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3.France-Spiritualités.
France-Spiritualités :
Patrick Burensteinas, bonjour. Pourriez-vous, pour commencer, nous dire comment vous êtes
venu à l'Alchimie ?
Patrick Burensteinas :
L'Alchimie, on y tombe dedans quand on est petit. Mon père était marchand de métaux, ce qui
veut dire que j'ai été élevé dans la ferraille. L'odeur du métal, le toucher du métal, avoir cette
espèce d'affinité avec le métal étaient pour moi des choses importantes. Et puis, j'ai toujours
aimé les petits jeux de chimie, faire des mélanges, faire exploser des placards chez ma mère --
ce que j'ai fait ! Ma scolarité a été assez mauvaise ; j'étais nul à l'école, sauf en chimie et en
physique ; là, j'aimais bien savoir ce qu'il y avait à l'intérieur des choses.
Plus tard, quand je suis entré à l'université, je suis tombé nez à nez avec la physique, et j'ai
retrouvé l'instinct d'aller chercher à l'intérieur de la matière.
L'idée, c'était de se dire : « Et bien, la matière que l'on voit, c'est très intéressant, mais cela ne
me satisfait pas. Qu'y a-t-il de secret à l'intérieur ? Qu'est-ce qui fait qu'une matière est
différente d'une autre, par exemple ? Qu'est-ce qui fait qu'une est dure, une est molle, une est
chaude, une est froide ? Et puis n'y aurait-il pas une matière à l'origine des autres matières,
quelque chose dont tout serait né ? » Il s'agissait quasiment d'une interrogation métaphysique.
Et la physique répondait à cela, puisque l'on partait de un -- ce qui me satisfaisait tout à fait --
et qu'à partir de ce un, en le complexifiant, on arrivait à notre réalité. C'était magique.
A partir de là, j'ai suivi un cursus universitaire pur et dur, et j'ai été amené à m'intéresser
vraiment au cœur de la matière. Et en travaillant au cœur de la matière, en faisant une
expérience particulière de physique -- que vous connaissez -- je me suis rendu compte qu'il y
avait une interaction entre l'homme et la matière, ce qui est maintenant unanimement reconnu.
En effet, le premier postulat de la physique quantique énoncé par Max Planck est
l'expérimentateur a une place dans l'expérience ; le fait d'observer un phénomène le modifie.
Ca, c'est magique ! Ca veut dire que si je regarde quelque chose, une pomme par exemple, et
bien ce n'est plus la même. Donc, j'ai une influence, j'ai modifié la matière, j'ai changé la
matière, par ma seule présence ! Cela veut dire que sans aucune matière, je suis capable de
modifier mon environnement ; c'est absolument génial !
Je me suis dit que si je ne trouvais pas ce que je cherchais dans les livres standards, il y avait
peut-être autre chose. Je suis alors tombé, par "hasard", sur un vieux livre d'un hyperchimiste
du siècle dernier, François Jollivet-Castelot, qui parlait de l'âme de la matière. C'est d'ailleurs
le titre du livre : L'âme de la matière, qui est sorti en 1894, donc bien avant la description de
la théorie de la relativité -- restreinte ou générale -- qui date de 1905. Dans cet ouvrage,
Jollivet-Castelot parle de quelque chose d'impalpable, associé à la matière, sur lequel on peut
avoir une action qui engendre une réaction ; il sait cela. C'est exactement ce que j'ai vu ! Et
c'est dans ce livre que pour la première fois j'ai entendu parler d'Alchimie.
Ma première réaction a été de me dire : « Mais qu'est-ce que c'est que ce fatras de
superstitions moyenâgeuses ? Pourquoi pas un chapeau pointu et une grande barbe ? » Et puis,
comme j'aime bien toucher, je me suis dit : « Après tout, l'Alchimie, on en parle depuis
toujours... il y a peut-être quelque chose derrière. »
Et puis j'ai eu une autre chance, celle de tomber sur un livre d'Alchimie qui donnait des modes
d'emploi, c'est à dire qu'il disait : « Si vous faites telle expérience, il va se passer ça. » Et moi,
je savais que sur un plan physique et chimique, ça n'était pas possible. Je me suis donc dit que
la meilleure façon de le savoir, c'était d'essayer. Donc, comme j'avais accès à un laboratoire,
j'ai essayé -- et ça a marché. Et là, j'ai commencé à me poser des questions. J'avais deux
possibilités : la première c'était de dire : « C'est trop bizarre pour moi, je ne veux pas savoir ;
je reste dans ce que je connais, ou plutôt dans ce que je sais », ou alors je mettais le doigt
dedans et je voyais ce qui allait se passer… et c'est ce que j'ai fait.
J'ai monté mon labo complètement ; j'avais 22 ans, et j'ai travaillé à peu près 15 ans dedans,
sur les trois règnes -- minéral, végétal et animal -- et j'ai essayé de plus en plus, pour voir ce
qui se passait. Paradoxalement, ce qui est amusant, c'est que je n'ai pas du tout eu la démarche
des Alchimistes ; en effet, je n'ai pas commencé par les symboles ni par les livres mais j'ai
commencé par expérimenter, et à travers les expériences, j'ai compris les symboles, et non le
contraire -- c'est vraiment la démarche inverse.
J'ai donc essayé au feeling ; je me suis demandé quel pouvait être le secret de la matière. ma
démarche a été la suivante : logiquement, il doit y avoir une vibration initiale, une résonance
de base. Comment faire, alors, pour trouver la résonance d'un objet ? Et bien, en le
décomposant -- ça me paraît complètement normal. Et comment le décomposer ? Ca me paraît
complètement normal aussi d'utiliser un acide ? Et quel acide ? On va essayer différents trucs.
Et l'expérience fait qu'on retombe sur des textes et qu'on retombe aussi sur des imbécillités qui
ont été aussi dites par les alchimistes. Parce qu'il y énormément de gens qui parlent de voies
alchimiques. Il y a énormément de voies : j'ai de plus en plus tendance à penser qu'il y a une
voie par alchimiste et que rien n'est impossible. J'aime bien la phrase « Il ne savait pas que
c'était impossible, alors il l'a fait. »
Par conséquent, on ne peut pas dire : « Avec ça, on ne peut pas réussir. » On peut dire :
«D'après ce que je sais, d'après ce que j'ai expérimenté, je n'ai pas réussi à partir de cela ».
Mais rien n'est impossible, tout est plus ou moins probable. Puisque tout est dans tout, je peux
partir de n'importe quoi pour aller n'importe où. C'est vrai qu'il y a des chemins plus directs,
plus faciles ; mais la différence fondamentale entre l'Alchimie et la chimie, c'est que
l'expérimentateur a une place dans l'expérience, et que sa place est essentielle. Et quand je
vais travailler un métal, ce n'est pas le métal que je vais travailler, mais le couple
alchimiste-métal, une nouvelle entité, qui ne va pas réagir de la même manière. C'est pour ça
que si je suis un chimiste et que je fonds un métal, je vais avoir un résultat, et si je suis un
alchimiste et que je fonds un métal, je vais avoir un autre résultat. Parce qu'en fin de compte,
ce n'est pas le même métal : il est ouvert autrement, il est fait autrement, il a une réaction
différente. Donc, notre alchimiste va, comme on l'a vu avec les principes de la physique
quantique, influer sur la matière et peut-être donner juste la bricole qui va déclencher la
réaction ; pour un catalyseur, il n'en faut pas beaucoup pour déclencher quelque chose, mais si
on ne l'a pas, ça ne marche pas. Donc, je pense que l'on peut partir de n'importe quoi pour
arriver n'importe où -- comme disait Pierre Dac -- et dans ce cas, on ne doit rien à personne.
Ce qui veut dire, pour moi, qu'il n'y a pas de différence entre la science et l'Alchimie : il ne
s'agit que de deux points de vue différents.
