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John NORMAN
Traduction révisée
Titre original :
Outlaw of Gor
John NORMAN
UN MOT SUR LE
MANUSCRIT
Mon bon ami Harrison Smith, jeune
avocat de son état, m'a récemment fait
passer un second manuscrit, censé
LE TÉMOIGNAGE DE HARRISON
SMITH
À ma consternation et à celle de
l'université, Cabot a disparu après la fin
du premier semestre. Je suis certain que
ce ne fut pas de son propre gré. Cabot
est un homme qui tient ses engagements.
Je souris aussi.
demi plein.
— Ta-Sardar-Gor !
Il s'éloigna tristement.
—
Attends ! lui criai-je tout à coup.
—
Pourquoi m'as-tu montré ça ?
— À demain, précisai-je.
— Non, riposta-t-il. Je repars pour les
montagnes.
Laisse-moi t'accompagner.
ZOSK
—
Je ne te veux pas de mal, assurai-je.
Non, répondit-il.
— De quelle cité ?
— D'aucune cité.
— Tu es sûrement de Ko-ro-ba,
répliquai-je.
Je m'éloignai donc.
4
LE SLEEN
J'avançais en trébuchant dans l'obscurité
vers les remparts de Ko-ro-ba, frappant
les pierres avec l'extrémité de la hampe
de ma lance pour ne pas quitter la route
et écarter de mon chemin les serpents
qui pourraient s'y trouver. Ce fut un
voyage cauchemardesque et insensé que
cette ruée dans la nuit pour rejoindre ma
Cité; je me meurtris, tombai, m'écorchai
dans le noir et, pourtant, j'étais
aiguillonné par un doute et une
appréhension si torturants que je ne
pouvais me permettre aucun repos
jusqu'à ce que je sois de nouveau sur les
hauts ponts de Ko-ro-ba.
N'étais-je pas Tarl de Ko-ro-ba ? N'y
avait-il pas de cité
— Je vais à Ko-ro-ba!
Je ris.
— Je t'attendais, reprit-il.
— Non.
—
Parles-tu au nom des Prêtres-Rois?
questionnai-je.
Oui, répliqua-t-il.
Je le crus.
—
Je suis Tarl de Ko-ro-ba ! répliquai-je
fièrement.
m'écriai-je.
Soumets-toi.
—
Non ! dis-je.
demandai-je.
— Si.
—
— Un Initié ?
Il secoua la tête.
—
Ar la Glorieuse, dis-je doucement.
Il se mourait.
VERA
J'étais intrigué.
Oui, tu es belle.
demanda-t-elle.
Non, répliquai-je.
Comment t'appelles-tu ?
— Vera.
De quelle cité ?
— Pourquoi te la donnerais-je ?
— Parlons, consentis-je.
— Prends-le, répliquai-je.
—
L'un de mes hommes est mort. Tu auras
sa part du prix de la vente.
— Tu es généreux.
- Non!
— Peut-être, admis-je.
Je gardai le silence.
— Tarl, répondis-je.
— De quelle cité ?
— Ko-ro-ba, dis-je.
— Accordé, dis-je.
Je t'affranchirais.
rompre.
— Le mien, précisa-t-il.
Je la regardai.
— Es-tu de Ko-ro-ba ?
Je l'étais.
—
Je suis navré, dis-je.
LA CITÉ DE THARNA
industrieuse et sobre.
Dans l'ensemble, ils me semblaient
pâles et déprimés, mais j'étais persuadé
qu'ils pouvaient accomplir tout ce qu'ils
entreprenaient, qu'ils étaient capables de
réussir des tâches que le Goréen moyen,
avec son impatience et sa légèreté
Je me retournai.
— Oui.
— Qui es-tu, Étranger?
— Je sais.
— As-tu de l'argent ?
— Non.
—
Naturellement, répliqua l'homme d'une
voix pateline, un peu tremblante, en
ramenant encore davantage le capuchon
sur ses traits.
Cela m'intéressait.
—
Je peux t'aider à te procurer non
seulement un tarn, reprit-il, mais aussi
mille tarnets d'or et des provisions pour
un voyage aussi long que tu voudrais.
Ah ! s'exclama-t-il.
Quoi alors ?
—
Tu es audacieux et fort.
présent froid.
— Lara.
La Tatrix de Tharna.
9
LE DÉBIT DE KAL-DA
— Je refuse ! dis-je.
— Rien !
— Et pourtant tu refuses ?
—
Oui, je refuse !
— Tu as peur.
Fuis, Étranger !
—
J'ai reçu la bienvenue de Tharna.
