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Michel Bouvier
Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Les finances locales
16e édition
Du même auteur
Sommaire
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 1
Une nouvelle gouvernance financière locale
On retiendra liminairement ce fait sans doute essentiel pour toute étude de finances
publiques : l’État parlementaire s’étant construit en France autour de l’élaboration d’un
droit budgétaire, l’éclat de la démocratie est intimement lié à un projet de transparence
financière de ses institutions. Aussi est-on en présence d’un champ qui, étroitement lié dès
ses origines à la question de l’équilibre des pouvoirs, s’est toujours situé au cœur des
changements du système politique. C’est d’ailleurs ce que soulignait très explicitement G.
Jèze lorsqu’il écrivait que « faire abstraction du facteur politique, c’est tenir pour
négligeable ce fait historique que de tout temps, la plupart des grandes réformes politiques
ou sociales ont eu des causes financières et que de très importants problèmes financiers
ont été posés et résolus sous l’influence de causes politiques » 1.
Si l’on observe les transformations de l’État de ces trente dernières années et non plus
celles qui l’ont affecté aux XVIIIe et XIXe siècles, il ressort que celles-ci se sont précisément
faites, au départ, dans le cadre de la décentralisation et de la responsabilité financière des
collectivités territoriales. Ce sont bien cette fois les finances publiques locales qui se sont
trouvées placées au cœur même du dispositif de changement et la réforme budgétaire
engagée avec la loi organique du 1er août 2001 2 a poursuivi cette logique de
responsabilisation en la faisant pénétrer au cœur de l’État.
On peut dire que les finances locales se présentent à maints égards comme un parfait
révélateur des évolutions que connaissent les sociétés contemporaines. Elles apparaissent
tout d’abord comme l’un des éléments essentiels pour juger de l’accomplissement de la
réforme de décentralisation engagée en 1982, relancée en 2003, en 2009, en 2010 puis en
2014/2015. Mais leur perspective est plus large. Partie intégrante des finances publiques,
les finances locales ont été et restent traversées par les nombreuses mutations
intervenues dans ce champ plus particulièrement depuis la fin des années 1970. Aussi doit-
on souligner d’entrée que les finances locales ne se situent pas seulement au centre d’un
processus de transformation des structures locales ; celui-ci concerne plus globalement les
structures de l’État ainsi que celles du marché économique et financier.
On accordera que parmi les bouleversements ayant affecté le champ local tout au long
des trois dernières décennies, les lois de décentralisation ont été des moments forts de
cette période. Néanmoins, sur le seul terrain financier public, il faut observer que plutôt
qu’éléments fondateurs d’une nouvelle configuration, ces lois ont davantage constitué une
étape dans un processus de recomposition en réseaux 3 des institutions et circuits
économiques et financiers locaux et nationaux, un processus déjà présent dans la société
française et déterminé par une libéralisation des institutions ainsi que du marché
économique et financier.
Issue d’un double mouvement, un retrait de l’État et un élargissement corrélatif de
l’espace d’intervention des initiatives locales publiques et privées, une telle recomposition
est celle qui résulte d’une connexion plus étroite entre organismes du secteur public et du
secteur privé et dans laquelle les multiples rapports qui se nouent en viennent à former de
véritables systèmes*, dépassant les cadres habituels de fonctionnement.
De fait, l’on peut constater que depuis quelques années, les ponts se sont multipliés
entre sphère publique et sphère privée ; des partenariats se sont instaurés, des relations se
sont établies, qui forment aujourd’hui un ensemble aux ramifications particulièrement
étendues. D’autre part, une multitude d’acteurs interviennent dans un tel cadre, non
seulement les communes, les départements, les régions et leurs établissements publics,
l’État ainsi que les autorités déconcentrées de celui-ci, mais aussi des sociétés d’économie
mixte, des sociétés locales, des associations, des groupements d’intérêt public, des
entreprises, des banques, sans oublier les liens avec les institutions financières
européennes. On se trouve véritablement en présence d’un ensemble structuré en
réseaux, auquel nolens volens, toute collectivité territoriale se trouve connectée dès lors
qu’elle accède ne serait-ce qu’à un seul de ceux-ci et d’ailleurs sans toujours en connaître
l’existence ni les multiples circuits.
La réalité financière locale déborde ainsi largement ses cadres organiques traditionnels
en se trouvant enserrée dans un maillage de structures et de rapports à la complexité et
aux interrelations croissantes, autrement dit dans un système interactif, composé
d’ensembles et de sous-ensembles, qui s’est et continue à se bâtir progressivement. Et
c’est bien un tel système qui confère un éclairage nouveau à la gestion financière locale,
comme il n’est pas sans modifier l’action et la texture des pouvoirs financiers locaux.
Sur le terrain financier et de gestion, cette réorganisation du système local n’est pas sans
poser de nouvelles questions. La contrepartie d’une telle réalité s’exprime en premier lieu
dans les difficultés d’administration qu’elle soulève, notamment au regard des règles
traditionnelles de gestion du secteur public 4. Ces multiples réseaux qui forment l’ossature
dans laquelle se meuvent désormais les finances locales ont parfois des difficultés à
fonctionner dans une logique qui reste encore imparfaitement définie, ni véritablement
publique, ni véritablement privée, tout en se rapprochant il est vrai sur le fond des critères
qui sont ceux de la gestion financière privée. En second lieu, une telle organisation pose
aujourd’hui de manière cruciale la question de sa maîtrise, de son contrôle. Cette
complexification, les interfaces de plus en plus nombreuses qui se créent, les informations
qui foisonnent, les fonctions qui se multiplient, ont engendré une diversification du
système local qui non seulement le rend de plus en plus difficile à gérer, mais qui le rend
aussi difficile à maîtriser, réguler, contrôler. Un tel système est d’abord fragile dans la
mesure où la défaillance éventuelle d’un secteur peut se répercuter en chaîne sur
l’ensemble des autres avec lesquels il est en relations. Certes, l’avantage de ce maillage
est que chaque collectivité y bénéficie des synergies qui s’y établissent, mais avec
l’inconvénient en retour d’être atteinte par les effets négatifs qui peuvent s’y produire.
D’autre part, la régulation d’un tel système devient plus ou moins incertaine du fait de
l’autonomie plus ou moins relative des différents acteurs. Enfin, et en raison de l’opacité
qui résulte inévitablement de cette multiplication et de cet enchevêtrement des circuits,
c’est bien la question du contrôle, des modalités de celui-ci, des objectifs à lui assigner, qui
se trouve aussi posée. Faut-il par exemple faire primer l’objectif d’efficacité de la gestion
financière locale sur celui de clarification, qui a toujours été en France depuis la Révolution
de 1789 la préoccupation dominante, et redéfinir un contrôle dans ce sens 5 ?
Partie prenante d’un tel ensemble, les finances locales sont ainsi prises dans un
mouvement inexorable qui les conduit vers une nécessaire reformulation des procédures et
des techniques. Sans doute, les problèmes traditionnels de ce champ demeurent bien
présents, comme par exemple ceux relatifs à l’augmentation continue des dépenses, ou
encore à la nécessité d’une réforme de la fiscalité. Mais il est tout aussi vrai que ces
problèmes ne peuvent être appréhendés que dans le cadre d’une attitude compréhensive
vis-à-vis de l’évolution générale en cours. On veut dire par là qu’une grille de lecture aussi
complexe que la réalité financière locale est aujourd’hui indispensable pour tout à la fois la
définir et l’interpréter, ainsi qu’éventuellement dans un second temps pouvoir envisager
des réformes du système financier local. C’est autrement dit un cadre général en mutation
constante qu’il convient en premier lieu d’identifier pour le comprendre. Pareille ambition
suppose aussi une méthodologie permettant une formalisation au plus près de la réalité
financière locale 6.
De fait, bien éloigné paraît le temps où l’on pouvait écrire comme en 1884 que « le
conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune », sans autres
précisions sur la nature des « affaires » dont il s’agissait. Une telle nécessité il est vrai ne
se faisait pas sentir à une époque où, comme l’ont souligné les auteurs du rapport Vivre
Ensemble 7, « la vie communale se réduisait à la gestion du patrimoine, à l’attribution de
secours à l’enseignement primaire, à l’entretien de la voirie vicinale, à la surveillance de
quelques personnes par le garde champêtre. Le conseil municipal édictait quelques
règlements, votait un budget, ordonnait fêtes et cérémonies, et à propos des litiges
collectifs, rendait son jugement ».
Dès la fin du XIXe siècle pourtant, les premiers signes se manifestent d’une croissance
certes encore bien discrète des budgets locaux, mais qui déjà ne laisse pas d’inquiéter.
Ainsi, « doctrine ou gouvernants qui se penchent au XIXe siècle sur les finances locales sont
d’abord impressionnés par l’énormité des dépenses, leur rapide progression, et insistent
sur la nécessité de les freiner, ou cherchent accessoirement de nouvelles ressources pour
les couvrir » 8.
Tout au long de cette évolution, les ressources des collectivités territoriales sont
demeurées pour l’essentiel constituées par des recettes fiscales nettement insuffisantes.
D’où l’apparition très tôt de tensions financières au plan local, voire même parfois d’une
crise des finances locales, qui ont donné lieu à une succession de propositions de réformes
depuis la fin du XIXe siècle. Cette crise financière locale, qui a pris des formes plus ou moins
aiguës selon les époques et qui a subsisté quelques années après l’instauration de la
décentralisation en 1982, tire ses racines profondes de la place que les collectivités locales
ont été appelées à tenir dans l’évolution générale de la société sans qu’il n’ait été toujours
efficacement remédié aux carences des moyens financiers dont elles disposaient 12. Et il
faut y voir par conséquent non un problème récent, mais bien davantage une question
récurrente qui se pose, selon les moments, au sein de contextes toujours différents 13.
Quoi qu’il en soit, les finances locales ont pris aujourd’hui une ampleur inégalée, ce qui
de prime abord paraît aller de pair avec les initiatives de plus en plus larges accordées aux
collectivités territoriales. Si l’on se réfère aux statistiques, on peut observer que les
dépenses des administrations publiques locales (APUL 14) représentent maintenant environ
60 % des dépenses de l’État et 20 % des dépenses publiques. Elles réalisent près des trois
quarts de la formation brute de capital fixe des administrations publiques (FBCF en
investissements civils), ce qui correspond environ à 11 % de la FBCF de la nation. D’autre
part, l’on constate aussi que les budgets locaux pèsent d’un poids chaque année plus
lourd, tant en ce qui concerne les dépenses 15 que les recettes, et parmi elles la fiscalité 16.
On peut dater de la deuxième moitié des années 1970, scandées notamment par
différents « chocs pétroliers », une plus grande attention apportée aux structures et
mécanismes financiers publics, en liaison avec les problèmes budgétaires et financiers
d’alors, mais aussi à la faveur des controverses théoriques suscitées par le modèle de
l’État providence sous l’effet des difficultés grandissantes de celui-ci. Sous l’impulsion de
différentes écoles économiques, celles par exemple du Public Choice, de Chicago, ou
encore de l’ultralibérale école libertarienne, et sous l’autorité d’économistes comme F.
Hayek qui n’a pas été sans contribuer à ce renouveau des thèses économiques libérales,
l’idée est soutenue qu’il convient de substituer aux politiques keynésiennes conduites
jusqu’alors une politique de « l’offre », celle-ci impliquant un large mouvement de
libéralisation de l’économie, passant en particulier par un retrait de l’État vis-à-vis d’un
marché économique étouffé par les réglementations et les transgressions à la libre
concurrence, ainsi que par un mode de gestion du secteur public à l’image de celui des
entreprises privées 17.
Parallèlement, et parce qu’une telle libéralisation signifie aussi un redéploiement des
fonds publics sur le terrain économique (par un encouragement aux initiatives venant de la
société civile et plus particulièrement des entreprises, notamment par le biais d’incitations
fiscales) et par conséquent une redéfinition des politiques publiques, il était également
prôné que les collectivités territoriales prennent une part plus importante de
responsabilités dans cette dynamisation réclamée du tissu économique et social. La
décentralisation est devenue ainsi l’un des concepts importants des théories économiques
libérales 18 dans lesquelles, sans qu’il soit question de leur accorder un champ
d’intervention économique susceptible de porter atteinte à la liberté du marché, les
collectivités territoriales ont été pensées comme susceptibles de participer activement au
développement de l’économie, soit en l’accompagnant, soit en l’insufflant. C’est dans ce
même cadre d’analyse que, d’administrateurs ou de bâtisseurs qu’ils étaient jusqu’alors,
les élus locaux ont été appréhendés comme devant être bien davantage des animateurs
économiques, ayant vocation à susciter et catalyser les énergies pour impulser un
développement économique local, domaine dans lequel l’un des principaux problèmes est
celui de la localisation des entreprises ainsi que des moyens à mettre en œuvre en vue
d’encourager et inciter les implantations d’établissements sur tel ou tel espace territorial.
C’est dans ce contexte d’idées qu’une nouvelle ambition, le développement économique
local, a été assignée aux finances locales et plus précisément à la gestion des ressources
locales. Celle-ci est appréhendée en effet comme un moyen de première importance pour
générer le développement économique local ou en tout cas pour contribuer à son essor.
A. Les finances locales, moteur du développement économique local et de
l’aménagement du territoire
Une orientation nouvelle s’est imposée depuis la fin de la décennie 1980 : celle d’un
recentrage du développement local sur les villes, marquant une rupture nette avec le
contenu du développement local des débuts des années 1980, plutôt identifié au
développement rural et associé aux notions de « pays » 21 ou encore de « microrégions »
qui paraissaient particulièrement cohérentes avec l’approche d’un développement
endogène ascendant. On mentionnera à cet égard le rôle et l’influence qu’a pu avoir la
procédure des chartes intercommunales de développement et d’aménagement instituée à
l’article 29 de la loi du 7 janvier 1983 22, qui bien que sans contenu juridique et financier
très précis, a cependant fait l’objet de nombreuses expérimentations 23 soutenues par l’État
et d’un bouillonnement d’initiatives qui ont pu laisser penser que le fameux « désert
français » retrouvait une vivacité nouvelle. Si l’on peut retenir comme traits
caractéristiques de ces expériences la véritable idéologie de solidarité qui s’y est affirmée,
au moment même où les vertus de la compétition étaient prônées dans les analyses
économiques néolibérales, l’autre aspect original des pratiques et initiatives en la matière
réside en ce que ces chartes ont nettement représenté une invitation à dépasser les
clivages habituels dans le domaine de l’action et qu’à travers elles des partenariats se
sont noués entre municipalités et acteurs du secteur privé visant à une coaction, à une
coproduction du développement local allant à l’encontre d’habitudes et de mentalités
encore fortement marquées par le clivage entre secteur public et secteur privé. C’est au
fond un rôle d’organe médiateur entre les deux secteurs qu’ont joué ces chartes qui ont
très certainement contribué à faire pénétrer dans le secteur local des notions nouvelles,
qui se sont banalisées depuis, telle que celle de stratégie de développement par
exemple, et plus généralement à faire réfléchir sur une philosophie de l’action locale en ce
domaine.
C’est cependant aujourd’hui la ville, le monde urbain, la métropole qui, malgré les
efforts faits en direction du milieu rural, s’affirme expressément dans les faits comme
véritable pôle de développement économique 24, en même temps que cet espace est
reconnu comme porteur de très importants problèmes sociaux à résoudre.
Selon un rapport de l’ONU, en 1950 « plus des deux tiers (70 %) de la population
mondiale vivait en milieu rural et moins d’un tiers (30 %) en milieu urbain. En 2014, 54 %
de la population mondiale est urbaine ». Et il est estimé par les auteurs du rapport qu’en
2050 cette proportion sera de l’ordre de 66 % 25.
En même temps que l’explosion du phénomène urbain, c’est une logique nouvelle qui se
met progressivement en place dans le monde, c’est également une culture inédite de la
gouvernance publique et du développement économique qui se dessine et prend forme.
Les métropoles qui font aujourd’hui l’objet en France 26 d’une construction juridique
constituent un phénomène qui n’est pas absolument nouveau. En revanche ce qui l’est,
c’est l’environnement actuel dans lequel elles naissent ou se développent. Un
environnement marqué par une véritable mutation de notre société qui, depuis la seconde
moitié des années 1970, et à la suite des chocs pétroliers de 1973 et 1979, a vu un peu
partout dans le monde l’État se transformer en profondeur sous les effets d’une crise
économique suivie d’une crise des finances publiques.
L’urgence actuelle de rendre nos finances publiques soutenables constitue en effet un
fait majeur qui détermine nombre de politiques publiques et l’avenir des métropoles en
particulier. À cet égard, la mise en place des métropoles en France intervient à la fois au
pire et au meilleur moment. Au pire moment dans la mesure où la situation des
finances publiques est difficile ; or, sans moyens financiers suffisants, les plus belles
constructions institutionnelles ne sont que des châteaux de sable. C’est pourquoi sans une
mise en perspective des métropoles avec les contraintes budgétaires et sans un statut
financier clair, et notamment fiscal, elles ne peuvent que se développer dans la confusion.
Au meilleur moment dans la mesure où leur dynamisme peut participer de manière
efficace à une stratégie de développement économique et par conséquent permettre
d’inverser la logique infernale du développement incontrôlé des déficits publics et de la
dette publique qui est susceptible d’obérer lourdement l’investissement et par suite la
croissance économique.
D’ores et déjà, les métropoles, qu’elles soient internationales ou non, constituent une
des têtes de pont de la construction économique et politique du futur 27. Elles
ouvrent de nouveaux horizons et offrent l’occasion d’innover. Elles sont porteuses d’une
manière de s’organiser et d’un processus de décision en réseaux qui préfacent les figures
du modèle politique de demain. Elles sont aussi amenées à bousculer beaucoup de
certitudes intellectuelles et de situations institutionnelles acquises.
En d’autres termes on peut considérer qu’à travers les métropoles, c’est un vrai projet de
société qui prend forme et c’est même certainement la grande affaire de l’action et de la
réflexion politique, économique et sociale pour les prochaines années. Certes, on est face à
un ensemble composite complexe qui peut laisser douter de sa cohérence globale et par
conséquent de la capacité à le piloter. Or, à un moment où une stratégie financière s’avère
indispensable pour maîtriser un déficit et une dette publique susceptibles de mettre en
cause l’équilibre de la société, il est crucial d’inventer un nouveau processus de décision.
Mais il ne s’agit pas d’en revenir à l’État centralisé, vertical et quasiment caricatural, que la
France a autrefois connu ; il ne s’agit pas non plus de laisser se développer à l’infini des
pouvoirs autonomes, horizontaux, et finalement une néoféodalité. La voie est donc étroite,
car elle ne peut que se formaliser dans un système associant unité et diversité 28,
autrement dit, « un ordre des autonomies relatives ».
Au final, tout incite à penser que le développement local est conduit à passer par le
développement urbain et plus particulièrement par la création d’un maillage du territoire
dont la structure fondamentale, le squelette, doit être constituée par un réseau de villes
groupant diverses agglomérations. L’objectif n’est pas bien entendu de réaliser des oasis
d’opulence ci et là, mais de charpenter le territoire sur la base de réseaux décentralisés,
ceux-ci prenant appui d’abord sur les grandes métropoles régionales, puis sur les villes
moyennes et enfin sur les petites villes. Réunir au sein de ces réseaux des potentialités
complémentaires, forger des solidarités, telle est l’idée de fond qui contribue à définir cette
conception du développement local. Une telle logique ne peut toutefois faire abstraction de
la compétition qui existe entre métropoles aussi bien à l’échelle internationale et
européenne notamment, que nationale. Le phénomène concerne en premier lieu les
grandes villes à vocation européenne, dans leurs efforts pour se positionner comme villes
internationales : « séduire par l’apparence (fonctions urbaines), s’affirmer par la puissance
(fonction économique), s’imposer par l’audience (fonctions politiques et culturelles) 29 »,
tels sont bien les objectifs que se donnent nombre de cités, qui s’expriment notamment
dans ces vraies ou fausses « technopoles » 30 qui exigent des moyens financiers dépassant
largement ceux dont disposent normalement les communes et nécessitent une
administration particulièrement performante. Mais la compétition n’oppose pas seulement
les grandes villes entre elles ; elle s’établit également entre certaines de celles-ci et les
départements ou les régions. D’ailleurs, à terme, le traditionnel dilemme
département/région pourrait bien être dépassé par le développement exponentiel des
métropoles. C’est bien la raison pour laquelle apparaît, en vue d’un développement
économique équilibré du territoire, la nécessité d’une meilleure concertation ou
coordination des actions locales soit dans un cadre contractuel, soit au travers d’une
logique de groupements fiscalement intégrés 31. L’objectif doit être de dépasser les clivages
de toutes sortes et de rompre avec une conception cloisonnée de la société, une
conception qui ne reconnaît pas et ne formalise pas les multiples interactions et la
multirationalité qui les caractérisent. Au final, il s’agit de construire un ordre polycentré
que l’on pourrait qualifier d’ordre des autonomies relatives : un ordre organisé à la fois
sur un plan vertical et horizontal, autrement dit transversal, une gouvernance en réseaux,
aux niveaux local, national, européen et même, au-delà, international. Dans un tel cadre, il
s’avère d’autant plus nécessaire, comme le souligne le rapport Lambert, de réfléchir à une
« clarification des missions et de l’organisation de l’État territorial » 32.
Quoi qu’il en soit de ces évolutions pour l’avenir, il en résulte aujourd’hui une
confrontation permanente des modes de faire, une multiplication des rapports entre
institutions publiques et privées qui n’est pas sans conséquences sur la morphologie,
l’action, la gestion du secteur local. Une mutation en profondeur s’est opérée. Le secteur
local, en pleine métamorphose, s’apparente à un système dont le contrôle, la régulation,
deviennent particulièrement malaisés à assurer. Là se trouve très certainement un enjeu
majeur pour les collectivités territoriales, sachant que d’ores et déjà les réseaux financiers
publics traditionnels qui sont les leurs et qui sont alimentés en grande partie par l’impôt
payé par les « citoyens-contribuables » 33, se trouvent connectés à d’autres, privés,
fonctionnant selon une logique différente.
Le deuxième enjeu résultant d’une telle confrontation concerne les modes de gestion. Si
l’on peut certainement écarter toute probabilité de retour en arrière comme d’une
assimilation totale des modes de gestion du secteur public à ceux du secteur privé, les «
raisons d’être » et les logiques étant par certains aspects trop dissemblables, l’on peut
cependant constater pour le secteur local, et répondant à un souci d’efficacité, un
développement de méthodes de gestion empruntant largement à celles de l’entreprise.
Aussi, sans vraiment disparaître, les différences dans les méthodes, tranchées jusqu’à il y a
peu encore, s’estompent progressivement 34. Quant au fond, ces rapprochements n’ont rien
de surprenant en vertu du principe qui veut qu’une logique commune minimale préside
aux échanges au sein d’un système, à peine de générer des blocages dommageables pour
la survie de celui-ci (ce qui n’exclut pas que chaque élément conserve son identité propre).
C’est maintenant une logique de performance qui domine la gestion publique, qu’il
s’agisse de l’État ou des collectivités locales.
Ainsi, la révision par le secteur local de ses pratiques pourrait bien aller de pair à terme
avec une redéfinition de son essence. On peut regretter à cet égard que ces
révisions soient faites de manière souvent trop pragmatique et qu’il ne soit pas
pris davantage de distance avec les problèmes immédiats de la gestion locale,
en ne réfléchissant pas assez, notamment au sens des changements qui
s’opèrent. Or, sans identification de ceux-ci, on risque d’être dans l’incapacité de
fixer des objectifs globaux au système local et de voir dès lors se répéter les
problèmes qui ont été ceux des finances locales depuis un siècle environ. Il
conviendrait à cet égard de ne pas perdre de vue que l’espace local est devenu un espace
à géométrie variable au sein duquel se nouent et se dénouent des alliances en fonction des
problèmes à résoudre et des stratégies qui se mettent en œuvre, que ces dernières sont
par ailleurs le fait d’acteurs de plus en plus divers avec des objectifs qui ne se situent pas
toujours à la même échelle spatiale (locale, nationale, internationale) ou qui sont plus ou
moins déterminées par des pesanteurs différentes (historiques, sociologiques, culturelles).
Un examen attentif des évolutions du système financier public depuis ces vingt-cinq
dernières années montre que deux cultures ont peu à peu été amenées à y cohabiter, et
parfois même à s’y opposer : d’une part une culture juridique ancienne, reposant sur un
certain nombre de principes essentiels et procédant plus largement d’une tradition
politique, celle de l’État de droit, parlementaire et démocratique ; d’autre part une culture
de gestion, nouvelle pour les administrations d’État ou locales, qui relève quant à elle
d’une conception économique de l’action publique. Si ce phénomène concerne aujourd’hui
l’ensemble du secteur public, il a pris très vite, dès les débuts des années 1980, une
intensité particulière au sein de l’administration décentralisée des collectivités territoriales.
Depuis, le droit public financier local n’a cessé d’être confronté aux impératifs posés par la
recherche d’une efficacité maximale de la gestion.
Une culture politique, celle de l’État parlementaire et démocratique, s’est, depuis plus de
deux siècles, progressivement construite et institutionnalisée à travers le développement
du droit public financier, c’est-à-dire du droit budgétaire, du droit de la comptabilité
publique et du droit fiscal. On peut de la sorte affirmer qu’une longue tradition lie le
parlementarisme démocratique et le droit public financier et que ce dernier, depuis la
Révolution française, constitue finalement l’ossature du premier, en particulier à travers
l’édification des grands principes budgétaires, comptables et fiscaux qui ont servi de point
d’ancrage à l’État de droit (consentement de l’impôt, spécialité budgétaire, séparation
ordonnateur/comptable...). Ces principes avaient pour objectif d’assurer un pouvoir effectif
de décision et de contrôle aux représentants des citoyens ; ainsi, par exemple, la clarté des
comptes publics, leur transparence, a constitué une voie d’accès primordiale à la
démocratie, de même que le parlementarisme a pu s’enraciner dans le consentement de
l’impôt. Et cette construction progressive du droit public financier a en quelque sorte
scandé celle de l’État de droit, de même qu’elle a considérablement favorisé le
développement d’une culture démocratique, laquelle représente maintenant une
véritable tradition politique.
D’un autre côté, une culture de la gestion financière s’est développée à la faveur du
déclin de l’État providence lorsque celui-ci s’est révélé incapable de jouer son rôle de
stabilisateur de l’économie. L’idée s’est alors imposée qu’il fallait désormais gérer des
contraintes, répartir des économies plutôt que de partager des richesses et qu’en tout cas
il convenait d’administrer plus rationnellement le secteur public. S’est amorcée ainsi une
logique de fond tendant à rapprocher le fonctionnement des institutions publiques de celui
des entreprises privées ; très vite, le souci d’une plus grande rapidité dans l’action, d’une
meilleure efficacité, d’une gestion plus rigoureuse de l’argent public, s’est imposé aux
décideurs politiques et administratifs ; d’une manière plus générale, la maîtrise de la
gestion financière a pris la forme d’un véritable projet s’identifiant à celui de la
modernisation du secteur public et, plus largement, de l’État. C’est dans ce
contexte que les collectivités locales, à la faveur de la décentralisation, ont très tôt
appliqué des méthodes empruntées au management privé et que le droit public financier a
pu parfois être ressenti comme un frein à la dynamique gestionnaire (c’est d’ailleurs
parfois ce même sentiment qui s’exprime aujourd’hui à l’égard de la nouvelle gestion de
l’État mise en œuvre avec la LOLF) ; souvent appréhendé comme passéiste, voire
archaïque, ce droit a difficilement supporté la comparaison avec une logique de gestion
présentée comme une voie innovante et comme une parfaite illustration de ce que devait
être la modernité. C’est même un véritable engouement pour la gestion financière qui s’est
manifesté dès les premières années de la décentralisation, au cours des années 1983/1984
; comme si une ère nouvelle s’ouvrait sous le signe d’une autonomie qu’il fallait assumer
en sachant notamment piloter au mieux une collectivité locale. C’est donc tout
naturellement que les regards se sont tournés vers l’entreprise pour y chercher des
modèles de gestion rationnelle, puisque les procédures utilisées jusqu’alors apparaissaient
bien dérisoires et surtout inadaptées eu égard aux possibilités qui commençaient à se
dessiner et bien sûr à la liberté de choix qui semblait si grande. Cet engouement n’a fait
que s’amplifier par la suite, au fur et à mesure que les collectivités locales accroissaient
leur champ d’action et que s’imposait l’idée qu’il était absolument nécessaire de contrôler
efficacement la gestion financière au sein d’un système devenu de plus en plus complexe
et de plus en plus source de risques.
Ainsi aurait-on pu supposer sans grande hésitation que l’issue de cette évolution et de
cette confrontation ne faisait aucun doute et que la tradition juridique laisserait plus ou
moins rapidement la place à la modernité gestionnaire. En réalité, et comme cela s’est déjà
produit à plusieurs reprises dans le passé, le droit public financier a su entamer un
processus d’intégration progressive des dispositifs de gestion utilisés, ce qui a eu en même
temps pour effet de l’inscrire dans une dynamique le conduisant à se transformer et
partant, à s’adapter.
L’intégration de la culture juridique et de la culture de gestion dans le cadre de
l’administration des institutions locales est à cet égard parfaitement exemplaire d’une
modernisation réussie des méthodes de gestion utilisées et les collectivités locales
constituent à ce titre un véritable laboratoire de recherches 35.
Si l’on considère les finances locales au regard de leurs seuls aspects structurels, rien, il
est vrai, ne paraît avoir fondamentalement changé. La nature des moyens financiers est
dans l’ensemble identique même si les techniques utilisées sont devenues largement plus
compliquées.
Le seul élément qui a eu une portée fondamentale sur la gestion locale est l’évolution qui
s’est déclenchée, à la fin des années 1970, vers une responsabilisation financière de plus
en plus marquée des collectivités locales. C’est en effet à la périphérie de l’État et non au
centre que le phénomène de responsabilisation des acteurs financiers publics a commencé
à voir le jour. Il faut se souvenir que dès 1976 une expérience (généralisée en 1979) de
globalisation des prêts fut engagée pour des communes de plus de 10 000 habitants par
le groupe formé par la Caisse des dépôts et consignations, les Caisses d’épargne et la
Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. L’affaire nous paraît d’importance
car cette confiance accordée par les institutions financières aux acteurs locaux a
représenté, à notre sens, un premier pas tangible vers l’autonomie de décision en
matière de gestion financière. Ce processus de responsabilisation a ensuite été marqué
par des mesures importantes, par exemple la création de la dotation globale de
fonctionnement (1979), ou encore la loi du 10 janvier 1980 qui a continué la logique de
responsabilisation en autorisant les assemblées délibérantes des collectivités locales à
voter les taux des quatre grands impôts directs locaux. C’est ainsi qu’à l’autonomie de
gestion est venue s’ajouter une certaine autonomie de décision fiscale, les lois de
décentralisation de 1982-1983 venant couronner ce mouvement en poursuivant le
processus de globalisation et en réaménageant le partage des compétences entre l’État et
les collectivités locales. Il faut également souligner à cet égard l’affirmation du principe
de subsidiarité qui a engendré un accroissement considérable des actions locales et par
conséquent des budgets locaux, ainsi que de leurs objectifs.
Hormis cette plus large autonomie de gestion, il reste cependant que l’augmentation des
budgets locaux et leurs orientations étaient en réalité inscrites dans les faits depuis
longtemps. Le principe énoncé du « faire faire » plutôt que « faire » a certes amplifié un
mouvement déjà en germe, on l’a dit, dans la période précédant les années 1980, mais il
ne l’a pas créé. Aussi peut-on observer que, sur le fond, tout était déjà en place.
S’il n’y a donc pas eu véritablement rupture au sein des structures financières locales
avec la décentralisation, la formidable reformulation des données et des enjeux qui s’est
dégagée depuis autorise à affirmer que, néanmoins, tout a changé.
C’est d’abord dans un contexte économique bien spécifique qu’est venu s’inscrire cet
épanouissement du pouvoir local puisque l’on est passé d’une période d’aisance sinon
d’opulence à une période de crise. Par ailleurs, les mentalités elles-mêmes se sont
modifiées, avec la montée d’un individualisme, la déshérence de l’idée d’État centralisé,
l’affirmation des analyses économiques néolibérales. Au même moment, l’Union
européenne a connu également une nouvelle phase de son développement avec
l’instauration de la monnaie unique et l’obligation pour l’ensemble du secteur public, y
compris les collectivités locales, de participer à la réalisation d’objectifs financiers
contraignants (respect de critères de convergence, limitation du déficit public, limitation de
la dette publique...). Sur le terrain des méthodes et techniques, des technologies nouvelles
se sont imposées avec le type d’organisation plus fluide, plus réseauté, plus complexe
qu’elles induisent progressivement dans le fonctionnement de la société. Les techniques
financières elles-mêmes se sont transformées. À cet égard, si les instruments financiers
des collectivités territoriales sont demeurés identiques sur le fond, en revanche, leurs
mécanismes se sont modifiés et particulièrement compliqués, nécessitant des
connaissances de plus en plus spécialisées 36. Enfin la crise financière et économique
récente a amené à replacer l’État au premier plan ce qui n’est pas sans conséquences sur
l’étendue de l’autonomie financière locale ; on peut même se demander si la
configuration du pouvoir financier local n’est pas en pleine recomposition et si
l’on n’assiste pas à une transformation de ses rapports avec l’État.
Aussi, c’est indéniablement dans un cadre général en mutation que s’inscrit l’action
financière des collectivités territoriales.
Les interrogations au sujet des rapports que peuvent entretenir l’autonomie fiscale et le
principe de libre administration des collectivités territoriales conduisent à s’intéresser aux
réponses données par le juge constitutionnel. Force est de constater que les décisions
prises en la matière aboutissent toutes à la même conclusion : par exemple, le conseil a
jugé en ce qui concernait la suppression de la part salaire de la TP, que « les règles posées
par la loi [...] n’ont pour effet ni de diminuer les ressources globales des collectivités
locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au point d’entraver leur libre
administration » (décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998 relative à la loi de finances
initiale pour 1999). La même réponse a été donnée dans le cas de la suppression partielle
de la vignette ; selon le juge constitutionnel, « les dispositions critiquées n’ont pour effet ni
de restreindre la part de ces recettes ni de diminuer les ressources globales des
collectivités concernées au point d’entraver leur libre administration » (décision no 2000-
442 DC du 28 décembre 2000 relative à la loi de finances pour 2001).
Certes, la Haute Juridiction, dans sa décision du 12 juillet 2000 (no 2000-432 DC relative à
la loi de finances rectificative pour 2000), s’est montrée soucieuse de l’étendue de la
capacité fiscale des collectivités locales en relevant que « les règles posées par la loi ne
sauraient avoir pour effet de diminuer les ressources globales des collectivités territoriales
ou de réduire la part de leurs recettes fiscales dans ces ressources au point d’entraver leur
libre administration », mais elle n’a apporté aucun élément précis permettant de
déterminer un seuil à ne pas franchir 37.
On peut comprendre que, face à une position qui ne définit pas nettement quel
est le seuil de recettes fiscales en deçà duquel serait remis en cause le principe
constitutionnel de la libre administration des collectivités locales, on soit amené
à quitter le terrain juridictionnel pour se tourner vers celui du politique. Dans la
mesure en effet où ni la Constitution, ni le juge constitutionnel ne permettent de trancher
sur une question aussi fondamentale pour l’avenir de la décentralisation, il apparaît logique
que le dernier mot revienne aux parlementaires. C’est bien la conclusion à laquelle
semblent avoir abouti les sénateurs qui ont déposé une première proposition de loi
constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses
implications financières en octobre 2000, puis une seconde en juillet 2002 38.
Cette évolution s’est poursuivie en 2003 par une révision constitutionnelle initiée par le
gouvernement, la loi du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la
République. Outre que ce texte étend le champ de compétences des collectivités
territoriales et introduit la possibilité pour elles de « déroger, à titre expérimental et pour
un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent
l’exercice de leurs compétences », il élargit l’autonomie financière locale et en pose le
principe. En effet, un article 72-2 est inséré dans la Constitution qui dispose :
— tout d’abord, que les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie du
produit des impositions de toutes natures et que la loi peut les autoriser à en fixer l’assiette
et le taux dans les limites qu’elle détermine ;
— par ailleurs, que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de
l’ensemble de leurs ressources ;
— enfin, que tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales
s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à
leur exercice et que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence
d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources
déterminées par la loi.
On peut estimer que ce dispositif a pour conséquence de donner un fondement
financier au principe de libre administration des collectivités territoriales, un
principe d’autonomie financière reconnu par le Conseil constitutionnel 39. Ainsi, et à
travers cette révision, c’est constitutionnellement qu’il est répondu aux enjeux les plus
brûlants des finances locales, c’est-à-dire ceux qui concernent l’autonomie financière et qui
portent sur le pouvoir fiscal, la compensation des transferts de compétences et les
péréquations financières. On peut aisément admettre qu’un tel ancrage constitutionnel
venant donner une base financière au principe de la libre administration ne laisse pas
indifférent.
La loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités
locales qui a été prise en application de l’article 72-2 de la Constitution définit quant à elle
les éléments permettant de déterminer la notion d’autonomie financière, et par
conséquent ce que l’on entend par « ressources propres ». Les débats parlementaires
parfois vifs auxquels a donné lieu la discussion de la loi ont porté, pour l’essentiel, sur la
définition de cette notion.
Pour certains élus, les ressources propres ne pouvaient s’entendre que du seul produit
des impositions dont les collectivités territoriales sont en mesure de déterminer le taux ;
pour d’autres, la notion devait inclure un partage du produit de l’impôt entre l’État et les
collectivités locales, et notamment un transfert du produit de la TIPP.
Après de difficiles échanges entre parlementaires, il a été proposé qu’à la capacité de
fixer les taux d’imposition, posée comme une possibilité et non plus comme une obligation,
soit ajoutée une seconde possibilité : que la loi détermine « par collectivité, le taux ou une
part locale d’assiette », ce qui, comme le faisait remarquer le sénateur Daniel Hoeffel
(Sénat, séance du 22 juillet 2004), permet notamment de considérer la part non modulable
de la TIPP transférée au département comme une ressource propre. C’est cette solution,
soutenue par Jean-François Copé, alors ministre délégué à l’Intérieur, qui a été finalement
retenue et qui a permis une adoption définitive du texte par le Parlement le 22 juillet 2004.
C’est ainsi que, pour les nouveaux impôts transférés, chaque année le Parlement vote
une part de taux ou une part d’assiette. Ce qui n’a pas été sans soulever nombre
d’interrogations. « Comment attribuera-t-on la part d’assiette ? Comment déterminera-t-on
le taux ? Pourquoi donnera-t-on davantage à l’un, moins à l’autre ? », s’interrogeait le
sénateur Mercier (Sénat, séance du 22 juillet 2004 : JO Sénat CR 23 juillet 2004, p. 5842)
qui ajoutait toutefois en s’en réjouissant qu’« il n’y aura plus l’indépendance du
gouvernement pour déterminer la part reçue par les collectivités territoriales ». Cet
élément, selon le sénateur Michel Mercier, appuyé en cela par son collègue Yves Fréville,
distingue la dotation de l’impôt partagé.
Cette évolution consiste, d’une certaine manière, à prendre acte du fait que d’année en
année le pouvoir de décision fiscale des élus locaux se trouve réduit de par la
multiplication des allégements fiscaux ainsi d’ailleurs que des transformations
de la matière imposable. Il s’agit par conséquent de refonder ce pouvoir sur la base de
ce qui pourrait être un partage de l’assiette et non pas seulement du produit. La voie
ouverte par le dispositif institué par la loi organique du 29 juillet pourrait se révéler de
moins en moins aisée pour les élus locaux au cas où les transferts d’impôts nationaux vers
les collectivités territoriales viendraient à s’accroître. Cette voie est en même temps le
reflet fidèle de la complexité croissante de la réalité fiscale locale et nationale ainsi que des
types de solutions ou tentatives de solutions, se voulant adaptées à cette réalité nouvelle.
Quoi qu’il en soit et en vertu de cette logique, entrent dans la catégorie des ressources
propres, selon l’article 3 de la loi, « le produit des impositions de toutes natures dont la loi
les autorise à fixer l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le
taux ou une part locale d’assiette, des redevances pour services rendus, des produits du
domaine, des participations d’urbanisme, des produits financiers et des dons et legs ». Ne
sont par conséquent inclus dans cette catégorie ni les emprunts et recettes de trésorerie ni
les subventions et dotations versées par l’État ou d’autres collectivités. On notera que,
pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées des ressources
dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale.
