Vous êtes sur la page 1sur 93

Florian LEON

Rapport sur le stage effectué du 14 avril 2009 au 10 juillet 2009 

Stage au sein du Laboratoire d’Analyse de Statistiques Appliquées à l’Analyse


Economique (LASAARE, Casablanca) sous la direction du Pr Fouzi Mourji.

Analyse de l’implantation
d’associations de
microcrédits au Maroc :
logique implicite à partir de
données socioéconomiques
communales

Deuxième année de Magistère de développement économique


Master 1 économie et développement international
2008-2009

Centre d’Etudes et de Recherches sur le Développement International (CERDI)


Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand
Plan :

Plan_______________________________________________________________________2
Tables des illustrations :______________________________________________________4
Remerciements :_____________________________________________________________5
Avant-propos________________________________________________________________6
Résumé____________________________________________________________________8
Introduction :______________________________________________________________11
Chapitre 1  : La pauvreté au Maroc et les moyens mis en œuvre pour la juguler_________13
Section 1 : Précision des concepts__________________________________________________13
1°) Les différentes approches de la pauvreté_________________________________________________13
1.1 Distinction entre pauvreté, inégalité et exclusion________________________________________13
1.2 Tour d’horizon des différentes approches de la pauvreté__________________________________14
2°) Définition et mesure de la pauvreté au Maroc_____________________________________________15
2.1- L’approche monétaire de la pauvreté_________________________________________________15
2.2- La prise en compte de la pauvreté non monétaire_______________________________________17
L’Indice Communal de Développement Humain_________________________________________17
L’Indice Communal de Développement Social__________________________________________17
Section 2 : La situation de la pauvreté au Maroc______________________________________18
1°) Caractérisation de la pauvreté au Maroc_________________________________________________18
1.1 Evolution de la pauvreté au Maroc depuis l’indépendance (1956)___________________________18
1.2 L’effet des variables démographiques et de l’habitat_____________________________________20
1.3 Les problèmes relatifs au capital humain.______________________________________________22
Pauvreté et éducation______________________________________________________________22
Pauvreté et santé__________________________________________________________________23
2°) Le problème de l’accès aux infrastructures et ses conséquences sur l’emploi.____________________24
2.1 Le faible accès aux infrastructures.___________________________________________________24
2.2 Les conséquences sur la difficulté de l’accès à l’emploi et son corollaire la pauvreté____________26
3°) La répartition géographique de la pauvreté : Le problème des poches de pauvreté_________________27
Section 3 : Les remèdes à la pauvreté_______________________________________________31
1) Des politiques macroéconomiques aux politiques de lutte contre la pauvreté______________________31
3) L’effet des réformes financières_________________________________________________________34
3) Le recours utile à la microfinance_______________________________________________________35
3.1 Principes généraux de la microfinance et lutte contre la pauvreté___________________________35
3.2 Les spécificités de la microfinance au Maroc et lutte contre la pauvreté______________________37
Chapitre 2  : pauvreté, implantation et performances des Associations de Microcrédit au
Maroc  : enseignements de données communales et d’AMC._________________________39
Section 1 : Revue de la littérature et méthodologie____________________________________39
1) Cadre théorique du lien entre localisation des IMF et lutte contre la pauvreté_____________________39
1.1 Approche théorique du lien entre rationnement du crédit et résorption de la pauvreté.___________39
1.2 Analyse de la stratégie de localisation des IMF_________________________________________40
Le ciblage de la pauvreté___________________________________________________________41
La demande potentielle de service de microfinance_______________________________________42
Le coût de fourniture du service______________________________________________________42
La perception du risque_____________________________________________________________43
2) Formulation des hypothèses et données de l’étude__________________________________________43
2.1 Hypothèses testées par l’étude_______________________________________________________44
2.2 Données de l’étude et traitements effectués____________________________________________44
Sources des données_______________________________________________________________44
Traitements effectués sur les données__________________________________________________45
2.3 Hypothèses de travail______________________________________________________________48
Section 2 : Enseignements des traitements élémentaires________________________________49
1) Enseignements des statistiques descriptives._______________________________________________49
2) Analyse à partir de la date d’implantation_________________________________________________53
Section 3 : Modélisation de l’implantation et des performances des AMC : Une analyse de la
capacité des communes à attirer les AMC___________________________________________54
1) Analyse de la localisation et de la densité des clients________________________________________54
1.1 Choix des variables et spécification du modèle__________________________________________54
Le ciblage de la pauvreté (Pi)________________________________________________________55
La demande potentielle (Di)_________________________________________________________55
Le coût de fourniture du service (Ci)__________________________________________________56
La perception du risque (Ri)_________________________________________________________56
1.2 Analyse des résultats______________________________________________________________57
Le problème des multi-colinéarités____________________________________________________57
Enseignements des résultats concernant la localisation des AMC____________________________58
Enseignements des résultats concernant la densité des clients.______________________________62
2) Analyse du risque et de la performance des points de vente___________________________________63
2.1 Analyse du risque et de la performance des points de vente________________________________63
Revue théorique__________________________________________________________________63
Précision des concepts et variables mises en jeu._________________________________________65
Discussion des résultats et prolongements possibles______________________________________66
Conclusion :_______________________________________________________________72
Annexe 1 : Présentation des associations de microfinance retenue pour l’étude.________74
Annexe 2 : La carte de la pauvreté communale au Maroc___________________________76
Annexe 3 : Statistiques descriptives des données du modèle économétrique____________80
Annexe 4 : Régressions économétriques_________________________________________83
Annexe 5 : Carte administrative du Maroc_______________________________________87
Bibliographie_______________________________________________________________88
Tables des illustrations :
 Tableau 1 : Coefficient de corrélation entre taux de pauvreté, ICDH et ICDS................18
 Figure 1 : Evolution du taux de pauvreté relative de 1960 à 2007...................................19
 Figure 2 : Pourcentage de propriétaires moyen en fonction de la pauvreté et du milieu..21
 Figure 3: Moyenne des taux d’alphabétisation des communes en fonction du milieu et du
niveau de pauvreté (en lignes)..................................................................................................22
 Figure 4: Taux d’équipement des communes en électricité selon le niveau de pauvreté et
le milieu....................................................................................................................................25
 Figure 5: Taux de pauvreté urbain et rural par régions.....................................................27
 Figure 6 : Taux de pauvreté régionale..............................................................................29
 Figure 7 : Répartition des AMC par régions.....................................................................49
 Figure 8 : répartition des implantations des AMC selon le milieu et le taux de pauvreté 50
 Tableau 2 : Taux de pauvreté moyen selon le milieu et la présence ou non d’AMC.......51
 Tableau 3 : Coefficient de Spearman (ρ) entre date d’implantation et taux de pauvreté
communale selon le milieu.......................................................................................................53
 Tableau 4 : Résultats des régressions économétriques.....................................................59
 Figure 9 : Distribution des communes en fonction du PAR et du milieu.........................67
 Tableau 5 : Etude du lien entre l’encours des prêts et le portefeuille à risque.................67
 Figure 10 : répartition du PAR en fonction de la pauvreté des communes......................68
 Figure 11 : Etude de la relation entre le PAR et la présence d’une agence bancaire........71
Remerciements :

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué au bon déroulement de ce
stage.

Tout d’abord je remercie le Professeur Fouzi Mourji de m’avoir accueilli dans les locaux du
LASARRE. Je lui suis reconnaissant de toutes les remarques faites, aides fournies qui m’ont
aidé à mener à bien cette recherche et son rôle auprès des associations de microfinance.

Je souhaite également remercier les responsables et personnels des associations de Al-Amana,


Zakoura et AMSSF-MC sans qui ce travail serait resté lettre morte, ainsi que les personnes du
guichet statistique du Haut Commissariat au Plan (HCP).

Je suis reconnaissant envers M Abdeljouad Ezzrari du HCP pour la fourniture des données du
recensement et ses aides sur un plan économétrique. Je remercie aussi Mlle Manal Lamkas de
l’Agence Française de Développement pour son attention à mon travail, son aide
économétrique et son rôle de médiatrice avec l’association Zakoura. Enfin je salue M
François Lecuyer pour ses remarques, son attention et son aide dans la fourniture des données
de l’AMSSF.

Je salue également mes deux collègues de stage du CERDI. Louis pour avoir partagé mes
journées et Mathilde pour ses remarques constructives qui m’ont permis de me remettre en
question.

Enfin je tenais également à remercier Anne-Laure, Anthony, Audrey, Claire et mes parents
pour leur soutien dans mes études au-delà du stage.
Avant-propos :

Dans le cadre de la seconde année de magistère en économie du développement, j’ai décidé


de réaliser mon stage au sein d’une structure de recherche. Mon choix s’est porté sur le
LAboratoire de Statistiques Appliquées à l’Analyse et la Recherche en Economie
(LASAARE) auprès du professeur Fouzi Mourji à Casablanca (Maroc). Ce choix fut motivé
par la perspective de travailler sur des questions relatives à la finance dans les pays en
développement. Le sujet initial du stage n’étant pas fixé au départ et il fut élaboré à partir
d’une discussion avec M Mourji. Ce dernier, spécialiste de la microfinance au Maroc, accepta
de me laisser prendre une optique macroéconomique. L’idée de faire une analyse
macroéconomique de la microfinance au Maroc fut donc adoptée d’un commun accord. Après
avoir soulevé différentes questions, il fut choisi d’étudier de manière originale la pénétration
de la pauvreté par les Associations de MicroCrédits (AMC) au Maroc.
La suite du stage fut une démarche complète de recherche. Cela m’a permis de découvrir les
différents aspects de la recherche académique, avec ses satisfactions et ses frustrations. La
première étape fut une revue de la littérature des études opérées dans les autres pays et de la
situation de la pauvreté et de la microfinance au Maroc. Après avoir défini le cadre analytique
retenu, la plus grande partie de la recherche fut la construction de la base de données. Cette
étape fut la plus consommatrice en temps et énergie. D’une part, une note de recherche fut
élaborée afin de contacter et d’informer les différentes institutions de microfinance au Maroc
du travail en cours. Parallèlement un contact fut pris avec le Haut Commissariat au Plan afin
de disposer d’un certain nombre de leur base de données concernant les communes. Cette
phase fut la plus frustrante en tant que telle, car ce fut le moment de la prise de conscience du
manque de données qui allait réduire les ambitions de l’étude. Par exemple, il fut impossible
de disposer d’informations permettant d’évaluer la richesse ou au moins le revenu des
différentes communes. Au final, trois AMC ont répondu à notre demande, et nous avons reçu
du HCP les données relatives au recensement de la population 2004, à la cartographie de la
pauvreté et aux infrastructures communales. Les clés de passage entre ces différentes bases de
données ont été créées afin de constituer une base de données unique. Cette étape fut la plus
fastidieuse en raison de la difficulté de faire correspondre des informations d’horizons divers.
Les communes n’avaient pas un identifiant unique dans les différentes sources primaires. Le
moyen le plus simple fut d’utiliser la toponymie, cependant certains noms de communes
étaient différents entre les sources.
Une fois la base de données élaborée, le plus gros du travail fut fait. Les résultats sont
présentés dans le rapport ci-dessous. J’ai néanmoins pu soumettre au milieu de ma recherche,
lors d’un atelier sur la microfinance rurale, un certain nombre de résultats préliminaires 1.
Cette journée fut pour moi l’occasion de découvrir un pan inconnu du travail de recherche en
l’occurrence celui de la présentation des résultats. J’ai, en outre, compléter mon étude grâce
aux remarques instructives des personnes présentes lors de cet atelier. Enfin il fut temps de
rédiger les résultats de la recherche. En outre, j’ai ajouté une partie sur les défauts de
remboursements. Cette partie peut sembler étrange dans le cadre de ce travail, mais elle fait
suite à une demande des AMC. J’ai choisi de l’ajouter à ce rapport plus pour générer de
nouveaux travaux sur le sujet que pour son apport propre.

Ce stage fut pour moi l’occasion de cerner un peu mieux le travail de recherche et de voir si
cette optique me plaisait. Par conséquent, ce séjour fut essentiel dans le cadre de mon projet
professionnel. J’ai en outre eu la chance de travailler dans un domaine qui m’intéresse (le
développement financier) bien que je ne sois pas à l’origine un grand connaisseur de la
microfinance. J’ai pu m’appuyer sur un maître de stage compréhensif tout en respectant mon
autonomie de travail et mes choix. J’ai pris conscience de la difficulté de mener seul une
recherche sans faire appel à des intervenants extérieurs. Souvent les chemins que j’ai pris
furent périlleux et je remercie toutes les personnes qui m’ont évité de plonger dans ces voies
sans issues. En outre, j’ai pris conscience de la difficulté de travailler sans faire de terrain.
Certes, j’ai eu la chance de partager pendant quelques jours le quotidien des agents de
microcrédits de l’agence de la Fondation Banque Populaire à Ennasim (Casablanca) mais ce
séjour fut trop court. Parallèlement, j’ai pris conscience des limites des études quantitatives
sans recourir à un minimum de qualitatif. J’aurai ainsi aimé avoir le temps de pouvoir enrichir
ma recherche en interrogeant les responsables des AMC sur leur critères de décisions dans
l’implantation, ou encore connaître le degré de décentralisation dans les prises de décisions.
Ces manquements qui m’ont pesé pendant mon étude sont néanmoins essentiels. Ils m’ont
permis de m’interroger sur le travail de recherche et m’ont fait soulever des points que
j’ignorais. Le bilan fut globalement positif et le stage m’a permis de cerner mes manquements
et de comprendre les difficultés du travail de recherche. Enfin cette expérience fut
intellectuellement enrichissante et professionnellement intéressante.

1
Atelier sur la microfinance rurale, 16 juin 2009, au centre LINKS à Casablanca.
Résumé :

Bien que le Maroc ait été capable d’assurer une chute impressionnante de la pauvreté depuis
son indépendance, le niveau de celle-ci reste élevé. La véritable prise de conscience politique
du problème de la pauvreté date du milieu des années 1990. C’est à ce moment que les
Autorités Publiques marocaines vont lancer un nombre impressionnant de programmes afin de
circonscrire la pauvreté. Coïncidence ou non, c’est également à cette époque que les
premières actions de microfinance se développent. Force est de reconnaître, au vue des
multiples études sur ce thème, que les effets du microcrédit semble impacter positivement la
réduction de la pauvreté. Néanmoins, si toutes les études se situent au niveau
microéconomique, il existe un manque sensible d’analyse macroéconomique. L’idée de ce
travail est d’apporter un tel éclairage. En effet, la plupart des analyses d’impacts étudie
l’amélioration des revenus ou des conditions de vie des clients. Certes, il est souvent fait appel
à des groupes témoins. Cependant, aucune étude ne se penche sur la microfinance au niveau
national. Ces examens ignorent les régions dépourvues d’offre de microfinance. Ces zones
subissent un rationnement régional du crédit (Landivar, 2009) à l’image du rationnement mis
en exergue par Stiglitz et Weiss (1981) pour les personnes individuelles. Faute d’offre
suffisante ou existante, un certain nombre d’emprunteurs potentiels sont contraints de
s’autofinancer. Or, cela obère l’activité de ces régions, ce qui facilite le maintien d’une
pauvreté substantielle. L’objectif du travail ci-dessous est de tester la pénétration de la
pauvreté par les Associations de MicroCrédits (AMC) au Maroc à partir de cette focale du
rationnement du crédit régional. Pour viser un grand nombre de démunis, les AMC devraient
se concentrer dans les zones où le rationnement est le plus fort. Dès lors l’effet de leurs
services aurait un impact économique et social accru. Cela permettrait de générer une activité
absente ou atonique et de faire bénéficier un grand nombre de pauvres par ce regain de
production. En d’autres termes si les AMC veulent cibler davantage la pauvreté, elles doivent
cibler leur implantations dans les zones les plus pauvres et les plus soumises au rationnement
régional du crédit.
Afin de nous lancer à proprement parler dans l’analyse de l’implantation des AMC, il s’avère
utile de caractériser la pauvreté. Il ressort de cette étude que la pauvreté est principalement
rurale, puisque le risque d’être pauvre est trois fois plus élevé en zone rurale qu’en zone
urbaine (HCP, 2007). En outre, les pauvres souffrent d’une insuffisance en capital humain en
raison d’une alphabétisation faible et d’une santé défaillante. Ce problème rejaillit sur leur
productivité et les empêche de participer à une activité fortement productive. Cela est saillant
pour un certain nombre de ruraux (pauvres) qui sont des travailleurs indépendants. Une
explication souvent avancée de la pauvreté rurale, outre le manque de capital humain, est
l’absence d’infrastructures physiques locales (accès à l’eau, à l’électricité, à la route, etc).
Cette situation explique en partie la faiblesse du capital humain. Si nous partons du postulat
que la meilleure façon de réduire la pauvreté est de permettre aux ménages de créer les fruits
de leurs subsistances, ces manques apparaissent comme des freins puissants. En effet, il est
difficile de générer des revenus soutenables en l’absence de marchés pour vendre les produits,
de capital humain et d’infrastructures physiques pour avoir une productivité correcte. Il existe,
par conséquent, de véritables zones arides en infrastructures qui sont des nids de pauvreté. La
cartographie de la pauvreté confirme ce constat. Les régions les plus pauvres sont celles où le
manque d’infrastructures est le plus criant. A contrario, les régions les plus riches sont
densément fournies en infrastructures, à l’image des villes de Rabat et Casablanca.
Ce constat est essentiel afin de mener à bien notre recherche. Afin de mesurer la pénétration
des AMC, nous cherchons à expliquer les facteurs implicites de leur localisation. L’idée est
que si les AMC visent avant tout la réduction de la pauvreté, elles vont cibler les communes
les plus pauvres. Néanmoins, un manque d’infrastructures peut être un repoussoir pour les
AMC. Morduch (2000) a montré que les institutions de microfinance ont deux objectifs ;
d’une part, la réduction de la pauvreté ; d’autre part, une certaine viabilité financière. Les
défauts en infrastructures peuvent mettre en péril ce second objectif. Notre modélisation part
de ce constat. Sharma et Zeller (1999) ont souligné quatre facteurs expliquant la localisation
des institutions de microfinance : (i) le ciblage de la pauvreté ; (ii) la demande potentielle de
services de microfinance ; (iii) le coût de la fourniture du service, et ; (iv) les risques associés
à l’activité. Les infrastructures rejaillissent sur les trois derniers objectifs. Nous cherchons
donc à réutiliser ce cadre théorique dans le cas du Maroc. Nous modélisons l’implantation des
AMC au Maroc en utilisant un modèle Logit. Les variables explicatives sont le niveau de
pauvreté régionale, le niveau d’éducation, ainsi qu’un certain nombre de variables
d’infrastructures communales. Trois modèles sont générés : le premier pour l’ensemble des
communes, le second pour les communes rurales et le dernier pour les communes urbaines.
Pour ce faire nous avons créé une base de données à partir des données du Haut Commissariat
au Plan relatives au recensement, à la cartographie de la pauvreté et aux enquêtes sur les
infrastructures locales. Nous avons compilé celle-ci avec les données fournies par trois AMC
(Al-Amana, Zakoura et l’AMSSF).
Nous tirons de cette modélisation un certain nombre de résultats intéressants. Le modèle
urbain semble relativement peu explicatif alors que les deux autres sont corrects. La pauvreté
de la commune n’est pas une variable déterminante dans le choix d’implantation des AMC au
Maroc. Néanmoins, la pauvreté des communes voisines est une variable essentielle. Les AMC
s’implantent en priorité dans les municipalités ayant une densité d’infrastructures correctes
mais qui sont entourées de communes pauvres. Cependant, la pénétration de la pauvreté est
relative eu égard à l’importance accordée aux infrastructures par les AMC et à la faible
pénétration du monde rural. L’étude de la densité des clients (entendue comme la part des
clients des AMC par commune) confirme ces résultats. Le rôle du potentiel économique de la
commune semble être une variable clé dans les choix de localisation. Ceteris paribus, les
AMC s’implantent dans les communes ayant un potentiel économique important.
Un début de travail sur les risques de non remboursement a été rajouté à ce rapport. Certes, le
sujet est un peu périphérique à la pénétration des AMC mais il s’agit d’un des problèmes
fondamental de la microfinance au Maroc. Force est de reconnaître que si les AMC veulent
approfondir leur politique de ciblage du rural, elles devront au préalable résoudre ce
problème. Ce début de recherche utilise cette base de données pour tenter d’expliquer la
prégnance différente des risques de non remboursement d’une commune à l’autre. L’idée est
de voir si les implantations dans les zones rurales et pauvres sont plus risquées. Au vue des
statistiques descriptives, il semblerait que les communes les plus pauvres et rurales ne soient
pas celles où les personnes font le plus défaut. Le problème essentiel semble être celui de la
concentration des AMC en ville. L’idée de ce paragraphe est de générer des travaux ultérieurs
sur le sujet des non-remboursements en tentant de cadrer ceux-ci et en bénéficiant d’une
partie de la base de données.
Introduction :

La situation économique mondiale est déprimée depuis 2008 en raison d’une crise globale qui
est née dans la finance des pays développés. Cependant cette crise, la plus profonde depuis
1929, affecte l’ensemble des pays de la planète. Les pays en développement ne sont pas
épargnés par la dépression généralisée. Ainsi, la récession va les affecter par la réduction du
commerce mondial et la chute des flux internationaux. Force est de reconnaitre que les
conséquences sont relativement inconnues à moyen et long terme, mais qu’elles seront sans
doute profonde pour de nombreux pays.
D’aucuns considèrent que ce sont les dérives de la finance qui expliquent en grande partie la
situation atonique actuelle. La finance semble avoir dévié de ses objectifs premiers. En effet,
les financiers ont pour rôle de fournir des fonds aux investisseurs tout en organisant une
collecte de l’épargne, de transférer dans le temps des liquidités et de protéger les personnes
physiques et morales face à des chocs éventuels. La finance et les financiers sont aujourd’hui
sur le banc des accusés. Les procureurs se montrent aussi véhéments que les avocats de celle-
ci se révèlent transparents. Néanmoins, tous reconnaissent que la finance est essentielle au
développement économique. Certains ont même poussé la « provocation » jusqu’à affirmer
que les activités financières sont essentielles à la résorption de la pauvreté. A y regarder de
plus près cette assertion est peu condamnable. De nombreuses études ont montré les bienfaits
de la libéralisation et du développement financier dans certaines limites (King et Lévine,
1993 ; Guillaumont-Jeanneney et Kopdar, 2006). En outre, depuis un peu plus de trente ans
des institutions financières ont tenté de conjuguer les rôles précités de la finance avec la
réduction de la pauvreté. Ces institutions se sont concentrées sur ce qui est appelé la
microfinance. Par microfinance, il convient d’entendre des services de finance (prêts, collecte
de l’épargne, assurance, transferts de liquidités) opérés à petites échelles. Au-delà de la petite
échelle, la microfinance se caractérise par le public visé. Il s’agit de populations pauvres ou
vulnérables. Il n’est guère étonnant que l’un des premiers programmes de microfinance
chercha à cibler les petits agriculteurs bangladais (programme de la Grameen Bank initié par
le prix Nobel de la paix Mohammed Yunus). L’objectif explicite de la microfinance est de
permettre aux petits entrepreneurs de mener à bien leur projet en leur offrant l’opportunité
d’avoir accès à des services financiers essentiels. Si les innovations financières sont souvent
décriées, celle-ci a connu les éloges de la communauté internationale. Le Maroc a commencé
à développer de telles actions à partir de 1993, soit relativement tardivement. Néanmoins,
depuis, le développement du secteur de la microfinance fut exponentiel, faisant du Maroc le
pays le plus en avance dans ce secteur en Afrique, tant en termes de clients que d’encours. Les
clients actifs des Associations de MicroCrédits (AMC) sont aujourd’hui de plus de 1,5
millions pour une population de 31 millions d’habitants, contre 0,3 millions en 2003. Si la
microfinance est une arme face à la pauvreté, elle n’est pas l’arme absolue. Force est de
reconnaître que la pauvreté reste un fait saillant au Maroc, comme dans le reste du continent.
En effet, si la pauvreté a connu une forte décrue depuis l’indépendance (en 1956) celle-ci
reste importante notamment en zone rurale. Selon les derniers chiffres fournis par le Haut
Commissariat au Plan (HCP) près de 10% des personnes sont pauvres mais cette part est de
14,5% en zone rurale.
Si de nombreuses études ont montré les effets positifs de la microfinance, une analyse
macroéconomique de celle-ci manque encore en Afrique. L’idée est d’opérer une telle étude.
Pour ce faire la question retenue est de savoir si les institutions de microfinance pénètrent
réellement les zones de pauvreté, notamment les zones rurales. Ainsi, contrairement aux
analyses d’impact habituelles, nous étudierons l’ensemble du territoire marocain (à
l’exception notoire des deux régions du Sud). L’objectif est de répondre à la question
suivante : D’un point de vue macroéconomique, est-il possible de relever une pénétration de
la pauvreté par les institutions de microfinance ?
Pour tenter de donner une réponse à cette question, nous développerons un cadre analytique
qui repose sur les déterminants implicites de la localisation des Associations de MicroCrédits
(AMC). Nous utiliserons une juxtaposition de la cartographie de l’installation des associations
de microcrédit avec la carte de la pauvreté et des infrastructures. Après avoir présenté les
caractéristiques de la pauvreté au Maroc (I), nous traiterons de la pénétration des AMC en
soulignant particulièrement le cas rural (II).
Chapitre 1 : La pauvreté au Maroc et les moyens mis en œuvre
pour la juguler

Section 1 : Précision des concepts

Avant de plonger dans l’étude de la pauvreté au Maroc, il est important de connaître la réalité
que recouvre ce concept dans le cas marocain. C’est pourquoi, il est utile de présenter la
définition de la pauvreté au Maroc, ainsi que la mesure de celle-ci.

