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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.

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INTRODUCTION AUX INSTITUTIONS POLITIQUES

PARTIE I – Concepts fondamentaux du droit constitutionnel


PARTIE II – Histoire constitutionnelle depuis 1789

PARTIE I

I - L’Etat

a) – L’idée d’Etat
b) – Critères différentiels : institutionnalisation et souveraineté
c) – Les divers types d’Etat : Etat unitaire, confédération,
fédération

Rappel : dans la constitution de 1791, il y avait un Roi (Louis XVI).

a) – L’idée d’Etat

L’Etat est conceptualisé selon des juristes allemands au XIXème siècle.


Jellinek (un juriste allemand) le définit à travers 3 éléments constitutifs :
- L’existence d’un territoire. Mais on peut avoir des communautés humaines sans
territoire occupant une situation minoritaire dans un Etat. Par exemple, les Arméniens
jusqu’à la dissolution de l’Union Soviétique ou les Kurdes. Ces communautés ne peuvent
accéder à l’existence d’un Etat. Il y a la nécessité de connaître les limites de ce territoire,
appelées les frontières. Ce concept est relativement récent. En effet, on a besoin d’avoir
une carte pour localiser ces frontières et les populations doivent être sédentarisées. Le
sort des nomades n’est pas enviable aujourd’hui (cf. perception que les populations ont
des gens du voyage). Ibn Khaldum explique que la cause de l’histoire universelle est la
lutte entre les sédentaires et les nomades. Le triomphe de l’Etat, passant par les
frontières, est aussi dû à la sédentarisation. La compétence natione loci (= en raison du
lieu) est le point de savoir si une autorité étatique a le droit d’intervenir en un lieu précis.
Il est question de la compétence juridique en raison du lieu. Dans les problèmes d’Etat, il
se pose au premier chef. L’Etat français a par exemple compétence jusqu’à la frontière.
Aux Etats-Unis, il n’y a pas de poursuites transfrontalières s’il n’y a pas de crime fédéral.
- L’existence d’une population humaine. Il y a un concept de nationalité. Mais il y a
aussi des étrangers sur le sol, et des nationaux de l’Etat vont aussi vivre à l’étranger. La
population d’un Etat n’est pas uniquement les gens qui vivent sur le sol et qui sont
citoyens mais aussi les étrangers. L’Etat concerne l’ensemble de la population, même les
étrangers. Autrement dit, tout le monde est concerné par les lois, même en n’étant pas
citoyen. En ce qui concerne les expatriés, il y a des prérogatives : ils demeurent rattachés
et l’Etat reste en relation avec eux avec des consuls ayant comme tâche de régler les
affaires de ces nationaux de l’Etat expatriés.

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- L’existence d’un pouvoir politique organisé. C’est l’existence d’une hiérarchie


dans une société avec des gouvernants (imposant leurs volontés) et des gouvernés (qui
doivent respecter ces volontés), hiérarchie qui peut être totalitaire, démocratique,
dictatoriale… Il y a une différenciation entre ces deux groupes. Le contraire est une
situation d’anarchie (littéralement « absence de commandement » en grec), sans
considération péjorative. Dès lors que des gens commandent et d’autres obéissent, il y a
un pouvoir politique organisé. Lors de la colonisation (XIXème siècle), les Etats européens
ont rencontré des populations primitives (c’est-à-dire vivant selon un fonctionnement non
reconnu par les Européens), et il était question de savoir si on doit les traiter selon le
Droit international. La réponse fut négative dans la majorité des cas (sauf en Ethiopie, en
ne considérant pas l’Italie fasciste). Reconnaître la qualité d’Etat n’est pas une garantie
pour la paix : l’Italie fasciste a envahie l’Ethiopie, un état pourtant reconnu par la SDN.
On peut traiter néanmoins toutes les communautés comme des Etats. Les
conditions de Jellinek peuvent être retenues, mais on doit alors reconnaître que les
colonisations ne sont pas des Etats.

b) – Critères différentiels

En Droit, un critère est le point à regarder lorsqu’il y a doute si un


phénomène doit être rangé dans telle ou telle catégorie juridique (par exemple s’il y a
complicité de meurtre ou non). Les conditions de l’Etat de Jellinek sont trop larges dans
l’espace et dans le temps. Ses critères pourraient permettre de dire que l’Empire romain
était un Etat. Or beaucoup d’historien expliquent que l’Etat moderne se créé en Europe, à
la Renaissance (XVème, XVIème, XVIIème siècle) : il y a un doute. Il n’y a pas de date à
attribuer à la naissance d’un Etat, cela est arbitraire. L’Etat moderne, c’est quelque chose
qui va se manifester et qui va naître en Europe occidentale. En raisonnant
historiquement, les critères de Jellinek ne sont pas applicables car on pourrait dire qu’ils
sont réunis dans le monde romain et que certaines pensent que l’Etat ne naît qu’à la
Renaissance. Les critères permettant de distinguer l’Etat de l’Etat moderne sont au
nombre de 2 :
- L’institutionnalisation.
- La souveraineté.

- L’institutionnalisation s’oppose au pouvoir personnalisé (pouvoir contenu dans la


personne du chef) et est un système très ancien, mais dont les caractères contemporains
donne une image douteuse, telle la mafia. La mafia est une bande de délinquants
organisée par la violence, composée de groupes (appelées familles en Italie) qui
s‘affrontent pour des questions territoriales et au terme d’un processus plus ou moins
long, le pouvoir de la mafia (le chef des chefs) sera celui qui aura imposé son pouvoir aux
autres par la violence ou la négociation. Cette procédure anormale pour nous est
pourtant celle selon laquelle le pouvoir politique a fonctionné pendant des millénaires
(comme au Japon au XVIème – XVIIème siècle, où il y a un empereur et un chef qui tue
ses rivaux pour se faire respecter). Dans l’Empire romain, les empereurs se succèdent

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par des coups d’Etat (seuls deux sont morts dans leur lit). Le mode d’accession au
pouvoir s’effectue par le meurtre, c’est le plus fort qui gagne. Ce système ultra-libéral a
duré mais avait des inconvénients. Il y avait des périodes de paix, mais limitées.
Lorsqu’un chef remportait un rival, il n’y avait plus de guerre. Seulement, dès lors que le
pouvoir est personnalisé, le problème est que le chef va mourir. Ce pouvoir n’est pas
transmissible et la mort du chef impliquait la guerre de succession. En France, c’est le
président du Sénat qui remplace le président s’il meurt. Mais dans notre cas, tous les
sous chefs voudront être chefs, et le règlement ne sera pas consensuel. Nous avons en
France des procédures des institutions permettant de ne pas avoir à recourir aux armes
pour régler l’accession au pouvoir, c’est l’institutionnalisation. Au Moyen-Âge, on craignait
la mort du Roi, car cette mort représente des moments dangereux, d’où l’instauration de
la succession héréditaire, afin de ne pas avoir de moments sans Roi. C’est là une amorce
d’institutionnalisation.
Il n’était pas possible d’imposer des limites de Droit au pouvoir. Comment limiter
un pouvoir par le Droit à celui qui l’a conquis ? Quelle règle de Droit lui imposer ? Ses
pouvoirs n’étaient pas sans limite, comme pour le Roi de France. Tout pouvoir a des
limites de fait et il risque la rébellion s’il ne respecte pas certaines limites. Une autre
limite sont les limites religieuses (peur de l’enfer par exemple), seul moyen pour
domestiquer « la bête humaine ». Une autre limite est l’autolimitation. Certains Rois
s’autolimitaient pour le Salut de leur âme… Pour limiter en Droit, il est nécessaire d’avoir
un juge. Aujourd’hui, ce sont les juges en Droit privé qui règlent les conflits entre
débiteurs et créditeurs, et ce sont les gendarmes qui appliquent ces règlements. En
revanche, le droit public s’oppose à l’autorité publique et personne ne l’a fait respecter.
Cette idée suppose que le Droit s’applique à ceux qui sont là pour le faire appliquer. Le
pouvoir politique ne doit plus être la propriété du chef politique mais comme un
représentant d’une valeur transcendante. Cette notion qui confie le pouvoir à un individu
s’appelle l’Etat, une institution fabriquée de toutes pièces, une idée mise au point qui
permet de dire que le chef est au service de l’Etat et non au service de lui-même (idée
pensée au XVIIème siècle). Bossuet (un évêque au XVIIème siècle) s’adresse au Prince
dans La Politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte : « Ô Prince, vous mourez
mais votre Etat doit être immortel. »  C’est la construction de la théorie intellectuelle de
l’Etat.
 L’Etat est une institution. C’est un être juridique, une fiction, mais ayant des
effets concrets, comme le Droit. On va organiser ce système de manière à pouvoir le
limiter, avec le Droit public. C’est une personne morale. Nous, humains, sommes des
personnes physiques, des sujets de Droit. Une entreprise, une association, est une
personne morale considérée comme une unité. L’Etat, personne morale est unique, est
une entité. Elle a un intérêt propre (comme une entreprise qui veut subsister et gagner
de l’argent), a une volonté propre (et non la connexion des volontés des gens qui la
forment) d’où des procédures de représentations (1991).
Dans une assemblée, la volonté passe par le processus majoritaire, autrement dit
par un vote. La volonté de la personne morale est la volonté de la majorité (assemblées,
entreprises…). L’Etat possède des biens (terrains, immeubles, objets d’art). Il y a des
politiques publiques menées par l’Etat. Mais ce sont des gens qui la mettent en œuvre.
L’Etat peut agir en justice, poursuivre devant des tribunaux et être poursuivi. Dans ce
derniers cas, si l’Etat est condamné, ce sont les contribuables qui payent. On retrouve
toujours des personnes physiques au bout.