Une fois définie la notion de ressources propres, il restait à préciser par la loi organique
ce que l’article 72-2 de la Constitution qualifie de « part déterminante ». En effet, selon le
troisième alinéa de l’article 72-2, les ressources fiscales et les autres ressources propres
doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de
l’ensemble de leurs ressources. Sur ce point, le projet de loi organique disposait que « pour
chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante au sens de l’article 72-2
de la Constitution, lorsqu’elle garantit la libre administration des collectivités territoriales
relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées ».
Le Conseil constitutionnel a estimé que cette condition, « outre son caractère
tautologique, ne respecte, du fait de sa portée normative incertaine, ni le principe de clarté
de la loi ni l’exigence de précision que l’article 72-2 de la Constitution requiert du
législateur organique » (Cons. const., 29 juillet 2004, no 2004-500 DC : JO 30 juillet 2004). Il
l’a par conséquent déclarée contraire à la Constitution (toutefois le Conseil a jugé cette
condition séparable du reste de la loi en sorte que le texte, bien qu’amputé de ces
quelques lignes, demeurait donc conforme à la Constitution).
Ainsi, « pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres est
calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources
à l’exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement des
compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par délégation ». Cette
part ne peut être inférieure, pour chaque catégorie, au niveau constaté en 2003 40.
Le recours à un taux unique (par exemple 50 %, comme cela a pu être proposé)
permettant de fixer la part déterminante a finalement été écarté par les parlementaires au
risque pour eux de devoir à nouveau être conduits à se tourner vers le Conseil
constitutionnel. Certes, un plancher a été institué ; il s’agit, on l’a dit, de la part
représentée par les recettes fiscales et autres ressources propres dans l’ensemble des
ressources l’année d’achèvement de la réforme de la taxe professionnelle, c’est-à-dire
2003.
On observera encore que la garantie de l’autonomie financière est reconnue non pas aux
collectivités locales prises individuellement, mais à leurs catégories, c’est-à-dire les
communes, les départements et les régions, ce qui exclut les structures intercommunales.
D’ailleurs, l’article 5 de la loi organique dispose que « le gouvernement transmet au
Parlement, pour une année donnée, au plus tard le 1er juin de la deuxième année qui suit,
un rapport faisant apparaître pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des
ressources propres dans l’ensemble des ressources ainsi que des modalités de calcul et
son évolution ». Dans le cas où il s’avérerait que les critères relatifs à l’autonomie
financière ne seraient pas réalisés, des dispositions devraient être prises dans le cadre
d’une loi de finances et au plus tard la deuxième année suivant celle de ce constat.
Or, compte tenu de la suppression de la taxe professionnelle et du nouveau partage des
impôts entre collectivités territoriales, il convient de reconsidérer la pertinence de ce
critère au moins en ce qui concerne les départements et les régions dans la mesure où
leur pouvoir fiscal s’est trouvé considérablement modifié 41.
Ratios d’autonomie financière
Communes et
Départements Régions
EPCI
Ratio constaté pour 2003 60,8 % 58,6 % 41,7 %
Une observation attentive fait apparaître que dès la révision constitutionnelle de 2003 et
la loi du 29 juillet 2004 on est amené à s’interroger sur les évolutions passées et futures du
pouvoir fiscal de l’État et des collectivités locales. En effet, le pouvoir fiscal local a connu
une sorte d’apogée jusqu’au moment où, à partir de la seconde moitié des années 1980,
les dégrèvements et exonérations en matière de fiscalité locale ont commencé à se
multiplier. Certes, l’État a procédé à des compensations du « manque à gagner » 42 en
résultant. Mais ces compensations, qui se sont progressivement transformées en dotations,
n’ont pu masquer la décadence de l’autonomie fiscale locale. Cette évolution s’est
confirmée très nettement avec la loi de finances initiale pour 2004 qui a intégré plusieurs
compensations fiscales au sein d’une dotation particulièrement importante, la dotation
globale de fonctionnement, et qui en un sens traduit l’accélération de l’évolution de
l’impôt local vers la dotation. On assiste ainsi à une disparition, passée quasiment
inaperçue, de l’impôt local.
En même temps, c’est curieusement dans ce contexte de disparition progressive de la
fiscalité locale qu’a été institué l’ancrage fiscal de l’autonomie financière locale. Celui-ci
aurait pu faire penser que l’on assistait à un renouveau de l’autonomie fiscale locale
mais ce ne fut qu’un rendez-vous manqué, une illusion.
La réforme n’a constitué ni un coup d’arrêt ni une alternative au processus
engagé depuis plusieurs années qui tend à réduire l’autonomie fiscale des
collectivités territoriales en faisant progressivement disparaître par pans entiers
les principaux impôts locaux et en leur substituant des compensations vouées à
se transformer en dotations. Elle a au contraire confirmé une logique allant dans le
sens d’une dissociation de l’autonomie de gestion des ressources locales et d’une
autonomie fiscale perdant progressivement sa substance. La suppression de la taxe
professionnelle par la loi de finances pour 2010 n’a fait que poursuivre cette
évolution dont elle constitue une étape nouvelle. Au total, c’est un nouveau système
financier local qui prend forme sur la base d’un partage du pouvoir fiscal différent entre
l’État et les collectivités locales, mais également entre collectivités locales (cf. chapitre 2).
Un tel constat pouvait laisser présumer que le développement de la responsabilisation
fiscale – qui consisterait à garantir aux collectivités territoriales un pouvoir de décision
fiscale fondé sur des impôts propres et un vote des taux, voire la détermination des règles
d’assiette – constituait une direction peu probable dans la mesure où ces impôts étaient
devenus de plus en plus évanescents du fait des multiples allégements fiscaux.
Ce dernier élément explique qu’une autre direction a été prise ; elle a consisté à
reconsidérer le partage de l’impôt au travers d’une redistribution des bases et finalement
par ce biais à accroître le pouvoir fiscal du Parlement. Dans cette configuration,
l’autonomie de gestion des collectivités locales prévaut sur leur autonomie de décision
fiscale.
Finalement, la logique qui a été amorcée est une logique d’intégration des collectivités
territoriales au sein de l’État s’appuyant implicitement sur la disparition progressive de la
fiscalité locale. Or, cette direction est particulièrement difficile à emprunter car elle
fait prendre le risque de retourner à la centralisation, à l’irresponsabilité voire
même à la rigidité alors que la souplesse des institutions est plus que jamais nécessaire
au sein d’un monde instable et fluctuant. D’un autre côté, le risque est tout aussi réel
de provoquer l’implosion du système local par un souci de responsabilisation
extrême.
Le problème de fond est par conséquent d’ampleur, il est d’organiser et d’assumer le
pilotage d’un système complexe, de gouverner autrement, de prendre à bras-le-corps la
question de la maîtrise du développement de sociétés complexes à travers non seulement
la maîtrise de la dépense publique mais également la réorganisation du processus de
décision fiscale et du partage de l’impôt.
De fait, l’enjeu est d’essence fondamentalement politique dans la mesure où il porte sur
l’organisation du pouvoir fiscal. Il est donc de taille, et pour bien en comprendre la portée,
il faut avoir présent à l’esprit qu’avant d’être une technique juridique ou
économique, la fiscalité est un fait politique majeur. L’impôt est source et symbole
du pouvoir, son histoire est aussi celle de la construction du pouvoir politique, on veut dire
de l’État et tout particulièrement de l’État parlementaire démocratique. C’est pourquoi il
n’est pas, d’une manière générale, de pouvoir politique autonome sans pouvoir
fiscal ; c’est également la raison pour laquelle toute attribution d’un pouvoir fiscal à une
institution ou toute limitation de ce dernier entraîne une transformation de l’équilibre
institutionnel, une modification de l’ordre politique. Le système fiscal n’est en aucun cas
isolé des autres institutions, il en est solidaire, et le modifier provoque immanquablement
des modifications de l’ordre auquel il participe.
Si l’on considère que l’origine et la puissance de tout pouvoir politique sont
largement déterminées par la détention d’un pouvoir fiscal autonome, non par la
simple gestion de moyens financiers procurés et concédés par d’autres, il
semble alors naturel que la question de la libre administration des collectivités
territoriales en vienne à se cristalliser autour d’un débat portant principalement
sur l’étendue et la qualité du pouvoir fiscal local. Cependant, au-delà de cette
question, c’est bien aussi celle de la manière de gouverner les sociétés complexes,
autrement dit décentralisées et diversifiées, qui se trouve posée.
Le phénomène sans doute le plus déterminant dans les transformations des finances
publiques des trente dernières années est le développement d’une culture financière
nouvelle à laquelle on a assisté, une culture marquée aux coins du libéralisme
économique, et ayant le souci de la maîtrise des dépenses publiques et plus encore de la
rationalisation de la gestion.
Cette culture a été en grande partie portée, on pourrait même dire forgée, par les
normes et la logique de la construction de l’Union européenne. C’est surtout l’UEM qui a
constitué le creuset des transformations fondamentales du système financier
public qui se sont produites ces dernières années. On pense bien entendu aux
engagements pris de respecter des règles de conduite qui procèdent de ce que
l’on qualifie de « discipline budgétaire ».
Cette discipline s’entend, en premier lieu, du respect d’un certain nombre de critères
financiers tels que la limitation de l’endettement public ou plus encore une réduction
drastique du déficit public, voire même la production d’un excédent.
Elle conduit, en second lieu, à une approche globale, voire même consolidée, des
finances publiques, autrement dit comme d’un tout qui comprend les finances de l’État,
des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale. En effet, selon l’article 2 du
Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au TFUE, « on entend
par public ce qui est relatif au gouvernement général, c’est-à-dire les administrations
centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale » 43. Cette
approche qui ne sépare pas de manière étanche les différents secteurs des finances
publiques conduit ainsi à admettre que des compensations puissent s’établir entre les
différentes composantes ou encore que le fléchissement de l’une d’elles est susceptible
d’affaiblir l’ensemble interdépendant qu’elles forment, autrement dit d’empêcher par
exemple de satisfaire aux engagements pluriannuels pris dans le cadre du pacte de
stabilité et de croissance. Et l’on pense inévitablement ici au danger potentiel de «
dérapages » que peuvent représenter des milliers de collectivités locales dont les
disparités de richesses, de population, de superficie n’ont d’égale que la diversité de
pouvoirs de décision qu’elles représentent.
Afin de répondre à un tel risque, que l’on qualifie de risque systémique, on peut ainsi
être tenté d’instituer un contrôle central réduisant ou supprimant l’autonomie financière
locale, ce qui renvoie immédiatement sinon à une remise en cause de la décentralisation,
du moins à une conception autre de celle-ci, c’est pourquoi il convient à notre sens de
distinguer autonomie de gestion financière et autonomie de décision fiscale. En
toute hypothèse, la problématique à résoudre est d’ordre politique, elle concerne
finalement l’équilibre des pouvoirs au sein d’États appartenant à des régions économiques
et monétaires dotées d’un système de surveillance multilatérale, ce qui est le cas de l’UE 44.
Mais si, dans ce cadre, la régulation du réseau financier local peut s’entendre de diverses
manières, le choix qui est fait demeure quant à lui toujours d’essence fondamentalement
politique.
Comme on l’a dit, annonciatrices d’une crise profonde et de longue durée, les difficultés
économiques de la seconde moitié des années 1970 avaient conduit, en France comme
ailleurs, à appréhender l’État comme un problème et les collectivités locales comme une
solution 46. Celui-ci qui avait été magnifié pendant « les Trente glorieuses » s’est alors
trouvé frappé de discrédit à l’instar de toutes les grandes structures publiques et privées,
le slogan « Small is beautiful » 47 s’étant répandu dans le monde comme une traînée de
poudre. C’est à ce moment qu’a commencé à se dessiner d’abord sur le plan intellectuel,
puis dans les faits, un processus de profonde transformation de l’État et, disons-le, sa
métamorphose, ce processus tendant à conférer une place essentielle à l’autonomie
financière des collectivités locales. À travers cette transformation, il s’est produit en
définitive un déplacement de la sphère économique vers la sphère administrative et
politique avec pour objectif une organisation décentralisée de la société, celle-ci étant
posée non seulement comme une voie vers le renouveau économique mais aussi comme le
moyen de répondre à la crise des finances publiques d’alors. C’est ainsi, qu’au cours d’un
processus ininterrompu de trente années, on a assisté à un mouvement continu de
déconstruction puis de reconstruction de l’État sans que ce mouvement parvienne à une
forme stable intégrant de manière harmonieuse pouvoir central et pouvoirs locaux. À
l’inverse de ce mouvement, le développement de la globalisation accentué par la
crise récente et l’aggravation considérable du déficit et de l’endettement publics
a amené ces dernières années à reconsidérer l’action de l’État comme pertinente
et indispensable 48. Le contexte actuel ne peut donc être sans conséquences sur le
pouvoir financier local. C’est en effet l’autonomie fiscale locale qui est susceptible
d’apparaître anachronique compte tenu d’un cadre conceptuel et matériel différent de ce
qu’il était il y a près d’une quarantaine d’années. Cette situation, par voie de conséquence,
pourrait entraîner une autre conception de l’autonomie financière locale.
On doit rappeler ici que nombre de concepts utilisés dans le cadre des finances publiques
paraissent aujourd’hui plus ou moins brouillés, plus ou moins flous, du fait des
transformations nationales et internationales qui se sont produites dans ce champ depuis
environ une trentaine d’années 49. Ainsi, des termes qui allaient jusqu’alors de soi ne
procèdent plus d’un sens commun. C’est le cas, entre autres, de la notion d’autonomie
financière qui ne fait pas l’objet d’une définition unanime, et ce alors même qu’elle tient
depuis toujours une place centrale dans les débats relatifs à la libre administration des
collectivités territoriales.
À cet égard, il est d’abord indispensable, il faut de nouveau le souligner, de ne
pas confondre autonomie de gestion financière et autonomie de décision fiscale.
Des confusions sont faites en effet sur le sujet qui tendent à assimiler autonomie de
décision en matière de gestion financière et autonomie de décision fiscale. On veut dire par
là que des transferts financiers de l’État (dotations ou produit partagé ou transféré
d’impôts d’État), lorsqu’ils sont suffisants et de surcroît globalisés, permettent d’effectuer
des choix, et en particulier de gestion, mais ils ne donnent pas un réel pouvoir de décision,
ce dernier ne pouvant résulter que d’une maîtrise au moins relative des sources de
financement telles que l’emprunt mais surtout la fiscalité, qui est la véritable
mesure du degré d’indépendance.
En d’autres termes, la question qui se pose est celle de savoir si l’on peut parler
d’autonomie financière des collectivités locales lorsque la liberté de gestion des
fonds qui leur sont alloués n’est pas associée à un pouvoir fiscal. Ou bien encore,
l’autonomie fiscale locale est-elle devenue anachronique dans un monde globalisé
et concurrentiel au sein duquel la compétitivité et la capacité des acteurs à se développer
sont liées à l’appartenance à des États forts, performants, ayant résolu le problème de
l’intégration de leurs diversités ? De fait, on ne s’est jamais clairement interrogé sur la
possible dissociation entre autonomie de gestion et autonomie fiscale.
C’est bien sur ce dernier terrain, celui d’une autonomie financière conditionnée ou non
par l’existence d’une certaine autonomie fiscale, et prenant acte que les collectivités
locales ne sont plus de simples espaces de gestion depuis de nombreuses années, que se
joue l’avenir de la décentralisation. Les élus locaux ne se bornent plus, en effet, à s’efforcer
d’offrir des services et tâcher de satisfaire ainsi les besoins de leurs administrés. Ils ne sont
plus seulement comme autrefois des bâtisseurs et des gestionnaires. Depuis ces trente
dernières années, ils sont devenus aussi des décideurs, confrontés à savoir faire des choix
en dépenses comme en recettes. C’est d’ailleurs bien la raison pour laquelle la plus ou
moins grande autonomie fiscale est devenue au fil du temps l’élément crucial du débat
relatif à la libre administration des collectivités territoriales.
C’est aussi pourquoi la disparition du pouvoir fiscal est souvent perçue comme pouvant
engendrer de nombreuses difficultés, liées par exemple au fait :
— que les citoyens voient s’émousser leur intérêt pour les institutions locales ; un lien
essentiel étant rompu avec la disparition de l’impôt local ne finançant plus directement la
communauté sur le territoire de laquelle ils vivent, leur rapport de proximité avec le
pouvoir politique local peut tendre à s’estomper, cet effet étant susceptible par ailleurs
d’accentuer le phénomène souvent déploré aujourd’hui de l’éloignement des citoyens vis-
à-vis de la politique ;
— que les élus, voyant leur espace de liberté se restreindre, en viennent à craindre que,
dans le futur, l’État ne soit plus en mesure de faire face à ses promesses ; sans compter
que « l’esprit d’entreprise » qui anime les plus actifs, les plus dynamiques pourrait se
trouver considérablement découragé du fait de la disparition de leur responsabilité fiscale ;
— que la qualité des relations financières entre les collectivités locales et l’État se
dégrade considérablement en ne s’exprimant plus qu’à travers des rapports frontaux et
d’assistanat susceptibles par ailleurs de s’exacerber en l’absence de la tierce possibilité
que représentent des impôts locaux autonomes.
Au total, c’est une composante essentielle de la démocratie locale qui se verrait affectée
par la disparition ou l’affaiblissement du pouvoir fiscal. D’autant, il convient en effet de le
rappeler, que la logique de la décentralisation et les débats la concernant ont toujours
attribué une place centrale à l’attribution aux collectivités locales du pouvoir, même limité,
de décider de l’impôt.
Depuis 1983, l’État s’est efforcé de s’en tenir à la règle selon laquelle, d’une année sur
l’autre, la croissance des masses budgétaires ne devait pas être supérieure à celle du PIB.
Cette règle cependant a souffert nombre d’exceptions jusqu’aux années 2000. Toutefois,
une norme de dépenses de l’État a été respectée depuis 2003. Cette norme, qui consiste à
faire évoluer les dépenses au même rythme que l’inflation (un peu en deçà en 2007), n’a
cependant concerné jusqu’en 2008 que le budget général de l’État. Depuis la LFI pour
2008, il a été décidé d’élargir le périmètre d’application de la norme en y incluant les
prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales (cette nouvelle norme
figure dans une « Charte de budgétisation de l’État »). Il reste qu’une réelle maîtrise de la
dépense publique implique d’aller au-delà du périmètre tel qu’il a été défini par la charte
en intégrant l’ensemble des dépenses publiques, en impliquant par conséquent tous les
acteurs publics. Autrement dit, il s’agit de tenir compte non plus du seul taux de croissance
des dépenses budgétaires de l’État, mais de celui de l’ensemble des charges publiques.
Chacun a bien conscience aujourd’hui que non seulement les difficultés financières de
l’État se sont accentuées, en particulier avec un endettement public sans précédent 57,
mais plus encore les besoins des populations, notamment sociaux, devraient s’accroître
dans le futur. C’est là à notre sens une raison majeure pour s’interroger avec une extrême
attention sur la réforme du système financier local et la nécessité de reconsidérer la
question certes difficile de l’autonomie fiscale locale 58 mais également celle, plus
rarement identifiée et cependant fragile, de l’autonomie de gestion. Face à un tel
constat, il est nécessaire d’adopter une conception intégrée des finances
publiques (État, collectivités locales, sécurité sociale) et d’en tirer les conséquences
pratiques sans pour autant remettre en cause le principe de libre administration
des collectivités territoriales. Il est donc maintenant nécessaire d’instituer des
dispositifs de mise en cohérence du système financier public permettant de dégager une
logique commune d’évolution des dépenses et des recettes.
Autrement dit, il apparaît désormais que l’autonomie financière locale ne peut plus
être envisagée qu’intégrée au sein d’une gouvernance financière publique
entendue d’une façon globale.
C’est donc bien à nouveaux frais que se pose la question de l’autonomie fiscale locale
ainsi que celle de l’autonomie de gestion. Cette dernière est en effet concernée par la
maîtrise des dépenses publiques locales avec en toile de fond, la simplification des circuits
financiers locaux et, éventuellement, la mise en place d’une norme de dépense pour les
collectivités territoriales, une proposition qui revient périodiquement depuis le rapport
Feuilleley-Raynaud qui préconisait déjà, en 1986, de fixer des normes de référence (taux de
croissance des dépenses de fonctionnement civiles de l’État par exemple) pour les
dépenses locales ; selon ce rapport, ces normes pouvaient être soit impératives, soit
indicatives sachant que c’était plutôt la seconde solution qui était soutenue avec
néanmoins une sanction pour dépassement (sous forme d’une réduction de la dotation
globale de fonctionnement ou de son augmentation dans le cas où la collectivité se
trouverait en dessous de la norme) 59. Dans la même lignée, le rapport Balladur ne se
montre pas favorable à un dispositif contraignant ; il estime plus judicieux de « définir dans
le cadre d’un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d’évolution de la dépense
publique locale » qui ne serait qu’un simple « point de repère » 60.
Les récents rapports de la Cour des comptes (2013 et 2014) ou bien encore celui de la
commission Lambert-Malvy (2014) vont tous dans le même sens. Une orientation qui s’est
concrétisée par l’introduction d’un article du projet de loi de programmation des finances
publiques 2014-2019. Il s’agit de l’article 11 selon lequel « il est institué un objectif
d’évolution de la dépense publique exprimé en pourcentage d’évolution annuelle ». Cette
évolution est fixée à 1,2 % pour 2014, 0,3 % pour 2015, 1,8 % pour 2016, 1,9 % pour 2017.
On l’a compris, il s’agit pour l’État de poursuivre une voie déjà amorcée allant dans le
sens d’une régulation globale des finances publiques visant à faire participer les trois
catégories d’acteurs à leur soutenabilité par un programme d’économies de 50 milliards
d’euros de 2015 à 2017. Dans ce cadre, les collectivités locales doivent supporter une
baisse de leurs dotations de 3,7 milliards par an ce qui, pour les plus fragiles d’entre elles,
risque de provoquer une chute de l’épargne brute, déjà en diminution, et laisse craindre
une réduction des investissements publics locaux malgré une offre de prêts
abondante aujourd’hui.
Programme d’économie (en milliards d’euros)
2015-
2015 2017
2015-
2015 2017
État et agences 7,7 19,0
Collectivités locales 3,7 11,0
Protection sociale 9,6 20,0
dont dépenses d'assurance-maladie 3,2 10,0
dont autres dépenses de protection sociale 6,4 10,0
TOTAL 21,0 50,0
Source : ministère du Budget.
Une telle logique s’inscrit dans un projet d’ensemble qui concerne tout à la fois la
maîtrise des finances du secteur social, celle des administrations d’État et des collectivités
locales, et qui devrait s’étendre dans les années à venir à la totalité du secteur public et
para-public. Il s’agit d’une logique de contrôle-régulation qui devrait amener une
reformulation de l’un des principes essentiels du droit public financier, le principe d’unité.
Plus encore, c’est à la question du pilotage des sociétés contemporaines, plus complexes
et plus rapidement changeantes qu’autrefois, que se rattache cette logique et c’est
finalement l’adaptation de l’État à son environnement interne et externe qui constitue le
motif fondamental des réformes réalisées, en cours ou en discussion.
Une telle évolution suppose une transformation inéluctable de l’État et partant des
modes de financement ainsi que du processus de décision et de gestion financière du
secteur public local et national. Ce débat, qui sur le fond concerne la normalisation des
finances locales, est révélateur des incertitudes actuelles ainsi que des adaptations
indispensables du système financier local à son nouvel environnement.
Toutefois, on l’a dit, ce n’est pas uniquement sur le plan des techniques financières ou
fiscales mais aussi sur le terrain institutionnel, celui d’une reformulation partenariale du
processus de décision financière, que devrait se jouer l’essentiel. Cette voie qui s’est
amorcée dans le sens d’une intégration des finances des collectivités territoriales au sein
du système financier public, n’a pas encore trouvé une formalisation institutionnelle
; il n’existe pas de dispositif permettant d’assurer une cohérence aux décisions prises par
les collectivités locales, par l’État et par les organismes de sécurité sociale tant en ce qui
concerne les dépenses que les recettes. Or, le risque d’incohérence entre les décisions
financières publiques est bien réel si une coordination n’est pas instituée entre les
différentes sphères.
Tout se passe comme si l’on n’avait pas encore rompu avec des modes de penser et un
contexte qui n’existent plus, celui de la seconde moitié du XXe siècle. Or, les signes de
profonds changements du système financier public sont bien présents qui, dans la mesure
où les transformations de ce dernier sont toujours source de mutations des systèmes
administratifs et politiques, laissent deviner la naissance d’un modèle administratif et
politique nouveau.
Il faut encore souligner que la crise financière et économique récente a conduit à
reconsidérer la fonction de l’État et à le placer, au moins pour un temps, en tête des
acteurs susceptibles de résoudre les difficultés. Mais ce serait se méprendre sur cette
évolution que d’y voir une forme banale de retour de l’État. Il serait tout aussi
erroné de voir dans la récente proposition – discutée de façon assez fugace – de faire «
valider » par la commission ou une structure ad hoc les projets de budget des États
membres de l’UE, une simple volonté de puissance de la part des instances européennes.
En réalité, cette « aspiration vers le haut » du pouvoir financier procède d’un seul et
même objectif qui est une mise en cohérence d’un système national et international à
multiples acteurs. Et il n’est pas surprenant que cette réorganisation passe par un
aménagement des structures financières publiques sachant que celles-ci ont toujours été à
la base des constructions politiques ou de leur développement, et qu’elles en sont même
l’ossature.
Le pilotage des finances publiques ne peut plus se limiter aujourd’hui au budget de l’État.
S’en tenir à cette seule dimension relèverait d’une approche partielle méconnaissant les
impératifs qui découlent de la diversification d’un domaine dont la complexité s’est
considérablement accrue depuis ces trente dernières années. Il est un fait aisément
observable qui est celui d’une démultiplication du pouvoir financier amplifiée par une
percée de ce pouvoir hors des frontières de l’espace public. Autrement dit, dans ce
nouveau contexte, et pour répondre certes à l’impératif de transparence mais également
maintenant de cohérence des finances publiques, on est conduit à s’interroger sur le
périmètre du champ public 67. À cet impératif vient immédiatement s’en associer un
second, celui de parvenir à restituer une image globale, non pas centralisée mais intégrée,
c’est-à-dire respectueuse de la singularité et de l’autonomie relative de chaque entité, de
l’ensemble des comptes publics comme des décisions prises en amont 68, c’est-à-dire des
budgets publics.
Il résulte de cette évolution que l’on est face à un ensemble composite complexe non
seulement opaque mais qui laisse douter de sa cohérence globale et par conséquent de la
capacité à le piloter. Aussi, à travers ces enjeux centrés sur la cohérence des finances
publiques, au stade de la prise de décision comme de l’exécution, c’est la pérennité du
couple démocratie et bonne gestion qui est concerné.
Or, l’actuelle distribution des pouvoirs politiques ne reflète pas la complexité
du pouvoir financier. Ou plutôt, elle ne prend pas en compte le fait que ce pouvoir se
diffuse au sein de ces différents pouvoirs sous l’apparence d’une simple compétence
financière. On veut dire qu’en fait le pouvoir financier est la charpente, indiscernable à
première vue, des pouvoirs politiques. Et sa démultiplication engendre une paralysie de ces
derniers qui se solde par une incapacité à juguler la crise des finances publiques. C’est par
conséquent, à notre sens, un modèle politique devenu inadapté qui est en cause et celui-ci
ne peut prendre une forme nouvelle qu’en s’inscrivant dans un processus de mise en
cohérence du système financier public. Certes, aucun texte juridique ni aucun dispositif
gestionnaire ou institutionnel construits ne répondent directement à ce besoin. Toutefois,
les prémices d’une telle évolution sont déjà présentes. Une sorte de cohérence encore «
aventureuse » 69 est bien déjà là, elle a pris naissance il y a quelques décennies et sa
croissance semble s’accélérer ces dernières années.
En effet, cette réflexion, qui s’est posée initialement avec la montée en puissance de la
décentralisation au début des années 1980, s’est poursuivie ensuite avec le
développement de la Communauté européenne jusqu’à prendre une forme juridique avec
le traité de Maastricht (1992), on l’a dit. Plus récemment, selon la même approche et
depuis la révision de 2008, la Constitution, dans son article 34, évoque « les orientations
pluriannuelles des finances publiques [...] définies par des lois de programmation (qui)
s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». Dans le
même sens, le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive le 8 novembre 2011
déterminant les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres 70. Selon
ce texte les États membres sont tenus de mettre en place d’ici le 31 décembre 2013 « des
mécanismes appropriés de coordination entre les sous-secteurs des administrations
publiques afin d’assurer l’intégration complète et cohérente de tous ces sous-secteurs des
administrations publiques dans la programmation budgétaire, dans l’élaboration des règles
budgétaires chiffrées spécifiques au pays, ainsi que dans l’établissement des prévisions
budgétaires » 71.
De son côté, et dans la lignée du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance
au sein de l’Union économique et monétaire, la loi organique du 17 décembre 2012 relative
à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 72 centre son dispositif sur
les administrations publiques, entendues au sens de Maastricht. Cependant, force est de
dire qu’il y a là une forme de quiproquo. En effet, si la loi désigne expressément les lois de
finances et les lois de financement de la sécurité sociale, les budgets locaux n’apparaissent
pas. Certes il n’existe ni loi de financement ni a fortiori loi de finances des collectivités
locales, les principes constitutionnels de libre administration et d’autofinancement des
collectivités territoriales s’opposant à toute forme d’hégémonie financière de l’État.
Néanmoins, la nécessité de consolider les comptes publics dans une même loi de
finances de l’État est explicitement admise dans la mesure où selon l’article 8 de la loi
organique, « la loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de
synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations
publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte ». Il faut le
souligner, il ne s’agit pas ici d’une simple information annexée à la loi de règlement mais
bien d’un article à part entière de cette loi et plus encore, « liminaire », ce qui, à notre sens
lui confère une importance supplémentaire. Ainsi, un tel tableau de synthèse suppose un
alignement des administrations publiques sur des normes harmonisées. Par ailleurs la
logique est encore renforcée par le fait que doit être indiqué dans l’exposé des motifs « si
les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant
permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année
et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques ».
Ainsi, c’est à une présence/absence des budgets locaux que l’on a à faire.
L’impératif de cohérence des politiques financière publiques se trouve confronté à une
construction institutionnelle, la décentralisation, qui répond à d’autres exigences et en
vient à forcer cette construction voire même à la provoquer. On l’a deviné, on est là en
face, une fois encore, de la question très controversée de l’autonomie financière des
collectivités territoriales. Faute d’accepter de poser clairement la question de la cohérence
des finances publiques dans le contexte qui est le leur aujourd’hui, l’on est conduit à
produire des textes juridiques sinon ambigus, pour le moins embarrassés. Plutôt que
d’emprunter des chemins difficiles car tortueux, mieux vaudrait en débattre clairement.
Il s’agit maintenant de bâtir ce que l’on propose de qualifier « un ordre des autonomies ».
On veut dire un ordre organisé à la fois sur un plan vertical et horizontal, autrement dit
transversal, qui permet de rompre avec des pesanteurs de toutes sortes et
particulièrement avec une conception cloisonnée de l’État et de l’action publique, une
conception, on l’a dit, qui ne reconnaît pas et ne formalise pas les multiples interactions et
la multirationalité qui caractérisent les sociétés contemporaines.
On l’a compris, la crise grave qui frappe le secteur public ne fait qu’accélérer une
évolution allant dans le sens d’une intégration des acteurs publics, une évolution déjà en
germe depuis plusieurs années notamment en ce qui concerne l’État, les collectivités
territoriales et les administrations centrales ou déconcentrées. Le phénomène est, il est
vrai, particulièrement spectaculaire du côté des collectivités locales dont l’autonomie
fiscale tend à se réduire, ainsi d’ailleurs que leur autonomie de gestion. Mais les mutations
peuvent sembler tout aussi surprenantes du côté des gestionnaires des administrations de
l’État. En d’autres termes, cette nouvelle gouvernance financière publique, locale ou
nationale, se traduit d’une part par la généralisation d’une autonomie de gestion relative
qui concerne maintenant l’ensemble du secteur public, d’autre part par une réorganisation
du processus de décision qui s’incarne dans une rationalisation du pouvoir fiscal. L’ultime
étape, à plus long terme, pourrait bien être celle d’une évolution similaire du pouvoir
financier de l’État, dans le cadre de l’Union européenne.
Toutefois, la question qui se pose est celle de la définition à donner à l’autonomie
financière de ces structures politiques. Or il peut être parfois plus difficile de l’évoquer
ouvertement que d’y répondre 73. Le sujet est en effet crucial pour au moins deux raisons :
il concerne les solutions à apporter face à un contexte qui s’est complètement transformé
depuis ces trente dernières années et il est lié à des représentations et à des constructions
institutionnelles ainsi qu’idéologiques parfois pluriséculaires. D’une manière générale,
c’est la pertinence des systèmes financiers publics qui est maintenant en cause.
Conçus dans des contextes économiques, sociaux, politiques, largement différents de ceux
d’aujourd’hui ils ne sont plus adaptés aux enjeux d’une société globalisée en perpétuelle
recherche d’équilibre. Autant dire qu’au regard des enjeux majeurs pour l’avenir, il est
fondamental d’identifier correctement les voies dans lesquelles la réforme des circuits de la
décision financière publique doit s’engager, et cela à tous les niveaux. C’est en définitive
une réflexion politique au sens fort qui s’avère nécessaire, et ce en vue de dégager une
nouvelle conception des rapports financiers non seulement entre les collectivités locales et
l’État mais entre l’ensemble des acteurs publics. Il s’agit autrement dit de refonder
l’autonomie financière locale dans un contexte national et international globalisé.
Dix ans d’évolution des finances locales (compte synthétique des collectivités
locales)
En milliards
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014e 201
d’euros courants
Section de
fonctionnement
Recettes
159,5 169,7 178,3 184,2 191,0 197,8 204,2 208,2 211,6 213,7 214
courantes (1)
Recettes fiscales 86,4 92,4 98,4 103,0 107,3 113,5 116,1 119,5 122,0 126,0 128
Dotations de l’État 44,7 45,7 46,6 46,6 47,5 47,8 52,0 52,0 51,4 48,8 44
Autres recettes 28,4 31,6 33,2 34,7 36,2 36,5 36,1 36,7 38,1 38,9 40
Dépenses de
121,5 129,2 137,5 145,0 151,9 154,5 157,8 162,8 167,8 171,9 175
gestion (2)
Dépenses de
41,5 43,9 47,6 51,2 53,5 54,9 56,3 58,1 60,1 62,2 63
personnel
Achats de biens et
29,1 31,1 32,3 33,8 34,6 35,4 36,9 38,2 39,4 39,7 40
services
Prestations
sociales et 42,1 44,9 47,5 49,2 52,8 53,7 53,9 55,7 57,3 58,9 60
transferts versés
Autres dépenses
8,8 9,3 10,1 10,8 10,9 10,6 10,7 10,9 11,0 11,1 11
de fonctionnement
Épargne de
gestion (3) = (1)- 38,0 40,5 40,8 39,3 39,1 43,3 46,4 45,4 43,7 41,8 39
(2)
Intérêts de la dette
4,3 4,7 5,1 5,6 4,8 4,6 4,9 5,1 5,1 5,0 4,
(4)
Épargne brute (5)
33,7 35,8 35,7 33,7 34,2 38,7 41,5 40,2 38,6 36,8 34
= (3)-(4)
Financement de
l'investissement
En milliards
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014e 201
d’euros courants
Dépenses
d'investissement 45,8 48,1 53,1 53,2 55,1 51,0 52,8 55,1 57,8 52,8 48
(6)
Autofinancement
32,0 33,1 35,8 33,6 31,7 34,4 37,2 37,8 41,8 37,7 34
(7) = (5)-(10)
Dotations et autres
recettes
8,3 8,6 9,3 10,2 14,8 11,3 10,6 10,6 10,7 10,9 10
d'investissement
(8)
En milliards
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014e 201
d’euros courants
Flux net de dette
(emprunts-
+ 5,4 + 6,5 + 8,0 + 9,5 + 8,7 + 5,4 + 5,0 + 6,8 + 5,3 + 4,1 + 3
remboursements)
(9)
Emprunts
nouveaux (hors
19,0 20,1 20,7 22,3 22,2 19,4 19,2 21,8 20,7 20,1 19
opérations
financières)
Remboursements
(hors opérations 13,6 13,7 12,7 12,8 13,6 14,0 14,2 15,0 15,5 16,0 16
financières)
Variation du fonds
de roulement (10) + 1,7 + 2,7 - 0,1 + 0,1 + 2,6 + 4,3 + 4,3 + 2,5 - 3,2 - 1,0 -0
= (5)+(8)+(9)-(6)
Dépenses
totales (hors
remboursements 171,5 182,0 195,7 203,8 211,8 210,1 215,5 223,1 230,7 229,7 228
de dette) = (2)+
(4)+(6)
Encours de dette
114,2 120,6 128,6 138,1 146,1 151,5 156,9 163,9 169,1 173,3 176
au 31 décembre
Références*
Produit intérieur
1 772 1 853 1 946 1 996 1 939 1 998 2 059 2 091 2 114 2 132 2 1
brut (PIB)
e : estimations
p : prévisions
* Sources : jusqu’en 2013, Comptes nationaux (provisoire 2013) – Base 2010, Insee. 2014 et
2015, prévisions du gouvernement.
© La Banque Postale Collectivités Locales
Chapitre 2
Le financement par le contribuable : l’impôt
Comme l’État, les collectivités territoriales ont la possibilité de recourir à l’impôt pour
financer leurs dépenses. Toutefois leur pouvoir fiscal est limité puisqu’il ne s’étend pas
jusqu’à la capacité de décider de la création, de la modification ou de la suppression d’un
impôt. La matière est du domaine parlementaire en vertu de la Constitution de 1958 (art.
34) qui donne au Parlement compétence pour fixer les règles relatives à l’assiette au taux
et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature, avec également un
champ dans lequel intervient le pouvoir réglementaire 74.
Le pouvoir fiscal des collectivités locales s’entend de la possibilité qui leur est donnée de
voter le montant des impôts locaux, voire même les taux des impositions, dans le cadre
des limites fixées par la loi et précisées le cas échéant par des mesures réglementaires.
Une telle capacité en matière fiscale n’est, il est vrai, pas négligeable. Les ressources
fiscales, à la différence de l’emprunt, sont définitives. Elles sont également relativement
autonomes. Elles constituent enfin une garantie d’indépendance pour les collectivités vis-à-
vis des institutions financières et étatiques 75.
La fiscalité locale constitue une véritable mosaïque, elle se compose d’un grand
nombre d’impôts directs et indirects. Le produit des premiers représente les trois quarts de
l’ensemble avec parmi eux quatre taxes (taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés
bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, contribution économique territoriale 76)
qui s’en détachent très nettement.
Il faut souligner que si les débats autour de la réforme de la fiscalité locale sont
récurrents depuis des décennies, ils se sont particulièrement accentués dans la période
récente 77 pour finalement aboutir à la suppression de la taxe professionnelle par la loi de
finances initiale pour 2010, ce qui pose, on le verra, la question fondamentale de la
nouvelle gouvernance fiscale locale et au-delà, celle de la gouvernance financière
locale.
Cette réforme conduit à envisager sous un angle nouveau le thème également récurrent
de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales 78. Le sujet est en effet crucial
tant il est lié aux représentations et aux constructions qui se sont succédé non seulement
depuis que la décentralisation a été instituée mais aussi depuis qu’elle est l’objet de
réflexions et de débats. Car si, comme on l’a vu, le « local » a pu un temps prendre sa
revanche sur le « central » – il l’a notamment fait à la faveur de l’essor de son pouvoir
fiscal – cet essor a toutefois été stoppé à partir de la seconde moitié des années 1980 par
des mesures visant à alléger la charge pesant sur les contribuables et tout particulièrement
sur les entreprises. Ce faisant, la révision constitutionnelle de 2003 79 qui a pu
apparaître comme la marque d’un renouveau de l’autonomie fiscale, n’était déjà
plus en mesure d’aller à l’encontre d’un mouvement de fond allant dans le sens
d’une perte de substance du système fiscal local. La récente réforme de la taxe
professionnelle ne fait que prendre acte et poursuivre une évolution qui s’étale, on l’a dit,
sur près de trois décennies.