1°) Les différentes approches de la pauvreté

1.1 Distinction entre pauvreté, inégalité et exclusion

Il convient de distinguer les termes proches mais différents de pauvreté, inégalités et


exclusion.

La pauvreté, lato sensu, est caractérisée par l’idée de manque. Il s’agit en général d’un
manque en termes de ressources matérielles et/ou de ressources intangibles. Les ressources
matérielles sont bien évidemment le revenu, la nourriture, le logement, les vêtements, etc.
Quant aux ressources intangibles, il s’agit en priorité de l’accès à des soins de qualité et à la
bonne santé ou un accès à une éducation de qualité. Sen (1992 ; 2000) pour sa part a mis en
exergue la pauvreté en termes de facultés à pouvoir mener sa vie comme un individu l’entend.
Cette façon de définir la pauvreté tend à prendre une place prédominante dans les débats sur
la pauvreté. Quelque soit la notion retenue, la pauvreté relève toujours d’un manque ; le terme
est ainsi souvent accompagné d’un adjectif pour caractériser le manque (exemple : la pauvreté
culturelle).

La pauvreté en ce sens n’est pas dépendante de la distribution des revenus. En effet, cette
focale fait appel à l’idée d’inégalité. L’inégalité est une situation dans laquelle les membres
d’une société sont dans des situations différentes. Comme pour la pauvreté, il est souvent mis
en avant l’inégalité de revenu ou de richesse, bien que l’inégalité soit plus profonde. Pauvreté
et inégalité sont souvent liées. L’idée d’inégalité recouvre une étude de la société dans son
ensemble (les riches et les pauvres), alors que la pauvreté ne s’interroge que sur la frange la
plus démunie de la société. Si ces deux notions se recoupent souvent elles ne sont guère
assimilables. Une société peut être fortement inégalitaire mais avec peu de pauvres, alors que
la pauvreté peut être généralisée dans des pays peu inégalitaires. Néanmoins, le fait de
s’intéresser à l’inégalité tend à montrer qu’il est difficile d’extraire un individu de son
environnement. Une part de la pauvreté tient au fait que l’individu caractérisé comme tel à
moins que les autres. En d’autres termes, cette personne ne peut respecter les modèles de
consommation en usage. Cela explique le développement des études portant sur la pauvreté
relative. Une personne est relativement pauvre si elle dispose de moins que les autres. Nous
notons que c’est l’idée de pauvreté relative qui est retenu dans la plupart des travaux et
notamment dans celui qui suit. Cette idée de la pauvreté tend à être celle qui est la plus proche
de la perception des individus : Un individu est pauvre eu égard à la situation des autres.

Enfin, il est utile de distinguer la pauvreté de l’exclusion (sociale) ; un individu est exclu s’il
ne participe plus à l’activité de la société et de son groupe social. Cette notion rejoint celle de
lien social dont les premières analyses datent de l’étude de Durkheim (1893). Cette notion fut
longuement étudiée en sociologie et est sans cesse renouvelée. Souvent la pauvreté et
l’exclusion sont liées. Un individu pauvre tend à s’éloigner des référentiels de la société et à
se porter à la marge (Castel 1995; Paugam 2000). Néanmoins, des auteurs comme Paugam
(2005) ont noté l’existence d’une pauvreté intégrée dans les pays où celle-ci est générale.

1.2 Tour d’horizon des différentes approches de la pauvreté

Alors que les perceptions de la pauvreté furent souvent de type unidimensionnel, la tendance
actuelle est à l’élargissement du concept. La description et l’analyse de la pauvreté qui a
longtemps prévalu et domine toujours est une pauvreté monétaire, donc de type
unidimensionnelle. Une personne est pauvre si son revenu est inférieur à un certain seuil de
revenu ou un certain niveau de consommation. Cependant, cette approche fut critiquée par de
nombreux auteurs (Kolm, 1977; Altkinson et Bourguignon, 1982; Bourguignon et
Chakravarty, 2003; Tsui, 2002). Sen (1976, 1985) fut l’un des premiers à remettre en cause
cette façon d’identifier les pauvres. Il développe alors une approche en termes de
« capabilités » et de « fonctionnalité ». Les capabilités sont la possibilité pour les individus de
mener leur vie telle qu’ils l’entendent. Les fonctionnalités sont les moyens d’exercer ce choix,
il s’agit par conséquent de l’éducation, de la jouissance d’une bonne santé, etc. Il s’agit en fait
d’un certain nombre de dotations essentielles. A partir de cette analyse, la notion de pauvreté
s’est élargie. Une personne est pauvre s’il lui manque au moins un de ces biens essentiels.
Ravallion (1996) note que quatre critères devraient être retenus pour définir une situation de
pauvreté :(i) la dépense réelle, (ii) l’accès ou non à des biens non marchands, (iii) la
répartition au sein du ménage des ressources, et (iv) les caractéristiques individuelles. Les
Organismes internationaux ont repris ces approches en soulignant le thème du développement
humain. Ainsi de nouvelles initiatives ont vu le jour à l’image du Programme des Nations-
Unies pour le Développement (PNUD) avec de nouvelles mesures de la pauvreté 2. Pour
résumer, ce qui distingue les différentes approches est l’espace de référence retenu (revenu,
richesse, accomplissement, libertés, etc).
La question est de savoir pourquoi l’aspect monétaire reste privilégié. D’une part, les données
de ce type sont plus facilement accessibles et historiquement disponibles ce qui facilite les
études. D’autre part, le revenu est une pierre angulaire des situations de pauvreté. En général,
l’absence d’un revenu décent est corrélée avec les situations de pauvreté. Ainsi, bien que non
parfaite cette mesure s’avère utile et est celle qui est retenue en partie par le Haut
Commissariat du Plan (HCP) au Maroc. Nous utiliserons donc la pauvreté monétaire, mais
également un indicateur synthétique de développement humain.

2°) Définition et mesure de la pauvreté au Maroc

L’approche de la pauvreté au Maroc fut longtemps exclusivement monétaire. Cependant


depuis le dernier recensement le HCP a élargit son approche en développant des indicateurs
de pauvreté multicritère.

2.1- L’approche monétaire de la pauvreté

Il existe deux grandes façons de définir la pauvreté monétaire. La première, qui est utilisée par
les pays développés, consiste à établir la pauvreté en fonction du niveau de revenu. La
seconde, utilisée par le HCP, utilise l’information sur la consommation des ménages. Ce
choix se justifie par la difficulté d’avoir accès à des données relatives aux revenus. Le taux de
2
Si la mesure la plus connue est l’Indicateur de Développement Humain, les deux Indices de pauvreté humaine
ciblent plus particulièrement les situations de pauvreté.
pauvreté est dès lors défini comme la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Néanmoins, le HCP définit trois formes de pauvreté ; la pauvreté alimentaire ; la pauvreté
absolue et la pauvreté relative.
 La pauvreté alimentaire se réfère à un panier de biens et services alimentaires
permettant le minimum requis en kcal pour un individu moyen 3. Afin de mesurer ce
seuil il est pris en compte les habitudes de consommation des populations les plus
pauvres dans la constitution du panier.
 La pauvreté absolue est calculée en ajoutant à la pauvreté alimentaire un ensemble
minimal de biens et services non alimentaires. L’idée est d’intégrer des personnes qui
consacreraient la totalité de leur revenu à l’achat de biens alimentaires (et qui seraient
par conséquent non pauvres au sens alimentaire mais qui le sont de facto).
 La pauvreté relative est obtenue en majorant la pauvreté alimentaire d’un panier de
biens et services un peu plus conséquent. Pour calculer cet ajout il est observé
l’ensemble des dépenses non alimentaires réalisées par les ménages qui satisfont leur
besoin énergétique.
A partir de ces définitions des seuils de pauvreté sont définis. Ainsi, en 2007 le seuil de
pauvreté relative en zone urbaine est de 3834 Dh de dépenses moyennes par personne et par
an et de 3569 Dh en zone rurale 4. Les taux de pauvreté sont calculés en utilisant l’Enquête
nationale sur la consommation et dépenses des ménages. Il est à noter que pour des données
éclatées géographiquement comme celles qui sont utilisées dans l’étude, les taux de pauvreté
sont calculés à partir de la cartographie de la pauvreté (présentée en annexe 2).
A côté de la mesure de la pauvreté, le HCP publie un indice de sévérité de la pauvreté. Cet
indice mesure la différence entre la dépense unitaire des ménages pauvres et le seuil de
pauvreté.
Enfin, le HCP présente également un taux de vulnérabilité. Il s’agit du pourcentage de
personnes non pauvres mais qui pourraient le devenir. Il s’agit concrètement de la proportion
d’individus dont la dépense de consommation est entre une fois et 1,5 fois le seuil de
pauvreté.

2.2- La prise en compte de la pauvreté non monétaire

3
Le seuil retenu est de 1984 kcal pour un individu moyen, seuil calculé par la FAO et l’OMS.
4
Données tirées de HCP, les indicateurs sociaux du Maroc en 2007.
A côté de ces multiples indicateurs de pauvreté monétaire, le HCP a étendu son étude de la
pauvreté en prenant en compte l’aspect multiforme de la pauvreté. Ceci est possible grâce à la
création de deux indices que sont l’Indice Communal de Développement Humain (ICDH) et
l’Indice Communal de Développement Social (ICDS).

L’Indice Communal de Développement Humain


Le PNUD a mis sur place l’Indice de Développement Humain (IDH) afin de ne pas se limiter
à une approche monétaire de la pauvreté. Le HCP a produit, à partir des travaux du PNUD, un
Indice Communal de Développement Humain (ICDH). L’ICDH reprend la structure de l’IDH
en étudiant des caractéristiques relatives à la santé, à l’éducation et aux revenus.
-La situation médicale et sanitaire est appréhendée par le taux de mortalité infantile.
-Le niveau d’éducation est mesuré par un indicateur combinant, pour les deux tiers le
taux d’alphabétisation des personnes âgées de 10 et plus ; et pour le tiers restant, le taux de
scolarisation pour les personnes de 7 à 12 ans.
-Le niveau de vie est approximé par la dépense annuelle moyenne par an et par
personne.
Le calcul de l’ICDH étant similaire à celui de l’IDH, sa valeur est comprise entre 0 et 1 (1
étant la meilleure situation et 0 la pire). Cet ICDH est donc un indicateur relatif vis-à-vis des
situations des autres communes marocaines.

L’Indice Communal de Développement Social


Cet indice vise à aller plus loin que l’ICDH en s’attardant sur le développement social. Le
développement social est entendu, par le HCP, comme l’accès aux services collectifs de base.
Par conséquent, cet indicateur n’est calculé que pour les zones rurales. En effet, en ville la
problématique du développement social se pose avec beaucoup moins d’acuité.
L’ICDS est un indice composite constitué des trois indicateurs suivant :
-l’accès à l’eau potable, mesuré par la proportion des ménages disposant de l’eau
potable d’une source publique (réseau ou fontaine publique) ;
-l’accès à l’électricité, mesuré par la proportion des ménages disposant de l’électricité
(toutes sources confondues) ;
-l’accès au réseau routier, mesuré par la proportion des ménages vivant dans un rayon
de moins de 2 km par rapport à une route.
Il est utile de noter que cet indice, qui varie de 0 à 1, n’est pas relatif. Alors que pour l’ICDH
par construction un certain nombre de commune tendent vers 1, ce n’est pas forcément le cas
pour l’ICDS. Cet indicateur est absolu, de sorte que toutes les communes peuvent tendre vers
0 ou 1.
Il est utile de s’intéresser aux corrélations entre les trois principaux indicateurs de la pauvreté
au Maroc. En utilisant les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat
(RGPH) de 2004 les coefficients de corrélation des données par communes sont les suivants :

 Tableau 1 : Coefficient de corrélation entre taux de pauvreté, ICDH et ICDS

  PAUVRETE ICDH ICDS


PAUVRETE 1
ICDH -0,81 1
ICDS -0,26 0,58 1
Le taux de pauvreté relative et l’ICDH sont relativement bien corrélés ce qui explique
pourquoi dans le travail suivant ces deux indicateurs seront testés séparément. En outre, cela
tend à justifier l’utilisation encore importante d’indicateur de pauvreté monétaire. L’ICDS
apporte en revanche une information différente.

Section 2 : La situation de la pauvreté au Maroc

Après avoir présenté les différents indicateurs utilisables pour mesurer la pauvreté au Maroc,
il est essentiel de cerner les traits principaux de celle-ci.

1°) Caractérisation de la pauvreté au Maroc


Pour caractériser la pauvreté au Maroc, il est utile de s’interroger sur les évolutions de celle-
ci, ainsi que ses principales causes.

1.1 Evolution de la pauvreté au Maroc depuis l’indépendance (1956)

Avant tout il convient de préciser que l’étude se fait par le biais de l’analyse du taux de
pauvreté relative.

 Figure 1 : Evolution du taux de pauvreté relative de 1960 à 2007


70

60
t a u x d e p a u v re t é

50

40 URBAIN
RURAL
30 TOTAL

20

10

0
1960 1971 1985 1991 1998 2001 2007

La pauvreté a fortement chuté de 1960 à aujourd’hui, et ceci tant pour la pauvreté urbaine que
rurale. Les zones rurales restent toujours plus fortement affectées par la pauvreté. Ainsi en
2007, le taux de pauvreté est de 14,5% en milieu rural contre 4,8% en ville. Néanmoins, force
est de reconnaître que l’évolution dans le temps n’est ni constante, ni monotone.
Si la baisse est forte de l’indépendance au début des années 1980, la décennie 1980 marque un
ralentissement de cette décrue. De nombreux auteurs ont souligné les effets du plan
d’ajustement structurel, qui sans accroître la pauvreté a réduit le rythme de sa décroissance
(Abdelkhaled, 2005).
La tendance à la baisse s’est inversée dans les années 1990. Ce changement s’explique par les
sécheresses et la faible croissance économique qui en a découlé. En effet, selon des
estimations de la Banque Mondiale (Banque Mondiale, 2000), la réduction de la croissance
explique 84% de l’évolution de la pauvreté au Maroc dans les années 1990, le reste étant
imputé à la mauvaise distribution du produit. Or, le taux de croissance moyen du Maroc fut de
1,1% par an de 1990 à 1999. Cette faible croissance a engendré la hausse du chômage urbain
et le développement du sous emploi rural, tous les deux facteurs de pauvreté (Direction de la
Statistique, 2001).
Les années 2000 marquent le retour à la résorption de la pauvreté. Les chiffres de la
vulnérabilité confirment ce repli. Ainsi le taux de vulnérabilité qui était passé de 21,9% en
1990 à 23,9% en 1998 est redescendu en à 17,5% en 2007. Cette évolution s’explique en
partie par la reprise de la croissance. Le taux de croissance annuel moyen étant de 3,5% de
2000 à 2007.
Néanmoins au-delà des évolutions, le Maroc pâtit encore d’une croissance faible eu égard à la
croissance démographique et plus spécifiquement de la population active. Les différentes
études montrent que la croissance du Maroc devrait atteindre des niveaux au minimum de 6%
(Sajou et Mourji, 1988 ; Banque Mondiale, 2000). En outre, cet accroissement du PIB est
fortement volatil en raison de facteurs exogènes (conditions climatiques, flux des marocains à
l’étranger). Le principal point de vulnérabilité du Maroc reste les aléas climatiques
(notamment les sécheresses récurrentes) qui rendent les variations du produit agricole
fortement erratiques. Or, cela est d’autant plus préjudiciable que la pauvreté est fortement
rurale et agricole, comme une part importante de la population marocaine.

1.2 L’effet des variables démographiques et de l’habitat

Trois grands enseignements concernant les variables démographiques peuvent être tirés sur la
pauvreté.
Le premier enseignement est que la pauvreté touche davantage les jeunes que les personnes
âgées. En effet, la probabilité d’être pauvre se réduit au cours du cycle de vie. Abdelkhaled
(2005) note que des études plus approfondies devraient être entreprises afin d’expliquer cette
originalité. Néanmoins, rien n’assure que cette spécificité va se maintenir avec l’évolution
démographique du Maroc. En effet, le Maroc est en train de vieillir, autant en raison de la
croissance de la population âgée que de la réduction de la population jeune. Accueillir cette
population vieillissante dans des conditions raisonnables sera l’un des défis du Maroc à venir.
Le second enseignement est la forte féminité de la pauvreté5. Les chiffres de l’enquête de
1998 montre que le taux de pauvreté des femmes était de 12,2% en villes contre 11,7% pour
les hommes. En milieu rural ces taux étaient respectivement de 27,3% et 27%. La pauvreté
des ménages est plus forte quand les femmes sont chefs de famille (Abdelkhaled, 2004 ;
Direction de la statistique, 2001). Bien que le taux d’activité des femmes ait progressé, les
femmes subissent toujours les problèmes relatifs au sous-paiement. En outre, cette plus forte
prévalence de la pauvreté pour les femmes tient à leurs caractéristiques. Celles-ci ont un
niveau d’éducation plus faible que les hommes, des accès aux services de santé, à l’eau
potable ou à l’électricité réduits. Tous ces facteurs obèrent le potentiel économique des
femmes. Différentes actions peuvent favoriser un accroissement de celui-ci à l’image de la
microfinance. En effet, il est notoire de souligner que les femmes ont un rôle important dans
la lutte contre la pauvreté (Direction de la statistique, 2001).
Enfin, la taille du ménage a un effet négatif sur la pauvreté. Une partie de l’explication tient
au calcul de la pauvreté par le HCP. En effet, il fut montré que la pauvreté est calculée en
5
Nous faisons confiance aux études citées en raison des difficultés inhérentes à la séparation de la pauvreté
féminine et masculine au sein du ménage.
fonction de la dépense de consommation. Néanmoins, contrairement à l’usage, le HCP
n’utilise pas d’échelle d’équivalence. Ce type d’échelle vise à prendre en compte certaines
dépenses qui sont communes pour le ménage (logement par exemple). Par conséquent, en
excluant une telle échelle, il est donné trop de poids à certains individus, eu égard à leurs
dépenses réelles. Néanmoins, le constat ne semble pas biaiser fondamentalement. Sans
surprise plus le nombre d’actifs occupés est important dans le ménage, moins la pauvreté est
forte ce qui est assez logique.

Concernant l’habitat, les conditions de logements sont plus moins bonnes pour les personnes
pauvres. En outre, une distinction rural-urbain existe. Toutes choses égales par ailleurs, les
conditions de logement des pauvres sont meilleures en ville qu’à la campagne grâce à un
accès plus aisé à l’évacuation d’égouts, à la collecte des ordures et à l’eau potable et
l’électricité. Les logements sont néanmoins plus spacieux en milieu rural mais moins
confortables (difficile accès à l’eau, à l’électricité, logement en pisé).
Un trait saillant au Maroc est que les pauvres sont en général propriétaires. Ce constat est
assez surprenant.

 Figure 2 : Pourcentage de propriétaires moyen en fonction de la pauvreté et du milieu

100,00
90,00
80,00
% de propriétaires

70,00
60,00 Urbain
50,00 Rural
40,00 Ensemble
30,00
20,00
10,00
0,00
[0;5[ [5;10[ [10;15[ [15;20[ [20;25[ [25;30[ [30;35[ [35;40[ Plus
de 40
classe de pauvreté

Si une part non négligeable de cette situation s’explique par la forte proportion de
propriétaires ruraux, le phénomène se retrouve également en ville. Abdelkhaled (2004)
explique ceci par le fait que les pauvres accordent une importance à la détention du capital.
Cette réponse est cependant insuffisante et des études complémentaires devraient être menées.
Néanmoins, il est important de conserver à l’esprit ce point pour la suite du travail6.

1.3 Les problèmes relatifs au capital humain.


Le capital humain peut être défini par l’ensemble des aptitudes, talents, qualifications,
expériences dont dispose un individu et qui lui permet de participer activement et
efficacement à la production. Cette notion fut initialement développée par Theodore Schultz
puis par Gary Becker. Dans notre propos, nous intégrons outre l’éducation, la santé comme
variable déterminante du capital humain. En effet, une bonne santé est un facteur essentiel de
productivité élevée.

Pauvreté et éducation
Les liens entre la pauvreté et l’éducation sont bivalents. D’une part, la pauvreté réduit la
possibilité d’avoir accès à l’éducation. En effet, l’éducation suppose un investissement qui
doit être rentable pour la famille. Or, pour une famille pauvre investir dans l’éducation a un
double coût : le coût de fourniture de l’éducation à proprement parlé ainsi que le coût
d’opportunité du non travail de l’enfant. En outre, cet investissement doit être rentable. Or à la
vue du taux de chômage extrêmement élevé des diplômés au Maroc, cela est peu évident.
Enfin, l’effet est accentué en milieu rural en raison de la difficulté d’accès aux infrastructures
d’éducation et des rendements plus incertains de l’éducation.
D’autre part, la pauvreté est renforcée par le faible niveau scolaire. En effet, les individus peu
alphabétisés manquent de réactivité et de possibilité face à un choc et/ou pour développer une
activité d’envergure. De plus, des personnes analphabètes ne peuvent assimiler un certain
nombre d’informations et pratiques utiles à l’amélioration de la productivité. De nombreuses
études ont montré le lien fort entre éducation-alphabétisation et productivité.
A partir de ce constat empirique, il n’est guère étonnant de trouver une forte relation au Maroc
entre la pauvreté des communes et le niveau d’alphabétisation.

6
La propriété est en général retenu comme un capital qui peut servir de collatéral afin d’obtenir un prêt.
 Figure 3: Moyenne des taux d’alphabétisation des communes en fonction du milieu et du
niveau de pauvreté (en lignes)
80,00
taux d'alphabétisation (en % )

70,00

60,00

50,00
Urbain
40,00 Rural
Ensemble
30,00

20,00

10,00

0,00
[0;5[ [5;10[ [10;15[ [15;20[ [20;25[ [25;30[ [30;35[ [35;40[ Plus de
40
classe de pauvreté

L’étude des données du recensement de 2004 met en exergue la différence en termes


d’alphabétisation selon le milieu. En effet, alors que les communes rurales ont en moyenne un
taux d’alphabétisation de 39,3 %, il est de plus de 67% en milieu urbain. En outre, il est utile
de noter que conformément au cadre théorique l’alphabétisation est décroissante avec le
niveau de pauvreté de la commune.
Le constat opéré ci-dessous avec le taux d’alphabétisation se retrouve avec la scolarisation
primaire. Le taux de scolarisation primaire est de l’ordre de 35% pour les communes rurales
contre 58% pour les communes urbaines. En outre, le taux de scolarisation décroît avec le
taux de pauvreté de la commune. Ainsi pour les communes ayant un taux de pauvreté
inférieur à 5%, il est de presque 60% alors qu’il est inférieur à 35% pour les communes ayant
un taux de pauvreté supérieur à 20%.
Agir sur la scolarisation est essentiel pour réduire la pauvreté. Selon une étude du HCP, la
réduction de la pauvreté de 1994 à 2004 s’explique en partie par un accroissement de la
scolarisation (HCP, 2005). De même agir sur la pauvreté permettra de réduire
l’analphabétisme.

Pauvreté et santé
Comme pour l’éducation, la santé est en relation bivalente avec la pauvreté. Etre en bonne
santé est une condition nécessaire pour être productif et donc s’enrichir. Cependant, être
pauvre réduit l’accès aux soins en raison du coût de ceux-ci. Une nouvelle fois une distinction
rural-urbain peut être mise en exergue. En effet, les personnes vivant en ville ont en général
un accès plus aisé aux soins grâce à la disponibilité des infrastructures, contrairement à la
campagne.