- La souveraineté. L’Etat, personne morale de droit public n’est pas la seule. Il y a


des collectivités territoriales (la commune, le département, les entreprises publiques).
Cette catégorie n’est pas limitée et il faut un caractère différentiel pour distinguer l’Etat
des autres personnes morales de Droit public : c’est le critère de la souveraineté. C’est
une notion dégagée par le philosophe Jean Bodin, à la fin du XVIème siècle. Elle veut dire
selon Bodin que l’Etat est souveraine parce qu’il a « le pouvoir de donner et de changer la
loi en dernier ressort ». Il est celui auquel on ne peut imposer une règle juridique. La
souveraineté est dans ce fait de donner la loi en dernier ressort. On ne peut s’y opposer,
on ne peut nier l’Etat juridiquement, le souverain a le dernier mot en Droit. Avoir en Droit

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le dernier mot ne signifie pas que l’on a raison. La Révolution est un fait qui détruit le
Droit. Ce dernier ne peut être contraint qu’avec son accord. Bodin distingue l’Etat et le
Roi mais pour lui le souverain est le Roi. La souveraineté subsiste à l’échelle
internationale : en Droit international, il n’y a pas d’actes unilatéraux, mais il y a des
traités, c’est-à-dire un contrat. Le contrat existe lorsqu’il y a un accord de volonté. La
souveraineté de l’Etat a un aspect interne, lorsqu’elle a le dernier mot, et un aspect
international, lorsque l’Etat ne peut nié juridiquement, contre sa volonté. Les Etats
conçoivent des limitations de souveraineté en acceptant par exemple le statut du TPI
(Tribunal Pénal International), mais cela est remis en cause par l’UE.

c) Les divers types d’Etat : Etat unitaire, confédération, fédération

Il y a traditionnellement trois types d’Etats : l’Etat unitaire, la confédération


et l’Etat fédéral. Il faut cependant ajouter quelques modifications :
- L’Etat unitaire, comme la France, est celui qui est caractérisé par une
souveraineté unique (il n’y a qu’une personne morale qui est souveraine, il n’y en a pas
une seule tout court). Il y a d’autres personnes morales uniques, comme les collectivités
territoriales. Elles n’existent pas selon un ordre juridique propre, mais dans l’ordre
juridique public, et c’est toujours le cas. En 2003, il y eu la réforme de la décentralisation,
en ajoutant à la fin de l’article 1er de la Constitution de 1958 : « Son [la France]
organisation est décentralisée ». Le fait d’ajouter cela montre l’importance que les
constituants ont attaché à cette réforme. L’article 72 a été allongé de 4 articles, 72-1,
72-2, 72-3, 72-4, et ce bloc de 5 articles permet de définir le statut nouveau de la France
en tant que République décentralisée.

Art. 1. - La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle
assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de
religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les
départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-
mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas
échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent
alinéa.

Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des
conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs
compétences.

Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les
conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit
constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements
peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre
expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou
réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant,
lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités
territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à
organiser les modalités de leur action commune.

Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant


de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du
contrôle administratif et du respect des lois.

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Art. 72-1. - La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité
territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du
jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa
compétence.

Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte
relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être
soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou
de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs
inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités
territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les
conditions prévues par la loi.

Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent
disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi
peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales
représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de
l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette
règle est mise en oeuvre.

Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne


de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les
dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par
la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les
collectivités territoriales.

Art. 72-3. - La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-
mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité.

« La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-


Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour
les départements et les régions d'outre-mer et pour les collectivités territoriales créées
en application du dernier alinéa de l'article 73, et par l'article 74 pour les autres
collectivités.

Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.

La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et


antarctiques françaises.

Art. 72-4. - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités
mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus
par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la
collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans
les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi
organique.

« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des

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sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel,
peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur
une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif.
Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est
organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une
déclaration qui est suivie d'un débat. »

Malgré cet effort, la France demeure un Etat unitaire. On pourrait penser qu’en
décentralisant, on aurait pu penser à obtenir différents états fédérés, mais ce n’est pas le
cas. L’article 72 énumère les collectivités locales de la République. On peut regrouper ou
supprimer des collectivités par la loi. Puis, il est question du principe de subsidiarité.
Ensuite, le texte de l’ancien article est retrouvé, et on apprend l’existence d’un pouvoir
réglementaire des collectivités (qui n’était pas dans la constitution auparavant). Ces
pouvoirs sont dans le cadre de leurs compétences, alors que l’Etat a une capacité
générale. Ce pouvoir des collectivités territoriales est délimité par des règles de
compétence. Ces compétences s’exercent dans les conditions prévues par la loi. Les
collectivités territoriales sont créées par la loi. Dans leurs compétences, les collectivités
territoriales existent, sont organisées par le moyen de la loi, or c’est la loi d’Etat, ce qui
suppose qu’elles peuvent être supprimées. On peut modifier leurs compétences et les
supprimer en révisant la Constitution. De vrais pouvoirs sont reconnus aux collectivités
territoriales, mais ils n’existent que parce que l’Etat unitaire a accepté de conférer à
certains de ses membres certaines possibilités. On accroît la décentralisation, mais on ne
remet pas en cause son unité, car ces collectivités n’ont rien à revendiquer à l’Etat. Ces
concessions pourraient être juridiquement annulées. Dans un Etat fédéral, les Etats
fédérés ont accepté de se lier. Alors que dans l’Etat unitaire, c’est l’Etat qui accepte de se
décentraliser. La décentralisation n’a pas remis en cause le caractère unitaire de l’Etat
français, c’est seulement un autre mode d’organisation. L’Etat français reste unitaire, car
il n’y a qu’un ordre juridique.
La subsidiarité = principe de commodité = on donne le pouvoir à l’autorité la plus
efficace. Il n’y a pas d’obligation juridique. Aucune influence directe sur l’Etat sans un
juge n’est possible.
- La confédération d’Etat : C’est la réunion de plusieurs souverainetés en une
même entité. Il y a pluralité d’ordres juridiques, ou une alliance d’Etats souverains. Ils
vont conclure un traité fondant la confédération (un contrat). En décidant la création d’un
organe collectif auquel ils vont confier un certain nombre de leurs pouvoirs, ils vont
décider une politique étrangère commune mais tout le reste est séparé. L’ordre juridique
est séparé, et il n’y a pas de relation entre les citoyens. Les autres Etats ne traitent
qu’avec les autres Etats. L’extension des compétences ne peut se faire que par la
révision du traité, à l’unanimité. Ce système a existé mais est apparu comme un sas
transitoire entre une union « plus intime » (selon les Américains) ou un retour à des Etats
unitaires. Par exemple, les Etats-Unis et la Suisse. Pour ce qui est des Etats-Unis, ils ont
d’abord existé sous la forme d’une confédération. La Constitution de 1787 est fédérale,
mais il y eu des articles des confédérations du 15 novembre 1777. Les Etats
indépendants et unis ont vécu d’abord de 1777 à 1787 sous la forme d’un Etat
confédéral. Les colonies conservaient leur indépendance. Il y avait un organe : le Congrès
de la confédération, où les représentants représentaient les Etats indépendants. Le
parlement des Etats-Unis s’appelle encore le Congrès. Ce système ne marchait pas et les
représentants sont passés à une union plus étroite, en 1787 avec la Constitution des
Etats-Unis : l’Etat devient fédéral. En Suisse, qui a aussi existé sous forme de
confédération (Confédération Helvétique, d’ailleurs on retrouve le sigle CH sur les
automobiles) et est passée à une fédération avec la Constitution de 1874. La
confédération est là aussi devenue fédération.
- La fédération est une situation intermédiaire entre Etat unitaire et confédération.
Il y a pluralité d’Etats membres, qui demeurent des Etats, avec des compétences et des
caractères (souveraineté, institutionnalisation). Mais il y a aussi une souveraineté unique
et un ordre juridique fédéral. Dans les confédérations, il y a des souverainetés d’Etats
juxtaposées, la fédération, elle, introduit une souveraineté unique, supérieure à la

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souveraineté des Etats. Dans la confédération, il y a juxtaposition des souverainetés ;


dans la fédération, c’est vrai, mais au-dessus, il y a un autre ordre juridique,
hiérarchiquement supérieur à l’ordre des Etats et qui uni les Etats au sein d’une
fédération. Dans la fédération, l’Etat fédéral pourra s’adresser directement aux individus.
Cela suppose une définition précise des compétences et des limites des compétences
entre les Etats fédérés. Il faut s’adresse à un juge. Aucune énumération ne permet de
tout dire (car la Constitution énumère). Le système ne fonctionne que si un juge est là
pour arbitrer les conflits. En Europe, on se passe de Cour suprême, ce qui est
indispensable pour les Américains. Il faut placer en premier que les Etats-Unis sont un
Etat fédéral, puis raisonner. L’Etat fédéral n’a pas tous les pouvoirs. C’est de la
compétence des Etats que d’appliquer la peine de mort aux Etats-Unis. Le Congrès ne
peut pas abolir la peine de mort par une loi fédérale. La Cour suprême n’a jamais déclaré
la peine de mort constitutionnelle. Les Etats américains sont pointilleux sur leurs
prérogatives. Ils ne sont pas prêts à y renoncer et la plupart des Américains détestent
l’Etat fédéral, considéré comme un intrus qui s’immisce : il n’est pas populaire. Une
troupe fédérale est ressentie comme une troupe étrangère (par exemple, à la Nouvelle-
Orléans, avec les troupes après les cyclones). Avec un Etat fédéral, le gouvernement
fédéral s’impose. Il réclame des Etats, par-dessus la tête des Etats. La Constitution des
Etats-Unis garantit que les Etats ne seront jamais supprimés. Le fait que les Etats
demeurent des entités souveraines est garantit. La Constitution, elle, ne peut être révisée
qu’avec l’accord d’un certain nombre d’Etats. Alors qu’en France, on ne suspend pas la
révision s’il y a désaccord des collectivités territoriales.
Aux Etats-Unis, chaque Etat a les mêmes droits. Les Etats comptent pour un (et
sont représentés au Congrès par deux sénateurs). L’actuel président a été élu avec une
minorité de voix, car le suffrage est indirect, mais plus d’Etats se sont prononcés en sa
faveur. Dans ce système qui tient beaucoup à conserver sa structure fédérale, ceci
compte.
L’UE n’entre pas dans le cadre entre confédération et fédération, car c’est une
construction spécifique. Ce n’est pas une fédération car les Etats européens conservent
une souveraineté, mais qui demeure bien plus considérée que la souveraineté des Etats
européens. Les Etats européens conservent leur autorité en matière internationale, ce qui
n’est pas le cas aux Etats-Unis. L’UE n’est donc pas une fédération. Le droit
communautaire est d’effet direct sur les individus. En principe, le droit communautaire
l’emporte sur la loi nationale. La Constitution est supérieure au droit européen. La
population, mais pas les Etats, sont représentés au parlement européen (il n’y a pas de
deuxième chambre représentant les Etats) et les Etats européens sont moins bien
garantis des empiétements du droit communautaire que les Etats des EU.