Ainsi, d’une manière générale, et à bien des égards, les débats fiscaux actuels sont
révélateurs d’une part du processus de réforme de l’État qui s’est mis en marche
depuis la seconde moitié des années 1970, d’autre part, de l’inadaptation de
notre système fiscal aux réalités du XXIe siècle.
On l’a compris, l’enjeu fiscal local est d’importance ; non seulement il concerne la
distribution des pouvoirs au sein de l’État, mais il conduit à s’interroger sur la
refondation d’un système fiscal général dont les raisons d’être relèvent de
contextes économiques, sociaux, politiques, largement différents de celui
d’aujourd’hui. Il conduit aussi, très certainement, à reconsidérer la question de la justice
fiscale 80 et à prendre position au regard des différentes grandes conceptions de l’impôt qui
découlent des théories de l’impôt-échange et de l’impôt solidarité 81.
Parmi les critiques faites à la fiscalité locale, l’une d’entre elles revient
systématiquement, à savoir l’archaïsme d’un système qui prend racine dans la Révolution
française. En effet, les impôts directs locaux, avant de constituer la ressource fiscale
principale des collectivités territoriales, avaient été conçus comme des impôts d’État par la
Constituante. Ce n’est que lorsque l’État s’est doté d’une fiscalité plus adaptée à la vie
économique moderne que ces impôts ont été transférés aux collectivités locales.
Après avoir décidé de l’abolition des privilèges (4 août 1789), la Constituante va
s’attacher à mettre en place une fiscalité plus conforme aux principes qu’elle avait adoptés
et notamment celui de l’égalité. On était désireux d’imposer l’ensemble des citoyens sans
considérer l’appartenance à tel ou tel ordre ; on voulait également supprimer les impôts
indirects source d’iniquités pour leur substituer des impôts directs.
L’atmosphère intellectuelle était par ailleurs largement dominée, en ce qui concernait la
question économique, par les thèses des physiocrates. Ceux-ci, ayant défendu l’idée que la
source de la richesse résidait dans le foncier, en avaient déduit logiquement que l’impôt
devait être unique, et donc frapper la seule propriété foncière. « C’est la propriété qui
seule est chargée de la contribution et le propriétaire n’est qu’un intermédiaire
qui l’acquitte pour elle », est-il précisé dans l’instruction générale de 1790 relative à
l’impôt foncier.
Une telle approche de la réalité économique, si elle se justifiait au regard de l’état de la
France de l’époque, allait devenir complètement obsolète avec le développement de
l’économie industrielle. Le choix fiscal fait par les révolutionnaires avait été d’asseoir
l’impôt en priorité sur le foncier et de ne taxer que faiblement les revenus du travail et des
valeurs mobilières. De plus, il avait été mis en place des impôts indiciaires afin d’éviter tout
procédé inquisitorial de la part du fisc de même que toute forme d’arbitraire. En taxant ce
qui se voyait, on pensait ainsi éviter des recherches susceptibles de donner lieu à des
abus, comme on recherchait également à décourager la fraude fiscale.
Le passage à l’économie moderne et les nécessités financières de l’État qui allaient
croissant, firent apparaître l’inadéquation d’une fiscalité assise sur des bases qui n’étaient
plus du tout en rapport avec l’activité économique. Le fossé alla en se creusant jusqu’à ce
que l’on décidât de changer de système, au moins en ce qui concernait l’État, et
d’abandonner aux collectivités territoriales des impôts relevant d’une autre époque. Entre-
temps, il faut observer que l’on avait accordé aux collectivités locales le droit de voter un
impôt additionnel aux impôts d’État, le centime additionnel, qui perdurera fictivement
jusqu’au milieu des années 1970, et avec des traits que l’on peut encore rencontrer dans le
système actuellement en vigueur. On peut déjà comprendre la raison pour laquelle les
quatre taxes (d’habitation, professionnelle, sur les propriétés bâties, sur les propriétés non
bâties) ont été qualifiées ainsi de « quatre vieilles ».
La fiscalité directe locale prend racine à la fin de l’année 1790 et au début de 1791 84. Il
fut d’abord créé deux impôts d’État : la contribution foncière et la contribution mobilière.
La contribution foncière, impôt réel, proportionnel et indiciaire, fut instituée par les lois
des 23 novembre et 1er décembre 1790. Il s’agissait d’un impôt de répartition dont
l’assiette était constituée par les propriétés foncières. À cette contribution qui était censée
rapporter l’essentiel des ressources fiscales de l’État (240 millions de livres) venait
s’ajouter un impôt personnel : la contribution mobilière (60 millions de livres) instituée
par les lois des 13 janvier et 18 février 1791. Cet impôt visait à taxer le revenu du
contribuable au travers du loyer qu’il payait, celui-ci étant censé représenter ses
facultés contributives. En fait, au départ, la contribution mobilière était très complexe, elle
se composait de cinq taxes (la loi du 2 avril 1832 limitera la base à la valeur locative des
locaux affectés à l’habitation personnelle) : une taxe sur les revenus, dite « cote mobilière
», assise sur un indice, le loyer ou la valeur locative considérée comme signe extérieur du
revenu (on affectait un coefficient au loyer pour déterminer le revenu et l’on soustrayait, le
cas échéant, le revenu foncier déjà taxé) ; une « cote d’habitation » qui frappait le même
revenu mais sans tenir compte de la base prise en compte pour l’impôt foncier ; une taxe
civique, égale à trois journées de travail donnant la qualité d’électeur ; une taxe sur les
domestiques (3 livres pour le premier domestique masculin, 6 pour le second, 12 pour
chacun des suivants ; le tarif était de moitié pour les domestiques femmes) ; une taxe sur
les chevaux et mulets (3 livres par cheval ou mulet de selle et 12 livres par cheval ou
mulet de cabriolet).
Les impôts ne rentrant pas convenablement, la contribution mobilière se révélant par
ailleurs inapplicable tant elle était complexe, il fut décidé, en dépit des principes
physiocratiques 85, de créer un impôt sur l’activité commerciale et industrielle : la
contribution des patentes. Cette contribution, instaurée par les lois des 2 et 17 mars
1791, assise sur le loyer ou la valeur locative des locaux utilisés, ne fut pas
immédiatement appliquée.
Ce n’est qu’en 1795 que l’on se décida, en la réduisant aux taxes somptuaires (sur les
domestiques, les chevaux, les cheminées, les voitures suspendues...), à appliquer la
contribution mobilière. Celle-ci fut ensuite reprise selon la première formule en vigueur
mais simplifiée en 1798. Quant à la patente, d’abord abolie par la Convention, elle fut
rétablie par la loi du 22 juillet 1795 avec un seul droit fixe valant autorisation d’effectuer un
négoce.
Au total, le dispositif mis en place ne permit pas de donner aux gouvernants les moyens
dont ils avaient besoin. Si l’on suit G. Ardant, trois raisons principales expliqueraient cet
échec. En premier lieu, la suppression des impôts indirects fut une erreur. D’autre part, le
poids essentiel des impôts reposant sur la contribution foncière, celle-ci s’avéra vite trop
lourde pour le contribuable. Il aurait fallu faire participer plus largement la richesse
industrielle, commerciale ou mobilière, mais le physiocratisme ambiant s’y opposait. Enfin,
la décentralisation à l’extrême de l’administration fiscale qui aboutissait en fin de parcours
à confier le recouvrement à un représentant élu des contribuables de chaque commune
s’avéra catastrophique 86.
Il fallut attendre le 24 novembre 1799 pour que soit instaurée une régie des contributions
directes. Puis les contributions indirectes furent restaurées et il fut également mis en place
une fiscalité directe inspirée de celle conçue initialement par les révolutionnaires mais
simplifiée et allégée.
L’on ne se décida pas cependant à taxer franchement les revenus. Il faudra attendre
1914-1917 pour que les salaires soient taxés, les revenus de capitaux mobiliers l’ayant été
plus tôt par la loi du 28 juin 1872. Ainsi, le XIXe siècle sera abordé avec un système fiscal
comprenant un impôt foncier, un impôt des patentes et une contribution mobilière devenue
une sorte de taxe sur la dépense de logement 87. Pour des raisons techniques tenant à la
difficulté de connaître précisément les facultés contributives des contribuables et
idéologiques relevant de la volonté de décentraliser la fiscalité, le procédé de la
répartition fut préféré à celui de la quotité 88. D’une manière générale, ce fut
l’empirisme qui présida à l’assiette de l’impôt pendant de longues années, avec des
inégalités parfois criantes entre départements et communes (le taux effectif de
contribution mobilière pouvait, par exemple, varier d’une commune à une autre de 0,73 %
à 35,30 %). On s’efforça pourtant de réformer ce système et l’on décida notamment par
une loi du 8 août 1890 de partager l’impôt foncier en deux contributions : la contribution
foncière des propriétés bâties et la contribution foncière des propriétés non
bâties. Par ailleurs, le même texte transforma la contribution foncière des propriétés
bâties en impôt de quotité, tandis que la loi du 29 mars 1914 allait étendre ce
mécanisme à la contribution foncière des propriétés non bâties.
En dépit de ses nombreuses imperfections, la fiscalité de l’État comme celle,
additionnelle, des collectivités locales 89 ne provoque pas, jusqu’à la première moitié du XIXe
siècle, de grandes récriminations du fait de sa modération et des ressources qui
s’avéraient suffisantes en rapport des dépenses publiques d’alors. L’inadaptation d’une
telle construction va apparaître au moment où s’affirme une économie dont le
développement ne s’appuie plus sur le foncier mais sur l’industrie. Le secteur public voyant
ses dépenses s’accroître sans que ses ressources fiscales, assises sur des bases obsolètes,
ne progressent à la même vitesse, se trouva placé face aux premiers signes d’une crise
financière qui ne fit que s’amplifier jusqu’à ce qu’il soit décidé de procéder à une réforme.
Il apparut à la fin du XIXe et au début du XXe siècle que les « quatre vieilles » étaient des
impôts non rentables car insensibles à l’activité économique. L’État, dans l’impossibilité
de profiter du fantastique essor de l’économie, était par ailleurs submergé par des
dépenses liées à celui-ci auxquelles s’ajoutèrent celles résultant de la guerre de 1870
(reconstruction et paiement d’indemnités à la Prusse).
Non rentables, les impôts étaient également injustes ; ceux qui tiraient leurs revenus du
négoce ou de l’industrie n’étaient pas taxés en fonction de leurs capacités contributives
réelles.
Aussi, après de longs débats théoriques et politiques, il fut décidé sous l’impulsion de J.
Caillaux de réformer le système fiscal afin de l’adapter à un contexte économique qui
n’était plus à l’évidence celui de la fin du XVIIIe siècle. Cette réforme fut réalisée par la loi du
15 juillet 1914 qui institua un impôt complémentaire et par celle du 31 juillet 1917 qui créa
l’impôt cédulaire global sur le revenu et supprima la contribution des patentes
et la contribution mobilière comme impôts d’État. Ces deux derniers impôts furent
alors transférés aux collectivités locales. Cependant, ils continuèrent d’être calculés afin
d’évaluer ce qu’ils auraient rapporté fictivement à l’État (« le principal fictif »), et ce pour
que les collectivités territoriales puissent, sur cette base, voter des « centimes additionnels
». Enfin, il faudra attendre 1948 pour que les deux taxes foncières soient, à leur tour,
abandonnées comme impôts d’État et affectées exclusivement aux collectivités locales.
Un partage fut ainsi mis en place qui attribuait à l’État les impôts les plus
rentables et abandonnait aux collectivités territoriales les quatre vieilles
contributions. Au caractère non rentable de cette fiscalité s’est alors ajoutée son
artificialité et plus encore sa rigidité. En effet, tant que l’État était intéressé par les
rentrées fiscales provenant des quatre contributions, il était régulièrement procédé sous
l’influence des nécessités comme des majorités parlementaires, à des réajustements de ce
que devait rapporter telle ou telle d’entre elles et donc chaque catégorie de contribuables
(propriétaires, locataires, industriels et commerçants). Or, une fois adoptées les lois fiscales
de 1914-1917, la répartition entre les contribuables n’a plus été modifiée, la clef de
répartition étant demeurée la même. Une période de référence s’est ainsi imposée qui, le
temps passant, n’a eu bientôt plus rien de commun avec la réalité de la société et plus
particulièrement avec la faculté contributive des contribuables concernés. Si l’on ajoute à
cela que les valeurs locatives n’étaient que très épisodiquement révisées, on comprendra
l’attitude de plus en plus critique des élus locaux à l’égard d’un système dans lequel ils
n’avaient finalement qu’une seule possibilité pour accroître leurs ressources fiscales :
augmenter la pression fiscale en augmentant les taux. Une telle situation génératrice
d’inefficacité et d’injustice est demeurée cependant sans changement durant plus d’un
demi-siècle. Si des modifications ont fini par y être apportées, il n’en reste pas moins que
le système actuel est en partie encore déterminé par des décisions fiscales prises en
d’autres temps.
Un tel immobilisme est souvent attribué à un désintéressement de la part de l’État vis-à-
vis des collectivités territoriales ; pourtant, les nombreuses commissions de réformes qui
se sont succédé, certes sans déboucher sur des réalisations concrètes, témoignent d’une
volonté de transformation. L’élément majeur fondant cette très grande stabilité du
système fiscal local est qu’on craignait surtout de bouleverser un système ayant comme
on l’a souvent dit « le mérite d’exister ». Cependant, une volonté plus solide de réforme
devait s’affirmer à la fin des années 1950. Celle-ci n’en mettra pas moins de quinze ans
pour commencer à se traduire dans les faits.
Les propositions de réformes se multiplièrent dans les années qui suivirent la crise
économique de 1929. Les finances locales posaient un problème qui apparaissait de plus
en plus grave et nombre de commissions furent alors mises en place pour tenter de lui
donner une réponse.
On citera, entre autres, le projet Pietri (1931) préconisant de supprimer les centimes
additionnels, Auriol (1936), Bonnet (1937), Blum (1938), Marchandeau (1938), l’après-
Seconde Guerre mondiale étant également riche en propositions telles que celles avancées
par les commissions Barrand, Blum, Queuille, Pinay, etc. Ces propositions se rejoignaient
toutes autour de critiques de fond (inefficacité, archaïsme, inégalité, pression fiscale trop
lourde, etc.), mais aussi par un souci commun de ne pas complètement bouleverser le
système. Et d’ailleurs un tel vœu se retrouve dans le premier texte qui posera
concrètement les principes des modifications futures : l’ordonnance no 59-108 du 7
janvier 1959.
L’ordonnance du 7 janvier 1959 constitue la première grande étape d’une réforme
de la fiscalité locale. Non suivi d’application immédiate 90, ce texte est cependant très
important dans la mesure où il définit l’architecture d’ensemble d’une refonte qui sera mise
en œuvre par des textes ultérieurs.
Plusieurs hypothèses de travail étaient possibles. Plutôt que de maintenir en le rénovant
le système reposant sur les quatre vieilles contributions, on aurait pu opter pour sa
suppression totale et son remplacement par l’attribution aux collectivités locales d’une
fraction des impôts d’État à grand rendement (TVA, IR). Cette seconde hypothèse a été
rejetée pour un certain nombre de motifs se rattachant essentiellement à la question de
l’autonomie financière locale, mais surtout aux problèmes fiscaux qu’un tel choix aurait pu
poser.
Bien que l’ordonnance supprime les anciennes contributions foncières, mobilière, des
patentes, et les remplace par les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, la
taxe d’habitation et la taxe professionnelle 91, la solution qui a finalement prévalu a été, sur
le fond, de maintenir le système existant en le modernisant, et cela en droite ligne
des propositions qui avaient été faites depuis un quart de siècle. Il fut par conséquent
décidé d’une part d’actualiser et de simplifier les bases d’imposition, d’autre part de
supprimer le mécanisme de la répartition et de lui substituer celui de la quotité.
Moderniser les bases d’imposition supposait d’abord de les simplifier. À cet effet, il
fut décidé d’adopter une base unique, la valeur locative, pour les trois nouvelles taxes
(taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, taxe
d’habitation) qui devaient remplacer les anciennes contributions 92. La taxe professionnelle,
appelée à remplacer la patente, devait, quant à elle, être assise sur le « produit brut
annuel du fonds exploité » 93.
Il était également décidé d’actualiser les bases par une révision générale afin que les
valeurs locatives correspondent enfin à l’évolution économique. Par ailleurs, l’ordonnance
du 7 janvier 1959 posait également le principe de la transformation des impôts directs
locaux en impôts de quotité par la suppression du mécanisme des principaux fictifs et
l’attribution aux collectivités locales du droit de voter directement les taux
d’imposition à appliquer aux bases pour le calcul de l’impôt. La réforme restait cependant
prudente puisque cette liberté se trouvait insérée dans un cadre relativement étroit : un
taux unique devait être fixé pour chaque taxe, avec la possibilité de fixer un taux majoré
pour une ou plusieurs d’entre elles, sous réserve qu’il n’excède pas de plus de 20 % le taux
normal.
L’ordonnance du 7 janvier 1959 fut, avant tout, conçue comme un document
d’orientation visant à mettre en place la réforme selon un processus graduel. Il était
entendu que préalablement à tout changement il conviendrait d’opérer une révision
générale des bases d’imposition. Celle-ci fut différée pendant 10 ans et il fallut, par
ailleurs, attendre 1973 pour que soient prises les premières mesures concrètes de
transformation de la fiscalité directe locale.
Le recouvrement est effectué par la DGFiP dans les mêmes conditions que la TVA, elle est
par conséquent spontanément acquittée par le contribuable.
— Plafonnement de la contribution économique des entreprises
La CET fait l’objet d’un plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de l’entreprise. Le
taux de ce plafonnement est de 3 %. Le dégrèvement qui en résulte ne fait l’objet
d’aucune limite et doit être demandé par le contribuable.
— Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources
La loi de finances initiale pour 2010 a créé trois fonds nationaux de garantie individuelle,
soit un par niveau de collectivités : un fonds national de garantie pour les régions, un fonds
pour les départements et un fonds pour les communes. Ces fonds ont pour objet, à partir
de 2011, de garantir individuellement à chaque commune et EPCI à fiscalité propre,
département ou région un niveau de ressources égal à celui d’avant la réforme.
Chaque fonds est alimenté par un prélèvement annuel sur les surcroîts de recettes
fiscales, liés à la réforme, constatés dans chaque collectivité locale. Les surplus font l’objet
d’une allocation versée, au prorata de leurs pertes, aux collectivités dont les ressources
sont inférieures à leur niveau de 2010. À compter de 2014, les montants du prélèvement
ou du reversement correspondent aux montants perçus ou versés en 2013.
Contribution économique territoriale
3. La taxe d’habitation
Depuis le 1er janvier 2011, cet impôt est recouvré au profit des communes et de leurs
groupements à fiscalité propre 114. La loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 avait
déjà supprimé la part régionale et la loi de finances pour 2010 a transféré la part
départementale au « bloc communal ».
Tout occupant, propriétaire ou locataire, d’un local à usage d’habitation au 1er janvier de
l’année est redevable de la taxe d’habitation si ce local est meublé. On précisera que les
dépendances sont elles-mêmes taxables (terrains, garages) ainsi que les baraquements et
habitations légères.
Le calcul de l’impôt s’effectue par application à la valeur locative du taux d’imposition
voté par la collectivité.
De nombreux abattements, dégrèvements et exonérations sont prévus dans le but
d’accentuer la personnalisation de cet impôt.
• Les abattements
Les abattements visent à alléger la charge fiscale des familles. Selon l’article 1411 du
CGI, ils sont soit obligatoires, soit facultatifs, et ne sont accordés que dans le cas où le
logement est affecté à l’habitation principale.
Il existe un abattement obligatoire (CGI, art. 1411, II, 1o) applicable de plein droit sans
que le conseil de la collectivité puisse s’y opposer ; il est égal à 10 % de la valeur locative
moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à
charge, et à 15 % pour chacune des personnes à charge suivantes ; le conseil de la
collectivité a la faculté de majorer ces taux sans excéder 10 % (la valeur locative moyenne
s’obtient en divisant le total des valeurs locatives d’habitation de la commune par le
nombre de locaux correspondants).
Un abattement général facultatif (CGI, art. 1411, II, 2o) peut être institué par le conseil de
la collectivité ; celui-ci ne peut excéder 15 % de la valeur locative moyenne 115.
Un abattement spécial facultatif est également prévu en faveur des personnes de
condition modeste ; le montant des revenus de l’année précédente de ces contribuables ne
doit pas excéder, pour l’année 2013, 10 224 € pour la première part et 2 730 € pour
chaque demi-part supplémentaire ; par ailleurs, la valeur locative de l’habitation doit être
inférieure à 130 % de la valeur locative moyenne (ce pourcentage peut être augmenté de
10 % par personne à charge) ; le taux de l’abattement à la base ne peut excéder 15 % de
la valeur locative moyenne.
Un abattement spécial facultatif de 10 % de la valeur locative moyenne peut être
accordé au bénéfice des personnes handicapées ou invalides. En 2008, seulement 132
communes avaient adopté cette mesure.
• Les dégrèvements
Les dégrèvements sont soit totaux, soit partiels, et visent à alléger la charge des
personnes de condition modeste. Un dégrèvement total est accordé aux personnes
titulaires du revenu minimum d’insertion. Un dégrèvement partiel est accordé aux
personnes à faibles revenus (le revenu 2014, pour une imposition 2015, ne doit pas
excéder 25 005 euros, majoré de 5 842 euros pour la première demi-part, puis 4 598 euros
par demi-part supplémentaire) ; dans ce cas, le contribuable est dégrevé d’office de la
fraction de la cotisation de taxe d’habitation qui excède 3,44 % de son revenu diminué
d’un abattement dont le montant est fonction de ses charges de famille (par exemple pour
2015, en France métropolitaine, 5 424 euros pour la première part, 1 568 euros pour les
quatre premières demi-parts et 2 773 euros pour chaque demi-part supplémentaire à
compter de la cinquième).
• Les exonérations
Sont exonérés les établissements publics scientifiques, d’enseignement ou d’assistance,
les locaux affectés au logement des étudiants dans les résidences universitaires gérées par
un centre régional des œuvres universitaires et scolaires, les membres du corps
diplomatique, les indigents. Sont également exonérés les titulaires de l’allocation
supplémentaire de l’article L. 815-2 ou 3 du Code de la sécurité sociale, les personnes
invalides dans l’incapacité de travailler et les personnes de plus de 60 ans, ainsi que les
veufs et les veuves (quel que soit leur âge) lorsque leurs revenus n’excèdent pas un
certain plafond (par exemple, pour 2015 : 10 633 euros pour la première part et 2 839
euros pour chaque demi-part supplémentaire) ; les titulaires de l’allocation aux adultes
handicapés dont les revenus ne sont pas supérieurs à ce plafond bénéficient également de
cette mesure.
Les personnes passibles de l’impôt de solidarité sur la fortune sont exclues du bénéfice
des mesures d’exonérations ou d’allégement de la taxe d’habitation prévues pour les
contribuables aux revenus modestes.
N.B. : Avant la réforme de la LFI pour 2010, la taxe d’habitation était également prélevée au profit du département. Il
avait été décidé de la remplacer, à partir de 1992, en ce qui concernait l’habitation principale, par une taxe
départementale sur le revenu 116 assise sur le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour l’établissement
de l’impôt sur le revenu l’année précédant celle de l’imposition, diminué d’un abattement à la base et d’un abattement
pour charges de famille. Le choix avait ainsi été fait, pour le département du moins, de passer d’une taxation du
logement à une taxation du revenu 117. Cette mesure n’a pas été mise en vigueur, ayant été suspendue par la loi du 16
juillet 1992.
Par ailleurs, lorsqu’une commune a choisi de faire varier la CFE, la variation de taux ne
peut être supérieure à celle du taux de la taxe d’habitation.
Lorsque l’augmentation est plus faible que celle de la taxe d’habitation, elle ne peut
dépasser la variation en moyenne pondérée du taux moyen de la taxe d’habitation et des
taxes foncières.
* Le produit attendu est le produit nécessaire pour équilibrer le budget, déduction faite des allocations de compensation.
Le produit assuré, ou produit fiscal à taux constant, est égal au produit des bases de chaque taxe pour l’année par le taux
de l’année précédente.
Aussi, la variation de la CFE est étroitement dépendante de celle de la taxe d’habitation.
En outre, depuis la loi de finances initiale pour 1988 (loi du 30 décembre 1987), la
variation du taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut excéder celle du
taux de la taxe d’habitation.
On retiendra qu’un tel dispositif ne permet pas de diminuer la taxe
d’habitation sans qu’en même temps la cotisation foncière des entreprises et la
taxe foncière sur les propriétés non bâties ne suivent le même mouvement. En
revanche, une augmentation du taux de la taxe d’habitation n’entraîne pas les
mêmes conséquences. De surcroît, les mécanismes mis en place visent principalement à
éviter des augmentations trop sensibles de la CFE 118. Enfin, l’on observera que la variation
du taux de taxe d’habitation détermine celle de la CFE comme celle de la taxe foncière sur
les propriétés non bâties. Seule la taxe foncière sur les propriétés bâties peut varier de
manière indépendante ce qui revient à répartir la charge de l’impôt sur cette taxe en cas
de baisse des trois autres, si évidemment la collectivité désire augmenter ses ressources.
L’autonomie fiscale des collectivités locales résultant de la possibilité de voter les taux
d’imposition ne s’est donc pas trouvée spectaculairement accrue. La variation différenciée
n’a pas séduit un grand nombre de communes ; au contraire, il semblerait que depuis 1981
le nombre de celles ayant choisi ce dispositif ait décru (les villes plus que les communes
rurales ayant été sensibles à cette possibilité). En définitive, comme l’a souligné le Conseil
des Impôts dans son Xe rapport, « l’autonomie fiscale des collectivités locales est en réalité,
très en deçà de ce que l’on attendait de la liberté de vote des taux des quatre taxes... La
liberté de répartition de la charge fiscale entre les différentes catégories de contribuables
est largement illusoire ». On peut se demander par ailleurs si un tel dispositif, qui
se justifiait au moment où il fut mis en place, ne devrait pas être allégé, voire
même supprimé à terme ; les collectivités locales ont, en effet, adopté des
attitudes parfaitement responsables quant à leur gestion de l’impôt.
La France se distingue d’autres pays par une fiscalité locale très dépendante d’une
assiette immobilière. Les valeurs locatives constituent en effet l’assiette des taxes
foncières et de la taxe d’habitation ainsi que de la cotisation foncière des entreprises. On
soulignera également que cette assiette supporte toujours au moins deux impôts (taxe
foncière sur les propriétés bâties et taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés
bâties et cotisation foncière des entreprises s’il s’agit de locaux à usage industriel ou
commercial). Par ailleurs, les dernières révisions de ces bases remontant à plusieurs
dizaines d’années, elles sont de ce fait considérablement sous-évaluées à tel point qu’une
réforme de leur définition s’avère maintenant indispensable.
Les valeurs locatives ont fait l’objet d’une révision (loi du 30 juillet 1990) qui n’a
cependant jamais été appliquée et qui a finalement été abrogée par la loi de finances
rectificatives pour 2010 du 30 décembre 2010. Ces bases se trouvent, de ce fait, très
largement sous-évaluées en étant issues d’une précédente révision qui remonte à 1961,
pour les propriétés non bâties, et à 1970 pour les propriétés bâties. S’y ajoutent également
des distorsions d’évaluation entre communes qui ont engendré des inégalités
considérables entre contribuables. Pour atténuer les effets d’une telle situation, il est
procédé à des actualisations annuelles par application d’un coefficient national, ce qui ne
permet pas pour autant un rapprochement des valeurs locatives et du marché (par
exemple, on l’a dit, pour l’année 2015, ce coefficient est de 1,009 pour les propriétés
bâties et non bâties).
D’un autre côté, l’opération de révision ayant abouti à la loi du 30 juillet 1990 a nécessité
un travail d’ampleur ; l’évaluation des propriétés bâties a concerné 35 millions de locaux et
celle des propriétés non bâties 30 millions de parcelles. Une loi précisant l’incorporation
des nouvelles bases dans les rôles devait être votée à la fin de l’année 1992 et appliquée à
partir du 1er janvier 1993. Mais la mise en application a été repoussée du fait des
conclusions d’un rapport faisant apparaître, outre certaines hausses parfois discutables,
ainsi que des modifications dans la répartition entre collectivités, un ensemble de
conséquences sur les dotations de l’État dommageables pour certaines communes
défavorisées et avantageuses pour d’autres mieux nanties. En effet, compte tenu des
nouvelles bases, le potentiel fiscal des plus petites communes aurait progressé parfois de
10 % et leur effort fiscal aurait régressé, ce qui, par exemple, aurait eu pour conséquence
une diminution de la DGF pour les collectivités de moins de 15 000 habitants, et,
inversement, une augmentation pour les plus importantes. Les autres dotations auraient
également été affectées, et notamment un Fonds national de péréquation de la taxe
professionnelle 119 auquel 3 500 communes seraient devenues inéligibles, alors que 2 500
nouvelles en auraient bénéficié. Aussi, le Comité des finances locales avait-il demandé un
report de la réforme, le temps d’effectuer un nouvel examen des mécanismes mis en jeu et
de proposer les correctifs nécessaires.
La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février
1995 avait prévu, quant à elle, que les résultats de la révision générale des évaluations
cadastrales devaient être incorporés dans les rôles d’imposition, au plus tard, le 1er janvier
1997 ; il a été décidé ensuite que cette incorporation ne se ferait qu’à partir de 1998, puis
1999 et 2000, mais ces dates n’ont pas davantage été respectées. Au total, les bases
révisées datent déjà maintenant de plus de vingt ans, et ces atermoiements ne laissent
plus espérer leur utilisation.
Une révision des valeurs locatives des locaux à usage professionnel, à titre expérimental
dans un premier temps, a été décidée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour
2010 (article 34 de la loi du 29 décembre 2010). Cette expérimentation, menée depuis
février 2011, est limitée aux départements de l’Hérault, du Pas-de-Calais, du Bas-Rhin, de
la Haute-Vienne et de Paris a pour objectif de rapprocher les bases des valeurs du marché.
Les locaux ont été classés par catégorie et chacune de ces catégories s’est vue attribuer
un tarif au mètre carré qui a été déterminé, selon l’article 34 de la loi, à partir des loyers
constatés dans chaque secteur d’évaluation ou, à défaut, par comparaison avec ceux
appliqués pour des propriétés de la même catégorie dans des secteurs d’évaluation
présentant des niveaux de loyers similaires, dans le département ou dans un autre
département, ou bien encore, si cela n’était pas possible, il était appliqué un taux de 8 % à
la valeur vénale du bien.
Dans la plupart des cas, la valeur locative du local est égale au produit de sa surface
pondérée (il est pris en considération l’utilisation des différentes parties du local et par
conséquent une variation tarifaire) par le tarif de la catégorie ainsi que par un coefficient
de localisation (qui tient compte de la situation géographique du local). La direction
générale des Finances publiques a produit, en début d’année 2012, un rapport faisant le
bilan de cette expérimentation 121.
Par la suite, l’article 34 de la loi de 2010 a été modifié par l’article 37 de la loi no 2012-
958 du 16 août 2012. Selon ce texte, la valeur locative de chaque propriété bâtie est
déterminée en fonction de l’état du marché locatif et tient compte de la nature, de la
destination, de l’utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la
consistance de cette propriété. La valeur locative est obtenue par application d’un tarif par
mètre carré déterminé à partir des loyers constatés dans chaque secteur d’évaluation par
catégorie de propriétés. S’il n’est pas possible de dégager une valeur selon ce procédé, elle
est alors définie par voie d’appréciation directe en appliquant un taux de 8 % à la valeur
vénale.
Le dispositif devrait être mis en application en 2016. Par la suite, il sera pratiqué une
mise à jour permanente. On retiendra cependant que le rapport de la DGFiP souligne que «
compte tenu de l’importance des variations de valeurs locatives des locaux professionnels
constatées, il est indispensable d’expertiser les conditions dans lesquelles la réforme
pourrait entrer en vigueur sans pour autant générer soit une hausse trop forte et trop
rapide des impôts des entreprises, soit des effets d’aubaine ». On ajoutera qu’il convient
encore d’être attentif aux inégalités entre collectivités locales mais aussi entre
contribuables qui peuvent résulter d’un tel mode de calcul. Compte tenu de ce dernier, les
augmentations de VL pourraient engendrer de fortes inégalités entre les commerces de
centre-ville, les centres commerciaux et les hypermarchés situés en périphérie.
Prévue par l’article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 122, une révision des
valeurs locatives des locaux d’habitation reprenant une démarche très proche de celle de
la révision des locaux professionnels 123 est actuellement dans une phase expérimentale. Il
s’agit de rapprocher les VL des valeurs de marché, de substituer une grille tarifaire au
rattachement à un local de référence et au système des équivalences superficielles.
Cinq départements ont été désignés par un arrêté du 18 décembre 2014 pour
expérimenter sur 2015 cette révision des valeurs locatives. Il s’agit de la Charente-
Maritime, du Nord, de l’Orne, de Paris et du Val-de-Marne. La généralisation de la révision
devrait se faire de manière graduelle afin de corriger les éventuels effets négatifs pour les
contribuables comme pour les collectivités locales.
Les quatre taxes qui viennent d’être examinées ne constituent pas les seuls impôts
locaux. D’autres impôts directs existent, ainsi qu’une grande variété d’impôts indirects
prenant la forme de taxes dont certaines constituent des impôts additionnels aux impôts
d’État.
Hormis les « quatre vieilles », les collectivités territoriales ont la possibilité de percevoir
d’autres impôts directs.
1. La taxe d’enlèvement des ordures étrangères
Il s’agit d’une taxe facultative qui peut être instituée pour couvrir le coût du service
d’enlèvement des ordures ménagères (il peut lui être substitué une redevance ou un
prélèvement sur le budget général). Cette taxe est assise sur les bases de la taxe foncière
sur les propriétés bâties ; elle est due par les propriétaires ou usufruitiers.
2. La taxe de balayage
Les communes ont la possibilité d’instituer une taxe de balayage lorsqu’elles assurent le
balayage des voies publiques. Le tarif, révisé tous les cinq ans, est défini librement par le
conseil municipal dans les limites du coût du service ; il peut être différent selon la largeur
de la voie. La taxe est mise à la charge des propriétaires d’immeubles bâtis qui peuvent la
répercuter sur les locataires.
La redevance des mines est obligatoire et se substitue à la taxe professionnelle pour les
entreprises d’extraction de produits miniers. Elle a été créée en 1810 (loi du 21 avril 1810)
à un moment où l’exploitation des mines n’était pas considérée comme un commerce et
n’était donc pas imposable à la patente. Elle est perçue au profit des communes et des
départements. Elle est assise sur les quantités de minerai extrait. Les tarifs sont fixés
chaque année (par exemple pour le minerai d’uranium le tarif par quintal est de 257 euros
pour la commune et 51 euros pour le département ; il est, par kilogramme d’or, de 132
euros pour la commune, et de 26,30 euros pour le département).
Cette taxe obligatoire est forfaitaire ; elle est payée par les distributeurs (essentiellement
EDF). Perçue au profit des communes ou des établissements de coopération
intercommunale à fiscalité propre 125, elle ne concerne que les pylônes supportant des
lignes dont la tension est égale ou supérieure à 200 kW 126. Son montant est fixé par arrêté
et révisé chaque année en fonction de l’évolution nationale du produit de la taxe foncière
sur les propriétés bâties.
Une taxe sur les activités commerciales non salariées à durée saisonnière a été instituée
par la loi de finances initiale pour 2001. Cette taxe dont le produit revient aux communes
est soumise à une délibération du conseil municipal. Elle concerne les activités non
soumises à la TP. Elle est due par l’exploitant de l’emplacement ou du véhicule où s’exerce
l’activité. Cet impôt est assis sur la surface du local ou de l’emplacement ou sur le double
de la surface du véhicule. Elle est due par jour d’activité et son tarif doit être compris entre
0,76 euro et 9,15 euros par mètre carré.
L’IFER est un impôt créé par la loi de finances initiale pour 2010. Il a été perçu au profit
de l’État en 2010, il l’est au profit de collectivités locales depuis 2011. Sont assujetties les
grandes entreprises des réseaux d’énergie, de télécommunications et de transports.
Neuf catégories d’installation sont concernées : les éoliennes terrestres et les
hydroliennes, les installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique,
les installations productrices d’énergie électrique d’origine photovoltaïques ou
hydrauliques, les transformateurs électriques, les stations radioélectriques (antennes-
relais, radiodiffusion...), les installations d’acheminement et de stockage du gaz naturel, le
matériel roulant ferroviaire destiné au transport des voyageurs 127, le matériel roulant utilisé
sur les lignes de transport en commun en Île-de-France, les répartiteurs principaux de
téléphonie (réseaux téléphoniques).
Les modes d’imposition sont différents selon les catégories considérées. Par exemple, en
ce qui concerne les éoliennes, les installations concernées sont celles dont la puissance
électrique est supérieure ou égale à 100 kW et le tarif de l’imposition est de 7,27 euros par
kW ; le tarif est le même pour les centrales photovoltaïques produisant de l’électricité. Le
redevable est l’exploitant.
Le produit de l’IFER est réparti entre les collectivités territoriales de la manière suivante :
Les communes et leurs groupements à fiscalité propre reçoivent la totalité du produit de
l’IFER relative aux transformateurs électriques, aux installations de gaz naturel liquéfié et
aux stations de compression du réseau de transport de gaz naturel, les 2/3 de celle relative
aux stations radioélectrique, la moitié de celle relative aux installations de production
d’électricité d’origine nucléaire ou thermique, aux centrales de production d’énergie
électrique d’origine photovoltaïque ou hydraulique aux éoliennes et hydroéoliennes (20 à
70 %), de stockages souterrains de gaz naturel et de canalisations de transport de gaz
naturel et autres hydrocarbures.
Les départements reçoivent le tiers de l’IFER relative aux stations radioélectriques, la
moitié de celle relative aux installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou
thermique, aux éoliennes et hydroéoliennes, aux centrales de production d’énergie
électrique d’origine photovoltaïque ou hydraulique.
Les régions reçoivent la totalité de l’IFER concernant le matériel roulant ferroviaire
destiné au transport des voyageurs, ainsi que celle relative aux répartiteurs principaux.
N.B. : Le produit de l’IFER concernant le matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun en Île-de-France est
attribué en totalité à la Société du Grand Paris.
Outre les impôts directs locaux, les collectivités territoriales disposent d’un large éventail
d’autres prélèvements, obligatoires ou facultatifs. La plupart de ceux-ci, sauf quelques-uns
d’entre eux qui occupent une place importante dans le budget des départements, voire
parfois des communes et des régions, sont d’un rapport peu élevé. Néanmoins, à un
moment où les finances locales abordent une période difficile, les élus et gestionnaires
locaux sont conduits à leur porter une plus grande attention, car ils sont susceptibles sinon
de constituer toujours une recette suffisante pour financer l’essentiel des dépenses, du
moins de fournir un appoint venant abonder les autres sources de financement.
Il est vrai, toutefois, que la gestion de ces impôts n’est pas toujours aisée : tant en raison
de la diversité des bases que des modes de calcul qui se révèlent parfois compliqués voire
obscurs à l’extrême. On est en présence, indéniablement, d’un système composite et sans
réelle cohérence, qui ne permet pas – ou peu – une approche susceptible de donner lieu à
une politique d’ensemble. Cette configuration hétéroclite apparaît d’ailleurs
immédiatement à l’analyse, avec non seulement la multiplicité des taxes existantes mais
aussi la difficulté, souvent, de parvenir à les classer au sein des catégories fiscales
habituelles, voire, dans certains cas, de les distinguer des redevances tant les
qualifications apparaissent souvent peu précises.