2°) Le problème de l’accès aux infrastructures et ses conséquences sur l’emploi.

2.1 Le faible accès aux infrastructures.


Une des principales explications de la forte prégnance de la pauvreté rurale tient à la faiblesse
des infrastructures. Si les efforts déployés depuis 1998 afin d’améliorer les infrastructures
rurales ont des résultats visibles, les conséquences du délaissement passé restent saillantes.

Il fut avancé plus haut la faiblesse en termes d’alphabétisation en zone rurale. Au-delà de la
faiblesse des revenus et des débouchés éventuels, la difficulté d’accès à des infrastructures
éclaire ce point. Abdelkhaled (2005) note que la distance moyenne par rapport à l’école est de
plus de 2km en zone rurale. Cette information est de nature à expliquer en partie le choix de
ne pas scolariser tous les enfants.
Le constat est similaire pour ce qui est de la santé. En effet, le difficile accès aux soins réduit
la possibilité pour les populations rurales de bénéficier de conditions de vie correctes. En
20047, 102 communes rurales sur 1482 n’ont ni accès à un centre de santé communale, ni à un
dispensaire rural. Cela signifie que 7% des communes rurales sont totalement dépourvues
d’infrastructures de santé. En outre, 660 communes rurales n’ont pas accès à un centre de
santé communale et 512 n’ont aucun dispensaire sur leur territoire. La différence entre rural et
urbain peut être illustrée à l’aide de la couverture médicale. Le taux d’équipement en
pharmacie8 est de 83% pour les communes où le taux de pauvreté est inférieur à 5% contre
seulement 14% pour celles où il est supérieur à 30%. Ce même taux est de 99,6% pour les
communes urbaines contre seulement 28,9% pour leurs homologues rurales. Bencherifa et alii
(2005) notent que si les efforts accomplis ont eu des résultats positifs, les défis à venir
concernant la couverture médicale de tout le territoire demanderont des concours financiers et
une volonté politique d’envergure.
L’absence de ces infrastructures pèse sur l’élévation du capital humain en milieu rural.
7
Si l’origine de la source des données n’est pas stipulée, c’est qu’il s’agit de calculs établis à partir de notre base
de données. Nous soulignons que les dispensaires ruraux sont des structures de santé très partiel, alors que les
centres de santé sont un peu plus important.
8
Nous utilisons les pharmacies car il s’agit de la seule donnée qui est disponible à la fois pour les communes
rurales et urbaines dans le cadre des enquêtes sur les équipements communaux.
La faible disponibilité d’infrastructures sociales physiques locales dans le milieu rural est
générale. Par infrastructure sociale physique locale nous entendons l’accès à l’électricité, à
l’eau courante ou encore aux réseaux d’égouts.

 Figure 4: Taux d’équipement des communes en électricité selon le niveau de pauvreté et


le milieu.

Plus de 40
[35;40[
[30;35[
Classe de pauvreté

[25;30[
Rural
[20;25[
Urbain
[15;20[
[10;15[
[5;10[
[0;5[

0,00 20,00 40,00 60,00 80,00 100,00


Taux d'équipement (en %)

En utilisant les données concernant l’accès à l’électricité le constat de la différence rural-


urbain est éloquent. Ainsi les communes rurales où le taux de pauvreté est inférieur à 5% ont
un taux d’équipement de 66% alors qu’il est de plus de 90% pour les communes aux
caractéristiques similaires en milieu urbain. La différence est encore plus proéminente pour
les communes pauvres. La pauvreté est manifestement liée à l’insuffisance de l’infrastructure
sociale physique locale surtout en milieu rural. Si le taux de pauvreté influe peu sur le niveau
d’accès à l’électricité en milieu urbain, il existe une forte décroissance dans les communes
rurales en fonction de la pauvreté. Ainsi, le taux d’équipement des communes où le taux de
pauvreté est de plus de 30% est trois fois plus faible à la campagne qu’en ville. Néanmoins,
nous relevons que ce problème tend à être résorbé grâce au programme d’électrification des
zones rurales.
Le constat est similaire pour l’accès à l’eau bien que la pauvreté semble avoir moins d’effet.
Les communes urbaines ont un taux d’accès à l’eau quatre fois supérieur à celui des
municipalités rurales (80% contre 21%). La différence est même de plus de cinq fois pour les
communes où le taux de pauvreté est supérieur à 30%.

Concernant les facteurs de désenclavement des communes rurales, la proportion de


communes ayant accès à un grand taxi est de 85% pour les communes où la pauvreté est
inférieure à 5% contre 70% pour celles où elle est supérieure à 30%. L’accès à l’autocar est de
46% contre 51% et l’accès aux trains de 7,7% contre 1,5% respectivement. Ainsi les
communes les plus enclavées sont aussi les plus démunies.

Force est de reconnaître que l’accessibilité des infrastructures est relativement faible pour les
communes pauvres surtout si elles sont en zones rurales. La plupart des rapports sur le sujet
insiste sur ce point comme un vecteur de la matrice des explications de la pauvreté en milieu
rural.

2.2 Les conséquences sur la difficulté de l’accès à l’emploi et son corollaire la pauvreté

Dans un rapport sur la pauvreté au Maroc en 1993, la Banque Mondiale déclarait que le sous-
emploi était la première cause de pauvreté au Maroc. Ce constat datant de plus de quinze ans
s’avère encore pertinent. Les populations pauvres regroupent principalement des personnes
inactives ou en sous-activité. Par sous-activité, il convient d’entendre à la fois les chômeurs,
qui se concentrent en villes et les personnes occupant des emplois précaires ou à temps
partiel. Selon la Direction de la Statistique (2001), 50% des pauvres sont des inactifs. Il s’agit
en premier lieu des enfants mais pas seulement. Ce constat est encore plus saillant en ville. Si
le chômage semble être davantage une caractéristique de la pauvreté urbaine, son équivalent
rural est le sous emploi. En effet dans les campagnes, le chômage au sens habituel du terme
n’est pas vraiment une réalité. Néanmoins, les pauvres ont une activité faible et surtout peu
génératrice de revenus. Or une explication essentielle de ce fait tient à l’insuffisance des
infrastructures économiques et sociales. Tous les rapports sur la pauvreté au Maroc insistent
sur ce point. D’une part, la faiblesse des infrastructures de santé et d’éducation ne permet pas
aux ruraux de développer leurs capacités productives (capital humain). Pire, il existe un cercle
vicieux puisque la pauvreté empêche de telles dépenses qui seraient pourtant utiles. Dès lors,
il n’est guère étonnant que ces personnes soient dans l’incapacité d’être fortement productives
et donc de générer des revenus suffisants. D’autre part, la difficulté d’accès aux autres
infrastructures telles que l’électricité, l’eau, les transports, l’existence de souk ou encore des
services financiers obèrent les possibilités économiques. Or de tels manquements empêchent
le développement d’activités rentables. Par exemple, il s’avère difficile de produire en grande
quantités si le marché est restreint (faiblesse du marché local, difficulté d’accès aux marchés
voisins).
Un des points inquiétant tient au cumul de ces absences d’infrastructures qui génèrent de
véritables « zones arides ». En effet, il devient économiquement logique d’installer les
infrastructures dans les régions déjà pourvues. Un phénomène d’externalité et de synergie
peut se mettre en place. Il est par exemple plus utile de former une main d’œuvre ayant une
bonne santé. Si cette logique est implacable sur un plan économique, elle est dramatique sur
un plan social. Certaines régions partant avec un handicap initial se retrouvent marginalisées
et ne peuvent que faiblement se développer. Bencherifa et alii (2005) mettent bien en
évidence ce problème d’hystérèse. Il a fallu attendre 1998 pour que le problème des déserts
d’infrastructures de certaines communes et provinces soit véritablement pris en compte. Les
problèmes engendrés par ce déni sont encore prégnants. Une telle analyse permet de
comprendre la répartition géographique de la pauvreté et le problème des poches de pauvreté.

3°) La répartition géographique de la pauvreté : Le problème des poches de


pauvreté

Le HCP a développé, selon les prescriptions de la Banque Mondiale, une cartographie de la


pauvreté (cf. annexe 2). Une telle démarche est franchement utile au Maroc tant les inégalités
régionales face à la pauvreté sont criantes.
Le premier constat qui peut être fait de la localisation de la pauvreté est que celle-ci est
principalement rurale.
 Figure 5: Taux de pauvreté urbain et rural par régions
35
taux de pauvreté (en %)
30

25

20 Urbain

15 Rural

10

Selon les chiffres de la cartographie de la pauvreté le taux de pauvreté nationale est de 14,2%.
Il existe cependant une forte divergence entre milieu, puisqu’il est de 22% en milieu rural
contre 7,9% en milieu urbain. En zone rurale, 30 communes (soit 2,3% des communes
rurales) ont un taux de pauvreté inférieur à 5% alors que 348 (27%) ont un taux de pauvreté
supérieur à 30% ; En milieu urbain ces chiffres sont respectivement de 55 (soit 25% des
communes urbaines) et 4 (1,8%). Certes, nous avons déjà insisté sur ce constat mais il est
essentiel afin de comprendre la situation marocaine. Ainsi les ruraux ont trois fois plus de
risques d’être pauvres que les urbains. Il existe différentes explications à ces raisons : La
première est le problème évident du manque d’infrastructures. La seconde tient au type
d’activité ; le Maroc est encore une économie fortement agricole et les régions rurales
dépendent beaucoup de ce secteur. Or, ces activités connaissent des variations fortement
erratiques ce qui engendrent une vulnérabilité forte des agriculteurs et de toutes les personnes
ayant des activités annexes.

Au-delà de ces différences il existe des différences régionales fortes de pauvreté.


 Figure 6 : Taux de pauvreté régionale
Légende:
Taux de pauvreté régionale

< 10%
entre 10% et 15%
entre 15% et 20%
> 20%

Données : RGPH 2004, calculs propres

Si le taux de pauvreté est inférieur à 5% pour la Région du Grand Casablanca et proche de


cette valeur pour celle de Rabat, la situation dans l’est du pays est moins glorieuse. En règle
générale, nous notons que la pauvreté est la plus faible dans l’axe côtier qui s’étend de Kénitra
(au Nord de Rabat) à El-Jadida (au sud de Casablanca). A l’exception de Gharb-Charda-Béni
Hssen, les régions du nord-ouest sont relativement moins pauvres que le reste du pays. Les
régions de l’est souffrent en revanche beaucoup plus que le reste du pays. Ainsi les régions de
Meknès-Tafilalet (19,7%) et de l’Oriental (18,1%) ont un taux de pauvreté proche de 20%. La
situation la plus dramatique concerne cependant les régions de Gharb-Charda-Béni Hssen
(20,4%) au nord-est et de Marrakech-Tensift-Al Haouz (20,4%) au sud-est.
Sans surprise les communes les plus pauvres (plus de 30%) se concentrent dans les régions
de Marrakech-Tensift-Al Haouz, Souss-Massa-Drâa, Meknès-Tafilalet, l’Oriental, le Gharb-
Charda-Béni Hssen, Tadla-Azilal et Fès-Boulemane.
L’étude des disparités provinciales est encore plus éloquente. Le taux de pauvreté passe de
2,4% dans la province de Rabat à 33,6% dans celle de Zagora.
L’explication de ces disparités régionales tient pour une grande part de la différence en
infrastructures locales. D’une part, les régions les plus pauvres sont les moins urbanisées.
Ainsi le taux d’urbanisation de la région du Grand Casablanca est de plus de 90%, alors qu’il
est inférieur à 50% pour les régions de Souss-Massa-Darâa (40,8%), Gharb-Charda-Béni
Hssen (42%) et de Marrakech-Tensift-Al Haouz (39,2%). Ce constat rejoint le problème du
manque des infrastructures locales. Il n’est guère étonnant de voir que l’axe Kénitra-El Jadida
est celui qui est le mieux servi en infrastructures de toutes sortes. En revanche, les régions de
l’est et du sud sont relativement dépourvues de telles structures notamment dans les
communes rurales. Ainsi l’accès à l’électricité est de près de 85% dans la région du Grand
Casablanca alors qu’il n’est que de 38% dans la région de Marrakech. Pour ce qui est de
l’accès à l’eau les chiffres sont respectivement de 56% et 25%. Les différences sont similaires
pour l’ensemble des régions pauvres.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une infrastructure le taux d’alphabétisation connaît des
différences profondes. Il est de plus de 70% dans la région du Grand Casablanca contre
seulement 45% dans celle de Gharb et 35% dans celle de Marrakech. Le constat est pire pour
les communes rurales puisque les chiffres sont de 60%, 40% et 34%. Il serait possible de faire
une liste similaire pour l’ensemble des infrastructures.
Une autre façon d’illustrer ce manque d’infrastructures est d’avoir recours à la densité du
réseau routier9. Alors que dans la région du Grand Casablanca le réseau routier est de 494 km
pour une superficie de 1026 km², ces données sont respectivement de 3050km pour 80579
km² dans la région de l’Oriental, de 3925 km pour 73207 km² dans la région de Souss-Massa-
Darâa et de 3802 km pour 60407 km² dans la région de Meknès-Tafilalet.
Le problème essentiel que cela pose est qu’il existe des poches de pauvreté. En effet, un
certain nombre de communes (ou provinces) rurales sont dans une situation dramatique. Non
seulement elle souffre d’une pauvreté quasi-généralisée, mais en outre rien ne présage d’une
sortie rapide de celle-ci. En effet, le meilleur moyen de sortir de la pauvreté reste le
développement sur le long terme qui passe par une activité économique rentable. Or ces
régions sont dépourvues en termes de structures de base qui puisse permettre une telle
perspective.

Après avoir caractérisé la pauvreté au Maroc, il est utile de s’interroger sur les moyens mis en
œuvre pour la juguler. Cela permettra de cerner le rôle spécifique de la microfinance dans cet
objectif.

9
Les données sont tirées de HCP, Le Maroc des Régions (2006).
Section 3 : Les remèdes à la pauvreté

1) Des politiques macroéconomiques aux politiques de lutte contre la pauvreté

La problématique de la pauvreté n’apparaît aux yeux des autorités marocaines qu’au milieu
des années 1990. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître avant cette date, l’idée de
juguler la pauvreté est absente des politiques mises en œuvre. Ainsi les documents officiels
stipulent uniquement une dimension sociale des politiques, sorte de conséquence fortuite des
actions étatiques. C’est en 1996, à travers la stratégie de développement social, que l’objectif
de lutte contre la pauvreté fait son apparition comme un but en soi. Il est dès lors peu
surprenant que les politiques économiques mises en œuvre aient été relativement inopérantes
sur la possibilité de réduire la pauvreté. Il est donc possible de dégager deux périodes des
politiques sociales. La première s’étend de l’indépendance (1956) au milieu des années 1990.
La seconde démarre au cœur des années 1990 et voit la mise au point d’une véritable prise de
conscience du problème de la pauvreté au Maroc.
Abdelkhaled (2005) souligne l’importance donnée à la promotion de la croissance au cours
des premières décennies de l’indépendance. Les autorités marocaines, mais pas seulement,
pensent que la stimulation de la croissance est suffisante pour générer des effets sociaux
positifs. Il est dès lors logique de voir que les politiques économiques (et sociales) se
concentrent sur l’incitation à l’activité. Nous notons cependant que cette problématique n’est
pas désuète. En effet, si la croissance est non suffisante pour réduire la pauvreté, elle est
néanmoins une condition nécessaire. Le Maroc souffre d’une croissance trop faible et trop
irrégulière ce qui l’empêche d’absorber le flux de main d’œuvre (Sagou, 2006). Le chômage
tend ainsi à se développer et avec lui des situations de pauvreté peuvent apparaître. De même
l’irrégularité de la croissance agricole, qui reste fortement dépendante des conditions
climatiques, engendre les mauvaises années des tensions fortes pour les agriculteurs ruraux
(qui représentent la population la plus pauvre). Les politiques marocaines jusqu’aux années
1970 ont donc tenté de favoriser une croissance positive. Ces politiques ont atteint leur
paroxysme durant le plan quinquennal 1973-1977 qui s’avère être une véritable relance de
l’économie. Dans tous les cas, ces politiques de stimulation ont engendré des difficultés de
financement. En effet, Gouitaa (2005) note que l’épargne intérieure fut insuffisante d’où le
creusement des déficits extérieur et de l’Etat. Dès la fin des années 1970, le Maroc est
contraint de revoir ses ambitions et politiques. Cela est accentué par les facteurs exogènes
négatifs (hausse des taux d’intérêt, hausse du dollar, sécheresse). Les difficultés sont telles
que le Maroc doit signer en 1981 un Plan d’Ajustement Structurel (PAS) avec le FMI. Ces
PAS furent critiqués pour leurs effets sociaux néfastes. Si l’effet au Maroc semble avoir été
positif d’un point de vue économique et financier, l’effet social est moins négatif que prévu.
En effet, la pauvreté a continué à chuter mais à un rythme nettement ralenti. En outre, le
chômage a bondi de 10% à 15% en l’espace de deux ans suite au PAS. De plus, ce
programme n’a pas permis de générer une croissance plus forte (au contraire celle-ci s’est
contractée) ni plus stable. Enfin, les budgets sociaux ont connu des coupes sombres, certes
moins élevées que dans d’autres pays, mais aux effets réels. L’ajustement dure jusqu’au début
des années 1990. Néanmoins, il convient de souligner que les ressources dégagées par cette
politique de rigueur ont permis de mener les politiques actives de la dernière décennie. De
même la réduction de l’inflation est en générale au profit des plus pauvres. Porter un jugement
sur l’impact de l’ajustement sur la pauvreté doit tenir compte de ces faits, c’est pourquoi nous
nous y refusons. Les effets globaux sont en effet discutables selon la focale temporelle
retenue.
Dire qu’il n’a pas existé de politiques sociales jusqu’au milieu des années 1990 est une
schématisation excessive. En effet, il a existé quelques politiques sociales ou en tout cas des
programmes qui visaient à soulager des effets de la pauvreté. Avant et pendant l’ajustement,
l’Etat marocain a cherché à maintenir un certain nombre de filets de sécurité essentiels. Par
exemple, la plupart des prix des produits sensibles restent contrôlés jusqu’au PAS à travers le
système de compensation (qui date du protectorat). Néanmoins, l’effet réel de ce mécanisme
sur la pauvreté est discutable dans un pays où la pauvreté est agricole, donc affecte les
producteurs de biens de base. En outre, ce mécanisme a surtout bénéficié aux plus aisés en
raison de la subvention proportionnelle à la consommation. L’Etat marocain a aussi instauré
un système de minima salariaux utiles pour les plus bas salaires ainsi que des indemnités
familiales. Si ces filets sont maigres, ils furent essentiels pour un certain nombre d’individus
pauvres ou vulnérables. Le Maroc a même tenté au cours de ces années une structuration
économique du territoire. Ainsi les plans quinquennaux visaient la mise en place d’une
véritable infrastructure économique. Cependant, bien que le plan de 1973-1977 ait tenté une
prémices de développement régional à travers la mise en place de pôles régionaux, les effets
d’entrainements furent quasi nuls (Gouitaa, 2005). Bien que la pauvreté ait fortement chuté
durant ces années, il est difficile de connaître le rôle réel des politiques économiques. Des
fonds furent mis en place pour développer les régions à l’image du Fonds Spécial de
Développement Régional créé en 1973 ou du Programme du développement économique
rurale du Rif occidental. Ces différents projets ont tenté de densifier les infrastructures
physiques locales des provinces et communes concernées. Ils ont permis d’améliorer la
situation des zones cibles, mais les régions périphériques restaient négligées. En outre, l’Etat a
tenté de favoriser l’accès à l’emploi par le biais de la Promotion Nationale, créée en 1961,
pour les travailleurs ruraux. L’objectif affiché était de favoriser l’emploi rural et d’éviter un
exode rural incontrôlable. L’Entraide Nationale, créée en 1957, visait pour sa part à faciliter
l’accès à l’emploi des plus défavorisés.

Force est de reconnaître que si les politiques menées durant les premières décennies de
l’indépendance ont aidé à la réduction de la pauvreté, celles-ci ne se sont pas attaquées aux
raisons profondes de la pauvreté exposées plus haut. Au milieu des années 1990, une véritable
prise de conscience apparaît, symbolisée par le changement de sémantique (apparition du mot
pauvreté dans les documents officiels). Dès lors une multitude de projet va apparaître. Ces
actions sont multiples et visent à agir sur un ou plusieurs paramètres de la pauvreté. Un accent
important est posé sur la pauvreté rurale. Nous ne cherchons pas à présenter tous les projets 10
mais d’en donner une idée générale. Le programme le plus global est sans doute le
programme de priorité sociale (ou BAJ, Barnamaj al Aoulaeyat al Ijtimaya) développé à partir
de 1996 grâce à un financement de la Banque Mondiale. Ce projet vise 14 provinces parmi les
plus démunies. Il s’articule autour de trois axes. Le premier concerne l’éducation de base, le
second la santé de base et le troisième l’accès à l’emploi. Le fonds Hassan II a visé pour sa
part à réutiliser le produit des privatisations dans des programmes sociaux relativement larges.
Un pan de ces actions concerne la microfinance. De nombreux autres projets furent mis en
œuvre avec un horizon géographique plus large mais une thématique plus restreinte. Ainsi
d’importants programmes de structuration du territoire furent élaborés en zone rurale à
l’image du Programme d’Approvisionnement Groupé en Eau potable des populations Rurales
(PAGER), le Programme National d’Electrification Rural (PNER) ou encore le Programme
National de Construction de Routes Rurales (PNCRR). Toutes ces actions furent développées
au début des années 1990 et ont une envergure importante (le PAGER concernait 11 millions
de personnes soit entre un tiers et la moitié de la population marocaine). De même, des
agences pour permettre l’accès aux infrastructures de base dans les régions du nord et du sud
ont été établies début 2000. Des programmes de lutte contre l’analphabétisme, contre les
effets de la sécheresse ont été instaurés à l’aube du troisième millénaire. L’assurance maladie
a été réformée afin de rendre celle-ci obligatoire pour les salariés et une couverture minimale
10
Pour cela nous vous renvoyons à Gouitta (2005), ministère de l’économie (2002).
fut mise en œuvre pour les plus démunis. Enfin, différentes actions ont tenté de développer
l’emploi et la formation comme les crédits jeunes promoteurs (qui ne concernent que les
diplômés) ou le fonds pour la promotion de l’emploi des jeunes.
Les différentes études ont montré que si ces programmes vont dans le bon sens de nombreux
problèmes persistent (Gouitaa, 2005 ; Abdelkhaled, 2005 ; Guerraoui, 2006). Le premier tient
à la multiplication des programmes et leur manque de cohérence. En effet, face à de si
nombreuses actions, il manque une coordination globale qui puisse éviter les doublons et
permettre un maillage plus utile du territoire. Deuxièmement, de nombreux programmes sont
d’ordre conjoncturel ce qui n’est évidemment pas la meilleure façon de s’attaquer en
profondeur à la pauvreté. Une critique récurrente est aussi le manque de participation des
autorités locales et des personnes concernées dans la mise en œuvre des programmes. Enfin,
la quatrième critique souvent avancée est le manque de ciblage géographique des actions. En
effet, ces programmes délaissent certaines régions et populations qui en auraient un besoin
essentiel. Le HCP (HCP, 2008) a montré dans une étude récente qu’un meilleur ciblage des
aides permet d’améliorer les effets sociaux de celles-ci. Les effets sont relativement probants.
Or le ciblage est encore trop peu mis en œuvre même si les autorités semblent s’y intéresser
de manière croissante comme en témoigne le développement de la cartographie de la
pauvreté.
Toutes ces critiques ont été prises en compte lors de l’élaboration en 2005 de l’Initiative
Nationale de Développement Humain (INDH). L’INDH est un programme d’envergure qui
vise à rationnaliser les différentes actions11. Il est actuellement difficile de juger des effets de
cette action en raison de sa jeunesse.

