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Gace Brûlé, Biaus m’est estez, quant retentist la bruille (chanson d’amour)

Sources :
- C : Berne, Stadtbibliothek, 389, f. 175v-176r.
- M : Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 844, f. 25v-26r.
- O : Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 846, f. 15v-16r.
- P : Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 847, f. 22v-23r.
- T : Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 12615, f. 161v-161r.

Texte et traduction :

I. Biaus m’est estez, quant retentist la bruille, I. Il me plaît bien, l’été, quand les bois retentissent,
Que li oisel chantent per le boschage Que les oiseaux chantent parmi le bocage
Et l’erbe vert de la rose muille Et l’herbe verte se mouille de rosée
Qui resplandir la fait lez le rivage. Qui la fait étinceler au long des rives.
De bone Amour vuil que mes cuers se duille, Je veux que mon cœur souffre de Bon Amour
Que nuns fors moi n’a vers li fin corage ; Car nul n’a un cœur aussi loyal que le mien.
Et nonpourquant trop est de haut parage Et toutefois elle est d’une si haute naissance,
Cele cui j’ain ; n’est pas droiz qu’el me vuille. Celle que j’aime : il n’est pas légitime qu’elle me veuille.

II. Fins amanz sui, coment qu’Amors m’acuille, II. Je suis un fidèle amant quoi qu’Amour m’accorde,
Car je n’ain pas con hon de ma aage, Mais je n’aime pas comme un homme de ce temps,
Qu’il n’est amis qui aint ne amer suille Car nul ami aimant et accoutumé d’aimer
Que plus de moi ne truit Amors sauvage. Ne trouve autant que moi Amour cruel.
Ha, las ! chaitis ! ma dame qui s’orguille Hélas ! malheureux, quel orgueil montre ma dame
Vers son ami, cui dolors n’assoage ! A son ami dont elle n’apaise pas la douleur.
Merci, Amors, s’ele garde a parage : Pitié, Amour ! Si elle regarde la naissance,
Donc sui je mors ! mais pansés que me vuille. Me voilà mort. Faites plutôt qu’elle me veuille !

III. De bien amer Amors grant sen me baille, III. Pour bien aimer Amour me forme l’esprit.
Si m’a trahi s’a ma dame n’agree. Il m’a donc trahi si je ne plais pas à ma dame.
La voluntez pri Deu que ne me faille, J’en prie Dieu : que cette volonté de plaire ne me quitte point
Car mout m’est bon quant ou cuer m’est entree ; Car il me plaît qu’elle soit entrée en mn cœur.
Tuit mi panser sunt a li, ou que j’aille, Toutes mes pensées sont pour ma dame où que j’aille.
Ne riens fors li ne me puet estre mee Elle seule peut être mon médecin
De la dolor dont sopir a celee. Et guérir la peine dont je soupire en secret.
A mort me rent, ainz que longues m’asaille. Je me rends à la mort plutôt que d’endurer un tel assaut.

IV. Mes bien amers ne cuit que riens me vaille, IV. J’ai peur que bien aimer ne m’apporte rien
Quant pitiez est et merciz oblïee Puisque pitié et compassion sont oubliées
Envers celi que si grief me travaille Par celle qui me torture si fort.
Que jeus et ris et joie m’est veee. Tous jeux, tous rires et toute joie me sont interdits.
Hé, las ! chaitis ! si dure dessevraille ! Hélas ! malheureux, quelle déchirante séparation !
De joie part, et la dolors m’agree, Je quitte la joie et je savoure la douleur
Dont je sopir coiement, a celee ; Dont je soupire à la dérobée, en secret.
Si me rest bien, coment qu’Amors m’asaille. Cependant tout m’est bien, d’Amour peu importe l’assaut.

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