Le résultat en est une fiscalité particulièrement opaque, d’une maîtrise et d’un contrôle
peu commodes pour les élus locaux. Ce manque de transparence, lié à un foisonnement de
textes au contenu parfois peu clair, est inhérent aussi à la diversité des codifications
actuelles – les dispositions figurant tantôt au Code général des impôts, tantôt à celui des
collectivités territoriales, tantôt au Code de l’urbanisme, des douanes ou de la sécurité
sociale – ainsi qu’à des mécanismes d’assiette et de recouvrement impliquant des
administrations ou organismes très divers (direction générale des Finances publiques,
direction générale des Douanes, EDF, communes...), ce qui rend notamment difficile la
connaissance exacte des produits prélevés par les uns et par les autres. À cet égard, et
comme l’a souligné, il y a plus de vingt-cinq ans, le Conseil des impôts 128, « aucune
administration ne dispose d’une vue d’ensemble de ces impositions et n’est donc
susceptible d’en orienter l’utilisation dans le financement des collectivités locales de
manière cohérente et globale : les modifications de la réglementation ou des tarifs sont
prises au coup par coup par chacune des administrations intéressées ; les mécanismes
d’indexation sont presque aussi nombreux que les administrations qui interviennent dans
ces impositions ».
Ainsi est-on confronté à une constellation fiscale dont la fiabilité des données s’avère très
incertaine et qui, envisagée du point de vue des gestionnaires comme des contribuables,
aurait à l’évidence à gagner d’une simplification et d’un toilettage des dispositions
existantes, notamment en vue d’une plus grande clarification et d’une meilleure
évaluation.
1. La fiscalité de l’aménagement
Dès la fin des années 1950, mais surtout depuis les années 1960, les grands projets
immobiliers qui ont vu le jour durant cette période ont conduit la puissance publique à
s’inquiéter de l’aménagement et de l’organisation de l’environnement urbain. La nécessité
de créer de nouveaux équipements publics s’étant immédiatement faite sentir, l’État
devait s’attacher à associer les constructeurs au financement de ceux-ci par des
participations ayant la nature de contributions fiscales. De même ont été institués des
prélèvements visant à limiter la densité de la construction, mais qui, en permettant
d’échapper aux règles posées en la matière, constituent finalement de véritables « achats
de dérogations » comme l’a souligné le Conseil des impôts 129. Et puis, les contributions
visant à favoriser la diversité de l’habitat ainsi que la lutte contre les nuisances engendrées
par la circulation automobile viennent compléter ce tableau des impôts locaux et taxes liés
au développement de l’urbanisme et aux politiques d’environnement et du cadre de vie.
Cette logique a été poursuivie par une importante réforme dans le cadre de la loi de
finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010. En effet, depuis le 1er mars 2012,
une partie des anciennes taxes d’urbanisme, comme par exemple la taxe locale
d’équipement, a été supprimée 130 et remplacée par deux nouvelles contributions, la taxe
d’aménagement et le versement pour sous-densité qui viennent s’ajouter aux taxes
urbaines déjà présentes.
• La taxe d’aménagement
La taxe d’aménagement est un impôt perçu au profit des communes, des départements
et de la région Île-de-France. Le prélèvement est de plein droit pour les communes
disposant d’un PLU ou d’un POS ainsi que pour les communautés urbaines ; il est soumis à
une délibération du conseil municipal dans les autres cas. L’institution de la taxe nécessite
une décision du conseil général pour les départements et du conseil régional pour la région
Île-de-France.
Le fait générateur de cet impôt est la construction, la reconstruction, l’agrandissement
des bâtiments et aménagements de toute nature nécessitant une autorisation
d’urbanisme. Sont assujettis les bénéficiaires de l’autorisation de construire ou
d’aménager.
Une valeur par mètre carré est utilisée pour le calcul de l’assiette, elle est, pour 2015, de
705 euros en province et 799 euros en région d’Île-de-France. Cette valeur, forfaitaire, est
appliquée à la surface du bien imposable. Selon la loi, la détermination de la surface à
prendre en compte se fait par addition des surfaces de plancher closes et couvertes, sous
une hauteur de plafond supérieure à 1,80 mètre, calculée à partir du nu intérieur des
façades du bâtiment 131, déduction faite des vides et des trémies.
Les résidences principales pour les 100 premiers mètres carrés, les constructions abritant
des activités économiques ainsi que les sociétés HLM bénéficient d’un abattement à la
base de 50 %.
Il existe des exonérations de plein droit qui concernent par exemple les constructions
destinées au service public ou d’utilité publique, les locaux d’habitation et d’hébergement
bénéficiant d’un prêt locatif aidé d’intégration, les aménagements prescrits par des plans
de prévention des risques, la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit depuis
moins de dix ans... Des exonérations partielles ou totales peuvent également être décidées
par les conseils des collectivités locales. Elles concernent les logements sociaux bénéficiant
du taux réduit de TVA ou encore les constructions industrielles, les commerces de détail
d’une surface inférieure à 400 mètres carrés en vue d’assurer le maintien du commerce de
proximité, les travaux autorisés sur les immeubles classés monuments historiques ou
inscrits à l’inventaire supplémentaire. Par ailleurs, les habitations de plus de 100 m2 132
utilisées comme résidence principale et financées à l’aide d’un prêt à taux zéro sont
susceptibles de faire l’objet d’une exonération pouvant aller jusqu’à 50 %.
La liquidation de l’impôt se fait par application du taux décidé par la collectivité locale
aux bases d’imposition. Les communes et leurs groupements ont la possibilité de fixer ce
taux dans une fourchette allant de 1 % à 5 %. Ces collectivités ont par ailleurs la possibilité
d’appliquer des taux différents sur leur espace territorial afin de tenir compte des
différences de coût de l’urbanisation dans les divers secteurs de cet espace. Plus encore, si
des travaux ou des équipements importants doivent être réalisés dans certains endroits, le
taux peut être porté jusqu’à 20 %. Un tel choix nécessite par conséquent que la
délibération soit suffisamment motivée.
Le taux de la taxe ne peut excéder 2,5 % pour les départements. Son produit doit servir à
financer les espaces naturels sensibles et les conseils d’architecture, d’urbanisme et de
l’environnement. Celui de la région Île-de-France est limité à 1 % et peut être différent
selon les départements ; le produit doit permettre en priorité de financer des
infrastructures de transport.
• Le versement pour sous-densité
Le versement pour sous densité constitue un outil d’intervention mis à la disposition des
communes et de leurs groupements. L’objectif est d’instituer un seuil minimal de densité
par secteur du territoire local afin d’éviter un étalement des constructions sur l’espace
urbain. Ce seuil, fixé pour une durée minimum de trois ans, ne peut être inférieur à la
moitié ou supérieur aux trois quarts de la densité maximale fixée par le plan local
d’urbanisme.
Le redevable de la taxe est le constructeur et le fait générateur intervient lorsque celui-ci
ne respecte pas le seuil fixé. Elle est égale au produit de la moitié de la valeur du terrain
par le rapport entre la surface manquante pour que la construction atteigne le seuil
minimal de densité et la surface de la construction résultant de l’application de seuil. Le
versement ne peut dépasser 25 % de la valeur déclarée du terrain.
Versement pour sous densité = (Valeur déclarée du terrain/2) x (Surface de la
construction selon application du seuil – surface construite/Surface de la construction selon
application du seuil).
• La taxe spéciale d’équipement de la Société du Grand Paris
La loi de finances rectificative pour 2010 a institué à compter de 2011 une taxe spéciale
d’équipement au profit de l’établissement public « Société du Grand Paris ». Cet impôt est
additionnel aux impôts directs locaux car il est mis à la charge des personnes physiques ou
morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe
d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises dans les communes de la région
d’Île-de-France.
• La taxe sur les bureaux en Île-de-France
Il existe en Île-de-France une taxe sur les locaux à usage de bureaux, de locaux
commerciaux et de locaux de stockage ainsi que les surfaces de stationnement de plus de
500 m2 annexées à ces locaux. Instituée en 1990, celle-ci est annuelle et concerne les
propriétaires de locaux à usage de bureaux d’une surface égale ou supérieure à 100 m2, de
locaux commerciaux de 2 500 m2 ou plus, de locaux de stockage de 5 000 m2 et plus, les
surfaces de stationnement annexées à ces locaux d’au moins 500 m2. Les communes sont
classées en trois zones 133 avec des taux différents qui sont applicables au nombre de m2 et
revalorisés chaque année en fonction de l’indice du coût de la construction.
Il est affecté 50 % du produit (plafonné à 183 millions d’euros) à la région Île-de-France,
le solde est attribué à l’Union d’économie sociale du logement, à la Société du Grand Paris
et à l’État.
Tarifs 2015
1re circonscription 2e circonscription 3e circonscription(1)
1o Les locaux à usages de bureaux(2)
Tarif Tarif réduit Tarif normal Tarif réduit Tarif normal Tarif réduit
normal
17,08 8,46 10,13 6,07 4,86 4,40
2 Les locaux commerciaux
o
La taxe sur les surfaces commerciales est transférée depuis le 1er janvier 2011 aux
communes et à leurs groupements à fiscalité propre.
Sont redevables de cet impôt les entreprises dont la surface de vente des magasins de
commerce de détail est supérieure à 400 m2 (le seuil ne s’applique pas aux chaînes de
distribution dont la surface de vente cumulée est supérieure à 4 000 m2) et le chiffre
d’affaires annuel au moins égal à 460 000 euros. Le tarif de l’impôt varie en fonction du
chiffre d’affaires par m2 ; l’impôt dû est calculé par application d’un barème appliqué au
nombre de mètres carrés (par exemple pour un magasin sans vente de carburants dont le
CA par m2 est supérieur à 12 000 euros le barème est de 34,12 euros par m2 ; il n’est que
de 5,74 euros si le CA est inférieur à 3 000 euros). Les collectivités locales peuvent
moduler le montant de la taxe, à la hausse ou à la baisse, par application d’un coefficient
compris entre 0,8 et 1,2 sans que la variation de ce coefficient ne puisse excéder 0,05
d’une année sur l’autre. L’État prélève 1,5 % de la taxe à son profit pour frais d’assiette et
de recouvrement.
Le produit de la taxe sur les conventions d’assurance a été transféré aux départements
par la loi de finances initiale pour 2005.
Cette taxe est additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Son taux
varie selon les nécessités financières des chambres.
Les entreprises artisanales sont redevables de cette taxe qui comprend un droit fixe ainsi
qu’un droit additionnel à la contribution foncière des entreprises.
Ces taxes sont additionnelles à la taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière
sur les propriétés non bâties, taxe d’habitation et la CFE. Elles sont perçues au profit
d’établissements publics fonciers pour le financement de travaux d’équipement dans des
zones bien délimitées comme par exemple la Normandie, la métropole lorraine 135, la
Guyane, la région PACA 136. Par ailleurs, la loi de finances rectificative pour 2010 du 29
décembre 2010 a, on l’a vu, institué une taxe spéciale d’équipement au profit de
l’établissement public « Société du Grand Paris ».
*
La multiplicité des impôts locaux rend très malaisée l’appréciation de leur portée réelle,
tant sur le financement des collectivités territoriales que sur la pression fiscale exercée sur
le contribuable. Nombre de ces impôts sont facultatifs, ou attribués à divers niveaux de
collectivités, ce qui ne facilite pas une analyse fine de cette fiscalité. On observera, par
ailleurs, que certaines de ces taxes sont souvent négligées ou ignorées alors qu’elles
peuvent utilement venir abonder les budgets locaux.
La fiscalité transférée en exécution
Évolution de la fiscalité transférée 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Évolution de la fiscalité transférée 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Fiscalité Droit départemental 7 7 7 5 7 8 7 6
transférée au d'enregistrement et 442 830 159 269 105 194 429 832
titre de l'acte I taxe de publicité
de la foncière
décentralisation (Départements-Hors
DMTO-RTP)
Cartes grises (régions- 1 1 1 1 1 2 2 2
décentralisation acte 812 857 967 917 917 080 117 042
I)
Fiscalité TICPE-RMI/RSA 4 4 4 5 5 5 5 5
transférée au (départements) 940 944 942 264 586 915 924 853
titre de l'acte II TICPE-Acte II hors RSA 1 3 5 6 6 6 6 6
de la (loi LRL de 2004 et 318 631 253 009 205 249 341 347
décentralisation compensation de la
suppression de la «
vignette »)
dont TICPE-régions 1 2 2 3 3 3 3 3
035 368 854 259 304 213 212 202
dont TICPE- 265 538 630 647 653 654
départements
dont TSCA- 282 1 2 2 2 2 2 2
départements (article 264 135 211 270 390 476 492
52)
Fiscalité TSCA-article 77 2 4 3
transférée au (départements- 953 301 184
titre de la réforme de la fiscalité
réforme de la directe locale)
fiscalité directe TASCOM (communes- 603 647 708
locale réforme de la fiscalité
directe locale)
Droit départemental 515 485 429
d'enregistrement et
taxe de publicité
foncière (DMTO-RTP)
Rebasage des taux de 2 2 2
frais de gestion (TH, 010 115 196
TFPB, TFNB)
Évolution de la fiscalité transférée 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Fiscalité TSCA-article 53 917 846 891 879 942 954 979 987
transférée à (départements-SDIS)
des titres divers Fiscalité transférée au
titre du pacte de
confiance et de
responsabilité pour les
départements
TSCA-article 11-II 10 10 10 10 10 10 10 10
(Marseille-BMP)
Évolution de la fiscalité transférée 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
TICPE-Mayotte 3 9
(départementalisation)
Fiscalité TICPE-prime
transférée au d'apprentissage
titre de la TICPE-réforme du
réforme de financement de
l'apprentissage l'apprentissage
et de la
formation frais de gestion
professionnelle affectés aux régions-
réforme de la
formation
professionnelle (pacte
de confiance et de
responsabilité)
TICPE-réforme de la
formation
professionnelle
Total Fiscalité transférée 16 19 20 19 21 27 28 26
438 119 222 347 764 472 235 401
Source : Jaune budgétaire pour 2015, p. 108.
Les FDPTP ont constitué, à leur création en 1975, un véritable espoir de mise en place
d’une péréquation horizontale efficace. Cet espoir fut cependant déçu, car les sommes
réparties sont toujours demeurées peu importantes. Et si la suppression de la taxe
professionnelle a conduit à leur disparition, il n’est pas inutile d’en rappeler le mode de
fonctionnement.
➢ Les FDPTP : un dispositif original
Ces fonds ont été créés, on l’a vu, en 1975 afin de péréquer ou redistribuer dans le cadre
départemental, ou le cas échéant interdépartemental, les ressources provenant de
l’écrêtement des bases communales (ainsi que celles de certains groupements à fiscalité
propre), de taxe professionnelle d’établissements de particulière importance (ports,
centrales hydrauliques, centrales nucléaires, industries chimiques, etc.). Ces
établissements, qualifiés « d’exceptionnels », sont ceux dont les bases de taxe
professionnelle par habitant dépassent deux fois la moyenne constatée au niveau national
154
. La fraction excédant cette moyenne était écrêtée et le montant de taxe professionnelle
correspondant versé à un fonds départemental.
Les ressources de ce fonds étaient redistribuées par les conseils généraux aux
communes dites « concernées » et à celles dites « défavorisées ».
Les communes « concernées » l’étaient, de droit, dans deux cas :
— lorsqu’elles accueillaient sur leur territoire au moins dix salariés travaillant dans
l’établissement et représentant au moins avec leur famille 1 % de la population de la
commune ;
— lorsqu’un barrage ou une retenue nécessaire au fonctionnement d’un établissement
producteur d’énergie traitant des combustibles nucléaires était implanté sur la commune
155
.
Les communes pouvaient également être « concernées », à titre facultatif, lorsqu’elles
subissaient un préjudice ou une charge du fait de la présence, dans une commune voisine,
d’un établissement exceptionnel. La détermination du préjudice appartenant alors au
conseil général, généralement, celui-ci retenait l’implantation d’un établissement
exceptionnel 156, la dégradation de la voirie, la présence de salariés quel qu’en soit le
nombre.
Les communes « défavorisées » étaient celles dotées d’un faible potentiel fiscal.
Le conseil général fixait lui-même les critères de répartition (faible capacité
d’investissement, nombre d’habitants, comparaison du potentiel fiscal de la commune
avec le potentiel fiscal moyen du département).
Le Conseil des impôts 157 avait fait observer que l’imprécision de la loi dans ce domaine se
conjuguait souvent avec une absence de clarté dans la définition des critères de répartition
utilisés par les départements 158.
➢ La disparition des FDPTP et la dotation de compensation des reversements aux
communes défavorisées (DCRCD)
Le dispositif a été conservé en l’état pour 2010 et la loi de finances initiale pour 2011 a
institué l’attribution d’une dotation budgétaire pour chacun des fonds, à répartir par les
conseils généraux entre les communes et groupements bénéficiaires égale aux versements
effectués en 2009 par les FDPTP. Les versements concernant la DCRCD sont effectués au
profit des collectivités défavorisées et depuis 2012, la dotation est égale à celle versée à
ce titre en 2011. Cette même loi a également prévu que les FDPTP sont maintenus jusqu’à
leur apurement intégral.
— Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales
La loi de finances pour 2011 a institué à compter de 2012 un Fonds national de
péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Ce fonds, alimenté
par des prélèvements sur les recettes des communes et des EPCI, a disposé de 360
millions d’euros en 2013 et 570 millions d’euros en 2014 ; il atteint 780 millions d’euros en
2015 puis 2 % des ressources fiscales communales et intercommunales chaque année à
partir de 2016 (ce qui représente plus de 1 milliard d’euros).
Selon l’article L. 2336-3 du CGCT, sont contributeurs les ensembles intercommunaux
dont le potentiel financier agrégé par habitant est supérieur à 90 % du potentiel financier
agrégé moyen par habitant. Par ailleurs, le prélèvement est réparti entre les ensembles
intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre en
fonction d’un indice synthétique de ressources et de charges. Il s’agit du potentiel financier
agrégé par habitant des communes et des EPCI et du revenu par habitant (le critère R/h a
été institué par la LFI pour 2013, seul le potentiel financier avait été retenu dans le cadre
de la LFI pour 2012). Ce prélèvement est plafonné à 13 % des ressources retenues pour le
calcul du potentiel fiscal. Enfin, le prélèvement de chaque ensemble intercommunal est
réparti entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses
communes membres en fonction du coefficient d’intégration fiscale, puis entre les
communes membres en fonction du potentiel financier par habitant de ces communes.
Les sommes sont attribuées sur la base d’un indice synthétique comprenant le potentiel
financier agrégé par habitant (pour 20 %), le revenu par habitant (pour 60 %) et l’effort
fiscal (pour 20 %). Il faut souligner que l’attribution par le fonds n’est possible que si l’effort
fiscal est supérieur à 0,9 en 2015 (1 en 2016) selon l’article L. 2336-2 du CGCT (l’effort
fiscal est calculé en faisant le rapport entre la somme des produits des impôts locaux,
taxes et redevances pesant sur les ménages perçus par les communes de l’ensemble
intercommunal et les établissements publics de coopération intercommunale sur le
territoire de ces communes et la part du potentiel fiscal agrégé majorée du produit de la
taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties).
Ensuite, l’attribution revenant à chaque ensemble intercommunal est répartie entre
l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes
membres en fonction du coefficient d’intégration fiscale puis entre les communes membres
en fonction du potentiel financier par habitant de ces communes par conséquent selon les
mêmes critères que le prélèvement.
— Le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France (FSRIF)
Un fonds de solidarité entre communes de la région Île-de-France a été institué par la loi
du 13 mai 1991 (modifiée par les lois des 26 mars 1996, 1er juillet 1999, 30 décembre 2004
ainsi que par les LFI pour 2010, 2012 et 2013). Ce fonds, qui vise à diminuer les inégalités
entre communes en région parisienne, est financé par un prélèvement sur les ressources
fiscales des communes et des EPCI les plus favorisés. Selon la loi de finances initiale pour
2010, depuis 2011 les modalités de fonctionnement du fonds de solidarité de la région Île-
de-France ont été refondues pour prendre en compte, d’une part, l’impact de la
modification de la notion de potentiel financier sur les versements au fonds, d’autre part,
l’impact de la suppression de la taxe professionnelle sur les versements au fonds. Les
ressources et les versements font l’objet d’un objectif annuel d’un montant au moins égal à
ceux redistribués en 2010 (230 millions d’euros en 2013, 250 en 2014 et 270 en 2015).
— Le Fonds départemental et le Fonds régional de péréquation de la CVAE
Le Fonds départemental et le Fonds régional de péréquation de la CVAE ont été créés par
la LFI pour 2010 pour une mise en route à compter de 2011.
Le Fonds départemental est destiné à financer les départements les plus démunis
(potentiel financier inférieur à la moyenne) et dont les charges sont particulièrement
lourdes (population, bénéficiaires des minima sociaux, longueur de la voirie). Sont
contributeurs les départements dont le revenu par habitant est supérieur au revenu moyen
par habitant de l’ensemble des départements.
Le fonds est alimenté par deux types de prélèvements :
— Un prélèvement fixé à 60 millions d’euros plafonné à 2 % du produit de la CVAE des
entreprises perçu l’année précédant la répartition. Selon l’article L. 3335-1 du CGCT, il est
réparti entre les départements contributeurs « en fonction de l’écart relatif entre le
montant par habitant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par le
département l’année précédant la répartition, d’une part, et 90 % du montant par habitant
de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu par l’ensemble des départements,
d’autre part, multiplié par la population du département ».
— Un prélèvement calculé en fonction du « rapport entre le produit total de cotisation sur
la valeur ajoutée des entreprises perçu par l’ensemble des départements l’année
précédant la répartition et celui perçu par l’ensemble des départements au cours de la
pénultième année ». Sont contributeurs pour 2015 les départements qui enregistrent une
progression de leur CVAE entre 2013 et 2014.
Le Fonds régional a le même mode de fonctionnement que le fonds départemental. Il est
destiné à financer les régions dont les charges sont particulièrement lourdes (population,
nombre de lycéens, nombre de stagiaires de la formation professionnelle, superficie).
— Le Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les
départements
Ce fonds, mis en place à partir de 2011, a pour but de venir en aide aux départements
dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne. Il est alimenté par deux
prélèvements. Selon l’article L. 3335-2 du CGCT, « sont contributeurs au premier
prélèvement les départements dont le montant par habitant des droits perçus l’année
précédente est supérieur à 0,75 fois le montant moyen par habitant des droits perçus par
l’ensemble des départements cette même année. La fraction du montant par habitant
excédant 0,75 fois le montant moyen par habitant de l’ensemble des départements fait
l’objet d’un prélèvement en fonction de taux progressifs. Le prélèvement est ainsi calculé :
— tous les départements contributeurs sont prélevés d’un montant égal à 10 % de la
fraction du montant par habitant des droits du département supérieure à 0,75 fois et
inférieure ou égale à une fois le montant par habitant de l’ensemble des départements,
multiplié par la population du département ;
— pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur à une fois
le montant par habitant de l’ensemble des départements, un prélèvement additionnel égal
à 12 % de la fraction du montant par habitant des droits du département supérieure à une
fois et inférieure ou égale à deux fois le montant par habitant de l’ensemble des
départements, multiplié par la population du département est réalisé ;
— pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur à deux
fois le montant par habitant des droits de l’ensemble des départements, un second
prélèvement additionnel égal à 15 % de la différence entre le montant par habitant des
droits du département et deux fois le montant par habitant de l’ensemble des
départements, multiplié par la population du département est réalisé ».
Un second prélèvement est effectué sur les flux. Il est calculé chaque année en partant
de la différence entre le montant des droits perçus en n-1 et la moyenne des sommes de
ces mêmes droits perçus au titre des deux années précédentes (n-2 et n-3). Le
prélèvement est effectué si la différence est supérieure à cette moyenne multipliée par
deux fois le taux d’inflation prévisionnel de l’année précédente et si la somme des DMTO
par habitant est supérieure à 0,75 fois la moyenne nationale du montant par habitant de
ces mêmes droits perçus par l’ensemble des départements cette même année. Ce second
prélèvement est égal à la moitié de l’excédent.
Le montant prélevé au titre de chacun des deux prélèvements ne peut excéder, pour un
département contributeur, 5 % des droits perçus au titre de l’année précédente.
Les départements bénéficiaires du fonds sont ceux dont le potentiel financier par
habitant est inférieur à la moyenne des potentiels financiers par habitant de l’ensemble
des départements. La répartition se fait pour un tiers au prorata du rapport entre le
potentiel financier par habitant de l’ensemble des départements et le potentiel financier
par habitant du département ; pour un autre tiers au prorata du rapport entre le potentiel
financier par habitant de l’ensemble des départements et le potentiel financier par
habitant du département, multiplié par la population du département ; enfin pour un tiers
au prorata du rapport entre le montant par habitant des droits de mutation à titre onéreux
perçus par l’ensemble des départements et le montant par habitant de ces mêmes droits
perçu par le département.
— Le Fonds de solidarité en faveur des départements
Un fonds de solidarité en faveur des départements a été créé en 2014 afin d’aider ceux
qui sont le plus en difficulté. Ce fonds a été reconduit en 2015. Il est alimenté par un
prélèvement égal à 0,35 % du montant de l’assiette de la taxe de publicité foncière et des
droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements (avec un plafond de 12 %
du produit de ces droits), l’année précédant celle de la répartition.
— Les fonds nationaux de garantie individuelle des ressources
La loi de finances initiale pour 2010 a créé trois fonds nationaux de garantie individuelle,
soit un par niveau de collectivités : un fonds national de garantie pour les régions, un fonds
pour les départements et un fonds pour les communes. Ces fonds ont pour objet depuis
2011 de garantir individuellement à chaque commune et EPCI à fiscalité propre,
département ou région un niveau de ressources égal à celui d’avant la réforme.
Chaque fonds est alimenté par un prélèvement annuel sur les surcroîts de recettes
fiscales, liés à la réforme, constatés dans chaque collectivité locale. Les surplus font l’objet
d’une allocation versée, au prorata de leurs pertes, aux collectivités dont les ressources
sont inférieures à leur niveau de 2010. À compter de 2014, les montants du prélèvement
ou du reversement correspondent aux montants perçus ou versés en 2013.
• Les nouveaux enjeux de la péréquation
Il faut bien le constater : nombre de concepts des finances publiques sont
aujourd’hui plus ou moins brouillés, plus ou moins flous, en raison des
transformations qui se sont produites dans ce champ depuis environ trente ans.
Ainsi, des termes qui allaient de soi ne veulent plus dire la même chose pour tous. C’est le
cas notamment de la notion de péréquation financière locale, qui ne fait pas l’objet d’une
définition unanime, alors même qu’elle tient une place essentielle dans les débats relatifs à
la libre administration des collectivités territoriales et qu’elle figure désormais dans la
Constitution depuis la révision constitutionnelle de mars 2003.
L’objectif le plus couramment affiché de toute forme de péréquation financière au niveau
local est, on le sait, de favoriser une harmonisation de l’espace, une redistribution des
richesses et par là même une réduction des inégalités. Il s’agit de rapprocher les situations
en termes de capacité de dépenser, en tenant compte des différences de ressources mais
également de charges, et de faire concorder le niveau de services rendus avec l’effort
fiscal demandé aux contribuables.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’au-delà de la réduction des inégalités entre collectivités
locales, c’est bien la satisfaction des besoins des citoyens qui est recherchée, de même
que pour les collectivités les plus défavorisées, il s’agit de compenser les différences de
niveau de revenus, d’offre d’emplois ou de logement, et plus récemment de lutter contre
les nuisances (« incivilités », actes de violence...) qui affectent plus particulièrement les
zones urbaines.
Par ailleurs, la péréquation des ressources fiscales constitue d’une certaine manière un
contrepoids à la compétition entre collectivités. Autrement dit, il s’agit de satisfaire à un
impératif de rééquilibrage, ou encore d’équité entre collectivités territoriales dont la raison
fondamentale d’exister est le mieux-être des citoyens, ainsi que l’organisation d’une
certaine solidarité entre eux.
C’est bien cette conception que le législateur semble avoir consacrée à travers la
révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Désormais, en effet, selon l’alinéa 5 de l’article
72-2 de la Constitution, « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à
favoriser l’égalité entre les collectivités ».
La nécessité d’un tel dispositif se justifie pleinement en raison des nouvelles
compétences transférées aux collectivités locales, mais aussi parce que se trouve affirmée
par le même texte l’autonomie financière de ces collectivités. Il est patent, en effet, que
l’accentuation de l’autonomie financière locale ne peut que provoquer la
compétition, une accentuation des différences, des inégalités de situations des
unes par rapport aux autres.
Cependant, et à notre sens, la définition donnée par la loi nécessite, dès à présent, un
travail d’interprétation. Car, on peut se demander si la notion de péréquation telle qu’elle
est généralement comprise, et à laquelle on se trouve implicitement renvoyé par le texte
constitutionnel – c’est-à-dire une compensation non pas absolue mais quasi arithmétique
des inégalités – est encore pertinente. En effet, elle a trop souvent conduit jusqu’ici à la
construction de véritables « usines à gaz » qui, on le sait, se sont révélées très
insatisfaisantes, voire inaptes à atteindre les buts qui leur étaient fixés, et qui ont eu pour
conséquence de compliquer toujours plus une sorte de « machinerie » dont les effets
finissent par ne plus être maîtrisables.
Il est, certes, indispensable de prendre en compte les inégalités qui existent entre
territoires, comme il est légitime de vouloir égaliser les situations. Toutefois, s’en tenir là
est insuffisant, car c’est se borner à penser la péréquation à travers une conception
strictement comptable des finances publiques, celle qui lui a été attribuée dès le XVe
siècle (du latin juridique perœquatio, du verbe paraœquarer, c’est-à-dire « égaliser »).
Bien entendu, on ne veut pas dire que cette conception est totalement erronée, mais elle
n’est pas non plus absolument exacte car elle ne tient pas compte de la nécessité de situer
les questions financières dans la dynamique qui est la leur aujourd’hui. Elle correspond, à
vrai dire, à une conception statique de la société, et ignore que la péréquation est un
facteur de régulation, d’harmonisation du système local ainsi qu’un outil qui
permet la réorientation des circuits de financement et la restructuration du
réseau financier local. Elle laisse également de côté le fait que la péréquation devrait
s’inscrire dans une logique de responsabilisation inhérente à tout processus de
décentralisation, et tout particulièrement à l’acte II au sein duquel l’autonomie financière
tient une place centrale.
Or une conception contemporaine de la péréquation financière ne peut se
construire en dehors de l’évolution générale de la gestion financière publique,
dont l’un des principes essentiels est celui de responsabilité 159. La péréquation
entendue strictement comme le moyen de compenser des inégalités ne favorise en rien la
responsabilisation des acteurs qui en bénéficient. Elle est plutôt source de dépendance et
donc en contradiction avec le principe d’une autonomie de gestion, voire même de
décision, qui est reconnu par ailleurs. Elle ne s’inscrit pas davantage dans la culture
financière qui se développe aujourd’hui dans la plupart des pays du monde et
qui irrigue l’État en France depuis 2006 avec l’application de la loi organique du
1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ; une culture qui se caractérise
là encore par la substitution d’une logique de résultats à l’ancienne logique de
moyens.
En d’autres termes, et à notre sens, le couple autonomie/péréquation tel qu’il
figure dans le texte n’apparaît pas en cohérence avec son nouvel
environnement, dans la mesure où la notion de péréquation ne semble pas avoir été
repensée dans le contexte financier auquel répond parfaitement le premier terme,
l’autonomie, mais seulement en partie le second, la péréquation.
Il convient de considérer pour le moins que la péréquation doit permettre aux
collectivités les plus défavorisées, non pas de s’installer dans l’assistanat, mais
d’avoir la capacité à terme d’offrir par leurs propres moyens des services à leurs
administrés et d’agir par elles-mêmes sur les origines des inégalités. Or les
dispositifs existants, horizontaux (redistribution par des collectivités de même niveau) ou
verticaux (redistribution par l’État), ne sont pas conçus en fonction de cet objectif. Qu’il
s’agisse également de péréquation extensive (dotation allouée à toutes les collectivités
d’une même strate) ou intensive (dotation versée en fonction de critères de ressources ou
de charges), le résultat est le même : les procédures mises en œuvre agissent sur les
symptômes sans prendre en considération les causes et surtout sans faire en sorte que les
collectivités concernées soient en situation de se prendre en charge. On observera encore
que la bonne régulation du système local nécessite une harmonisation des
situations, qui ne peut se produire sans un développement économique
susceptible de générer de nouvelles sources de richesses. Si l’institution de
péréquations financières est certes indispensable, elle ne peut se concevoir qu’associée à
des mesures favorisant le développement économique, et par conséquent
l’investissement, sous peine de voir s’instaurer une sorte de nivellement par le bas, qui
trouverait vite ses limites en devenant insupportable pour les financeurs, c’est-à-dire, d’un
côté, les collectivités territoriales les plus riches et, de l’autre, l’État.
Il est bien admis aujourd’hui qu’il est crucial que l’État maîtrise ses dépenses ; à notre
sens, le même état d’esprit doit présider à toute réflexion impliquant les finances locales.
En effet, même si d’une manière globale leur situation apparaît satisfaisante, l’incertitude
qui préside au fonctionnement de nos sociétés ne peut en aucun cas laisser présumer qu’il
en sera toujours ainsi. Par ailleurs, et dans la mesure où la gestion des finances locales
n’est pas indépendante de celle de l’État, c’est nécessairement dans un contexte de
rationalisation et de réforme des finances publiques qu’il convient de repenser
la péréquation financière. Autrement dit, c’est à travers un point de vue
gestionnaire, celui de la nouvelle gestion publique, qu’elle doit être refondée.
Non seulement, son coût doit demeurer constant, sans que les collectivités locales ne
voient leur situation se dégrader, mais le cadre dans lequel il convient de l’inscrire doit être
empreint d’une logique d’évaluation des résultats et non plus d’une « logique de guichet ».
On veut dire qu’il est indispensable d’intégrer la question de la péréquation dans le
nouveau processus de décentralisation qui participe quant à lui d’une réforme financière de
l’État. Il est tout aussi indispensable également de placer un principe de responsabilité
et d’évaluation de l’action au centre de toute réflexion. C’est à travers la question
de la responsabilisation du système politique et administratif que se pose, en effet, celle de
la péréquation.
En définitive, c’est au regard de la question de la bonne gouvernance d’un
système financier public local et national complexe que doit être pensée la
péréquation. C’est dans un cadre financier public général en pleine évolution qu’il
convient de la situer. Mais le problème de fond n’est pas directement financier, il est
principalement dans la capacité à organiser et assumer la régulation d’un système
local/national complexe à multiples acteurs et d’éviter un développement incontrôlé de
celui-ci.
C’est pourquoi, du point de vue du pilotage des finances publiques, il apparaît
indispensable, comme on l’a déjà souligné, d’instituer des organes paritaires
État/collectivités locales ayant pour fonction de réguler, dans le temps et dans l’espace, et
par la concertation, d’une part les évolutions des ressources et des dépenses publiques,
d’autre part les péréquations à instituer et ce aux différents niveaux de collectivités
(régions, départements, groupements). Ces structures devraient non seulement avoir pour
tâche de coordonner, d’harmoniser, par la négociation et de manière pluriannuelle, les
décisions financières envisagées par les uns et par les autres, mais aussi de juger des
performances, c’est-à-dire d’évaluer la bonne ou la mauvaise réalisation des projets
financés en vue d’assurer à telle ou telle collectivité défavorisée une plus grande capacité
à se développer.
Toutes taxes 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Communes et
Syndicats 3 524 3 184 3 320 3 468 3 523 3 863 4 013 3 793 3 469 3 457 3 396
Intercommunalité 2 828 2 696 3 146 3 532 3 820 4 705 5 384 4 558 3 165 3 276 3 201
Départements 2 910 2 700 3 080 3 470 3 683 4 451 5 069 4 493 2 292 2 344 2 216
Toutes taxes 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Régions 619 546 744 873 945 1 210 1 343 1 140 1 148 1 169 1 085
Autres 793 720 821 912 996 1 481 1 635 1 424 312 218 212
10 9 11 12 12 15 17 15 10 10 10
Total 674 846 111 255 967 710 445 408 386 463 110
Source : DGFiP, Jaunes budgétaires pour 2015, p. 60.
L’État supporte également les non-recouvrements 174 (environ 1 % des impôts locaux) qui
viennent s’ajouter aux dégrèvements ordinaires et législatifs. Il procède toutefois à un
prélèvement sur impôts locaux au titre de la couverture des dégrèvements et des non-
valeurs. Le taux du prélèvement est de 2 % en ce qui concerne la taxe d’habitation et les
deux taxes foncières, la contribution foncière des entreprises et l’imposition forfaitaire sur
les entreprises de réseaux. Un prélèvement supplémentaire de 1,5 % sur le montant de la
taxe d’habitation afférente aux locaux meublés non affectés à l’habitation principale a été
également été institué par la LFI pour 2010.
Il convient de souligner que la suppression de la taxe professionnelle par la loi de
finances pour 2010 devrait avoir pour effet, à partir de l’année 2011, de réduire
progressivement le montant des compensations pour dégrèvements et exonérations et
vraisemblablement d’accélérer l’évolution vers la substitution aux impôts locaux de
dotations et transferts de produits d’impôts d’État ou bien encore de dotations de
péréquation comme par exemple les fonds nationaux de garantie individuelle des
ressources.
Dégrèvements accordés par l’État aux redevables des taxes « ménages » au titre
des allégements institués par voie législative
en millions d'euros
Dégrèvements 2009 2010 2011 2012 2013
Ensemble 3 820 3 928 4 265 4 266 4 370
Taxe d’habitation 3 148 3 237 3 387 3 377 3 495
Cotisations inférieures à 12 euros 3 3 3 2 2
Dégrèvements en fonction du revenu 2 582 2 723 2 868 2 844 2 941
Contribuables de condition modeste 116 50 32 34 40
Taxe d’habitation sur les logements vacants 5 6 7 7 19
Autres dégrèvements 443 455 477 490 492
Taxes foncières 672 691 878 889 876
Cotisations inférieures à 12 euros 12 12 12 12 12
Pertes de récoltes 11 8 102 13 17
Jeunes agriculteurs 12 12 11 11 10
Contribuables âgés et de condition modeste 43 42 39 37 34
Autres dégrèvements 595 618 714 815 802
Sources : DGFiP, Rapport de l’Observatoire des finances locales 2014, p. 162.
*
L’ensemble de ces compensations représentait plus du quart du produit des quatre
grands impôts directs locaux et 20 % de l’ensemble des recettes fiscales des collectivités
locales en 2006 ; les proportions sont aujourd’hui de l’ordre de 20 % dans le premier cas et
de 15 % dans le second (contre 11,41 % en 1981). Leur importante augmentation et,
comme on l’a dit, leur transformation en dotations, pose le problème de l’autonomie des
collectivités locales. La suppression régulière des dégrèvements fiscaux au profit des
exonérations compensées par une dotation de l’État indexée va aussi dans le même sens.
À terme, cette direction risque d’autant plus de réduire le pouvoir financier des collectivités
locales que celles-ci ont une marge de manœuvre limitée en matière fiscale. Il faut
certainement voir dans ce processus une tendance lourde liée pour partie à la nécessité
pour l’État de maîtriser ses finances afin notamment d’être en mesure de respecter les
critères de convergence fixés dans le cadre de l’instauration de la monnaie unique
européenne (limitation du déficit et de l’endettement) et, plus crucialement encore,
d’éponger la dette publique qui a pris des proportions devenues insupportables.
Ainsi, la fiscalité locale pourrait être de plus en plus déterminée par l’État aussi bien en
fonction de ses préoccupations externes, liées à son inscription dans le cadre européen
ainsi qu’aux crises économiques et financières, qu’en fonction de ses préoccupations
internes, en particulier son souci d’un développement harmonieux du territoire mais plus
encore de faire en sorte de rendre soutenables les finances publiques. Peut-on, par
exemple, accepter sans risque de dysfonctionnements que soient menées près de trente-
huit mille politiques dans un domaine aussi sensible que celui de l’impôt ?
