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Programme FAO

«Approvisionnement et distribution alimentaires des villes»

Revue «Aliments dans les Villes»

L’alimentation de rue en Afrique

Colette Canet
DT/25-97F

DT/25-97F - 1997
Copertina interna F 97.qxd 12-09-1998 16:23 Page 1 (1,1)

Les appellations employées dans ce document et la présentation des don-


nées qui y figurent n'impliquent de la part de l'Organisation des Nations Unies
pour l'alimentation et l'agriculture aucune prise de position quant au statut
juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant
au tracé de leurs frontières ou limites.

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Revue et Collection «Aliments dans les villes»
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00100 Rome, Italie
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Adresse électronique: sadaseries@fao.org

www.fao.org/ag/sada.htm

© FAO 1997
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Table des matières

Liste des sigles iv


Liste des tableaux iv

Introduction 1

Présentation de l’auteur 1

1. Les caractéristiques du secteur en Afrique 2

1.1 - Les opérateurs économiques 2


1.2 - La consommation 2
1.3 - L’organisation spatiale 3
1.4 - Les aspects institutionnels 4
1.5 - Les aspects sanitaires 5

2. Les aliments de rue 6

2.1 - Les types d’établissement 6


2.2 - Les aspects opérationnels 6

3. L’assistance au secteur 8

4. Les stratégies futures 9

4.1 - Repenser l’espace urbain 10


4.2 - Réévaluer les partenaires institutionnels 10
4.3 - Motiver les opérateurs de l’alimentation de rue 11

Bibliographie 12

Liste des sigles

CEPLANUT Centre national de planification de nutrition humaine


CNAD Comité national pour l’alimentation et le développement
FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
ONG Organisation non gouvernementale
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
SADA Système d’approvisionnement et de distribution alimentaires

Liste des tableaux

1: Les femmes dans l’alimentation de rue 1


2: Les revenus journaliers provenant de l’alimentation de rue 3
3: La typologie des consommateurs par rapport au total du groupe considéré 4

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Présentation de l’auteur

Colette Canet est titulaire d’un diplôme de Docteur en


pharmacie, spécialisée en nutrition et santé publique
et en toxicologie fondamentale et alimentaire. Après
quelques expériences dans l’industrie pharmaceu-
tique et l’Administration publique dans les services
d’aide sociale en France, elle entre à la FAO en 1983
en tant que chargée de programme au Pérou. Depuis
1989, elle est fonctionnaire en nutrition, Service de la
qualité des aliments et des normes alimentaires,
Division de l’alimentation à la FAO à Rome où elle
s’occupe des programmes de contrôle et qualité ali-
mentaires et, en particulier, des études et projets en
rapport avec le secteur de l’alimentation de rue. Elle
a publié de nombreux articles sur le sujet et a partici-
pé à la préparation et à la rédaction de divers docu-
ments, y compris audiovisuels, à ce propos.

iv Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2


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Introduction A ce jour, diverses activités ont été menées, souvent


avec l’assistance de la FAO et d’autres organismes
internationaux, dans le secteur de l’alimentation de
Le secteur de l’alimentation de rue peut, à première rue. Ces actions ont permis de mieux cerner la situa-
vue, paraître marginal surtout si on le compare aux tion, d’identifier les problèmes spécifiques qui en
grands secteurs de la production agricole, de l’indus- découlent et de proposer, voire de mettre en oeuvre
trie agroalimentaire et de la commercialisation des pro- dans certains pays, des stratégies visant à contrôler
duits agricoles et alimentaires. Le secteur de l’alimen- les effets négatifs de la vente des aliments sur la voie
tation de rue prend cependant une dimension toute publique, tout en conservant les aspects positifs du
particulière dans les centres urbains africains où l’ur- secteur, principalement socio-économiques et nutri-
banisation rapide et les difficultés économiques ont tionnels.
favorisé l’augmentation du nombre de vendeurs d’ali-
ments sur la voie publique.

Ce secteur a été défini par la FAO comme suit: «Le


secteur produisant des aliments et des boissons
prêts à être consommés, préparés et/ou vendus par
des vendeurs, spécialement dans les rues et dans les
autres lieux publics similaires». L’alimentation de rue
entre dans la problématique de la reconnaissance
des petites activités marchandes et artisanales des
villes. Sa place dans le processus d’urbanisation et
dans le fonctionnement de l’économie urbaine reflète
le mode de vie et de survie dans les villes africaines.

Tableau 1

LES FEMMES DANS L’ALIMENTATION DE RUE

% de femmes parmi les vendeurs de rue

Bénin (Cotonou) 90
Congo (Brazzaville) 55
Côte d’Ivoire (Abidjan) 81
Ghana (Accra) 94
Kenya 75
Lesotho 85
Mali (Bamako) 80
Mauritanie (Nouakchott) 75
Nigeria(Ibadan) 86
(Kaduna) 79
(Lagos) 81
Ouganda (Kampala) 72
Sénégal (Dakar) 77
Togo 87
Zaïre (Kinshasa) 82
Zambie 70

Source: Documents et rapports de projets sur le secteur informel de l’alimentation , 1989-1996. FAO.

1
7 - C. Canet: L’alimentation de rue en Afrique
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1 est plutôt le domaine des hommes, la préparation de


