occurrence du de l'événement d'évitement du Autres
dommage d'exposition d'exposition durée d'exposition
spécifiée dommage dangereux dommage

100 % 18,5 % 5,6 % 18,5 % 29,6 % 24,1 % 30,6 % 16,7 % 19,4 %

Tableau V
Nombre de paramètres par méthodes et outils analysés

Nb de composantes utilisées 1 2 3 4 5

Pourcentage 1,9 % 56,5 % 17,6 % 13,9 % 10,2 %

Le Tableau II présente la répartition Représentation de la relation phique est utilisée. Peu de méthodes ont
des méthodes et des outils selon le type entre le risque et ses composantes recours à des opérations numériques
de public visé. Le total des pourcentages qui, selon nous, donnent une fausse
est supérieur à 100  % car certaines La relation entre le risque et ses impression de quantification et de pré-
méthodes concernent plusieurs types de composantes (cf. @nnexe A 2) est le plus cision sur le niveau de risque alors que
destinataires. On constate qu'un tiers souvent traduite par une représentation le choix des niveaux dans les paramètres
de ces méthodes s'adresse aux concep- matricielle ou un graphe de risque. intervenant dans le risque est peu précis
teurs, ce qui est à relier à la provenance D’autres représentations telles qu'opéra- car le plus souvent subjectif. Ces métho-
des documents (normes et guides) et tion numérique, abaque ou encore com- des numériques permettent toutefois
qui traduit le fait que l'estimation des binaison de plusieurs de ces types ont une extension plus facile de la métho-
risques doit tout d'abord être menée à la été cependant utilisées. Le Tableau  III de  : on peut les modifier facilement
conception d'une machine. Par contre, donne la répartition de ces représenta- afin d’ajouter de nouveaux paramètres.
on peut légitimement s'interroger sur le tions. Un tel ajout est moins aisé dans une
fait qu'un tiers des méthodes ne vise pas matrice, puisqu'il va falloir introduire
de public spécifique. Plus de la moitié des relations est des étapes intermédiaires. De fait, la
représentée par des matrices, moyen représentation matricielle est adaptée à
éprouvé qui permet d'être exhaustif et l’utilisation de deux paramètres.
d'affecter des «  valeurs  » à l'ensemble
des combinaisons des composantes du La représentation sous forme de
risque. Cette exhaustivité est plus diffi- graphe ou d’abaque est visuelle. La
cile à obtenir si une représentation gra- représentation sous forme de graphe

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Tableau VI
Nombre de niveaux pour exprimer les différentes composantes du risque

Paramètres Nombre de niveaux des composantes


exprimés 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Gravité 107 0 4 24 46 20 8 2 0 1 2

Fréquence d'exposition 18 0 2 6 2 4 2 2 0 0 0

Durée d'exposition 4 0 1 3 0 0 0 0 0 0 0

Fréquence et durée d'exposition 18 0 6 3 3 3 0 3 0 0 0

Fréquence et durée non spécifiée 31 0 0 6 5 12 6 1 0 1 0

Probabilité d'occurrence du dommage 24 0 1 6 7 7 3 0 0 0 0

Probabilité d'occurrence d'événement dangereux 30 0 1 7 3 13 3 2 0 0 1

Possibilité d'évitement du dommage 15 0 11 1 0 2 0 0 0 0 1

Autres paramètres 27 0 6 12 2 2 1 3 0 0 1

Tableau VII
Répartition des méthodes et outils selon le nombre de niveaux de risque