Au total, il s’agit là d’une question qui relève de l’équilibre des rapports entre l’État et les
collectivités territoriales et plus encore de l’intégration et de la mise en cohérence des
actions locales et nationales ; c’est pourquoi ce n’est pas tant le volume des
compensations qui est en jeu, mais bien leur transformation. L’institutionnalisation des
dotations de compensation s’inscrit, en effet et à première vue, plus dans la mise en place
de rapports d’autorité que de partenariat. Mais, d’un autre côté, il paraît difficile qu’il en
soit autrement tant que ne sera pas résolue la question de l’intégration des politiques
fiscales nationales et locales sur la base d’un principe laissant une réelle marge de
manœuvre aux collectivités territoriales, sans toutefois que celle-ci ne puisse constituer, à
un moment ou à un autre, pour l’État un risque de dérapage financier. On est conduit à
revenir là à une interrogation fondamentale, celle de l’unicité ou de la multiplicité des lieux
de régulation et des incertitudes financières ou institutionnelles que cette dernière est
toujours susceptible d’engendrer, sauf à mettre en place des institutions paritaires (État-
collectivités locales) ayant pour fonction de mettre en cohérence les décisions fiscales des
uns et des autres.
Contributions de l’État au titre des taxes « ménages »
en millions d’euros
2009 2010 2011 2012 2013
Compensations (A)
Taxe d'habitation 1 233 1 319 1 237 1 281 1 259
Taxe sur le foncier bâti 350 339 380 347 312
Taxe sur le foncier non bâti 404 382 192 191 190
Total 1 986 2 041 1 809 1 820 1 761
2009 2010 2011 2012 2013
Évolution - 4,3 % 2,8 % - 11,3 % 0,6 % - 3,2 %
Dégrèvements ordonnancés (B)
Taxe d’habitation 3 148 3 237 3 387 3 377 3 495
Taxes foncières 672 691 878 889 876
Total 3 820 3 928 4 265 4 266 4 370
Évolution 1,1 % 2,8 % 8,6 % 0,0 % 2,4 %
Contributions de l’état aux taxes « ménages » (A
+ B)
Taxe d’habitation 4 380 4 556 4 624 4 658 4 753
Taxes foncières 1 426 1 413 1 450 1 427 1 378
Total 5 806 5 969 6 074 6 085 6 131
Évolution - 0,8 % 2,8 % 1,8 % 0,2 % 0,8 %
Pourcentage des recettes* au titre des taxes « ménages » prises en
charge par l’État
Taxe d'habitation 24,7 % 24,4 % 23,2 % 22,4 % 22,1 %
Taxes foncières 5,9 % 5,6 % 5,2 % 4,9 % 4,6 %
Total 13,9 % 13,6 % 12,8 % 12,2 % 11,9 %
* Recettes : produits perçus des taxes « ménages » + compensations.
Sources : Rapport de l’observatoire des finances locales 2014, p. 163.
Ce sont les services fiscaux de l’État qui gèrent l’impôt local. La direction générale des
Finances publiques assure à cet effet des missions d’assiette, de recouvrement et de
contrôle des impôts 178. Cette administration financière a également pour fonction
d’informer les collectivités locales (bases d’imposition, situation de la trésorerie...). On
soulignera que la DGFiP assure un rôle essentiel sur le plan de l’information fiscale et
foncière des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne le recensement des
terrains et immeubles. Sont à cet égard particulièrement précieux les fichiers des
propriétés réalisés et gérés par les services spécialisés de la DGFiP, avec une mise à jour
annuelle à partir des diverses déclarations reçues (transmissions de propriétés par cession
ou héritage...) ou des renseignements recueillis. Par ailleurs, la DGFiP adresse au ministère
des Finances et au ministère de l’Intérieur (direction générale des Collectivités locales)
l’ensemble des éléments nécessaires au calcul des subventions allouées.
Il est à observer que l’élargissement des compétences des collectivités territoriales n’est
pas allé jusqu’à leur confier la charge ou la responsabilité de la gestion de l’assiette et du
recouvrement de l’impôt. La dévolution de ces fonctions se heurterait au fait que, en l’état
actuel, les communes, les départements et les régions ne sont pas en mesure de les
assumer, tant sur le plan de l’organisation administrative nécessaire que sur celui des
ressources qu’il faudrait y consacrer.
Au total, les collectivités locales sont non seulement assurées de percevoir le produit
fiscal qu’elles ont voté quel que soit le produit recouvré, comme on l’a vu précédemment,
mais elles sont également libérées des tâches de gestion (70 000 fonctionnaires sont
censés être affectés à ces tâches).
Il faut préciser, sur ce dernier point, que l’État ne remplit pas gratuitement ces fonctions
puisqu’il prélève pour son compte 1 % des impôts locaux recouvrés pour frais d’assiette et
de recouvrement. Ce prélèvement concerne les deux taxes foncières, la taxe d’habitation,
la CFE et l’IFER. Il est par ailleurs prélevé 3 % au titre de la taxe d’aménagement, sachant
que ce sont les services de l’État chargés de l’urbanisme dans le département qui sont
seuls compétents pour établir et liquider la taxe (article L. 331-19 du Code de l’urbanisme)
; celle-ci étant recouvrée par les comptables publics comme des créances étrangères à
l’impôt et au domaine (article L. 331-24 du Code de l’urbanisme).
• La gestion du produit fiscal : le programme « Avances sur le montant des
impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et
divers organismes »
Les collectivités locales ne gèrent pas directement et immédiatement leurs produits
fiscaux. Ceux-ci transitent par un compte de concours financiers du budget de l’État. Au
sein de ce compte spécial intitulé « Avances aux collectivités territoriales » figure le
programme « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements,
communes, établissements et divers organismes 179 » qui correspond à ce qui était qualifié
de « compte d’avances aux collectivités territoriales » avant la mise en œuvre de la LOLF.
Un tel dispositif a pour les collectivités locales des avantages et des inconvénients.
Le « compte d’avances aux collectivités territoriales » est le principal compte spécial 180,
son montant est de plus de 101 milliards d’euros pour 2015 181. Il retrace les avances sur
impôts faites mensuellement et gratuitement aux collectivités locales.
La pratique du compte d’avances prend sa source dans la règle de l’unité de caisse qui
fonde l’obligation faite aux collectivités publiques de déposer leurs fonds libres au Trésor
par les collectivités publiques. Elle prend également racine dans le fait que l’État s’est
constitué en quelque sorte comme « fermier général » des collectivités locales 182.
Le compte enregistre en recettes les impositions de l’année courante (plus de 80 % du
total) 183, les restes à recouvrer sur impositions antérieures (10 %), les recettes d’ordre pour
dégrèvements et non-valeurs (10 %). Il enregistre en dépenses le montant intégral des
impositions, y compris les non-recouvrements.
Les impositions sont attribuées mensuellement, le dernier jour de chaque mois, à raison
d’1/12e du montant total. Jusqu’au 31 mai inclus, ces versements sont calculés par rapport
au 1/12e du produit assuré 184. Une régularisation est faite au 30 juin par comparaison avec
le produit de l’année en cours. Ensuite, du 31 juillet au 31 décembre, il est versé 1/12e du
produit voté.
Un tel dispositif apparaît avantageux pour les collectivités territoriales, leur trésorerie
étant alimentée gratuitement par l’État, avec toutefois comme contrepartie l’obligation de
déposer leurs fonds au Trésor sans rémunération. L’« effet de solde », c’est-à-dire le coût
de la garantie de perception des impôts ainsi que l’« effet de profil », qui est le coût
attaché à la fourniture des avances, représentent une charge importante pour l’État.
L’« effet de profil » résulte du fait que les sorties du compte s’effectuent régulièrement à
chaque fin de mois, alors que les rentrées sont très irrégulières et très concentrées en fin
d’année sur les mois de novembre et décembre, au moment du paiement des impôts
locaux. Cet effet de profil qui pourrait être en partie atténué par un étalement des
paiements (par exemple, la mensualisation de la taxe d’habitation ou des acomptes de
cotisation foncière des entreprises) amène l’État à emprunter à court terme pour
rééquilibrer sa trésorerie. Le coût de trésorerie aurait représenté 395 millions d’euros en
2006 185.
L’« effet de solde », quant à lui, engendre des conséquences au plan budgétaire puisqu’il
résulte du retard des recouvrements sur les impositions votées (le taux de recouvrement
des principaux impôts locaux est environ de 90 % la première année, les 10 % restant
s’étalant parfois sur plusieurs années, une partie demeurant irrécouvrable).
Ainsi, une telle procédure est source d’un coût non négligeable pour l’État, cependant il
convient de considérer en sens inverse l’avantage financier que représente pour lui la mise
à disposition par les collectivités territoriales des sommes déposées au Trésor sans
rémunération.
L’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités locales représente chaque
année plus de 100 milliards d’euros 192. Ces concours sont essentiellement constitués par
des subventions 193 dont la plupart ont, dans un premier temps, vu leur montant gelé depuis
2011 et, dans un second temps, ont été réduites par les lois de programmation des
finances publiques 2012/2017, puis 2014-2019. Une partie de ces concours est également
réalisée sous forme de compensations d’exonérations et de dégrèvements législatifs 194.
La question majeure que peut poser ce type de financement des collectivités territoriales
dans le cadre de la décentralisation est de savoir si le procédé de la subvention ne
représente pas un moyen pour l’État d’intervenir indirectement sur les politiques locales,
de les infléchir, voire même de les déterminer. Autrement dit, les dotations de l’État ne
risquent-elles pas de nuire à l’indépendance, à l’autonomie du secteur public local ? On
peut être tenté, a priori, de répondre par l’affirmative en vertu de l’adage « celui qui paie a
tous les droits ». Toutefois, le bon sens commun ne trouve peut-être pas à s’appliquer de
manière aussi évidente en la matière. On peut rétorquer, en effet, à un tel argument que
ce qui fait la réelle liberté d’une institution, c’est d’abord qu’elle puisse disposer de
moyens financiers et qu’ensuite elle en ait la libre utilisation. Selon ce point de vue, c’est
son autonomie de gestion qui apparaît prédominante. Mais il importe également de
déterminer si les subventions constituent les seules sources de financement ou encore
quelle part elles représentent dans les ressources (hors emprunt) pour pouvoir juger du
degré d’autonomie de la collectivité qui les reçoit.
S’il fallait d’un trait caractériser le système actuel des subventions de l’État aux
collectivités territoriales, il faudrait retenir indéniablement le principe, qui s’est
véritablement imposé, de la subvention globale qui assure une complète liberté
d’utilisation à la collectivité bénéficiaire, qui la responsabilise. Ce principe symbolise
parfaitement le changement d’attitude de l’État en la matière ainsi qu’une « mutation
profonde du contexte politique des relations financières entre les deux parties » 195. À cet
égard, il serait éminemment regrettable que l’on retournât vers des procédures de
subventionnement spécifiques liant comme autrefois la subvention à l’obligation de réaliser
tel ou tel investissement (on peut observer, on le verra un peu plus loin, une certaine
résurgence de ces dernières concernant le financement des investissements).
Par ailleurs, les subventions s’inscrivent de facto dans un processus de péréquation
verticale dont l’efficacité est largement liée à la qualité des critères mis en place pour leur
attribution. La notion de potentiel financier, née en 2004, en est un parfait exemple. Il
s’agit en effet d’un indicateur de richesse qui combine le potentiel fiscal et une part de la
dotation globale de fonctionnement. Or, outre le fait que le mode de calcul du potentiel
fiscal doit être modifié 196 afin de tenir compte de la nouvelle configuration du système
fiscal local né avec la réforme de la taxe professionnelle, on peut s’interroger sur la
pertinence de cet indicateur dans la mesure où il ne reflète pas avec précision le réel
potentiel de ressources des collectivités locales. En effet, les sources de financement de
ces collectivités sont maintenant multiples, et parfois même difficiles à cerner du fait des
constructions complexes que l’on peut rencontrer, si bien qu’il conviendrait d’élargir
considérablement les composantes du potentiel financier. D’autre part, il est
également nécessaire de prendre en compte les charges supportées par les collectivités
locales, ce qui conduit à relativiser la portée des indicateurs de richesses.
Bien que les collectivités territoriales aient accès à diverses sources de financement, les
transferts opérés par l’État n’en demeurent pas moins une ressource régulière
indispensable. Et sous un autre angle encore, il paraît normal, voire nécessaire que l’État et
par là le contribuable national, participe au financement de la vie locale sans qu’il faille y
voir une manifestation d’un quelconque dirigisme mais plutôt un facteur de cohérence du
système financier public.
Enfin, au-delà du principe, bien admis dans l’ensemble, du procédé de la subvention
comme source de financement des budgets locaux, les mécanismes actuels se
caractérisent par leur particulière complication, comme il en est fréquemment le cas
d’ailleurs dans la législation financière contemporaine qui se forge de manière par trop
souvent pragmatique, avec le principal souci de ne pas affecter trop sensiblement l’ordre
existant et de ne pas susciter d’importantes réactions de rejet, tout en s’attachant à
répondre aux nouveaux besoins qui s’expriment. Il en résulte un manque de transparence
financière qui ne facilite pas la gestion et la maîtrise des subventions par les collectivités
territoriales concernées.
Les concours versés par l’État aux collectivités locales pour le financement de leurs
dépenses de fonctionnement se répartissent en diverses dotations dont la plus importante
est la dotation globale de fonctionnement. Existent également une dotation spéciale pour
le logement des instituteurs, une dotation générale de décentralisation ainsi que diverses
subventions spécifiques.
Perçue par les communes, les départements et les régions, la DGF représente la
subvention la plus importante versée par l’État (36,6 milliards d’euros en 2015). Elle est le
fruit d’une longue évolution dont les étapes ne sont pas sans illustrer la complexité et
parfois les paradoxes et artifices de certaines décisions financières 197. Plusieurs fois
remaniée depuis sa création en 1979, elle devrait, une fois encore, faire l’objet d’une
réforme qui pourrait s’appliquer en 2016.
La loi du 3 janvier 1979 a d’abord permis, en instaurant une véritable dotation de l’État,
de mettre fin à une situation ambiguë (le VRTS était tantôt analysé comme une ressource
venue se substituer à un impôt, tantôt comme une véritable subvention) et de clarifier le
système des concours financiers de l’État.
La dotation globale de fonctionnement apparaît, de ce point de vue, comme un réel
concours de l’État aux collectivités locales attribué sur la base de critères définis (en
fonction de leur action, de leur singularité et de l’activité économique générale de la
nation) et utilisable librement par la collectivité.
L’ossature du mécanisme de détermination du montant de la DGF, tel que conçu par la
loi du 3 janvier 1979, comporte une première étape qui est celle de la définition annuelle
de la masse allouée par l’État au titre de la dotation. Celle-ci, indexée sur le produit net de
la TVA 206, est calculée chaque année par application à ce dernier d’un taux de prélèvement
fixé initialement à 16,45 %, mais susceptible d’être révisé en fonction des modifications
éventuelles de la législation relative à la TVA (par exemple, en cas de changement de
taux).
La seconde étape du mécanisme est celle de la répartition de la dotation entre les
collectivités concernées. La loi de 1979 prévoyait, à cet égard, un système de répartition
en trois groupes :
Une dotation forfaitaire constituant le prolongement de l’ancienne attribution de
garantie et assurant ainsi une continuité avec le VRTS (cette part devant toutefois diminuer
progressivement au profit d’une seconde, la dotation de péréquation).
Une dotation de péréquation se répartissant elle-même en deux parties :
— une répartition en fonction du potentiel fiscal par habitant de la commune, ce
dernier étant comparé à celui des communes du même groupe 207. Dans le cas où ce
potentiel était supérieur au triple du potentiel moyen par habitant de son groupe, la
commune ne devait rien percevoir au titre de cette part. Dans le cas contraire,
l’importance de l’attribution était fonction de l’écart plus ou moins grand de potentiel fiscal
par rapport à la moyenne du groupe.
Le potentiel fiscal prend en compte les quatre taxes directes de la manière suivante :
N.B. : Ce mode de calcul n’étant plus pertinent au regard de la réforme du système fiscal local instituée depuis la LFI pour
2010, les bases et les taux des impôts-ménages et de la TP ont été intégrés ainsi que les nouveaux impôts.
Ce mécanisme, institué pour aider les communes les plus fiscalement défavorisées, était
couplé avec une seconde part.
— une répartition en fonction de l’impôt sur les ménages se situant en droite ligne de «
l’effort fiscal » existant déjà dans le cadre du VRTS.
Une part correspondant à 5 % de la dotation globale à répartir pouvait être allouée aux
communes sous forme de concours particuliers. Il était prévu cinq possibilités :
— une dotation de fonctionnement minimale pour les communes de moins de 2 000
habitants à potentiel fiscal inférieur à la moyenne ;
— une dotation supplémentaire attribuée aux communes touristiques et thermales ;
— un versement additionnel à la dotation forfaitaire pour les communes en expansion
démographique ;
— un minimum garanti par habitant assurant à toutes les communes une DGF plancher ;
— une dotation particulière pour les communes-centre d’une agglomération.
Parallèlement à la réforme, le Fonds d’action locale allait être remplacé par un Comité
des finances locales (CFL) ayant pour mission de proposer le montant de la DGF à
inscrire dans la loi de finances, de contrôler la répartition entre communes, de décider de
la masse globale des concours particuliers, de donner son avis sur les textes relatifs aux
finances locales. Ce comité est composé paritairement par des élus et des fonctionnaires
de l’État : il comprend initialement 23 représentants des élus locaux 208, 4 parlementaires 209,
9 représentants de l’État 210. L’article 75 de la loi du 5 février 1995 (loi d’aménagement et
de développement du territoire) a conféré de nouvelles missions au CFL ; celui-ci doit
fournir au gouvernement des analyses nécessaires à l’élaboration des projets de loi de
finances (pour les dispositions intéressant les collectivités locales), établir un rapport
annuel sur la situation des finances locales et réaliser des études sur les facteurs
d’évolution des dépenses locales. Pour ces missions, le Comité a créé en son sein une
formation spécialisée, l’Observatoire des finances locales, comprenant des membres
du CFL ainsi que quatre professeurs des universités.
3. La sophistication de la DGF
Les mécanismes de la DGF ont été modifiés à plusieurs reprises, en 1986, 1988, 1992,
1993 et enfin en 2004 et 2005, avec des conséquences de deux ordres, d’une part une
complexité de plus en plus grande en rendant la maîtrise de moins en moins aisée, d’autre
part un abondement par l’intégration de compensations fiscales.
• La DGF de 1985 à 1993 : l’entrée dans la complexité
— La DGF des communes
➢ La dotation de base (ex-dotation forfaitaire)
La dotation de base représente 40 % de la dotation globale à répartir. Elle est perçue par
chaque collectivité et est proportionnelle au nombre d’habitants. Son montant est le même
pour toutes les communes appartenant à un groupe démographique similaire. Il est
cependant fait application d’un coefficient de pondération qui varie de 1 (0 à 499
habitants) à 2,5 (200 000 habitants et plus) en passant par exemple par 1,5335 (5 000 à 7
499 habitants). Ce dispositif qui engendre une augmentation de la dotation en fonction de
l’importance de la population permet la prise en compte des dépenses supplémentaires
nécessitées par celle-ci.
➢ La dotation de péréquation
Celle-ci représente 37,5 % de la somme à répartir et se scinde en deux fractions :
Σ La 1re fraction
30 % sont répartis en fonction de l’insuffisance de potentiel fiscal et de l’effort fiscal.
L’objectif est de faire en sorte que le concours de l’État soit d’abord attribué aux
communes qui sont les plus démunies en matière fiscale, mais qui, cependant, exercent
une pression fiscale importante. La pression fiscale prise en compte n’est plus définie par
le seul impôt sur les ménages (il s’agit de l’ensemble formé par la taxe d’habitation, la taxe
foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe
sur les ordures ménagères), mais par le rapport entre celui-ci et le potentiel fiscal de la
taxe d’habitation et des taxes foncières.
Σ La 2e fraction
7,5 % sont attribués en fonction de l’impôt sur le revenu des habitants. Plus l’écart est
grand par rapport à la moyenne des communes du même groupe, plus la commune
recevra. Ce mécanisme vise à aider les communes dont les habitants ont une faible
capacité contributive et qui sont, par conséquent, appelées à un effort important en
matière sociale.
➢ La dotation de compensation
Cette dotation qui représente 22,5 % de la masse à répartir est attribuée en fonction
d’un certain nombre de conditions particulières qui sont les suivantes :
— nombre d’enfants scolarisés et domiciliés dans la commune (4,5 %) ;
— longueur de la voirie communale (4,5 %) ;
— nombre de logements sociaux (13,5 %).
➢ Les concours particuliers
La masse attribuée aux concours particuliers est fixée par le Comité des finances locales.
Elle est limitée à un taux compris entre 2 et 3 % de la DGF, la somme restante est ensuite
répartie entre les diverses dotations, comme indiqué aux paragraphes précédents.
Les concours particuliers sont les suivants :
— dotation ville-centre : celle-ci vise à tenir compte des charges spécifiques liées à
l’utilisation par les habitants des communes voisines des équipements collectifs réalisés et
rendus nécessaires par l’existence de flux de population ;
— dotation aux communes touristiques et thermales (environ 2 000 communes) ;
— dotation aux communes de moins de 7 500 habitants à forte fréquentation touristique
(cette dotation est dite « dotation parking » et concerne environ 2 300 communes) ;
— dotation de solidarité urbaine (cf. b).
— La DGF des départements
La répartition de la DGF au niveau des départements s’effectue ainsi :
— une dotation forfaitaire qui équivaut à 45 % de la DGF départementale ;
— une dotation de péréquation (55 %) qui se divise en deux fractions :
• une dotation potentiel fiscal,
• une dotation impôt sur les ménages ;
— une dotation de garantie minimale qui assure aux départements une évolution de
leurs dotations égale à 55 % au moins du taux d’évolution des ressources affectées à la
DGF ;
— une dotation de fonctionnement minimal : Il s’agit de concours particuliers versés aux
départements à faible potentiel fiscal. Ce dispositif a été complété par les lois des 13 mai
1991, 31 décembre 1993 et 26 mars 1996 qui ont institué une solidarité financière plus
étroite entre départements riches et départements pauvres. L’objectif est de mettre en
place un système de péréquation financière permettant de venir en aide aux plus
défavorisés en milieu rural. Vingt-quatre départements de métropole et six départements
ou territoires d’outre-mer (par exemple, le Cantal, l’Yonne, la Guadeloupe, La Réunion) sont
concernés à ce titre. Les départements (11 en 2001) devant contribuer à cette solidarité
financière sont ceux dont le potentiel fiscal par habitant est compris entre le potentiel fiscal
moyen national par habitant dans les départements et le double de cette valeur. Les
départements concernés subissent un prélèvement de 15 % sur la DGF de l’exercice
considéré. Sont toutefois exonérés de ce prélèvement les départements dont le rapport
entre le nombre de logements sociaux et la population est supérieur à 8,5 % ainsi que ceux
dans lesquels la moyenne, par logement, des bénéficiaires d’aides au logement, de leur
conjoint et des personnes à charge vivant dans leur foyer est supérieure à la moyenne
nationale. Le prélèvement ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de
fonctionnement du département figurant au compte administratif afférent au pénultième
exercice ;
— un concours particulier contingent d’aide sociale a été institué à la suite de la création
de la couverture maladie universelle (loi du 27 juillet 1999). Les contingents communaux
d’aide sociale ont été supprimés et un transfert financier de la DGF des communes vers
celle des départements a été mis en place.
• La DGF de la loi du 31 décembre 1993 et l’intégration du « fait intercommunal
»
La loi du 31 décembre 1993, portant réforme de la DGF (complétée par celle du 26 mars
1996), s’est attachée à simplifier le dispositif de la loi de 1985 ainsi qu’à vouloir assurer
une certaine stabilité des ressources tout en ayant pour objectif de favoriser
l’intercommunalité et l’aménagement du territoire. Si la refonte est importante en ce qui
concerne les communes et leurs groupements, elle n’a, en revanche, que peu affecté les
départements.
— La DGF des communes et de leurs groupements à fiscalité propre
La DGF des communes est alors organisée en deux grandes parties qui, pour l’essentiel,
regroupent les diverses dotations déjà existantes.
➢ La dotation forfaitaire
Cette première part rassemble les anciennes composantes stables de la DGF, c’est-à-dire
la dotation de base, la dotation de péréquation, la dotation de compensation et les
concours particuliers (sauf la dotation de solidarité urbaine). Une garantie de progression
minimale, dont le taux d’évolution peut varier entre 50 et 55 % (ce taux de progression est
fixé par le Comité des finances locales) du taux d’évolution de l’ensemble des ressources
DGF (par rapport à l’année antérieure), a été instituée par l’article 1er de la loi du 26 mars
1996 211. En cas d’accroissement de la population constaté à l’occasion d’un recensement,
la dotation forfaitaire est calculée en appliquant au montant antérieurement perçu un taux
d’augmentation égal à 50 % du taux de croissance de la population. Ce dispositif institué
en 1993, a été complété par la loi du 29 décembre 1999 ; selon ce texte, les
augmentations ou diminutions de population constatées par le recensement de 1999 sont
prises en compte pour moitié sur trois ans à compter de 2000.
➢ La dotation d’aménagement
Cette seconde part comprend trois catégories de dotations :
Une DGF des groupements à fiscalité propre qui évolue au moins comme la dotation
forfaitaire à partir de leur troisième année d’existence dans le cas où ces groupements
sont dotés d’une taxe professionnelle unique. Les EPCI n’ayant pas opté pour cette
procédure sont garantis d’une attribution qui ne peut être inférieure à 80 % ni supérieure à
120 % de celle perçue l’année précédente 212.
Selon l’article L. 5211-28 du CGCT, les communautés urbaines, communautés de
communes, syndicats d’agglomération nouvelle et communautés d’agglomération
reçoivent, à compter de l’année où ils perçoivent pour la première fois le produit de leur
fiscalité, une attribution au titre de la dotation d’intercommunalité.
Chaque EPCI à fiscalité propre perçoit :
— une dotation de base calculée en fonction de la population totale des communes
regroupées et pondérée par le coefficient d’intégration fiscale 213 du groupement
(rapport entre, d’une part, le produit perçu par le groupement au titre des quatre grands
impôts directs locaux, de la taxe ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères,
de la redevance d’assainissement, des compensations part salaire, des compensations
ZRU, ZFU, ZFC, TP Corse, d’autre part, le produit des mêmes taxes et redevances
recouvrées au profit des communes membres et de l’ensemble des établissements de
coopération intercommunale existant sur le territoire de celles-ci) ;
— une dotation de péréquation calculée en fonction de la population totale des
communes regroupées, du potentiel fiscal de l’EPCI et pondérée par le coefficient
d’intégration fiscale de ce dernier.
— une dotation de solidarité urbaine 214.
— une dotation de solidarité rurale 215.
— La DGF des départements
La DGF des départements n’a pas subi de modifications majeures avec la loi de
décembre 1993. On soulignera cependant le renforcement des mécanismes de péréquation
entre départements « riches » et « pauvres » et, notamment, le mécanisme de la dotation
de fonctionnement minimale (DFM) à laquelle sont éligibles les départements à faible
potentiel fiscal par habitant (< d’au moins 40 % au PF/hab. moyen des départements) ou
par kilomètre carré (< d’au moins 60 % à la moyenne) 216.
• La nouvelle DGF instituée par les lois de finances initiales pour 2004, 2005 et
2015
La loi de finances initiale pour 2004, complétée par celle de 2005, a non seulement
réformé de façon sensible le dispositif général de la DGF en rassemblant des dotations ou
compensations de suppressions d’impôts jusqu’alors épars, mais elle a également créé de
toutes pièces une DGF pour les régions alors que, jusqu’à 2004, seule la région Île-de-
France bénéficiait d’une DGF.
— La DGF des régions
La DGF des régions est composée de deux parts, une part dite « dotation forfaitaire » et
une part dite « dotation de péréquation ».
La dotation forfaitaire fusionne diverses compensations et dotations :
— La compensation de la suppression de la part régionale de la taxe d’habitation
(instituée par la loi de finances rectificative pour 2000).
— La compensation de la suppression de la part salaire de taxe professionnelle dont
bénéficient les régions. Il s’agit là, comme prévu par la LFI pour 1999, de l’intégration dans
la DGF de la compensation des conséquences de cet allégement fiscal. Depuis 1999,
comme on l’a vu précédemment (cf. chapitre 1) un prélèvement sur recettes avait été mis
en place pour financer l’indemnisation des collectivités territoriales.
— La compensation de la suppression de la taxe additionnelle aux droits de mutation à
titre onéreux perçue au profit des régions qui avait été décidée dans le cadre de la LFI pour
1999.
— 95 % de la Dotation générale de décentralisation allouée aux régions.
Il convient de souligner que chacune de ces dotations et compensations évoluait déjà en
fonction de la progression de la DGF et que la somme versée à chaque région à compter de
2004 est établie en fonction des montants qui leur ont été alloués au titre de 2003 compte
tenu, pour trois d’entre elles, des prélèvements effectués cette année-là au titre du Fonds
de correction des déséquilibres régionaux 217 qui est quant à lui supprimé. L’évolution et le
calcul de la dotation forfaitaire sont, par ailleurs, déterminés en utilisant un taux de
progression, fixé par le Comité des finances locales, qui se situe selon la loi « entre 60 % et
90 % du taux de progression de l’ensemble des ressources de la DGF ». Le solde est affecté
au financement de la part « péréquation ».
La dotation de péréquation se substitue au Fonds de correction des déséquilibres
régionaux :
Le FCDR a été supprimé ; il a été remplacé par une dotation dont le montant est égal,
selon la loi, « à la différence entre l’ensemble des ressources affectées à la dotation
globale de fonctionnement des régions et la dotation forfaitaire ».
Les régions bénéficiaires sont celles dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d’au
moins 15 % au potentiel fiscal moyen par habitant des régions (11 régions ont été
bénéficiaires de cette part en 2012).
Cette dotation est répartie pour moitié en fonction du potentiel fiscal par habitant de la
région considérée, pondéré par l’effort fiscal et par la population. L’autre moitié est
fonction du potentiel fiscal par kilomètre carré de la région bénéficiaire (comparé au
potentiel moyen des régions).
Les crédits alloués à la DGF des régions ont été de 4,8 milliards d’euros pour 2015 (- 8,55
% par rapport à 2014).
Source : Assemblée nationale, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2004 (Conditions générales de
l’équilibre financier), no 1110, t. 2.
• L’indexation de la DGF
Jusqu’en 2009, la DGF évoluait chaque année en fonction d’un indice égal à la somme du
taux prévisionnel d’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation des
ménages (hors tabac) de l’année de versement et, d’autre part, de la moitié du taux
d’évolution du produit intérieur brut de l’année en cours.
La DGF s’est ensuite inscrite, jusqu’à 2010, dans le cadre du périmètre normé des
dépenses de l’État et a évolué en fonction du seul taux prévisionnel d’évolution de la
moyenne annuelle des prix (art. L. 1613-1, CGCT).
Depuis 2011, le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année
par la loi de finances (art. L. 1613-1, CGCT). Ce montant avait été gelé jusqu’en 2013 puis
diminué de 1,5 milliard d’euros en 2014. Actuellement, cette dotation est soumise à la
contribution des collectivités locales au redressement des comptes publics qui a pour
conséquence, on l’a dit, une réduction de 3,67 milliards d’euros pour les années 2015,
2016 et 2017.
• Une nouvelle réforme de la DGF
Au fil du temps et des réformes, on l’a compris, la DGF n’a cessé de se compliquer à tel
point qu’elle n’est plus maîtrisable par ceux qui ont à la gérer. Par ailleurs, les contraintes
budgétaires devenant de plus en plus importantes les sommes allouées ne cessent de
diminuer et il est devenu crucial d’en reconsidérer les modes de répartition.
C’est pourquoi, le Premier ministre, le 16 janvier 2015, a lancé une mission
parlementaire, composée d’un député et d’un sénateur, chargée de faire des propositions
pour simplifier et améliorer le fonctionnement de la DGF. Cette nouvelle réforme sera
discutée dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2016. Selon les termes du
Premier ministre dans la lettre de mission qu’il a adressée à Mme Pires-Beaune, députée, il
s’agit de « déterminer les principes et les modalités selon lesquels la réforme des concours
de l’État aux collectivités territoriales pourrait atteindre les objectifs de justice et de
transparence poursuivis par le Gouvernement ». Il s’agit ainsi non seulement de
réaménager la DGF, mais aussi de reconsidérer les autres dotations et péréquations
existantes. Les communes devraient être concernées dès 2016, les départements en 2017
et les régions en 2018. L’objectif est d’ampleur, on s’en doute, et il est rendu d’autant plus
difficile du fait des réformes déjà engagées ou près de l’être ainsi que des multiples points
de vue et intérêts qui sont en présence.
Dans son rapport, présenté le 5 mai 2015 au Comité des finances locales, Mme Pires-
Beaune propose une réforme composée de quatre éléments :
— Une réforme de la dotation forfaitaire comprenant :
• une « dotation universelle de fonctionnement » qui serait garantie à toutes les
communes et calculée en fonction de la population avec une allocation unique par habitant
;
• une « dotation charges de centralité » allouée aux communes au-delà d’une certaine
taille et calculée en fonction de la population avec une allocation par habitant allant
croissant avec la population ;
• une « dotation charges de ruralité » allouée aux communes dont la densité de
population est inférieure à un certain seuil. Celle-ci serait versée en fonction d’indicateurs
de charges comme la densité de population, le nombre d’enfants scolarisés ou encore la
longueur de la voirie. Serait aussi considérées les charges spécifiques aux communes de
montagnes ou insulaires ;
• une « dotation de transition » qui aurait pour fonction de faciliter le passage au
nouveau dispositif. Cette dotation serait supprimée au bout de cinq à dix ans.
— Une péréquation verticale simplifiée dont les principaux aspects sont :
• une dotation de solidarité urbaine répartie en fonction d’un indice synthétique de
ressources et de charges ;
• une dotation de solidarité rurale comprenant une majoration pour les communes
rurales les plus défavorisées ;
• une suppression de la dotation nationale de péréquation qui permettrait d’abonder la
DSU et la DSR.
— Concernant la DGF des EPCI, il pourrait s’agir soit d’une DGF « autonome et rénovée »
distincte de celle des communes mais avec la même architecture, soit d’une « DGF locale »
intégrant une part territorialisée et une part non territorialisée.
— Des critères de répartition plus cohérents. Il s’agit particulièrement de reconsidérer, en
les alignant sur ceux de la loi SRU, les critères de logements sociaux, d’élargir l’effort fiscal,
d’actualiser les potentiels fiscal et financier, de mettre en place un coefficient d’intégration
et de mutualisation intégré avec le coefficient d’intégration fiscal.
Les lois des 2 mars 1982, 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 ont prévu que les transferts de
compétences seraient financés par un concours de l’État. Cette compensation est assurée,
d’une part, par un transfert d’impôts d’État 229, et, pour le reste, par certaines dotations de
décentralisation dont la dotation générale de décentralisation qui a pour objet de couvrir
l’accroissement des charges pour les collectivités. La DGD évolue de la même manière que
la DGF.
Une grande partie de la DGD (95 %) est affectée à la DGF, comme on vient de le voir.
Toutefois, les concours alloués au titre du transfert des ports maritimes de pêche et de
commerce, ou encore à celui des bibliothèques départementales, ne sont pas concernés.
Supprimé par la LFI pour 2004, le Fonds national de péréquation de la TP, qui regroupait
plusieurs types d’allocations aux communes et à leurs groupements, est réapparu sous la
forme de deux dotations, une dotation pour compensation de pertes de bases de la TP et
une dotation de développement rural. La dotation de développement rural a été fusionnée
avec la dotation globale d’équipement 231 et la dotation pour compensation de pertes de
bases de la TP a été maintenue provisoirement pour être remplacée par une dotation
compensant les pertes de base de CET à partir de 2012. Elle est financée par un
prélèvement sur les recettes de l’État (35 millions d’euros en 2011, 59 millions en 2012,
51,5 millions en 2013, 25 millions en 2014 et 2015). L’objectif a été d’aider les communes
et les groupements à fiscalité propre qui ont enregistré d’une année sur l’autre une baisse
importante de leurs bases de taxe professionnelle ou de ressources et redevances des
mines.
Entrent également dans le cadre de cette compensation :
— d’une part, les pertes de recettes liées aux exonérations de taxe professionnelle
accordées aux entreprises installées dans les zones franches urbaines et dans les zones de
redynamisation urbaine ;
— d’autre part, les pertes de recettes de taxe professionnelle consécutives aux
exonérations fiscales accordées aux entreprises dans le cadre de leurs extensions
d’activités au sein de zones de revitalisation rurale (le montant de la compensation
s’obtient en multipliant le taux de la taxe de la commune en 1994 par les pertes de bases).
Cette dotation, mise en place en 2011, compense une éventuelle perte de ressources
fiscales due à la réforme de la taxe professionnelle. L’attribution est accordée dès lors que
la différence de recettes est supérieure à 50 000 euros.
Le fait marquant concernant les subventions a été, on l’a dit, leur globalisation,
révélatrice de la modification des rapports entre l’État et les collectivités locales. On
observera par ailleurs qu’en volume, les dotations de fonctionnement dépassent largement
celles d’équipement alors que les politiques publiques locales se mènent d’abord sur la
base de la réalisation d’investissements (ces derniers marquant un territoire ou encore
organisant, balisant un espace social). Jusqu’aux années 1970, on estimait qu’une telle
fonction devait être maîtrisée par l’État, et, ce pour diverses raisons. On pensait d’abord
que celui-ci pouvait, par le biais de subventions allouées de manière spécifique (et avec la
possibilité de prêts à taux préférentiel), réaliser une péréquation des ressources entre
collectivités locales. On soulignait également qu’une meilleure planification des
investissements locaux était ainsi rendue possible. De même, on insistait sur l’effet incitatif
qui conduirait les élus à équiper leur collectivité dans des secteurs peu attractifs. L’on
mettait, enfin, en avant l’intérêt d’un tel dispositif qui permettait d’obliger les collectivités
à respecter les normes nationales 232. Or, une étude précise de la question devait montrer
que les objectifs recherchés étaient loin d’être atteints tandis que le rapport Vivre
Ensemble 233 a pu, à l’époque, souligner l’impuissance de ce mécanisme à égaliser les
situations, à planifier rationnellement les équipements, en mettant en évidence que le
résultat obtenu aboutissait à un saupoudrage. Par ailleurs, les élus locaux se montraient
hostiles à l’égard du procédé des subventions spécifiques (une enquête sur ce sujet faisant
apparaître que dans leur quasi-unanimité, ils les percevaient comme une marque
d’assujettissement vis-à-vis de l’État).
Aujourd’hui, ces difficultés paraissent largement résolues, bien que l’on puisse constater
le maintien de certaines subventions spécifiques mais aussi une certaine résurgence de
ces dernières dans le cadre d’une allocation qui, à l’origine, était globale.
La dotation d’équipement des territoires ruraux a été instituée par la loi de finances pour
2011. Elle est le produit de la fusion de deux dotations, une dotation de fonctionnement, la
dotation de développement rural et une dotation d’investissement, la dotation globale
d’équipement. Cette intégration a été proposée par le comité interministériel
d’aménagement et de développement du territoire du 11 mai 2010, l’objectif étant de
rendre plus performantes les aides budgétaires allouées aux communes rurales en les
regroupant ainsi que d’en faciliter les procédures d’attribution.
1. Aux origines de la dotation d’équipement des territoires ruraux : la DGE et la
DDR
C’est l’article 103 de la loi du 2 mars 1982 qui a posé le principe de la globalisation des
subventions d’investissement en instituant une dotation globale d’équipement pour les
communes et les départements, appelée à se substituer progressivement aux subventions
spécifiques. La loi du 7 janvier 1983 en a précisé les mécanismes qui ont été révisés,
ensuite, par les lois des 29 décembre 1983, 20 décembre 1985, 5 janvier 1988, et enfin par
la loi de finances initiale pour 1996 ainsi que par la loi du 26 mars 1996.
➢ Les premières déconvenues de la DGE des communes
Les lois des 7 janvier et 29 décembre 1983 ont défini les premiers mécanismes de la DGE
qui, par la suite, ont fait l’objet de nombreuses critiques, compte tenu des effets apparus
dans leur application concrète.
Le principe général utilisé initialement consistait à appliquer un taux de concours (2 % en
1983, 2,2 % en 1984 et 1985) aux investissements prévus par les collectivités dans leur
budget ; cette procédure a eu pour conséquence de profiter essentiellement aux
collectivités les plus importantes, c’est-à-dire celles qui investissaient régulièrement. Il est
apparu que pour les grandes villes, l’application d’un faible taux à l’ensemble des
équipements projetés aboutissait à un subventionnement quasiment identique à celui
résultant de l’application de taux plus élevés à quelques investissements spécifiques. En
revanche, les petites communes qui investissent de manière plus sporadique et sur peu
d’investissements à la fois ont, quant à elles, été désavantagées avec un taux de
subventionnement passé à 2 % alors qu’il s’élevait au moins à 10 % avec l’ancien système
des subventions spécifiques.