3) L’effet des réformes financières

Au-delà des mesures spécifiques de lutte contre la pauvreté, les autorités marocaines ont tenté
de favoriser l’activité à travers un approfondissement financier. Il s’agit en effet d’un pan
important des politiques de lutte contre la pauvreté. Nous avons montré qu’une grande part de
la pauvreté tient à un manque d’activités des personnes vulnérables. Or, faciliter le
développement financier permet d’aider les plus pauvres à être employés ou de générer leurs
propres activités. Théoriquement, le développement financier permet de faciliter l’épargne et

11
Pour plus de renseignement nous vous invitons à consulter le site de l’INDH : www.indh.gov.ma/
l’investissement (McKinnon, 1973 ; Shaw 1973). La réduction des coûts de transaction
permet de réduire le rationnement du crédit et de favoriser l’activité (Stiglitz et Weiss, 1982).
Or ce renouveau d’activité peut bénéficier aux personnes les moins aisées si elles sont au
cœur des nouvelles activités. Empiriquement, de nombreuses études ont montré les effets
bénéfiques du développement financier sur la croissance économique, donc sur l’emploi et la
pauvreté (King et Lévine, 1993 ; Guillaumont-Jeanneney et Kopdar, 2006). Le Maroc, à
l’image de la plupart des pays émergents, a mis en œuvre des politiques de développement
financier. Au cœur des années 1990, les différentes mesures de « répression financière »
(McKinnon et Shaw) furent supprimées. Le contrôle quantitatif du crédit disparaît en 1991,
les taux sont libéralisés de 1990 à 1995. Néanmoins, les différentes études ont montré des
effets peu concluants. Joumady et Mourji (1997) dans une étude microéconomique montrent
que la libéralisation du crédit n’a pas eu de répercutions positives sur les petites et moyennes
entreprises au Maroc. Une étude de Mourji (1996) sur le lien entre la croissance et les
réformes financières au Maroc confirme ce constat. Bien évidemment ces recherches
souffrent du manque d’analyse d’impacts à long terme. Hassan et Jang-Suk (2007) confirment
cependant ce constat dans une recherche plus récente. Ils concluent que l’effet de la réforme
financière sur les variables réelles est faible au Maroc.
Le Maroc souffre d’une dualité de son économie. A côté d’entreprises modernes ayant recours
aux financements conventionnels des banques et des marchés financiers, il existe tout un
secteur traditionnel qui peine à se financer. Si les réformes financières semblent avoir eu un
effet positif sur le secteur moderne, le secteur traditionnel reste pour sa part fortement lésé.
Or, une part non négligeable, voire majoritaire, de l’activité économique est l’œuvre de ce
secteur, notamment pour les moins aisés. En ce sens, il est difficile de lier correctement les
réformes financières à la réduction de la pauvreté. La microfinance, qui est apparue au cœur
des années 1990 au Maroc, a tenté de cibler ce secteur. L’objectif fut de servir financièrement
ces activités, généralement informelles, dans des conditions raisonnables.

3) Le recours utile à la microfinance

3.1 Principes généraux de la microfinance et lutte contre la pauvreté

Face à ces politiques aux effets limités, il s’est développé au milieu des années 1970 ce qui
allait prendre le nom de microfinance. La première expérience de ce type est celle de la
Grameen Bank au Bangladesh (en 1976). La microfinance recouvre l’ensemble des services
financiers (crédit, épargne, transfert, assurance) fournit cependant à petite échelle et envers
des personnes relativement pauvres et/ou vulnérables. Le but de la microfinance était de créer
une innovation institutionnelle afin que les personnes non servies par les financiers
traditionnelles puissent l’être. Néanmoins, pour rendre cette ambition effective, il a fallu
modifier un certain nombre de pratiques ce qui en fait un secteur propre. Armendariz de
Aghion et Morduch (2004) dressent les principales innovations du microcrédit:
 Les groupes solidaires d’emprunt : L’emprunt est réalisé par un groupe dont les
membres se portent caution pour les autres.
 L’absence de collatéral physique : cela rebondit avec le premier point le collatéral est
principalement social.
 Le principe des prêts progressifs : le montant du prêt est de plus en plus important
lorsque l’individu emprunte plusieurs fois.
 La focalisation sur les femmes dont les prêts servent en priorité des objectifs sociaux.
L’objectif de ces innovations est d’éviter les problèmes d’information asymétrique et de
permettre ainsi aux personnes les moins aisées de pouvoir emprunter. L’idée est que si ces
individus peuvent lever des fonds, ils seront dans la possibilité de créer une petite activité.
Celle-ci sera un moyen de réduire la pauvreté et la vulnérabilité.
Si le microcrédit est fortement développé, les autres pans de la finance ont pris une place
croissante dans les programmes de microfinance. La microépargne permettrait de réduire les
risques et de lever un capital qui pourrait servir à accroître le montant des prêts. La
microassurance est perçue comme un moyen de faire face à la vulnérabilité des petits
entrepreneurs.

La question qui se pose est de savoir si la microfinance est efficace pour réduire la pauvreté.
De nombreuses études d’impact notent le rôle fortement positif de la microfinance eu égard
aux performances des groupes témoins (Hulme, 2000 ; Mosley, 1996, 2001 ; Mourji, 2000,
2002 ; Pitt et Khandker, 1999 ; Khandker, 2005). L’effet attendu sur la pauvreté est
relativement simple. En permettant de se financer, les populations pauvres peuvent créer une
activité productive génératrice de revenu. Dès lors, le maintien d’un financement approprié
offrira l’opportunité de faire que ces activités soient pérennes. Cela va accroître le revenu du
micro-entrepreneur et par contagion de son ménage ainsi que sa consommation. En outre,
Morduch (1999) note que des effets de second tour peuvent jouer à plus long terme. Ceux-ci
vont passer par une régulation de la fécondité et un accroissement du niveau d’éducation des
enfants. Les enfants seront moins essentiels pour maintenir un niveau de vie correct. En outre,
cet effet sera favorisé par l’accroissement de l’activité féminine. Le salaire d’appoint fournit
par les femmes permettra aux ménages vulnérables de ne pas tomber dans la pauvreté. Enfin,
la petite activité, si elle est relativement prospère permettra de générer une petite épargne avec
tous les effets positifs que cela comporte (sécurité, acquisition d’actifs).
Un débat profond existe cependant sur l’effet réel de la microfinance dans la lutte contre la
pauvreté. Morduch (1999, 2000) a montré que les logiques sociales de lutte contre la pauvreté
et financières des Institutions de MicroFinance (IMF) peuvent quelques fois s’opposer. Dès
lors, les IMF ciblent des populations certes démunies mais qui ont un potentiel économique.
Les personnes ayant un faible potentiel d’activités sont délaissées12. La question de la
pénétration de la pauvreté reste donc entièrement posée. Cela est notamment le cas au Maroc

3.2 Les spécificités de la microfinance au Maroc et lutte contre la pauvreté

L’objectif de ce paragraphe n’est pas de faire un tour d’horizon de la microfinance mais de


relever les spécificités qui nous intéressent dans ce secteur au Maroc13.
Tout d’abord, il convient de noter que la microfinance au Maroc est principalement urbaine.
Le développement de la microfinance rurale est relativement tardif puisqu’il date du milieu
des années 2000. Le pourcentage de clients ruraux est de 40% (source : FNAM) alors que la
pauvreté est principalement rurale. Par conséquent, pour atteindre une population plus pauvre
et vulnérable, le secteur de la microfinance au Maroc doit se focaliser sur ce milieu. Or une
telle orientation ne peut se faire aisément. Cela est d’autant plus important que la
microfinance au Maroc repose principalement sur le prêt solidaire. Si le prêt individuel existe,
il est relativement moins important. Le prêt solidaire suppose l’existence d’un groupe de
personnes qui se connaissent et qui ne pratiquent pas la même activité. Il est donc
relativement peu adapté dans des zones à faible densité avec des réseaux sociaux restreints et
à mono-activité.
Un autre aspect sur lequel il convient d’insister est le statut juridique des associations de
microfinance (AMC). En effet, le fait que ces institutions soient des associations n’apporte
pas grand-chose, en revanche une disposition législative de la loi de 1998 oblige celles-ci à
dégager une rentabilité au bout de cinq ans d’existence. Or les AMC sont donc dans

12
Il s’agit non seulement des plus pauvres mais également des personnes âgées, handicapées ou malades.
13
Pour avoir un aperçu général de la microfinance au Maroc : Closset (2009) ou le site de la Fédération
Nationale des Associations de Microcrédit (FNAM).
l’obligation de trouver une clientèle rentable. Cela est d’autant plus ardu que la concentration
avérée des institutions du secteur dans les mêmes lieux accroît les risques. Un problème aigu
est celui du recours aux multi-emprunts. Ce problème est si prégnant que les autorités de
régulation s’y sont intéressées. Or ce fait avéré fragilise le bilan des AMC en accroissant le
portefeuille à risque (PAR). Par conséquent, les institutions les plus affectées doivent revoir
leur prêt et risquent de négliger encore plus les personnes pauvres. Il devient donc utile
d’analyser les critères explicatifs du PAR et de voir si la pauvreté est explicative.

C’est en ayant conscience de ses caractéristiques de la pauvreté et de la microfinance au


Maroc, que nous pouvons mener cette étude.
Chapitre 2 : pauvreté, implantation et performances des
Associations de Microcrédit au Maroc : enseignements de données
communales et d’AMC.

Section 1 : Revue de la littérature et méthodologie

1) Cadre théorique du lien entre localisation des IMF et lutte contre la pauvreté

1.1 Approche théorique du lien entre rationnement du crédit et résorption de la pauvreté.

Face aux enjeux croissants concernant la microfinance, les études d’impacts de celles-ci n’ont
cessé de se multiplier14. L’objectif affiché est souvent de mesurer la pénétration de la pauvreté
que permet la microfinance, ce que les économistes dénomment souvent l’« outreach ». La
plupart des analyses se focalisent sur la demande (Mosley, 1996 ; Pitt et Khandker, 1999 ;
Morduch, 1999 ; Mourji, 2002). L’offre est prise en considération uniquement du point de vue
de la viabilité de l’institution. Morduch (2000) appelle à une réconciliation des deux optiques.
Néanmoins la demande de Morduch néglige une nouvelle fois la possibilité d’analyser
l’« outreach » par le biais de l’offre. Or cette focale n’est pas infaisable et s’avère instructive.
La plupart des recherches partent du postulat que l’offre suit la demande si celle-ci est
solvable. Or, c’est négliger le fait que les offreurs sont les entrants dans le jeu. En effet la
demande potentielle des ménages ne s’exerce que si l’offre est au préalable existante. Il se
pose bien évidemment un problème de rationnement de demande de microcrédits. Stiglitz et
Weiss (1981) furent les précurseurs de cette analyse du rationnement. Il y a un rationnement
lorsque la demande potentielle ne peut être servie faute d’une offre suffisante. Le
rationnement empêche l’accès d’une partie de la population aux services financiers, bien que
celle-ci soit solvable. Il est possible d’étendre cette analyse à une aire géographique. Une
région est en situation de rationnement régional si une partie de la demande n’est pas servie
en raison de l’absence d’une offre suffisante sur le territoire. Une intervention appropriée pour
réduire ce problème permet de générer des activités et revenus supplémentaire.
Subséquemment cela offre l’opportunité de réduire la pauvreté. Cela est vrai même si les prêts

14
Pour une revue rapide de l’histoire des analyses d’impact en microfinance voir Jeannin et Sangare (2008).
ne sont pas fournis aux plus pauvres au moins par le biais d’effets de second tour (distribution
de salaires ou accroissement de la consommation par exemple).
A partir de ce cadre il est possible d’étudier la relation entre offre de microfinance et pauvreté
en utilisant le canal du rationnement régional du crédit. Les Institutions de MicroFinance
(IMF) vont agir en premier lieu sur la pauvreté en ciblant les régions et populations
relativement pauvres. En général, ces régions sont peu desservies par les banques, en raison
de la faiblesse du marché potentiel. L’hypothèse est que plus les IMF s’implantent dans les
régions avec de forts taux de pauvreté, plus leur politique de résorption de la pauvreté sera
importante et efficace.
Fouillet (2007) a étudié ce problème dans le cas du financement agricole en Inde. Son étude
va plus loin que la simple microfinance puisqu’il étudie la bancarisation au sens large.
Landivar (2009) pour sa part se concentre sur la microfinance en Bolivie. Il est tout à fait
prégnant d’étudier en priorité la microfinance. En effet les IMF ont un rôle social de lutte
contre la pauvreté. Or cette mission est exercée par la fourniture de services financiers (au
premier rang desquels se trouve le crédit). Dès lors toutes choses égales par ailleurs, les IMF
vont chercher à cibler des zones ayant peu accès aux institutions bancaires et financières
traditionnelles.

Il convient cependant pour analyser la relation entre rationnement régional du crédit et lutte
contre la pauvreté de trouver un cadre analytique. Un moyen d’opérer est d’étudier les
déterminants de la localisation des IMF et le rôle de la pauvreté dans ceux-ci.

1.2 Analyse de la stratégie de localisation des IMF

La littérature économique est relativement riche concernant la localisation des entreprises. Les
différentes théories reposent toutes sur l’idée de la maximisation du profit (Tirole, 1988). Une
entreprise est libre de choisir sa localisation. Elle prend cette décision dans une optique qui lui
permet de maximiser son profit actualisé sur diverses périodes. Bien évidemment cette firme
prend en compte les effets externes et les avantages dus à l’agglomération. Sans rentrer dans
les détails analytiques de ces diverses théories, il est aisé de comprendre que cet objectif
unique pose peu de problèmes. En effet il est posé comme postulat que la maximisation du
profit inter-temporel est un objectif primaire afin éventuellement de servir des objectifs
secondaires (Distribution des salaires ou des dividendes par exemple).
Murdoch (2000) dans un article retentissant insiste sur le « schisme » interne à la
microfinance. Il pose le problème de l’équilibrage nécessaire entre la fonction sociale de la
microfinance et la viabilité financière des IMF. Depuis lors de nombreuses études ont tenté de
cerner si ces deux nécessités étaient compatibles (Khandker, 2005 ; Hermes et Lensink,
2007). Les résultats de ces études sont loin d’être concordants et laissent perplexes. Au-delà
de cette question, la remarque de Morduch tend à montrer que la microfinance a un double
objectif. Certes cette activité est originale en ce sens qu’elle vise un objectif de réduction de la
pauvreté. L’objectif social est souvent fortement affirmé dans les IMF et reste l’objectif
initialement exposé. Cependant force est de reconnaitre qu’il s’agit d’institutions qui se
doivent d’être viables à plus ou moins long terme. Il existe donc, contrairement aux firmes
traditionnelles, une séquence d’objectifs qui n’est plus verticale mais horizontale. Les IMF
font face à deux priorités d’importance égale : d’une part, elles doivent servir des populations
pauvres afin de remplir un rôle social important ; d’autre part, elles sont dans l’obligation de
dégager un profit suffisant afin d’être soutenable. Ce problème est d’autant plus prégnant dans
le cas marocain où la législation rend ce second objectif obligatoire (cf. chapitre 1 section3). Il
est donc essentiel pour modéliser le comportement de localisation des IMF de prendre en
compte cette dichotomisation des objectifs.
Sharma et Zeller (1999) proposent un cadre analytique qui prend en compte ce double objectif
pour évaluer les déterminants de la localisation des IMF. La question posée est la même que
la nôtre c’est-à-dire savoir si la pauvreté est un facteur déterminant dans le choix de
localisation des IMF. Il convient de présenter le cadre analytique de Sherma et Zeller qui va
servir de trame de fond à notre recherche. Ces auteurs soulignent que quatre critères de
localisation des IMF peuvent être répertoriés :
i. Le ciblage de la pauvreté
ii. La demande potentielle du service de microfinance
iii. Le coût éventuel de la fourniture du service
iv. Les risques perçus de l’implantation.

Le ciblage de la pauvreté
Les zones densément peuplées de pauvres ont une probabilité plus grande d’attirer une IMF.
En effet la pauvreté est l’un des objectif essentiel de ces institutions, il est donc rationnel pour
elle de s’implanter là où la pauvreté est substantielle. Néanmoins il est utile de souligner que
trop de pauvreté peut être dissuasif pour une IMF. En effet, dans ce cas il est fort probable
qu’aucune activité ne puisse être suffisamment rentable à long terme. C’est pourquoi il est
essentiel de prendre en compte les autres facteurs mis en évidence par Sharma et Zeller.

La demande potentielle de service de microfinance


Le rôle de la demande est essentiel. En effet toute organisation ne survit pas si elle se situe
dans une niche sans demande. Les IMF doivent donc se positionner de telles sortes que leurs
produits et services intéressent des clients potentiels. Or toutes les communes n’ont pas une
demande potentielle suffisante. Il peut aussi bien s’agir de communes trop pauvres pour
développer des activités qui supposeraient une demande de financement, que des communes
où l’accès à un petit financement est inutile en raison de la disponibilité aisée de services
financiers. Sharma et Zeller notent qu’un certain nombre de facteurs influencent la demande.
Il s’agit d’une part de l’accès aux infrastructures physiques (accès à la route, à l’électricité, à
l’irrigation). D’autre part, le potentiel économique, notamment l’accès à un marché important
et solvable, joue un rôle de premier plan. Cela passe par une certaine densité de population et
un certain niveau de revenu. Landivar (2009) souligne également le rôle du potentiel de
marché. Il inclut dans son modèle une mesure de celui-ci qui prend en compte les communes
environnantes de celle où l’IMF a choisi son implantation. Il est possible d’ajouter un autre
facteur que prend en compte l’analyse d’Augsburg (2007), en l’occurrence la concurrence.
Toutes choses égales par ailleurs, les IMF seront principalement intéressées par les marchés
non exploités par d’autres fournisseurs de microcrédit. Il est ainsi possible de réécrire la
demande potentielle Di comme un vecteur de variables qui prend en compte ; (i) les
infrastructures physiques, (ii) le potentiel économique et (iii) la concurrence possible d’autres
institutions de microfinance.

Le coût de fourniture du service


Sherma et Zeller soulignent l’existence de coûts pour les sociétés de microfinance. D’une part
il existe une dépense relative à la sécurisation des opérations et à la disponibilité bancaire.
Cette variable est relativement large et prend en compte aussi bien la législation, l’accès à une
puissance publique coercitive que l’accès aux réseaux de banques traditionnelles. Pour le
premier point, il est possible de supposer que dans un pays comme le Maroc les différences
sont marginales. En revanche cela n’est pas le cas pour l’accès aux services financiers. Les
IMF, n’étant pas des banques, ont besoin de se localiser à proximité de celles-ci pour avoir
accès à leurs services.
D’autre part, ces auteurs insistent sur les problèmes relatifs aux agents sur le terrain. Il est
logique de penser que disposer d’équipes efficaces suppose une motivation des agents et un
personnel qualifié. Or, il est fort probable qu’un tel personnel refusera de s’installer dans des
communes n’ayant pas un minimum de services. Dès lors les IMF doivent se localiser dans
des communes ayant un minimum d’infrastructures d’éducation et de santé notamment.
Landivar insiste pour sa part sur le rôle du prix des inputs que sont les salaires et le capital
physique.
Ainsi il convient de détailler les facteurs affectant le coût du service en diverses catégories.
Ceux-ci sont (i) l’accès aux secteurs bancaires, (ii) l’accès aux services d’éducation et de
santé et (iii) le prix des inputs.

La perception du risque
Un des objectifs intermédiaires pour les IMF est d’atteindre des taux de remboursement
élevés des prêts consentis. Or ceux-ci sont fonction de divers facteurs et notamment du risque.
Une IMF acceptera, ceteris paribus, de s’implanter dans une localité où le risque de non
recouvrement des créances est plus faible. Pour établir un proxy de ces facteurs, Sherma et
Zeller prennent en considération le taux d’alphabétisation, la propriété et un indice de risque
climatique. Le taux d’alphabétisation et la propriété sont supposés jouer un rôle favorable sur
la réduction du risque. Une population plus alphabétisée sera sans doute plus résiliente en cas
de choc et la propriété est un moyen de disposer d’un collatéral tangible. En effet, bien que la
microfinance se soit développée sur un modèle de garantie solidaire, une IMF sera moins
réticente à s’installer dans une zone géographique où une garantie tangible forte existe. Le
dernier indice s’explique par le fait que leur étude se fait sur de la microfinance rurale. A
l’image des facteurs d’offre et de demande, la perception du risque peut être déclinée en un
vecteur de variables. Celles-ci sont principalement (i) le taux d’alphabétisation et (ii) l’accès à
la propriété ou à tout autre garantie tangible.
2) Formulation des hypothèses et données de l’étude

2.1 Hypothèses testées par l’étude

La principale hypothèse testée par l’étude est de voir si le niveau de pauvreté de la commune
d’implantation et des communes environnantes est un facteur déterminant du choix de
localisation des Associations de MicroCrédits (AMC) marocaines. Si les AMC se localisent
dans les communes ayant un taux de pauvreté élevé alors il est clair que la volonté de celles-ci
est de lutter contre ce fléau. En revanche si la pauvreté est non significative, il faudra
s’interroger plus en profondeur sur ce problème. Les AMC seraient alors concentrées dans des
zones relativement riches et leurs actions seraient peut être moins efficaces. Bien évidemment
dans ce cas il faudrait être prudent. Les AMC peuvent très bien intervenir sur des populations
très pauvres dans des communes riches. Néanmoins, il nous semble plus effectif de s’attaquer
aussi à la pauvreté généralisée de certaines communes. L’effet marginal d’un Dh prêté dans ce
cas pourrait peut être s’accroître grâce à la dynamique locale qui serait engendrée.
Nous supposons néanmoins que les AMC établissent un équilibrage entre la lutte contre la
pauvreté et la rentabilité financière. Ainsi, nous pensons que les AMC vont se situer dans des
communes ayant des infrastructures développées, mais à proximité de communes plus
pauvres. C’est pourquoi, nous testerons la pauvreté des communes voisines.

Une autre hypothèse est de voir si les infrastructures locales sont déterminantes dans le choix
de localisation des AMC. Il semble théoriquement que cela soit le cas. Cela tend à poser un
problème de ciblage pour celle-ci. La pauvreté est souvent concentrée dans des aires
dépourvues de telles structures. Un effet de poches de pauvreté pourrait s’accentuer : les
AMC refusent de s’y installer mais personne ne souhaite y aller. Dès lors la seule politique
possible serait de s’attaquer au cœur du problème du manque d’infrastructures et d’activités
économiques.

2.2 Données de l’étude et traitements effectués

Les données utilisées pour l’étude sont issues de différentes sources. Il convient de présenter
les origines des variables et la constitution de la base de données. Il sera utile dans un second
temps de préciser les différents traitements qui ont été opérés afin de rendre les informations
utilisables.

Sources des données 

Comme cela est précisé plus haut les données sont issues de quatre sources principales : le
Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), l’enquête sur les équipements
communaux, le recensement économique et les données fournies par les AMC.
Afin de construire une base de données homogène, il a fallu établir les clés de passage de la
nomenclature d’une source à l’autre des différentes bases de données initiales. Cette étape fut
cruciale pour la suite des travaux. Or une telle opération aurait pu être aisée si le code
géographique de chaque commune avait été le même dans les différents fichiers initiaux.
Cependant ce ne fut pas le cas. Aucune des bases de données n’avait le même code
géographique quand celui-ci existait. Il a donc fallu faire correspondre les communes en
utilisant un identifiant différent mais commun. L’identifiant retenu fut le nom de la commune.
Néanmoins cette étape fut fastidieuse en raison de noms qui ne sont pas toujours identiques.
Dès lors, il a fallu recouper les informations afin de savoir s’il s’agissait de la même
commune en regardant les autres informations fournies (cercle et province). Si cette
information est facilement et identiquement disponible pour les fichiers du Haut
Commissariat au Plan (HCP) ce n’est pas toujours le cas en utilisant pour les données des
AMC. Celles-ci recourent généralement à leur propre régionalisation qui ne recouvre que
partiellement les strates administratives. Il fut donc nécessaire de faire une évaluation
individuelle pour un certain nombre de communes. Le résultat est cependant l’absence des
informations de quelques communes et la localisation arbitraire d’AMC quelques fois.

Traitements effectués sur les données 

Il a fallu traiter les informations fournies par les AMC. Pour ce faire nous avons calculé le
nombre total d’agences d’AMC par commune. A partir de cette information, une binaire a été
générée : Les communes ayant au moins une AMC furent codées 1 alors que celles qui en
avaient pas furent codées 0.
Un indice de concentration (uniquement pour les zones urbaines) a été calculé. Cet indice
mesure la présence de différentes AMC dans la commune et l’intensité de cette présence. Bien
évidemment, si la commune n’a aucune AMC cet indice prend la valeur de 0. Si la commune
a n agences d’AMC, l’indice prend la valeur de n-1. Par exemple une commune qui a 3
agences d’AMC aura une valeur de 2, et celle qui en a une aura une valeur de 0.
Nous avons, en outre, calculé une mesure de la densité des clients. Cette variable est
simplement la part (ou %) des clients dans la population totale. Nous avons rapporté le
nombre total de clients dans la commune à la population de celle-ci.