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Autres ou non précisé

6,5 % 29,6 % 26,8 % 19,4 % 1,8 % 2,8 % 1,8 % 2,8 % 0,0 % 0,9 % 0,9 % 6,5 %

de risque est un bon moyen de montrer analyses des risques (en particulier de tatifs) envisagés pour estimer cette com-
visuellement et rapidement l’effet d’une l'estimation) à s'approprier les concepts posante. On constate entre autres que la
mesure de prévention sur la réduction normatifs et à s'accorder sur une ter- gravité est préférentiellement estimée
du risque, ainsi que les paramètres sur minologie commune. Ceci peut résul- sur quatre niveaux, ce nombre atteignant
lesquels elle influe. ter d’un problème d’interprétation des 10 pour deux des méthodes recensées.
notions normatives avec un choix d’une
L’utilisation des matrices est simple terminologie souvent inadaptée aux pra- Les valeurs pour les autres com-
car le nombre de paramètres est limité. tiques ou aux normes  ; les concepts posantes sont généralement comprises
De plus, il existe un nombre important sont parfois difficiles à expliciter et à entre 3 et 5 car en deçà de 3, le pouvoir
de matrices avec différents niveaux donc différencier. Heureusement, la seule discriminant pour exprimer l'analyse
il est possible de choisir un découpage composante du risque unanimement est faible, au-delà de 5, la précision est
fin ou grossier. introduite dans l'ensemble des métho- souvent illusoire. De plus, pour être
des d'estimation est la gravité. homogène, un grand nombre de niveaux
pour exprimer les composantes du ris-
Composantes du risque Le Tableau  V donne le nombre de que doit nécessairement conduire à un
paramètres utilisés par les méthodes et grand nombre de niveaux pour estimer
Le Tableau IV représente les propor- outils codifiés. On constate qu'une majo- le risque, ce qui ne sera pas obligatoire-
tions d'utilisation des différentes com- rité utilise deux paramètres (56,5  %). ment une aide pour l'évaluateur.
posantes du risque. Compte tenu de la Les 4 éléments de description des com-
difficulté à interpréter certaines notions posantes du risque préconisés par la À noter qu’il n’a pas toujours été
normatives, les promoteurs des métho- norme EN  ISO  14121-1 sont rarement possible d’identifier ce nombre de seuils
des sont souvent amenés à choisir leur utilisés. Les promoteurs des différen- pour certains documents ou lorsque le
propre terminologie, pas toujours en tes méthodes ont donc essentiellement paramètre était exprimé de façon conti-
adéquation avec les pratiques courantes. cherché à proposer des méthodes sim- nue (par exemple pour l’utiliser dans
On constate, par exemple, qu'il peut être ples, dont on suppose qu'elles retien- une opération numérique).
question de probabilité d'occurrence de nent essentiellement les concepts les
l'événement dangereux (donc de l'ori- plus aisés à s'approprier.
gine du risque), du dommage (donc Expression des niveaux de risques
de la conséquence du risque) ou que
beaucoup sont amenés à dissocier fré- Estimation des composantes du Le Tableau  VII présente la réparti-
quence et durée, à distinguer fréquence risque tion des méthodes en fonction du nom-
et probabilité. bre de niveaux de risque proposés pour
Le Tableau  VI donne pour chaque l’évaluation. Ces niveaux servent à don-
Ce constat met en évidence la diffi- composante du risque du Tableau  IV le ner des priorités aux mesures de réduc-
culté qu'ont les personnes en charge des nombre de niveaux (qualitatifs ou quanti- tion du risque.