—
Où puis-je passer la nuit?
L'homme sourit.
questionnai-je.
—
—
Réveille-toi ! ordonna une voix.
Au nom de qui ?
10
LE PALAIS DE
LA TATRIX
Toute résistance aurait été inutile.
—
Je n'ai rien volé, dis-je.
— Es-tu un Guerrier ?
— Oui, répondis-je.
—
Oui, acquiesçai-je.
Tharna!
11
LARA, TATRIX DE THARNA
— À genoux ! commanda-t-il. Tu es
devant Lara, Tatrix de Tharna!
Détruisez l'animal!
La voix était froide, vibrante, claire,
décisive, autoritaire.
Guerrier, reprit-elle.
—
Je ne peux pas, sanglota Ost. Je ne peux
pas. Froidement, la Tatrix leva sa main
gantée. Quand la main s'abattrait, le
fouet en ferait autant.
Non ! criai-je.
d'Ost, je la connais.
— Je suis innocent !
les pièces.
La tête me tournait.
Je fus suffoqué.
L'officier rit.
Thorn rit.
Oui, oui.
Et il les a acceptées ?
— Oui, dit Ost.
Thorn déclara :
questionna la Tatrix.
—
Ost me les a données... en cadeau, dis-
je. Thorn rejeta la tête en arrière et rit à
gorge déployée.
—
Il est parfois dur, Étranger, d'être la
Première à Tharna. Je ne m'attendais pas
à cette réponse.
—
Il m'a fourré la bourse dans la main, dis-
je, et s'est enfui en courant. (Je regardai
la Tatrix.) Je suis venu à Tharna pour me
procurer un tarn. Je n'avais pas d'argent.
Avec les pièces d'Ost, j'aurais pu en
acheter un et continuer mon voyage.
Aurais-je dû les jeter?
— Visiblement, le complément de la
somme devait suivre l'accomplissement
de l'acte.
—
Je ne te crois pas.
Je ne dis rien.
— Alors quoi ?
— Ton enlèvement.
La Tatrix se raidit soudain, tout son
corps trembla de fureur. Elle se leva,
l'air hors d'elle.
Ordonna-t-elle.
12
Tu es charmante, dis-je.
— Merci, dis-je.
Elle me sourit.
Je restai interdit.
- Tarl.
— De quelle cité ?
D'aucune cité.
—
Oh ! m'exclamai-je.
—
Je lui souris.
—
Je vois.
— Qu'as-tu fait ?
— Lorsqu'il a été en sécurité, j'ai
accompli mon devoir. Je me suis livrée
au Grand Conseil de Tharna et j'ai tout
avoué. Il a été décrété que je perdrais
mon masque d'argent, porterais la
camisk et le collier et que je serais
envoyée dans les Grandes Fermes pour
porter de l'eau aux Esclaves des
Champs. Elle se mit à pleurer.
—
L'amour n'est-il pas un crime ?
Elle rit.
— Et Andreas ? demandai-je. Si tu ne le
rejoins pas, ne viendra-t-il pas te
chercher, ne pénétrera-t-il pas de
nouveau dans la Cité ?
Tu crois cela ?
— Andreas ! s'écria-t-elle en se
précipitant vers lui. 13
LES
DIVERTISSEMEN
DE THARNA
Le soleil me blessait les yeux. Le sable
blanc parfumé, mêlé de mica et de
minium, me brûlait les pieds. Je ne
cessais de cligner des paupières pour
tenter d'atténuer la torture de la lumière
éblouissante. Je sentais déjà la chaleur
du soleil pénétrer le joug d'argent que je
portais.
—
Crois-tu que seuls les Guerriers sont
braves ? rétorquat-il. Il fut tout à coup
frappé par-derrière, d'un coup brutal
assené dans le dos par une hampe de
lance et il s'affaissa en gémissant. La
lance me frappa moi aussi à maintes
reprises dans le dos, en travers des
épaules, mais je restai debout, droit sous
le joug, pour ainsi dire comme un boeuf.
Puis, avec un claquement sec, une mèche
de fouet cingla soudain mes jambes et
s'enroula autour comme un serpent
brûlant. Mes jambes furent tirées de
dessous moi et je tombai lourdement
dans le sable.
—
Dorna la Fière a parié cent tarnets d'or
sur ce bloc. Veille à ce qu'il ne perde
pas.
— Et s'il perd ?
le sable.
Il me regarda bizarrement.
—
J'ai survécu trois fois aux
Divertissements de Tharna, dit-il en se
plaçant en face de moi.
— Oui.
—
Très bien, répliquai-je.
— Tue-le !
— Tue-le !