Les caractéristiques du secteur repas plutôt celui des femmes, d’autres activités
en Afrique comme la préparation du lait caillé, des sucettes gla-
cées ou la préparation des beignets peuvent être exer-
cées indifféremment par des hommes ou des femmes.
L’apparition des activités de préparation et de com- Une spécialisation ethnique est parfois notée: les
merce des aliments dans les villes africaines n’est Peuhls, Maures et Haoussas sont largement majori-
pas un phénomène récent. Par exemple, bien avant taires dans le grillage des viandes, par exemple.
la colonisation européenne, les populations des villes
comme Tombouctou et Kano étaient approvisionnées L’âge moyen des vendeurs est de 35 ans et les opéra-
en aliments divers par des commerçants et artisans. teurs emploient souvent des aides qui sont générale-
Partout dans la région, ces activités se sont ampli- ment beaucoup plus jeunes. Très souvent, la famille
fiées et transformées à partir des années 60 avec le entière participe aux divers stades de l’achat des pro-
développement et l’explosion démographique des duits et matières premières, à la préparation des ali-
centres urbains. On peut rappeler qu’en Afrique, les ments et à leur vente. Nombre d’enfants assurent la
migrants ruraux représentent l’essentiel de la crois- vente ambulante des aliments. Le niveau d’éducation
sance annuelle de la population urbaine (5 à 8 pour formelle des opérateurs est très bas dans l’ensemble,
cent sur 7 à 10 pour cent d’augmentation totale). A avec environ 58 pour cent d’illettrés, taux non sans rap-
ces chiffres, il faut ajouter la part des migrants sai- port avec les taux et niveaux de scolarisation dans les
sonniers. Seulement à Dakar, on les estime à environ pays de la région.
100 000 par an.
Les aliments vendus sur la voie publique s’avèrent
La création d’emplois dans le secteur formel ne suit pas aussi une source de revenu sûre et importante (voir
cet accroissement de main-d’œuvre disponible en ville tableau 2). Les revenus obtenus servent principale-
qui s’oriente alors vers les petits métiers du secteur arti- ment à renouveler les stocks de matières premières
sanal urbain, y compris l’alimentation de rue, la plupart et les équipements et à assurer certaines dépenses
sous une économie informelle. Le secteur de l’alimen- au niveau du ménage (logement, nourriture, habille-
tation de rue est donc souvent informel dans le sens où ment, frais de santé et de scolarité). Les bénéfices
ces micro-entreprises se sont constituées spontané- sont épargnés par le système traditionnel de tontine
ment et qu’elles ne répondent pas aux obligations ou par le système d’épargne modulé. Cependant, les
réglementaires officielles. La complexité et le large fonds ainsi épargnés sont plus utilisés pour des
éventail de situations rencontrées font qu’il est difficile dépenses sociales (fêtes communautaires, mariage,
de fixer un niveau d’irrégularité de l’alimentation de rue décès, etc.) que pour un investissement productif
et qu’il y a diverses formes d’informalité dans ce sec- dans le secteur. Les opérateurs du secteur travaillent
teur. Ce n’est pas l’informalité qui est le facteur le plus environ dix heures par jour, six jours sur sept et ne
caractéristique, c’est bien le caractère social et écono- bénéficient pas de congés annuels. Leur ancienneté
mique de l’alimentation de rue qui est important: elle est généralement faible dans les structures mobiles
correspond à un marché et répond à des besoins mais peut atteindre jusqu’à quinze ans dans les struc-
essentiellement urbains. tures fixes. L’importance économique et sociale du
secteur informel de l’alimentation est facilement illus-
1.1 trée par quelques chiffres: un chiffre d’affaires journa-
Les opérateurs économiques lier de francs CFA 140 millions a été calculé pour la
seule ville de Ouagadougou, il est estimé à francs
Dans beaucoup de villes de pays en développement, CFA 9 milliards annuellement à Cotonou, il s’élève à
le quart des actifs, notamment les femmes, vivent de la francs CFA 737 millions pour le secteur de l’alimenta-
vente des aliments de rue (voir tableau 1). Elles choi- tion de rue situé autour des écoles à Bamako.
sissent un secteur où elles sont traditionnellement
compétentes (préparation des aliments) et qui présen- 1.2
te certains avantages non négligeables, comme ceux La consommation
de nécessiter peu d’investissement (elles utilisent les
équipements déjà disponibles dans leur «cuisine»), de Si le secteur de l’alimentation de rue non seulement
leur permettre de concilier leurs travaux domestiques se maintient mais continue à se développer dans les
avec l’artisanat marchand et de nourrir à coût réduit villes, c’est qu’il répond à une forte demande des
leur famille. Les vendeurs sont donc souvent des ven- populations urbaines. Il propose des aliments à la fois
deuses et on observe une spécialisation sexuelle mar- traditionnels à base de produits locaux et aussi des
quée selon les produits vendus: le grillage des viandes plats nouveaux adaptés aux conditions de vie urbai-

2 Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2


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ne et aux revenus faibles de nombreux résidents intérieure par exemple). La demande croissante de
urbains. mets et d’aliments préparés et vendus sur la voie
publique s’explique aussi par les phénomènes de
Ce secteur offre aux populations des villes des aliments migration qui entraînent l’augmentation du nombre de
prêts à être consommés, au goût populaire et à des personnes vivant seules, souvent en situation difficile et
coûts acceptables. En effet, de par l’absence de avec de bas revenus. Consommer ses repas dans les
moyens de transport adéquats et de temps, de nom- rues, le matin ou à mid,i devient un lieu commun en
breux travailleurs, employés, étudiants, écoliers, etc., Afrique. Les hommes célibataires de moins de trente
ne peuvent rentrer chez eux pour les repas. Par ans sont les consommateurs les plus nombreux et assi-
manque de système efficace de restauration collective, dus, y compris les écoliers et les étudiants (voir tableau
comme les cantines sur les lieux de travail, ils achètent 3). Le montant consacré à l’achat d’aliments de rue
dans la rue de quoi se nourrir à peu de frais par rapport varie suivant les pays et les catégories socio-profes-
à ce que leur coûterait un repas au restaurant ou même sionnelles des consommateurs. En effet, 20 pour cent
à la maison. Les conditions d’hébergement précaire du budget alimentaire à Dakar et en Côte d’Ivoire est
dans certaines zones urbaines, en particulier celles des consacré à la restauration hors domicile et seulement 5
familles les plus défavorisées, ne permettent pas tou- pour cent à Bamako.
jours la préparation des repas à la maison et les condui-
sent à dépendre de l’alimentation de rue. Certaines 1.3
opérations de préparation d’aliments traditionnels ne L’organisation spatiale
sont plus compatibles avec le travail des femmes à l’ex-
térieur ou avec les conditions d’habitat (pas de possibi- Spatialement, le secteur de l’alimentation de rue
lité de pilage dans les appartements ou pas de cour s’épanouit avec souplesse dans les zones de forte