II – La Constitution

Le mot constitution a diverses significations (Constitution ≠ constitution). Une


constitution est ce de quoi un objet est fait, mais c’est aussi la manière dont un Etat est
constitué…

a) Constitution souple et Constitution rigide

Ce sont des notations utilisées très souvent, et ces mots ont une
signification technique. Une des difficultés du Droit, c’est qu’on utilise tantôt des termes
techniques, et tantôt des termes non techniques. Souple et rigide sont des termes non
techniques, mais avec le substantif Constitution, ils ont une signification technique,
différente. Une Constitution souple est une Constitution non écrite, coutumière, comme la
Constitution anglaise. Elle n’a pas été adoptée et datée de manière formelle. En France,
la Constitution est précisément datée (4 octobre 1958), on sait qui l’a écrite et au terme
de quel acte elle fut promulguée (mise en vigueur de manière solennelle). La Constitution
anglaise, elle, n’est pas datée. Elle est née de pratiques lentes, suite à un très long
processus historique (qui a débuté vers 1215) et n’est toujours pas achevée. Les choses
ont cependant changé, puisque la royauté a perdu du pouvoir et que des institutions ont

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disparu. Il n’y a jamais eu de rupture, comme en France par exemple où il y eu une


rupture totale avec la Révolution. Il y a eu des phases successives, coutumières. Il n’y a
pas de texte unique. La Constitution anglais est composite. Certaines lois
constitutionnelles ont été adoptées mais beaucoup de pratiques se sont imposées avec le
temps. C’est le cas de la pratique qui veut que la reine appelle à être 1 er ministre le
leader à la chambre des communes. En France, c’est le président qui choisi qui il veut
(contrairement à la reine). Si le parti met en minorité et révoque le leader du parti, alors
le nouveau leader devient le 1er ministre et est immédiatement nommé par le souverain
britannique. C’est un phénomène qui n’est écrit nulle part (pas d’article écrit). Ces
éléments coutumiers non écrits sources d’obligation juridique, non invocables devant la
justice mais auxquels on doit se plier, sont appelés des conventions de la Constitution.
Si la reine refusait de nommer un premier ministre, aucun juge ne pourrait contrarier la
reine à ne pas le faire. La Constitution britannique n’est pas un texte unitaire mais un
ensemble de règles constitutionnelles et il y a des règles coutumières, juridiques,
obligatoires.
Une Constitution souple est une Constitution faite de pièces et morceaux qui peut
être modifiée par une loi ordinaire. La Constitution française du 4 octobre 1958, elle, est
rigide. Elle est écrite. Mais ce caractère ne suffit pas à lui donner le critère de Constitution
rigide, mais le fait qu’il faut appliquer une procédure de modification spéciale : une
révision. L’article 89 de la Constitution de 58 dicte selon quelle procédure on peut
changer tout ou partie de la Constitution.
Art. 89. - L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au
Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du
Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes
identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de
la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas,
le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des
suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée Nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté
atteinte à l'intégrité du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision.
Cette révision suppose soit un référendum, soit une réunion du parlement à
Versailles (besoin de 2/3 des voix du Congrès). La deuxième condition est qu’il faut que le
Sénat soit d’accord. Or, on ne trouve pas cela dans les lois ordinaires, que ne sont pas
constitutionnelles. Les lois non constitutionnelles peuvent être adoptées contre l’avis du
Sénat (qui n’a pas de droit de veto). On parle de révision constitutionnelle pour la
procédure, la loi constitutionnelle est le résultat, c’est-à-dire le texte adopté. La
procédure de révision pour une loi constitutionnelle est plus complexe (66.6% de voix
nécessaires au Congrès) que pour une loi ordinaire (50.1% à l’Assemblée). C’est ce qui
constitue la rigidité constitutionnelle : elle est plus exigeant, plus rigide que pour une loi
ordinaire. Si les conditions sont durcies, c’est pour éviter le changement de règles
paraissant importantes, c’est la volonté de mettre hors d’atteinte des principes
importants. Les lois constitutionnelles sont tellement importantes que pour les modifier, il
faut avoir recours à des conditions plus difficiles. Il y a donc une garantie pour les
pouvoirs publics qu’il y ait une rigidité supplémentaire.
La Constitution souple peut être changée par une loi ordinaire (elles même
pouvant être changées par des lois ordinaires). Par exemple, la loi de succession au trône
pourrait être modifiée (en Angleterre, les hommes priment sur les femmes. Le prince
Charles prime car il est un garçon, bien qu’il soit le 2ème enfant). En France, seuls les
hommes peuvent régner. En Angleterre, les femmes peuvent régner s’il n’y a pas
d’héritier mâle. Une loi ordinaire pourrait abolir la monarchie, avec une majorité en ce
sens, mais cela est peu probable. La rigidité constitutionnelle est un système où une loi
ordinaire ne suffit pas à modifier la Constitution. Une Constitution souple peut elle être
modifiée par une loi ordinaire. Toute Constitution coutumière est nécessairement souple
mais une Constitution écrite et souple peut être possible, c’est-à-dire une Constitution qui

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repose sur un texte qui ne précise pas les conditions spéciales de révision. La méthode
de révision des lois constitutionnelles était la même en France que pour les autres lois,
sauf que cela se faisait à Versailles. Les lois constitutionnelles de la IIIème République
étaient donc écrites et souples. Dans la majorité des cas, les Constitutions écrites sont
rigides.

b) Constitution au sens formel et au sens matériel

En Droit, l’opposition formel/matériel est simple.


- Formel : on regarde la forme juridique de l’acte.
- Matériel : on regarde le contenu de l’acte.
La forme juridique peut être une loi. Cette catégorie juridique peut être subdivisée
en plusieurs catégories (la loi ordinaire, la loi constitutionnelle). Un décret (= pris par un
ministre, ou un arrêté (= pris par une autre autorité) est quelque chose de formel. La loi
ordinaire est adoptée selon une procédure, la loi constitutionnelle est adoptée selon une
autre procédure. Le point de vue formel est ici décisif. Si un texte doit être apporté par un
décret, seuls le 1er ministre et le président sont compétents. S’il doit être apporté dans la
forme législative, il faudra que ce soit le parlement. Les textes juridiques peuvent
fortement varier du point de vue de leur contenu. Matériellement, la loi d’évolution de la
couronne d’Angleterre est constitutionnelle bien qu’elle soit formellement une loi
ordinaire.
D’un point de vue formel est formel ce qui est dans la Constitution.
D’un point de vue matériel, ce qui est dans la Constitution est ce qui concerne :
- l’organisation des pouvoirs publics,
- les garanties des libertés publiques.
Dans la majorité des cas, ce qui est matériellement constitutionnel est en général
dans la Constitution. Il peut y avoir des exceptions dans les 2 sens. Une Constitution au
sens formel peut contenir des dispositions non formelles au sens matériel. Dans la
Constitution suisse, une disposition interdit l’abattage rituel des animaux (bien que ça ne
soit pas des pouvoirs publics, ni des libertés publiques)... C’est matériellement non
constitutionnel mais formellement constitutionnel. Exemple de la loi électorale : on élu les
députés au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, ce qui est une loi ordinaire, car
en 1958, il n’y avait pas de volonté de constitutionaliser la loi électorale. C’est une simple
loi ordinaire. La manière dont les députés sont élus concerne l’organisation des pouvoirs
publics. Elle est matériellement constitutionnelle, mais n’est pas constitutionnelle au sens
formel car non dans la Constitution.
Le formel, c’est l’ensemble des matières écrites dans une Constitution, c’est ce qui
bénéficiera de la rigidité constitutionnelle, ce sont des matières dont les règles ne sont
pas modifiables sans révision. On inscrit des phénomènes qui décrivent le
fonctionnement des institutions et des règles concernant les Droits fondamentaux qui
garantissent des libertés auxquelles on ne peut toucher sans procédure complexe
(référendum, vote à la majorité de l’Assemblée nationale). Il y a plus de garanties. La
Constitution au sens formel est faite d’articles, normes et matières. Mais aujourd’hui cela
veut aussi dire les normes posées coutumièrement par le Conseil Constitutionnel. Ces
normes coutumières sont posées pour avoir valeur constitutionnelle. Le conseil

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constitutionnel donne la garantie de la rigidité constitutionnelle à des normes qui ne sont


pas dans la Constitution. C’est le bloc de constitutionalité. En France, il y a 30 ans
était formel ce qui était inscrit dans la Constitution. Aujourd’hui il y a plus de règles
posées par le conseil constitutionnel et bénéficiant de la rigidité constitutionnelle (non
modifiables sans révision formelle).
Pour ce qui est de la Constitution au sens matériel, la frontière a été déplacée :
exemple de la loi électorale pour l’élection des députés (scrutin uninominal majoritaire à
2 tours) et sénateurs qui est inscrite dans une loi ordinaire. Il n’y a donc pas de rigidité
constitutionnelle. Cela demeure matériellement constitutionnel mais ça ne l’est pas
formellement.