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125  termes différents sont utilisés par différents experts pour la même (entre 8h/semaine et 20h/semaine, par
pour décrire ces niveaux de risques. Par situation de travail, cela peut amener exemple) avec la possibilité d’exprimer,
ailleurs, certains termes sont dépourvus à des mesures de réduction du risque au besoin, des imprécisions. Quelle que
de signification particulière (1, 2, 3, A, inadéquates. soit la combinaison des paramètres d'en-
B, C, couleurs, etc.) et sont utilisés à des trée, la sortie de l’outil affecte systémati-
seules fins de classification. D'autres Pour répondre à cette difficulté de quement la valeur 1 au niveau de risque
ont une signification liée au niveau de positionnement de l’expert, nous avons le plus possible 3 , ce qui signifie qu’il est
risque, comme « tolérable » ou « accep- appliqué les techniques possibilistes complètement possible que ce niveau
table ». qui permettent d’avoir une gradation de risque soit atteint. Dans l’exemple de
dans l’appartenance d’un élément à une la Figure 4, le risque moyen est donc le
classe et de ne plus se cantonner à un risque le plus possible. Une particularité
choix binaire. On peut ainsi modéliser de l’outil est de fournir, en fonction des
Imperfection des l’imperfection des connaissances sur
les différentes données et propager cette
données d’entrées, une ou plusieurs
valeurs de niveaux de risque, avec des
connaissances imperfection tout au long du proces- pondérations fonction de la possibilité
nécessaires à sus calculatoire. C'est le cas quand la d'atteindre ce(s) niveau(x).
situation observée n’est pas décrite cor-
l’estimation rectement par les définitions associées L’utilisation de cet outil, dans le
aux valeurs des niveaux pour chaque cadre d’une analyse de risque collégiale
paramètre. Au lieu de fixer la valeur  1 (cf.  Figure  5) d’une situation de travail
à un seul des niveaux, l’expert pourra renforce l’interactivité entre les person-
Nous avons vu précédemment traduire l'imperfection de ses connais- nes.
que l'estimation des risques demande sances en affectant une valeur distincte
à appréhender un certain nombre de à chacun des niveaux. L’outil apparaît comme un cataly-
paramètres, variables selon la méthode, seur pour poser des questions et faire
pour en déduire un niveau de risque. Si une donnée est décrite par verbaliser les personnes sur leur percep-
Lorsqu’un évaluateur, réalise cette esti- 5 niveaux A, B, C, D, E, l’incertitude de tion de la situation.
mation, il peut hésiter, lors de la déter- la connaissance sera exprimée en affec-
mination de ces paramètres, notam- tant une valeur distincte à chacun des En phase d'estimation des risques,
ment du fait d’une imperfection dans sa 5  niveaux. L’imprécision de la connais- il permet de formaliser et de conserver
connaissance de la machine à analyser. sance pourra quant à elle être traduite une trace des choix faits par les experts.
L’estimation des différents paramètres en affectant une valeur à plus d’un De plus, si plusieurs groupes de per-
revient le plus souvent à leur affecter niveau (sans obligatoirement affecter sonnes utilisent l’outil pour une même
une classe suite à un choix binaire. Dans une valeur à tous les niveaux). situation de travail, les différences de
le cas où la connaissance de l’expert est cotation entre ces groupes de personnes
imparfaite, par manque d’expertise ou L'INRS a développé un outil  [6] vont pouvoir être mises en évidence
au début du cycle de conception de la utilisant un algorithme basé sur les et montreront leur différence de per-
machine, ou que la situation analysée ne techniques possibilistes et dont la base ception du risque. Ces différences de
correspond pas complètement aux dif- initiale d’estimation des risques est la cotation pourront ensuite être utilisées
férents niveaux utilisables pour décrire méthode SUVA  [7]. L'analyste utilisant comme base de discussion afin d’arri-
les paramètres, la personne est amenée l’outil dispose de curseurs qu'il pourra ver à un consensus sur l’estimation du
à faire des choix qui, d'une part, ne cor- positionner entre deux niveaux pour risque et sur le choix des mesures de
respondront pas forcément à la situation une donnée d’entrée de l’estimation. prévention.
analysée et, d'autre part, introduiront L'interface logicielle de cet outil est pré-
une part de subjectivité. sentée Figure 4.

Ainsi, lors de l’utilisation de la Lorsque l’expert se place à proxi-


même méthode d’analyse de risque mité d’une valeur, par exemple « Grave
par des groupes d’experts, une grande - Invalidité grave  » pour la gravité du
dispersion des résultats dans l’estima- dommage, cette valeur va se réaliser.
tion d’un niveau de risque d’une même L’imprécision de l’expert n’exclut toute-
situation de travail a été constatée. Plus fois pas que l’autre valeur de la borne,
précisément, dans le cas de l’estimation ici « Moyen - Invalidité légère », n’arrivera
des risques, une personne analysant pas. Cette imprécision est traduite en
une situation de travail peut éprouver affectant une valeur numérique aux
des difficultés à positionner un para- deux bornes de l'intervalle («  Grave -
mètre comme la gravité du dommage Invalidité grave » et « Moyen - Invalidité
définie par des niveaux tels que « grave légère  ») et la propage tout au long du
atteinte permanente » ou « légère atteinte processus d’estimation du niveau de
permanente  ». Une certaine variabilité risque.
des résultats peut être naturelle mais
lorsque tous les niveaux de risque (par Cet outil permet d’estimer les para-
exemple, dans une échelle de 1 à 4) sont mètres d’entrée non plus sur des valeurs
atteints suite à des analyses menées discrètes mais sur une échelle continue 3  Au sens des techniques possibilistes.

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Figure 4
Outil logiciel de saisie des paramètres d’entrée et de calcul du niveau de risque