Elle rit.
Va-t'en de là ! cria-t-il.
Je me retournai pour lui faire face.
— Décapuchonne-le, ordonnai-je.
Libère-le !
Je le trouvai superbe.
— Tuez-le ! cria-t-elle.
J'entendis aussi Dorna la Fière enjoindre
aux guerriers d'accomplir leur tâche. Les
lanciers de Tharna ne tarderaient pas à
nous assaillir. Déjà un ou deux avaient
sauté pardessus le mur des tribunes et
s'approchaient. La grande porte par
laquelle avait été amené le tarn s'ouvrait
aussi et une file de guerriers en sortait
en toute hâte.
Le tarn fonça.
15
— Certainement, assurai-je.
— Peut-être.
Finalement, les mots sortirent, lentement,
énoncés avec soin.
— Oui, répondis-je.
Excuse-moi.
— Je suis ta prisonnière, n'est-ce pas ?
reprit-elle, d'un ton insolent.
Oui.
Jamais ! cria-t-elle.
—
Tu plaisantes, dit-elle.
Elle rit.
Serais-je... exhibée ?
— Naturellement.
— ... dévêtue ?
—
Tu seras peut-être autorisée à porter des
bracelets d'esclave ! ripostai-je d'un ton
agacé.
Tu me ferais ça?
Elle gémit.
Voilà le moment, pensai-je.
Sa voix exultait.
Sa tête s'inclina.
- N'importe, libère-les.
Libère-les, répétai-je.
—
— Tu les auras.
Je ne bronchai pas.
C'était un cadeau.
Qui m'attendent ?
Je la regardai.
— J'avais craint, dit-elle, les yeux
baissés, que tu ne sois ce genre de fou.
— Rêne un !
Je ris.
— Oui, dis-je.
—
Je ne trouve pas les conditions
satisfaisantes. Donne-lui en plus de ce
qu'il demande le poids en or de dix
tarns, plus deux chambres d'argent et
cent casques de bijoux !
—
Oui, répliquai-je, comprenant l'affront
infligé à Dorna la Fière.
Relâche-moi, ordonna-t-elle.
D'accord, dis-je.
Saisissez-le ! ordonna-t-elle.
Traîtresse ! m'écriai-je.
La voix de la Tatrix était joyeuse.
Entravez-le, commanda-t-elle, et
envoyez-le aux Mines de Tharna!
— Tuez le tarn !
— Il est parti, répondit le guerrier
indemne.
Et pourquoi ?
Andreas me dit :
—
— Prends cela.
— Merci.
—
Où est Linna ? demandai-je à Andreas.
Le fouet claqua.
Mangez ! cria-t-il.
Non ! criai-je.
— Non ! répétai-je.
La foule hésita.
Puis je déclarai :
Ne me frappe plus.
18
Il rit.
Tu ne sais pas ?
—
Quoi ? m'exclamai-je.
Comment s'appelle-t-il ?
—
J'étais abasourdi.
— Je sais, dis-je.
mes compagnons.
—
Tu aurais dû le tuer, commenta Kron de
Tharna.
Non, répondis-je.
Je lâchai un juron.
— Je glisse ! s'exclama-t-il, et il
dégringola dans le conduit, s'affalant sur
le sol de la cellule en pleurant.
—
Dépêchez-vous ! criai-je.
Sortez-les de la cellule !
19
genoux en tremblant.
Ost frissonna.
Et j'étais fier.
Le silence se fit.
—
Nous sommes de la même chaîne.
Oui, acquiesçai-je.
Je t'accompagne, déclara-t-il.
— Certainement.
20
LA BARRIÈRE INVISIBLE
en cent endroits.
— Rêne un !
Je ne percevais rien.
Les yeux de l'oiseau, pour la première
fois peut-être de sa vie, étaient remplis
de terreur, d'une terreur aveugle,
incompréhensible.
Je ne voyais rien.
— Rêne quatre!
— Tabuk ! répétai-je.
21
J'ACHÈTE UNE JEUNE FEMME
— Non.
Je souris.
J'en doutais
Je sais, dis-je.
—
Il a dit qu'il voulait l'acheter.
présent.
— Ranime l'esclave !
— Certes.
Je feignis l'impatience.
— Alors, montre-moi tes autres femmes
! dis-je.
— Achète-moi, Maître.
— Achète-moi, Maître !
— D'accord.
—
Non.
Tu es bon, répondit-elle.
Lara ? m'exclamai-je.
22
LES CORDES
JAUNES
Quand ses chaînes lui eurent été
enlevées, je soulevai la jeune femme
dans mes bras et la portai dans une des
tentes en forme de dôme qui m'avait été
désignée.