c) Constitution au sens descriptif et au sens normatif

Est descriptif ce qui consiste à regarder ce qui se passe et à le décrire ; c’est le


domaine de la science. La science est toujours descriptive.
L’aspect normatif est le domaine du Droit. On se préoccupe de ce qui doit se
passer. Le Droit est normatif. La science du Droit consistera à décrire un système
normatif.
 La science décrit, le Droit expose ce qui doit être.
Si la théorie scientifique implique un résultat qui ne se produit pas, on change de
théorie. En revanche, en Droit, le fait que la norme ne soit pas appliquée, cela ne change
pas la norme. Il existe une norme juridique contre les assassinats par exemple, et ce
n’est pas parce qu’un assassinat se produit que la norme sera changée…
Le point de vue normatif peut être pris en deux sens différents. Le sens descriptif
de la Constitution est le sens de la science politique plutôt que du Droit constitutionnel.
On a toujours pu regarder comment fonctionne une société. La plupart des sociétés
humaines sont organisées. Cet embryon de gouvernement fonctionne d’une certaine
matière : les règles (éventuellement non écrites) / étudiées par des ethnologues. Par
exemple, la Grèce ancienne avait des constitutions dans ce sens là. Aristote avait, dans le
cadre de sa vaste enquête scientifique, lancé une enquête scientifique sur le
gouvernement de toutes les cités (avec des monographies). A partir de là, il a écrit un
ouvrage de synthèse : La Politique d’Aristote, dont il reste les livres I à VII. On a retrouvé
une partie de la Constitution d’Athènes. Les modes de gouvernement mis au jour par
Aristote sont des constitutions au sens descriptif. Si la Constitution d’Athènes est
représentative, il y a deux parties, dont une partie historique. C’est une double
démarche, comme la nôtre : diachronique puis synchronique.
On peut appeler Constitution l’ensemble des règles écrites et non écrites
qui président au gouvernement d’un Etat ou d’un pays.
Dans cette optique descriptive, on ne privilégie pas le Droit écrit, au sens formel.
Cette démarche est nécessaire. Il arrive souvent que un ou des éléments d’une
Constitution du système politique ne soit pas nommés. Sous la IIIème et la IVème
République, dans les lois constitutionnelles de 1875 et dans la Constitution de 1946, le
mot « parti » ne figure même pas (contrairement à la Constitution de 1958 où il apparaît
à l’article 4). « Art. 4. - Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du
suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3
dans les conditions déterminées par la loi. »
Cette Constitution au sens descriptif ne correspond pas forcément à la
Constitution rigide. On peut la résumer comme ceci : c’est ce qui se passe. Le char de
l’Etat a pour moteur la Constitution au sens descriptif.
Dans le Droit constitutionnel, on ne considère pas seulement ce qui se passe, mais
aussi ce qui doit se passer. On passe au second point de vue, au point de vue normatif,
qui est définit précisément par le fait qu’on s’intéresse à la norme, à ce qui doit être. Ce
point de vue normatif peut être considéré selon deux points de vues différents. Le Droit
constitutionnel français a connu une mutation capitale dans le dernier quart de siècle.
Elle est accomplie aujourd’hui. Ce nouveau droit constitutionnel est récent. Il y en a eu

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une conception antérieure, dans les années 60-70. Jusqu’au début des années 1970, le
droit constitutionnel français n’était pas fondamentalement différent ce qu’il était au
XIXème siècle. Les textes étaient différents, mais le droit constitutionnel en tant que
discipline n’est pas pareil. Il y eu la création d’un chaire à 1832, sous le régime de Louis-
Philippe, et Pellegrino Rossi a été le premier professeur de Droit constitutionnel en
France. Dans les années 70, la discipline change :
- on étudie ce qui se passe (perspective descriptive),
- on étudie l’histoire constitutionnelle,
- on étudie des systèmes étrangers (américain et britannique).
Le Droit est absent (on n’examine pas des normes avec les conséquences qu’en
tire un juge). Il n’y a pas de juge constitutionnel. Il n’y a pas de juge de la
constitutionalité. Ceux qui font les lois peuvent faire ce qu’ils veulent (les
parlementaires), et violer impunément la Constitution. Pour que la Constitution soit
violée, il faut qu’un juge le constate. Jusqu’au début des années 1970, il n’y a pas de
contrôle de constitutionalité et elle n’a pas valeur normative. En faisant une nouvelle
Constitution, on n’a pas d’Institution (par exemple après une révolution). Le texte créé
des institutions (conseil économique et social, Assemblée Nationale, conseil
constitutionnel, président de la République…). Là, la Constitution est déjà normative, car
en décrivant des événements, elle les fait advenir. Ce premier sens normatif existait déjà
avant les années 1970 puisque banalement, cela était une Constitution.
Le nouveau Droit constitutionnel est pleinement normatif : il pose des règles
contrôlées par un juge, le conseil constitutionnel (qui rend des décisions, interprète et
créé des normes). Avec ce nouveau Droit constitutionnel, on entre dans le Droit
constitutionnel avec des normes crées et interprétées par un juge constitutionnel. La
Constitution ne peut plus être violée (en théorie). Dans la situation antérieure, il n’y avait
pas de juge, ni de jurisprudence. Le point de vue ancien était institutionnel.
Aujourd’hui, le Droit constitutionnel comporte une part de contentieux (car il y a
un juge) d’où résulte une jurisprudence. Le conseil constitutionnel est créé en 1958. Mais
il a fallu du temps pour que les acteurs se mettent en place et que le Conseil
constitutionnel s’enhardisse. Les conditions principales posées en 58 se mettent en place
dans le milieu des années 70. Il y a 3 stades :
- sens descriptif  qu’est-ce qui se passe ?
- sens normatif faible (ancien Droit constitutionnel). On a une Constitution qui dit
ce qui doit être mais qui s’intéresse essentiellement à la création des Institutions. Il n’y a
pas de juge, pas de normes respectées, pas de contrôle du respect de ces normes.
- sens normatif fort. C’est le cas où il existe un juge, où les règles
constitutionnelles deviennent des normes au sens fort et où un juge peut en tirer des
conséquences.
Le Droit constitutionnel normatif arrive au niveau qu’un juge pourra dire qu’une loi
est contraire à la Constitution. Auparavant, on ne parlait pas de Constitution normative.
Elle existait dans des systèmes étrangers. Dans l’arrêt Marbury v. Madison (arrêt 5 U.S.
137) rendu le 24 février 1803, la cour suprême des Etats-Unis affirme qu’elle a le pouvoir
de contrôler la constitutionalité des lois.
En France, la chose n’existe pas jusque dans les années 1970. Le Droit
constitutionnel fonctionne comme un système normatif aujourd’hui.

III – La démocratie

● On prend souvent des sens différents. Le mot « démocratie » est utilisé dans un
sens vague, qui correspond aux Droits de l’Homme. On a tendance à penser que la
démocratie, c’est le respect des Droits de l’Homme. On peut aussi avoir une autre
définition de la démocratie : que le peuple gouverne. Ce peuple peut ne pas respecter les
Droits de l’Homme (et inversement, il peut y avoir des Droits de l’Homme mais pas de
démocratie). Il y a donc la démocratie en tant que respect des Droits de l’Home et
démocratie en tant que gouvernement du peuple.  La société idéale recoupe les deux
aspects.

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● Ne pas confondre non plus République et démocratie. Cela peut aussi coïncider
et diverger. Une République peut être démocratique, tout comme une monarchie (GB par
exemple). Mais une oligarchie (= gouvernement de quelques uns) peut faire fonctionner
une République (comme la République romaine par exemple, où la IIIème République en
1870). « La République sera conservatrice ou ne sera pas » Adolphe Thiers.

a) L’idée de démocratie

Abraham Lincoln : « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple


et pour le peuple. » Le problème ici est de savoir ce qu’est le gouvernement, et plus
précisément ce qu’est ce gouvernement du peuple ?
● Gouvernement : gouverner, c’est prendre des décisions concernant une
collectivité (une commune, une entreprise, une famille), ici un Etat, des décisions qui
concernent la collectivité dans son ensemble et qui peuvent s’imposer à autrui, même
quand certaines personnes ne sont pas d’accord. Ceci n’est pas un mystère surtout si le
pouvoir est unique (un roi par exemple). Avec l’idée du peuple, cela se complique.
Gouverner est simple quand un petit groupe est au pouvoir. Avec la notion de peuple, on
a une collectivité qui fait son apparition. Le peuple se gouverne et est gouverné : il
exerce un pouvoir sur lui-même.
● Etudions la formule de Lincoln : « du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
La première partie (« du peuple ») est ambiguë. C’est un gouvernement qui
s’exerce sur le peuple (par un roi par exemple) ? Tout gouvernement dans l’Etat est par
nature « du peuple ». Dans un deuxième sens, c’est le gouvernement exercé par le
peuple. Alors la formule se confond avec l’expression « par le peuple ». On peut donc
éliminer la première expression.
La troisième partie (« pour le peuple ») qui se préoccupe des intérêts du peuple,
suppose, comme le gouvernement est « par le peuple » qu’il s’occupera de ses intérêts.
On peut créer un gouvernement pour le peuple qui n’est pas exercé par le peuple
(exemple des despotes éclairés : Léopold II, Catherine II. Ils étaient progressistes et
voulaient faire reculer l’obscurantisme). Avec ces despotes éclairés, on a l’exemple d’un
gouvernement « pour le peuple », mais non « par le peuple ». Le totalitarisme soviétique
se prétend aussi « par le peuple », mais ne lui demande pas ce qu’il veut (on impose
alors par la violence). Si le gouvernement s’impose par le haut, le gouvernement peut
aussi être « pour le peuple ».
Pour ce qui est de la partie centrale, « si le gouvernement est pour le peuple, il est
par le peuple, sinon il n’est pas du peuple ».
En conclusion, c’est une formule redondante et on peut éliminer deux éléments et
conserver l’élément central « par le peuple ». La démocratie, c’est le gouvernement
par le peuple gouvernant et gouverné.
● Comment une collectivité de plusieurs millions peut-elle gouverner ? La
démocratie (en grec) signifie le « pouvoir du peuple ». Les Grecs l’ont inventé comme la
politique d’ailleurs. Cette politique pouvait se réaliser de façon diverses et ça n’était
qu’un système parmi d’autres (des cités étaient gouvernées par des monarchies ou des
oligarchies (oligos=quelques uns)). La Cité phare d’Athènes est justement organisée sous
la forme d’une démocratie. Le peuple (l’ensemble des citoyens actifs), c’est-à-dire les
hommes, athéniens (on est athénien uniquement si les deux parents le sont) et non les
étrangers (pas de naturalisation possible). C’était une société esclavagiste. Le peuple au
sens de l’Athènes ancienne est une petite minorité de la population (un dixième soit
10000 personnes). Le régime démocratique d’Athènes était souvent contesté. Les
témoignages conservés sont tous hostiles à la démocratie. Selon Platon, c’était un
mauvais gouvernement qui donnait le pouvoir au plus grand nombre et aux individus les
moins instruits et les moins capables de prendre des décisions. Platon défend une idée :
la comparaison du gouvernement et de la médecine. Le médecin est l’expert qui connaît
la maladie et qui pourra sauver. Le gouvernement est une science, et quand il faut
gouverner, on doit confier ce gouvernement à des experts qui prendront les bonnes
décisions. Cette idée subsiste encore aujourd’hui. Cet argument de la compétence
consiste à dire qu’il faut confier le pouvoir aux experts. Historiquement, ce qui a renversé