Figure 5
Analyse de risque collégiale

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Conclusion Ces notions étant utilisées dans la ciation des risques et pour réaliser l'éva-
norme ISO  14121-1, il serait intéressant luation, la hiérarchisation des phéno-
de comprendre pourquoi elles sont aussi mènes dangereux et la définition de la
La démarche d’analyse et de réduc- peu utilisées : stratégie à adopter pour réduire les ris-
tion du risque, applicable aussi bien ques d'une machine. Comme dans toute
en phase de conception que lors de la 1 est-ce un problème de diffusion estimation des risques, l’outil ne doit
rénovation ou de la transformation de de cette norme ? pas être considéré comme un moyen
machines, nécessite la réalisation d’une 1 est-ce que les composantes du de donner une valeur absolue pour une
estimation des risques. Le recensement risque machine sont mal comprises  ? situation donnée. Par contre, il four-
des méthodes d’estimation montre la Mal exprimées ? nira une information sur la possibilité
grande diversité à tous les niveaux  : 1 y a-t- il un problème de formation d'atteindre les niveaux de risque pour
ou de diffusion des connaissances ? différents phénomènes dangereux et
1 le type de documents disponible, aidera donc à l'évaluation des risques et
1 le public visé, En ce qui concerne l’utilisation des mesures de prévention à mettre en
1 les objectifs d’utilisation des des méthodes d’estimation, les diffé- œuvre pour les réduire. Il montre une
méthodes, rents paramètres peuvent être difficiles tendance dans la variation du niveau de
1 le type d’application, à appréhender et entraîner un posi- risque et offre une gradualité pour sa
1 le nombre de paramètres utilisés, tionnement inadéquat de l’évaluateur, représentation (la transition entre deux
1 la définition et la description des notamment suite à l’imperfection de sa niveaux de risque est plus progressive).
différents niveaux pour chaque paramè- connaissance vis-à-vis de la situation à
tre du risque… analyser. L’outil d’estimation des risques
développé dans cet article fournit une Reçu le : 17/10/2008
Après analyse détaillée de chaque aide pour la démarche globale d’appré- Accepté le : 30/01/2009
outil, nous constatons que le paramètre
gravité est utilisé dans toutes les métho-
des. Toutefois, par rapport à la norme
ISO  14121, on remarque qu’un para-
mètre tel que la possibilité d’évitement Points à retenir
du dommage est très peu représenté # Il y a une grande diversité dans les méthodes et leur description : adaptation des
(16,7  % des méthodes). Se pose alors méthodes en fonction de l’entreprise, du domaine d’activité.
la question du taux de pénétration de
cette norme dans l’industrie ou de la # Les résultats d’une estimation des risques sont variables en fonction des
personnes réalisant cette estimation.
compréhension même de ce paramètre.
Des paramètres tels que la probabi- # La détermination de la valeur d’un paramètre entraîne une subjectivité dans
lité d’occurrence du dommage (24  % l’estimation du niveau de risque.
des méthodes l’utilisent), la probabi- # La modélisation de l’imperfection est utile pour la hiérarchisation des
lité ­d’occurrence de l’événement dan- phénomènes dangereux et le choix des mesures de réduction du risque.
gereux (utilisé dans 30,5  % des métho-
des) sont également très peu présents. 

@nnexe : retrouvez l'annexe dans la version électronique (PDF) de cet article sur notre site www.hst.fr

Bibliographie
[1]  Directive 98/37/CE du 22 juin [4]  PÂQUES J.J., LOPEZ A., LAMY P., [6]  LAMY P., CHARPENTIER P. –
1998 concernant le rapprochement des GAUTHIER F., CHARPENTIER P., How can we account for risk estimation data
législations des états membres relatives DAVID R. – Reasoned review of the tools for inaccuracy, Proceeding of the 5th Safety of
aux machines. Journal officiel des commu- assessing the risks associated with industrial Industrial Automated Systems, November
nautés européennes, n° L.207 du 23 juillet machines: preliminary results, Proceeding 12-13 2007, Tokyo, Japan, 7 p.
1998, 46 p. of the 4th Safety of Industrial Automated
Systems, September 26-28 2005, Chicago, [7]  Méthode Suva d'appréciation des
[2]  EN ISO 14121-1 «  Sécurité des USA, 10 p. risques à des postes de travail et lors de pro-
machines - Appréciation du risque - cessus de travail. Caisse nationale suisse
Partie 1 : principes », 2007, 40 p. [5]  LAMY P., LEVRAT E., PÂQUES J.J. d'assurance en cas d'accidents. Octobre
– Méthodes d’estimation des risques machi- 2001, 47 p.
[3]  Caisse régionale d’assurance mala- ne : analyse bibliographique, 15e congrès λμ,
die d’Ile–de-France – Sécurité des équipe- Maîtrise des risques et sûreté de fonction-
ments de travail, guide pour l’analyse des nement, 10-12 octobre 2006, Lille.
risques et le choix des mesures de préven-
tion, DTE 127, 2002.