Aussi fut-il décidé de modifier le dispositif et de différencier la DGE en fonction de
l’importance des communes. Pour les départements le dispositif est resté inchangé.
➢ Les transformations de la DGE des communes
La loi du 20 décembre 1985 puis celle du 5 janvier 1988 ont apporté un certain nombre
de modifications destinées à adapter la DGE aux spécificités des collectivités territoriales.
La LFI pour 1996 a, quant à elle, limité le nombre de communes éligibles et renforcé un
retour aux dotations spécifiques, tandis que la loi du 26 mars 1996 (loi portant diverses
dispositions relatives aux concours de l’État aux collectivités territoriales) venait compléter
ce dispositif.
Σ La deuxième DGE et la réintroduction partielle de dotations spécifiques
La première réforme de la DGE a été dominée par l’idée qu’il convenait de traiter
différemment les petites communes et c’est pourquoi l’on a scindé la dotation en deux
parties organisant ainsi deux types d’allocations, une dotation globale et des subventions
spécifiques.
Δ La première part : une dotation globale (50 % des crédits DGE)
La première part concernait les communes de plus de 10 000 habitants, celles entre 2
000 habitants et 10 000 habitants si elles n’avaient pas opté pour les subventions
spécifiques, et celles inférieures à 2 000 habitants lorsqu’elles étaient classées touristiques
et thermales et avaient décidé d’opter pour la globalisation.
Le mécanisme demeurait celui de l’affectation d’un taux, déterminé au début de chaque
année, aux investissements prévus ; des majorations étaient ensuite accordées en fonction
de certains critères.
Le système s’organisait de la manière suivante :
— une fraction principale (90 % de la somme à répartir). Pour cette fraction, il était fait
application d’un taux de concours 236. Ce taux, applicable aux investissements prévus,
variait aux alentours de 2 % 237. Les versements étaient effectués chaque trimestre au vu
d’un état de paiement.
— une seconde fraction (10 % de la somme à répartir).
Cette seconde fraction était réservée aux communes dont le potentiel fiscal était
inférieur d’au moins 20 % au potentiel fiscal moyen des communes du même groupe et
dont l’effort fiscal était supérieur de 20 % par rapport à la moyenne. Elle était également
réservée aux groupements à fiscalité propre.
Δ La seconde part : les subventions spécifiques (50 %)
Pouvaient prétendre à ce régime les communes de moins de 2 000 habitants, ou bien,
encore, celles de 2 000 à 10 000 habitants qui en faisaient l’option.
Le préfet du département recevait, à ce titre, une somme (déterminée en fonction de la
population du département et de la longueur de la voirie) qu’il répartissait après avis d’une
commission départementale composée d’élus locaux représentant les communes éligibles
à la seconde part.
La commission fixait les opérations prioritaires, devant être subventionnées, ainsi que les
taux de subventionnement (qui devaient être compris entre 20 et 60 % de la valeur hors
taxe de l’investissement 238).
La technique d’attribution était celle en vigueur antérieurement en matière de
subventions spécifiques, les attributions se faisant opération par opération (le préfet
arrêtant la liste des opérations pouvant être subventionnées).
Σ La troisième DGE et le retour aux dotations spécifiques
La LFI pour 1996 et la loi du 26 mars 1996 ont introduit d’importantes modifications.
Tout d’abord, la première part a été supprimée tandis que la procédure des
subventions spécifiques a été généralisée, celles-ci étant réparties par le préfet après
avis d’une commission départementale d’élus composée de représentants de communes et
de groupements de communes de 20 000 habitants et moins, et dans la fourchette de taux
comprise entre 20 et 60 %.
En second lieu, ont été réputées éligibles à la DGE les communes de 20 000 habitants et
moins dont le potentiel financier par habitant était inférieur à 1,3 fois le potentiel financier
moyen national des communes de 20 000 habitants au plus. Les groupements de
communes de 20 000 habitants au plus sont également éligibles mais sans critère de
potentiel financier. Ont également été reconnus éligibles, par la LFI pour 2001, les EPCI de
plus de 20 000 habitants dont les communes membres avaient une population inférieure à
3 500 habitants et dont le potentiel financier par habitant était inférieur à 1,3 fois la
moyenne. Les communes dont la population n’excédait pas 2 000 habitants n’étaient pas
soumises elles non plus à ce critère (loi du 26 mars 1996).
La dotation d’équipement des territoires ruraux est allouée aux établissements publics
de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi qu’aux communes. L’attribution des
crédits est effectuée au sein des départements par le préfet. Ils doivent être destinés à la
réalisation d’investissements ou de projets dans le domaine économique, social,
environnemental et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services
publics en milieu rural. Ils sont également destinés au soutien des espaces mutualisés de
service au public, aux commerces et à la revitalisation des centres-bourgs.
Une commission d’élus locaux 239 détermine chaque année les catégories d’opérations
prioritaires ainsi que les taux de subvention applicables et le représentant de l’État arrête
sur ces bases la liste des opérations à subventionner ainsi que le montant de la subvention
et en informe la commission. Selon l’article L. 2334-37 du CGCT, « il porte à la
connaissance de la commission la liste des opérations qu’il a retenues. La commission est
saisie pour avis des projets dont la subvention au titre de la dotation d’équipement des
territoires ruraux porte sur un montant supérieur à 150 000 €. »
Il convient de souligner que compte tenu de la fusion de dotations qui avaient
prioritairement pour l’une, la DDR, vocation à financer des dépenses de fonctionnement et
pour l’autre, la DGE, des dépenses d’investissement, l’article L. 2334-36 du CGCT limite la
prise en charge des dépenses courantes, celles-ci font l’objet d’un encadrement : « la
subvention ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des
dépenses de fonctionnement courant regroupant principalement les frais de rémunération
des personnels, les dépenses d’entretien et de fourniture et les frais de fonctionnement
divers correspondant aux compétences de la collectivité, hormis celles accordées au titre
d’une aide initiale et non renouvelable lors de la réalisation d’une opération ».
Selon l’article L. 2334-33 du CGCT, les EPCI éligibles sont ceux dont la population
n’excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants
dans les départements d’outre-mer. Sont également éligibles ceux dont la population est
supérieure à 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants
dans les départements d’outre-mer, sans dépasser 60 000 habitants, lorsque les
communes sont elles-mêmes éligibles ou lorsque le potentiel fiscal moyen par habitant est
inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des établissements
publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de même catégorie et dont toutes
les communes ont une population inférieure à 15 000 habitants 240.
Les communes éligibles sont celles dont la population n’excède pas 2 000 habitants dans
les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d’Outre-mer et
celles dont la population est supérieure à 2 000 habitants dans les départements de
métropole et 3 500 habitants dans les départements d’outre-mer sans dépasser 20 000
habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements
d’Outre-mer ; il faut aussi que le potentiel financier moyen par habitant de ces communes
soit inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des
communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n’excède pas 20 000
habitants.
Les sommes allouées à cette dotation sont réparties entre les départements selon des
critères de population ou encore de potentiel fiscal ou financier des EPCI ou des communes
éligibles. La dotation est de 616 millions d’euros depuis 2011.
1. Avant 2006
La DGE des départements était, jusqu’à la loi de finances initiale pour 2006, divisée en
deux parties :
— Une première part fractionnée en trois 241 :
• une fraction principale (75 %) répartie par application d’un taux de concours (environ
3 %) aux investissements prévus autres que ruraux ;
• une fraction « voirie » (20 %) répartie en fonction de la longueur de la voirie
départementale ;
• une fraction « majoration » (5 %) attribuée aux départements à faible potentiel fiscal.
— Une deuxième part fractionnée en trois 242 :
• une fraction principale (80 %) répartie par application d’un taux de concours (environ
14 %) aux dépenses d’aménagement foncier et aux subventions versées pour des travaux
d’équipement rural ;
• une majoration (10 %) qui concernait les départements à faible potentiel fiscal (ceux
dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d’au moins 40 % au potentiel fiscal moyen
des départements, ou ceux dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur d’au
moins 60 % au potentiel moyen) ;
• une majoration (10 %) dite « aménagement foncier ».
2. Depuis 2006
La LFI pour 2006 a supprimé la première part. Les crédits attribués, dans le cadre de
cette première part, au titre des fractions « voirie » et « majoration potentiel fiscal », sont
intégrés à la dotation de compensation de la DGF des départements.
La DGE 243 se limite ainsi à la seconde part et elle est répartie de la manière suivante :
— une fraction principale (76 %) qui est répartie par application d’un taux de concours
aux dépenses, d’aménagement foncier et aux subventions versées pour des travaux
d’équipement rural ;
— une majoration (9 %) allouée au titre des aménagements fonciers réalisés ;
— une majoration (15 %) qui concerne les départements à faible potentiel fiscal (ceux
dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d’au moins 40 % au potentiel fiscal moyen
des départements, ou ceux dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur d’au
moins 50 % au potentiel moyen).
En pratique, cette réforme aboutit à faire basculer une partie importante de la DGE des
départements au sein de la DGF, autrement dit à transformer une dotation
d’investissement en dotation de fonctionnement.
La DRES comme la DDEC sont des dotations prévues pour compenser les transferts de
compétences consécutifs aux lois de décentralisation.
La DRES 244, attribuée aux régions, est affectée aux investissements concernant les lycées
et les établissements de niveau équivalent.
La DDEC 245, attribuée aux départements, est affectée aux investissements concernant les
collèges.
Les subventions spécifiques qui constituaient autrefois la règle de droit commun sont
devenues l’exception. Elles ont été pour leur majeure partie intégrées au sein de la DGE.
Divers ministères accordent des subventions spécifiques.
La TVA a constitué au début des années 1970 un point de friction important entre l’État
et les collectivités locales. Ces dernières, en tant qu’ayant participé à part entière à la
modernisation du pays et des infrastructures, notamment à partir des années 1960, ont été
confrontées à des charges croissantes tant en dépenses d’investissement que de
fonctionnement les ayant conduits à réclamer de plus en plus vigoureusement le
remboursement de la TVA acquittée à ce titre. D’autre part, et sous les premiers effets de
la crise économique provoquée par les deux chocs pétroliers (1973 et 1979) commençant à
affecter les finances de l’État, celui-ci s’est tourné alors vers une responsabilisation des
collectivités locales prenant la forme dans la seconde moitié des années 1970 de nouveaux
dispositifs de subventions et de prêts globaux, suivis d’un élargissement de leurs
compétences. Par ailleurs, la création du dispositif s’inscrivait dans le plan de soutien à
l’économie mis en place par le gouvernement de Jacques Chirac pour répondre à la crise,
considérée alors comme conjoncturelle, déclenchée par le premier choc pétrolier. C’est
dans ce contexte que les élus locaux, préoccupés de trouver de nouvelles ressources, ont
notamment pu faire valoir le fait que le montant des subventions versées par l’État était
largement obéré/annulé par le montant de la TVA incluse dans le prix de l’équipement sans
oublier celle incluse dans le prix des autres biens et services.
Une enquête effectuée en 1977 à l’initiative du Premier ministre montrait que « les
maires critiquent une situation dans laquelle ils estiment que le montant des subventions
spécifiques versées par l’État est annulé par les sommes que les communes lui acquittent
au titre de la TVA » 246. En effet, en tant que consommatrices, les communes paient la TVA
incluse dans le prix des biens et services qu’elles acquièrent. La récupération de celle-ci
peut intervenir toutefois dans le cadre de l’exploitation d’un service donnant lieu au
paiement d’une redevance, par imputation sur la TVA collectée due au Trésor. Ce cas est
celui dans lequel les collectivités territoriales, normalement exclues du champ de la TVA,
peuvent cependant être assujetties de droit ou encore opter pour leur
assujettissement. On citera, notamment à titre d’exemple 247, la location de matériel, les
prestations de services portuaires ou l’exploitation de carrières. L’option est possible pour
les eaux d’assainissement, les abattoirs, les ordures ménagères ou les marchés d’intérêt
national.
Hormis les cas où elles peuvent être assujetties, les collectivités territoriales ont obtenu
que l’État procède à une compensation de la TVA payée par elles sur leurs
investissements. Ce remboursement, considéré à l’origine comme une subvention
d’équipement, est géré au travers d’un fonds, le Fonds de compensation pour la TVA 248. Il
est régi par les articles L. 1615-1 à L. 1615-13 du Code général des collectivités
territoriales.
1. Historique
La loi du 29 juillet 1975 puis la loi de finances rectificative pour 1975 (loi du 13
septembre 1975) ont institué un système de remboursement de la TVA qui a abouti à la
mise sur pied d’un mécanisme instituant une subvention destinée à compenser la charge
de la taxe frappant les investissements. Un fonds de compensation a été créé par l’article
13 de la loi du 13 septembre 1975 : le Fonds d’équipement des collectivités locales (FECL)
249
. Ce fonds a permis que s’amorce un processus de remboursement, au moins partiel au
début, de la TVA supportée par les collectivités locales ; on précisera que les sommes
octroyées à ce titre n’étaient pas considérées comme un remboursement mais comme une
subvention d’équipement indépendante des investissements préalablement réalisés ;
toutefois, à partir du 1er janvier 1978, et sur la base de la loi du 29 décembre 1976, ainsi
que du décret du 28 octobre 1977, au terme desquels le FECL a changé d’appellation en
devenant Fonds de compensation pour la TVA, un lien a été établi (à partir de 1979) entre
la dotation et les dépenses d’investissements réalisées, ce qui fait apparaître plus
clairement le rapport de cette dotation avec la TVA.
2. Fonctionnement
Il faut d’abord observer que le FCTVA ne participe d’aucune manière aux mécanismes
fiscaux propres à la TVA. Il s’agit d’un dispositif qui se situe totalement en dehors du droit
fiscal.
Le financement de l’État par le biais de ce fonds est passé de 1 milliard de francs en
1976 (0,15 million d’euros) à 6,2 milliards d’euros en 2010, 6,04 milliards en 2011, 5,63 en
2013, 5,77 milliards en 2014 et 5,96 milliards en 2015. Il permet maintenant de procéder à
une compensation quasi totale de la TVA acquittée sur les biens d’équipement acquis
durant la pénultième année 250.
Les collectivités éligibles sont les communes, les départements, les régions, les
groupements, les métropoles, les communes nouvelles, le CNFPT, les caisses des écoles...
Les opérations bénéficiaires sont les dépenses réelles d’investissement ayant supporté la
TVA, que celles-ci aient été faites directement par les collectivités locales ou pour leur
compte.
Les attributions accordées aux collectivités territoriales sont calculées en appliquant, en
2015, un taux de 16,404 % au montant des dépenses réelles d’investissement TTC. Ce taux
était de 15,482 % en 2013 et de 15,761 % en 2014 ; il tenait compte de l’incidence, sur les
recettes de TVA, du prélèvement effectué au profit du budget de l’Union européenne
(incidence fixée à 0,905 %). Et comme le précise la note d’information de la DGCL en date
du 31 janvier 2015, « le nouveau taux forfaitaire ne concerne en 2015 que les seules
collectivités dont l’assiette des dépenses éligibles est constituée des dépenses réalisées
l’année même. Sont ainsi concernées par ce nouveau taux les communautés de
communes, les communautés d’agglomération, les communes nouvelles, les métropoles se
substituant à des communautés d’agglomération et les collectivités bénéficiant du
versement du FCTVA l’année même de la dépense en application du dispositif dérogatoire
prévu par l’article L. 1615-6 du CGCT relatif aux intempéries exceptionnelles. Les
bénéficiaires du versement anticipé (n+ 1) se verront appliquer le taux forfaitaire de
15,761 %. Les collectivités relevant du régime de droit commun (n+ 2) se verront appliquer
le taux forfaitaire de 15,482 % ».
Normalement inscrite en recettes d’investissement, cette subvention peut venir en
compensation des intérêts des emprunts et être comptabilisée en partie en recettes de
fonctionnement lorsque le remboursement de TVA est supérieur aux dépenses totales
d’investissement.
Le FCTVA fait l’objet de certaines critiques telles que celle relative à l’absence de prise en
compte des dépenses de fonctionnement ou bien au caractère tardif du remboursement
qui, intervenant deux ans après pour les communes, départements, et régions (sauf cas
particuliers des collectivités s’étant inscrites dans le dispositif de relance des
investissements ainsi que des groupements), ne permet pas une compensation totale
compte tenu de l’inflation. Toutefois, la Caisse des dépôts met à disposition des
collectivités locales des prêts de trésorerie à taux zéro qui constituent une avance sur les
versements à venir du FCTVA. Par ailleurs, il faut souligner que le FCTVA lie l’État aux
décisions d’investissement des collectivités locales sans réelle maîtrise de sa part.
N.B. : Le FCTVA a été intégré dans les dispositifs de relance de l’économie et plus particulièrement de relance des
investissements publics. En effet, une loi de finance rectificative pour 2009 (loi no 2009-122 du 4 février 2009) a introduit
dans son article 1 (codifié à l’art. L. 1615-6 II du CGCT) une réduction à un an du délai de remboursement de la TVA pour
les collectivités ayant conclu un accord avec l’État (ce dispositif concerne 20 683 sur 57 490 bénéficiaires du fonds
susceptibles de conclure cet accord). Selon l’article L. 1615-6, les collectivités bénéficiaires du FCTVA « qui s’engagent,
entre le 1er janvier et le 15 mai 2010 par convention avec le représentant de l’État dans le département, sur une
progression de leurs dépenses réelles d’équipement en 2010 par rapport à la moyenne de leurs dépenses réelles
d’équipement de 2005, 2006, 2007 et 2008, les dépenses à prendre en considération sont, à compter de 2010, celles
afférentes à l’exercice précédent. En 2010, pour ces bénéficiaires, les dépenses réelles d’investissement éligibles de 2008
s’ajoutent à celles afférentes à l’exercice 2009 pour le calcul des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur
la valeur ajoutée ». Par ailleurs, « si les dépenses réelles d’équipement constatées au titre de l’exercice 2010, établies par
l’ordonnateur de la collectivité bénéficiaire avant le 15 février 2011 et visées par le comptable local, sont inférieures à la
moyenne de celles inscrites dans les comptes administratifs 2005, 2006, 2007 et 2008, cette collectivité ne perçoit alors
aucune attribution au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée en 2011 au titre des dépenses
réelles d’investissement de 2009 ayant déjà donné lieu à attribution ».
*
Le FCTVA, sous des apparences tout à fait techniques, pose des questions qui relèvent
tout autant de choix politiques que de choix économiques et plus largement d’un modèle
de société en pleine évolution depuis ces dernières années. En effet, la direction qui a été
prise d’instituer un remboursement par l’État de la TVA qui est supportée par les acteurs
locaux plutôt que les assujettir à cet impôt pour l’ensemble de leurs opérations ne peut se
réduire au seul fait qu’un rapport de forces s’est instauré entre l’État et les collectivités
locales dont il est résulté un compromis. Certes la création du FCTVA peut être analysée
sous cet angle purement factuel, mais il faut relever qu’une telle solution n’aurait pas été
possible si un cadre général de pensée n’en avait pas facilité l’acceptation.
Il faut souligner en effet que le fonds participe d’un point de vue qui était très présent en
France au cours des années 1970 et qui considère l’État comme un régulateur essentiel. En
même temps, une autre logique était également présente, celle du marché économique lui
aussi conçu comme régulateur et dont l’expression « fiscale » s’incarne dans un impôt dont
le mécanisme est bâti pour en assurer la neutralité, on veut dire la TVA. La voie qui a été
alors empruntée, d’une part de permettre aux collectivités locales de se tourner vers un
assujettissement à la TVA sur option pour un certain nombre de services industriels et
commerciaux, d’autre part de se voir rembourser cet impôt lorsqu’il concerne leurs
investissements traduit en définitive une incapacité à faire un choix clair, autrement dit à
opter pour l’État ou pour le marché économique. Mieux encore, la complexité du régime
TVA appliqué au secteur public local amplifie et reflète cette difficulté d’associer ces deux
modèles. Enfin, on l’a dit, près des trois quart des investissements publics civils sont
réalisés par les collectivités locales. Or, le maintien d’un bon niveau d’équipements, et par
conséquent d’un bon niveau de services aux citoyens, relève d’un véritable casse-tête pour
elles lorsque l’on sait que leur capacité de financement risque de diminuer très
sensiblement du fait de la réduction de leurs dotations programmée jusqu’à 2017, et cela
bien que l’emprunt ne soit plus un véritable problème aujourd’hui. Or, parmi les pistes de
solutions possibles et plutôt que de continuer à s’engager dans des opérations d’achat
lourdes, l’une des voies pourrait consister à utiliser la location-vente ou la location simple
comme le font nombre d’entreprises. Il conviendrait alors d’évaluer la pertinence du
fonctionnement du FCTVA car en quarante années le contexte financier et culturel a
profondément changé. En effet, les comportements des consommateurs comme des
entreprises se sont modifiés au regard de l’utilisation des équipements notamment sous
l’effet d’une tendance générale qui voit se substituer la location de matériel à son
acquisition. On peut constater aujourd’hui que les particuliers, hormis en ce qui concerne
leurs biens immobiliers qui constituent l’essentiel de leur patrimoine, ainsi que les
entreprises sont de plus en plus enclins à louer leurs équipements ou leur matériel de
production plutôt que les acheter.
Un tel constat devrait conduire à s’interroger sur le bien-fondé de l’exclusion de la
section d’investissement des budgets locaux de ce qui correspond au final à une autre
manière de s’équiper et de satisfaire aux besoins des populations. D’ailleurs, si l’on
considère la norme 6 du plan comptable de l’État comme la norme IPSAS 13 (« Locations »)
ou encore le SEC 2010 (§ 15-14), les biens en location-vente sont inscrits en tant
qu’immobilisations corporelles à l’actif du bilan ainsi qu’au passif, pour les paiements à
effectuer, sans que soit exigée une obligation d’achat. Le caractère économique du
dispositif est ainsi pris en compte et l’on peut déjà se demander pourquoi il n’en serait pas
de même en comptabilité locale. Plus encore, dans la mesure où ce dispositif, pour l’instant
réservé à l’État, ne débouche pas nécessairement sur un achat, pourquoi la location simple
ne pourrait-elle pas entrer dans le même cadre ? Certes, pour les collectivités locales, un
raisonnement à droit constant interdit un tel procédé notamment parce qu’en principe,
seules sont éligibles au FCTVA les dépenses relatives à des investissements destinés à
intégrer le patrimoine de la collectivité. Toutefois, on le sait, le droit se trouve aujourd’hui
dans l’obligation de s’adapter à des situations tout à fait inédites liées aux transformations
en profondeur que connaissent nos sociétés, notamment celles relatives aux contraintes
budgétaires auxquelles le secteur public est confronté. D’ailleurs, un certain nombre
d’exceptions existent, ce qui invite à penser qu’il serait possible d’y ajouter les biens en
location.
Plus largement, tout paraît indiquer que le cadre d’ensemble de la TVA dans lequel se
trouvent placées les collectivités locales se heurte dans la période contemporaine à
plusieurs types d’obstacles tous liés aux mutations économiques et sociologiques de notre
société. Leur situation ambiguë par rapport à la TVA a pour conséquence de fausser les
arbitrages entre achat et location d’équipements qu’elles seraient susceptibles de faire
après un calcul économique. En l’état actuel et bien que les collectivités locales ont en
principe le libre choix de leurs dépenses, cet arbitrage est très largement déterminé dans
la pratique par le cadre juridique de la TVA et l’existence du FCTVA. L’achat se révèle être
une solution plus facile, ou plus exactement plus séduisante, compte tenu de la
perspective d’un remboursement de la TVA sans être pour autant la solution la meilleure
pour les finances de la collectivité et pour le citoyen-contribuable-usager. En outre il se
justifie d’autant moins que la gouvernance financière locale rencontre aujourd’hui de
graves difficultés qui nécessitent le développement d’une culture de gestion, autrement
dit, une liberté de choix permettant de définir les stratégies les mieux adaptées. Pour
toutes ces raisons, et aussi parce que la culture de l’usage des biens tend à changer
considérablement, il serait justifié d’adapter la législation afférente au FCTVA à la réalité du
monde contemporain.
Évolution du FCTVA sur dix ans
(en M€) 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2009* 2010 2010* 2011 2012 2013
FCTVA en 3 3 3 4 4 5 5 8 355 6 7 228 6 5 5
LFI 664 710 791 030 711 192 855 228 040 507 627
Évolution 1 % 1% 2% 6% 17 % 10 % 13 % 6% –3%–9%2%
du FCTVA
en LFI
(N/N-1)
(*) Y compris plan de relance.
Source : Ministère des Finances, Annexe jaune au projet de loi de finances pour 2013, Transferts financiers de l’État aux
collectivités territoriales, p. 130.
La loi de finances initiale pour 2008 a institué un nouveau dispositif qui supprime
l’évolution en fonction du taux de croissance, il s’agit du « contrat de stabilité ». On
rappellera que le gouvernement avait déjà évoqué au printemps 2006 la modification du
mode de calcul du contrat de croissance et de solidarité et proposé de ne plus tenir compte
que du taux d’inflation prévu (comme c’était le cas avec le pacte de stabilité financière de
1996). Cependant, cette éventualité avait alors été provisoirement écartée.
Or, la décision a finalement été prise dans le cadre de la loi de finances initiale pour
2008. En effet, selon l’article 36 de cette loi, « la dotation globale de fonctionnement, la
dotation spéciale pour le logement des instituteurs, la dotation élu local, la dotation globale
d’équipement, la dotation générale de décentralisation, la dotation générale de
décentralisation pour la formation professionnelle, la dotation générale de décentralisation
pour la Corse, la dotation départementale d’équipement des collèges, la dotation régionale
d’équipement scolaire, la dotation de compensation de la suppression progressive de la
part salaires de la taxe professionnelle versée aux fonds départementaux de péréquation
de la taxe professionnelle, la dotation de compensation de la réduction de la fraction
imposable des recettes de la taxe professionnelle, les dotations de compensation des
exonérations des parts départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non
bâties afférentes aux terrains agricoles (hors Corse) et la dotation de compensation de la
taxe professionnelle, y compris la réduction pour création d’établissements, forment un
ensemble dont le montant est augmenté, de la loi de finances initiale de l’année
précédente à la loi de finances initiale de l’année de versement, par application d’un indice
égal au taux prévisionnel d’évolution des prix à la consommation des ménages (hors
tabac) de l’année de versement associé au projet de loi de finances de cette même année
».
Ce dispositif a ensuite été renforcé par la loi de programmation des finances publiques
pour 2009-2012 du 8 février 2009. En effet, selon l’article 7 de cette loi qui concerne la
maîtrise de l’ensemble des dépenses publiques, l’évolution des prélèvements sur recettes
de l’État établis au profit des collectivités territoriales, de la dotation générale de
décentralisation de la formation professionnelle, des dépenses du budget général relevant
de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », est égale, chaque année à
l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation. Autrement dit, il s’est agi d’aligner
une partie des dotations de l’État sur sa propre norme de dépenses.
Plutôt que d’imposer une norme de dépenses aux collectivités territoriales, ce qui
poserait problème au regard du principe constitutionnel de libre administration 253, il a
d’abord été choisi d’agir sur leurs ressources en stabilisant le montant de la plupart des
dotations pour la période 2011-2013. Cette solution qui avait été préconisée par le rapport
Carrez-Thénault 254 figure à l’article 7 de la loi de programmation des finances publiques 255
2011-2014. Selon ce texte, les crédits alloués aux collectivités locales dans le cadre des
prélèvements sur recettes (excepté ceux concernant le fonds de compensation pour la taxe
sur la valeur ajoutée et les dotations de compensation de la réforme de la taxe
professionnelle) ainsi que ceux figurant à la mission « Relations avec les collectivités
territoriales » sont gelés au niveau de 2010. Cette mesure s’explique par le souci de faire
participer le secteur local à l’effort de redressement des finances.
La loi de programmation des finances publiques pour 2012/2017 a poursuivi la même
logique.
Montant maximum de l’évolution des concours financiers de l’État aux
collectivités territoriales
2012 2013 2014 2015
50,53 50,53 49,78 49,03
Source : Loi de programmation des finances publiques 2012-2017.
Quant à la loi de programmation 2015-2019, elle prévoit, on l’a dit 256, un programme
d’économies de 50 milliards d’euros de 2015 à 2017, dont 11 milliards pour les collectivités
locales qui supportent ainsi une baisse de leurs dotations de 3,7 milliards par an.
*
On l’a compris, il s’agit pour l’État de poursuivre une voie, déjà bien amorcée et
pointée du doigt dès 1986 par le rapport Feuilloley-Raynaud 257, allant dans le
sens d’une régulation globale des finances publiques.
C’est dans cette logique que s’inscrivent des mesures comme celles prévues dans un
premier temps par le « pacte de stabilité », puis par les « contrats de croissance et de
solidarité » et le « contrat de stabilité » et enfin par le « gel » ou la réduction de certaines
dotations. Plus encore, cette logique se trouve renforcée par la direction impulsée par
l’Union européenne depuis le traité de Maastricht (1992) avec l’objectif poursuivi d’une
réduction du déficit public et d’un équilibre des finances publiques. Le processus, qui vise à
respecter une « règle d’or » 258, s’est considérablement accéléré dans la période récente
sous la pression des difficultés rencontrées par la zone euro. La signature du traité sur la
stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire
(TSCG), qualifié de « pacte budgétaire européen », signé le 2 mars 2012 par les chefs
d’État ou de gouvernement de tous les États membres de l’Union, à l’exception du
Royaume-Uni et de la République tchèque, marque une étape importante dans cette
évolution.
L’emprunt s’est trouvé profondément bouleversé ces vingt dernières années tant dans
ses modalités que dans ses structures et ses acteurs.
À un dispositif d’encadrement très strict a fait place, en effet, une liberté quasi totale. À
un nombre très limité de prêteurs a succédé une grande variété. Autant d’éléments qui
laissent supposer que les collectivités territoriales disposent maintenant d’une totale
autonomie en la matière. Or, il convient cependant de ne pas associer trop intimement
autonomie financière et liberté financière. On veut dire par là que la liberté
d’emprunter qui est maintenant bien réelle ne se traduit pas nécessairement par une
moins grande dépendance ou hétéronomie de la collectivité et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, l’abrogation de l’ancienne réglementation 260 a évidemment
considérablement accru l’autonomie d’action des collectivités territoriales en matière
d’emprunt ; leurs choix s’en sont trouvés démultipliés et surtout leur dépendance à cet
égard vis-à-vis de l’État a quasiment disparu.
Par ailleurs, et bien que l’on ne puisse porter un jugement uniforme tant est diversifié le
secteur local, la crise financière de 2008 (crise dite « des subprimes ») a mis en évidence
la fragilité des décisions prises en matière d’emprunt ainsi que l’importance des risques
encourus avec l’utilisation de produits structurés 261. Par conséquent les collectivités
territoriales doivent impérativement parvenir à maîtriser des mécanismes parfois fort
compliqués et être en mesure d’assumer les contraintes liées à leur inscription de fait au
sein d’un marché financier plein d’incertitudes. C’est seulement alors qu’elles seront en
mesure d’acquérir une autonomie dans le domaine, c’est-à-dire de contrôler véritablement
leurs décisions d’emprunts.
Ainsi, les collectivités locales sont entrées dans un système à risques : à risques
financiers certes, mais également à risques au regard de leur pouvoir de décision qui
pourrait aisément devenir dépendant des choix effectués par les institutions financières,
même si en apparence on peut s’estimer en droit de penser que la mise en concurrence de
celles-ci constitue une garantie d’indépendance pour leurs clients. Les collectivités les plus
démunies vis-à-vis d’un tel risque sont celles, et elles sont nombreuses en France, qui ne
disposent ni du savoir-faire nécessaire ni a fortiori d’une puissance économique et
financière source d’équilibre des rapports. Un partenariat dans ces conditions ne peut tout
au plus se concevoir que dans le cadre d’un soutien dont la bienveillance ne peut
évidemment aller au-delà des objectifs stratégiques que se sera fixés l’établissement
financier. Et la faculté de pouvoir changer de partenaire ne modifie en rien les données du
problème tant que la collectivité n’a pas elle-même acquis les moyens de faire valoir sa
propre stratégie.
L’endettement des collectivités locales en 2013
Secteur communal Départements Régions
montant évolution montant évolution montant évolution monta
en Md€ 2013/2012 en Md€ 2013/2012 en Md€ 2013/2012 en Md
Intérêts de la
dette 3,0 + 0,9 % 0,9 -2% 0,6 + 1,9 % 4,5
Remboursements
de dette 7,9 + 3,6 % 2,9 - 17,9 % 2,1 + 4,3 % 12,8
Secteur communal Départements Régions
montant évolution montant évolution montant évolution monta
en Md€ 2013/2012 en Md€ 2013/2012 en Md€ 2013/2012 en Md
Nouveaux
emprunts 9,9 - 6,9 % 3,8 - 8,8 % 3,1 + 0,3 % 16,8
Dette au 31/12* 84,7 + 2,5 % 32,2 + 3,6 % 20,1 + 5,3 % 137,0
Dette au
31/12/recettes
de
fonctionnement 81,2 % 49,7 % 88,0 %
Annuité de la
dette/recettes de
fonctionnement 10,4 % 5,9 % 11,8 %
* Dette inscrite dans les budgets principaux uniquement.
Source : DGFiP, Rapport 2014 de l’Observatoire des finances locales du Comité des finances locales, p. 41.
Le constat que l’on peut faire aujourd’hui amène à souligner le fait que la crainte un
moment présente de voir le marché financier local s’assécher s’est éloignée avec le
soutien apporté par l’État et l’apparition de nouveaux préteurs.
Un retour sur les deux dernières décennies fait apparaître un désendettement des
collectivités locales 262 au cours des années 1990 (la baisse de l’encours de la dette que l’on
a observée de 1997 à 2000 concernait principalement les grandes communes, les
départements et les régions) avec un ralentissement du rythme de progression des
remboursements depuis 2000 et une remontée de l’endettement à partir de 2003. En 2006
les emprunts nouveaux, qui suivaient en cela l’évolution de l’investissement local,
progressaient d’environ 5 % par rapport à 2005. Les nouveaux emprunts étaient alors
supérieurs aux remboursements. En 2007, la progression est peu importante à la
différence de 2008 qui a connu une hausse de 8 %. Si l’on peut considérer que les deux
années suivantes ont été une période de sécurisation de la dette et d’observation, il
convient pour les années à venir de mettre en relation l’emprunt local avec la situation
nouvelle des finances locales, liée notamment à la suppression de la taxe professionnelle,
mais également avec la politique financière de l’État qui accentue son effort de maîtrise
des dépenses publiques. Cette configuration qui a pour effet un resserrement des
ressources propres (dotation et fiscalité) devrait conduire certaines collectivités locales à
se tourner vers l’emprunt comme ressource de substitution ou bien, on l’a dit, à réduire
leurs investissements. Or, une telle évolution fait peser le risque d’une dégradation
de leurs finances qui pourrait encore s’aggraver dans le cas où les taux
d’intérêts, aujourd’hui très bas, viendraient à augmenter.
Tel qu’il fonctionnait avant les lois de décentralisation, le dispositif en place visait à
assurer à l’État un contrôle des prêts octroyés aux collectivités locales, ce qui lui permettait
d’intervenir économiquement et financièrement sur les politiques locales. En effet, les
collectivités locales étaient soumises à un ensemble d’obligations qui leur laissait peu
d’initiative. Elles devaient demander une approbation préfectorale lorsqu’elles entendaient
emprunter à des organismes privés ou lorsque le taux d’intérêt ou la durée
d’amortissement étaient supérieurs à des limites fixées par arrêté publié chaque mois au
Journal officiel. En outre, la globalisation des prêts n’était autorisée que dans certaines
situations particulières. Le droit commun voulait que les collectivités emprunteuses
affectent le produit de l’emprunt aux investissements précis pour lesquels la demande
avait été faite. Par ailleurs, les collectivités locales pouvaient obtenir des prêts à taux
privilégiés 264 auprès des institutions financières publiques ou semi-publiques 265 à condition
que l’investissement projeté bénéficie d’une subvention, règle qui rendait les collectivités
locales très dépendantes des décisions d’investissement de l’État.
Un tel régime qui visait à réguler l’emprunt devait s’avérer inefficace dans la réalité.
L’État, désireux de ne pas bloquer complètement l’offre de prêts à taux privilégiés fut
obligé, de fait, à procéder à une atomisation des subventions, modifiant même parfois la
dépense subventionnable en l’abaissant. Or les organismes prêteurs prêtaient la différence
entre la dépense subventionnable et la subvention accordée, non la différence entre la
dépense réelle et la subvention. Certes le lien prêt-subvention fut en partie supprimé par
une réforme de 1979, toutefois demeurait l’obligation d’un apport minimum prélevé sur les
ressources définitives de la collectivité.
Des signes de libéralisation apparurent dès 1976 avec la mise sur pieds de prêts
globalisés accordés par le groupe Caisse des dépôts et consignations à certaines
communes 266 de plus de 10 000 habitants, ceci dans la lignée des « programmes annuels
d’emprunts » institués par ce même groupe au cours des années 1960. Ce premier pas
vers la globalisation s’est ensuite poursuivi avec la réforme de 1979 qui en a véritablement
institué le principe pour l’ensemble des communes de plus de 10 000 habitants (celles de
moins de 10 000 habitants continuant à être soumises à l’ancien système modifié comme il
a été indiqué).
Il n’est sans doute pas inutile de conserver en mémoire ce passé relativement
récent pour bien mesurer le chemin parcouru depuis une quinzaine d’années.
Une évolution au terme de laquelle les collectivités territoriales, en l’espèce, ont acquis
une liberté de manœuvre quasiment totale si l’on considère la nouvelle législation.
A. La libéralisation de l’emprunt
La loi du 2 mars 1982 a libéralisé le droit d’emprunter pour les collectivités locales en
supprimant l’ensemble des obligations antérieures.
La possibilité d’emprunter, qui ne peut toutefois concerner que la couverture des
dépenses d’équipement (la règle d’or), est maintenant très souple puisqu’il n’existe plus
de régime d’approbation préalable ni de contrôle a priori. Le montant, le taux, l’organisme
prêteur, sont choisis librement par la collectivité locale et la décision du conseil de la
collectivité est exécutoire de plein droit dès publication et transmission au représentant de
l’État. En contrepartie de cette liberté, le remboursement de la dette constitue une
dépense obligatoire (art. L. 221-2, L. 3321-1, L. 4321-1, CGCT).
La suppression des taux privilégiés et la mise en concurrence des prêteurs face aux
collectivités territoriales ont engendré une « banalisation » de l’emprunt ainsi qu’une
transformation complète du système financier local à partir de 1986 268. On indiquera que
l’abandon des prêts bonifiés a été décidé lorsqu’est apparue une diminution des sommes
déposées sur les livrets A par les épargnants 269. Au même moment, les banques, qui
perdaient une partie de leur clientèle (les entreprises étant en mesure de se financer
directement sur le marché financier par émission de billets de trésorerie) ont vu dans le
secteur local un marché potentiel à explorer, d’autant que la concurrence devenait possible
avec le secteur bancaire traditionnel de ces collectivités puisque les prêts à taux privilégiés
avaient été supprimés.
Avec cette ouverture sur le marché financier 270, les collectivités locales se sont vues offrir
des choix très variés tant en ce qui concerne les prêteurs que les produits proposés, ce qui
les conduit à utiliser des pratiques de gestion nouvelles, à se professionnaliser, à
apprendre à gérer des risques.
Perçues comme des clients particulièrement fiables par les banques 271, les collectivités
locales ont fait l’objet d’une attention particulière dès lors qu’ont été abandonnés les prêts
à taux privilégiés. Dans un premier temps, à la fin des années 1980, une concurrence
sévère se développe entre banques. Les prêteurs traditionnels des collectivités territoriales
vont faire appel au marché financier pour dégager de nouvelles ressources, avec pour
conséquence l’impossibilité de continuer à offrir des prêts à taux privilégiés, ce qui va
ouvrir au reste du secteur bancaire la possibilité d’un nouveau marché. De nouveaux
prêteurs, en fait la quasi-totalité des banques, vont solliciter ainsi la clientèle des
collectivités territoriales en leur proposant des conditions parfois fort attractives.