Prenons l'exemple de la transmutation ; on nous répète depuis des siècles que la transmutation
n'existe pas, que ce sont des fous furieux qui parlent de ça, mais on en a des exemples tous les
jours ! La transmutation radio-chimique, on la voit tous les jours : si on regarde du plutonium
pendant quelques siècles, il finira par devenir du plomb, tout le monde le sait. Je n'ai pas mis
de produit chimique, mais pourtant, ça se transforme ! Il y a bien une transmutation. Autre
exemple : je mange tous les jours et je transforme donc de la matière en énergie -- si ça n'est
pas de la transmutation, qu'est-ce que c'est ? Les arbres qui nous font des feuilles avec de la
lumière, si ça, ça n'est pas de la transmutation, qu'est-ce que c'est ? Donc, il n'y a pas de raison
que l'alchimiste ne fasse pas de transmutations. Encore une fois, on peut prouver qu'il fait de
la transmutation. On a besoin, dans certaines voies, d'utiliser de la rosée ; en fait, la rosée n'a
pas vraiment d'importance - c'est ce qu'il y a dedans qui est important. Le sel de rosée est un
nitrate d'ammonium. On trouve un nitrate à l'intérieur de la rosée ; ça, ça n'a qu'un intérêt
relatif. Mais le véritable intérêt, c'est que je peux faire cristalliser le sel à l'intérieur de la rosée
; pas en l'évaporant, mais je peux vous donner un secret si vous ne le connaissez pas : en
faisant passer un rayon de lumière à l'intérieur. Une cristallisation va ainsi s'opérer, c'est-à-dire
que le nitrate d'ammonium va pousser à l'intérieur autour du rayon de lumière. Je le sors, et si
j'analyse l'eau, j'ai du deutérium et du tritium, ce qui veut dire que j'ai une réaction nucléaire à
froid -- et la fusion que l'on cherche depuis des siècles, elle est là ! Et c'est ce que l'on cherche
à faire ; on recherche l'unité -- c'est une voie métaphysique -- et donc le rassemblement des
corps. Donc, on n'a aucune chance de la trouver par la fission, mais par contre, on a des
chances de la trouver par la fusion, et c'est bien ce qui se passe. Les étoiles fonctionnent de
cette façon.
F.-S. : Vous enseignez une technique que vous avez mise au point vous-même, et à laquelle
vous avez donné le nom de "Trame®". Pouvez vous nous expliquer en quoi elle consiste et
comment vous avez développé ce concept ?
P. B. : La "Trame®", comme son nom l'indique, c'est comme la trame d'un tapis. Pour que les
fils restent en place, il faut une trame. Si je n'ai que les fils, ça ne tient pas. Et on s'aperçoit
que la matière est constituée de la même manière. Pour que la matière existe, il faut qu'il y ait
un message à l'intérieur, un schéma de cohérence ; sinon, ce n'est jamais que des électrons,
des atomes, mais pas de la matière constituée. Donc, on peut dire qu'un corps est différent
d'un autre, simplement parce que le message qu'il contient diffère. Et si je retire le message, le
corps se décompose. Si c'est vrai pour les minéraux, si c'est vrai pour les tapis, je ne vois pas
pourquoi ça ne serait pas vrai pour les animaux, et bien sûr pourquoi ça ne serait pas vrai pour
les végétaux. D'autant plus que notre corps est constitué par les trois règnes -- animal, végétal,
minéral -- selon leurs vertus, puisque le minéral a comme particularité de stocker de
l'information et de faire des structures profondes ; on l'a situé dans notre corps pour le calcium
des os, pour faire du sang, les neurotransmetteurs, qui sont des métaux ou des métalloïdes.
Les végétaux, quant à eux, transforment l'énergie en matière -- on l'a vu lorsqu'on a évoqué la
transmutation ; dans le corps humain, ils sont placés là où l'on transforme la matière en
énergie, où l'on digère : c'est par exemple la flore intestinale, qui nous aide à digérer. Et les
animaux sont les cellules qui se regroupent en colonies pour donner le mouvement, puisque
par exemple si le fer est capable de stocker de l'information, il n'est pas capable de l'amener
d'un point à un autre ; il faut donc un véhicule, et l'on peut considérer que les cellules sont les
animaux qui permettent de faire cela. Il y a 40 milliards de milliards de cellules dans un corps
humain ; comment pourrait-on imaginer une ville avec autant d'habitants ? On ne l'imagine
même pas. Sur Terre, nous sommes 6 milliards, et nous avons du mal à rester ensemble.
Comment serait-il possible que sans règles, tout cela reste ensemble et surtout que cela garde
la même forme ? Il est donc impossible que cela reste en place s'il n'y a pas de schéma
directeur, s'il n'y a pas un canevas d'informations permettant justement de garder tout cela en
place. Et ce canevas, c'est la trame.
J'ai appelé cela la trame parce que c'est comme un tapis. Il m'a donc semblé qu'il s'agissait du
mot le plus simple. Et ce schéma est un schéma quantique, avec des lignes imaginaires, qui
maintient en place chaque composant de notre corps et qui lui dit en gros : «Toi, tu vas faire
ça. » Et à ce moment là, si l'on a une altération des chemins d'information, il peut y avoir des
altérations de ce qu'il y a dessous. Si je prends par exemple un tapis et que je coupe la trame,
les fils partent de tous les côtés, et le dessin n'a plus de sens. Si je veux que ça marche, il faut
que je fasse de la couture, que je reprise, que je remette les fils en place. La Trame, c'est ça.
F.-S. : Vous n'êtes pas parti d'enseignements initiatiques, et pourtant la base de ces techniques
se retrouve dans certains d'entre eux.
P. B. : On n'invente jamais rien ; la connaissance est heureusement universelle, et c'est
rassurant. Si l'on retrouve ceci ailleurs, cela prouve qu'il s'agit d'une voie de connaissance et
non d'élucubrations personnelles. Qu'on l'habille de culture différente, oui. Les gens vont
toujours chercher des enseignements exotiques ailleurs ; ils sont allés chercher ailleurs à des
moments où ils pensaient qu'il n'y avait rien ici.
Lorsqu'on parle des chakras, par exemple, il s'agit d'une simplification faite pour des
Occidentaux : on se contente de poser sept boules. Mais lorsque vous lisez des livres un peu
plus anciens ou que vous parlez avec des gens qui s'y connaissent, vous vous apercevez qu'il
existe en réalité des sous-chakras, et qu'à côté de ces sous-chakras, il y a des
sous-sous-chakras, etc., qui sont tous reliés par des lignes. On en revient à la Trame. En
conclusion, il est normal que chacun habille ces enseignements de sa propre culture. Par
contre, la séquence de gestes proposée dans la technique est originale ; elle n'existe nulle part
ailleurs.
Il y a peu de temps, les physiciens ont annoncé avoir fait une découverte : celle des
hypercordes. Ces hypercordes, ce sont des lignes sur lesquelles l'information circule de
manière ondulatoire. Le concept de la Trame rejoint donc -- voire précède -- les dernières
découvertes de la physique. Enfin, n'oublions pas que la Trame existe également dans
l'espace, ce qui complique encore les choses.
F.-S. : Mais "l'exception qui confirme la règle" est un dicton populaire, non ?
P. B. : Pas du tout ! Quand on apprend les règles de grammaire, on nous dit : « Voilà la règle,
et voilà l'exception qui confirme la règle ».
La réalité, pour moi, c'est plus on est convaincu de quelque chose, plus c'est vrai. Et plus on
est un grand nombre à être convaincu de quelque chose, et plus c'est vrai. La réalité prend
forme avec l'individu. Ca naît de la création, de la vibration. Et comme la vibration n'a pas de
définition, elle prendra la forme qu'on veut lui donner.