Tableau 2

LES REVENUS JOURNALIERS PROVENANT


DE L’ALIMENTATION DE RUE

Bénin (Cotonou) FCFA 1 500 - 15 000


Burkina Faso FCFA 7 102
Congo FCFA 2 000 - 20 000
Côte d’Ivoire (Abidjan) FCFA 3 000 - 10 000 (22 000 mensuel)*
Madagascar eq.FF 71 - 143 /mois
Malawi MK 60 - 250 /mois
Mali FCFA 1 000 - 3 000
Maroc (Rabat-Salé) DH1 1 715 (DH 800 /jour)*
Mauritanie (Nouakchott) Ouguiya 200 - 5 000 (salaires publics inférieurs)
Nigeria
(Ibadan) éq. $EU 25 /mois*
(Kaduna) éq. $EU 3,5
(Lagos) éq. $EU 2,5
Tanzanie éq. $EU 3,5
Togo T Sh 120 (T Sh 24 /jour)*
Ouganda (Kampala) éq. $EU 10 (éq. 50 $EU/mois)

Source: Documents et rapports de projets sur le secteur informel de l’alimentation, 1989-1996. FAO.
* Salaire minimum garanti par le pays.
1
50% des vendeurs de nuit ont un revenu supérieur à celui d’un enseignant de l’école secondaire.

3
7 - C. Canet: L’alimentation de rue en Afrique
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activité économique et de forte concentration démo- crée le réel coeur de la ville de jour comme de nuit,
graphique: quartiers d’affaires, zones portuaires, se cache l’instabilité et la précarité due à la non
zones industrielles et artisanales, centres administra- reconnaissance juridique du secteur et de ses
tifs, marchés, gares, etc. Il est également perceptible acteurs.
le soir dans les zones d’habitat, en relation avec les
activités de détente. La structure du tissu urbain des 1.4
pays africains, conçue sur des trames d’urbanisme Les aspects institutionnels
occidentales se révèlent inadaptées à l’accueil du
secteur de rue qui prolifère dans tous les interstices Malgré l’énorme activité économique engendrée par
et les espaces de respiration de la ville. Le centre la vente d’aliments sur la voie publique et malgré son
colonial est structuré en réseaux assainis, découpant rôle pour répondre aux besoins alimentaires, socio-
nettement les espaces selon des concepts importés: économiques et culturels de la communauté, ce sec-
espace public/privé, caché/montré, propre/sale, com- teur n’est pas reconnu comme tel dans de nombreux
mandement/exécution, marginalisation des quartiers pays et continue à être traité comme un «commerce
indigènes. L’espace collectif semi-public n’existe pas parallèle». Certains espèrent même le voir dispa-
et le secteur informel a colonisé les espaces publics. raître avec le développement du pays; or, l’expérien-
Les trottoirs en terre battue encrassée ou en dalles ce tant en Asie qu’en Amérique latine, montre que ce
défoncées sont envahis de stands vétustes, couverts n’est pas le cas.
de vieilles tôles ou de toiles plastiques qui risquent de
s’enflammer, sans mobilier, ou précaire et sans pro- Dans les pays africains, plusieurs structures inter-
tection. Ils sont le symbole de la vie animée de la rue viennent dans la gestion du secteur de l’alimentation
en Afrique, mais au-delà de cet espace coloré qui de rue: services d’hygiène au niveau des

Tableau 3

LA TYPOLOGIE DES CONSOMMATEURS


PAR RAPPORT AU TOTAL DU GROUPE CONSIDÉRÉ
(%)

Pays Hommes Célibataires Moins de 30 ans Fréquentation


1 fois/jour 2 fois/jour

Côte d’Ivoire 74 66 35 52 -
(Abidjan)
Ghana (Accra) 65 71 75 36 44
Mali (Bamako) - - 60 58 -
Maroc (Rabat-Salé) (majorité) (majorité) 60 - -
Nigeria
(Ibadan) 58 49 70 40 34
(Kaduna) 62 66 75 43 14
(Lagos) 70 31 56 46 26
Ouganda (Kampala) 76 58 77 - -
Zaíre (Kinshasa) 95 53 (âge moyen 38 ans) - -

Source: Documents et rapports de projets sur le secteur informel de l’alimentation , 1989-1996. FAO.
(-) pas d’information disponible.
N.B.: Ce tableau a été dressé à partir d’études plus ou moins ponctuelles effectuées de 1987 à 1995 avec des objectifs divers
et selon des méthodologies différentes. Ces chiffres sont donc indicatifs et ne peuvent que difficilement être comparés entre
eux.

Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2


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Municipalités et du Ministère de la santé, services Finalement, on ne saurait ignorer les conséquences


vétérinaires du Ministère de l’agriculture ou équiva- sur l’environnement urbain de la préparation et la
lents municipaux, contrôle des prix par le Ministère du vente des aliments sur la voie publique. Elles ont
commerce, service des pêches, etc. Différents pour noms: fumées des «cuisines», obstructions des
contrôles s’appliquent: contrôle de la qualité des ali- réseaux d’assainissement, encombrement et dégra-
ments (observation directe, prise d’échantillons, etc.), dation des voies de circulation (rues et trottoirs),
contrôle des prix, surveillance sanitaire des person- ordures et eaux usées jetées sur la voie publique,
nels et structures de préparation et de vente (certifi- aggravant ainsi la situation déjà précaire de l’infra-
cat de santé, autorisation municipale, etc.). structure des villes des pays africains, caractérisées
Cependant, la faiblesse des institutions, leur manque principalement par le manque d’adduction en eau
de coordination, leur manque de ressources en potable et de moyens d’évacuation des déchets et
moyens humains et financiers, l’inadéquation des eaux usées. Signalons encore les risques d’accidents
structures et des méthodes de travail, ne permettent de la circulation générés par l’encombrement des
pas aux différents services concernés de s’acquitter espaces de la chaussée ou des trottoirs, la tension et
efficacement de leurs tâches de contrôle, d’éducation la compétition sauvage pour disposer des espaces
ou de répression. marchands ou des points d’eau selon des modalités
qui cèdent volontiers à la violence et à la brutalité.
Dans l’ensemble, l’absence de surveillance officielle Les principales conséquences du manque d’infra-
de la vente ambulante des aliments préparés sur la structure et d’aménagement d’hygiène sont l’insalu-
voie publique entraîne toutes sortes de problèmes brité, l’inconfort et l’insécurité. Ces problèmes dépas-
mettant directement en jeu la santé des consomma- sent les aspects techniques et sanitaires et relèvent
teurs. du domaine socio-juridique. Il est impossible d’assu-
rer un service adapté à des usagers qui n’existent
1.5 pas officiellement, et il est difficile de leur demander
Les aspects sanitaires de respecter un environnement qui ne les sert pas
alors que des taxes sont malgré tout régulièrement
Les études entreprises à ce jour font état de l’utilisa- prélevées.
tion de matières premières et ingrédients de mauvai-
se qualité microbiologique, voire en état de décom-
position, d’eau non potable sous forme de boissons
diverses ou sous forme de glace, d’additifs alimen-
taires non autorisés ou en quantité inappropriée, de
vaisselles et emballages impropres au contact avec
les aliments ou insuffisamment nettoyés. De mau-
vaises techniques de préparation, d’emballage, de
conservation et de vente des aliments dans un envi-
ronnement précaire (manque d’eau potable, proximi-
té de voies d’évacuation des eaux usées, des égouts
et tas d’ordures, chaleur ou ensoleillement excessif)
risquent aussi d’être à l’origine de contamination
microbiologique. D’autre part, les fraudes et falsifica-
tions sont nombreuses dans le secteur informel de
l’alimentation, à savoir l’omission d’ingrédients
essentiels ou la réduction en teneur de certains ingré-
dients (par exemple des jus de fruits sans fruits, des
sauces à la viande où seuls les os sont présents,
etc.). Quelques données ponctuelles ont été obte-
nues sur les types de contamination microbiologique.
Des cas d’intoxications alimentaires causés par les
aliments de rue ont été reportés dans plusieurs pays
et la presse s’en fait souvent l’écho lorsque les cas
sont particulièrement nombreux ou mortels.