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cette argumentation, c’est Jean-Jacques Rousseau, dans la deuxième moitié du XVIIIème


siècle. Selon lui, le peuple a le Droit de gouverner. La démocratie est légitime car les
individus ont le Droit d’avoir leurs opinions dans des décisions les concernant. Le seul
gouvernement légitime est démocratique (selon Platon, le gouvernement efficace est
celui d’Aristote). On dira qu’un régime démocratique se caractérise par le fait que tout le
monde a un Droit subjectif à donner son opinion. Il y a une distinction entre des questions
scientifiques et des questions proprement politiques où le Droit importe. L’idée de
démocratie est fondée en théorie avec Rousseau. Il y a des différences d’ordre pratique
dans le système de Rousseau. Son œuvre de philosophie politique n’est pas achevée car
il décrit un idéal mais ne dit pas comment le mettre en pratique, d’ailleurs, c’est un
penseur pessimiste.
● Comment faire concrètement pour que le peuple gouverne ? Ici se pose le
problème de la volonté du peuple. En effet, lorsque l’on parle de la volonté d’un individu,
c’est clair. Mais la volonté collective ? Ce pourrait être la volonté unanime. Cette
probabilité est rare. Plus le nombre d’un groupe s’accroît, moins l’unanimité est probable.
Par exemple, dans un groupe s’expriment deux volontés. L’une (5 personnes) d’aller au
restaurant, l’autre (7 personnes) d’aller au cinéma. Une solution possible est de
demander et compter les volontés. On a l’addition des volontés, mais pas l’unanimité. Ou
les groupes se séparent (et pas de volonté collective), ou ceux qui sont qui sont en
minorité restent et vont au cinéma, on parle alors de volonté collective. La différence
entre la volonté collective et la volonté individuelle est que la volonté collective est
construite alors que l’individuelle est spontanée. Des procédures sont nécessaires pour
que la volonté collective se manifeste. Elle implique le principe de la majorité (par
exemple dans les assemblées législatives, c’est la volonté majoritaire qui est celle de
l’assemblée). C’est la majorité de la collectivité qui parle au nom de la collectivité toute
entière. Il va falloir se mettre d’accord. Pour qu’il y ait une volonté collective, il faut
formuler une question et déterminer comment la réponse est donnée.

b) La mise en œuvre constitutionnelle de la démocratie :


démocratie directe, semi-directe et représentative

● La démocratie directe : c’est un idéal. C’est ce qui se passait à Athènes. On ne


peut le reproduire dans des sociétés modernes. Elle concernait potentiellement 10 000
personnes. Toutes ces personnes n’avaient pas pu rentrer là où se réunissait le peuple.
Elles ne venaient pas toutes à l’Assemblée, car elles avaient un travail et il y avait donc
un fort absentéisme. Une assemblée de 2000 à 3000 personnes est une assemblée où il
peut y avoir une discussion collective. Dans les assemblées on discute sur des projets
élaborés. Il faut qu’une motion soit proposée et qu’il y ait un vote oui/non. Ce travail est
réalisé par le Conseil (composé d’à peu près 500 citoyens tirés au sort car on attribuait
peu de confiance au vote) qui proposait une délibération. Ce travail prépondérant pouvait
être refusé par l’assemblée. La réponse est souvent dans la question (par exemple la
question de la CGT aux employés SNCM : voulez-vous reprendre le travail pou éviter le
dépôt de bilan ?). Si l’assemblée ne peut reformuler la question, il est manipulé. Dans la
démocratie athénienne, les citoyens pouvaient reformuler la question, c’est de la
démocratie directe.
● La démocratie semi-directe : dans le cas du référendum par exemple, les
citoyens décident eux-mêmes de la réponse (positive ou négative). On n’a aucun pouvoir
sur la formulation de la question. On a la maîtrise de la réponse et non de la question. La
démocratie semi-directe pose le problème de la maîtrise de la réponse. Il n’y eu pas de
démocratie directe depuis Athènes. La semi-directe est rare (le référendum).
Le « recall » aux Etats-Unis permet de renvoyer chez eux les gouverneurs d’Etats
n’ayant pas donné satisfaction (on en a parlé longuement en Californie pour Arnold
Schwarzenegger). A une question posée, le peuple peut destituer un élu.
L’initiative populaire, c’est le fait que des citoyens prennent l’initiative de poser
une question. Les exigences sont plus ou moins grandes et prévues par la Constitution.
Par exemple, quelques centaines de milliers de citoyens doivent signer une pétition. Ce

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n’est pas une démocratie directe car c’est un comité qui prend l’initiative de formuler la
question.
Mais avec ces deux démocraties, on n’a encore rien dit sur les démocraties
contemporaines. En Allemagne, la démocratie directe est inconnue, en Angleterre il n’y a
eu qu’un référendum en 1975 sur l’adhésion à la CE. Celui sur la Constitution européenne
aurait dû avoir lieu, mais le « non » français les a fait changer d’avis. En Amérique, la
démocratie directe est connue au niveau fédéral. En France, la procédure semi-directe
est exceptionnelle. En 58, De Gaulle voulait en faire une habitude, mais ses désirs n’ont
pas été suivis. C’est en Suisse que l’on connaît la démocratie semi-directe de façon
fréquente.
● La démocratie représentative : le mot représentatif est ambigu. Il a deux
significations. A la fin du XVIIIème siècle, c’est l’invention des systèmes représentatifs.
On veut dire que dans ces systèmes, les gouvernants représentent les citoyens, mais ils
ne parlent qu’en leur nom. Rousseau est tout à fait contre ça. La mission du représentant
est de parler au nom des autres. Les citoyens ne peuvent faire directement les Lois et
doivent déléguer leurs pouvoirs. Les représentants « veulent » à la place des gens. A la
fin du XVIIIème, c’est quelqu’un qui veut, qui fait la Loi en lieu et place des citoyens. C’est
dans ce cas là que l’on parle de mandat représentatif.
Aujourd’hui, c’est différent. Dans les sondages, un échantillon représentatif n’est
pas un échantillon qui la Loi à la place des gens mais un nombre de gens pris dans une
collectivité. C’est un système pour éviter d’interroger 10 millions de personnes une par
une. Les sondeurs ont mis au point des techniques pour avoir un résultat à peu près
fiable avec le moins de personnes interrogées. Les instituts de sondages sont des
entreprises commerciales qui ne sont pas intéressées par les avis des gens. On fabrique
un modèle réduit, avec des paramètres significatifs : l’âge, le sexe et le statut
socioprofessionnel. Si dans une société donnée, il y a 5% d’agriculteurs, on en interrogera
5 dans l’échantillon. Aujourd’hui, on confond ces deux idées. Elles sont distinctes car on
peut être représentant au premier sens mais pas au deuxième. Dans un grand nombre de
cas, on reproche aux gouvernants de ne pas être représentatifs et on mélange ces deux
sens.
Représentatif  c’est la représentation (parler au nom des autres).
Représentatif  au sens de la représentativité (échantillon).
L’exemple de la parité, c’est l’exigence de représentativité. C’est le fait de dire
que parce qu’il y a 50% de femmes et 50% d’homme, il faut le même nombre
hommes/femmes parmi les représentants.
Cette notion de représentativité peut s’étendre à la communauté, où l’on réserve
à des minorités des places dans des systèmes électifs. Il arrive qu’il y ait confusion entre
représentation et représentativité (et cette deuxième notion tend à chasser la première).
Par exemple, nos hommes politiques ne sont pas représentatifs des Français, car ils
avaient appelé à voter OUI en majorité, et que les Français ont voté NON. On reproche
aux représentants de ne pas penser la même chose que la majorité des Français.
Objectivement, ils ne font pas ce que la majorité de la population voudrait qu’ils fassent
au nom de la représentation. Chez les citoyens, il y eu 55% de non, alors que chez les
représentants, il n’y eu entre 10 et 15% de oui… Cet écart statistique marque une
absence de représentativité.
Deux problèmes se posent dès lors qu’on admet l’idée de représentation :
- de savoir comment sont désignés les représentants.
- primordial au XVIIIème, quelle est la nature du lien juridique qui unit les
représentés aux représentants ?
Aujourd’hui, il n’y a aucun doute sur la manière de désigner les représentants car
c’est l’élection au suffrage universel masculin et féminin. Il n’en a pas toujours été ainsi.
En 1791, on déclare que le Roi est représentant, or il n’est pas élu ! Louis XVI a été
imposé par l’histoire, et si la monarchie constitutionnelle avait durée, son fils aurait régné
après lui. Il n’est pas étonnant de dire que Louis XVI représentait le peuple alors qu’il n’a
pas été élu. Il n’y a pas de lien entre représentants et élections.
Dans le système de 1791, les juges sont élus et ne sont pas représentants comme
les maires par exemple. Le représentant, c’est celui qui fait la loi pour les autres citoyens.

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A la fin du XVIIIème, il n’y a pas de lien nécessaire entre l’élection et la représentation.