Par exemple, on parlait de Kabbale tout à l'heure… et bien, j'utilise un alphabet sacré. Un
alphabet sacré, ça crée. 22 lettres, 22 vibrations, qui me permettent de faire une création, de
tisser un écheveau de réalités. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on peut modifier un rêve et qu'on
ne peut pas modifier ce monde-là. Dans un rêve, on pourrait dire : « Je suis le seul
responsable de cette réalité, donc je peux la modifier. » Alors qu'ici, ce livre, par exemple, est
un écheveau de réalités individuelles. Donc, même si je dis que c'est un pot de fleurs, et bien à
l'intérieur, je viens de modifier quelque chose qui fait que ce livre va dans le sens du pot de
fleurs. Mais il y a tellement d'autres gens qui disent que c'est un livre, que ça reste un livre.
Mais si on était tous persuadé que c'est un pot de fleurs, on ne parlerait même pas d'un livre :
ça serait un pot de fleurs.
France-Spiritualités :
Pourquoi, à votre avis, les scientifiques s'intéressent-ils aussi peu à l'Alchimie, pourtant à
l'origine de bien des avancées de la chimie ? Serait-ce parce qu'ils sont jaloux de ne pas
maîtriser la fusion à froid, contrairement aux alchimistes ? :-)
Patrick Burensteinas :
(rires) Je ne crois pas qu'ils soient jaloux. En fait, il y a deux types de scientifiques. C'est
comme dans la vie : il y a la connaissance et le savoir. Il y a des chercheurs qui sont ouverts à
tout : pour eux, l'important est de découvrir quelque chose de nouveau et de comprendre les
secrets de la nature. Eux sont vraiment ouverts à tout, et ils sont prêts à s'intéresser à tout et à
n'importe quoi -- et des fois, vraiment à n'importe quoi ! -- juste pour voir si ce qui se passe.
Et il y en a d'autres pour qui le savoir qu'ils ont est un pouvoir. Et par conséquent, il est
dangereux de mettre en cause ce savoir.
Prenons un exemple ; une expérience scientifique est, par définition, une expérience
reproductible par n'importe qui dans les mêmes circonstances. Si je m'aperçois que ceci n'est
pas vrai dans le cas d'une expérience particulière, j'ai deux attitudes possibles : soit je continue
à dire ça et je reste borné dans mon système -- à ce moment-là, j'ai un pouvoir et je ne peux
pas m'en écarter, car sinon tout s'écroule ; soit je dis : « Tout ce qu'on m'a raconté avant, c'est
des bêtises » et par conséquent, je pars sur une autre voie d'investigation.
Je dirai, en conclusion, que plus les gens sont au top de leur technique, plus ils sont au top de
tout, parce qu'ils se rendent compte qu'ils butent sur quelque chose. On a été pendant
longtemps dans une société de spécialistes ; on avait le grand livre de l'univers, on avait le nez
collé dessus, et maintenant, on est des spécialistes de la lettre A. Cette lettre A, on la connaît à
présent parfaitement, mais que voulait dire le livre ? On n'en sait rien du tout. Et on se rend
compte maintenant que pour comprendre le livre, il faut se reculer un peu et regarder les
choses dans leur globalité. Et le problème que les scientifiques ont avec l'Alchimie, c'est
l'expérimentateur. On ne peut pas dire à un scientifique qu'une expérience n'est pas
reproductible ou qu'elle n'est reproductible que par la même personne, parce que là, ça pose
un problème au scientifique : ce n'est pas démontrable, ce n'est pas reproductible, même s'il y
a des tas de phénomènes que l'on n'explique pas. Pour des scientifiques, si ce n'est pas
reproductible, ça n'a aucun intérêt.
Et pourtant, lorsqu'on est dans un laboratoire, on sait très bien que l'on fait toujours faire les
mêmes expériences aux mêmes. Et quand on demande pourquoi, on nous répond : « Parce
qu'avec lui ou elle, ça marche. » On a toujours un spécialiste dans un laboratoire de bio qui va
faire tel truc parce qu'on sait qu'avec lui ça marche. En métallurgie, il y en a toujours un qui
va faire la coulée parce qu'avec lui, on est sûr que ça marche, et pas avec un autre -- alors
qu'ils ont la même formation, etc. Il a le savoir-faire, le feeling ; il sait quand c'est prêt.
Comment fait-il pour savoir ? Comme ça, au pif ! Ah bon ? C'est de la magie, alors ! J'oserais
dire de l'Alchimie… Vous prenez deux cuisiniers qui ont la même formation, qui disposent
des mêmes produits, des mêmes recettes. On leur demande de préparer le même plat ; l'un va
faire un truc super, l'autre un truc quelconque -- pourquoi ? D'ailleurs, on va dire à propos de
celui qui a réussi : « Il a réussi par une curieuse alchimie. » On voit donc qu'à partir de
quelque chose que l'on ne comprend pas mais qui nécessite la place de l'expérimentateur, que
l'on commence à parler d'Alchimie. Je pense qu'il y a ça. Je ne pense pas qu'il y a un
phénomène de jalousie. :-)) En Alchimie, on dit, face à ceux qui se moquent de celle-ci :
«L'orgueilleux doit en rire, et c'est là sa punition. »
Et il n'y en a qu'un seul qui en parle vraiment bien, c'est Rabelais. Il en parle vraiment bien
avec les voyages de Pantagruel, en disant que lui, il va chercher la dive bouteille -- le vin qui
rend divin, bien sûr. Et il précise, à un moment, que quand il va puiser à l'intérieur de la
fontaine miraculeuse, cette fontaine contiendra ce qu'il désire le plus. Et je pense que la clef
est là. Alors, elle est même au-delà du désir
.
Pour moi, la Pierre des Philosophes est la note-base de l'univers, le point commun. Le croyant
dira : « C'est Dieu. » Et celui qui entre en résonance avec cette note-base vibre dans chaque
chose et chaque chose est en lui. Et pour moi, c'est le but. C'est comme un arbre : notre
création étant la multiplicité de l'unité, cet arbre a des branches et des feuilles ; donc, rien ne
s'oppose au fait que de n'importe quelle feuille je puisse aller au tronc -- donc, que je parte de
n'importe quelle matière ou de pas de matière du tout
.
Il se trouve que j'ai essayé avec de l'antimoine, pour une raison presque métaphysique : quand
on voit l'Arbre des Sephiroth -- ça, c'est l'explication que je donne a posteriori -- on s'aperçoit
que les sept métaux sont marqués sur les sept mondes. (En fait, à l'origine, je suis tombé sur
de l'antimoine, et comme dans les livres d'Alchimie, on parlait de l'antimoine, j'ai essayé avec
ça. Je n'avais pas la moindre idée.) Il y a donc dix mondes -- dont trois inaccessibles à
l'homme -- et sept métaux. Tous les symboles qui sont les symboles planétaires sont les
symboles métalliques aussi. Les sept métaux sont placés dans les mondes ; le seul qui soit
placé dans le nôtre est l'antimoine. Le symbole de l'antimoine, c'est le symbole de la Terre.
Alors, on pourrait imaginer, comme on l'a vu tout au début, que l'information circule à
l'intérieur des cristaux. Si je prends un cristal, il y a de l'information qui court dedans. Si je
fais fondre le cristal ou si j'ouvre les cristaux, l'information que j'ai dedans va ailleurs ; elle
disparaît. On peut le démontrer : vous prenez un quartz, vous dites que c'est un fruit ; si vous
le pressez, vous allez avoir du jus. Ce jus, c'est bien de l'énergie : c'est l'effet piézo-électrique.