7 - C. Canet: L’alimentation de rue en Afrique 5


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2 2.1
Les aliments de rue Les types d’établissement

Trois catégories principales d’aliments de rue ont été Le «transformateur-vendeur» assure à la fois la produc-
identifiées en Afrique: les plats cuisinés, les casse-croûte tion (chez lui ou sur le lieu de vente) et la commercialisa-
et les boissons. La plupart de ces aliments sont préparés tion des aliments. Les exploitations impliquées sont géné-
à partir de produits locaux (céréales, tubercules, légumi- ralement de petite taille et gérées par des femmes. Le
neuses, fruits et légumes, produits carnés) au moyen de petit commerce des aliments, quant à lui, assure à la fois
technologies traditionnelles rarement améliorées. la distribution des aliments traditionnels et celle de pro-
Quelques aliments moins traditionnels ou importés sont duits industriels. Ce sont ici de simples revendeurs. Ils
parfois utilisés, comme les pâtes alimentaires, les exercent un commerce individuel qui constitue souvent
pommes de terre (frites), les sandwiches etc. un tremplin pour d’autres activités. Diverses catégories
sont observées: les opératrices qui s’approvisionnent en
Les plats cuisinés comprennent ceux du «petit-déjeuner» fruits, pains, gâteaux, biscuits, boissons; les jeunes filles
à base de pain (y compris parfois sandwich, brochettes et en début de carrière pour l’eau, les confiseries, beignets;
omelette), beurre (margarine) et café ou thé au lait, des les jeunes gens pour la revente de boissons industrielles
bouillies de céréales, de haricots ou de tubercules (aklui, dans des chariots réfrigérés.
koko, monie, tiakry, abobo, adowe, atassi, etc.) et ceux du
«déjeuner» ou «dîner» qui sont souvent les aliments tra- La restauration de rue fixe regroupe des restaurants tra-
ditionnels que l’on retrouve aux menus familiaux. Ces ditionnels dits «gargotes». Ce sont des établissements de
repas sont constitués d’un élément de base de nature glu- structure plus ou moins permanente, gérés de façon indi-
cidique (dérivé de céréales, de tubercules, etc.) et de la viduelle, et qui proposent des repas ou des plats cuisinés.
sauce (ou friture) à base de légumes, légumineuses, La préparation des aliments se fait souvent sur le lieu de
viande ou poisson. La nature de ces éléments varie selon vente. Parfois, ils sont préparés à domicile et transportés
la zone considérée dans la région et dépend des cultures sur le lieu de vente. Ces établissements emploient sou-
vivrières réalisées (tô, amiwo, monyo, fufu, gombo, attie- vent des aides familiaux et quelques employés salariés.
ke, riz gras, thiebu djienne, yassa). Mais avec le dévelop-
pement des échanges entre les pays, on assiste à la dif- La restauration ambulante se caractérise par une petite
fusion de certains plats dans toute la sous-région. Les production, une faible diversité des plats proposés, et l’in-
casse-croûtes pour leur part, peuvent être les mêmes existence de structures de vente. C’est surtout le domai-
produits que ceux proposés pour le «petit-déjeuner», ne des femmes. Les aliments sont préparés à domicile et
mais aussi des beignets, des arachides, nougats, pains, transportés sur le lieu de vente par les productrices.
biscuits et pâtisseries plus ou moins à l’occidentale, et des
produits laitiers (lait caillé). Les viandes et poissons grillés Dans l’ensemble de la sous-région, les «producteurs-ven-
sont aussi couramment proposés et consommés. Dans la deurs» sont les plus nombreux. Ils représentent environ
catégorie des boissons, l’eau (sachets plastiques, réfrigé- 70 pour cent des vendeurs d’aliments de rue.
rée ou non) est une des principales boissons vendues.
Dans l’ensemble, les boissons traditionnelles (tchakpalo, 2.2
dolo, jus de gingembre, de bissap, etc.) sont plus vendues Les aspects opérationnels
que les boissons industrielles.
Pour la réalisation de leurs activités de production et de
Les technologies de transformation utilisées dans le sec- vente, les établissements d’alimentation de rue entretien-
teur proviennent du patrimoine culturel et technique local. nent des rapports spécifiques avec différents secteurs.
Ce sont des technologies domestiques transmises à tra- Ces rapports sont directs ou indirects par le biais des
vers un procédé accompagné d’une communication ges- commerçants et permettent d’assurer les divers approvi-
tuelle et orale. sionnements (matières premières, matériels et équipe-
ments) ainsi que les prestations nécessaires au fonction-
Le secteur de l’alimentation de rue est varié. Il comprend nement de ces établissements (agents de transformation,
des établissements de «transformation et vente», des propriétaires publics ou privés des terrains où ils opèrent,
petits commerces alimentaires, une restauration de rue riverains autorisant l’activité, loueurs, municipalités préle-
fixe et une alimentation ambulante. vant les taxes, etc.). Tous les acteurs de l’alimentation de
rue fonctionnent avec des règles non écrites: le contrat
verbal constitue le moteur juridique du secteur informel.
On ne saurait se féliciter du dynamisme contractuel de ce
secteur si ces liens n’étaient d’abord dominés par l’igno-
rance et l’insécurité juridique, facteurs qui pénalisent l’in-