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HST ND 2305 - 214 - 09

@nnexe
A1 : méthodologie de recensement Figure A 1
des méthodes d’estimation
Exemple de matrice de risque
Deux fichiers ont été créés pour
coder les informations (principalement A Fréquente 3 2 1 1 1
descriptives et purement factuelles) B Occasionnelle 3 2 1 1 1
caractérisant :
C Rare 3 2 2 1 1
1 les documents. Un formulaire D Improbable 3 2 2 2 1
permettait de coder :
Presque
•  la désignation originale (titre, E 3 3 3 2 2
impossible
auteurs, année, éditeur, etc.),
•  le type de document (norme, guide Probabilité  
technique, article, procédure interne de V IV III II I
d’occurrence
compagnie, etc.),
•  l'origine (compagnie, organisme Blessure Blessure
Blessure Blessure
de prévention, fabricant, etc.). irréversible irréversible
Gravité   réversible ­réversible Décès
Légère atteinte Grave atteinte
Sans arrêt Avec arrêt
permanente permanente
1 les méthodes ou outils décrits
dans ces documents. Plusieurs formu-
laires ont été établis pour coder :
•  le type d’outil de détermination
du risque (matrice, graphe de risque, systématique a mis en évidence des niveau de risque de la situation dan-
opération numérique, abaque, combi- divergences qui ont été résolues lors gereuse analysée est obtenu par pro-
naison de plusieurs types), d’échanges et de sessions de confron- jection des catégories des entrées sur
•  les paramètres utilisés (gravité, tation. Le taux de divergences a ainsi le référentiel de risque (ici la matrice).
fréquence ou durée d'exposition, pro- été réduit de 36 % (avant confrontation Par exemple, pour une gravité estimée
babilité d'occurrence du dommage ou à distance) à 12  % (avant confrontation à IV (« Blessure réversible avec arrêt »)
de l'événement dangereux, possibilité finale) pour atteindre un consensus et une probabilité d’occurrence estimée
d'évitement du dommage, autres), final de tous les partenaires sur la base à C («  Rare  »), l’intersection des deux
•  la pondération des paramètres de données. critères donne un niveau de risque de 2
(appellation, terme exact, qualificatif, sur une échelle à 3 niveaux.
seuil de changement, description), Compte tenu de la constitution de
•  les éléments de caractérisation du la base, l'exploitation de son contenu La représentation graphique
risque (nom du niveau de risque, valeur, conduit naturellement à des constats
descriptif, action à prendre), relatifs d'une part, aux documents Une autre représentation utilisée
•  le type d’application (général, répertoriés et d'autre part, aux métho- est le graphe (cf. Figure A 2). Un graphe
grand public, procédé industriel continu des décrites dans ces documents. de risque a une structure d’arbre de
ou discontinu, tout type de machines, décision que l’on lit de gauche à droite.
machine particulière, équipement mili- Chaque nœud de l’arbre représente une
taire, etc.), A2 : représentation de la relation composante du risque. Chaque compo-
entre le risque et ses composantes sante a au moins deux classes, et chaque
1 l'usage de la méthode ou de classe est représentée par une ramifica-
l’outil (détermination des limites, iden- La représentation matricielle tion du nœud.
tification des phénomènes dangereux,
estimation ou évaluation ou réduction Un exemple de matrice est donné Pour chaque situation dangereuse,
des risques, détermination de priorités Figure A 1. on alloue une classe à chaque critère
d'intervention, etc.), d’entrée. Un chemin est alors tracé
Une matrice de risque est une en fonction des classes des différents
1 la phase concernée du cycle de table dont la forme la plus courante critères d’entrée. La ramification finale
vie de la machine (conception, installa- est bidimensionnelle, ce qui permet de donne un niveau de risque en accord
tion, mise en marche, opération, ajuste- combiner toutes les classes de toutes avec le chemin suivi.
ment, réparation, maintenance préven- les entrées (une entrée correspond par
tive, déblocage, etc.). exemple à la « gravité du dommage » et Les graphes de risque sont de bons
la seconde à la « probabilité d’occurrence moyens pour montrer visuellement et
Pour assurer la qualité scientifique de ce dommage »). rapidement l’effet d’une mesure de pro-
de la codification et la rigueur de l’iden-
tification des méthodes, une double L’utilisation d’une telle méthode
codification indépendante a été réalisée est simple. Pour chaque situation dan- 5  Département de Génie industriel, Université du
par l'INRS et l'UQTR 5 . A l'issue de cette gereuse identifiée, une catégorie est Québec à Trois-Rivières, CP  500, Trois-Rivières,
double codification, une confrontation affectée à chaque critère d’entrée. Le QC, Canada, G9A 5H7.