— Non, répliquai-je.
— Frappe, dit-elle.
Je la remis debout.
Je ne te tuerai pas.
— Non.
— Non.
Eh bien ? insista-t-elle.
—
Te libérer.
— Non, dis-je.
Elle s'écarta.
Je la contemplai.
— Tu es vraiment belle... si belle que
mille guerriers donneraient leur vie pour
voir ton visage, si belle que cent cités se
ruineraient pour toi.
Je restai silencieux.
— Non, répliquai-je.
— Tu es un étrange guerrier...
— Et l'honneur ! dit-elle.
d'une femme.
Je te déteste !
Je sais.
— Non.
Je ne dis rien.
demandai-je.
— Tu es sûr? demanda-t-il.
—
Mais moi j'en suis, répliqua-t-elle.
Je restai silencieux.
23
RETOUR À THARNA
Je secouai la tête.
— Je t'aime, dit-elle.
— Oui, répondis-je.
— Je me suis battu pour elle, dit le
garçon en se renversant sur mon bras.
J'ai fait mon devoir.
—
Tu n'as pas combattu pour la Tatrix, dis-
je d'un ton calme.
— Si, cria-t-il.
Oui, je me souviens.
Oui, répondis-je.
Mais Lara ?
chanter.
24
LA BARRICADE
Je baissai la tête et poussai la lourde
porte de bois qui fermait le débit de
Kal-da. L'enseigne Kal-da en vente ici
avait été repeinte en lettres brillantes. Il
y avait aussi, grossièrement tracé en
travers avec le doigt, le cri de ralliement
de la rébellion - « Sa'ngFori ».
Tal, Guerrier !
—
Tal, Guerriers ! répliquai-je en levant le
bras et leur donnant à tous le titre de ma
Caste, car je savais que, dans leur cause
commune, chacun était un Guerrier.
Tharna.
Tharna!
—
Elle est tout ce que nous combattons,
protesta Andreas. Si elle remonte sur le
trône, nous nous serons battus pour rien.
Tharna sera de nouveau la même.
— Ma Tatrix, murmura-t-il.
Je recommençai à avancer.
présent, me dévisageaient.
Si, s'écria-t-elle.
—
demanda Thorn.
— J'obéis ! répliqua-t-il.
Il mit un genou en terre devant la jeune
femme et saisit la poignée de l'arme.
—
C'est bien elle ! affirma un des soldats.
J'en suis certain. Il ôta son casque.
Je ne rencontrai personne.
— Je t'attendais, dit-il.
25
LE TOIT DU
PALAIS
Les cris de guerre de Tharna et de Ko-
ro-ba se mêlèrent comme Thorn se
précipitait au bas des marches vers moi
et que je courais à sa rencontre.
Elle sourit.
— Thorn était bon pour moi.
Lara me regarda.
m'aveugla un instant.
Supprimez-le !
Imbéciles ! cria-t-elle.
—
Je l'avais senti en toi, reprit Dorna. Tu
n'as jamais été
26
UNE LETTRE
DE TARL
CABOT
Écrite dans la Cité de Tharna, le vingt-
troisième jour d'En'Kara en l'an quatre
du règne de Lara, Tatrix de Tharna, l'an
10117 de la Fondation d'Ar.
de mémoire d'homme.
Sa souveraine - la gracieuse et
ravissante Lara - est certainement parmi
les plus sages et les plus justes des
gouvernants de ce monde barbare, et elle
a eu la tâche pénible de refaire l'union
d'une cité divisée par la guerre civile,
de rétablir la paix entre les factions et
de traiter tous équitablement. Si elle
n'était pas aimée comme elle l'est par les
hommes de Tharna, sa tâche aurait été
impossible. Lorsqu'elle est remontée sur
le trône, aucune liste de proscription n'a
été affichée ; l'amnistie générale a été
—
Et si jamais j'étais à nouveau tentée
d'être orgueilleuse et cruelle, ajouta-t-
elle avec un petit rire dans la voix, je
n'aurai qu'à me rappeler que j'ai été
vendue un jour pour cinquante tarnets
d'argent - et qu'un guerrier m'a achetée
en échange seulement d'un fourreau et
d'un casque.
Je suis content.
Tarl CABOT
DERNIÈRE NOTE
Le manuscrit s'achève sur la lettre de
Tarl Cabot. Il n'y a rien eu de plus. Au
cours des quelques mois écoulés depuis
la remise mystérieuse du manuscrit,
aucun message, aucune indication ne
sont parvenus.
J.N.