6 Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2


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vestissement et le développement du commerce. Ces ment en fonction de la nature du produit traité ou fourni,
activités génèrent de nombreux jeux d’intérêts où appa- du travail effectué, du niveau de vie de la localité, etc. Les
raissent alors les intervenants habituels de l’informalité qui «aides» sur les postes de préparation et de vente sont,
sont pour l’essentiel les personnes susceptibles de tirer quant à eux, soit non rémunérés (aides familiaux), soit
partie ou profit de la situation de vulnérabilité des opéra- peu rémunérés (employés salariés).
teurs du secteur.
La journée de travail des opérateurs du secteur est
D’une façon générale, les opérateurs s’approvisionnent longue (en moyenne 10 heures). Les activités recouvrent
en matières premières agricoles sur les marchés, et chez l’approvisionnement en matières premières, la prépara-
des commerçants grossistes qui s’approvisionnent eux- tion, la vente, le nettoyage des ustensiles et autres maté-
mêmes directement en milieu rural. Certains s’approvi- riels et structures.
sionnent auprès des producteurs ou sur les marchés
ruraux proches des villes où ils ont souvent des relations La phase des achats se fait tôt le matin ou la veille.
familiales. Quelques opérateurs constituent des stocks pour certains
produits de longue conservation (riz, maïs, mil, etc.). Cette
Les produits animaux frais, tels que les poissons et les phase d’approvisionnement demande relativement peu
œufs sont acquis directement auprès de revendeurs sur de temps.
les marchés ou auprès de producteurs urbains (pêcheurs
maritimes ou lagunaires, éleveurs avicoles). Par contre, la phase de la préparation des aliments est
très longue. La plupart des opérations technologiques
Les produits finis ou semi-finis nécessaires (riz, pâtes ali- sont manuelles et grandes consommatrices de temps.
mentaires, boissons industrielles) sont achetés chez des Certains de ces produits sont donc stockés sous forme de
commerçants ou entreprises de production. produit semi-finis pour plusieurs cycles de production.

Ces différents achats se font généralement au comptant. La commercialisation requiert également du temps. La
Cependant, pour certains produits (maïs, sorgho, riz, fari- durée de vente dépend du type d’activité. Les vendeurs
ne, pain, huile, viande), les opérateurs disposent de four- de courte durée sont majoritaires: ils travaillent pour le
nisseurs permanents avec lesquels ils nouent des rela- petit déjeuner, le déjeuner ou le dîner, et une rotation des
tions sociales particulières et qui acceptent de leur faire vendeurs sur un même emplacement a été observée. Ce
crédit, à l’avantage marqué pour le commerçant cepen- type de vente permet de concilier plus facilement les acti-
dant. vités commerciales et les activités domestiques. Les ven-
deurs de longue durée sont installés surtout dans des
De nombreux matériels de production et vente sont issus structures fixes et disposent de nombreux aides pour les
de l’artisanat local (forgerons, potiers, fondeurs, menui- diverses opérations.
siers). Les matériels plastiques sont, par contre, achetés
chez les commerçants et sont issus du secteur industriel. D’une façon générale, les opérateurs préparent la quanti-
Ces achats sont effectués au comptant. té d’aliments pouvant être écoulée dans la journée. Dans
tous les cas, les invendus sont recyclés, voire consom-
Les opérateurs du secteur de l’alimentation de rue réali- més par la famille et les aides.
sent toutes leurs opérations de production et de vente.
Cependant, pour diverses raisons (pénibilité de l’opéra- Le nettoyage de la vaisselle et des lieux de vente est sou-
tion, caractère rural du travail, efficacité du travail mécani- vent effectué par des aides, même si les conditions sani-
sé), certaines tâches sont confiées à des prestataires de taires requises pour ce type d’opération ne sont pas sui-
service: les «pileuses» pour décortiquer le mil (Dakar, vies.
Bamako, Banjul) par exemple; les meuniers pour la mou-
ture des graines végétales, cossettes de tubercules,
tomates. A Cotonou, par exemple, 659 moulins ont été
recensés (un moulin pour 630 habitants environ). Plus de
300 opérateurs y font moudre environ 72 tonnes de pro-
duits, dont 90 pour cent de maïs. On peut aussi citer les
fournisseurs de feuilles végétales, essentiellement des
femmes rurales venant en ville pour l’emballage de pro-
duits divers, les fournisseurs d’emballage industriel qui se
recrutent parmi les couches les plus pauvres de la popu-
lation, et les vendeurs de bois et de charbon. Les travaux
de ces prestataires de service sont rémunérés diverse-

7 - C. Canet: L’alimentation de rue en Afrique 7


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3 tiques à utiliser dans le secteur informel de l’alimen-