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Figure A 2
Exemple de graphe de risque

Fréquence d’exposition Probabilité d’occurrence


au phénomène de l’évènement Possibilité d’évitement Indice
Gravité du dommage dangereux dangereux du dommage de risque

O1 Très faible, O2 Faible Ev1. Possible, 2. Impossible


G1. Lésion légère 0
F1. Rare, F2. Fréquente O3. Elevée Ev1. Possible, 2. Impossible
1
O1. Très faible Ev1. Possible
DÉBUT
F1. Rare O2. Faible Ev2. Impossible
2
G2. Lésion grave O3. Elevée Ev1. Possible

F2. Fréquente O1. Très faible Ev2. Impossible


3
Ev1. Possible

O2. Faible Ev2. Impossible


4
Ev1. Possible

O3. Elevée Ev2. Impossible


5

tection sur la réduction du risque étudié Tableau A I


et sur quelle composante cette mesure Exemple de transposition d'un graphe de risque
a une influence Cette représentation
devient fastidieuse si le nombre de bran-
Occurrence 1 Occurrence 2 Occurrence 3
ches augmente.
Ev 1 Ev 2 Ev 1 Ev 2 Ev 1 Ev 2

En général, un graphe de risque peut F1 0 0 0 0 1 1


aussi être transposé sous forme d’une Gravité 1
F2 0 0 0 0 1 1
matrice multidimensionnelle. Par exem-
ple, dans le cas présenté en Figure  A  2, F1 1 1 1 2 2 3
Gravité 2
nous pouvons transformer le graphe de F2 2 3 3 4 4 5
risque en matrice à l’aide de la corres-
pondance suivante : Gravité « 1, 2 » pour
gravité du dommage «  Lésion légère,
lésion grave  »  ; F1, F2 pour fréquence La représentation numérique précise du niveau de risque obtenu
d’exposition au phénomène dangereux alors que le choix de ces valeurs
rare, légère ; occurrence 1, 2, 3 pour pro- Ce type de méthode affecte des reste le plus souvent subjectif. De
babilité d’occurrence très faible, faible, valeurs numériques aux différentes plus, dans le processus calculatoire
élevée ; EV1, EV2 pour possibilité d’évite- composantes du risque. Le fonctionne- menant au résultat final de l’estima-
ment possible, impossible. On obtient la ment reste sensiblement identique aux tion des risques, lors de l’utilisation
représentation du Tableau A I. méthodes précédentes : une valeur (ou de méthodes numériques, il faudra
poids) est choisie pour chacune des être attentif à utiliser des échelles
composantes et le risque est estimé de même type (au moins intervalle)
suite à une combinaison (addition et/ou pour les paramètres d’entrées sinon
Remarque
multiplication) de ces valeurs. la validité des conclusions peut être
Il se peut que certaines combinaisons ne remise en question. L’utilisation de
soient pas décrites dans le graphe d'origine. Une des limitations de ce type catégories symboliques pour repré-
Dans ce cas, des cases correspondantes du de méthode vient de l’utilisation de senter les paramètres pourra ainsi
tableau ne seront pas renseignées. valeurs numériques qui peuvent don- attirer notre attention.
ner une impression de quantification

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Encadré

Dans les échelles de mesure utilisées pour les composantes du risque, certaines méthodes mélangent des notions
distinctes. On peut classer les représentations des grandeurs en deux types :

9  qualitative lorsque la grandeur n’est pas mesurable. Ce type de référentiel utilise des grandeurs discrètes et repré-
sente les différents niveaux du paramètre par une catégorie symbolique (lettres, nombre, mots) ; par exemple, la gravité
du dommage décrite avec les niveaux « décès, grave atteinte permanente, légère atteinte permanente, blessure réversible
avec arrêt, blessure irréversible sans arrêt ».

9  quantitative lorsque la grandeur est mesurable. Dans ce cas, il est naturel d’utiliser un référentiel numérique
pour représenter les différentes valeurs atteignables par le paramètre, en veillant à l'échelle de mesure, qui devra être
au minimum une échelle d’intervalles (intervalles constants entre les valeurs). Nous pouvons alors avoir des référentiels
numériques discrets ou continus et effectuer des opérations mathématiques sur ces valeurs.

La théorie du mesurage [1] met en avant certaines propriétés auxquelles il faudra être attentif. Par exemple, une
échelle ordinale ne tolère pas de transformation autre qu’une comparaison entre deux valeurs. Il n’est donc pas possible
d’effectuer une opération numérique du type addition, multiplication pour obtenir le niveau de risque à partir des résul-
tats de l’estimation des composantes du risque.