Dans un second temps et avec la mise en évidence, quelquefois spectaculaire, du fait
que les collectivités territoriales peuvent s’avérer être des collectivités à risques 272, avec
également les contraintes financières et les résultats négatifs parfois dégagés, les prêteurs
institutionnels vont faire preuve d’une plus grande prudence. Cette prudence devait se
trouver accentuée par la modification du ratio Cooke (en réalité ratio Mac Donough) allant
dans le sens d’un renforcement de la vigilance des banques à l’égard de leurs clients (le
Comité de Bâle du 16 janvier 2000 a notamment proposé un dispositif qui conduit à un
examen plus approfondi du risque qu’est susceptible de représenter la situation financière
de l’emprunteur). Les accords de Bâle III (16 décembre 2010) ont encore renforcé le
dispositif notamment en ce qui concerne le ratio de couverture des liquidités qui devrait
commencer à s’appliquer en 2015 à hauteur de 60 % pour l’être à 100 % en 2019 273.
• Dexia-Crédit local
Issu d’une transformation de la CAECL en société anonyme à capitaux en majorité
publics le 4 octobre 1987, le Crédit local de France a été entièrement privatisé en juin 1993
274
. Le CLF et le Crédit communal de Belgique ont ensuite constitué un groupe bancaire
européen, Dexia, à la fin de l’année 1996. Première banque des collectivités locales jusqu’à
la crise financière de la fin 2008, cette institution financière a connu des difficultés
majeures qui l’ont conduite à disparaître.
Cf. chapitre 6.
Chapitre 5
Le financement de l’action locale par la gestion du
patrimoine et des services
Lorsqu’elles disposent d’un patrimoine, les collectivités locales peuvent en tirer des
ressources qui varient certes selon son importance mais également selon le mode
d’exploitation et de gestion. Aujourd’hui encore, si l’on considère les collectivités locales
dans leur ensemble, force est d’observer qu’elles ne connaissent pas toujours avec une
grande précision la valeur de leur patrimoine comme elles ne pratiquent pas toujours une
gestion rationnelle de celui-ci. On rencontre une situation similaire en ce qui concerne
l’exploitation des services.
Depuis quelques années toutefois, le souci voire même la prétention de mieux gérer le
patrimoine local et les services publics s’est très clairement affirmé. À tel point d’ailleurs
que l’on peut rencontrer dans ce domaine des appréciations d’un optimisme quelque peu
excessif qu’il convient évidemment de tempérer bien qu’elles reflètent une réelle direction
générale. Il semble en effet que l’on ait très concrètement franchi un pas d’importance
vers une gestion plus rationnelle, plus dynamique et plus sophistiquée, empruntant
beaucoup aux méthodes de l’entreprise sans que l’on puisse identifier pour autant la
gestion publique locale à la gestion privée 294.
Malgré les engouements de première heure ou contre ceux-ci, la gestion locale paraît
plutôt s’orienter vers une conception originale qui n’exclut pas pour autant un certain
nombre de bouleversements dans les habitudes, les façons de faire et de penser le
système local. Il se pourrait aussi que, du fait des difficultés financières qu’elles
rencontrent ainsi que de la culture d’entreprise qui en imprègne la gestion, l’impôt ne
laisse une place de plus en plus grande à la redevance 295 et finalement au prix du service
rendu par le secteur public 296.
Les produits domaniaux sont de deux sortes : les uns concernent les revenus tirés du
domaine privé de la collectivité, les autres ceux du domaine public.
Les collectivités territoriales peuvent être propriétaires en propre de certains biens et ont
à l’égard de ceux-ci la capacité juridique d’effectuer tous les actes se rapportant à leur
droit de propriété.
Aussi, elles peuvent en tirer des revenus d’exploitation 297 ou encore les aliéner.
Les revenus d’exploitation sont divers ; il s’agit le plus souvent de loyers, fermages,
produits des propriétés, ventes de coupes de bois, etc.
La collectivité peut également vendre une partie de ce patrimoine, la vente devant être
inscrite obligatoirement en ressources d’investissement.
La majeure partie des revenus tirés du patrimoine privé se retrouve dans les communes
de moins de 10 000 habitants.
La gestion des services publics locaux fait l’objet d’une attention particulière de la part
des élus. La réalisation de ces services, qui pour la plupart ne sont pas obligatoires, a un
caractère impératif de fait pour les gestionnaires locaux qui ont la charge de répondre aux
besoins de la population. Ces services se sont multipliés sous la pression de l’évolution
économique et sociale.
En matière de services publics locaux, l’espace local apparaît aujourd’hui comme un
espace de décision et de gestion aux formes très diverses selon les choix faits pour en
assurer le développement. La gestion des services publics locaux paraît ainsi participer
tout particulièrement de l’ouverture du système local et ce à plusieurs titres. D’abord par
les modes utilisés qui sont divers et qui combinent gestion déléguée et gestion directe.
Ensuite par les formes choisies qui voient se côtoyer ou s’articuler gestion partenariale et
individuelle, association d’acteurs publics de tous niveaux, association d’acteurs publics et
privés.
Cette direction que prend l’action locale est parfois critiquée comme risquant
d’engendrer un démembrement du secteur public local préjudiciable à la réalisation de
l’intérêt général. Mais elle exprime tout aussi fondamentalement une recomposition de
l’État au travers d’une transformation du milieu local qui devrait aboutir à une redéfinition
des concepts habituellement utilisés.
• La régie directe
C’est le mode le plus ancien d’exploitation des services publics. En l’espèce il n’y a pas
création d’une personne morale distincte de la collectivité et celle-ci garde un contrôle
absolu sur l’exploitation du service. Les opérations effectuées en dépenses et en recettes
sont directement enregistrées au budget de la collectivité. Comme tous les services
administratifs, ceux assurés en régie directe sont soumis aux règles traditionnelles qui
gouvernent l’action locale.
• La régie dotée de l’autonomie financière (art. L. 2221-11 à L. 2221-14 du CGCT)
Avec l’intervention croissante des collectivités locales dans le domaine économique et
social, notamment au lendemain de la Première Guerre mondiale, des décrets-lois des 5
novembre et 28 décembre 1926, 17 février 1930 et 9 janvier 1933, ont organisé
l’isolement des activités industrielles ou commerciales assurées par les collectivités locales
dans une régie pourvue de l’autonomie budgétaire mais non de la personnalité morale, ce
dernier point ayant pour objet de limiter la portée de ce qui a pu être analysé comme une
des premières formes de démembrement des budgets municipaux.
Les produits de ce type de régie figurent dans un budget spécial qui est annexé au
budget de la commune. En outre, la régie est administrée, sous l’autorité du maire ou du
président de la collectivité et de son conseil, par un directeur assisté d’un conseil
d’exploitation désignés sur proposition du maire. Les décisions du conseil d’exploitation
sont ratifiées par le conseil de la collectivité.
• La régie personnalisée (art. L. 2221-10 du CGCT)
Il s’agit d’une régie dotée de l’autonomie financière et de la personnalité morale.
— Un caractère exceptionnel avant le décret-loi du 20 mai 1955
L’exploitation d’un service dans le cadre d’une régie dotée de la personnalité morale ne
concernait avant un décret-loi du 20 mai 1955 que quelques services considérés comme
stratégiques : les transports (1915), le gaz et l’électricité (1917), les régies de marchés
d’intérêt national (1953). Un décret-loi du 20 mai 1955 enlève à cette formule son
caractère d’exception et la généralise en prévoyant que les collectivités territoriales
peuvent remettre la gestion de tous leurs services industriels et commerciaux à des régies
dotées de la personnalité morale.
La généralisation du dispositif semble avoir obéi à un souci de renforcement du contrôle
des opérations réalisées dans le domaine économique par les collectivités locales et à la
recherche d’une rationalisation de la gestion des services assurés par celles-ci.
— Le fonctionnement
Une délibération du conseil est suffisante pour décider de la création de ce type de
dispositif.
La régie est administrée par un conseil d’administration chargé de délibérer sur toutes
les questions la concernant. Le conseil élit en son sein un président, lequel détient voix
prépondérante et désigne un directeur. L’agent comptable est soit un comptable direct du
Trésor, soit un agent comptable spécial nommé par le préfet.
Un certain rapprochement de la gestion de cette catégorie de régie avec celle de
l’entreprise se dessine au travers des objectifs assignés à la comptabilité. Celle-ci doit
permettre le contrôle de l’exécution des prévisions, la détermination du montant des
recettes et des dépenses d’exploitation et l’analyse des coûts des secteurs d’activités. On
retrouve ce même objectif à travers les documents prescrits (balance générale des
comptes, bilan, compte de résultats...).
On peut distinguer parmi les procédures utilisées celles dans lesquelles l’entrepreneur
privé est rémunéré par la collectivité et celles dans lesquelles il se rémunère lui-même.
Les partenariats entre collectivités locales ou entre les collectivités locales et l’État ou
encore entre collectivités locales et organismes privés, constituent l’une des pierres
angulaires du développement local.
Se sont tout particulièrement développées ces dernières années certaines formes
d’institutionnalisation des rapports entre secteur public local et secteur privé réalisant ce
que l’on est convenu d’appeler l’économie mixte locale.
Les sociétés publiques locales d’aménagement ont été créées par la loi no 2006-872 du
13 juillet 2006 modifiée par la loi no 2009-323 du 25 mars 2009 ainsi que par la loi no 2010-
559 du 28 mai 2010. Ce sont des sociétés anonymes dont le capital est détenu à 100 %
par des collectivités territoriales. Le statut de ces sociétés, très semblable à celui des
sociétés publiques locales, s’en différencie cependant dans la mesure où leur champ
d’action est limité à des opérations d’aménagement sur le territoire des collectivités ou des
groupements qui en sont membres.
Par ailleurs, selon l’article L. 327-1 du Code de l’urbanisme, « une des collectivités
territoriales ou un des groupements de collectivités territoriales participant à une société
publique locale d’aménagement détient au moins la majorité des droits de vote ».
Les SPLA bénéficient du même avantage que les SPL en ce qui concerne la mise en
concurrence et cela pour les mêmes raisons.
• Les groupements d’intérêt public (GIP)
Ni société de droit privé, ni association, ni établissement public, le groupement d’intérêt
public est une personne morale offrant aux collectivités territoriales la possibilité de
s’associer avec des partenaires publics (par exemple une université) ou privés pour réaliser
certaines opérations 312. Cette forme juridique, initialement instituée par la loi du 15 juillet
1982, permet la mise en commun de moyens pour un programme de recherche ou de
développement technologique, ou encore pour gérer des équipements d’intérêt commun
nécessaires à ces activités et au développement économique.
Ainsi le GIP peut être constitué uniquement par des personnes publiques, ou par des
personnes privées et publiques. Dans le premier cas, les règles de gestion sont celles
propres aux établissements publics industriels ou commerciaux, dans le second cas il est
possible d’appliquer des règles de gestion du secteur privé. La formule est suffisamment
souple pour permettre la mise en œuvre de projets s’insérant dans un processus plus vaste
de développement économique local, par exemple dans le cadre d’une technopole.
Il est à noter que la loi du 6 février 1992 (art. 133) a institué une nouvelle catégorie de
GIP constitué de personnes morales (publiques ou privées) et de collectivités locales
appartenant le cas échéant à des États membres de l’UE. L’objectif de ces GIP est de
mettre en œuvre et gérer ensemble les actions requises par les projets et programmes de
coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales
appartenant à des États membres de la Communauté européenne. Un décret du 27 mars
1993 a précisé les modalités d’application de cette nouvelle procédure. On soulignera que
le GIP étant doté de l’autonomie financière peut bénéficier des fonds communautaires.
Les contrats de partenariat public-privé sont une nouvelle catégorie de contrats qui ont
pour objet de permettre à l’État et aux collectivités locales de confier au secteur privé la
conception, la gestion, l’exploitation et le financement d’équipements publics. C’est une loi
d’habilitation du 2 juillet 2003 qui a autorisé le gouvernement à créer par ordonnance ce
type de contrat.
Cette procédure est inspirée des « private finance initiative » britanniques qui ont été
mis en place depuis 1992 en Grande-Bretagne et qui concernent aussi bien les transports
que le logement, l’éducation, l’hôpital, la gestion de l’eau ou encore celle des déchets. On
rencontre des formes similaires dans d’autres pays comme l’Espagne, les Pays-Bas, l’Italie
ou le Canada.
Ainsi, selon l’article 6 de la loi du 2 juillet 2003, « le gouvernement est autorisé à prendre
par ordonnance les dispositions nécessaires pour modifier la loi relative à la maîtrise
d’ouvrage public et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et créer de nouvelles
formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées
chargées d’une mission de service public ». Une ordonnance a été prise pour la mise en
place de ce dispositif, il s’agit de l’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de
partenariat.
*
Les collectivités locales ont largement compris qu’il était préférable et même parfois
nécessaire d’œuvrer avec d’autres acteurs publics et privés. L’objectif est très variable, il
peut être soit de rechercher à réaliser des économies, soit de réunir des financements, soit
d’éviter les gaspillages, soit d’obtenir une plus grande souplesse de gestion.
La mutualisation des capacités, la recherche d’un optimum dimensionnel et ainsi d’une
plus grande efficacité fonde généralement de telles pratiques. Les formes prises peuvent
être relativement stables et s’institutionnaliser au travers d’établissements publics de
coopération et de sociétés de capitaux, ou revêtir le caractère d’autres formes plus
éphémères (en réunissant alors des partenaires autour de la seule réalisation d’un
objectif). À cet égard, les partenariats apparaissent de plus en plus volatils et de
forme de plus en plus souvent à géométrie variable, les associations se faisant et se
défaisant selon les projets, les acteurs locaux pouvant participer à plusieurs projets à la
fois sur la base de partenariats très divers. Il est d’ailleurs parfois très difficile, compte tenu
de la fluidité et de l’enchevêtrement des montages, de parvenir à discerner les réels
contours des réseaux qui se font et se défont ainsi que la variété des circuits empruntés.
Un tel phénomène serait conduit à poser la question à la fois de la régulation de
l’action locale et du contrôle de la régularité des actes mais également de la
transparence et de l’efficacité financière des opérations menées dans ce cadre.
On soulignera enfin qu’avec ces multiples partenariats, c’est un système à la fois
solidaire et concurrentiel qui se dessine. Solidaire car très interdépendant et de ce fait à
risque, les défaillances pouvant, on l’a dit, se répercuter en chaîne 323. Concurrentiel car
souvent sans frontières très clairement définies ou dépassant même celles-ci lorsqu’elles
sont réglementées. On s’aperçoit à l’analyse qu’il existe déjà, et s’approfondira à terme, un
décalage entre les pratiques utilisées et les cadres juridiques. La plupart de ces derniers
ont évidemment l’inconvénient, dans leurs principes, de relever d’une époque où
n’existaient pas encore de telles dynamiques. Or vouloir à cet égard refonder ou réactiver
le concept de territoire ou étayer celui de fonctionnalité ne peut que rigidifier le système,
tandis qu’une attitude de « laisser-faire » ne constitue pas davantage une solution
appropriée sauf à croire à la réalité d’une « main invisible » venant réguler l’ensemble.
Le problème de fond soulevé par la multiplicité des partenariats est celui de la
régulation du système local, tout autant que celui de sa transparence. Au-delà de
toute technique financière ou d’organisation, c’est donc un problème fondamentalement
politique qui se pose et qui ne peut que prendre plus d’acuité encore avec l’ouverture de
l’Europe. Pour l’instant, c’est la seule recherche de l’efficacité de gestion qui prime, sans
d’ailleurs que l’on soit vraiment à même d’évaluer avec une absolue certitude la qualité
des résultats des dispositifs et des réseaux mis en place.
C. Les grandes questions posées par la gestion des services publics locaux
De par la fonction économique et sociale qu’ils occupent, les services publics locaux sont
confrontés à des enjeux majeurs liés aux transformations de leur environnement et aux
crises qui le traversent. Il faut ajouter que, face à un contexte de plus en plus incertain, les
citoyens ont tendance à se tourner vers les pouvoirs locaux qu’ils ressentent plus proches
et mieux à même de leur venir en aide. Par ailleurs, et d’une manière générale, les
services publics locaux se sont multipliés sous la pression des impératifs économiques et
sociaux. Ils font l’objet d’une attention particulière de la part des élus qui se voient
maintenant confrontés à des sujets majeurs, souvent liés à la mondialisation, tels que la
protection de l’environnement ; la santé, la sécurité, les transports, le traitement des
déchets... Autant de questions qui dépassent dans de nombreux cas l’échelon municipal,
départemental ou régional.
Autrement dit, les responsables locaux se trouvent sollicités pour répondre à des
problèmes nouveaux liés à un environnement extérieur national et international qui fait
irruption dans le champ local. Il s’ensuit des contraintes financières accrues pour les
collectivités territoriales qui obligent à poser la question de l’optimisation des ressources et
notamment celle de la tarification des services publics.
Il y a encore une trentaine d’années l’on pouvait poser le problème de la tarification des
services publics en termes de choix consistant à faire supporter la charge du service soit à
l’usager en lui faisant payer le juste prix, soit au contribuable par l’impôt. Il n’en est plus de
même aujourd’hui.
Le regain d’intérêt qu’a connu la gestion privée 324 ainsi que les contraintes financières
accrues devant lesquelles se sont trouvées placées depuis plusieurs années les
collectivités locales ont sensiblement changé les données du problème et partant les
attitudes adoptées.
Autrefois encadrés, les prix des services publics sont libres depuis le 1er septembre 1987
325
. Cette liberté n’a pas pour autant systématiquement engendré un accroissement des
produits d’exploitation ; ceux-ci restent souvent faibles et ne permettent pas de financer le
coût réel du service rendu. Aussi l’impôt continue à couvrir pour une part plus ou moins
importante le financement des services publics. Divers facteurs peuvent être mis en
évidence si l’on veut essayer de comprendre cette situation :
— Les élus, pour des motifs électoralistes ou bien parce qu’ils sont influencés par la
conception traditionnelle de la gratuité des services publics, hésitent à augmenter le prix
du service 326.
— On ne peut tarifer la totalité des services. Il en est ainsi de la plupart des services
sociaux.
— La détermination de l’usager n’est pas toujours aisée, l’utilisateur du service n’étant
pas toujours le seul usager. Le fonctionnement d’un service public peut profiter à un
ensemble de personnes et pas seulement à celle qui utilise directement les moyens mis à
sa disposition. C’est par exemple le cas avec les transports publics ; ceux-ci rendent certes
un service direct à leurs utilisateurs mais, indirectement, ils permettent de faciliter la
circulation des automobiles en rendant le trafic plus fluide.
Il est ainsi difficile d’affirmer que le non-usager d’un service ne bénéficie pas à un
moment ou à un autre des équipements collectifs existants, non pas parce qu’il peut être
amené à en faire un usage direct, mais parce qu’il est solidaire dans nos types de sociétés,
d’un vaste ensemble relationnel. Il apparaît donc non pertinent de séparer les individus
entre ceux qui profitent des services collectifs et les autres.
Les outils de gestion utilisés ne permettent pas toujours de connaître avec exactitude le
coût réel des services (par exemple, la nomenclature comptable ne permet pas ou mal
d’individualiser ces coûts).
Le principe d’égalité des citoyens devant le service public (CE, 29 décembre 1911, arrêt
Chomel) empêche d’opérer certaines discriminations au sein d’un même groupe d’usagers
à moins d’une disposition législative particulière ou encore d’une position spéciale de
certains utilisateurs (par exemple, un tarif préférentiel peut parfois être pratiqué pour les
habitants d’une commune alors que l’usager extérieur paiera un prix plus élevé sans que
celui-ci ne soit supérieur au prix de revient) ou encore si l’intérêt général nécessite une
modulation 327.
Des modulations de tarifs sont pratiquées en fonction de l’âge, du nombre d’enfants, de
la situation professionnelle (chômeurs), de l’invalidité, de la qualité d’étudiant, etc.
Toutefois, a été jugé illégal un tarif modulé en fonction du revenu.
Il convient encore de souligner que l’évolution de la tarification des services
rendus se caractérise par son inscription de plus en plus nette dans une culture
économique. À cet égard, l’arrêt d’assemblée du Conseil d’État du 16 juillet 2007,
Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital et Syndicat
national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (confirmé par l’arrêt CE du 29
mai 2009) 328. Selon cet arrêt, « le respect de la règle d’équivalence entre le tarif d’une
redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en
retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du
service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire
». Les considérants vont dans ce sens : « contrairement à ce que soutient le ministre de la
santé et des solidarités, le montant perçu par l’établissement public [...] n’a pas le
caractère d’une redevance domaniale mais celui d’une redevance pour service rendu ;
Considérant que, pour être légalement établie – et, en particulier, ne pas revêtir le
caractère d’une imposition dont seul le législateur pourrait fixer les règles – une redevance
pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation
fournie par le service ou, le cas échéant, dans l’utilisation d’un ouvrage public et, par
conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service ; que, si l’objet du
paiement que l’administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les
charges du service public, il n’en résulte pas nécessairement que le montant de la
redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie ; qu’il s’ensuit que le respect
de la règle d’équivalence entre le tarif d’une redevance et la valeur de la prestation ou du
service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais
aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur
économique de la prestation pour son bénéficiaire ; que, dans tous les cas, le tarif doit être
établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d’égalité entre
les usagers du service public et des règles de la concurrence ».
Il demeure que choisir entre redevance et fiscalisation relève bien souvent d’un véritable
« casse-tête » et l’on rencontre à cet égard une très grande variété de cas de figure. Quoi
qu’il en soit, il est dans la logique de la gestion financière locale que les
responsables des services publics locaux soient amenés d’une part à gérer plus
rationnellement ceux-ci, d’autre part à pratiquer des prix plus proches des coûts réels et
enfin à prendre néanmoins en compte le rôle social de ces services. Comme le fait
remarquer le Conseil des impôts, « les prises de décision seraient grandement facilitées
par une amélioration profonde des instruments comptables et une définition plus
rigoureuse des méthodes d’imputation des coûts » et ajoute-t-il, « l’usager sera d’autant
plus enclin à accepter l’accroissement du niveau des redevances qu’il aura une meilleure
connaissance des coûts et des choix effectués par la municipalité » 329.
La question de l’évaluation des services publics locaux est particulièrement délicate dans
la mesure où elle fait intervenir des catégories de jugement très différentes. En effet, s’il
est toujours possible en se dotant des moyens nécessaires de juger techniquement de
l’efficacité financière d’un service, il devient plus ardu, lorsque l’on veut passer de
l’analyse quantitative à l’analyse qualitative de déterminer un certain nombre de critères
suffisamment objectifs pour servir de référent.
L’évaluation des services publics ne comporte en effet aucune codification, aucune
méthodologie très précise tant les conceptions sont diversifiées en fonction des échelles de
valeur. Par ailleurs, tout aussi fondamentale est la question du lieu de rattachement de
l’évaluateur. Par exemple, celui-ci doit-il être externe au service, ce qui lui confère une plus
grande indépendance mais aussi une plus grande difficulté à collecter les informations.
Doit-on également privilégier une évaluation des programmes d’action en fonction des
besoins de la population et des services rendus à celle-ci, ou plutôt s’attacher à la
rationalité de la gestion du service ?
L’état actuel des recherches et des pratiques fait apparaître qu’« il ne peut y avoir de
monopole de l’évaluation ni de recettes toutes faites pour évaluer ; le pluralisme est de
règle ; et c’est la qualité du travail d’étude effectué, appuyée sur le dialogue entre
l’évaluateur et l’évalué qui permettent, ou non, de formuler certaines conclusions » 330. On
ajoutera que l’évaluation doit participer à notre sens tout à la fois d’un projet de gestion et
d’un projet d’organisation démocratique de la vie locale ; là encore doivent se rencontrer,
se concilier et s’articuler contrôle et efficacité du service.
Hormis les questions relatives au financement même des collectivités locales ou aux
relations financières qu’elles entretiennent avec l’État, il en est une qui prend aujourd’hui
de plus en plus d’épaisseur : celle de l’articulation entre contrôle de régularité et
contrôle de la gestion. Le problème prend une ampleur toujours plus grande au fur et
mesure que se creuse le fossé entre des règles juridiques conçues en fonction d’un
contexte où prédominaient des liens de dépendance entre l’État et les collectivités
territoriales et le contexte actuel qui se caractérise par la recherche d’un optimum
d’efficacité dans la gestion. Un tel écart indique aussi que les conséquences du choix en
faveur de la décentralisation n’ont pas été totalement évaluées.
La définition la plus commune du contrôle le donne comme synonyme de
vérification. Aussi est-ce immédiatement la notion de contrôle de régularité
exercé par les instances administratives et juridictionnelles qui vient à l’esprit à
propos de l’action locale. Celui-ci correspond à la nécessité dans un État de droit de
faire en sorte que les normes en vigueur soient correctement appliquées. Ce mode de
contrôle qui s’accorde avec des préoccupations politiques peut être associé à la recherche
d’une transparence du fonctionnement institutionnel qui est propre à tout projet
démocratique 334. Un tel contrôle est parfaitement adapté à un système local doté d’un
minimum d’initiatives et subissant peu de changements ; mais il en est tout autrement
lorsqu’il s’applique à un ensemble aussi dynamique et complexe que celui d’aujourd’hui. Il
peut apparaître en effet comme facteur de blocages ou de ralentissement de l’action locale
; il peut parfois aussi se révéler incompatible avec la recherche de l’efficacité
dans la gestion financière qui fait précisément l’objet d’une autre approche du
contrôle, empruntée au « management » privé, celle de contrôle de la gestion.
On entend par là la mise en œuvre de moyens techniques permettant de gérer et de
piloter le plus efficacement possible un système en perpétuel changement.
Ainsi se rencontrent aujourd’hui sans forcément s’articuler deux logiques de contrôle : le
contrôle-vérification qui répond à un objectif politique et juridique, et le contrôle-
régulation qui répond à un objectif de gestion.
Une question de fond s’en trouve donc posée : comment intégrer une gestion
moderne à une tradition démocratique qui s’est construite à partir d’un autre
contexte. Une telle problématique n’est pas aisée à résoudre car même si la plupart des
auteurs qui réfléchissent sur la gestion locale s’accordent en majorité pour reconnaître
qu’une collectivité territoriale n’est pas une entreprise et que l’on ne doit pas en calquer le
modèle mais l’adapter, il n’en reste pas moins qu’une projection imaginaire de ce modèle
dans les esprits génère une utilisation non toujours réfléchie d’un vocabulaire dont le sens
n’est évidemment pas le même au sein du contexte local.
D’une semblable situation, il ressort en réalité la nécessité de conceptualiser
autrement l’espace local et national, afin de dégager une logique générale de
régulation de la décentralisation, ou si l’on préfère, d’un contrôle intégrant les deux
facettes dont il vient d’être question, c’est-à-dire combinant normativisme et gestion au
sein d’un système par essence dynamique et changeant, dont l’équilibre demeure
perpétuellement à redéfinir. Or, plus que les institutions et les règles, c’est peut-être au
premier chef une attitude intellectuelle qu’il convient de modifier ; et à cet égard, une
éducation à la complexité qui est celle de nos sociétés s’avère sans aucun doute
nécessaire pour en définir le sens d’abord, les techniques à mettre en place ensuite. On
sait, à cet égard, qu’un cadre d’analyse, une grille d’approche, existe déjà depuis de
nombreuses années et l’on pense à ce qu’il est convenu de qualifier de « méthode
systémique ». Aussi après avoir analysé le contrôle de gestion et le contrôle de régularité
tels qu’ils fonctionnent actuellement, nous nous proposons d’esquisser les grandes lignes
d’une conceptualisation du contrôle plus adaptée à la société contemporaine que l’on
devrait entendre comme un contrôle systémique.
Si la gestion du système local a subi des transformations importantes tout au long de son
histoire, elles n’ont jamais été aussi fondamentales que celles qui sont apparues depuis le
début des années 1980.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les budgets locaux étaient faibles, les collectivités territoriales
assuraient des fonctions en majorité administrative et l’essentiel des investissements
pratiqués concernait les travaux de voirie. C’était alors la période de l’État-gendarme, une
période dominée par l’idée libérale classique qui voulait que le secteur public n’intervienne
qu’au strict minimum dans la vie économique et sociale. Après la Première Guerre
mondiale, les nécessités de reconstruction du pays ainsi que les défaillances du secteur
privé ont eu pour conséquence d’amener les collectivités locales à intervenir en différents
domaines (logement, alimentation...) et ce dans le cadre fixé par la jurisprudence du
Conseil d’État 335 (autour notamment de deux critères essentiels : une activité présentant
un intérêt général, des circonstances particulières). Dès lors, les budgets locaux voient
leurs postes de dépenses augmenter et s’amorce ainsi l’entrée du secteur local dans un
processus qui va prendre toujours plus d’ampleur. Ce rôle des collectivités locales va
s’affirmer encore à partir des années 1930, lorsque se feront sentir en France les effets de
la crise économique de 1929.
Après la Seconde Guerre mondiale, la même situation perdure et l’action locale fait de
plus en plus partie intégrante des politiques interventionnistes de l’État. Tout au long de
cette période et jusqu’au milieu des années 1970, les acteurs locaux sont à la fois des
administrateurs et des bâtisseurs agissant sans véritable autonomie. L’État,
directement ou par l’intermédiaire des institutions financières qui dépendent de lui, opère
un double contrôle sur le secteur local, un contrôle administratif exercé a priori par le
préfet, et un contrôle plus large qui se traduit par une maîtrise et une détermination des
politiques locales. L’approche et la pratique sont verticalistes et centralisatrices.
Une certaine responsabilisation du tissu local va cependant s’amorcer au travers
notamment de l’octroi de prêts et de subventions globalisées, ou encore d’un début de
réforme de la fiscalité locale (Cf. sur ces points les chapitres précédents). Le principe de
subsidiarité 336, qui consiste à faire réaliser par des corps intermédiaires entre l’individu et
l’État, tels que les collectivités territoriales, les opérations qu’ils peuvent conduire, va
s’affirmer progressivement. Sous la poussée des nécessités pointe finalement « le temps
des gestionnaires ». C’est très timidement d’abord que certaines villes s’interrogeant sur
la pertinence de leurs outils de gestion, s’essaient à en expérimenter d’autres, tandis que
les premiers ouvrages sur ce sujet sont publiés 337. Un véritable saut qualitatif va se
produire lorsque seront votées les lois de décentralisation. Une sensibilisation à la gestion
s’affirme et se répand au sein du secteur local. Si celle-ci touche plus particulièrement les
collectivités les plus importantes, elle n’en affecte pas moins certains élus et personnels de
communes de taille plus réduite. La recherche de l’efficacité devient ainsi un impératif. Les
contraintes financières ainsi que l’autonomie nouvelle qui est accordée viennent non
seulement légitimer mais aussi imposer l’idée qu’il convient de contrôler la gestion des
collectivités territoriales.
C’est dans ce contexte que les méthodes de l’entreprise vont peu ou prou
apparaître comme des moyens ad hoc pour le « management » souhaité des
institutions locales.
Du milieu des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, la liberté de gestion des collectivités
locales s’est encore affirmée. De nouvelles contraintes liées à cette liberté et à la
différenciation croissante de l’espace national sont nées et se sont ajoutées à des
contraintes externes également nouvelles tenant d’une part à une internationalisation des
échanges imposant aux États des politiques restrictives en matière de ressources et de
dépenses, d’autre part à une intégration européenne plus nette qui engendre elle-même
des conséquences non négligeables sur l’attitude de certaines régions, villes ou
départements confrontés à une compétition nationale et externe de plus en plus forte.
Ainsi se dessine un espace local qui n’est plus seulement un espace d’administration mais
qui est aussi un espace de gestion et de décision, avec des pôles multiples plus ou
moins importants. Cet espace est également devenu un espace à risques qu’il est
indispensable de contrôler, au sens de réguler.
Le budget est un acte de prévision des dépenses et des recettes qui autorise la
perception des recettes et l’engagement des dépenses. Les collectivités locales élaborent
au moins un document budgétaire, le budget primitif. À ce document peuvent venir
s’ajouter des décisions modificatives dont la principale est le budget supplémentaire.
L’ensemble de tous ces documents forme le budget de la collectivité.
• Le budget primitif
Le budget primitif est le premier budget voté. Il autorise les dépenses et les recettes pour
l’année civile à venir. Il doit être adopté normalement avant le 1er janvier. Toutefois les
collectivités territoriales ne disposent pas de l’ensemble des données financières
nécessaires à l’élaboration du budget avant le début de l’année suivante et notamment
des bases des impôts locaux, indispensables pour en fixer le montant. Aussi sont-elles
autorisées à voter les taux des impôts jusqu’au 31 mars 339. Par ailleurs, les dépenses de
fonctionnement peuvent être engagées ou mandatées à concurrence des sommes figurant
au budget précédent. Les dépenses d’investissement peuvent l’être également, mais à
hauteur du quart de celles de l’année précédente, étant entendu que les remboursements
de la dette peuvent toujours être mandatés, ainsi que les dépenses à caractère pluriannuel
incluses dans une autorisation de programme, et, ce dans la limite des crédits de paiement
prévus au titre de l’exercice (art. L. 1612-1 du CGCT).
Le budget primitif est le seul qui peut inclure, en dehors du budget principal, les budgets
annexes concernant les services à comptabilité distincte mais sans personnalité morale.
• Le budget supplémentaire
Le budget supplémentaire, contrairement au budget primitif, n’est pas obligatoire. Il
s’agit d’une « décision modificative » qui permet de modifier, par des réajustements ou des
rectifications, certains choix faits dans le budget primitif. Il constitue surtout un budget de
liaison avec l’exercice précédent. En effet, les résultats de l’exécution du budget précédent
sont connus au moment du vote du budget supplémentaire et sont pris en compte dans ce
document.
On fera remarquer que ces résultats peuvent être repris par le budget primitif si le
compte de gestion a été transmis à l’ordonnateur et si le compte administratif a été adopté
avant le vote du budget primitif.
• Les décisions modificatives
Une nouvelle rectification des prévisions est toujours possible par le vote de « décisions
modificatives » qui peuvent intervenir jusqu’à la fin de la période budgétaire concernée.
2. La présentation budgétaire
• Les acteurs
Le budget est proposé par le maire ou le président du conseil de la collectivité. D’autres
acteurs interviennent également tels que les personnels administratifs locaux ou des
commissions ad hoc. Dans nombre de petites communes, c’est le secrétaire de mairie qui
prépare le budget, voire même le receveur municipal. Les collectivités plus importantes
disposent en revanche d’un personnel administratif compétent et spécialisé pour
l’élaboration du document budgétaire. La population peut également participer à cette
préparation par le biais de commissions dotées d’un pouvoir consultatif dont la plus
importante est la « commission des finances ».
Le budget est voté par le conseil de la collectivité territoriale. Dans les communes de 3
500 habitants et plus, les départements et les régions, ce vote doit avoir été précédé, dans
les deux mois qui précèdent l’examen du budget, d’un débat sur les grandes orientations.
3. L’exécution du budget
L’exécution du budget est la mise en œuvre des choix qui ont été prévus tant en recettes
qu’en dépenses.
• La période d’exécution
Plutôt que le système de l’exercice qui consiste à rattacher au budget l’ensemble des
opérations le concernant quelle que soit la date à laquelle elles se réalisent, c’est le
système de la gestion qui a été adopté depuis 1960. Ce système institue une période
d’exécution du budget normalement fixée à 12 mois et correspondant à l’année civile, mais
qui peut être prolongée d’un mois jusqu’au 31 janvier de l’exercice suivant pour les
opérations de la section de fonctionnement. On appelle cette dernière période la « journée
complémentaire » car elle prolonge fictivement celle du 31 décembre. Ainsi la collectivité
dispose d’un délai pour procéder à l’émission de titres de perception ou de mandats
correspondants aux droits acquis et services faits durant l’année écoulée. Cette disposition
n’est pas applicable à la section d’investissement dans la mesure où les opérations de
celle-ci peuvent faire l’objet de reports (qui doivent figurer sur un état des reports de
crédits d’investissement visé par l’ordonnateur).
Depuis le 1er janvier 1997, le système de l’exercice est applicable aux collectivités de plus
de 3 500 habitants pour ce qui concerne les dépenses et les recettes figurant à la section
de fonctionnement.
• La séparation des ordonnateurs et des comptables
Un principe domine l’exécution des opérations financières des collectivités publiques ; il
s’agit de celui de la séparation des ordonnateurs et des comptables. Les premiers donnent
l’ordre d’encaisser une recette ou de décaisser une dépense, tandis que les seconds
procèdent au paiement des dettes ou au recouvrement des créances. Cette division en
deux fonctions de la gestion des fonds publics n’est pas nouvelle ; codifiée pour la
première fois par l’ordonnance du 14 septembre 1822, et reprise successivement depuis,
elle est énoncée par les articles 8 et suivants du décret du 7 novembre 2012 relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique 348.
— L’ordonnateur 349
Pour les collectivités territoriales, l’ordonnateur est le maire s’il s’agit d’une commune, le
président du conseil général s’il s’agit d’un département, le président du conseil régional
pour la région. L’ordonnateur ne peut outrepasser les dépenses et les recettes prévues par
le budget.
L’ordonnateur constate, liquide et ordonne le recouvrement des droits dont la collectivité
est créancière 350. Pour que les recettes votées par le conseil puissent être encaissées par le
receveur, comptable public mis à la disposition de la collectivité, il est nécessaire que le
maire ou le président du conseil les lui ait auparavant ordonnées. Cet ordre est donné par
l’établissement d’un « titre de perception » ou « titre de recette ». Le titre indique outre la
désignation de la collectivité, les nom et adresse du débiteur, la somme due, ainsi que
divers renseignements afférents à la créance. Il est établi un titre pour toutes les recettes
relatives aux produits du domaine, services rendus, produits financiers, encaissement des
emprunts, etc. Toutefois, le président du conseil de la collectivité n’intervient pas dans le
recouvrement des impôts locaux et n’émet donc pas de titre de recettes à cet effet. Ce
sont les services de la direction générale des Finances publiques qui sont ordonnateurs et
comptables.
Les dépenses engagées par l’ordonnateur font l’objet d’une liquidation une fois le service
rendu. Elles sont acceptées après avoir été vérifiées. L’opération de vérification consiste de
la part de l’administration locale à s’assurer de la bonne qualité du service, de son
adéquation avec la commande faite, de la sincérité du prix. La facture est ensuite acceptée
par l’ordonnateur qui signe un ordre de payer, appelé mandat, qui est transmis au
comptable public.
L’ordonnateur doit enregistrer les opérations qu’il engage (l’article 54 de la loi du 6
février 1992 a rendu obligatoire la comptabilité d’engagement pour les dépenses, mais rien
n’interdit d’instituer une procédure identique pour les recettes) et tenir une comptabilité
permettant à la fin de la période budgétaire d’établir un état de l’activité de la collectivité
appelé compte administratif.
— Le comptable public 351
Que les objectifs d’une collectivité territoriale soient multiples ou non, les réaliser dans
les meilleures conditions suppose une planification stratégique des investissements, une
sorte de schéma de développement de la collectivité, un plan à long terme. Dans ce plan
peuvent ensuite s’inscrire un plan à moyen terme et un plan à court terme qui permettent
de programmer les investissements avec précision sur plusieurs années. À cet effet, il peut
être fait appel au procédé des délibérations de programmes qui donnent la possibilité au
conseil de la collectivité de ne voter des crédits que par tranche d’opération tout en
prévoyant un programme de financement pluriannuel des équipements. On observera que,
depuis la loi du 6 février 1992, les collectivités locales sont autorisées à utiliser les
autorisations de programme et les crédits de paiement. Or cette possibilité ne permettait
de programmer que les dépenses d’investissement alors qu’il est tout aussi indispensable
de programmer les dépenses de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle le dispositif
des autorisations d’engagement/crédits de paiement institué pour l’État avec la loi
organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a été étendu aux
collectivités territoriales. Autrement dit une programmation pluriannuelle de l’ensemble
des dépenses est possible, hormis celles qui concernent les rémunérations des personnels.
L’équilibre budgétaire de la section d’investissement s’apprécie en tenant compte des
seuls crédits de paiement.