Un problème essentiel s’est posé ; les AMC peuvent désirer s’installer dans une commune
relativement moins pauvre afin de toucher un public alentour vivant dans les communes
voisines fortement démunies. Ainsi l’AMC bénéficie des avantages notamment en termes
d’infrastructures des communes importantes et développées, tout en réalisant un rôle social
substantiel. L’idée est de séparer ces deux effets. Dans ce but une nouvelle variable a été
générée. Il s’agit d’un indice de « pauvreté du cercle ». Cette variable mesure le taux de
pauvreté du cercle (strate administrative immédiatement supérieure à la commune) en
excluant chaque fois la commune considérée. Ainsi si les communes A, B, C, D et E
constituent un cercle, alors le taux de pauvreté du cercle de A est la moyenne pondérée (par la
population) des taux de pauvreté des communes B, C, D et E.
Un problème relatif à la classification marocaine a dû être cependant pris en compte. Les
cercles n’existent que pour les zones rurales. Pour ce qui est des communes urbaines trois cas
sont à distinguer. Premièrement, les communes situées au cœur d’un cercle sont rattachées à
celui-ci15. Deuxièmement, les arrondissements d’une ville sont rattachés à un cercle qui est la
ville16. En effet seul l’arrondissement a le statut juridique de commune. Enfin, pour les autres
communes hors de ces deux cas nous avons attribué le taux de pauvreté provinciale publié par
le HCP. Nous sommes conscients que cette manière d’opérer n’est pas parfaite. En effet dans
une même commune, des quartiers très riches et très pauvres peuvent cohabiter. Prendre en
compte cette disparité aurait impliqué des données plus complètes de la part du HCP.

Un certain nombre de variables ordonnées a été engendré. Ainsi une première binaire relative
à la présence de services financiers fut construite. Celle-ci vaut 1 lorsqu’il existe au moins une
agence bancaire (en ville) ou une agence de crédit agricole en zone rurale. Cette binaire
cherche donc uniquement à capter l’existence ou non d’un service financier formel préexistant
et autre que celui fournit par les AMC. L’idée est de voir si les AMC viennent en

15
Par exemple la commune de Beni-Mellal est rattachée au cercle de Beni-Mellal.
16
Il s’agit des villes de Casablanca, Marrakech, Fès, Salé et Rabat.
complément, en substitution ou en parfaite indépendance avec le secteur financier
traditionnel.
Pour les zones rurales, une autre variable fut créée, relative aux moyens de transports. Celle-ci
prend une valeur nulle si la commune n’est accessible ni par les grands taxis (taxis collectifs),
ni par le train, ni par le bus. Dans ce cas la commune est relativement coupée des moyens de
circulation rapide et des marchés extérieurs. Si la commune a accès à au moins l’un des trois
moyens de transports la variable prend la valeur 1, 2 si elle dispose de deux moyens de
transports et 3 si tous les moyens de transports existent dans la commune.
Face à l’hétérogénéité des données relatives aux infrastructures de santé un choix a dû être
opéré. Ainsi pour estimer le niveau d’accès aux soins, nous avons pris le nombre de
pharmacies pour 10000 habitants. Cet indice rejoint celui souvent utilisé du nombre de
médecins mais à l’avantage d’être disponible pour les zones rurales et urbaines (dans
l’enquête sur les infrastructures communales du HCP). En outre, il est peu absurde de penser
que le nombre de pharmacies est fortement corrélé au nombre de médecins et à l’état des
services de santé.
Un indicateur de disponibilité de formation du capital humain fut construit. Afin de mesurer
les effets de la formation du capital humain, nous avons généré une variable d’éducation.
Celle-ci est forgée en suivant les calculs établis par le HCP pour générer la variable relative à
l’éducation dans l’ICDH. Ainsi cette variable est une moyenne pondérée du taux
d’alphabétisation (pour les deux tiers) et de la scolarisation primaire et secondaire des petits
Marocains (pour un tiers). Néanmoins, il nous est paru utile de distinguer les effets entre
alphabétisation et disponibilité des infrastructures d’éducation. Pour ce qui est de la
disponibilité des infrastructures, nous avons eu recours à la disponibilité des infrastructures
d’enseignement secondaire. Il s’agit en effet d’une des données qui est disponible à la fois
pour les zones rurales et urbaines dans l’enquête sur les équipements communaux. Pour les
zones urbaines, il s’agit du nombre de collège et lycée pour 10000 habitants. Pour les zones
rurales le même calcul a été fait sans normaliser par le nombre d’habitant, en raison de la
faible variance, eu égard à celle des communes urbaines.
Un indice concernant les infrastructures administratives a été créé. En zone rurale celui-ci est
la somme du nombre de maisons communales et de bureaux de poste. Plus cet indice est
élevé, plus la commune a une infrastructure administrative développée. Or un tel
développement augure d’une attractivité accrue de la commune en raison de l’existence
probable d’autres facteurs attirants (activité économique relativement développée dans les
communes les plus importantes, facilité d’accès aux moyens de communication et de
transport).
Enfin, afin de prendre en compte le développement social pour l’ensemble des communes
nous avons généré un Indice de Développement Social (IDS) à l’image de l’ICDS calculé par
le HCP. Le calcul de l’IDS est relativement simple, puisqu’il s’agit de la moyenne non
pondérée des taux d’accès à l’électricité et à l’eau.

2.3 Hypothèses de travail

Afin de mener la recherche un certain nombre d’hypothèses ont été faites, il convient par
conséquent de les lister.
i- La première hypothèse est de supposer que l’étude ne portant que sur 3 AMC (Al-Amana,
Zakoura et AMSSF-MC) est représentative du marché du microcrédit au Maroc 17. Cette
hypothèse est tenable en ce sens que l’échantillon est constitué de deux associations
d’envergure nationale et une association régionale. En outre, il convient de noter que ces trois
associations couvrent plus des deux tiers du marché (en nombre de clients actifs et en encours
totaux), ce qui garanti une bonne approximation des stratégies d’implantations des AMC au
Maroc. En utilisant les données du MixMarket, qui répertorie les dix principales AMC
marocaines, ces trois institutions fournissent 66% des prêts et représentent 65% de l’encours
total. Enfin, cela est accentué par la forte concentration des AMC dans les mêmes communes
(cf. chapitre 1 section3).

ii- Un autre postulat important est de supposer que les données sont cohérentes. En effet les
sources des données sont établies à des dates différentes. Les données concernant les
infrastructures communales datent de 2000, les données inhérentes à la population sont
relatives au recensement de 2004 alors que les données fournies par les AMC sont
relativement récentes. Eu égard à la faible variabilité temporelle des données relatives aux
infrastructures et à la population (surtout dans une optique de comparaison intercommunal), il
nous semble que ces données ont surtout un caractère structurel. De ce fait la juxtaposition de
ces données est admissible. Le choix d’implantation est une décision de long terme. Par
conséquent, il est fort probable que les personnes compétentes pour effectuer ce choix

17
Pour une présentation des AMC se référer à l’annexe 1.
regardent principalement les données passées. Nous sommes cependant conscients qu’il s’agit
d’une des hypothèses qui peut affaiblir notre analyse.

iii- Il convient aussi pour aller plus en avant de s’intéresser aux taux de pauvreté. La
démarche fut exposée plus haut (cf. chapitre 1 section 1). Il convient pour valider le travail de
supposer que l’éventuel biais d’estimation par le HCP est nul ou très faible. En effet dans le
cadre d’une étude économétrique il est utile de noter qu’une erreur de mesure biaise les
estimations (Araujo, Brun et Combes, 2004). Nous acceptons l’idée que l’éventuel biais est
aléatoire et que la mesure de la pauvreté peut être considéré comme correcte.

Section 2 : Enseignements des traitements élémentaires

1) Enseignements des statistiques descriptives.

Avant de tenter une modélisation des stratégies d’implantation, il semble opportun de


considérer les enseignements de traitements élémentaires (de statistique descriptive). Les
résultats nous aiderons lors de la spécification du modèle (choix des variables) et également
lors de l’analyse des estimations économétriques.
Une première analyse peut être effectuée en regardant la répartition spatiale des AMC selon
les régions marocaines. Le graphique ci-dessous résume pour chaque région le pourcentage de
communes ayant au moins une agence d’AMC et celui des communes sans AMC.
 Figure 7 : Répartition des AMC par communes en fonction des régions
100%
90%
80%
70%
60% Absence
50%
40% présence
30%
20%
10%
0%
Il est utile de noter que nationalement seules 24% des communes ont une agence d’AMC. Or
il existe de fortes disparités régionales dans la disponibilité d’AMC. Les régions qui ont une
forte représentation des AMC sur leur territoire sont les régions côtières de l’axe Kénitra-El
Jadida. Or ces régions sont celles qui ont les communes les moins pauvres. Si la région de
Doukala accueille beaucoup d’AMC, la pauvreté de cette région est proche de la moyenne
nationale. En revanche six régions sont dans une situation telle que moins de 20% des
communes accueillent des agences d’AMC. Il s’agit pour 4 d’entre elles de régions du sud
marocain qui ont des taux de pauvreté relativement importants (supérieur à 20%) et de deux
régions du nord relativement moins pauvres que la moyenne. Le premier constat semble être
que la pauvreté régionale est un repoussoir pour les AMC ce qui est assez surprenant.

Afin d’approfondir ce constat, il est utile d’étudier la répartition des implantations d’AMC
selon le milieu et le taux de pauvreté.
 Figure 8 : répartition des implantations des AMC selon le milieu et le taux de pauvreté
300

250
nom bre d'im plantations

200
Urbain
150 Rural
Ensemble
100

50

0
[0;10[ [10;20[ [20;30[ [30;40[ plus de 40
taux de pauvreté communale

Il est important de noter que les AMC s’implantent davantage dans les communes ayant un
faible taux de pauvreté. Ainsi sur 613 implantations répertoriées, 279 sont situées dans des
communes ayant un taux de pauvreté inférieur à 10% de la population. Au total plus des
quatre cinquièmes des implantations se font dans des communes avec un taux de pauvreté
inférieur à 20% alors que la moyenne nationale des taux de pauvreté est de 21,46%18. Dire que

18
Il est à noter que ce taux diffère du taux de pauvreté du Maroc pour deux raisons. D’une part, il ne tient pas
compte de la taille des communes et traite toutes les communes de manière identique. D’autre part, notre
échantillon ne recouvre pas toutes les communes du Maroc puisque deux régions en sont exclues.
les villes représentent la majeure partie des implantations est redondant en ce sens que la
pauvreté et la ruralité sont fortement corrélées (cf. chapitre 1 section 2) 19.
Ensuite, il est utile de tester si la moyenne du taux de pauvreté des communes ayant une AMC
est significativement différente de l’ensemble des communes. Le taux de pauvreté moyen des
communes ayant une agence d’AMC est de 15,06%. Le taux de pauvreté de l’ensemble des
communes étant de 21,46%, nous avons testé si les deux taux de pauvreté étaient
significativement différents20. Or les résultats de ce test sont probants puisque nous pouvons
rejeter au seuil de 1% l’égalité des taux de pauvreté moyen. Par conséquent, il semblerait que
les AMC se localisent dans les communes ayant un taux de pauvreté relativement inférieur à
la pauvreté moyenne. Cela est donc relativement différent de ce qui est attendu. Il est possible
de détailler en séparant l’échantillon entre communes urbaines et rurales. Le tableau ci-
dessous synthétise ceux-ci.

 Tableau 2 : Taux de pauvreté moyen selon le milieu et la présence ou non d’AMC


  ensemble urbain rural
communes avec et sans AMC 21,46 10,54 23,35
communes avec AMC 15,06 10,65 19,83
t-statistique -13,62 0,26 -5,11

Si l’échantillon rural confirme le diagnostic général, il est à noter que pour ce qui est des
communes urbaines, les AMC s’implantent dans des cités ayant un taux de pauvreté similaire
à la moyenne. Dans tous les cas, cette analyse ne semble pas confirmer l’implantation dans les
communes les plus pauvres. En outre, parmi les résultants saillants, nous soulignons que la
dispersion des taux de pauvreté des communes ayant une AMC est plus élevée que la
dispersion de l’ensemble des communes (les coefficients de variations sont respectivement de
0,58 et à 0,53). Par conséquent, il existe une hétérogénéité plus forte des communes ayant une
AMC, ce qui tend à nuancer le résultat ci-dessous concernant la moyenne. Ce constat est
encore plus probant s’il s’agit de la pauvreté du cercle.

L’analyse des taux de pauvreté est intéressante dans le cas marocain en ce sens qu’elle offre
une vision pour le moins étonnante. Il est utile conformément au modèle présenté plus haut
d’étudier les autres variables pouvant justifier de l’implantation des AMC. Pour ce faire nous

19
Si les communes urbaines ne représentent que 15% de notre échantillon, elles constituent néanmoins 52% des
communes ayant un taux de pauvreté inférieur à 10% et 27% de celles ayant un taux inférieur à 20%.
20
Ce test fut effectué par le biais d’un test de différence des moyennes établis à l’aide de la loi normale. Plus
précisément, nous avons testé si le taux de pauvreté des communes ayant une AMC était différent de la moyenne
nationale.
présentons les statistiques descriptives des différentes variables retenues dans la
modélisation21.
L’analyse de l’ICDH (cf. chapitre 1 section 1) tend à confirmer le propos concernant la
pauvreté. Les municipalités qui attirent les AMC ont en général un ICDH plus élevé que la
moyenne. Ainsi si l’ICDH moyen de l’ensemble des communes est de 0,55, cet indicateur
prend la valeur de 0, 61 pour les communes ayant une AMC. En revanche, la différence
concernant la moyenne de l’ICDH pour les communes urbaines ne semble pas permettre de
rejeter l’égalité de ceux-ci.
Les AMC semblent être attirées par les communes de taille importante, ayant un accès à l’eau
et l’électricité plus important que la moyenne des communes. Alors que la taille moyenne des
communes est de presque 19000 habitants, les communes avec AMC ont une taille moyenne
de plus de 40000 habitants. Il va sans dire que la différence est significative. Cela s’explique
principalement par la concentration urbaine des AMC. Néanmoins même dans le cas
spécifique des communes rurales, les AMC sont plutôt attirées par les communes de taille
importante. L’indice de développement social (cf. chapitre 2 section 1) connaît une différence
prégnante. Alors que celui-ci est en moyenne de 38% pour l’ensemble des communes, il
atteint une valeur de 62% pour les communes qui accueillent une AMC. Force est donc de
reconnaître que l’accès à l’eau et à l’électricité semblent être des données importantes pour les
AMC.
Le taux d’activité ne semble guère différent entre les communes ayant une AMC et
l’ensemble des communes. En tout état de cause, en utilisant les tests d’égalité des moyennes,
il nous est impossible de refuser une éventuelle distinction.
Le rôle de l’éducation et de la santé semble important pour l’implantation des AMC. Celles-ci
s’installent en priorité dans les municipalités ayant un taux d’analphabétisme plus faible et un
accès à l’enseignement secondaire plus important. De même l’accès aux soins diffère
significativement entre la moyenne de l’ensemble des communes et celles qui ont une AMC.
La différence concernant la disponibilité des infrastructures administratives est aussi
significative.
Le seul résultat paradoxal concernant ces choix d’implantation, outre les cas de la pauvreté et
de l’ICDH, concerne le pourcentage de personnes propriétaires. En général les AMC se
localisent dans les cités ayant un faible pourcentage de propriétaires (70% de propriétaires
alors que la moyenne nationale est de 81%). La garantie ne semble pas jouer un rôle important

21
Les tableaux des statistiques descriptives sont en annexe. Il est à noter qu’un certain nombre de variables ne
sont présentes que pour le modèle rural.
dans le choix de localisation des AMC. Nous relevons cependant que les pauvres sont en
général propriétaires au Maroc (cf. chapitre 1 section 2) ce qui peut expliquer ce résultat.

Il est à noter que ces résultats diffèrent fortement selon le milieu considéré. Si les communes
rurales correspondent bien au schéma décrit ci-dessus, ce n’est pas le cas des communes
urbaines. En effet aucune des moyennes des variables ne diffère significativement entre les
communes urbaines qui ont une AMC et l’ensemble des communes urbaines. Une explication
tient au fait que la majeure partie des villes ont accès aux microcrédits (85% des communes
urbaines ont une AMC contre seulement 14% des communes rurales).

2) Analyse à partir de la date d’implantation

Une autre manière d’avoir une idée de la corrélation entre la pauvreté communale et
l’implantation des AMC est de s’interroger sur la date d’implantation. Si les AMC visent en
priorité la lutte contre la pauvreté, elles vont se localiser initialement dans les communes
pauvres. Autrement dit, elles seront installées depuis une date plus ancienne dans ces
communes. Pour tester cette relation nous utilisons un coefficient de corrélation de Spearman.
Le coefficient de Spearman est un coefficient de corrélation de rang. Il est construit de telle
sorte que si ρ tend vers 1, cela signifie que les communes ciblent en priorité la pauvreté. En
effet les dates d’implantation sont scorées de manière croissante22. En revanche les taux de
pauvreté sont classés de manière décroissante. La commune avec le taux de pauvreté le plus
élevé prend la valeur de 1. Par conséquent, si la logique de lutte contre la pauvreté prévaut, les
scoring de date d’implantation et taux de pauvreté devraient être proches. Le coefficient de
Spearman devrait dans ce cas tendre vers une valeur unitaire. En revanche si les AMC ont
choisi principalement les communes les plus riches, le coefficient de Spearman tendra vers -1.
Pour établir le calcul seules les communes ayant une AMC sont retenues. Nous n’utilisons
que les communes ayant une AMC pour des problèmes de troncature qui rendent le traitement
statistique plus complexe.
Le tableau ci-dessous synthétise les résultats.

 Tableau 3 : Coefficient de Spearman (ρ) entre date d’implantation et taux de pauvreté


communale selon le milieu.
22
La plus ancienne date d’implantation prend la valeur de 1, la seconde 2 et ainsi de suite.
  ensemble Urbain Rural
ρ -0,86 -0,77 -0,85
t-student -31,89 -16,34 -8,17

Les résultats sont une nouvelle fois contre-intuitifs. Il semble que les AMC se soient en
priorité implantées dans les communes les moins touchées par la pauvreté. En effet le
coefficient de Spearman ne tend par vers 1 mais plutôt vers -1. Ceci est renforcé par la forte
significativité des coefficients. Nous soulignons que les communes urbaines ne font ici pas
exception.

Section 3 : Modélisation de l’implantation et analyse des


performances des AMC : Une analyse de la capacité des
communes à attirer les AMC

Les traitements élémentaires apportent quelques éclairages sur la stratégie de localisation des
AMC. En effet il semble que la pauvreté ne soit pas un indicateur clé de la localisation des
AMC contrairement aux infrastructures. Il semble, en outre, plus difficile de trouver des
facteurs explicatifs pour le modèle urbain que pour le modèle en milieu rural en raison des
faibles variations des indicateurs pour les villes. Afin de mieux cerner ces facteurs, il est utile
de caractériser économétriquement la localisation des AMC. Une telle spécification a
l’avantage de prendre en compte plusieurs variables et de traiter la pauvreté en la purgeant des
autres variables (notamment de l’effet des infrastructures). Les enseignements sont donc plus
précis.

1) Analyse de la localisation et de la densité des clients

Afin d’analyser la localisation des AMC, nous aurons recours au cadre conceptuel développé
par Sharma et Zeller. Celui-ci sera cependant adapté aux données dont nous disposons.

1.1 Choix des variables et spécification du modèle


Il convient pour construire le modèle économétrique d’utiliser le cadre théorique exposé plus
haut. Si la localisation dans une commune i est notée L i, alors le choix de localisation peut
être formalisé au prime abord comme suit :
Li = f (Pi,Di,Ci,Ri) (1)
Où f est une fonction stipulant la forme de la relation entre les variables, P i représente le taux
de pauvreté (pour approximer l’importance accordée au ciblage de la pauvreté), Di la
demande potentielle, Ci le coût et Ri la perception du risque d’implantation par l’institution
dans la commune i. Il convient de discuter plus en détail de ces quatre critères.

Il est dès lors possible à partir de la fonction (1) de spécifier une équation économétrique en
supposant une forme additive de la fonction f.
Li = αiPi + βiDi + γiCi + δiRi + εi (2)

Où Di, Ci et Ri sont des vecteurs de variables précédemment détaillés.


En vertu de la modélisation exposée plus haut, il est possible de détailler les variables
retenues.

Le ciblage de la pauvreté (Pi)


Le ciblage de la pauvreté repose sur les taux de pauvreté par commune calculé par le HCP. Ce
calcul est établi à l’aide de la méthodologie de la carte de la pauvreté qui est exposée en
annexe. Dans une deuxième étape le niveau de pauvreté sera approximé à l’aide de l’ICDH.
L’idée est de voir s’il existe une différence dans les résultats lorsque la définition de la
pauvreté est plus élargie.
En outre, afin de prendre en compte la pauvreté des communes environnantes nous utilisons le
taux de pauvreté du cercle. Nous avons présenté plus haut le calcul de celui-ci. L’idée de cet
indicateur est de réduire le biais induit par le fait que les AMC vont davantage s’implanter
dans les communes riches en infrastructures. L’idéal pour un fournisseur de service de
microcrédit est de bénéficier des infrastructures et de toucher une population pauvre. Dès lors,
il n’est guère étonnant que les AMC s’implantent dans des communes relativement riches afin
de servir la population des communes voisines qui est beaucoup plus pauvres. Le Maroc
dispose de moyens de communication performants qui rendent plus facile ce type de stratégie
ce qui accroit l’importance liée à l’inhibition de cet effet.

La demande potentielle (Di)


Il fut montré plus haut que la demande potentielle est fonction de trois facteurs en
l’occurrence (i) l’existence d’infrastructures physiques, (ii) le potentiel économique et (iii) la
concurrence possible d’autres institutions.
Afin de prendre en compte l’existence d’infrastructures physiques nous utilisons l’Indice de
développement social (IDS) ou l’Indice Communal de Développement Social fourni par le
HCP (ICDS) pour la spécification rurale.
Pour la perception du potentiel économique, nous utilisons la population de la commune 23
comme proxy de la présence d’un marché potentiel, le taux d’analphabétisme et le taux
d’activité. Pour la spécification en milieu rural, nous utilisons en outre l’existence d’un souk
hebdomadaire, une variable présentant l’accès aux transports et une binaire présentant la
présence ou non d’un centre de travaux agricoles24.
Enfin, pour ce qui est de la concurrence nous utilisons un indice de concentration des AMC.
Cet indice est cependant uniquement utilisé pour la spécification urbaine car il s’agit du seul
cas où il existe fréquemment sur un même lieu plusieurs AMC.

Le coût de fourniture du service (Ci)


La présentation ci-dessus a montré que le coût peut dépendre de trois déterminants qui sont
(i) l’accès aux services bancaires, (ii) l’accès aux services d’éducation et de santé et (iii) le
prix des inputs.
Pour ce qui est de l’accès aux services bancaires nous utilisons une variable binaire relative à
la présence ou non d’une banque dans la commune.
L’accès aux services d’éducation est présenté grâce aux variables educ. et enseignement
secondaire25-taux d’analphabétisme (ces deux couples ne sont jamais estimés ensemble pour
des raisons évidentes de colinéarité). Les infrastructures de santé sont prises en compte grâce
à la variable santé qui est le nombre de pharmacies pour 10000 habitants.
Hélas, nous ne disposons pas de variables relatives aux prix des inputs (travail et capital).
Cependant le pourcentage de propriétaires (de logement) permet d’approximer le coût du
capital.
En outre, une variable d’infrastructure administrative est ajoutée car elle permet de capter un
certain nombre de variables inobservables (coût des démarches, présence de la police, activité
économique importante, accès aisé aux moyens de communication, etc.).

La perception du risque (Ri)


23
Les données relatives à la densité ne sont pas disponibles en raison des modifications récentes et incertitudes.
24
Il s’agit principalement d’un centre de formation aux techniques agricoles, bien qu’il traite d’autres activités
notamment artisanales.
25
La prise en compte de l’enseignement primaire était fortement corrélée avec le taux d’analphabétisme c est
pourquoi celle-ci ne fut pas intégrée.
La perception du risque est principalement prise en compte par le taux d’analphabétisme et le
pourcentage de propriétaires pour les raisons exposées plus haut. Nous posons qu’une
population alphabétisée est plus à même de se relever suite à un choc (facilité de générer une
nouvelle activité ou de s’employer dans un autre secteur). De plus, la propriété peut servir de
collatéral physique au prêt ou en tout cas présagé de l’existence d’un certain capital physique.
Une AMC qui prête à des propriétaires peut donc pouvoir en cas de non remboursement
récupérer une partie de son prêt, et par conséquent, réduire le risque.