Dans la plupart des cas, les paramètres sont exprimés de façon symbolique discrète. Par exemple, pour la durée
d’exposition au phénomène dangereux représentée par «  2h/semaine, 4h/semaine, 8h/semaine, 20h/semaine,
40h/semaine », c'est une représentation sous forme de catégories symboliques discrètes et donc une échelle ordi-
nale, et non une représentation numérique sous forme d’échelle d’intervalles puisque les intervalles entre les diffé-
rentes valeurs sont non constants. De même, la gravité du dommage est une grandeur qualitative évaluée sur des
échelles discrètes et le plus souvent symboliques. L’évaluateur ne pourra donc pas mesurer cette donnée et il devra
donc l’évaluer subjectivement. Afin d’éviter une confusion avec un référentiel numérique, il vaudra mieux utiliser
une représentation symbolique des niveaux du paramètre sous forme de lettre plutôt que de chiffre (par exemple,
gravité variant de A à E plutôt que de 1 à 5).

Dans le cas où le risque est décrit comme une grandeur qualitative ordonnée, il ne faut pas vouloir mesurer l’écart
entre deux situations de risque ni chercher à exprimer une situation de risque comme n fois plus forte qu’une autre. Le
niveau de risque va servir à hiérarchiser les situations mais ne devra pas être utilisé au sens d’une échelle absolue comme
lorsque l’on compare 2 sources chaudes par leurs température.

Un exemple de méthode est donné •  Q = Qualification du personnel, L’utilisation de cet abaque se fait
par l’AISS [2]. Le risque résultant est • Phi  = Facteurs physiques et psy- en tirant une ligne entre le niveau de
obtenu en utilisant une expression ana- chiques, probabilité représentatif de la situation
lytique du type : •  O = Organisation du travail. analysée et l’exposition au danger. Cette
ligne est prolongée jusqu’à la ligne cen-
R= M x E - (M/30) x P La représentation par trale (tie line). À partir de ce point, le
avec « combinaison » niveau de risque est obtenu en traçant
•  M = Gr x Ex x Pr x Ev une ligne passant par la conséquence
•  E = Ea + Eb + Ec La quatrième représentation utili- estimée pour la situation de travail ana-
•  P = Q + Phi + O sée est une représentation appelée com- lysée.
binaison. Ce sont des méthodes qui
Les paramètres intervenants dans combinent plusieurs approches (de cel- Les abaques permettent une repré-
ces équations sont définis par : les présentées ci-dessus). On peut ainsi sentation visuelle du processus menant
avoir, par exemple, la détermination à l’estimation du niveau de risque et
•  Gr = Gravité, des composantes du risque sous forme de ce fait, peuvent être plus facilement
• Ex  = Fréquence et durée d’expo- numérique puis la détermination du utilisables par certaines personnes (en
sition, niveau de risque à l’aide d’une matrice. fonction de leurs habitudes et de leur
• Pr  = Probabilité d’un événement perception de l’outil).
dangereux, La représentation par abaque
• Ev = Possibilité d’éviter ou de limi- Ces abaques n’ont pas été réper-
ter le dommage, La dernière représentation ren- toriés en nombre important dans les
•  Ea = Implantation du poste, contrée est celle utilisant des abaques références bibliographiques que nous
•  Eb = Ambiances de travail, (Exemple Figure A 3). avons analysées.
•  Ec = Contraintes diverses,

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Figure A 3 lisation, cette dernière sera imprécise
Exemple d'abaque : le calculateur de risque de Raafat [3] (cf.  Figure  A  5). L’expert traduit ici le
fait que la situation observée n’est pas
décrite correctement par les défini-
tions associées aux labels de l’échelle.
Probability Plusieurs niveaux peuvent correspondre
Level plus ou moins à son évaluation. L’expert
Risk traduit cette situation sous la forme d’un
Level
1 in 10 Frequent nombre flou triangulaire sur l’échelle
Exposure to hazard
Consequences considérée en affectant des valeurs dif-
férentes de 0 aux valeurs de l’échelle
A selon leur possibilité de correspondre au
Multiple
1 in 100 Probable < 1%
Very rare Fatalities
VI niveau de l’attribut estimé. La lecture de
cette estimation sera de la forme « envi-

Substantial
1% Fatality VI ron  X  » ou «  plutôt  X  ». On s’assurera
25 %
B qu’au moins une catégorie corresponde
1 in 1000 Occasional Severe I à la situation afin de respecter la défi-
50 % nition d’une distribution de possibilité,
75 %
Major III i.e. satisfaisant la condition de norma-
1 in 10 000 Remote 100 %
C lisation.
Continuous Minor II
S’il y a une incertitude sur la valeur
LOW