L’assistance au secteur tation. La sensibilisation des fonctionnaires ayant en
charge ces domaines est une priorité, leur associa-
Les actions menées dans ce domaine par les organi- tion tout au long du projet a aidé à leur prise de
sations internationales telles que la FAO, le PNUD conscience des problèmes de terrain. L’organisation
(Programme des Nations Unies pour le développe- de réunions au niveau national ou municipal des sec-
ment), etc. en collaboration avec leurs Etats teurs concernés a permis à tous de se familiariser
membres, ont été diverses et, dans la mesure du avec les études faites dans le cadre des projets. La
possible, adaptées en fonction des besoins et de la formation (formation de formateurs) des agents char-
situation de chaque pays ou des villes. gés du contrôle du secteur de l’alimentation de rue,
en particulier les inspecteurs alimentaires, a été
Les études de diagnostic du secteur informel de l’ali- assurée par les projets à travers des sessions théo-
mentation ont servi de base à la tenue de réunions riques et pratiques sur le terrain.
régionales et ont permis de suggérer les actions à
réaliser en Afrique pour permettre au secteur informel Des actions ont été menées pour organiser les ven-
de l’alimentation de jouer son rôle positif dans le deurs entre eux sous forme d’association afin de
développement des économies locales, tout en leur permettre un meilleur accès aux cours de for-
contrôlant ses aspects négatifs sur la santé publique mation ainsi qu’un certain accès aux crédits (Côte
et l’environnement. Ces études et rencontres ont per- d’Ivoire et Zaïre). Là où de tels groupements exis-
mis une certaine mobilisation des Autorités locales taient déjà (Ghana), ils deviennent des interlocu-
dans ces pays. Elles ont amené à tester des actions teurs privilégiés du projet. Ces groupements ou
concrètes sur le terrain. associations ont aussi pour rôle primordial de parti-
ciper avec les Autorités locales aux prises de déci-
Les réunions régionales, tenues au Bénin en 1994 et sion sur les aspects les concernant, en particulier
au Ghana en 1992, ont mis l’accent sur la nécessité sur l’infrastructure des zones à haute densité du
de reconnaître officiellement l’alimentation de rue afin secteur et sur les activités de surveillance et contrô-
de l’intégrer à terme au secteur formel. le de la qualité que ces Autorités se doivent d’exer-
cer. La formation de ces groupements a certaine-
Elles ont, par ailleurs, recommandé une meilleure ment aidé à la prise de conscience des vendeuses
coordination des actions des Autorités nationales et de leur identité et professionnalisme. Elles ont parti-
locales pour assurer la salubrité des aliments prépa- cipé très activement aux différents projets, tant dans
rés sur la voie publique et souligné les besoins en for- la définition des infrastructures que des besoins en
mation, en hygiène alimentaire des vendeurs, ainsi formation.
que la nécessité d’éduquer les consommateurs.
Sur les sites pilotes, différentes approches ont été
Cette approche a donc été suivie dans le cadre d’ac- testées selon les conditions et besoins existant dans
tivités expérimentales de développement menées sur le secteur de l’alimentation de rue. L’amélioration des
le terrain. Des projets ont été mis en œuvre, notam- infrastructures et de leur environnement est une
ment en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Mozambique, au nécessité si le secteur de l’alimentation de rue est à
Nigeria et au Zaïre, pour assister les Autorités intégrer à terme dans les espaces urbains et l’écono-
concernées à dessiner et à mettre en œuvre des pro- mie des pays. Des modèles sanitaires et architectu-
grammes d’action pour améliorer la situation du sec- raux ont été testés. Ils devaient répondre à divers cri-
teur de l’alimentation de rue. tères de prix, de sécurité (vol), de matériaux locaux,
de clientèle (restauration du matin, midi ou soir, res-
Ces projets ont tablé sur la mise en place d’équipes tauration rapide ou de loisir), de terrain (public ou
de travail multidisciplinaires pour gérer l’approche non, assaini ou non, emplacement, etc.). Ainsi, des
multisectorielle et la nécessaire coordination de tous stands démontables avec usage collectif des infra-
les acteurs: Administrations nationales ou locales, structures d’hygiène ou des établissements fixes de
ONG, privés, vendeurs, consommateurs, etc. type individuel, ont été testés. Ces différents types de
«construction» étaient adaptés à diverses conditions
Le point a été fait sur la réglementation en vigueur existantes: Municipalités comme propriétaires des
dans ces pays et les besoins spécifiques de mise à terrains et vendeuses locataires, droit de construction
jour dans le secteur de l’alimentation en ce qui accordé ou non, existence de groupements/associa-
concerne, par exemple, les codes d’hygiènes, le droit tions de vendeuses ou vendeuses à titre individuel, et
foncier, les procédures d’autorisation diverses, etc. titres d’occupation des sols variés qui sont parfois
Des codes d’usage sont aussi préparés pour les pra- concédés. Les équipements correspondants étaient

8 Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2


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aussi développés: systèmes de ramassage d’or- 4