Cependant, nous reconnaissons que ces quatre composantes sont difficilement séparables.
Ainsi des variables comme le taux d’analphabétisme ou le pourcentage de propriétaires
apparaissent pour différentes justifications. Ainsi il convient de rendre le modèle
économétrique plus utilisable.
Li = ∑θiXi + εi (3)

Où Xi représente les variables explicatives pleinement utilisables et exposées plus haut et


θi = (αi + βi + γi + δi). θi est donc l’effet combiné de la variable Xi sur les quatre critères de
localisation des AMC.
Sur le plan de la démarche celle-ci suit celle de Sharma et Zeller en l’adaptant. Tout d’abord,
un modèle à variable expliquée qualitative sera généré. Le but sera d’expliquer uniquement la
localisation des AMC en fonction des critères révélés plus haut. Dans un second temps, nous
expliquons la densité des clients grâce à l’utilisation d’un modèle Tobit généralisé. Le recours
à un tel modèle économétrique s’explique par le fait que les facteurs qui expliquent la
localisation et la densité des clients sont légèrement différents. Nous refusons d’utiliser un
modèle dit Tobit I, qui est utile dans le cas de solution en coin. En outre, l’utilisation d’un
modèle de moindres carrés ordinaires engendre un biais d’estimation (Araujo, Combes et
Brun, 2004 ; Maddala, 1984). La méthode utilisée est donc l’utilisation d’un Tobit généralisé
avec la procédure d’Heckman. Cela permet de disposer d’estimateurs asymptotiquement
convergents.

1.2 Analyse des résultats

Le problème des multi-colinéarités


Avant de se lancer dans l’analyse des résultats, il convient de poser le problème du risque de
multi-colinéarité des variables. En effet, les variables risquent d’être fortement corrélées entre
elles, bien qu’elles le soient peu deux à deux. En effet, il a été montré que la pauvreté est
fortement liée à la présence d’infrastructures (cf. chapitre 1 section 2). De même, il ne serait
guère étonnant de trouver des infrastructures qui soient réunies dans les mêmes communes.
Afin de prendre en compte ce risque nous calculons le facteur d’ « inflation » de la variance
(VIF) de chaque variable. Ce coefficient est calculé pour chaque variable explicative. Dans
une première étape, la variable Xi est régressée sur les autres variables X j. Il est tiré de cette
régression le R² qui permet de calculer la VIF. La formule de la VIF est la suivante pour le
régresseur θi :
VIF (θi) = 1/(1-R²)
Kutner et alii (2004) estiment que nous pouvons rejeter l’hypothèse de multi-colinéarité si la
VIF est inférieure à 5. Chatterjee et Price (1991) notent cependant que de nombreuses
variables multi-colinéaires peuvent aussi biaiser l’analyse. En règle générale, nous pouvons
accepter l’absence de multi-colinéarité des variables explicatives entre elles selon le critère de
Kutner et alii (la VIF est toujours inférieur à 5). Cependant en vertu de la remarque de
Chatterjee et Price, ce résultat n’est pas aussi clair. C’est pourquoi, il conviendra d’être
prudent avec les résultats et que certaines régressions sont effectuées sans les variables les
plus auto-corrélées.

Enseignements des résultats concernant la localisation des AMC


Comme cela est exposé plus haut, nous avons procédé à trois estimations (ensemble des
communes et distinction selon le milieu). L’ensemble des modèles expliquent environ 80%
des résultats26. Cette force explicative est assez réconfortante. Néanmoins, nous soulignons
que le modèle urbain est moins pertinent que les deux autres modélisations. Seuls un peu plus
de 70% des observations sont expliquées et il y a peu de variables significatives. Il convient
d’être conscient de ce problème avant de se lancer dans des extrapolations hâtives.
 Tableau 4 : Résultats des régressions économétriques27
Variables Modèle ensemble Modèle rural Modèle urbain
  Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type
Pauvreté -0,01485 0,011284 -0,000558 0,013541 -0,018251 0,043557

26
Les seuils des tableaux de contingence sont fixés en fonction du pourcentage de variable codées 1
conformément à la prescription de Araujo et alii (2006).
27
Le modèle choisi est un modèle Logit donc pour avoir les effets marginaux il suffit de multiplier les
coefficients par 0,25. *, ** et *** présentent les significativités des coefficients à 10%, 5% et 1%
respectivement.
Pauvreté cercle 0,04786*** 0,013209 0,03914** 0,016741 0,049831 0,036725

LNPOP 1,370236*** 0,152474 1,703513*** 0,214633 0,217541 0,264671

IDS/ICDS 0,006576 0,005311 -1,29445* 0,712717 0,007066 0,024412

Banque 1,069278*** 0,295504 1,523128*** 0,556208 1,025185* 0,573383

Educ. 0,001827 0,012495 0,028147* 0,015563 -0,025238 0,049693

Tx activité -0,001966 0,019121 0,030506 0,02411 -0,037703 0,055708

Santé 0,399164*** 0,095179 0,64017*** 0,171811 -0,106581 0,117222

Propriété -0,01822** 0,008752 -0,013404 0,011337 0,017851 0,023159

Infra adm 0,842674*** 0,164281 0,10745** 0,195846 0,077113 0,509158

Souk 0,761904*** 0,287569

Travaux
agricoles 1,088999*** 0,217185

Infra transports 0,340357 0,169573

I-Concentration 37,99888 26789029

Constante -15,41838*** 1,925486 -21,17842*** 2,663655 -1,147476 4,739386


McFadden R² 0,43 0,33 0,37
Prédiction
tableau
contingence 84,78%   80,00%   71,56%  

Nous soulignons que les différentes spécifications retenues arrivent à des résultats similaires
ce qui est relativement réconfortants. Les principaux enseignements sont les suivants :
- Dans aucune des spécifications retenues la pauvreté de la commune ne joue de rôle
dans le choix de localisation des AMC. Ainsi que ce soit pour l’ensemble des communes ou
pour chaque milieu la pauvreté communale semble ne pas importer. Cela est confirmé avec
l’utilisation de l’ICDH qui n’est pertinente dans aucune spécification (cf. résultats en annexe
4). Ce résultat est assez surprenant en ce sens que Landivar (2009) montre que dans le cas
bolivien ce facteur est fortement significatif et positif 28. Sharma et Zeller n’ont pas pu
circonscrire parfaitement le rôle de la pauvreté mais note un impact positif de celle-ci en
utilisant le taux d’alphabétisation.
En revanche, la pauvreté des communes environnantes (pauvreté du cercle) ressort
positivement et significativement au seuil de 5% sur l’ensemble des spécifications. Pour

28
Une explication possible peut venir de la plus difficile mobilité entre commune en Bolivie.
l’échantillon comprenant l’ensemble des communes la significativité est même de 1%. Il
semble donc claire que l’hypothèse selon laquelle les AMC marocaines se fixent dans des
communes ayant à proximité des communes pauvres est confirmée.
- La taille de la population (lnpop) est extrêmement significative (au seuil de 1%) dans
les spécifications relatives à l’ensemble des communes et aux communes rurales. En
revanche, cela n’est pas le cas pour la spécification relative au milieu urbain pour laquelle la
population est non significative. Cependant, l’étude des corrélations a montré que dans ce cas
la population était fortement corrélée aux autres variables, ce qui peut expliquer la non-
significativité de celle-ci. Il est par conséquent clair que celle-ci joue un rôle important au
moins pour l’ensemble des communes et les zones rurales. En effet, une commune fortement
peuplée est un marché potentiel plus important pour les AMC. Sharma et Zeller n’avaient pas
relevé de significativité de la densité de la population au Bangladesh.
- Le développement social ne semble pas jouer de rôle significatif sur la localisation
des AMC. Ces indicateurs (IDS et ICDS) sont cependant fortement corrélés avec les autres
variables ce qui peut expliquer les résultats. Nous sommes surpris de l’effet négatif de l’ICDS
dans le modèle pour les communes rurales. Une explication possible est que cet indicateur
capte une partie de la pauvreté de la commune. Il y aurait donc une certaine attirance des
AMC vers les communes ayant un développement social faible. Dans ce cadre l’accès à des
moyens de transports en milieu rural est cependant significativement positif au seuil de 10%.
Cela confirme les résultats de Sharma et Zeller et de Landivar qui avaient trouvé de tels
résultats. Cela est compréhensible par le fait que non seulement les clients mais aussi le
personnel des IMF peuvent accéder à d’autres points de vente grâce à la présence d’une bonne
infrastructure routière. Cela complète l’analyse sur l’effet de la pauvreté des communes
environnantes.
- le taux d’activité n’est pas significatif au seuil de 10%. Dans la spécification pour les
zones rurales, et contrairement aux zones urbaines29, son action est positive sur la probabilité
d’avoir une agence d’AMC. L’existence d’une main d’œuvre semble donc être attractive en
zone rurale. Les AMC préfèrent se localiser dans des communes où un ensemble de la
population est en âge de travailler. En outre, les zones rurales sont caractérisées par leur sous-
emploi, il est par conséquent fort probable que si une AMC s’implante dans une commune
avec un fort taux d’activité, une partie de la population sera demandeuse de services
financiers. Ce constat est confirmé par l’effet significativement positif au seuil de 1% d’un
centre de travaux agricoles. De tels centres accroissent les débouchés potentiels en fournissant
29
Il y a dans ce cas une nouvelle fois un risque de corrélation avec les autres variables.
une formation aux travailleurs (pas uniquement agricoles) et une possibilité de financement.
L’effet de la présence d’un souk est également significativement positif au seuil de 1%. Ceci
est logique en ce sens que les débouchés sont plus importants s’il existe un marché pour les
vendre.
- L’indice de concentration des AMC, qui n’existe que pour la spécification urbaine,
n’est pas du tout significatif.
- Les infrastructures de santé sont fortement significatives pour les zones rurales et
l’ensemble des communes. En revanche, la significativité est nulle pour les villes ce qui peut
s’expliquer par la relative facilité d’avoir accès aux infrastructures de santé en milieu urbain
(et donc la faible variance concernant cette donnée). L’effet est dans tous les cas positif ce qui
tend à montrer que la présence d’infrastructures de santé joue un rôle positif conformément au
modèle théorique. Sharma et Zeller n’avaient pas trouvé de résultats tangibles concernant
cette variable.
- L’éducation semble avoir un rôle positif dans les spécifications rurales et pour
l’ensemble des communes. Elle n’est cependant que peu significative. En détaillant un peu
nous notons que l’accès à des infrastructures d’enseignements secondaires joue un rôle positif
et significatif pour les spécifications d’ensemble et rurales, mais est négative et significative
pour les zones urbaines. Ce second résultat est difficilement explicable tant au niveau de
l’effet sur la demande de cette variable que de son effet sur l’offre.
- L’étude du taux d’analphabétisme30 est intéressante bien qu’elle recouvre de
multiples possibilités. Le taux d’analphabétisme n’est jamais significatif et son sens de
variation est positif ou négatif. Ce résultat peut s’expliquer de deux manières. La première
explication tient comme souvent au problème maintes fois soulignés de colinéarité. La
seconde tient sans doute aux effets contradictoires de cette variable. En effet, le taux
d’analphabétisme est un indicateur de pauvreté qui joue un rôle positif dans le choix de
localisation (αi). Néanmoins, il fut présenté commun un indicateur de demande (β i) et de
risque (δi), de sorte qu’il devrait jouer un rôle négatif. Le coefficient θ i = (αi + βi + γi + δi) peut
tendre vers 0 car αi est relativement égal à -(βi+ δi). Les différents effets ont tendance à se
compenser.
- les infrastructures administratives jouent un rôle fortement significatif et positif dans
la spécification d’ensemble et rurale mais ne peut être distingué de zéro dans le modèle urbain
(son sens demeure néanmoins positif). Il serait utile d’avoir pu détailler les effets pris en
compte par cette variable pour aboutir à des résultats plus consistants.
30
Cf. tableaux de résultats en annexe.
- La propriété est significativement négative globalement mais ne l’est pas dans les
modèles urbains et ruraux. Ce résultat est paradoxal, car l’effet attendu était un lien positif fort
même si celui-ci peut être atténué par l’effet joué sur le coût du capital comme le soulignait
Landivar. Ce dernier avait montré un effet positif de la propriété ce qui était le résultat que
nous attendions. Une autre explication, sans doute plus valable, tient à la corrélation entre la
propriété et la pauvreté au Maroc (cf. chapitre 1 section2).
- La dernière variable intéressante est la présence ou non de banque. L’effet de cette
variable est dans tous les cas significativement positif. Il semble clair que les AMC
s’implantent en priorité dans les communes ayant accès à des services financiers. Cela est
relativement logique car les AMC ont besoin de ces services financiers. Néanmoins, cela met
en balance l’effet accru du rationnement du crédit régional. Une zone sans services financiers
initiaux est peu susceptible d’attirer les AMC, ce qui pose un problème saillant. Ainsi dans la
perspective de la lutte contre la pauvreté, par le biais de la résorption du rationnement
régional, l’implantation des AMC est peu pertinente.

Enseignements des résultats concernant la densité des clients.


Pour rappel, la densité des clients est définie comme le pourcentage de la population qui est
client d’une AMC. Les résultats tirés de cette modélisation sont difficilement interprétables,
en ce sens que le test du Reset tend à rejeter la spécification linéaire de la seconde étape
d’estimation31. Néanmoins nous pouvons tirer les résultats suivants :
- La pauvreté de la commune semble jouer un rôle positif sur la densité ce qui
confirme une certaine pénétration des AMC. En effet, plus la population est pauvre, plus il y
aura de clients. En outre, cet effet est accentué par le rôle négatif de la pauvreté du cercle.
Plus les communes voisines sont pauvres, plus les habitants de la commune qui a une AMC
seront peu servis. Cela signifie sans doute que les prêts vont se diriger vers les zones
périphériques plus pauvres. Dans les deux cas la pauvreté semble être visée.
- Il est surprenant de voir que la demande potentielle dans ces différents aspects joue
un rôle négatif sur la densité à l’exception du taux d’activité (population, souk, centre de
travaux agricoles, transports). Cela semble signifier que plus la demande est forte moins les
AMC servent celle-ci. Une explication provient sans doute de la possibilité d’avoir accès pour
ces communes à d’autres sources de financement.

31
Une explication possible tient peut être à l’utilisation relativement importante de variables qualitatives comme
variables indépendantes. Les résultats sont présentés en annexe 4.
- L’éducation joue un rôle positif sur la densité des clients ce qui tend à nuancer le
propos ci-dessus.

- L’effet de la présence d’une banque est indéterminé. Il est négatif pour les zones
urbaines, mais positif pour les zones rurales. Il y aurait donc une certaine substituabilité entre
banques et AMC en zones urbaines ; alors que la complémentarité dominerait en zone rurales.
Ce constat est très partiel et demande donc une étude complémentaire.

- La propriété intervient une nouvelle fois de manière négative ce qui est surprenant.
Une explication possible tient peut être au fait que les personnes propriétaires ont un recours
possible au financement traditionnel grâce à l’existence d’une contrepartie tangible.

2) Analyse du risque et de la performance des points de vente

2.1 Analyse du risque et de la performance des points de vente

Revue théorique
Analyser le risque et la performance des associations de microcrédit semble étonnant dans le
cadre de cette étude. Cependant en suivant Godquin (2006), il est possible de lier le bon
remboursement et la pénétration des IMF envers les plus pauvres. En effet, des IMF qui ont
des taux de remboursement élevés peuvent libérer une part de leur provision et donc réduire
leur coût. Cela peut se répercuter sur les plus pauvres de deux manières ; d’une part, les taux
d’intérêt peuvent baisser au profit de la population défavorisée ; et d’autre part, ces
organisations peuvent s’implanter sur de nouvelles zones inexploitées. En général, deux
facteurs sont mis en exergue pour expliquer le non remboursement des prêts.
Le premier concerne les problèmes relatifs à l’asymétrie d’information et aux comportements
opportunistes. En présence d’une telle situation des personnes peuvent être amenées à ne pas
rembourser leur prêt alors qu’elles en sont capables. Elles se comportent ainsi de manière
risquées et réduisent leur potentiel de remboursement (aléa moral). En outre, la hausse des
taux est une fausse bonne solution en raison du problème de sélection adverse. Pour éviter ce
problème, les organismes prêteurs rationnent le crédit (Stiglitz et Weiss, 1981) ou produisent
des innovations institutionnelles dans le cadre de la microfinance (Armendariz de Aghion et
Morduch, 2007). Il est à noter que le cadre juridique peut favoriser ou non les comportements
opportunistes. En effet, la possibilité de poursuivre un emprunteur qui ferait défaut pourrait
l’inciter à ne pas agir de manière déviante. Ce premier déterminant du non remboursement est
donc un choix voulu et délibérer de l’emprunteur. Une telle approche peut être observée à
partir d’une analyse coûts-avantages. Nous tenons à préciser que nous négligeons cette
optique.

Le second facteur a trait à la présence de chocs négatifs qui peuvent obérer les possibilités de
remboursement. Ces chocs sont multiples et peuvent être idiosyncratiques ou covariants. En
effet, cette fois le non remboursement ne peut être évité.

Il existe une différence profonde entre les deux explications du non remboursement. La
première est un choix volontaire, alors que la seconde est une conséquence inévitable.
L’objectif des prêteurs est de distinguer ces deux optiques et d’agir différemment afin de
prévenir et d’atténuer l’effet des non remboursements.
Le but de notre étude est de se concentrer sur les problèmes relatifs à l’existence d’un choc et
la possibilité d’y faire face. En effet, les personnes vivant dans une commune dynamique sur
un plan économique et qui bénéficie de multiples infrastructures pourront sans doute mieux
faire face aux chocs. Elles seront sans doute capables d’avoir une meilleure résilience afin de
pouvoir rebondir après un événement négatif. Ainsi Khandker et alii (1994) ont montré que
l’électrification, la taille des routes, l’infrastructure d’éducation et la densité de banques
commerciales étaient corrélées positivement aux remboursements. Paxton (1996) met en
avant pour sa part l’accès à un autre type de crédit, la présence d’un marché et la localisation
urbaine pour expliquer les relatives bonnes performances dans le remboursement.
La pauvreté et un faible niveau d’éducation peuvent aussi être à l’origine de difficultés de
résilience. En effet, une population plus éduquée pourra sans doute se réorienter plus vite vers
d’autres secteurs et ainsi rembourser. En outre, une population pauvre n’aura que peu de
moyens financiers pour pouvoir relancer une activité. Matin (1997) dans ce cadre souligne le
rôle de la richesse et le niveau d’éducation.
Il semble que le portefeuille à risque puisse être en partie expliqué par des variables relatives
aux infrastructures et aux caractéristiques de la population.
La pauvreté devrait être une source de risque de non remboursement. En effet, une personne
pauvre serait dans l’impossibilité de faire face à un choc éventuel. Nous nous attendons donc
à un effet positif de la pauvreté sur le portefeuille à risque.
La présence de débouchés économiques, ainsi que le niveau de formation de la population
devraient atténuer le risque de non remboursement. Cela est également le cas de la présence
d’un certain nombre d’infrastructures qui rebondissent sur le potentiel économique (accès à
l’électricité, accès aux moyens de transports…).
L’accès à une autre source de financement (formel ou non) est bénéfique pour le
remboursement pour deux raisons : d’une part, les personnes qui subissent le choc peuvent
emprunter pour rembourser (et ne pas perdre les avantages acquis) ; et, d’autre part, cette
autre source de financement peut permettre à l’activité de rester viable.
Un effet négatif est celui de la présence de différentes institutions de microfinance. En effet,
sans échange d’informations, un emprunteur peut recourir à différentes IMF et se retrouver
dans une situation de surendettement.

L’idée de cette section est de construire un cadre afin de mettre en œuvre une cartographie du
risque. Une telle démarche est une demande des AMC à travers la Fédération Nationale des
Associations de Microcrédit (FNAM). En effet, les AMC marocaines souffrent depuis 2007
de difficulté de recouvrement de leurs créances. Les premiers constats semblent cibler le
problème des doubles emprunts suite à la concentration des AMC dans les mêmes communes.
Pour réduire ceux-ci l’Autorité de régulation du secteur (la Bank Al Maghrib) en appelle à la
mise en place d’une centrale des risques. Néanmoins, d’autres facteurs sont susceptibles de
favoriser ou non le non remboursement. Parmi ceux-ci, il y a évidemment les caractéristiques
sociodémographiques des communes ainsi que les infrastructures de celles-ci. L’objectif de la
cartographie du risque est de mettre en parallèle ces données avec celles des Portefeuilles à
Risque (PAR) des associations marocaines. L’idée est de voir si certaines caractéristiques
expliquent ou non la probabilité d’émergence d’un non remboursement.

Précision des concepts et variables mises en jeu.


Le portefeuille à risque est l’ensemble des encours de prêts dont le retard dans le
remboursement est de plus de 30 jours. Si le taux de remboursements des AMC marocaines
était jusqu’en 2007 relativement bon, celui-ci s’est dégradé depuis. Il est utile d’analyser les
raisons du PAR en adoptant une démarche basée sur l’étude des données communales et
d’AMC. Cette analyse se fera cependant uniquement de manière descriptive en raison du
manque de données pour aller plus en avant. Une analyse économétrique supposerait la prise
en compte de variables relatives aux AMC plus détaillées dont nous ne disposons pas. Pour
éviter les biais provoqués par l’absence de variables omises et corrélées avec d’autres
variables explicatives, nous préférons ne pas nous hasarder dans une telle démarche (Araujo,
Brun et Combes, 2004). Il est cependant possible de retirer quelques enseignements utiles.
En raison de l’absence des données de Zakoura, l’étude se fera uniquement avec les données
de l’AMSSF et d’Al-Amana. Cela est assez regrettable car Zakoura fut l’AMC la plus affectée
au Maroc32. L’échantillon des points de vente de ces deux associations concernent 334
communes dont seulement 49 ont un PAR nul. Il convient de prendre des précautions d’usage
concernant les résultats qui seront établis. Il s’agit de seulement deux institutions, voire de
presque une seule tant le poids est inégale entre l’AMSSF et Al-Amana. Par conséquent, il ne
s’agit que d’un travail initial qui mériterait d’être approfondi dans des recherches ultérieures.
Les principales caractéristiques analysées sont de savoir si la pauvreté et les infrastructures
sont des variables explicatives dans l’étude du PAR. En outre, nous chercherons à analyser
d’autres facteurs comme le milieu, la concentration des agences. Ce dernier point fut souvent
soulevé comme raison des PAR naissants. Il est par conséquent utile d’analyser ce problème.

Discussion des résultats et prolongements possibles

Principaux enseignements des statistiques descriptives


Une première analyse peut être effectuée par le biais des principales statistiques descriptives
et de leur comparaison. La première analyse tient à mettre en exergue que pour les communes
ayant un PAR positif, le PAR représente en moyenne 3,77% de l’encours ce qui est
relativement correct. Cela eut été fortement différent si Zakoura avait été inclus dans
l’échantillon.
- distribution du PAR selon le milieu
Sur 341 points d’observations, 292 sont des communes ayant un PAR différent de zéro alors
que seulement 49 communes n’ont pas de PAR (soit seulement 14% de l’échantillon). En
outre, les communes rurales semblent moins affectées par la présence d’un PAR. En effet,
alors que la répartition des communes est équitable pour l’ensemble des points
d’observations, les communes rurales représentent plus des trois quart des communes sans
PAR.
La variable modale du PAR est un portefeuille à risque inférieur à 500000 Dh. En général, le
PAR est relativement faible surtout pour les communes rurales. Cette différence entre
commune rurale et urbaine s’explique principalement par des encours plus faibles dans les
32
A un tel point que Zakoura a fusionné avec Fondation Banque Populaire pour donner naissance à Zakoura-
Chaibi en mai 2009.
communes rurales. L’encours moyen des communes rurales retenues est d’environ 4 millions
de Dh contre plus de 12 millions pour les communes urbaines. Cependant, le ratio du PAR sur
l’encours est plus élevé en zones urbaines puisqu’il atteint 8,85% contre 6,2% en zones
rurales. Par conséquent les prêts semblent plus risqués en zones urbaines ce qui est assez
surprenant. Deux explications peuvent être avancées. D’une part, les institutions retenues ne
sont pas significatives de l’ensemble du secteur, et, d’autre part, les villes sont plus affectées
par le problème du double emprunt.