Insignifiant I que doit prendre l’attribut, on ajoute un


1 in 100 000 Improbable D niveau d’incertitude à l’ensemble du
référentiel. Plus ce niveau est élevé, plus
l’incertitude qu’il traduit est importante
(cf. Figure A 5).
Extremely
1 in million
Remote
Ce type de distribution permet éga-
lement de traduire l’ignorance totale
TIE LINE sans utiliser une modalité particulière.
Par exemple, la figure A 6 montre l’igno-
rance dans le cas classique et avec une
distribution de possibilité. Dans le cas
classique, si l’expert ne sait rien sur la
situation, il aura tendance, par « princi-
pe de précaution », à affecter la catégorie
A3 : Quelques éléments sur la μ Α représente le degré de pos- la plus critique à 1 et à mettre toutes les
logique floue et les techniques sibilité qu’une variable X prenne la autres à 0 (si aucune classe n’est activée,
possibilistes appliquées à la prise valeur x sachant uniquement que “X la sortie du processus calculatoire est
en compte de l’imprécision et de est Α  ”. Les valeurs du support de Α   , nulle). Dans le cas possibiliste, l’igno-
l’incertitude {x/ μ Α (x) ≠ 0}, sont alors mutuellement rance se traduit par une distribution
exclusives, i.e. la variable X ne peut uniforme à 1 sur l’ensemble du référen-
Une distribution de possibilités est prendre qu’une valeur unique comme tiel : aucun élément de connaissance ne
basée sur la notion d’ensemble f lou en probabilités. Le degré de possibilité permet de réduire la possibilité d’une
­proposée par Zadeh [4]. Un ­ensemble ordonne les valeurs en termes de plau- partie du référentiel. Ainsi le processus
f lou Α    est défini par une fonction sibilité. Ces distributions de possibili- calculatoire tient compte de tous les qua-
­d’appartenance qui associe à chaque tés (Figure A 5) permettent de traduire lificatifs pour cet attribut.
élément x du support un degré μ Α  (x) d’une part l’imprécision et d’autre part
compris entre 0 et 1. Ce degré d’appar- l’incertitude.
tenance peut ensuite être interprété de
différentes manières suivant l’utilisa- Suivant la connaissance que l’on
tion que l’on souhaite en faire. Une de a d’une situation, la mesure peut être
ces interprétations concerne la notion représentée de diverses manières. Nous
d’incertitude pour laquelle l’ensemble détaillons ici les différentes représen-
flou représente une distribution de pos- tations possibles de la cotation d’une
sibilités. situation par un expert.

Une distribution de possibilités est Dans le cas précis, il n’y a aucune


définie par un sous ensemble flou de indétermination, la cotation sera précise
fonction d’appartenance μ Α et satisfai- (cas classique, cf. Figure A 4).
sant une condition de normalisation :
S’il y a une indétermination sur
supx(μA–(x)) = 1 la valeur estimée mais pas sur sa réa-

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Figure A 4
Exemple de cotation classique

µR

0 Risque

Très faible Faible Moyen Fort

Figure A 5
Exemples de distributions traduisant l’imprécision (figure de gauche) et l’incertitude (figure de droite)

µR µR
Ignorance dans le cas classique Ignorance dans le cas flou
1 1

0 0 Risque

Très faible Faible Moyen Fort Très faible Faible Moyen Fort

Figure A 6
Expression de l’ignorance dans le cas classique et avec une distribution de possibilité

µR µR
Ignorance dans le cas classique Ignorance dans le cas flou
1 1

0 0 Risque

Très faible Faible Moyen Fort Très faible Faible Moyen Fort

Bibliographie
[1]  P. SUPPES., J.L. ZINNES – Basic [3]  N. WORSELL, J. WILDAY – The
measurement theory, in R. DUCAN LUCE, application of risk assessment to machine-
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Mathematical psychology, Vol.1, New York: estimation techniques, Health and Safety
John Wiley and Sons, 1963. Laboratory, 2001, 130 p.

[2]  Association Internationale de [4]  L. A. ZADEH – Fuzzy Sets,


Sécurité Sociale - Calculez vous-même vos Information and control, 8, 1965, 338-353.
risques d'accident  ! - Appréciation du ris-
que mécanique au poste de travail., 1998,
ISBN 92-843-2130-1.

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