La fréquence de cette énergie va dépendre du nombre de faces. Plus j'ai de faces, plus la
fréquence est élevée -- on le sait en radio. Il y a une raison à cela : plus j'ai de faces, plus j'ai
de surface, et plus j'ai de surface développée, plus je peux mettre d'énergie. Donc, c'est
logique. Fort de ces informations, quand je prends un métal, il a de l'énergie à l'intérieur, et
quand je le fonds, les cristaux s'ouvrent et l'énergie qui est dedans disparaît. Un métal fondu
est un métal mort. Que devient cette énergie ? Où va-t-elle ? Elle ne va pas disparaître, il n'y a
pas de génération spontanée. On pourrait dire qu'il y a sept énergies, et que chaque énergie a
une fréquence différente, et c'est ce qu'on nous a montré dans l'Arbre des Sephiroth. Si je
fonds, par exemple, de l'or, son énergie va être au niveau du sixième monde, qui n'est pas le
mien ; donc, je ne peux pas l'utiliser. Le seul métal que je pourrai utiliser, c'est celui de mon
monde. Si je le fonds, les cristaux s'ouvrent, l'énergie qui est à l'intérieur disparaît, mais pour
aller où ? C'est son monde. Et c'est le seul métal que je pourrai fondre en conservant l'énergie
qui est dedans. C'est pour ça que j'utiliserai l'antimoine.
Mais ceci n'est qu'une toute petite phase. Le but est de retrouver l'unité. Et pour trouver
l'unité, on le dit partout, c'est la conjonction de ce qui est en bas et de ce qui est en haut. Donc,
travailler en antimoine, c'est travailler avec ce qu'il y a dans mon monde -- ça, c'est en bas.
Donc, je prends mon métal et je vais l'utiliser comme un diapason ; je vais essayer de capter
d'en bas l'énergie d'en haut pour trouver cette conjonction entre le haut et le bas. Mais
l'antimoine a déjà un message à l'intérieur, une musique. S'il a déjà sa musique, et que je
prends une note ailleurs et que je la mets dedans, ça va faire de la cacophonie. Je ne voudrais
pas cette note. Donc avant de pouvoir mettre cette note à l'intérieur, il va falloir que je retire la
cacophonie de la matière. C'est la vieille parabole de la vierge, où l'on dit : « Seul l'Esprit
descend dans la Vierge », c'est-à-dire dans la matière vierge. Et vierge, ça veut dire quoi ? Ca
veut dire qu'il n'y a pas d'autre information. C'est pour ça que quand on voit la Vierge, elle a
un livre ouvert où il n'y a rien d'écrit. Et là, l'antimoine servira uniquement d'aimant, de
creuset -- dans lequel on va mettre quelque chose.
Et que va-t-on mettre dans ce creuset ? Il va falloir aller chercher l'énergie d'en haut, et pour
cela, on va prendre le messager des dieux. Et c'est là que va entrer en jeu le mercure liquide --
le métal -- pas le mercure vulgaire, pas le mercure comme il est. Le mercure a des
particularités intéressantes ; vous remarquerez que c'est le seul métal qui est liquide à
température ambiante. Et liquide, ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il n'y a pas de cristaux
dedans. S'il n'y a pas de cristaux, c'est qu'il n'a pas d'énergie propre, et s'il n'a pas d'énergie
propre, il peut prendre n'importe laquelle -- c'est pour ça que c'est le messager des dieux.
Donc, je pourrai l'utiliser comme véhicule ; c'est ce qu'on fait dans la voie des amalgames, par
exemple, pour prendre de l'énergie de l'un et aller la mettre ailleurs.
F.-S. : L'un des avantages de cette voie est sans doute le fait qu'elle ne nécessite pas des feux
aussi violents que d'autres voies -- comme la voie des amalgames, par exemple, que vous
venez de citer. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
P. B. : Il n'y a pas de voie violente ou pas violente. On équilibre avec la matière ou pas. Il est
sûr que si je travaille avec des poudres métalliques -- je pense à la voie sèche, par exemple - et
que je les monte spontanément à 1200 ou 1500°, et qu'il y a des sous-produits explosifs,
évidemment, je risque de me faire sauter avec. C'est sûr et certain. Mais ça, ça me fait un peu
rire. C'est un peu comme quand on parle de médecines douces... Il n'y a pas de médecines
douces. On tue très bien les gens avec des plantes. C'est seulement, encore une fois, une
question de point de vue. Même en mettant des produits dans un ballon, je peux me tuer. Il y a
moins de risques que ça m'arrive, mais c'est possible.
Le danger est dans l'ignorance, quelle que soit la voie. Je fais quelque chose pour voir ce que
ça va donner. Si je n'en connais pas les conséquences, il se peut que ça explose ou que je
fabrique un poison. Au Moyen Age, ou avant, on ne connaissait pas les conséquences des
métaux lourds ; je suis sûr qu'il y a plein d'alchimistes qui étaient envahis par des démons.
Quand on ne connaissait pas encore la poudre et qu'ils utilisaient, par exemple, un extracteur
pour extraire les principes vivants du mercure, et qu'ils fabriquaient un fulminate de mercure
-- ça sert encore d'explosif aujourd'hui -- il est sûr que quand le labo explosait, tout le monde
autour devait dire : « Il y a des démons chez eux ! Vous ne vous rendez pas compte ! » Et puis
quand une autre fois, ils se trompaient et qu'ils fabriquaient un cyanure de mercure et que tous
les gens autour tombaient raide morts, on disait : « Ils ont ouvert la porte aux démons ! » De
même, l'antimoine est un poison aussi -- d'où son nom : quand on construisait des monastères,
qu'on creusait un puits et que les moines s'empoisonnaient avec l'eau, on en est venu à appeler
ça de l'"anti-moine". Mais le nom grec est bien plus intéressant : "stibine", qui est la voie de la
connaissance. Donc, dans toutes les voies, le danger naît de l'ignorance.
Bien sûr, il y a des voies plus souples, comme celle du mercure. Si quelqu'un tombe sur une
voie qui est beaucoup plus soufre, ça risque beaucoup plus d'exploser. Alors que s'il tombe sur
une voie beaucoup plus mercure, ça risque moins d'exploser, mais ça restera beaucoup plus
subtil. Est-ce qu'il va la subir ? Est-ce qu'il va l'entendre ? Est-ce qu'il va pouvoir la réaliser,
c'est-à-dire la mettre dans le réel ? Ca n'est pas sûr. C'est sans doute la raison pour laquelle les
voies métalliques sont beaucoup plus suivies par les hommes que par les femmes -- parce que
c'est des fourneaux, parce que ça chauffe, parce que ça pète. Personnellement, la voie que je
suis est une voie mixte : pour purifier l'antimoine -- enlever le message qui se trouve à
l'intérieur -- je vais utiliser une voie humide, c'est-à-dire que je vais décomposer la matière,
tranquillement, lentement, à une température de couveuse, normale. Entre parenthèses, on
peut faire des sous-produits explosifs quand même ! Et c'est bien pour ça qu'on utilisait un feu
de roue ou un feu chimique, parce que comme ça, on était sûr de pas avoir de flammes. Parce
que s'il y avait des flammes, ça vous sautait à la figure. Et puis, par contre, pour faire
descendre l'esprit à l'intérieur de la matière, je vais utiliser une voie un peu plus chaude, un
peu plus tonique. Mais c'est une voie personnelle. Donc, pour moi, il n'y a pas de voie plus ou
moins difficile, plus ou moins dangereuse, mais il y a des voies où l'on est plus ou moins en
équilibre, plus ou moins à l'aise.
J'ai de plus en plus l'impression que tous les rituels qu'il y a autour -- « Il faut prendre ça à tel
moment, il faut faire ça à telle saison » -- ne sont que des choses qui nous conduisent sur le
chemin de l'Unité mais qui n'ont en soi aucun intérêt ou très peu d'intérêt. De fait, la partie
oratoire est indissociable de la matière puisqu'on est parti du Verbe tout à l'heure et que la
matière n'est que la manifestation de ce Verbe. Au bout de la matière, au cœur de celle-ci, je
retrouverai la vibration, je retrouverai le Verbe. Qu'est-ce que l'oratoire si ce n'est pas cela ?