 Figure 9 : Distribution des communes en fonction du PAR et du milieu

200
180
nombre de communes

160
140
120 Urbain
100 Rural
80 Total
60
40
20
0
0 ]0;0,5] ]0,5;1] ]1;3] ]3;5] >5
PAR en millions de Dh

- Caractéristiques des prêts et PAR


Sans grande surprise le PAR et l’encours des prêts sont relativement corrélés. Néanmoins, il
est plus intéressant de traiter du lien entre le pourcentage du portefeuille à risque et l’encours
des prêts.

 Tableau 5 : Etude du lien entre l’encours des prêts et le portefeuille à risque


encours des prêts (en millions de Dh)
[0;1[ [1;5[ [5;10[ [10;50[ plus de 50 Total
[0;2[ 4 84 37 12 1 138
risque (en % de
Portefeuille à

[2;5[ 1 26 14 18 59
l’encours)

[5;10[ 2 23 16 21 1 63
[10;30[ 1 17 24 23 1 66
Plus de 30% 2 6 6 1 15
Total 10 156 97 75 3 341
Il est intéressant de noter que la majeure partie des communes ont un pourcentage
relativement faible de prêts en souffrance. Pour la moitié des communes le pourcentage du
PAR est inférieur à 5%. Il semble en outre, que la taille des prêts (approximée par l’encours)
ait un effet positif sur le PAR. Si les communes ayant des encours supérieurs à 5 millions
représentent la moitié de l’échantillon, celles-ci représentent presque 70% des portefeuilles en
forte souffrance (pour lesquels le ratio PAR sur encours est supérieur à 10%).
Le nombre d’agents de crédit semble avoir un effet négatif sur le remboursement. En effet, le
nombre d’agents de crédit moyen des communes ayant pas de PAR est inférieur à celui des
communes souffrant d’un PAR. Néanmoins, l’étude de la répartition des agents de crédit en
fonction du pourcentage de prêts en souffrance ne donne pas de différence significative.

- distribution du PAR selon le niveau de pauvreté et de développement humain


Il est étonnant de voir que la pauvreté et le développement humain semblent avoir un effet sur
le PAR mais dans un sens inverse à celui attendu. Le taux de pauvreté est significativement
supérieur pour les communes qui n’ont pas de PAR vis-à-vis des communes avec PAR. Il
semblerait donc que la pauvreté soit un vecteur positif pour rembourser les prêts. Le taux de
pauvreté moyen des communes qui ont un PAR est de 14,8% contre 19,2% pour les
communes sans PAR. Le constat est le même pour le taux de pauvreté du cercle et l’ICDH.
En effet, le coefficient de corrélation entre le PAR en pourcentage de l’encours et le taux de
pauvreté est de -0,11 et de 0,18 pour le lien entre le PAR et l’ICDH.
Une étude de la répartition du PAR confirme ce constat. En effet, en utilisant la courbe de
Lorenz ci-dessous, il est possible de voir que le quartile des communes les plus riches
représente 40% du PAR cumulé, alors que le quartile des communes les moins riches
seulement 20%. La distribution du PAR est donc non équitablement répartie puisque les
communes les plus pauvres représentent une part faible de celui-ci.

 Figure 10 : répartition du PAR en fonction de la pauvreté des communes


120

pourcentage du PAR cumulé 100

80

par cumulé
60
équirépartition

40

20

0
0 25 50 75
communes (classées par ordre croissant de pauvreté)

Il est difficile s’en plus d’étude d’expliquer cela, mais des raisons sociologiques pourraient
être mises en avant (perception différente du défaut de remboursement, de l’AMC, …) ou des
raisons économiques (coût plus important du non remboursement en raison de l’impossibilité
de se financer par un autre canal). En outre, il fut montré plus haut que les AMC s’implantent
en priorité dans les communes peu pauvres. Celles-ci risquent donc de prêter plus dans ces
communes ce qui engendrera des PAR plus importants. Enfin, l’explication de la différence
de milieu peut être réutilisée en raison de la corrélation entre pauvreté et ruralité.
Il est cependant difficile de conclure sur le sujet. Des études ultérieures devraient être menées
pour confirmer le constat et étudier les raisons de celui-ci.
- PAR et infrastructures
Aussi étonnamment, et peut être en raison des corrélations entre pauvreté et infrastructures, la
présence d’infrastructures développées ne réduit pas le risque de non remboursement. En
effet, que ce soit pour les infrastructures administratives ou de santé, le développement de
celles-ci est plus important dans les zones ayant des prêts risqués. Par exemple, alors que le
nombre de pharmaciens pour 10 000 habitants est en moyenne de 2,11 pour les communes qui
ont un PAR contre 0,9 pour celles qui n’en ont pas. Le résultat est similaire pour les indices
de développement social. Ainsi, le coefficient de corrélation entre l’IDS et le PAR en
pourcentage de l’encours est de 0,14. Le résultat attendu serait plutôt une corrélation négative.
Une nouvelle fois une analyse complémentaire devrait être menée pour confirmer ces résultats
et tenter de les expliquer.
- Niveau d’éducation et PAR
Les données relatives au taux d’analphabétisme confirment les résultats surprenants explicités
plus haut. Ainsi l’analphabétisme est plus élevé dans les communes n’ayant pas de PAR ; eu
égard aux communes ayant un part (52,8% contre 43,5%). Cette différence est une nouvelle
fois significative au seuil de 1%. En outre, l’étude du coefficient de corrélation confirme ce
constat puisque celui-ci est de -0,16. Plus l’analphabétisme croît, moins le risque est
important ce qui est surprenant.
- Effet des garanties tangibles sur le PAR
La propriété a un effet positif sur le remboursement. Le coefficient de corrélation entre le
PAR et le pourcentage de personnes ayant accès à la propriété est de -0,24. Il semblerait que
la présence de garantie ait un effet positif. En extrapolant, il est possible de noter que les
propriétaires sont de meilleurs clients. Un lien entre l’existence d’une garantie tangible et la
facilité à rembourser n’est pas à exclure. Un propriétaire peut présenter une garantie et à tout
intérêt à rembourser son prêt. Les comportements d’opportunisme sont donc réduits.
- Structure économique et PAR
Concernant les données relatives à la structure économique quelques résultats intéressants
sont à noter. Le taux d’activité ne semble avoir aucun effet sur le PAR. En revanche, la part
des services dans les emplois totaux semble jouer un rôle positif. Cependant, les résultats sont
difficilement interprétables en raison de la construction de cet indicateur. En effet, seul quatre
secteurs furent pris en compte (commerce, service, industrie-artisanat et BTP) et les parts
relatives sont établies au niveau provincial33.
- Accès aux services financiers, concurrence et PAR
Comme cela était attendu la concentration des AMC semble avoir un effet fortement
significatif sur le PAR. En effet, alors que l’indice de concentration est seulement de 0, 14
pour les communes sans PAR, il est de 0,83 pour les communes avec PAR. Cette étude
confirme donc l’effet de la concentration des AMC sur le non remboursement. Cela rejoint le
problème des emprunts doubles. Les informations étant mal recoupées entre AMC, les clients
empruntent à diverses associations. Or, cela engendre un problème de surendettement qui
n’est perçu que lorsque l’emprunteur se trouve dans une situation de défaut. Il semble donc
évident que l’un des principaux axes pour résoudre le problème du défaut de remboursement
est d’étudier ce problème.
Il convient enfin d’étudier le problème relatif à la présence ou non d’une banque sur le
territoire de la commune.

33
Cette méthode est due aux données du recensement économique qui ne fournissent les données que pour les
quatre secteurs et pour les provinces.
 Figure 11 : Etude de la relation entre le PAR et la présence d’une agence bancaire
160
nb de communes 140
120 absence de banque
100
présence d'au moins une
80
banque
60
Total
40
20
0
[0;2[ [2;5[ [5;10[ [10;30[ Plus de
30%
PAR (en % de l'encours)

Les résultats présentés par ce graphique sont surprenants. En effet, alors que le nombre de
commune décroît avec l’importance du PAR, il semblerait que la présence d’une agence
bancaire accroisse le risque d’avoir un PAR élevé. Or, l’approche théorique exposée plus haut
rejetait une telle relation. Il conviendra lors de travaux ultérieurs de lever ce mystère.

Prolongements possibles
Comme cela fut expliqué plus haut cette étude n’est qu’une prémisse pour des études
ultérieures. Les résultats sont intéressants mais restent superficiels. Il convient de s’interroger
sur les prolongements à mener afin de rendre une étude du PAR plus profonde.
D’une part, il serait utile de disposer des données de l’ensemble des AMC afin de pouvoir
générer des résultats réellement significatifs.
D’autre part, de nouvelles questions pourraient être posées, une fois la cartographie du risque
établie. Il serait intéressant de faire une étude entre AMC afin de voir s’il existe des
problèmes de gouvernance dans les différentes AMC. Si l’une d’entre elles à des résultats
toujours mauvais en termes de remboursement eu égard aux autres institutions, il sera possible
d’aller plus en avant pour comprendre ceci. Cela pourrait avoir des explications multiples
telles que la mauvaise gouvernance, un non respect des procédures, etc.

Un autre axe de recherche pourrait s’opérer en étudiant le rôle des agents de crédit. Il serait
utile de voir si le PAR par agents de crédit varie fortement entre les agences. De même, il
serait instructif d’analyser les problèmes concernant des PAR trop élevés pour certains agents
de crédit eu égard aux spécificités locales. Un effet pair pourrait être mis éventuellement en
évidence afin de voir s’il existe une collusion des agents de crédit au sein d’une agence (les
agents de crédit sont solidaires).
Conclusion :

Le ciblage de la pauvreté par les AMC marocaines est partiel. Si les AMC s’implantent à
proximité des zones de pauvreté, force est de reconnaître que les zones les plus pauvres sont
délaissées. La perspective d’avoir accès à une population, certes un peu moins pauvre, mais
économiquement plus dynamique les attire davantage. Ce résultat concernant le ciblage est
surtout probant pour les zones rurales. En ville, il est difficile de tirer de réels enseignements
de l’étude. En revanche l’analyse des aires rurales montre clairement que les AMC
s’implantent dans les communes de taille moyenne en vue de cibler la population alentour. Ce
résultat est confirmé par l’étude de la densité des clients. Néanmoins la pénétration est loin
d’être parfaite et le rôle des infrastructures est essentiel dans le choix de localisation des
AMC. Cela tend à nuancer le propos de la pénétration. Les zones arides en infrastructures sont
ignorées par les fournisseurs de microfinance. Or celles-ci sont en général les régions les plus
pauvres. Cela rebondit sur le problème évident du manque de pénétration rurale de la
microfinance marocaine. Les AMC n’ont commencé que récemment à traiter du problème de
l’accession des ruraux aux services de microfinance. Une telle politique d’implantation oblige
les acteurs du secteur à revoir leur façon de faire en raison des caractéristiques de ce milieu.
Néanmoins c’est en ciblant les zones rurales, fortement dépourvues de services financiers, que
les institutions de microfinance juguleront le plus la pauvreté au Maroc. Le secteur est
conscient de cette problématique, comme en témoigne les travaux et ateliers sur le sujet.
Quelques solutions existent qu’il convient d’adapter aux caractéristiques marocaines. Ainsi le
Mobil Banking pourrait être une solution en permettant aux associations de se reposer sur des
réseaux préexistant. De même certains associations (notamment Al-Amana) ont mis en œuvre
des structures plus légères et donc plus mobiles afin de toucher une population moins
concentrée. Enfin les produits financiers proposés doivent prendre en compte le problème des
activités cycliques et la difficulté de développer des prêts solidaires (Closset, 2009).
Force est cependant de reconnaître que cette action n’est pas uniquement du ressort des AMC.
En effet quand bien même les acteurs (marocains) de la microfinance feraient leur maximum,
le problème des poches de pauvreté ne seraient pas évincés. L’utilité de la fourniture d’un prêt
à des populations vivant dans des zones enclavées, ayant accès à des marchés restreints et ne
pouvant développer convenablement sa productivité est peu utile. Avant que les AMC
puissent cibler ces zones arides, il faudrait que l’irrigation en infrastructures de base soit
améliorée. Or de telles actions sont du ressort des instances publiques. Il est clair que les
différents programmes élaborés depuis le milieu des années 1990 ont pris à bras le corps ce
problème. La plupart du Maroc est aujourd’hui électrifié. Le chemin reste cependant
relativement long et demandera un concours de l’Etat et de la société civile croissant.
Enfin un autre obstacle se présente aux institutions de microfinance en l’occurrence le
problème de la dégradation de leur bilan. En effet avant de se lancer dans des projets risqués
de pénétration du rural, il convient d’avoir une assise financière solide. Or les AMC souffrent
d’un non remboursement croissant de leurs créances. Les premières analyses tendent à
montrer que le problème de la concentration des prêteurs dans les villes ont facilité le double
emprunt. Les clients, multipliant les emprunts, n’ont pu faire face à leur obligation. La
question est aujourd’hui de compléter ce diagnostic et notamment d’établir une cartographie
du risque. L’idée est de voir si des facteurs territoriaux sont en partie explicatifs du non
remboursement. A partir de là les AMC pourront modifier leur stratégies afin de résorber ce
problème. Ce travail a tenté, à la demande de membres de la FNAM, d’établir une prémisse
d’une telle cartographie. Cette tâche devra être poursuivi et détaillé dans des recherches
ultérieures.

Pour conclure nous notons que la véritable pénétration de la pauvreté se fera lorsque les AMC
cibleront les zones rurales. Il conviendra avant de résoudre le problème des non
remboursement. Le rôle de l’Etat sera également essentiel dans ce processus. D’une part il
devra structurer les territoires arides grâce à l’accès à l’eau, l’électricité, aux routes et aux
marchés voisins. En outre la population devrait être formée et en bonne santé afin de pouvoir
être compétitives. D’autre part il est fort probable que l’Etat soit dans l’obligation d’aider les
AMC à s’implanter dans ces zones de manières multiples (assistance technique, aides
financières). Le défi de la microfinance rural au Maroc est donc une étape essentielle à
franchir et sera concomitant au défi du développement de ces zones.
Annexe 1 : Présentation des associations de microfinance retenue
pour l’étude.

La microfinance au Maroc est l’objet de 12 AMC34 reconnue comme telles. Notre étude se fait
à partir des informations disponibles de trois d’entre elles. Toutes ont été contactées mais
seules Al-Amana, Zakoura et AMSSF-MC ont envoyé les données utiles. Il convient de
présenter brièvement celles-ci.

Al-Amana :
Al-Amana est la plus imposante AMC du Maroc. Selon les données de Mix-Market Al-
Amana couvre 38% de l’ensemble des clients servis au Maroc en 2008. Cette institution fut
créée en 1997. Sa mission explicite est de promouvoir les microentreprises par l’octroi de
crédit, et par tous les services connexes. Son réseau est national et fortement étendu. Al-
Amana dispose de 225 antennes sur 122 villes et 46 communes rurales. En outre afin
d’accroître sa pénétration du territoire marocain, Al-Amana a mis en place des structures plus
légères (guichets mobiles).

Zakoura :
La principale information concernant la fondation Zakoura est que celle-ci a changé
profondément depuis mai 2009. En effet depuis cette date, Zakoura a fusionnée avec la
Fondation Banque Populaire pour le Micro-Crédit. La nouvelle entité qui commence à se
mettre en place a pris le nom de Zakoura-Châabi. La nouvelle entité devrait être la première
ou seconde du secteur avec un poids semblable à Al-Amana. Zakoura fut fondée en octobre
1995. Comme Al-Amana il s’agit d’une institution agissant au niveau national aussi bien dans
les milieux ruraux qu’urbains. Comme de nombreuses institutions de microfinance, Zakoura a
ciblé en priorité les femmes, mais également des programmes relatifs au développement
durable. Zakoura avant la fusion servait environ 26% des clients se qui la plaçait en seconde

34
Par ordre d’importance du nombre de client servis il s’agit de : Al-Amana, Zakoura-Châabi (fusion entre
Zakoura et la Fondation Banque populaire), la FONDEP, ARDI, AMSSF, Al-Karama, INMAA, AMOS, ATIL,
AIMC, Microcrédit du Nord et TAWADA.
position sur le marché. Cette opération s’explique en grande partie par les difficultés de
recouvrement des créances qu’à connus Zakoura. En effet si tout le secteur est affecté par le
problème, il fut mis en exergue les difficultés profondes de la fondation qui était toujours la
dernière à se faire rembourser. L’explication la plus souvent avancée tient à la forte coloration
sociale de Zakoura qui faisait que les clients distinguaient mal cette institution d’un
programme d’aide. L’objectif de la fusion est de permettre à Zakoura de rester viable (et donc
de continuer à servir ces clients) tout en bénéficiant des capacités de la FBP-MC. L’étude se
fait uniquement sur les implantations de Zakoura. Un tel choix pose assez peu de problème en
ce sens que la fusion effective n’a pas encore eu totalement lieu.

AMSSF-MC :
Contrairement aux deux AMC précédentes, l’Association Marocaine de Solidarité Sans
Frontières Micro-Crédit est une institution régionale. L’AMSSF sert en effet les régions de
Fès-Boulemane, Meknès-Tafilalet, Taza, Tadla-Azilal, Chaouia-Ouardigha, et Oriental.
Depuis peu AMSSF s’installe aussi dans la région de rabat-Salé-Zemmour-Zaer. Cette AMC
est la doyenne des AMC au Maroc. Sa création date de 1994 mais ses premières actions de
1993 (bien que son agrégation comme AMC ne date que de 1999). L’AMSSF a développé
une stratégie volontariste d’implantation dans le rural avec l’aide du cabinet Horus. Bien que
de taille relativement limitée (1,5% des clients servis), l’AMSSF est une AMC innovante.

Il eut été préférable de disposer de l’ensemble des AMC néanmoins la prise en compte de ces
trois AMC permet de disposer d’un échantillon intéressant qui couvre les deux tiers de clients
servis au Maroc. En outre ces différentes AMC font parti des plus anciennes et ont par
conséquent un nombre d’implantations intéressants.
Annexe 2 : La carte de la pauvreté communale au Maroc
Comme de nombreux pays, la pauvreté au Maroc n’est pas homogène sur l’ensemble du
territoire. Or une bonne connaissance de la localisation de la pauvreté est essentielle. En effet
que ce soient les décideurs politiques ou les autres acteurs du développement, le meilleur
moyen de résoudre les problèmes est de connaître au mieux ceux-ci. La pauvreté doit par
conséquent être mieux connue au Maroc. Jusqu’alors la seule distinction qui était révélée était
entre les zones rurales et les zones urbaines. Les données les plus récentes montrent une
situation de pauvreté plus forte en zone rurale. Cependant force est de reconnaître que ce
constat est fragile pour mener un politique d’envergure de lutte contre la pauvreté. Dans cet
objectif la Banque Mondiale a lancé des travaux afin de mettre sur pied une cartographie de la
pauvreté (Elders, Lanjouw, 2002). De nombreux pays ont suivi les prescriptions de la Banque
Mondiale et ont mis sur pied une telle carte. Le Maroc a suivi le mouvement et a publié sa
première carte en juin 2004 sur des données relatives aux années 1990. Une deuxième
cartographie a été éditée en 2005 sur des données plus récentes. L’objectif d’une telle
démarche est clair. Il s’agit de mieux cerner la situation sociale du Maroc tant en termes de
pauvreté que d’inégalité. A partir de là les décideurs, qu’ils soient politiques ou de la société
civile, peuvent agir en connaissance de cause afin d’avoir des actions plus efficiente. Il est
présenté ci-dessous la démarche relative à l’élaboration de cette cartographie.

Les indicateurs calculés par la carte de la pauvreté publiée en 2005 on été réintégrés dans la
base de données du RGPH de 2004, ce qui est assez commode.
La démarche de la création d’une carte de la pauvreté se fait en trois étapes :
 La constitution de la base de données
 La modélisation des dépenses de consommation
 L’estimation des dépenses de consommation
Constitution de la base de données
Afin de construire de telles informations il faut combiner plusieurs sources de données. La
cartographie de la pauvreté repose sur une synthèse de deux sources statistiques. D’une part il
s’agit du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2004 et, d’autre part,
de l’enquête sur la consommation et la dépense des ménages de 2000/2001 (ENCDM). Ces
deux sources apportent des données différentes et utiles. Le RGPH présente des informations
qui couvrent l’ensemble du territoire marocain mais peu précises. Ces défauts sont exactement
les atouts de l’ENCDM qui présente pour un échantillon restreint de ménages des
informations très précises.
Une fois le couplage des sources effectué, il faut déterminer les variables communes selon les
deux fichiers originaux. Il s’agit principalement de variables relatives aux caractéristiques
démographiques, à la structure de l’emploi, à l’éducation et aux conditions d’habitat.

Il est cependant utile avant d’aller plus en avant dans l’étude de la carte de la pauvreté de
cerner les hypothèses qui ont dues être faites dans le cas marocains. Pour ce faire nous
suivons les arguments soulevés par Lanjouw (2004) pour la première cartographie en les
actualisant.
La première hypothèse pose que la structure de consommation n’a pas varié entre 2001 et
2004. En effet les deux sources initiales sont établies à des années différentes. En cas de
changement important dans la consommation des ménages entre ces deux dates, toute
estimation serait forcément biaisée. Cette hypothèse est néanmoins largement tenable en
raison de la relative inertie des habitudes de consommation et de la durée faible entre ces deux
dates.
Une deuxième hypothèse porte sur la non introduction des « sans domicile fixe » (SDF). Les
SDF sont une population marginale sauf dans les deux régions du Sahara-Marocain (Oued Ed-
Dahab-Lagouira et Layoune-Boujdour-Sakia El Hamra). Il est dès lors compréhensible que
les chiffres de ces deux régions ne soient pas pris en compte dans notre étude bien que le HCP
les ait traitées35.
Enfin un dernier problème tient à la façon dont le recensment est effectué. Tout d’abord les
deux régions du Sahara Marocain étant de grandes étendues relativement désertes ne sont pas
incluses dans le recensement général. En outre un problème se pose pour les autres régions du
sud (3,4 et 7). Le RGPH sur ces zones n’a concerné qu’un échantillon relativement restreint
ce qui peut biaiser l’étude. Il convient de noter que l’enquête de 2000/2001 a élargit
l’échantillonnage ce qui est un progrès substantiel. Néanmoins il faut accepter l’idée que les
quelques ménages étudiés sont représentatifs pour ces régions. Enfin le recensement est
effectué selon les méthodes habituelles. Toute la population n’est pas complètement étudiée.
Les différentes recherches ont montré que cela était relativement cohérent et n’engendrait pas
de biais. Globalement les hypothèses faites paraissent tenables.

Modélisation des dépenses de consommation


35
Pour ce faire le HCP a appliqué le modèle des régions 3, 4 et 7.
A partir des données communes entre les deux fichiers de base des modèles de consommation
sont estimés. Ces modèles vont permettre dans une étape ultérieure d’estimer la dépense de
consommation des ménages selon leurs caractéristiques socio-économiques.
La modélisation est de la forme suivante36 :
Ln ylm = x’lmβ + ulm
Où ylm est la dépense moyenne par personne du ménage m dans la localité l, x’ lm un vecteur de
variables explicatives et ulm un résidu.
Afin d’accroître la représentativité il est procédé à plusieurs régressions en fonction de la
région et du milieu de vie du ménage. Alors que dans la première étude le territoire marocaine
avait été scindé en 5 sous ensembles, les nouvelles estimations ont été faites sur 15 sous-
régions en distinguant à chaque fois milieu rural et milieu urbain. Le tableau ci-dessous
présente les différents sous-ensembles utilisés pour la régression.

Tableau 1 : Définition des groupes des régions


Groupe Milieu Régions
1 Urbain Oued Ed-Dahab-Lagouira ; Laâyoune-Boujdour-Sakia El
Hamra ; Guelmim-Es-Semara et Sous-Massa-Draâ
2 Urbain Chaouia-Ouardigha ; Doukala-Abda et Tadla-Azilal
3 Urbain Marrakech-Tensift-Al-Haouz
4 Urbain Gharb-Charda-Bni Hssen et Meknès-Tafilalet
5 Urbain Oriental et Fès-Boulemane
6 Urbain Grand Casablanca
7 Urbain Rabat-Salé-Zemmour-Zaer
8 Urbain Taza-Al Hoceima-Taounate et Tanger-Tétouan
9 Rural Oued Ed-Dahab-Lagouira ; Laâyoune-Boujdour-Sakia El
Hamra ; Guelmim-Es-Semara et Sous-Massa-Draâ
10 Rural Marrakech-Tensift-Al-Haouz
11 Rural Gharb-Charda-Bni Hssen et Meknès-Tafilalet
12 Rural Oriental et Fès-Boulemane
13 Rural Chaouia-Ouardigha ; Grand Casablanca et Rabat-Salé-
Zemmour-Zaer
14 Rural Doukala-Abda et Tadla-Azilal
15 Rural Taza-Al Hoceima-Taounate et Tanger-Tétouan

L’estimation des différents modèles montre que les dépenses de consommation des ménages
sont fonction de :
 De la composition démographique du ménage
 De la structure socioprofessionnelle du ménage
36
Pour plus de détails voir les travaux de Chris Elbers, J.O. Elbers et P. Lanjouw (2002)
 De l’accumulation de capital humain au sein du ménage
 De l’équipement des logements en éléments de confort
 Du niveau socio-économique de la commune.