dures, poubelles, lavoirs, filtres à graisse, séchoirs, Les stratégies futures
toilettes, etc. Une approche de type participatif était
utilisée par l’équipe des ingénieurs sanitaires et des
constructeurs lors de l’identification des besoins et la L’alimentation de rue, et le commerce de rue en
construction (emplacements, commodité des installa- général, font dériver la ville africaine vers le chaos.
tions, etc.). Force est de constater que les formes traditionnelles
de gestion et d’intervention, à caractère technocra-
Des programmes de formation de tous les vendeurs tique et unilatéral, montrent aujourd’hui leur impuis-
(souvent des vendeuses) ont été organisés. Ils ont sance.
consisté essentiellement en séances de travail pra-
tique directement en collaboration avec les ven- En se basant sur les conclusions et recommanda-
deuses sur les lieux même de production et vente tions des experts et participants que la FAO a réuni à
des aliments de rue, en général dans les structures l’occasion de diverses réunions régionales et interna-
«améliorées». Les programmes de formation étaient tionales sur le secteur informel de l’alimentation et
préparés à partir des résultats d’enquêtes sanitaires l’évaluation des résultats obtenus dans les projets, il
préliminaires. Des guides de bonnes pratiques ont apparaît que diverses mesures permettraient d’amé-
été préparés comme aide-mémoires pour les ven- liorer la situation de l’alimentation de rue, à savoir
deuses et pour les agents chargés du contrôle. l’actualisation et l’application de la réglementation
adéquate, l’amélioration des techniques et méthodes
Ces projets comportent, en général, non seulement de préparation, de manipulation et de conservation
des activités importantes de formation des vendeurs des aliments, la formation des vendeurs dans ces
en hygiène alimentaire et en bonnes pratiques de techniques et autres notions d’hygiène alimentaire, et
préparation des aliments, mais aussi la préparation l’éducation des consommateurs.
de campagnes d’éducation des consommateurs (pré-
paration de campagnes télévisées sur des thèmes En fait, les leçons tirées des programmes d’étude du
d’hygiène identifiés comme prioritaires, réalisation de secteur sont nombreuses, à savoir, d’une part, que
stands pilotes sur les marchés, distribution de docu- tout activité visant à promouvoir le secteur tend à
ments de vulgarisation, etc.). condamner progressivement et implicitement son
informalité ou marginalité, d’autre part, l’évolution des
Il est évident que ces activités ne pouvaient être approches d’analyse de l’alimentation de rue fournit
qu’expérimentales dans un premier temps. Elles ont une méthodologie testée sur le terrain qui a permis
montré leur viabilité dans ce contexte. Le finance- de mieux cerner le secteur et d’identifier des mesures
ment de programmes plus importants de «restructu- concrètes pour le promouvoir, tout en le contrôlant.
ration» des infrastructures du secteur de l’alimenta-
tion de rue, la formation continue des agents muni- En effet, les premières études se limitaient à analyser
cipaux chargés du contrôle, celle des vendeurs et la qualité des aliments circulant dans les rues sur la
l’éducation des consommateurs doivent être envisa- base d’un échantillonnage représentatif permettant
gés. Il est à noter qu’à Abidjan, un nombre non d’identifier d’éventuelles contaminations microbiolo-
négligeable de vendeuses a approché le Comité giques ou chimiques. Cette approche a permis de cer-
national pour l’alimentation et le développement ner les contaminants les plus courants et les aliments
(CNAD) afin qu’il poursuive l’expérience entreprise les plus susceptibles de contamination ou d’adultéra-
avec les municipalités. Ces vendeuses demandent tion. Les limites de cette approche tenaient principale-
à être reconnues officiellement. Elles demandent ment aux budgets qui conditionnent la taille de l’échan-
une assistance technique mais assurent pouvoir tillon et, par conséquent, la représentativité de cer-
subvenir en partie elles-mêmes au financement des taines études.
structures. Au Zaïre, des ONG travaillent en colla-
boration avec le Centre national de planification de La deuxième approche a consisté à affiner les résul-
nutrition humaine (CEPLANUT) pour étudier les tats obtenus précédemment. Les études se focali-
possibilités de renouveler les opérations en les saient sur certains aliments ou sur certains contami-
accompagnant de systèmes de crédit aux ven- nants des plus courants. On a ainsi pu obtenir, avec
deuses. des budgets semblables, des indications plus repré-
sentatives des contaminations sur tel ou tel type d’ali-
ment. Cependant, cette approche ne permettait pas
d’identifier les causes de la contamination.

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La troisième approche se concentrait sur l’étude de privés (écoles, universités, hôpitaux, gares, etc.) à
toutes les étapes de la filière (achat des matières construire et gérer leurs propres restaurants collec-
premières, transformation, cuisson, stockage, tifs, ce qui paraît irréaliste dans un futur, même à
conservation, transport, vente, etc.) d’un type d’ali- moyen terme. Dès lors, il faut trouver des espaces
ment. Elle a permis d’identifier plus aisément les urbains, collectifs, semi-publics, ouverts, etc. et y
bonnes pratiques de préparation à appliquer dans mettre en place des infrastructures pour l’alimenta-
le secteur de l’alimentation de rue, les innovations tion de rue. Quelle autorité sera responsable de ces
technologiques réplicables et les pratiques d’hygiè- espaces? Qui devra planifier cette organisation spa-
ne des aliments à mettre en œuvre. Cependant, là tiale? Ce sont là des questions préliminaires qu’il faut
encore, cette approche s’est avérée limitée dans la se poser pour agir.
mesure où les méthodes permettant l’amélioration
de la qualité dans la filière étaient peu appliquées Ne pouvant nier le phénomène de l’alimentation de
par des opérateurs difficiles à motiver et, en géné- rue, on doit évaluer ses besoins en termes de ser-
ral, mal comprises par les consommateurs. vices et d’infrastructures. Actuellement, les ingénieurs
ne prévoient, pour des installations de raccordement
La quatrième approche a donc incorporé, non seule- à l’eau et à l’assainissement, que des systèmes fon-
ment des enquêtes de type traditionnel pour mieux dés sur la propriété riveraine. Or, les besoins en eau
connaître les opérateurs du secteur, mais aussi des et assainissement paraissent ponctuels, collectifs et
méthodes de type participatif avec les opérateurs du mouvants dans l’alimentation de rue. Comment
secteur et des enquêtes auprès des consommateurs rendre compte techniquement, économiquement et
afin d’identifier les contraintes des préparateurs/ven- juridiquement de ces besoins? De même, on doit
deurs, d’une part, et de mieux comprendre l’attitude approfondir la réflexion sur les systèmes de ramassa-
du consommateur et ses attentes, de l’autre. ge des ordures, sur la gestion des effluents, et l’ap-
provisionnement en eau des villes africaines. Quels
Ces diverses approches ont aidé à faire évoluer les sont ces besoins? Qui doit payer leur installation et la
concepts sur le secteur de l’alimentation de rue. consommation? Comment financer ces travaux?
Parties de considérations purement scientifiques et
techniques sur les contaminants et la préparation des En second lieu, la capacité d’effectuer des choix dans
aliments, les études couvrent aujourd’hui des aspects la gestion de la ville repose sur la capacité à bien
culturels, juridiques, fonciers, réglementaires, socio- connaître les besoins sociaux et la réalité sociale de
économiques, urbanistiques, etc. La nécessité d’une tous les acteurs de l’alimentation de rue. Pour amé-
action multidisciplinaire dans l’approche du secteur et liorer la situation sociale et sanitaire des villes et du
son amélioration s’avère donc incontournable par secteur informel de l’alimentation en particulier, il n’y
l’expérience. a pas de solutions techniques et financières simples,
mais un éventail de mesures souples et d’interven-
4.1 tions multisectorielles. Il convient de trouver l’échelon
Repenser l’espace urbain de compétence qui puisse faire le triple lien entre
l’analyse du social, du politique et des solutions tech-
L’intégration à terme du secteur de l’alimentation de niques et juridiques. Sur le terrain et au niveau insti-
rue au tissu économique et urbanistique de villes afri- tutionnel, il faudra impliquer tous les partenaires pour
caines passe par une réévaluation des fonctions de améliorer l’alimentation de rue. Pour cela, il faudra
la ville, de son organisation spatiale et de sa gestion. les identifier et écouter leurs aspirations et obligations
respectives. Faire se concerter les multiples interve-
Le commerce de rue est devenu un composant de nants pour établir entre eux de nouvelles modalités
la ville africaine. Cela implique la mise en place de gestion et de fonctionnement de la ville en crois-
d’une réflexion pluridisciplinaire dans le domaine sance apparaît comme l’essentiel des interventions. Il
de l’urbanisme africain. D’une façon générale, les faudra aussi définir quelles institutions seront respon-
responsables sont en devoir d’évaluer les besoins sables et devront mettre en œuvre cette politique de
nécessaires pour absorber et accompagner ce nou- transformation de l’alimentation de rue.
veau service qu’est la restauration de rue.
4.2
Si, faute de cantines, les travailleurs urbains sont des Réévaluer les partenaires institutionnels
consommateurs de rue, il faut adapter la ville à ce
phénomène qui paraît inéluctable, à moins d’obliger L’expérience montre que le phénomène de décentra-
les entreprises ou autres établissements publics ou lisation des responsabilités administratives, dans la