C'est bien créer à partir du Verbe, c'est bien la vibration initiale. Mais, je pense que l'Alchimie
est une voie de liberté absolue et, en tant que telle, elle doit s'affranchir de tout dogme, de
toute culture, de toute religion. Par conséquent, aucun alchimiste ne devrait dire : « Cette voie
est la seule », « Ca, c'est bien, ça, c'est pas bien ». On ne peut pas avoir une position aussi
tranchée que ça. Je crois que le fait de le dire prouve qu'on n'a pas trouvé.
France-Spiritualités :
Sur quoi portent vos stages ?
Patrick Burensteinas :
Sur plein de choses. C'est très vaste. L'idée était de dire : « L'Alchimie est quelque chose de
très intéressant. C'est quelque chose que j'ai envie de faire partager. » Mais il y a une parabole
qui dit: « On peut parler de tout, mais pas avec tout le monde. » Il y a nécessairement une
progression ; on ne met pas un fusil chargé dans les mains d'un enfant de deux ans. Par contre,
on pourra progressivement, quand il sera grand, lui dire : « Attention! Un fusil, c'est
dangereux ! » Il peut y avoir un apprentissage progressif qui va faire que l'on va éveiller, on
va intéresser. On va dire à chacun un certain nombre de choses. Les premières sont : « Vous
êtes libres », « C'est vous qui décidez », « Personne d'autre que vous ne sait ce qui est bon
pour vous ». Bien sûr, vous allez vous retrouver confrontés à un certain nombre de choses. La
liberté, c'est aussi l'embarras du choix, et personne d'autre que vous ne prendra les décisions à
votre place. Il va falloir faire ce qui vous semble juste -- ni bien, ni mal, ni morale. Ce qui
vous semble juste ! Quand on est engagé dans une quête alchimique, il n'y a qu'une seule règle
: « Ce qui rassemble, c'est bien, et ce qui fractionne, ce n'est pas bien. » On recherche l'Unité.
A partir de ce postulat, le seul intérêt qu'il y a pour vous au début, c'est d'être bien -- bien dans
votre peau, bien dans le monde -- d'être heureux. Comment peut-on y arriver ? On part du
postulat de l'Alchimie sans dire aux gens : « Vous allez devenir un grand Mamamouchi-chef.
Vous allez tout de suite trouver la pierre des Philosophes et vous allez être un Adepte
extraordinaire. Tout le monde va vous aduler », mais en disant : « Il y a un certain nombre
d'outils qui sont à votre portée et qui vous permettront d'aller aussi loin que vous voudrez
aller. » La première est chose est de dire -- et là nous revenons à notre notion de réalité -- que
l'univers est une question de point de vue : « Vous, vous avez un point de vue spécifique sur
cet univers. Si vous voulez toucher à une réalité non ordinaire, il va falloir utiliser des outils
non ordinaires. Parce que si vous utilisez des outils de tous les jours, des outils ordinaires,
vous ne pourrez appréhender qu'une réalité ordinaire. » Donc, il va falloir apprendre à utiliser
ces outils. Les plus simples sont ceux que nous possédons : les sens.
J'ai des sens, je sais faire des choses. Je sais regarder, par exemple. Mais si je sais regarder, ce
n'est pas pour autant que je sais voir. Je sais écouter, mais ce n'est pas pour ça que je sais
entendre. A partir de là, ne serait-ce qu'à partir des sens communs que j'ai, peut-être que je
peux appréhender mon univers autrement. Je peux avoir une vision plus vaste. Je peux voir
différemment, et par là même, comprendre un certain nombre de choses. C'est le syndrome de
la mouche qui se tape sur un carreau. La fenêtre à côté est ouverte, mais la mouche tape
toujours sur le même carreau parce qu'elle ne voit que ça. Elle ne voit même pas que la
fenêtre est ouverte. Il lui suffirait de changer de point de vue, de voir qu'il y a une fenêtre et
qu'elle est ouverte, pour qu'elle puisse sortir. Je n'ai rien changé, j'ai les mêmes outils, je n'ai
pas fait de magie. J'ai seulement regardé de l'autre côté parce que j'ai eu l'idée de dire : « On
peut regarder de l'autre côté ! » Alors ça, c'est la première chose que je propose : L'éveil des
sens. C'est dire : « Vous pourrez utiliser vos sens autrement. » Le plus commun est avec la
musique. Vous entendez une musique, puis vous analysez tout. Je peux avoir une satisfaction
intellectuelle comme ça. On voit des gens qui suivent les opéras avec la partition en disant : «
Tiens, lui il a fait une faute. Tiens, lui il a continué. » Il est content, à la fin, de se dire qu'il a
parfaitement suivi. C'est formidable, mais purement intellectuel. Mais une autre possibilité est
de dire : « Je ne connais rien à la musique, sauf que quand je l'entend, j'ai la chair de poule, je
ne sais plus où je suis. » Là, j'ai appréhendé l'univers autrement, j'ai perçu quelque chose de
différent qui m'a rendu heureux.
Donc, entre la vision romantique, qui consiste à dire : « Oh, qu'est-ce que j'aimerais bien voir
des choses extraordinaires ! » et le fait de les voir vraiment, il y a une toute petite marche, et
cette petite marche, elle ne se franchit pas comme ça. Car notre esprit est fait pour être dans le
monde des hommes et quand je déborde un peu sur autre chose sans y être préparé, je pète les
plombs ! C'est clair : d'une manière ou d'une autre, je fais une syncope, ou je pars en courant,
ou je dis que ce n'est pas possible... Cela ne s'improvise pas, donc il faut qu'il y ait une
progression.
L'éveil des sens constitue donc la base du cursus. A l'intérieur, je parle de la langue des
oiseaux. C'est une des méthodes que les alchimistes possèdent pour se transmettre des secrets
de fabrication. C'est un jeu ; ce n'est bien sûr pas de la sémantique. Mais, ça permet à chacun
d'entendre cette musique, donc de changer de point de vue, de commencer à faire travailler
son esprit autrement et de dire : « Tiens, il y peut être des choses cachées, des choses que jeux
comprendre ! » En plus, c'est très jouissif parce que les gens se rendent compte que dans les
mots de la vie de tous les jours, ils passent à côté de choses tellement évidentes que lorsqu'ils
tombent dessus, ils sont contents comme tout ! Ca leur fait plaisir ; ils disent : « Mais oui, bien
sûr, je suis capable de comprendre les secrets de la nature ! » Alors, je parle de la langue des
oiseaux -- ce qui débouche sur autre chose, par exemple sur La visite des mondes.
S'il existe une technique thérapeutique, elle n'est pas réservée au grands initiés, mais elle est
forcément à la portée de tout le monde -- en tout cas dans un premier temps. La technique est
à la portée de tout le monde, mais c'est de l'Alchimie ; et en tant que tel, c'est un Art. On
début, on apprendra la technique, mais ensuite on apprendra l'Art, ou en tous cas on pourra
être tenté de conduire les gens le plus proche possible de l'Art. Chacun transformera le savoir
en Connaissance ou pas. Ca, c'est la voie thérapeutique. Je ne l'ai longtemps réservée qu'à des
thérapeutes, médecins et autres, mais je l'ouvre à présent un peu à tout le monde -- tout au
moins le début. Mais, je tiens à préciser que cette voie est indissociable de la voie initiatique.
C'est à dire que guérir les gens n'est qu'une conséquence -- heureuse, certes -- mais en aucun
cas le but. Le but, c'est qu'ils se posent la question de savoir comment ils ont été guéris et que
cela leur ouvre l'esprit, que leur point de vue change et que cela leur permette d'atteindre
l'Unité. Guérir quelqu'un en Alchimie, c'est comme l'or pour la Pierre des Philosophes. C'est
une conséquence heureuse qui montre que cette voie conduit quelque part.
Je propose également un séminaire intitulé Les lettres de la Kabbale. Ce qui m'intéresse, là, ce
n'est pas la guématrie ou la connaissance des textes, car il y a des gens qui font ça bien mieux
que moi. Mais chaque lettre a une vibration, une résonance particulière. Si l'on est capable de
posséder chaque lettre, c'est-à-dire de la comprendre au sens littéral du terme -- la
comprendre, comme compris dans un ensemble -- de la mettre à l'intérieur de soi, de la
chanter par exemple, il se passe quelque chose. Chaque lettre, encore une fois, va nous
conduire un plus près de l'Unité, ce qui est le but final.