C’est petit à petit que le lien va se faire.
Dans la situation contemporaine, un représentant doit être élu. Entre temps, on a
accepté l’idée de démocratie. L’exigence démocratique est une exigence beaucoup plus
récente que 1789 et 1875. Selon Bergson, on projette sur le passé ce que l’on tient du
présent. C’est parce que l’on veut un système démocratique qu’on considère qu’on élu
les représentants (et que cela se passe comme ça depuis longtemps).
● Quel lien juridique uni le représentant et le représenté ?
Ce lien va être défini au XVIIIème par le concept juridique de mandat. C’est une
institution juridique du Droit civil, on sait ce que c’est lorsqu’un individu donne un mandat
à un autre pour faire un acte juridique (pour vendre, négocier…). Le mandant est celui
qui donne le mandat, et le mandataire est celui qui reçoit le mandat. Une difficulté dans
le mandat de Droit civil, c’est qu’il y a une responsabilité vis-à-vis du mandant. Si le
mandataire trahit le mandant, il peut être poursuivi en justice et être tenu pour
totalement responsable. Si les élus sont responsables de toutes les actions néfastes pour
chacun d’entre nous, nous avons une raison pour leur faire un procès. On ne peut
admettre que les représentations, les responsables, politiques soient responsables de
toutes leurs actions.
● Quel contenu donner au mandat ?
Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, on a eu deux idées :
- le mandat représentatif,
- le mandat impératif.
Le mandat impératif consiste à dire que le mandant lie le mandataire par le
mandat. Le mandant est entièrement lié. S’il y a un débat sur la peine de mort, le
mandataire votera suivant les instructions de ses électeurs, ou il sera destitué. S’ils n’ont
rien dit, il ne dira rien. C’est un porte-parole. Au XVIIIème, on l’appelle le député. C’est un
télégraphiste, il porte un message (à ne pas modifier, ni remplacer, ni compléter).
Le mandat représentatif fait que le mandataire est désigné par l’électeur mais il
fait ce qu’il veut. Pendant la Législative, le marquis de Condorcet (un philosophe) est
donc élu. Un jour à l’assemblée, il voit arriver une délégation de ses électeurs. Ils donnent
l’opinion des électeurs et lui demandent de voter comme ceci. Mais, cela est incompatible
avec le mandat représentatif. Furieux, il monte à la tribune et s’insurge : « Vous m’avez
envoyé ici pour faire ma volonté et non la vôtre ». Cette phrase dit de façon ce qu’est un
mandat représentatif. Est représentant représentatif celui dont la volonté se substitue à
celle des représentés.
Ces modèles théoriques ne fonctionnent cependant pas. L’impossibilité de faire
fonctionner le mandat impératif s’impose tout de suite. Si les mandants n’ont pas les
instructions, ils ne peuvent pas se décider. Avec un mandat impératif, les députés ne
peuvent discuter à propos d’une virgule, les porteurs du mandat ne peuvent rien faire. Ce
n’est pas compatible avec le système. Il faudrait par exemple, pour des députés
marseillais, reprendre la diligence pour Marseille, réunir les mandants et leur redemander
leur avis. Même en TGV, cela est très compliqué. En 1789, les membres de l’assemblée
constituant écartent le mandat impératif, en adoptant l’article 6 de la DDHC : « Tous les
citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa
formation ». On adopte donc le mandat représentatif dès août 89.
Au départ, on a le mandat représentatif et Condorcet. Au cours du XIXème, on
prend conscience d’un phénomène étonnant, dans un article célèbre d’un
constitutionaliste, Adhémar Esmein, dans le premier numéro de La Revue de Droit public
(1896) appelé « deux formes de gouvernement » où il explique qu’au fond, le mandat de
nos élus n’est plus, contrairement à ce que le Droit affirme un mandat purement
représentatif, mais semi représentatif. Le gouvernement représentatif, c’est celui de
Condorcet. Dans la pratique, le véritable gouvernement tel qu’il fonctionne est différent.
Les élus sont obligés de tenir compte des volontés des électeurs, jusqu’à un certain point.
Juridiquement, le mandat reste représentatif. Politiquement, il y a une certaine
subordination de l’élu à l’électeur.
D’un point de vue juridique, le mandat est purement représentatif.
D’un point de vue politique, le mandat est semi représentatif.

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La notion de réélection : juridiquement, c’est la même chose que l’élection.


Politiquement, en se présentant pour être réélu, on est appelé le sortant (la prime au
sortant lorsque c’est positif pour le candidat d’être sortant). Si Condorcet veut un
deuxième mandat, on peut imaginer que ses électeurs ne sont pas contents et qu’ils
disent : nous ne pouvons vous faire un procès pour vos décisions et rien n’exige que nous
votions pour vous. L’électeur prend conscience que son pouvoir a une influence et peut
choisir un autre candidat. Si l’électeur n’est pas satisfait de la manière dont il a été
représenté, il peut voter contre un sortant, pratiquer un « vote sanction ». Si on veut se
représenter, il ne faut pas heurter le sentiment des électeurs. Cette exigence est souple,
modulable, mais elle existe. Aujourd’hui, dans la réalité des choses, les électeurs
manifestent une certaine volonté et les élus sont obligés de tenir compte jusqu’à un
certain point des volontés de leurs électeurs.
C’est dans cette notion de mandat représentatif qu’il y a de la démocratie. Mais si
les élus ne prenaient pas en compte les idées de leurs électeurs, ce ne serait plus une
démocratie représentative. Si les électeurs ne peuvent rien dire, on n’est pas dans une
démocratie représentative. C’était ce que pensaient les théoriciens au XVIIIème siècle.
L’abbé Sieyès oppose de façon explicite la représentation à la démocratie. La démocratie
représentative est une contradiction. Le mandat semi représentatif est la seule chose à
travers laquelle existe concrètement la démocratie.

c) La séparation des pouvoirs

C’est une technique constitutionnelle, c’est-à-dire un procédé de mise en


œuvre dans l’élaboration des Constitutions. C’est en même temps une répartition des
pouvoirs. Un pouvoir est tyrannique lorsqu’il est absolu. C’est l’image du souverain
d’Ancien Régime, qui est Roi, législateur (il fait la Loi), exécutif (il agit et décide de faire
la guerre) et est juge (judiciaire / il délègue son autorité à des parlements, à des cours).
Saint Louis jugeait parfois le dimanche, symboliquement, pour rappeler qu’il était le
pouvoir judiciaire. En théorie, le Roi d’Ancien Régime a tous les pouvoirs. Or, disent les
philosophes du XVIIIème siècle, ceci est despotique. Pour qu’un régime soit légitime, il
faut que ses fonctions de l’Etat soient distinctes, c’est-à-dire qu’on les confie à des
pouvoirs différents. Si le juge est celui qui fait la Loi, il peut juger comme il veut ! Se
développe alors une théorie : dans l’Etat, il y a des fonctions différents et elles doivent
être séparées. Cette théorie se développe au XVIIIème siècle avec le philosophe anglais
John Locke (fin XVII, début XVIIIème) qui a proposé une première description de la
séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs. Plus tard, Montesquieu distingue trois
puissances et dans un texte ultra célèbre, chapitre 6 de L’Esprit des Lois (livre 11), Il va
donner une version classique de la notion de séparation des pouvoirs. Ce qui est nouveau
au XVIIIème, c’est l’insistance sur l’aspect normatif, exprimé à l’article 16 dans la
déclaration du 26 août 89, « toute société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Ce texte
est souvent lu à contresens car on pense qu’une Constitution sans séparation des
pouvoirs est mauvaise, mais il est à prendre au pied de la lettre : la Constitution, c’est
la séparation des pouvoirs. S’il n’y a pas d’organes distincts, il n’y a pas de
Constitution. Au moment de la Révolution, la consécration de cette séparation est
essentielle. La séparation des pouvoirs est descriptive car elle décrit les différentes
fonctions, elle est normative, car sans elle, il n’y a pas de Constitution.
● L’idée de Montesquieu :
Il y a trois pouvoirs hiérarchisés de telle manière que l’un est principal (législatif)
et les deux autres sont subordonnés (exécutif et judiciaire). Ce n’est pas la conception
moderne (exécutif > législatif > judiciaire). Selon Montesquieu, le pouvoir législatif est le
premier car il fait la Loi et pose la règle supérieure. Les pouvoirs subordonnés appliquent
cette règle. Ces pouvoirs sont des pouvoirs d’exécution. Un agent d’exécution obéit et ne
pense pas. C’est dans ce sens limitatif que Montesquieu prend le pouvoir exécutif. Il
évoque des pouvoirs de politique étrangère. L’exécutif est en charge de la guerre mais il
n’agit pas à l’intérieur autrement qu’en appliquant les Lois. Montesquieu, bien qu’il soit
magistrat, n’idéalise par le pouvoir judiciaire. Il dit même en ce qui le concerne que c’est

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une personne nulle : « le juge est la bouche de la Loi ». Les Codes ne parlent pas tout
seuls. Le juge n’a aucune initiative propre et se contente d’appliquer la Loi. Le juge n’a
pas de capacité d’action propre et ne doit pas en avoir. Dans la conception de
Montesquieu, ce système avec prééminence du législatif doit suffire à faire régner la
liberté dans la société. Une idée n’est cependant pas évoquée, l’idée de justice
constitutionnelle.
● Problème selon la vision d’aujourd’hui.
La règle juridique est générale et abstraite. Elle doit être la même pour tous selon
la philosophie des Lumières. Le premier acte de la Révolution sera d’abolir les privilèges
et de poser le principe d’égalité devant la Loi. Mais si elle est la même pour tous, le
législateur est lui-même soumis à la Loi. Si on fait une Loi qui s’applique nécessairement
à soi-même, on ne va jamais faire une Loi mauvaise. Avec un pouvoir législatif
prééminent, cela suffit à garantir la liberté. La Loi est générale et son existence suffit à
évider l’arbitraire. Cette vision des choses a explosé avec la Révolution française. La
seconde Révolution, qui abolit la Constitution invente le concept de terreur, qui se
développe sans que l’existence d’une Loi générale puisse l’empêcher. Finalement, une
confiance trop grande fut accordée au régime construit.
Le premier exemple est la Constitution des Etats-Unis directement issue de la
théorie de Montesquieu. Les rédacteurs de la Constitution veulent mettre en place la
Liberté. Ce système ne peut être monarchique (surtout avec la rupture en Angleterre). La
contrainte qui s’exerce sur les Américains est inverse à la situation en France (obligés de
faire avec un Roi), car ils sont obligés de faire sans Roi. Les Américains créent un système
nouveau, sans précédent, sans Roi. A partir de cette contrainte, la deuxième Constitution
est rédigée (auparavant c’était une confédération) dont la principale philosophie est la
distinction des branches mettant en œuvre directement la théorie de Montesquieu.
On décrit le système américain d’une façon qui n’est pas satisfaisante en France.
Dans les 25 dernières années, l’idée était que ce système américaine était moins un
système de séparation des pouvoirs qu’un système d’équilibre ? L’idée de séparation
est-elle un clivage absolu ou des pièces d’un moteur travaillant ensemble ? Est-ce une
coupure ou une mise en réseau ? Ils sont présumés être les rouages d’un même système.
Ce qui prévaut dans la Constitution américaine est l’idée d’équilibre des pouvoirs à l’idée
de séparation des pouvoirs. On dit que la Constitution américaine est une conception
rigide de la séparation des pouvoirs mais c’est trompeur. C’est dit pour opposer au
régime parlementaire. Aux Etats-Unis, le parlement (Congrès) ne peut pas renverser
l’exécutif et l’exécutif ne peut dissoudre le parlement. C’est la séparation rigide. Au-delà,
l’idée est trompeuse car il n’y a pas de cloisonnement mais une interprétation, un
équilibre permettant à chacun d’aller du côté de l’autre. Chacun des pouvoirs a besoin
des pouvoirs de l’autre.
Le président a un droit de veto : il peut bloquer la mise en œuvre d’une loi du
Congrès. Il n’y a pas de mur entre exécutif et législatif. L’inverse marche aussi : le
pouvoir législatif pénètre dans l’exécutif par l’intermédiaire du vote du budget. L’exécutif
ne fonctionne que grâce aux deniers publics, aux crédits, alloués par le législatif.
Les deux peuvent intervenir sur le territoire de l’autre. Le Sénat des Etats-Unis
refusa de ratifier le Traité de Versailles. Il y a pénétration réciproque et cet équilibre est
mouvant car selon les conjonctures, pouvoirs du Congrès et pouvoirs présidentiels
fluctuent (il y avait un pouvoir présidentiel fort avec Nixon). Il importe de voir que le
système a été interprété comme une collaboration entre les pouvoirs.
En Europe, au contraire, cette interprétation fut différente. En 1791 (1 ère
Constitution), la théorie de Montesquieu est interprétée différemment. Il y a une
séparation nette entre les pouvoirs. Chacun est spécialisé. C’est à l’origine d’une tradition
où l’on se méfit de l’exécutif. On pense qu’il est liberticide et il y a une tendance de
défiance à son égard. Avec la première Constitution, il y a une séparation rigide.
Ce système de 1791 disparaît très vite et on met en place un autre système,
parlementaire. C’est l’Angleterre qui invente le régime parlementaire. Il faut rappeler
qu’il est le fruit d’une très longue évolution par strates successives. On réduit le pouvoir
du monarque par le pouvoir du parlement. Il y a tout de même deux révolutions, la