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7-Canet 1.QXD 27-10-1998 9:34 Page 11 (1,1)

plupart des pays, donne de plus en plus de compé- 4.3


tence aux Autorités locales et communales. Les Motiver les opérateurs
Municipalités sont donc les premières concernées de l’alimentation de rue
par l’alimentation de rue. On constate que relèvent
des Municipalités, la police administrative de la salu- Pour des raisons de concurrence déloyale, le secteur
brité et de la sécurité publique, l’assainissement et officiel, dans certains pays, est déstabilisé par le sec-
l’entretien de la voirie, l’urbanisation, la politique teur dit informel car il décourage l’investissement et
domaniale et spatiale, la gestion des services publics encourage la fraude fiscale, entre autres. La formali-
de ramassage des déchets, la distribution de l’eau, sation de leur activité apporterait des garanties aux
les actions sociales de proximité et l’éducation, la opérateurs. Elle devrait amener un mouvement d’en-
gestion des taxes, les marchés, etc. L’ouverture du treprise, dynamiser les circuits économiques et les
partenariat aux Autorités locales ne doit pas pour revenus publics.
autant conduire les Administrations nationales à se
désengager de leurs responsabilités globales vis-à- Les opérateurs du secteur de l’alimentation de rue
vis des programmes d’assistance au développement n’ont ni droits ni garanties. Cette vulnérabilité et irres-
comme celui de l’amélioration de l’alimentation des ponsabilité est préjudiciable aux investissements et
populations. Leur rôle de coordonnateur d’une poli- rendent les mesures de police inapplicables. La
tique nationale dans ce domaine pour harmoniser reconnaissance de droits subjectifs aux acteurs de
l’action de Collectivités locales est à souligner. l’alimentation de rue pourrait être un facteur de socia-
lisation et de régulation du secteur en renforçant le
L’accent devra être mis des systèmes et règlements sentiment de responsabilité des différents acteurs.
appropriés pour l’intégration du secteur des aliments Cela implique d’encourager l’adoption du statut de
de rue au secteur formel, tout en évitant qu’un excès commerçant, la reconnaissance de la propriété com-
de réglementation ne fasse disparaître les avantages merciale par usage, la délivrance de licences di-
socio-économiques et nutritionnels considérables verses et de titre explicite d’occupation temporaire ou
que ce secteur crée en faveur des masses urbaines non de lieux publics ou privés, la formalisation de
(et rurales) à bas revenus. Cette réglementation et contrats commerciaux, de baux, de contrats d’entre-
son application devraient faire l’objet d’opérations de prise ou de conventions d’occupation, etc. Ces di-
vulgarisation et d’information pour que ces règles verses démarches administratives et autres modali-
concertées, édictées, s’intègrent dans les représen- tés d’inscription devraient faire l’objet d’une concerta-
tations sociales des populations. tion afin d’en faciliter l’accès aux opérateurs du sec-
teur de l’alimentation de rue. Leur simplicité, voire
En résumé, il faut définir les rôles respectifs et coor- leur gratuité, seraient des éléments à prendre en
donner les interventions des Administrations cen- compte.
trales et locales. Dans de nombreux pays, les ser-
vices étatiques devront continuer à s’occuper de l’ali- Enfin, la formation des opérateurs est un élément
mentation de rue en attendant que les essentiel à l’amélioration du secteur. La formation à
Administrations locales soient en mesure de gérer la gestion des équipements collectifs, leur bon usage,
elles-mêmes ce secteur. Mais c’est bien un service leur gestion collective ont des retombées certaines
de proximité qui est nécessaire pour gérer le phéno- sur la gestion de la micro-entreprise, différenciée de
mène de l’alimentation de rue. Il faudrait donc favori- la gestion familiale. Il serait important que les opéra-
ser le renforcement du corps d’inspection sanitaire teurs reçoivent une formation à la gestion de leurs
municipal en le dotant d’un statut et d’une formation micro-entreprises. Une formation spécifique sur les
adéquate. La propagation des règles d’hygiène aspects technologiques de leurs tâches est aussi
auprès des acteurs du secteur formulée directement indispensable, en particulier pour l’application de
par les agents municipaux, familiers dans une action bonnes pratiques de préparation et de manipulation
personnalisée sur le long terme, est plus efficace que des aliments. La formation orale et gestuelle s’adap-
d’infliger aux vendeurs des sanctions qui ne seraient te bien au contexte sanitaire et de gestion du secteur.
pas accompagnées d’activités de formation Finalement, la solidarité existe dans l’informel. Elle
connexes. Il faut aussi penser à l’éducation du peut être un facteur positif quand il s’agit d’être repré-
consommateur en hygiène. Un client conscient et vin- sentée comme interlocuteur avec les autres interve-
dicatif sera autant écouté par les opératrices que nants du secteur. Il serait donc important de favoriser
l’inspecteur municipal. Il est donc le meilleur allié des les associations d’opérateurs, en particulier des opé-
instances nationales et municipales dans l’améliora- ratrices, car les associations de femmes, fortes de
tion du secteur. l’héritage associatif des sociétés traditionnelles, ont
montré leur aptitude à produire, à gérer et aussi à
épargner et intervenir.

7 - C. Canet: L’alimentation de rue en Afrique 11


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Bibliographie

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12 Aliments dans les villes: collection d’ouvrages - vol. 2

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