Il y a aussi L'oratoire. C'est un stage qui ne s'adresse qu'à des gens qui ont déjà fait quelque
chose. Comme son nom l'indique, son objectif est la connaissance de l'oratoire. C'est-à-dire
que si l'alchimiste considère que l'on vit naturellement dans ce monde, celui de la matière, le
fait que cette matière soit cohérente avec nous est un "drôle de hasard". Si, par exemple, je
vibrais d'une manière légèrement plus dense -- c'est-à-dire moins vite -- ce monde serait de la
fumée pour moi. Si je vibrais légèrement plus vite, c'est moi qui serais de la fumée pour ce
monde. Donc, le fait qu'il soit solide n'est qu'une question de réglage. La preuve, c'est qu'il y a
plein de musique ici et qu'on ne l'entend pas ; mais si je prends un poste de radio et que je le
règle sur la bonne fréquence, la musique que je n'entends pas en ce moment pourrait me
rendre sourd. Donc, est-ce qu'elle existe ou pas ? Cela dépend du récepteur. Peut être que sous
certaines conditions, nous sommes capables de changer le récepteur, de nous étalonner
autrement et de nous rendre compte qu'il y a peut-être autre chose qui vit naturellement à des
fréquences légèrement différentes. A ce moment là, on peut peut-être échanger, faire un
certain nombre de choses. Ca, c'est L'oratoire.
Il y a de temps en temps des stages opératifs -- dans le domaine végétal en particulier -- quand
j'ai le temps de les organiser, surtout pour des pharmaciens. On y voit le matériel de base,
comment extraire les principes vivants des plantes, comment faire des pierres végétales, des
teintures, etc. Mais je parle généralement un petit peu de tout ceci dans L'éveil des sens.
C'est-à-dire que je ne traite pas que de l'éveil des sens ; j'insère également de petites
opérations pratiques qui permettent de fabriquer de petites choses, mais tout de suite. Les
stagiaires peuvent ainsi voir qu'il se passe bel et bien quelque chose. C'est encourageant, parce
qu'on se dit : « Il nous raconte plein de trucs, mais moi j'aimerais bien faire quelque chose et
voir. » On fait des choses, et avec des moyens vraiment les plus simples possibles, à la portée
de tout le monde. Et là, il se passe déjà quelque chose.
Et bien sûr, il y a la voie métallique. Mais je ne l'enseigne pas ; je la donne, ou pas. Ca n'est
pas un stage. Il n'y a pas, dans ce cas, de relation commerciale. Ca peut se dégager à l'intérieur
d'un stage. Il y a des gens qui suivent quelque chose, et puis je sens qu'ils ont envie d'aller
plus loin. S'ils sont motivés, et s'ils ont vraiment envie de le faire, petit à petit... Mais là, c'est
d'homme à homme, ou d'homme à femme.
F.-S. : Est-ce qu'il y a un ordre dans le déroulement des stages ? Est-ce que, par exemple, il
faut passer par L'éveil des sens ?
P. B. : Pour faire les autres stages oui ; il est mieux de passer par L'éveil des sens. On va en
effet parler d'Alchimie, et bien souvent les gens n'en connaissent rien du tout. Or, il faut que
l'on dispose d'un langage commun. Il faut donc que l'on parle un minimum des symboles, de
la transmission, des couleurs de l'Œuvre, etc., dans la mesure où l'on retrouve ces choses
partout et tout le temps dans les stages.
En ce qui concerne la voie thérapeutique, les choses sont un peu différentes puisque les stages
peuvent s'adresser à des thérapeutes qui disent : « Moi, votre truc je n'en ai rien à faire -- que
ce soit de l'Alchimie ou n'importe quoi d'autre. Moi, ce qui m'intéresse, c'est d'avoir une
méthode pour guérir les gens. » J'accepte malgré tout, s'ils sont déjà thérapeutes. Ce qui ne
m'empêche pas de leur parler de la voie initiatique en leur disant que c'est indissociable. Il ne
s'agit pas d'une technique. Mon but n'est pas qu'il y ait dix millions de personnes qui fassent
de la Trame ou qu'il y ait dix millions de personnes qui fassent de l'Alchimie. Je dirais à la
limite que si personne n'est intéressé, cela m'indiffère prodigieusement.
Je le fais parce que j'ai eu la chance de tomber dedans, d'avoir un certain nombre de choses ;
et pour moi, la Tradition, la transmission, est comme une rivière. Pour que ça existe, il faut
deux conditions : un, que ça soit relié à la Source ; et deux, que ça coule. Si l'une des deux
conditions n'est pas réalisée, ça ne marche pas. Si ça n'est plus relié à la source, ça s'assèche.
Si ça ne coule pas, ça croupit. L'intérêt de la Voie, pour moi, c'est lorsque quelqu'un l'a reçue
et qu'il se trouve dans cet esprit-là. Je ne veux pas dire que tout le monde va devenir
alchimiste. Mais il importe qu'il soit dans cet esprit de rassemblement. Le but est qu'il dépasse
le maître. Comment peut-il dépasser le maître ? En inventant quelque chose de nouveau
auquel personne n'a pensé et en le faisant partager à tout le monde. Ceci constitue pour moi le
but, dans quel domaine que ce soit.
Que ce soit un peintre, un musicien, un dentiste, etc., il va utiliser cette philosophie pour en
faire quelque chose et il va la faire partager au plus grand nombre. C'est pour ça et c'est dans
cet esprit là que je transmets quelque chose.
Mais je ne fais que proposer. Dieu merci, je n'ai pas besoin de ça pour vivre, ce qui me donne
une liberté ab-so-lue ! Si quelqu'un me dit que ça ne l'intéresse pas, je pars, je vais ailleurs. Ca
ne me dérange absolument pas. Mais il y a une véritable envie de transmission. Quand on voit
les yeux des gens s'allumer parce qu'ils ont percuté sur quelque chose, ça vaut tout l'or du
monde. Je ne sais pas si vous avez vu les photos où l'on voit les enfants qui font la Trame --
des enfants trisomiques, qui sont handicapés et qui font cette séquence. Je me dis que si j'ai
une seule raison de faire ça, elle est là. Le reste, c'est du bonus. Disons que dans mon cœur, si
je suis tout seul dans mon laboratoire en train de faire mes trucs, ça me suffit largement.
F.-S. : Selon vous, tout le monde peut-il pratiquer l'Alchimie ? Et quelles qualités doit
posséder en priorité l'apprenti alchimiste ?
P. B. : Oui, bien sûr, tout le monde peut pratiquer l'Alchimie. Maintenant, la question n'est pas
de savoir qui peut pratiquer l'Alchimie, mais pourquoi. L'Alchimie, pour moi, est un outil, un
outil comme un autre -- bon pour moi parce que ça m'a plus, mais peut-être nul pour
quelqu'un d'autre. Mais la seule question que l'on pourrait se poser est pourquoi : « Qu'est-ce
que je cherche ? Quelle est la quête que je veux entreprendre ? » Après, on pourra se poser la
question de savoir quelles méthodes on va utiliser. Mais avant tout, la question doit être : «
Qu'est-ce que je cherche ? » La qualité essentielle, oserais-je dire, est de le savoir.
On est ici dans un monde où l'on a toujours ce que l'on veut. Paradoxalement, cela paraît
affreux de dire ça. Mais quand on pose la question à des gens qui vivent des vies difficiles, on
dit : « Mais, qu'est-ce que vous voulez vraiment ? » A 90%, ils vont dire : « Je n'en sais rien !