Estimation des dépenses de consommation


La démarche suivie par le HCP est ensuite relativement simple. En fonction du lieu
d’habitation des individus et des données les concernant répertoriées dans le RGPH, le HCP
estime pour chacun sa dépense de consommation. Il est appliqué pour chaque ménage une
échelle d’équivalence. Le but d’une telle correction est de prendre en compte le fait que
certaines dépenses sont incompressibles et uniques pour l’ensemble du ménage (logement,
énergie, télévision, réfrigérateur,…). Une fois la dépense de consommation par ménage
établie, il suffit de comparer celle-ci aux seuils de pauvreté. Le seuil de pauvreté retenue est
celui de la pauvreté relative (cf ???). En 2004 ce seuil était de 1687 DH par mois pour un
ménage moyen en milieu urbain (5,6 membres) et de 1745 DH par mois pour un ménage
moyen en milieu rural (6,4 membres). Par conséquent les ménages qui sont inférieurs à ce
seuil sont considérés comme pauvres et les autres non-pauvres. Le taux de pauvreté est « la
proportion des individus dont la dépense annuelle moyenne par personne se situe au dessous
du seuil de pauvreté ». Il est obtenu ainsi les taux de pauvreté par commune qui sont utilisés
tout au long de l’étude comme principale variable d’intérêt.
Annexe 3 : Statistiques descriptives des données du modèle économétrique

Statistiques descriptives pour l’ensemble des communes avec ou sans AMC

pauv Tx
  pauvreté cercle ICDH Population IDS activité Ens analpha infra adm santé Propriété
Moyenne 21,46 22,22 0,55 18956,33 38,92 34,26 0,45 56,53 1,42 0,72 81,38
Médiane 19,64 21,76 0,54 10144,5 33,50 34,70 0,00 58,80 1,00 0,00 86,35
Maximum 80,21 56,11 0,87 461677 98,70 60,50 11,14 94,60 2,00 41,10 98,50
Minimum 0,20 0,20 0,16 131 0,00 13,10 0,00 13,30 0,00 0,00 0,20
Ecart type 11,47 8,62 0,08 36429,71 28,91 5,78 0,89 13,92 0,58 1,65 14,12
   
Observation
s 1482 1482 1482 1482 1482 1482 1480 1482 1481 1480 1482

Statistiques descriptives pour l’ensemble des communes ayant une AMC

pauv Tx
  pauvreté cercle ICDH Population IDS activité Ens analpha infra adm santé Propriété
Moyenne 15,15 19,09 0,61 42646,89 62,75 34,23 0,96 44,31 1,79 1,94 70,04
Médiane 14,08 18,46 0,63 19461 71,65 34,40 0,82 41,30 2,00 1,62 68,70
Maximum 75,96 55,25 0,87 461677 97,95 60,50 9,48 80,00 2,00 41,10 96,40
Minimum 0,50 0,50 0,33 2493 0,90 20,60 0,00 16,60 0,00 0,00 21,60
Ecart type 8,85 8,93 0,08 63386,01 27,92 4,77 1,01 14,25 0,46 2,56 14,82
   
Observation
s 357 357 357 357 357 357 357 357 357 357 357
Statistiques descriptives pour l’ensemble des communes rurales

Pauv Populatio Tx crédit ctre Transpor Infra propiét


  Pauv cercle ICDH ICDS n activité Souk agri trav ens Analph t Adm santé é
Moyenne 23,33 23,33 0,52 0,43 11294,48 34,30 0,66 0,02 0,25 0,33 60,67 1,49 1,33 0,30 85,34
Médiane 21,36 22,41 0,53 0,41 9554 34,80 1,00 0,00 0,00 0,00 60,70 2,00 1,00 0,00 88,40
Maximu
m 80,21 56,11 0,79 0,97 115349 59,30 1,00 1,00 1,00 3,00 94,60 3,00 2,00 7,24 98,50
Minimu
m 0,25 5,72 0,16 0,00 131 13,10 0,00 0,00 0,00 0,00 32,00 0,00 0,00 0,00 11,90
Ecart
type 11,08 7,86 0,07 0,20 8160,692 5,83 0,47 0,15 0,43 0,57 10,10 0,81 0,57 0,59 10,23
   
Obs 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261 1261

Statistiques descriptives pour les communes rurales ayant une AMC

Pauv Populatio Tx crédit ctre Transpor Infra propiét


  Pauv cercle ICDH ICDS n activité Souk agri trav ens Analph t Adm santé é
Moyenne 19,83 21,98 0,55 0,46 18426,71 34,81 0,87 0,12 0,65 0,95 56,48 1,91 1,63 0,80 81,45
Médiane 17,75 21,76 0,55 0,43 16022 35,00 1,00 0,00 1,00 1,00 56,80 2,00 2,00 0,71 83,00
Maximu
m 75,96 55,25 0,69 0,88 115349 53,30 1,00 1,00 1,00 3,00 80,00 3,00 2,00 3,27 96,40
Minimu
m 5,75 5,72 0,33 0,15 2493 21,90 0,00 0,00 0,00 0,00 36,00 0,00 0,00 0,00 52,00
Ecart
type 9,03 7,35 0,06 0,18 12326,16 4,28 0,34 0,33 0,48 0,72 9,37 0,55 0,55 0,67 10,14
   
Obs 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173 173
Statistiques descriptives pour l’ensemble des communes urbaines

pauv Tx
  pauvreté cercle ICDH Population IDS activité Ens analpha infra adm santé Propriété
Moyenne 10,65 15,91 0,68 61894,8 83,65 33,90 1,65 32,70 1,90 3,07 58,78
Médiane 9,71 15,07 0,67 25958 86,75 33,90 1,16 32,75 2,00 2,47 60,30
Maximum 40,32 52,66 0,87 461677 98,70 60,50 17,83 52,10 2,00 41,10 82,00
Minimum 0,20 0,20 0,56 1151 34,15 19,40 0,00 13,30 0,00 0,00 0,20
Ecart type 6,36 9,80 0,05 79178,36 12,19 5,46 1,86 6,84 0,35 3,18 11,27
   
Observation
s 216 216 216 216 216 216 216 216 216 216 216

Statistiques descriptives pour les communes urbaines ayant une AMC

pauv Tx
  pauvreté cercle ICDH Population IDS activité Ens analpha infra adm santé Propriété
Moyenne 10,74 16,37 0,68 65419,13 83,64 33,68 1,40 32,86 1,92 2,96 59,31
Médiane 9,93 15,56 0,67 30778 86,60 33,70 1,12 32,60 2,00 2,43 60,15
Maximum 40,32 47,49 0,87 461677 97,95 60,50 9,48 52,10 2,00 41,10 81,60
Minimum 0,50 0,50 0,56 2497 34,15 20,60 0,00 16,60 0,00 0,00 21,60
Ecart type 5,96 9,44 0,04 81223,46 11,75 5,14 1,13 6,41 0,32 3,18 9,59
   
Observation
s 184 184 184 184 184 184 184 184 184 184 184
Annexe 4 : Régressions économétriques
1- Régressions pour l’ensemble des communes

Variables Modèle I Modèle II


  coefficient écart-type coefficient écart-type

Pauvreté -0,01412 0,0114


(-0,00353)
ICDH -1,14969 2,6260
(-0,28742)
pauvreté cercle 0,04507*** 0,0134 0,03546*** 0,0124
(0,01127) (0,00886)
LNPOP 1,50613*** 0,1631 1,51644*** 0,1631
(0,37653) (0,37911)
IDS 0,00698 0,0054 0,00805 0,0053
(0,00174) (0,00201)
Banque 1,06747*** 0,2962 1,07152*** 0,2966
(0,26687) (0,26788)
Taux analphabétisme 0,00641 0,0124 -0,00090 0,0169
(0,00160) (-0,00022)
Taux activité 0,00315 0,0195 0,01053 0,0187
(0,00079) (0,00263)
Enseignement sec 0,33185*** 0,1292 0,33873*** 0,1292
(0,08278) (0,08468)
Santé 0,31185*** 0,0997 0,32439*** 0,1001
(0,07796) (0,08110)
Propriété -0,01799** 0,0088 -0,01846** 0,0088
(-0,00450) (-0,00461)
Infrastructures adm 0,74978*** 0,1686 0,76942*** 0,1683
(0,187446) (0,19235)
Constante -17,12753*** 2,0480 -16,58534 2,9924
(-4,28188) (-4,14634)
McFadden R² 0,43   0,43  
Prédiction tableau contingence
(seuil 0,24) 84,62%   84,49%  
Variables Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV
  Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type
Pauvreté -0,00041 0,014126 -0,00008 0,013204
(-0,00010) (-0,00002)
IDCH -2,77411 3,272199 -1,15396 2,100979
(-0,69353) (-0,2885)
Pauvreté cercle 0,03704** 0,01695 0,03248** 0,015498 0,03566** 0,01665 0,03300** 0,015101
(0,00923) (0,00812) (0,0089) (0,0083)
Ln pop 1,5371 *** 0,222487 1,53284*** 0,219757 1,48396*** 0,216052 1,48955*** 0,215559
(0,38429) (0,38321) (0,3710) (0,3724)
souk 0,57200* 0,30557 0,56582* 0,294022 0,65719** 0,280386 0,6217** 0,286074
(0,14300) (0,14145) (0,1643) (0,1554)
Banque 1,48311** 0,695123 1,49361*** 0,561138 1,58659*** 0,543697 1,59988*** 0,546429
(0,37078) (0,3734) (0,3966) (0,4000)
Travaux agricoles 0,97519*** 0,23013 0,98365*** 0,222293 0,93225*** 0,219356 0,93704*** 0,219309
(0,24380) (0,24591) (0,2331) (0,2343)
Taux activité 0,04055 0,026385 0,04113* 0,023656 0,04794** 0,022663 0,04546** 0,022667
(0,01014) (0,01028) (0,0120) (0,0114)
Transport 0,30390 0,185545 0,31088* 0,172953 0,28852* 0,171939 0,29423* 0,172386
(0,07598) (0,07772) (0,0721) (0,0736)
Infra Adm -0,01288 0,20427 -0,00949 0,20148 0,01282 0,200618 0,01813 0,200206
(-0,00322) (-0,00237) (0,0032) (0,0045)
Santé 0,46609*** 0,134888 0,48802*** 0,176782 0,46374*** 0,170475 0,47757*** 0,172307
(0,11652) (0,12201) (0,1159) (0,1194)
Propriété -0,01184 0,011709 -0,01252 0,011333 -0,01363 0,010649 -0,01515 0,010888
(-0,0030) (-0,0031) (-0,0034) (-0,0038)
enseignement sec 0,68005*** 0,188834 0,67392 0,193964 0,68850*** 0,186226 0,70745*** 0,189108
(0,17001) (0,16848) (0,1721) (0,1769)
tx analphabétisme -0,01222 0,017059 -0,02519 0,02146
(-0,00306) (-0,00630)
ICDS -1,11149 0,740963 -1,10464 0,713634
(-0,27787) (-0,2762)
Constante -18,14826*** 2,617007 -15,7718 3,749864 -19,0258*** 2,448747 -18,208*** 2,821786
(-4,5371) (-3,9429) (-4,7564) (-4,552)
McFadden R²/prédiction tableau contingence 0,34 81,43% 0,34 80% 0,34 81,19% 0,34 80,16%
2- Régressions pour les communes rurales
3- Régressions pour les communes urbaines

Variables Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV


  Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type

Pauvreté -0,02935 0,042215 -0,00467 0,039801


(-0,0073) (-0,0012)
ICDH 10,23224 9,231462 -0,34049 6,429255
(2,5581) (-0,0851)
pauvreté cercle 0,05507 0,036944 0,06788* 0,039105 0,07572** 0,034496 0,07342** 0,036913
(0,0138) (0,0162) (0,0189) (0,0184)
LNPOP -0,13606 0,31108 -0,11809 0,307798
(-0,0340) (-0,0295)
IDS 0,010595 0,025656 0,00830 0,025383 0,00959 0,020155 0,00977 0,020515
(0,0026) (0,0021) (0,0024) (0,0024)
Banque 1,22151** 0,605545 1,16660* 0,609242 0,98055* 0,532147 0,99557* 0,538612
(0,3054) (0,2916) (0,2451) (0,2490)
Taux analphabétisme 0,02594 0,049504 0,05460 0,057266
(0,0065) (0,0136)
Taux activité -0,05827 0,060268 -0,07401 0,062592
(-0,0146) (-0,0185)
Enseignement sec -0,54829*** 0,218159 -0,56162** 0,21849 -0,4744** 0,19346 -0,47410** 0,193672
(-0,1371) (-0,1404) (-0,1186) (-0,1185)
Santé 0,11366 0,160704 0,17101 0,166226 0,10878 0,150567 0,10853 0,153367
(0,0284) (0,0428) (0,0272) (0,0271)
Propriété 0,01501 0,023093 0,01806 0,02352 0,02290 0,021338 0,02160 0,022233
(0,0038) (0,0045) (0,0057) (0,0054)
Infrastructures adm ,012691 0,544124 -0,01393 0,574303 0,1501 0,517514 0,15838 0,526256
(0,0317) (-0,0035) (0,0272) (0,0395)
Indice concentration 39,86989 1,13E+08 39,98506 1,12E+08 39,87491 1,13E+08 39,8702 1,13E+08
(9,9675) (9,9963) (9,9687) (9,9675)
Constante 0,61590 6,059333 -7,21366 8,910101 -2,83694 2,650977 -2,58347 5,389547
(0,1540) (-1,8034) (-0,7092) (-0,6459)
McFadden R² 0,42   0,42   0,40   0,40  
Prédiction tableau contingence 78,70% 79,20% 75,50% 75,00%
4- régressions de la densité des clients
Variables Ensemble Rural Urbain
  Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type
Pauvreté 0,00061 0,000834 0,09998 0,06673 0,07393 0,187137

Pauvreté cercle -0,00088 0,00078 -0,13602** 0,061363 -0,06152 0,111556

Ln pop -0,05122*** 0,010578 -4,41749** 1,852372

souk -3,82007 2,613245

Dév Fin -0,01167 0,020512 3,0687* 1,688174 -13,3002*** 2,940876

Travaux agricoles -0,60361 1,291599

Taux activité 0,00360*** 0,001291 0,04158 0,107441

Transport -0,72085 0,690878

Infra Adm -0,00097 0,01517 0,43351 0,593876 -2,0485 2,735861

IDS 0,00073* 0,000389 -0,08578 0,079198

Propriété -0,0003 0,000591 -0,00013 0,052592 -0,1834* 0,11016

enseignement sec 0,01630** 0,006599 0,37837 1,005591 4,7980*** 0,816254

tx analphabétisme -0,00007 0,000834

indice de concentration -0,0138 0,613179

inverse ratio mills -0,03263 0,032232 -2,56329 3,306889 -15,4003 4,40388

Constante 0,47202*** 0,169242 54,2369** 23,12784 39,1676 12,624


R² ajusté 0,23   0,23   0,23  
F-statistique 10,48   5,18   7,06  
Annexe 5 : Carte administrative du Maroc
Bibliographie

Abdelkhalek, T. 2005, « La pauvreté au Maroc », Rapport sur 50 ans de développement


humain au Maroc et perspective pour 2025.
Araujo, C., J.F. Brun et J.L. Combes, 2004,  Econométrie, coll. Amphi économie, Bréal,
Paris.
Armendariz de Aghion B. et J. Morduch, 2007, The Ecocomics of Microfinance, The MIT
Press.
Atkinson, A. et F. Bourguignon, 1982, “The Comparaison of Multidimensioned
Distributions of Economic Status, Review of Economic Studies, 49, 183-201.
Ausburg, B. 2007, “What Determines Microfinance Supply? Does the Social Mission
Outweight Cost and Risk Considerations? A Case Study of the Livehood Promotions
Institution BASIX India”, Draft Version.
Bencherifa A., M. Benelkhadir, S. Mouline et M. Souafi, 2005, « Accès aux services de base
et considérations spatiales », Rapport sur 50 ans de développement humain au Maroc et
perspective pour 2025.
Bourguignon, F. et S. R. Chakravarty, 2003, « The Measurement of Multidimensional
Poverty », Journal of Economic Inequality, Kluwer Academic Publishers.
Castel R., 1995, Les metamorphoses de la question sociale, Fayart, Gallimart, Paris.
Chaterjee S. et B. Price, 1991, Regression Analysis by Examples, Wiley-Interscience.
Closset M., 2009, La microfinance rurale au Maroc, Rapport de stage de deuxième année de
magistère de développement économique, CERDI, Clermont-Ferrand.
Elbers, C. O. Jean et P. Lanjouw, 2002, « Micro-Level Estimation of Welfare », Policy
Research Working Paper, 2911, development research Group, The World Bank.
Fouillet Cyril, 2007, “Analyse spatial du financement de l’agriculture et de la microfinance :
Le cas de l’Inde », Document de travail, FARM.
Gouitaa Ahmed, 2005, « Aspects institutionnels de la pauvreté et les facteurs d’exclusion
sociale », Rapport sur 50 ans de développement humain au Maroc et perspective pour 2025.
Guerraoui Driss, 2006, « Cinquante de politiques sociales au Maroc : Enseignements pour
l’avenir », Rapport sur 50 ans de développement humain au Maroc et perspective pour 2025.
Guillaumont-Jeanneney S. et K. Kpodar, 2006, « Développement financier, instabilité
financière et réduction de la croissance », in Le développement face à la pauvreté (dir :
Mourji F., Decaluwé et P. Plane), Réseau d’analyse économique et développement,
Economica, Paris.
Hassan K. et Suk-Yu J., 2008, “Financial Sector Reform and Economic Growth in
Morocco : An Empirical Analysis”.
Haut Commissariat au Plan, 2000, Données communales : Résultats de l’enquête sur les
équipements communaux, Rabat.
Haut Commissariat au Plan, juin 2004, Carte de la pauvreté communale, Rabat.
Haut Commissariat au Plan, décembre 2005, Pauvreté, développement humain et
développement social du Maroc, Rabat.
Haut Commissariat au Plan, 2006, le Maroc des régions 2005, Rabat.
Haut Commissariat au Plan, 2007, Rapport national relatif aux objectifs du millénaire,
Rabat.
Haut Commissariat au Plan, 2007, Les indicateurs sociaux, Rabat.
Hassan K. M. et Jang-Suk Y., 2007, “Financial Sector Reform and Economic Growth in
Morocco: An Empirical Analysis”, Networks Financial Institute Working Paper.
Hermes N. et R. Lensink, 2007, ”The Empirics of Microfinance : What Do We Know ?”,
The Economics Journal, vol. 117.
Hulme D. 2000, “Impact Assessment Methodologies for Microfinance Theory, Experience
and Better Pratice”, World Development.
Jeannin P. et M. Sangare, 2008, La microfinance. Quels impacts économiques et sociaux  ?,
Version préliminaire, université de Toulouse.
Joumady O. et F. Mourji, 1997, “Réformes du marché des capitaux et efficience de la
distribution des crédits: Utilisation d’un panel d’entreprises marocaines”, 14ème journées de
la microéconomie appliquée, Marrakech.
Khandker, S. R., B. Khalily et K. Khan, 1994, “Grameen Bank: Performance and
Substainability”, World Bank Discussion Paper, n°306.
Khandker, S. R., 2005, “Microfinance and Poverty: Evidence Using Panel Data from
Bangladesh”, The World bank Economic Review, Oxford University Press.
King R. G. et R. Lévine, 1993, “Finance and Growth: Schumpeter Must Be Right”, The
Quarterly Journal of Economics, n°108, pp 717-737.
Kolm, S. C., 1977, “Multidimensional Egalitarianisms, Quarterly of Journal Economics, 91,
1-13.
Kutner J. , Nachtsheim C. , Neter M. , 2004, Applied Linear Regression Models, 4th edition,
McGraw-Hill Irwin.
Landivar, D. 2009, “Regional Credit Rationing. Where Do Micro Finance Institutions
Locate in Bolivia?”, Primilary Version, CERDI.
Lanjouw, P., 2004, “The Geography of Poverty in Morocco: Micro-Level Estimation of
Poverty and Inequality from Combined Census and Households Survey Data”, development
research Group, The World Bank.
Maddala G.S., 1984, Limited-dependent and qualitative variables in econometrics,
Cambridge University Press, Cambridge.
Matin I., 1997, “Repayment Performance of Grameen Bank Borrowers: The Unzipped
State”, Savings and Development, n°4, p 451-473.
McKinnon R. I., 1973, Money and capital in economic development, The Brookings
Institution, Washington DC.
Ministère de l’économie, des finances, de la privatisation et du tourisme, 2002, « Les
politiques sociales au Maroc : Etat des lieux », Documents de travail n°80.
Morduch, J. 1999, “The Microfinance Promise”, Journal of Economic Literature, Vol.
XXXVII, pp. 1569-1614.
Morduch, J. 2000, “The Microfinance Schism”, World Development, Vol. 28, n°4, 617-629.
Mosley, P. 1996, “Metamorphosis from NGO to Commercial Bank : the Case of BancaSol
in Bolivia” in Finance Against Poverty. David Hulme and Paul Mosley, édition London
Routledge.
Mosley, P. 2001, “Microfinance and Poverty in Bolivia”, Journal of Development Studies,
Vol. 37, 101-132.
Mourji F., 1996, “Réformes des marchés de capitaux et croissance économique: cas du
Maroc et de quelques pays en développement”, Réseau Analyse Economique et
développement, 3ème journées scientifiques, Hanoi.
Paugam S., 2000, Le salarié de la précarité, PUF, Paris.
Paugam S., 2005, Les formes élémentaires de la pauvreté, PUF, Coll. Le lien social, Paris.
Paxton J. A., 1996, “Determinants of Sucessful Group Loan Repayment: An Application to
Burkina Faso”, these de doctorat, The Ohio State University, cité dans Godquin (2006).
Pitt, M et S. Kandker. 1998. “The Impact of Group-Based Credit Programs on Poor
Households in Bangladesh: Does the Gender of Participants Matter?” Journal of Political
Economy, 106:5, pp. 958-996.
Ravallion M., 1996, “Issues in Measuring and Modelling Poverty, Economic Journal, 106
1328-1343.
Sagou M’Hamed, 2006, « Les politiques macroéconomiques: Les politiques budgétaires et
monétaires du Maroc depuis cinquante ans et perspectives pour les vingt prochaines années »,
Rapport sur 50 ans de développement humain au Maroc et perspective pour 2025.
Sen, A. K. 1976, “Poverty: an Ordinal Approach to measurement”, Econometrica 44, 219-
231.
Sen, A. K. 1985, Commodities and Capabilities, North-Holland, Amsterdam.
Sen A. K. 1992, Repenser l’inégalité, Seuil, Paris.
Sen, A. K. 2000, Un nouveau modèle économique : Développement, justice, liberté, Odile
Jacob, Paris.
Sharma, M et M. Zeller. 1999. “Placement and Outreach of Group-Based Credit
Organisations: The Case of ASA, BRAC and Proshika Bangladesh”, Food Discussion Paper
59, Int. Food Policy Research Institute, Washington, D.C.
Shaw E., 1973, Financial Deepening in Economic Development, Oxford University Press,
New-York.
Stiglitz J. et A. Weiss, 1981, “Credit Rationing in Markets with Imperfect Information”,
American Economic Review, 71, 393-419.
Tirole, J. 1988, “The Theory of Industrial Organization”, The MIT Press, Cambridge,
Masachusetts.
Tsui, K. Y. 1995, “Multidimensional Generalizations of the Relative and Absolute Indices :
the Atkinson-Kolm-Sen Approach”, Journal of Economic Theory, 67, 251-265.

Sites internet:
http://www.hcp.ma/,
http://www.pnud.org.ma/,
http://www.fnam.ma/,
http://www.planetfinancegroup.org/,
http://www.microfinanceaumaroc.com/.
http://www.indh.gov.ma/

Vous aimerez peut-être aussi