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première fois, le Roi est décapité, la deuxième fois, il est chassé en France. Ils arrivent
finalement dans un système où le pouvoir du Roi est renié par le Parlement.
Il y a la mise en place progressive d’un parlementarisme dualiste avec un premier
ministre qui va exercer le pouvoir exécutif grâce à la double confiance du monarque (le
titulaire de l’exécutif) et du parlement (législatif). C’est un pouvoir dualiste.
Il y a aussi une évolution vers la responsabilité politique. Quand quelque chose ne
plaisait pas, on faisait un procès suivi souvent par une décapitation du ministre. C’est la
responsabilité pénale. S’en suit l’idée de responsabilité politique que les Anglais
inventent : le ministre en question n’est plus décapité mais renversé. Le titulaire du
gouvernement va être renvoyé par le parlement, sans être accusé car il ne fait pas la
politique souhaitée par le gouvernement. C’est ça la responsabilité politique.
Aujourd’hui, on ne sait plus très bien ce que c’est, et elle tend à disparaître. Au
XVIII, le parlementarisme moniste fait son apparition, c’est l’effacement du pouvoir
monarchique. Le parlement est le seul maître du pouvoir, du système et agit sans le
contrôle du gouvernement. C’est le législatif qui gouverne à travers l’exécutif.
● Séparation des pouvoirs ou pouvoir unique ?
On invente la séparation souple des pouvoirs. Le système parlementaire est une
séparation souple des pouvoirs. C’est une rustine pour ne pas perdre l’idée de séparation
des pouvoirs. Ce système existe avec la possibilité pour le parlement seul de renverser le
gouvernement. Ce système va fonctionner avec une alternance politique (en deux partis
en Grande-Bretagne) et comme le gouvernement change (avec les changements des
majorités) tantôt libéral, tantôt conservateur, c’est le premier ministre qui détermine la
couleur du gouvernant.
Au départ, l’exécutif était soumis au législatif et à la fin, c’est l’inverse. Le vrai
chef est le premier ministre qui impose sa volonté à la majorité parlementaire.
On a donc, chronologiquement :
 le pouvoir du Roi, puis
 le pouvoir parlementaire,
 le pouvoir dualiste,
 le pouvoir moniste,
 le pouvoir de l’exécutif.
En France, c’est la IIIème République qui créée un régime parlementaire (différent
du régime britannique). On voulait un système dualiste en 1875, en vain, et dès 1877 on
a un parlementarisme moniste avec prééminence du législatif, un système qui durera
jusqu’en 1958 (moment où se pose le problème de la faiblesse de l’exécutif auquel la
Constitution de 1958 donnera une solution provisoire).

 La séparation des pouvoirs est essentielle depuis le XVIIIème siècle car c’est
une valeur garantissant la liberté, valeur marginalisée avec le développement du contrôle
de la constitutionalité, mais ayant touché des régimes différents (GB, France), et aussi
différents qu’ils soient, ils se réclament du concept de séparation des pouvoirs.

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PARTIE II

Remarques générales

En l’an 1000, Hugues Capet prend le pouvoir et cela ne changera pas jusqu’en
1789. L’impression de continuité est cependant trompeuse, car les gouvernements de
Louis XV et de Louis XVI n’ont plus rien à voir avec les précédents. Après 1789 il y a une
instabilité constante, résumée au milieu du XIXème siècle par Prévost-Paradol, dans La
France moderne en ce mots : « La Révolution a créé une société, elle cherche encore ses
institutions ». Le Code civil a encore été célébré pour son bicentenaire. Il y a une idée
d’égalité devant la loi que personne ne remet en cause. Les institutions changent tout le
temps. La société est stable mais les institutions changent. On a un total de 21
Constitutions en un peu plus de deux siècles ! On rencontre des problèmes de comptage,
par exemple la Constitution de l’An I, dite montagnarde, fut adoptée mais jamais mise en
vigueur. L’acte additionnel aux Constitutions de l’Empire que Bonaparte fait adopter
pendant les cent jours est adopté mais disparaît après la défaite de Waterloo. Il y eu des
régimes intérimaires (la Convention). De Juin 58 à Février 59, c’est une période transitoire
où les institutions de la IVème République fonctionnent mais où celles de la Vème
République ne fonctionnent pas encore. Elle n’entre en vigueur que le 5 février 59. On
peut ajouter les projets de Constitution. Finalement, dans la mesure où les régimes sont
nombreux, ils durent peu.
La France a été un laboratoire constitutionnel. Certaines révolutions furent
violentes. L’ancienneté est une vertu, par exemple aux Etats-Unis, la Constitution est
considérée comme un chef d’œuvre de l’intellect humain. En France, on ne peut la
vénérer car elle dure depuis peu. La IIIème République s’effondre car les armées
allemandes ont des divisions blindées qui vont rompre le front français. C’est aussi la
faute aux dirigeants de ne pas avoir doté l’armée de blindés… La France souffre au
XIXème siècle d’un doute sur la légitimité des gouvernements. Il y a un conflit entre la
légitimité républicaine, la légitimité monarchique et la légitimité impériale (des
Bonaparte), qui se veut héréditaire et démocratique (même plus démocratique que la
IIIème République). Le moteur de l’instabilité constitutionnelle est l’insatisfaction. En cas
d’insatisfaction, on a l’idée que quelqu’un d’autre pourrait gouverner mieux. La fin du
XIXème siècle vient du manque de crédibilité des trois compétiteurs. Il y eu trois cycles :
- La première phase fut inaugurée en 89 avec une phase de domination de
l’assemblée nationale, puis une stricte séparation des pouvoirs (le directoire) puis la
domination de l’exécutif (empire de Bonaparte).
- Suit un cycle où l’on rejoue la même pièce : la monarchie, la république, puis le
Second Empire. A la chute de l’Empire, les choses changent car dans les années 70 du
XIXème siècle, on était près d’une restauration monarchique qui a échoué. On met en
place la IIIème République, conservatrice. Empire et monarchie disparaissent. A partir de
là, il n’y a plus d’alternative, la solution est la République.
- Il ne peut y avoir d’alternative que le régime républicain, avec une République
avec prépondérance de l’assemblée nationale puis une république avec prépondérance
de l’exécutif.
On n’imaginait plus l’idée de changement de République car la situation
ressemblait à une évolution à l’américaine. Le gouvernement lui a changé (depuis G.
Washington jusqu’à Bush II). Cette évolution ne s’est accomplie que par des
changements marginaux, avec des changements de Constitutions (difficiles à obtenir). En
est-il encore ainsi ? Selon certaines, il faut une VIème République.

Chapitre I : L’Ancien Régime

En quel sens on pouvait dire que l'ancien régime avait une Constitution ?
La Constitution était matérielle, coutumière. Les lois fondamentales du royaume
on les invoquait comme une Constitution coutumière de la France. Elles n'étaient pas
écrites. Du coup, il y avait un certain nombre d'incertitudes. Elle portait sur deux points :

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- Ordre de succession au trône.

Principe de la loi salique. C'est-à-dire que les femmes n'avaient le droit de monter sur le
trône. Cette loi est née à la suite de la mort de Louis X. Son frère régna, ensuite un autre
frère puis un cousin. Donc, si le roi n'a plus de frère c'est au cousin de prendre le trône.
Une femme ne peut transmettre la couronne. Le roi est saisi par la couronne, autrement
dit, l’héritier du trône ne pouvait la refuser et abdiquer. La monarchie anglaise, elle,
connaît le principe d'abdication. C'est une vraie question car Louis XVI ne voulait pas
régner !

En 1715, Louis XIV meurt (il a régné plus longtemps que la troisième République!).
Durant ce long règne, il a vu mourir son fils et son petit fils et donc laisse à sa mort un
enfant en bas âge: Louis XV. Mais va-t-il vivre sans père, ni grand père ? Louis XIV va
dans son testament écrire que la couronne est décernée à ses bâtards. Au moment où il
meurt, le parlement de Paris va directement se réunir et là, il va déchirer le testament et
va donner la couronne à son neveu : Philippe d'Orléans.

-Le statut juridique du domaine royal.

Inaliénable : on ne peut pas vendre.