» On pourrait leur répondre : « Mais c'est exactement ce que vous avez ! Vous ne savez pas ce
que vous voulez, et c'est ce que vous avez. Donc, ne vous plaignez pas ! » Et lorsqu'on va
prendre la voie de l'Alchimie on n'a pas, à 90% -- pour ne pas dire plus -- la moindre idée d'où
l'on va, de ce que l'on va faire ou d'à quoi ça sert. On s'imagine que c'est un truc mystérieux.
On a été contacté par quelqu'un, ou on a entendu quelqu'un nous parler d'Alchimie, et on se
dit : « Ca y est, je vais entrer dans le secret des dieux, et tout de suite, et je vais avoir des
révélations extraordinaires qui vont changer ma vie et qui vont faire que je vais devenir
différent. Je vais longer les murs en regardant les gens comme ça. » C'est le côté très
romantique de la chose, et c'est ça qui nous intéresse vraiment au début. Mais lorsqu'on sait le
travail que cela peut demander au début, quand on a commencé à faire deux ou trois
expériences, ça n'est pas du tout romantique ! C'est fastidieux, c'est ennuyeux, c'est
désagréable, c'est tout ce que vous voulez. Et puis, il n'y a aucun résultat. On va fondre
cinquante mille fois le même truc pour avoir un bout de scorie puant et puis on va dire : « Ca
ne marche pas. Ah oui, tiens… C'est pas du tout comme ça qu'il fallait faire. » Et ainsi de
suite. Et au fil du temps, il va se passer quelque chose. Les scories, on va les retirer non
seulement de la matière, mais aussi de nous-mêmes. Et petit à petit, ça va être de plus en plus
simple. Petit à petit, il va se passer quelque chose. Mais, avant de prendre la voie, et même
pendant un certain temps par la suite, on n'a pas la moindre idée de ce que c'est et d'où ça
mène. A la limite, je dirais qu'au début, c'est un succès d'estime. C'est quelqu'un que l'on
connaît, et dont on dit : « Celui-là, il a l'air super. Tu as vu, c'est un grand magicien, il fait
plein de trucs. Donc s'il m'apprend ça, ça va être génial pour moi. » Mais, c'est la seule clef
que l'on peut avoir, la seule clef. Donc, la qualité essentielle, pour moi, c'est la patience.
J'insiste vraiment sur la liberté absolue : pas de maître, pas de gourou, pas de dogme, pas de
vérité absolue. Il faut savoir que les voies initiatiques sont des voies solitaires. Le chemin, on
le fait forcément tout seul. Par conséquent, personne ne peut vous dire dans cette voie : « Ca,
c'est bien, ça c'est pas bien. » On peut seulement dire : « Voilà, moi j'ai fait ça, et il s'est passé
ça. Essaie. » C'est tout. Mais, j'insiste sur la liberté ; pas de gourou surtout !
France-Spiritualités :
Est-ce que lorsqu'on est un alchimiste opératif, certaines autorités s'intéressent à vous ?
Patrick Burensteinas :
Je n'en sais rien. Sans doute ! Je pense que plus on a l'air bizarre, plus on doit passer pour un
fou furieux et on dit que ce n'est pas grave. Quand on travaille sur des choses sensibles, il y a
une règle minimale qui dit : « Si un seul homme possède l'information, il est facile de faire
disparaître l'information. S'il y en a plein qui possèdent la même, c'est plus difficile. » Et l'on
n'a plus d'intérêt à faire disparaître le seul homme. C'est une philosophie que l'on pourrait
résumer de la manière suivante : « Ce que je sais est partout, il n'y a rien de plus. Je peux vous
expliquer comment on fait. »
Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas eu ce type de problème. Je n'ai eu personne sur le dos.
Je n'ai pas l'esprit paranoïaque, et de toute manière, la peur n'évite pas le danger. Je pourrais
ne plus sortir dans la rue par peur de me faire écraser. Donc, je n'en sais rien et ça m'indiffère
un peu, parce que je ne vois pas très bien pour quelles raisons une autorité déciderait de
s'intéresser à moi. Ca pourrait être l'or, ça pourrait être le pouvoir. Mais les autorités ont
tellement d'autres moyens de les avoir autrement que cela ne présente aucun intérêt. Le seul
risque serait si je tenais un discours par exemple sectaire, en disant : « Voilà, pour suivre
l'Alchimie il faut être contre l'Etat, il faut être contre la loi. Ni Dieu, ni maître. » Ce n'est pas
du tout le cas ! Ou encore introduire un contre-pouvoir. A ce moment là, oui, on pourrait
imaginer certaines choses... Mais je ne pense pas intéresser plus que ça les autorités.
F.-S. : Vous semblez accorder une grande importance aux contes ainsi qu'à la langue des
oiseaux, que vous maniez d'ailleurs avec beaucoup d'aisance. Avoir des connaissances dans
ces domaines est-il indispensable, à votre avis, lorsque l'on veut avancer dans la recherche
alchimique ?
P. B. : Pour faire de l'Alchimie, au contraire, le mieux est de ne rien connaître du tout. Moins
on connaît de choses, moins on sait, et moins on a de carcans, de préjugés, d'habitudes à faire
disparaître, et plus on est apte à changer de point de vue. Et comme c'est là le but, c'est
évidemment plus intéressant.
Maintenant, il faut penser que d'autres sont passés par là avant et il peut être très agréable, par
conséquent, de retrouver des clins d'œil, de se dire : « Tiens, quelqu'un avant moi a écrit un
texte, qui a fait quelque chose, et il l'a écrit en sachant que quelqu'un d'autre allait le lire, dans
cette vision altruiste. Il ne savait pas quand, il ne savait même pas s'il serait vivant, et pourtant
il l'a fait quand même, parce qu'il avait envie de transmettre quelque chose.» Ce type de
fraternité, qui dépasse le temps et l'espace, va lui aussi dans le sens du rassemblement.
En conclusion : non, ça ne sert à rien pour faire de l'Alchimie, mais oui, ça sert beaucoup pour
avancer soi-même. Parce que l'on va chercher à l'intérieur la qualité de l'autre, de celui qui a
écrit -- par exemple un conte -- écouter avec quelle maestria il a su composer des tableaux à
plusieurs entrées qui ne peuvent être compréhensibles que par certaines personnes.
Et puis, la langue des oiseaux, ça ne sert à rien, sauf qu'il est très jouissif d'être capable de
trouver à l'intérieur d'un texte quelque chose que l'auteur a volontairement mis. Je pense à
Rabelais, par exemple, qui commence son premier livre en disant : « Seul celui qui connaît la
langue des oiseaux pourra comprendre mes textes. » Cela a été fait exprès. Je pense donc qu'il
vaut la peine de connaître la langue des oiseaux, en tous les cas pour son plaisir personnel et
dans tous les cas pour avancer, même si ce n'est pas une nécessité.
Pour nous, c'est facile. Nous sommes ici dans une société où l'on est gâté. Si j'ai besoin d'un
produit -- d'un carbonate de potasse, par exemple -- j'appelle le fabricant et je l'achète. A
l'époque, il fallait brûler trois stères de bois. Alors encore une fois, est-ce que ça veut dire que
pour faire l'Œuvre il faut revenir à ces méthodes empiriques ? Non.
Je dirais que celui qui s'accroche à la forme a perdu le fond. Mais, si on connaît le fond,
n'importe quel chemin est possible. Je pense que si ces alchimistes du moyen âge avaient eu
l'électricité et le gaz, ils l'auraient utilisé. Donc, ce n'est jamais qu'une adaptation au milieu et
par conséquent, aucune connaissance particulière n'est nécessaire. Parce que les réactions
qu'on doit avoir ne sont pas des réactions logiques, puisque l'expérimentateur a une place dans
l'expérience. C'est plutôt dans son cœur et dans son esprit que ça va se passer.
F.-S. : Pouvez-vous nous indiquer deux ou trois ouvrages qui, à votre avis, devraient être
absolument étudiés par les apprentis alchimistes ?