Une telle action doit naturellement faire l’objet d’un suivi qui peut être réalisé grâce à
certains dispositifs de contrôle, par exemple, par ce qu’on appelle un tableau de bord. Le
tableau de bord est « un instrument de sélection des actions correctrices sur le court terme
pour la détection d’écarts mesurables, localisables et maîtrisables » 355. Il s’agit d’un
document, établi avec des fréquences les plus courtes possibles, qui permet de suivre la
réalisation des programmes et de corriger l’action en fonction des indications données par
des « clignotants ». Le tableau de bord donne la possibilité de déterminer les écarts, de
suivre les opérations de période en période, de changer éventuellement de trajectoire, et il
introduit ainsi une grande souplesse de gestion. Très rapidement des décisions peuvent
être prises et traduites budgétairement dans le cadre de décisions modificatives. Divers
types de tableaux de bord peuvent être élaborés selon les objectifs poursuivis.
Si l’on s’y intéresse beaucoup depuis ces dernières années, l’intérêt porté à la trésorerie
des collectivités locales n’est cependant pas récent 357. Dès les années 1970 était mise en
évidence l’erreur de gestion consistant pour les élus à pratiquer une politique du « bas de
laine » alors qu’aucune rémunération n’était servie sur les fonds déposés par la collectivité
au Trésor et que par ailleurs les emprunts contractés entraînent paiement d’intérêts. Les
réflexions n’intéressaient alors qu’un cercle restreint d’initiés n’allant guère au-delà de
quelques élus, praticiens et universitaires.
L’accroissement de l’autonomie locale, l’explosion des budgets locaux, l’affinement des
procédés de gestion, la banalisation de l’emprunt, etc., ont tout naturellement suscité un
intérêt de plus en plus vif porté à la gestion de la trésorerie qui demeure soumise à des
règles très contraignantes allant à l’encontre de la logique décentralisatrice et
gestionnaire.
• Position du problème
— Le principe : l’obligation du dépôt des fonds au Trésor
Les collectivités territoriales ne peuvent ouvrir un compte auprès de l’institution
financière de leur choix. Obligation leur est faite de déposer leurs fonds libres au Trésor, en
vertu de l’article 26 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF)
ainsi que de l’article 47 du décret du 7 novembre 2012.
Selon la LOLF, « sauf disposition expresse d’une loi de finances, les collectivités
territoriales et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs
disponibilités auprès de l’État » 358. Avec la loi organique relative aux lois de finances du 1er
août 2001, c’est donc le Parlement qui, dans le cadre d’une loi de finances, peut prendre la
décision d’autoriser les collectivités territoriales à ne pas déposer toutes leurs disponibilités
auprès de l’État alors que sous l’empire de la précédente législation, l’ordonnance
organique du 2 janvier 1959, c’était au ministre des Finances qu’était conférée cette
faculté.
Les collectivités locales doivent ainsi satisfaire à la règle de l’unité de caisse qui veut que
l’ensemble des fonds des collectivités publiques vienne couvrir l’ensemble des dépenses
publiques. Elles sont soumises au principe de non-affectation des recettes aux dépenses
qui interdit que soient réservés certains fonds pour régler des dépenses déterminées. Il est
toutefois dérogé à ce principe, on l’a vu, par l’utilisation d’un compte spécial du budget de
l’État, le compte d’avances aux collectivités territoriales (cf. chapitre 2). D’un côté l’État
supporte la charge de trésorerie de ces avances ainsi que celle des cotisations fiscales non
recouvrées, mais en contrepartie les collectivités locales sont dans l’obligation de déposer
leurs fonds au Trésor sans aucune rémunération à ce titre 359.
— Un principe aux conséquences parfois incertaines
Si l’obligation du dépôt des fonds libres des collectivités territoriales au Trésor a fait
l’objet de contestation à la fin des années 1980 et au début des années 1990, la question
n’est plus guère évoquée aujourd’hui sous cet angle. Cependant, et comme l’a souligné
Philippe Valletoux, « le dossier des relations de trésorerie entre État et collectivités locales
fait partie de ceux qui sont le plus communément évoqués sans qu’aucune étude ne soit à
ce jour venue en détailler les contours et en exposer les enjeux réels... La question qui se
pose ici, estime-t-il, est moins d’imaginer de changer le régime existant que d’en mesurer
le coût et sa juste répartition entre les acteurs » 360.
➢ Le bilan financier État-collectivités locales et la rémunération des dépôts
La critique essentielle vise la non-rémunération des fonds laissés en dépôt. D’aucuns
estiment qu’il serait normal qu’un intérêt soit servi sur les sommes laissées en compte
dans la mesure où les collectivités locales font fonctionner sans rémunération des services
pour le compte de l’État (état civil par exemple). C’est dans le cadre d’une telle discussion
qu’a pu être évoqué le caractère souhaitable d’un bilan financier des rapports entre l’État
et les collectivités territoriales et que des études ont été faites 361 en vue de déterminer le
solde des charges et des gains de chacun. De fait, les calculs apparaissent relativement
aléatoires comme on l’a déjà signalé 362 ; pour être précis, ils devraient être fondés sur une
grille établissant les fonctions propres aux uns et aux autres. Or, dans nombre de cas, il
n’est pas possible de satisfaire à cette exigence, soit par manque d’instruments d’analyse,
soit parce que cela reviendrait à redéfinir certains principes en fonction de référents qui
n’existent pas encore.
À vrai dire, à moins d’être dans le cadre d’un État fédéral, voire même celui d’une
confédération, on voit difficilement en l’état actuel comment isoler précisément les
dépenses et les recettes de telle ou telle entité. L’ensemble local-national forme un tout et
le système local, lui-même diversifié, s’articule avec d’autres composantes du système
national sans qu’une partition des charges et gains des uns et des autres soit clairement
identifiable. Il est toutefois proposé que, pour des opérations très cernables, la collectivité
locale ou l’État recourent à la facturation du service rendu ; à titre d’exemple, l’État
pourrait ainsi se voir facturer le service « état civil », les collectivités locales le service «
gestion de l’impôt ». Mais poursuivre une telle logique jusqu’à son terme impliquerait une
remise en question du caractère unitaire de l’État et risquerait, par ailleurs, de placer
nombre de collectivités dans des situations financières difficiles, ou encore sous la
dépendance de celles dotées de moyens plus importants. Il apparaît plus réaliste sans
doute que soient envisagées des solutions intermédiaires pragmatiques, fondées sur une
meilleure connaissance des flux financiers existant entre l’État et les collectivités
territoriales. À ce titre, l’élaboration d’instruments de mesure suffisamment affinés pour
déterminer ces flux contribuerait à rendre les rapports plus transparents et, dans certains
cas, pourrait permettre l’institution d’un système de facturations croisées 363. On peut
également concevoir que le Trésor rémunère les dépôts. On doit souligner également les
efforts de communication financière de la part de la direction générale des Finances
publiques 364.
➢ La suppression de l’obligation de dépôt des fonds
Si l’on considère le problème de l’obligation du dépôt des fonds du Trésor sous le seul
angle juridique, deux hypothèses doivent être examinées : la dérogation au principe
d’abord, son éventuelle suppression ensuite.
La dérogation à l’obligation de dépôt des fonds est envisageable, dans la mesure où la loi
en permet l’éventualité. En dehors des interrogations relatives à l’étendue que pourrait
avoir cette dérogation (décision individuelle, mesure de portée générale 365), on peut aussi
se demander si celle-ci ne serait pas porteuse à terme d’une abrogation pure et simple de
la règle.
Les partisans de cette suppression du principe ont pu en leur temps être encouragés par
la directive communautaire du 24 juin 1988 selon laquelle « les États membres suppriment
les restrictions aux mouvements de capitaux » à compter du 1er juillet 1990, tant en ce qui
concerne les personnes physiques que les personnes morales ; cette disposition vise par
ailleurs expressément dans son annexe II les « opérations en compte-courant et les dépôts
auprès des établissements financiers ». L’application de cette directive a soulevé un
certain nombre de problèmes juridiques que l’on ne fera qu’évoquer ici 366.
En premier lieu, il a été soutenu que la jurisprudence du Conseil d’État (arrêts Nicolo et
Roujansky) 367 pourrait être invoquée pour demander qu’il soit fait application pleine et
entière de cette disposition. Mais, d’un autre côté, il a été avancé que l’obligation de dépôt
faisait partie du « bloc de constitutionnalité », puisqu’elle était alors prévue par l’article 15
de l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique. Or, les directives communautaires
étant toujours inférieures dans la hiérarchie des normes, aux normes constitutionnelles des
États membres, celle du 24 juin 1988 ne pouvait donc s’appliquer à l’obligation de dépôt 368.
Toutefois, comme l’a très bien souligné J. Molinier 369, le débat n’avait plus lieu d’être,
le traité de Maastricht laissant toute liberté de décision aux États en ce qui concerne le
dépôt de fonds propres de collectivités ou établissements publics (cf. art. 123 et 124 du
traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui prohibent un accès privilégié aux
institutions financières pour les administrations et organismes publics ainsi que tout
découvert, crédit ou placement accordés pour les banques centrales nationales), sans faire
rentrer dans ce cadre l’obligation de dépôt au Trésor de fonds propres de collectivités ou
établissements publics.
Une timide ouverture a été faite avec la loi de finances pour 2004 selon laquelle les
collectivités territoriales et leurs établissements publics « peuvent, sur autorisation du
ministre chargé du Budget, déposer les fonds de leurs régies et recettes d’avances sur un
compte ouvert à la Banque postale ou dans un établissement de crédit ayant obtenu
un agrément en vertu des dispositions applicables dans les États membres de la
Communauté européenne ou les autres États parties à l’accord sur l’Espace économique
européen ». Par ailleurs, les régies chargées de la gestion d’un service public industriel et
commercial dotées de la personnalité morale peuvent également déposer leurs fonds sur
un compte à la Banque postale, mais surtout sur un compte ouvert dans un établissement
de crédit agrémenté. Cette possibilité est cependant soumise à l’autorisation préalable de
l’administrateur général des finances publiques (ex trésorier-payeur général).
• Les nouvelles possibilités de placements
Les placements des collectivités territoriales étaient régis jusqu’au 1er janvier 2004 par
une circulaire interministérielle (finances/intérieur) du 5 mars 1926 qui admettait deux
catégories de placements : les placements budgétaires (soumis sauf exception à la seule
autorisation du conseil de la collectivité) et les placements de trésorerie (soumis à
l’autorisation du trésorier-payeur général). Or, en application de la LOLF du 1er août 2001, la
loi de finances initiale pour 2004 a considérablement libéralisé le régime des dérogations à
l’obligation de dépôt des fonds auprès de l’État. Elle fait notamment disparaître la
distinction placements budgétaires/placements de trésorerie et confère la décision de
placement à l’assemblée délibérante qui a, par ailleurs, la possibilité de déléguer cette
responsabilité à l’exécutif de la collectivité.
Comme par le passé, les collectivités locales et leurs établissements publics ont la
possibilité de placer leurs excédents d’exercice lorsque ceux-ci proviennent de libéralités
(dons et legs), de l’aliénation d’un élément du patrimoine ; les sommes provenant d’un
emprunt en vue de l’exécution de travaux, ainsi que le produit de la cession d’éléments du
patrimoine destiné à couvrir une partie du coût de ces travaux dont l’emploi est différé par
un retard qui en affecte le démarrage, peuvent également être placés lorsque le différé est
indépendant de la volonté de la collectivité locale. À ces catégories s’ajoute depuis 2004 la
faculté de placer « des recettes exceptionnelles » dont la liste est fixée par décret en
Conseil d’État ; il s’agit de recettes ayant déjà fait l’objet de dérogations individuelles (par
exemple, les indemnités d’assurance).
Les placements peuvent être réalisés sous forme de titres publics libellés en euros « émis
ou garantis par les États membres de la Communauté européenne 370 ou les autres États
parties à l’accord sur l’Espace économique européen » (par exemple, Norvège ou Islande).
Les fonds peuvent également être placés en « parts ou actions d’organismes de placement
collectif en valeurs mobilières (SICAV, FCP) gérant exclusivement des titres émis ou
garantis » par les États de la Communautés ou parties à l’accord. Il convient d’observer
que « les valeurs mobilières détenues par les collectivités territoriales sont déposées
exclusivement auprès de l’État » (LFI pour 2004).
Les fonds peuvent aussi être déposés sur un compte à terme ouvert auprès de l’État.
N.B. : Les régies qui ont en charge la gestion d’un service public industriel et commercial ont la possibilité depuis la LFI
pour 2004 de placer leurs « excédents de trésorerie résultant de leur cycle d’activité » ; les activités saisonnières sont
particulièrement concernées par cette mesure.
Si les dépôts des fonds au Trésor s’avèrent être sans avantage financier, ils peuvent
également, compte tenu de l’érosion monétaire, avoir un résultat désastreux lorsque le
coefficient de fonds de roulement est trop important (c’est-à-dire lorsque l’argent ne circule
pas assez vite ou stagne sur le compte). Tandis que la trésorerie des collectivités les plus
importantes peut s’abaisser au-dessous de 30 jours et pour certaines jusqu’aux alentours
de 3 ou 4 jours, celle des petites communes peut atteindre quatre mois et quelquefois
davantage. Ce sont les communes les moins importantes qui laissent le plus d’argent et le
plus longtemps sur leur compte au Trésor 372. Or l’objectif devrait être de laisser le minimum
de liquidités en dépôt et le moins longtemps possible. Toutefois le montant des dépôts doit
demeurer suffisant pour assurer le paiement des dépenses, les collectivités territoriales
n’ayant pas le droit d’être en situation de rupture de trésorerie 373. C’est pourquoi certaines
d’entre elles se préoccupent de suivre du mieux possible l’évolution de leurs disponibilités
et surtout d’en prévoir les flux. À cet effet, il est mis en place un plan de trésorerie, sorte
d’échéancier établi sur une période plus ou moins courte, prévoyant les encaissements et
les décaissements. Un tel suivi procure l’avantage de permettre le contrôle du montant des
emprunts à faire et de ne pas emprunter au-delà du nécessaire ; lorsque sont connues les
sommes dont dispose la collectivité, le risque est moins grand en effet de laisser grossir
une trésorerie en contractant un prêt dont une partie viendrait encore accroître le montant
des fonds déposés et grever inutilement le budget de frais financiers correspondant à un
surplus emprunté. La pratique du plan de trésorerie suppose que l’on puisse prévoir des
encaissements de recettes et des décaissements de dépenses avec suffisamment
d’exactitude. Certaines collectivités se fixent même comme objectif de s’approcher d’une «
trésorerie zéro » en s’appliquant à réduire leur fonds de roulement au seuil minimum
nécessaire pour faire face au règlement de leurs dettes. Toute réduction de trésorerie se
traduisant par une économie équivalente du stock de dette, c’est autant que la collectivité
gagne en frais financiers et qu’elle peut, par ricochet, faire gagner aux contribuables
locaux.
Viser une « trésorerie zéro » suppose d’abord de connaître précisément sa situation
journalière au Trésor, ce qui implique une excellente communication de l’information de la
part du comptable public. L’idéal étant de parvenir à contrôler la trésorerie au jour le jour,
un tel objectif suppose l’ouverture d’une ligne de trésorerie (c’est-à-dire la possibilité
d’emprunter à tout moment pour faire face aux créances), auprès d’une institution
bancaire. Une circulaire du 22 février 1989 a légalisé la procédure du « crédit hors-budget
» qui permet d’envisager la réalisation d’une trésorerie zéro, puisque par un simple appel
téléphonique, fax ou e-mail, à la banque celle-ci fait le nécessaire pour que soit
approvisionné le compte au Trésor afin de permettre à la collectivité de faire
immédiatement face à ses règlements du jour (ce prêt à court terme, dit « crédit immédiat
», devant ensuite être remboursé en partie ou en totalité par des rentrées rétablissant la
trésorerie). Si une ligne de trésorerie à la banque permet de couvrir le risque de rupture de
paiement, une telle procédure implique une sophistication et une parfaite maîtrise des
outils financiers. Elle nécessite également de savoir négocier au mieux le taux d’intérêt
applicable, de veiller à la durée d’utilisation (qui coûte en frais financiers) et de bien
déterminer le montant du crédit demandé. De telles pratiques sont exemplaires d’une
extrême professionnalisation de la gestion financière locale. Il va de soi que peu de
collectivités sont en mesure d’accéder à un tel contrôle de leurs finances. On ajoutera
également que de telles pratiques peuvent « entraîner une vulnérabilité considérable de la
collectivité face à n’importe quel incident de paiement se produisant chez le comptable »
374
.
— Le contrôle concomitant de l’endettement
Le contrôle de la trésorerie n’est pas indépendant, on l’a déjà souligné, de celui de
l’endettement. Aussi convient-il également pour une collectivité de savoir déterminer et
ses besoins d’emprunt et ses capacités de remboursement. On rappellera, de surcroît, la
nécessité de savoir choisir et négocier les modalités d’un prêt parmi les multiples
possibilités que les banques offrent à leurs clients. Autrement dit, on peut parler
aujourd’hui d’une gestion active de la dette supposant une prévention des risques par la
mise en place d’indicateurs suffisamment fiables prenant en compte la capacité
d’autofinancement de la collectivité.
— Le rééquilibrage par l’État : les avances de trésorerie
Lorsque la collectivité se trouve en rupture de trésorerie, elle a la possibilité de
demander une avance à l’État. Il s’agit, en premier lieu, d’avances sur douzièmes par
anticipation ; celles-ci sont plafonnées au montant des impositions de l’année courante ;
elles sont accordées sans intérêt. Il peut également s’agir d’avances exceptionnelles du
Trésor (art. 70, loi du 31 mars 1932, décret du 16 mai 1947). Celles-ci correspondent à des
prêts à intérêt.
La transparence financière suppose que les opérations effectuées par les collectivités
locales apparaissent immédiatement à la lecture des documents comptables. Or, il n’en est
pas toujours ainsi notamment lorsque les collectivités locales se sont engagées dans une
politique de démembrement multipliant les acteurs publics ou privés qu’il est convenu
d’appeler des satellites (associations, SEML, concessions, EPCI...). Il n’est pas aisé, dans
ces conditions, d’avoir une idée exacte de l’ensemble de l’action locale ni de contrôler la
totalité des flux financiers, d’autant qu’une partie de ceux-ci circule au sein de structures
de droit privé.
Aussi envisage-t-on aujourd’hui de consolider les comptes des collectivités locales en
prenant modèle sur les pratiques utilisées en la matière par les entreprises privées. Chez
celles-ci, la méthode a pour objectif de rassembler au niveau de la société-mère, seul
centre de résultats, ceux de l’ensemble des activités d’un groupe de sociétés.
La satellisation engendre des situations à risque liées aux difficultés que peut rencontrer
un satellite qui, par le jeu des garanties d’emprunts ayant pu être accordées, peut mettre
une collectivité dans l’obligation d’honorer une dette qu’elle n’avait pas prévue.
• L’analyse financière
L’analyse financière 376 constitue un instrument de mesure et de gestion prospective de
l’action locale. Elle vise d’abord à établir un bilan financier de celle-ci permettant de
dégager les points faibles, les potentialités, les erreurs commises, pour, sur la base de ce
constat, prévoir de nouvelles politiques d’équipement. L’analyse est donc d’abord
rétrospective puis prospective.
Elle consiste à dégager un certain nombre de données 377 à partir des dépenses et des
recettes réelles des comptes administratifs 378 des cinq ou six derniers exercices ainsi que
du compte de gestion, et à établir un diagnostic qui fait apparaître les faiblesses et les
potentialités de la collectivité. Sur la base de ce diagnostic peut, ensuite, être conduite une
analyse prospective et proposés un certain nombre de scénarios pour les deux à cinq ans à
venir, sachant qu’il est difficile d’être assuré de l’exactitude absolue des prévisions, plus
l’on s’éloigne dans la durée, et tant le milieu au sein duquel évoluent les collectivités
territoriales peut être fluctuant.
L’information en résultant est un utile moyen d’aide à la décision des responsables
locaux notamment lorsqu’ils veulent définir une stratégie 379.
• La notation ou « rating » 380
Les CRTC font aujourd’hui l’objet de critiques de la part de certains élus qui ressentent
mal les contrôles exercés sur leur gestion. Or, si l’on y regarde de près, ces critiques sont
révélatrices du fait que les chambres se trouvent placées au cœur d’enjeux contemporains
majeurs qui ont trait à l’autonomie locale et plus au fond encore à la confrontation de deux
logiques : l’une soucieuse que le contrôle des deniers publics soit réalisé par des organes
publics ; l’autre axée sur une libéralisation des institutions et qui serait volontiers favorable
sinon à ce que les opérations de contrôle soient confiées à des organismes privés, que pour
le moins soient institués des droits et garanties conséquents. C’est là un véritable enjeu de
société qui se trouve posé et la loi du 21 décembre 2001 relative aux CRTC et à la Cour des
comptes qui accentue le caractère contradictoire de la procédure est significative des
mutations auxquelles se trouvent confrontées aujourd’hui les institutions de contrôle.
Par ailleurs, le paysage des CRTC s’est trouvé modifié ces dernières années par
l’évolution du milieu local vers plus de diversification (accroissement du nombre de
satellites et surtout de groupements de communes) et de l’introduction d’une logique
nouvelle de gestion et de contrôle des finances publiques qui s’est développée avec la
mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. De fait, le
paysage local se transforme tout autant que la culture financière publique et c’est bien
cette mutation que les magistrats des CRTC sont appelés, dès maintenant, à assumer.
La loi du 2 mars 1982 a institué des chambres régionales des comptes. Chaque région ou
ensemble de régions 386 est doté d’une chambre présidée par un conseiller-maître ou un
conseiller référendaire à la Cour des comptes et composée de conseillers. Chaque territoire
(Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-
Miquelon) est également doté d’une chambre territoriale des comptes. Tous les membres
des chambres sont des magistrats inamovibles. Le président organise les travaux de la
chambre après avis d’un rapporteur public choisi parmi les conseillers et en assure la
direction générale. Chaque chambre comprend au moins un président et deux conseillers.
Elles peuvent, pour les plus importantes, être divisées en sections de trois membres
chacune (avec à la tête de chaque section un président de section qui répartit les travaux
entre les magistrats).
Le contrôle des chambres s’exerce sur toutes les collectivités territoriales qui sont de leur
ressort géographique, ainsi qu’à l’égard de leurs établissements publics (hôpitaux,
collèges, lycées) et groupements (syndicats de communes, communautés
d’agglomérations...) ; ce contrôle peut également s’étendre aux sociétés d’économie mixte
locales 387, ainsi qu’aux associations subventionnées par les collectivités locales, ou encore,
par délégation générale, aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres des
métiers.
Les budgets des collectivités territoriales doivent être transmis dans les 15 jours au
préfet pour devenir exécutoires de plein droit. Lorsque le contrôle du représentant de l’État
fait ressortir certaines irrégularités, celui-ci saisit la chambre régionale des comptes 388 (ou,
dans certains cas, le tribunal administratif).
Les chambres sont dotées d’une triple compétence en matière de contrôle : un contrôle
budgétaire, un contrôle juridictionnel (ce contrôle s’étant substitué à celui exercé par le
préfet antérieurement à la loi du 2 mars 1982), un examen de la gestion (les chambres
pouvant contrôler la gestion des ordonnateurs et faire part de leurs appréciations) 389.
• Le contrôle budgétaire
Le contrôle budgétaire est assuré par les chambres régionales des comptes sur saisine
du représentant de l’État. La chambre peut être saisie dans quatre cas :
— Vote du budget hors délais
Lorsque le budget n’a pas été transmis au préfet dans les 15 jours suivant la date limite
fixée pour son adoption, celui-ci doit saisir la chambre régionale des comptes. La chambre
formule alors dans le délai d’un mois des propositions pour le règlement du budget. Le
préfet, sur la base de ces propositions, peut régler le budget et le rendre exécutoire.
— Défaut d’inscription d’une dépense obligatoire
Le préfet, le comptable public, ou toute personne y ayant intérêt, peut saisir la chambre
régionale des comptes lorsque n’ont pas été inscrites au budget certaines dépenses
obligatoires. La chambre régionale des comptes qui dispose d’un délai d’un mois constate
le défaut d’inscription de ladite dépense et met la collectivité en demeure de l’inscrire à
son budget. Si la collectivité ne s’est pas conformée à l’avis de la chambre dans un délai
d’un mois, celle-ci demande au préfet d’inscrire d’office la dépense au budget. Le préfet
demeure libre de suivre ou non la demande de la chambre. En cas de refus de sa part, il
doit motiver sa décision de manière explicite. On soulignera également qu’il peut, si le
président de la collectivité refuse de mandater la dépense, lui adresser une mise en
demeure ou se substituer à lui pour l’opération de mandatement si le mandat n’a pas été
fait dans le mois suivant la mise en demeure.
— L’arrêté des comptes et le déficit du compte administratif
En cas de déficit du compte administratif, et seulement si celui-ci est supérieur ou égal à
10 % des recettes de la section de fonctionnement dans les communes de moins de 20 000
habitants (5 % dans les autres cas), le préfet saisit la chambre régionale des comptes qui
propose dans un délai de deux mois les mesures nécessaires au rétablissement de
l’équilibre.
D’autre part, le budget primitif de l’exercice suivant doit être automatiquement transmis
par le préfet à la chambre. Si celle-ci constate que les mesures prises sont insuffisantes,
elle propose au représentant de l’État dans le délai d’un mois à compter de sa saisine les
mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre. Le préfet peut alors régler et rendre
exécutoire le budget. Il peut cependant s’écarter des propositions de la chambre par un
avis motivé.
— L’absence d’équilibre réel du budget
Lorsque le budget n’est pas en équilibre réel, le préfet saisit la chambre régionale des
comptes dans le délai d’un mois suivant la transmission qui lui en a été faite. De son côté,
la chambre dispose d’un mois à compter de sa saisine pour proposer au conseil de la
collectivité les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre et lui demander une
nouvelle délibération qui doit avoir lieu dans le mois qui suit la communication de ces
propositions.
Si à l’issue de cette délibération il ressort que les mesures votées sont insuffisantes, ou si
le conseil n’a pas délibéré dans les délais, le budget est normalement réglé et rendu
exécutoire par le préfet.
• Le contrôle juridictionnel
Avant la loi du 2 mars 1982, le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités
locales était exercé, soit par la Cour des comptes pour les régions, les départements et les
communes les plus importantes, soit par l’administrateur général des finances publiques
(ex-trésorier-payeur général) sur délégation de la Cour pour les autres communes.
Les chambres régionales statuent sur les comptes des collectivités locales et des
établissements publics de leur ressort « dans les mêmes formes et avec les mêmes
pouvoirs que la Cour des comptes » 390. La loi du 21 décembre 2001, modifiée par celle du
13 décembre 2011, a cependant institué un régime spécifique pour les communes et les
EPCI les moins importants. Ce régime s’applique pour les communes dont la population
n’excède pas 5 000 habitants et dont les recettes de fonctionnement sont inférieures à 3
000 000 euros et pour les EPCI dont la population n’excède pas 10 000 habitants et dont
les recettes de fonctionnement sont inférieures à 5 000 000 euros. Celles-ci sont contrôlées
par l’administrateur général des finances publiques, excepté lorsque la responsabilité du
comptable est engagée auquel cas la chambre régionale demeure seule compétente pour
statuer. Depuis 2002, le montant des recettes pris en compte est réévalué tous les cinq
ans, en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac.
On observera que les chambres régionales des comptes jugent l’ensemble des comptes
des comptables publics des collectivités locales. Leur compétence s’étend aux comptables
de fait, étant amenées à statuer sur les gestions de fait 391 des deniers des collectivités
décentralisées. C’est ainsi qu’elles sont parfois conduites à examiner les opérations
réalisées par des associations entretenant des liens étroits avec certaines collectivités
territoriales. Cette question est particulièrement sensible et préoccupe considérablement
les élus qui craignent de faire l’objet d’un contrôle d’opportunité (en dépit de la loi du 21
décembre 2001 qui interdit expressément le contrôle d’opportunité) et s’estiment démunis
lorsque ce risque se matérialise. En effet, on se trouve là à la frontière du contrôle
juridictionnel et du contrôle de gestion, car c’est souvent à l’issue de rapports
d’observations que les ordonnateurs locaux peuvent être mis en cause au titre de la
gestion de fait ; or, les observations ne sont susceptibles d’aucun recours juridictionnel.
L’ordonnateur devient ainsi passible d’un contrôle juridictionnel en étant traité de la même
manière qu’un comptable patent.
• L’examen de la gestion
Les chambres peuvent présenter a posteriori des observations sur la gestion des
collectivités locales sous la forme de « rapports d’observations ». Il s’agit, cette fois, d’un
examen de la gestion de l’ordonnateur qui ne doit porter que sur la régularité des
opérations, sur l’économie des moyens mis en œuvre, et sur l’évaluation des résultats
atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante. Il est bien affirmé par la
loi du 21 décembre 2001 (article 36) que l’opportunité de ces objectifs ne peut faire l’objet
d’observations. Comme l’a souligné G. Cazenave, il n’est pas rare que d’un contrôle de la
qualité de la gestion l’on passe à l’évaluation des politiques publiques locales à condition,
toutefois, précise-t-il « de ne pas confondre évaluation externe et évaluation interne, et de
ne pas prétendre poursuivre la première jusqu’aux choix initiaux définis en opportunité par
les assemblées délibérantes » 392. Prenant appui sur ce type d’audit, les chambres
régionales des comptes pourraient assurer dans l’avenir un rôle de conseil venant réaliser
une utile liaison entre le contrôle de régularité et le contrôle de gestion opéré tant par les
gestionnaires locaux que par les chambres. Ce type d’articulation correspond très
certainement à l’essence des nouveaux rapports qui se tissent en grande partie de
manière pragmatique à l’échelon local. Un nouveau langage, un nouveau mode
d’interprétation de la gestion financière locale pourrait se dégager et déboucher sur une
approche mixte 393. Il reste que la voie de la prévention n’est pas sans poser problème
surtout lorsqu’elle est susceptible d’aller jusqu’à la mise en place d’une certification des
comptes par ceux-là mêmes qui sont, dans le cadre de leurs fonctions de contrôle
juridictionnel, chargés d’en juger la régularité. La possibilité, en effet, d’une certification
des comptes des collectivités locales par les CRTC, pour la première fois évoquée par le
ministre du Budget en juin 2003, au cours d’un colloque 394, est symbolique d’une mutation
en profondeur des logiques et des dispositifs de contrôle externe 395 des finances des
collectivités locales. Cette mutation devrait concerner aussi bien les magistrats des CRTC
que les comptables publics ou les élus et gestionnaires locaux.
On insistera également sur le fait que les observations formulées par le magistrat
rapporteur du dossier font l’objet d’une procédure contradictoire ; ainsi les destinataires du
rapport d’observations disposent d’un délai d’un mois pour adresser au greffe de la CRTC
une réponse écrite. Par ailleurs, la loi du 15 janvier 1990 a fait œuvre de transparence dans
la mesure où elle permet une meilleure information en prévoyant explicitement que la
communication des travaux des chambres peut s’étendre, au-delà des jugements publics,
à tous les travaux, délibérations, avis, observations qui jusqu’alors étaient couverts par le
secret professionnel (seuls les travaux préparatoires ne peuvent être communiqués). De
plus, depuis la loi du 21 décembre 2001, le rapport d’observations doit être communiqué à
l’assemblée délibérante par l’exécutif de la collectivité et doit donner lieu à un débat.
Les actes budgétaires des collectivités territoriales peuvent être soumis comme tous
leurs autres actes à un contrôle de légalité exercé par le juge administratif sur saisine du
préfet ou de toute autre personne intéressée. Seul le juge administratif peut depuis la loi
du 2 mars 1982 prononcer l’annulation d’un acte 396. Ce contrôle s’exerce notamment sur la
régularité des votes et, en particulier, sur celui des taxes locales, la prise en compte de
l’intérêt local en ce qui concerne les dépenses, etc.
Un nombre relativement peu important de recours concerne les finances locales. En ce
domaine peut-être plus que dans d’autres, la longueur des délais 397 comme les
conséquences d’une annulation ont une portée souvent plus grave compte tenu des
impératifs de gestion qui sont ceux des collectivités territoriales.
On se bornera à rappeler ici le contrôle assuré par le comptable public tant en ce qui
concerne l’exécution des recettes que des dépenses. Il exerce un contrôle de régularité sur
les titres de perception et les mandats que lui adresse l’ordonnateur qui lui permet de
suspendre l’application d’une décision si elle n’est pas conforme à la réglementation.
On sait qu’après avoir connu un grand succès au sein de disciplines telles que la
physique ou la biologie, la méthode systémique s’est progressivement introduite dans le
champ des sciences humaines (sociologie, science politique, droit, économie, géographie,
psychologie...), contribuant ainsi à un renouvellement des approches des sociétés
modernes, celles-ci étant appréhendées comme des systèmes différenciés, complexes
et ouverts.
1. Un système contrôlable
La gestion par les systèmes « vise à intégrer dans un même réseau logique et cohérent
un maximum sinon la totalité des éléments influents de l’organisation locale » 404. Par
ailleurs, « ce concept de système fournit un cadre qui permet d’appréhender comme un
tout intégré les facteurs de l’environnement interne et externe » 405. Ainsi, la théorie des
systèmes facilite-t-elle la prise de conscience de la complexité sociale tout en
permettant au gestionnaire de mieux repérer les variables, les différences, de savoir même
utiliser celles-ci et les articuler afin de parvenir à l’efficacité la plus grande. L’optimum se
réalise lorsque l’intégration, l’harmonie des différents éléments est atteinte, mais cette
tâche est évidemment de plus en plus difficile à réaliser, à mesure que s’accroissent la
complexité, la diversité, les rapports du système, c’est-à-dire lorsque celui-ci se développe
; et c’est même alors que se fait sentir plus fortement encore la nécessité de planifier, de
prévoir, de réunir, autrement dit d’entraîner dans une stratégie commune l’ensemble des
acteurs.
• La régulation
La régulation du système, son maintien en équilibre, est déterminé par ce que Ashby
appelle la loi de la variété requise, c’est-à-dire sa capacité de pouvoir répondre au
maximum de perturbations qui peuvent survenir. Cela signifie que le contrôle doit procéder
d’une structure aussi souple que celle de son environnement, cela afin d’être à même de
répondre immédiatement aux fluctuations par la mise en place d’une « boucle de
rétroaction négative » 407.
On ajoutera, enfin, que si le contrôle peut être le fait d’un organe différencié (contrôleur
de gestion, par exemple), il peut aussi s’effectuer d’une manière plus spontanée, plus
informelle, par exemple, par les pressions que peuvent exercer les différentes unités du
système, ceci dans la mesure où groupes et individus qui les composent adhèrent bien aux
objectifs globaux de l’ensemble. Un tel processus de contrôle implique, bien entendu, une
gestion participative.
On l’a dit 410, il se pourrait bien qu’un nouveau processus de décision et de gestion de
type systémique ait été amorcé avec la création de la Conférence nationale des finances
publiques et puisse se poursuivre si était mise en place une institution paritaire associant
les collectivités locales et l’État, comme par exemple un Haut Conseil des territoires. On
peut certes y voir des dispositifs visant à limiter l’autonomie financière des collectivités
locales au nom d’une maîtrise des dépenses publiques et la remarque est en partie vraie si
l’on considère que, dans un système complexe, tout décideur ne dispose que d’une
autonomie relative et par conséquent limitée. Il convient toutefois, à notre sens, de
considérer le dispositif sous un autre angle qui est celui d’une réforme encore en gestation
de nos procédures de décision et de gestion 411. Car un défaut d’identification d’une telle
institution comme révélatrice d’une transformation en profondeur du système financier
public ferait à coup sûr prendre le risque, bien réel, d’un retour vers la centralisation, vers
un contrôle de l’État sur la gestion locale. Autrement dit, plutôt que de laisser se
développer sans le piloter une sorte de déterminisme étatique lié à la nécessité,
indiscutablement fondée, de maîtriser la dépense publique, mieux vaut prendre le temps
d’identifier les mutations nécessaires, les organiser et les conduire. Il s’agit, en définitive,
de leur donner un sens correspondant à la complexité d’un État libéral contemporain dont
la fonction essentielle doit consister à proposer et développer des stratégies
dans le cadre de relations partenariales avec les collectivités locales ainsi
qu’avec tous les autres acteurs publics. Il est de ce fait indispensable de bien
identifier la diversification du système financier public (du moins entre finances de l’État,
des collectivités locales, des organismes de Sécurité sociale) afin de réaliser une
restructuration en réseau contrôlable de manière systémique ce qui est une condition
essentielle de sa maîtrise. En effet, le contrôle systémique vise, on l’a dit, à assurer le
pilotage et la coordination d’ensembles hétérogènes au sein desquels chaque élément ne
jouit que d’une autonomie relative dans la mesure où il est en relation d’interdépendance
avec les autres. L’hypothèse est donc faite que pour être performant et cohérent un
système doit être géré tant au niveau de chacune de ses composantes que dans
la totalité formée par celles-ci. Une telle nécessité implique des lieux de régulation à
chaque niveau du système et, par conséquent, que soient institués des organes de micro
comme de macrocontrôle.
Dans cette logique il convient donc impérativement d’instituer des organes paritaires
ayant pour fonction de fournir des informations et de réguler par la concertation les
évolutions des ressources et des dépenses publiques aux différents niveaux
d’administration. L’organe de contrôle a pour fonction de mettre en harmonie interne et
externe l’institution et de lui donner sa souplesse, autrement dit de lui permettre de
s’adapter à tout moment aux fluctuations qui peuvent intervenir.
Aussi, et si l’on considère l’État contemporain à la lumière d’une méthodologie
systémique, on est immédiatement amené à le considérer comme un système
intégrant la diversité de ses éléments tout en respectant leur autonomie de
décision. Et si la notion de système implique la prise en compte des institutions de
manière à la fois synthétique et analytique, elle permet également d’appréhender, on l’a
vu, la maîtrise du changement, voire de l’accompagner ou de l’impulser. En fin de compte,
c’est bien la reformulation du processus de décision et de gestion qui est au centre
des questions qui nous préoccupent.
La production de stratégies financières concertées est, selon cette logique, essentielle et
la mise en place de lieux de concertation réunissant les acteurs concernés apparaît
comme indispensable à la naissance d’une culture systémique propice au
développement d’une nouvelle gouvernance financière publique. C’est pourquoi le
lancement, le 11 janvier 2006, de la « Conférence nationale des finances publiques »
(CNFP) a constitué à notre sens un événement important. Cette conférence, selon le décret
no 2006-515 du 5 mai 2006, devait réunir chaque année les représentants des trois grandes
composantes des finances publiques, État, collectivités locales, Sécurité sociale, afin de
dégager les voies d’une maîtrise des dépenses publiques et de la dette. Ce dispositif était
complété par la création d’un Conseil d’orientation des finances publiques présidé par le
Premier ministre et composé des ministres de l’Économie et des finances (vice-président),
du Budget, de la Sécurité sociale, des Relations avec les collectivités locales, d’élus
nationaux et locaux ainsi que de représentants des organismes sociaux. Ce conseil devait
décrire et analyser la situation des finances publiques de la France, apprécier les conditions
requises pour en assurer la soutenabilité et notamment la contribution nécessaire des
différentes administrations publiques, formuler des recommandations ou propositions
concernant la bonne gestion des finances publiques, préparer et organiser les travaux de la
conférence nationale des finances. Il devait remettre chaque année au Premier ministre,
après l’adoption de la loi de finances et de la loi de financement de la Sécurité sociale pour
l’année, et avant la conférence nationale des finances publiques, un rapport rendu public.
Mettre en place de telles structures est à notre sens significatif de l’entrée – certes
encore timide et tâtonnante – dans une nouvelle culture de la décision financière
publique mieux adaptée aux évolutions des sociétés contemporaines. Même si elles n’ont
pas été identifiées comme telles, elles pourraient bien figurer l’embryon d’une future
institution de régulation des finances publiques.
Conclusion
3. La taxe d’habitation
2. La taxe de balayage
1. La fiscalité de l’aménagement
3. La sophistication de la DGF
1. Avant 2006
2. Depuis 2006
1. Historique
2. Fonctionnement
A. La libéralisation de l’emprunt
2. La présentation budgétaire
3. L’exécution du budget
B. La mise en place d’un contrôle de gestion
1. La planification stratégique
1. Un système contrôlable
Conclusion
Bibliographie
Collection Systèmes