P. B. : Non. Non, parce que je reste convaincu que l'Alchimie est une tradition orale et que par
conséquent, il est bien plus intéressant d'échanger avec quelqu'un qui a un peu travaillé. Pour
moi, il y a deux catégories de bouquins : des penses-bêtes pour ceux qui savent -- qui sont
intéressant pour eux, mais incompréhensibles pour les autres -- et il y a un fatras de n'importe
quoi collationné par ceux qui ne savent pas. Il y a sans doute quelques livres qui donnent des
clefs intéressantes.
F.-S. : Fulcanelli ?
P. B. : Non, parce que Fulcanelli me titille un peu. Je pense que c'est un collectif et non un
individu ; et puis il y a des choses qui me gênent... par exemple dans ses interprétations des
Demeures philosophales : il fait des interprétations linéaires de choses qui ne sont pas de la
même époque. Et ça, ça me titille un peu. Mais cela n'engage que moi.
Je reste convaincu qu'en Alchimie, comme dans toutes les voies initiatiques, on doit faire son
expérience soi-même. Lire des livres, c'est formidable, mais on ne fait là que partager
l'expérience de quelqu'un d'autre. Ca n'est pas la vôtre. Vous n'êtes pas sans savoir, si vous
avez lu des bouquins d'Alchimie, que beaucoup sont incompréhensibles. Et pourquoi sont-ils
incompréhensibles ? Déjà, les auteurs utilisent le même terme pour désigner des choses
différentes -- ça dépend du contexte, mais aussi de l'air du temps. On peut dire que les gens --
ceux qui avaient vraiment quelque chose à dire -- écrivaient comme ils parlaient. S'il n'y avait
personne pour lui dire : « Attends, qu'est-ce que tu as voulu dire là ? », c'était fini. Je pense,
par exemple, au terme "mercure" et à d'autres qui veulent dire cinquante mille choses
différentes. C'est d'autant plus difficile, si en plus on n'en possède pas les clefs, si on n'a pas le
contexte de l'époque, si on n'a pas la langue de l'époque. Il y a encore d'autres catégories de
livres. Il y a les livres anciens qui, pour moi, sont les seuls intéressants. Parce que quand
quelqu'un risquait le bûcher en disant quelque chose, ce n'était pas pour faire du fric. Il avait
une vraie raison de le dire. Maintenant, c'est à la mode. On parle d'Alchimie, d'extraterrestres,
de ce que vous voulez, quand on veut faire vendre un bouquin, qu'on veut faire vendre
quelque chose. Pour moi, la motivation est différente. En dehors de ça, il y a quelques
cherchants aujourd'hui qui ont écrit des bouquins ; j'en ai feuilleté certains, où sont donnés des
modes opératifs judicieux et intéressants. Personnellement, les seuls bouquins que j'ai sont les
Lémery, car se sont des livres de chimie et ces livres de chimie décrivent des opérations qui
sont intéressantes. Les Naquet, médecin de Louis XIV. La pharmacie de Lémery. Ce sont des
bouquins d'époque, intéressants. Il est très agréable d'avoir des bouquins qui ont couru les
laboratoires. Ce n'est pas vraiment pour ce qu'il y a dedans, mais c'est le fait de ressentir, de
toucher. Il y a quelqu'un d'autre qui s'est penché là-dessus, qui a mis des annotations, qui a
vraiment travaillé. Ca, ça a plus d'enseignement pour moi que les opérations. Ca veut dire que
si j'ai eu un peu de vague à l'âme -- tout alchimiste connaît cela -- je peux me dire : « Ca ne
marche pas, c'est des conneries ces trucs-là », fermer la porte du labo et jeter la clef en disant :
« Je ne reviendrai jamais », deux jours après, on vient rôder en disant : «Ce sera peut-être le
bon jour, la bonne fois. » Et bien, quand on voit un bouquin comme ça, ces annotations en
pattes de mouches, on se dit qu'il y a des gens qui ont vraiment donné leur vie pour ça. Il y a
de véritables cherchants. Pour moi, c'est bien plus fort d'enseignements qu'essayer de
décrypter à l'intérieur d'un texte quelque chose qui n'a peut-être aucun sens. C'est ma position.
Il y en a d'autres qui disent : « Pas du tout ! On doit absolument étudier les textes parce que ça
nous met sur le chemin de l'Alchimie, parce que ça change notre manière de penser qui fait
que... » Peut-être. Mais les expériences à faire, pour moi, sont tellement simples...
F.-S. : Mais à la base, vous êtes parti de vos connaissances scientifiques ? Mais lorsqu'on n'a
pas de connaissances scientifiques, il faut bien partir de quelque part…
P. B. : Je suis complètement d'accord avec vous, mais la question que vous m'avez posée
était : « Pour vous, quels sont les livres… ? » Je vous ai répondu pour moi.
F.-S. : Dernière question pour finir... Si vous pouviez transformer les vils métaux en or, à quoi
utiliseriez vous les richesses ainsi amassées ?
P. B. : A rien du tout ! A rien. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec de l'or ? C'est ce
que je vous ai dit. Ça n'a aucun intérêt. De plus, si j'étais capable de faire plein d'or, l'or ne
vaudrait plus rien.
F.-S. : Saint Vincent de Paul -- comme d'autres -- avait, paraît-il, utilisé ses richesses pour des
œuvres charitables.
P. B. : Pourquoi pas ? On dit aussi que Flamel -- ce qui est d'ailleurs vrai -- a nourri tous les
pauvres de son quartier, a monté des hôpitaux, des églises. Pourquoi pas ? Chacun fait un peu
ce qu'il a envie de faire. Je pense que faire plein d'or serait rester dans un système d'existence
dans lequel les gens ne sont pas bien et les conforter dans ce système-là. Franchement, ce n'est
pas une question que je me suis posée. Si j'étais pompeux, je dirais : « La seule richesse est la
richesse du cœur. » Je n'aurais pas cette notion humaniste de dire : « Je vais ouvrir des
restaurants, je vais nourrir les gens. » Franchement, je ne le ferais pas. Mais je dirais plutôt
aux gens : « Vous voulez faire quelque chose ? Eh bien, il va falloir que vous vous bougiez !
Moi, je suis volontaire pour vous aider à bouger. Je vais passer mon temps pour vous aider à
bouger. Mais ne comptez pas sur moi pour vous dire qu'il faut faire ci ou qu'il ne faut pas faire
ça. Je vais vous faire voir un certain nombre de choses et c'est vous qui ferez votre choix. »
Guider les gens, pour moi, est toujours dangereux. Lorsqu'on guide quelqu'un, est-ce qu'on le
guide sur nos pas ou sur les siens ? Mais il est certain que cette attitude pourrait être mal vue ;
les gens diraient : « Quand même, il est capable de faire de l'or, il n'en fait pas profiter les
autres ! » Je ne pense pas que la solution soit là. Je pense que cette espèce de névrose
obsessionnelle de l'or vient de ceux qui imaginent ce qu'est l'Alchimie, mais pas de ceux qui
savent ce qu'est l'Alchimie. On ne se nourrit pas d'or ; l'or ne sert à rien. Il faut quand même
revenir à ça : ça ne sert à rien ! C'est une invention de l'homme. Un jour, on a dit : « Ça vaut
quelque chose. » Mais c'est tout. Ça ne vaut rien, et je pense qu'il est plus intéressant, comme
vous le disiez tout à l'heure, d'apprendre à pêcher aux gens plutôt que de leur donner du
poisson -- même s'ils râlent en disant : « Ce serait quand même beaucoup plus simple que
vous nous donniez du poisson ! » Imaginez : je fais une tonne d'or et je commence à nourrir
les gens. Le jour où je n'aurai plus d'or, que vont dire les gens ? Ils vont s'écrier : « Comment !
Il nous nourrit plus ? De quel droit ? » C'est là qu'ils vont me mettre un coup de fusil !
F.-S. : Patrick Burensteinas, merci beaucoup.