Indivisible : on ne peut pas la diviser
Imprescriptible : pas de prescription : « au roi un jour, au roi toujours ! »

Ces règles vont être reprises par le domaine public.

Qui pose les lois fondamentales du royaume ?


Le roi est le souverain ! Mais il a besoin du consentement des parlements. Le
parlement de Paris va soutenir cela. Et donc, cela avec le consentement des États
généraux.
De la minorité de Louis XIII, les États généraux ne seront plus. Au XVII et
XVIIIème siècle elle devient mythique . Mais beaucoup la réclame nécessaire pour
changer les lois fondamentales. Les lois fondamentales ont pour objet unique le salut de
l'État. En revanche, aucun aspect des Droits de l'homme. Et donc, en 1789, cela est
nouveau.
Réponse à la question à il y a t'il une Constitution ?
= Si on parle d'une Constitution coutumière oui mais sinon non.

Chapitre 2 : La Révolution

C'est un fait juridique et une période de l'Histoire. Elle va de 1789 jusqu'à la proclamation
du premier empire.

a) la chute de l'ancien régime (fait juridique)

L'ancien régime est difficile. Le roi avait mal à gouverner. La situation financière était
catastrophique. L'État emprunte de plus en plus d'argent aux particuliers. Il n'arrive plus
à payer la dette. On parle de banqueroute. Pour sortir de cette situation il faut réformer
les finances de l'État et donc on fait des r réformes fiscales : les riches doivent payer des
impôts. Mais, pour cela il faut réunir les États généraux (qui n'avaient pas été réunis
depuis plus de deux siècles). On va demander aux citoyens d'écrire des cahiers de
doléances.
Rappelons que nous sommes dans une société d'ordres. Il y en a 3
-le clergé
-la noblesse
-le tiers-état
Et chaque ordre a ses propres lois.Le Tiers-état est composé de riches mais
également de très pauvres. Ces différents ordres vont rédiger séparément des cahiers de

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doléances. Les États vont se réunir ordre par ordre (délégués de noblesse, du clergé,
tiers-état). Le contenu est très divers: beaucoup parlent de Constitution, mais cela est
ambigu, on parle de beaucoup d'abus aussi. Mais personne ne réclame l'abolition de la
monarchie.
Suite à cela, les États généraux vont se proclamer assemblée constituante.

Le Roi acceptait pour des raisons financières de convoquer les Etats Généraux. Ils
vont arriver porteurs des cahiers de doléances (ordre par ordre) et dans lesquels la
population exprime ses doléances (son mécontentement) et demande des améliorations.
Les Etats Généraux de la monarchie ne sont pas là pour abolir la monarchie mais pour
améliorer la situation. Quel est le mandat que les mandants ont donné ? Ce n’est pas une
demande de Révolution. Doivent-ils suivre les cahiers de doléance ?
La représentation des ordres est telle que les élus aux Etats Généraux sont élus
ordre par ordre. Il y a deux exceptions illustres, car il y a deux représentants des ordres
privilégiés. Mirabeau (noble) et Sieyès (clergé). Le tiers état a lui seul représente 97% de
la population et estime que l’assemblée n’est pas représentative. L’abbé Sieyès dans
Qu’est-ce que le Tiers Etat ? dit que c’est un « tout » au niveau de la population et
« rien » au niveau de la représentation et qui demande à être quelque chose. C’est le
début du renversement de la société des ordres. Le clergé et la noblesse étaient peu
nombreux, mais c’étaient leurs droits (des droits acquis dirait-on aujourd’hui). Cette
question conduit au doublement du tiers. Les membres du Tiers Etat seront deux fois
plus nombreux qu’au départ. La majorité hostile aux ordres privilégiés était déjà acquise
car au sein du clergé, les dominants étaient le bas clergé, les dominants étaient le bas
clergé (curés de campagne). Il y avait une majorité contre les ordres privilégiés. Se
décide à l’assemblée qu’elle va faire une Constitution et se déclare Assemblée
constituante. C’est cela la Révolution.
Les membres de l’Assemblée ne se disent plus être les représentants de la
monarchie mais ceux de la nation. L’objectif est de tout rebâtir, à travers une nouvelle
Constitution.
Le 17 juin 1789, lorsque les Etats Généraux deviennent Assemblée Constituante,
la Révolution est faite au sens juridique, et le gouvernement (celui de l’assemblée
constitution) a changé. Louis XVI réagit mollement. Le 20 juin 1789, le serment du jeu de
Paume a lieu. Les députés (sauf un), les représentants des trois ordres, jurent et
déclarent fixer la Constitution du royaume et de ne pas se séparer « avant que la
Constitution soit établie et affermie sur des fondements solides ». C’est une réponse aux
velléités de résistance de la monarchie.
Bailly, président de l’Assemblée a dit aux représentants du Roi : « il me semble
que la nation assemblée ne peut recevoir d’ordres ». Or l’assemblée n’est pas la nation.
Dans la nuit du 4 août 1789, l’assemblée va voter l’abolition des privilèges, c’est-
à-dire l’égalité devant la loi, c’est-à-dire la disparition des nobles. A partir de là, les ordres
n’existent plus. Puis, suit une rédaction du 26 août 1789 (en 22 jours) : on rédige la
DDHC, composée de 17 articles conçus comme une préface de la Constitution.
Dans la Constitution, on change tout. La DDHC est une clef de lecture du texte
constitutionnel. Après le 26 août, on se met à la rédaction de la Constitution proprement
dite. Le travail va être long et compliqué. C’est seulement en septembre 1791 – deux ans
après – que la Constitution va être définitivement terminée. Cette longueur s’explique par
la complexité de la tâche et car naturellement les événements vont se précipiter. Une
autre difficulté est qu’on ne veut pas abolir la monarchie. Pour beaucoup, ils sont même
inquiets à l’idée que Louis XVI abdique. Tout en adoptant les articles de la Constitution,
l’assemblée gouverne. Elle met en œuvre de façon provisoire les décisions qu’elle prend.
A la fin du processus, à l’été 1791, il y a une relecture de la Constitution pour vérifier les
écrits. C’est une révision avant l’adoption finale. Il est frappant de voir que dans ce
processus, on va renforcer les pouvoirs du Roi. ON revient en arrière, par peut d’un vide
du pouvoir. Le processus d’adoption est entièrement accompli par l’Assemblée nationale.
Les élus étaient là comme élus des Etats Généraux, mais personne ne leur a donné
mandat de faire une Constitution. Cela pose le problème qu’ils parlent a nom de la nation
et du peuple sans que ces derniers leur ont donné des pouvoirs. Ils ont conscience de

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cette difficulté. Sieyès dit qu’il n’a pas reçu de pouvoir de faire une Constitution mais
qu’ils ne doivent pas l’adopter eux-mêmes mais laisser sa ratification à une seconde
assemblée.
Les députés refusent un référendum. Cette idée est écartée pour des raisons de
temps : il y a un sentiment d’urgence. Paradoxalement, les représentants pensent
affaiblir leur œuvre en la soumettant aux citoyens.
Ils vont adopter eux-mêmes la Constitution. Elle est déclarée achevée le 3
septembre 1791. On va proposer au Roi, à son acceptation, la Constitution, le 13
septembre 1791. On parle de l’acceptation du Roi.
La Constitution existe sans le Roi. Il ne peut empêcher l’adoption de la
Constitution (il n’est pas co-constituant). La Constitution est faite sans lui. Cela voudrait
dire qu’elle est un contrat. La Constitution de 1830 est un contrat. La Constitution est
achevée le 3 septembre. Le Roi peut l’accepter ou refuser. Cela ne veut pas dire qu’elle
n’existe pas. Louis XVI va accepter et le 14, il prête serment à la Constitution. Le Roi
aurait abdiqué et le dauphin, son second fils Louis XVII, serait devenu Roi. La Constitution
va fonctionner très peu de temps.
L’assemblée constituante va se séparer. Elle décide que ses membres ne sont pas
rééligibles. Le système aura ses deux têtes : l’exécutif et le législatif. Vont accéder au
pouvoir des gens nouveaux, alors que les ecclésiastiques disparaissent. Les membres de
la Constituante ne veulent pas le référendum, mais si ceux qui l’ont rédigé se présentent,
on verra combien sont élus ou non. C’est une façon de voir qui approuve la Constitution
et qui ne l’approuve pas.
Dès septembre 1792, la Constitution adoptée en 91 cesse d’exister.

b) L’œuvre de la Constituante : les principes et les institutions

1) Les principes

Les grands principes du système sont au nombre de 4 : la


monarchie, la souveraineté populaire, le système représentatif, la séparation des
pouvoirs.
- La monarchie : personne ne veut la révoquer (la République sera une surprise).
Il y a un sentiment monarchique partagé par une grande partie de la population. A cela
s’ajoute un calcul politique. On pense qu’il faut une autorité. Il y a une difficulté du
programme des constituants : « il est difficile de faire une monarchie quand on a déjà le
Roi ». Toutes ces raisons font que l’on garde la Roi, mais on change la légitimité se son
pouvoir. Louis XVI était Roi de France. Il y a l’idée que le Roi règne par Droit subjectif : il a
hérité par ses ancêtres du Droit d’être Roi de France. C’est le fondement qu’invoquera
Louis XVIII pour être Roi en 1814 et le petit neveu de Louis XVIII lorsqu’on évoquera en
1870 l’importance de restaurer la monarchie.
A partir du 14 septembre, Louis XVI n’est plus le Roi pour ces raisons, mais Roi des
Français car c’est la Constitution qui lui a donné ce pouvoir (Le refus de la Constitution de
sa part aurait eu valeur d’application). Théoriquement c’était un roi absolu. Mais
maintenant, il est limité et il est seulement l’exécutif. Le pouvoir essentiel est le pouvoir
législatif. Le Roi ne peut rien faire contre la République.
- La souveraineté nationale. On considère la souveraineté nationale en tant
qu’indépendance nationale. Dans un passé antérieur à 1958, cette notion est utilisée
dans un sens différent, dans un système d’opposition qui distingue souveraineté
nationale et souveraineté populaire. Depuis 46, on met en place dans le sens ancien la
conception de souveraineté nationale. Sous la monarchie, il y a identification de l’Etat et
du Roi. Bossuet disait « Tout l'Etat est en la personne du prince. En lui est la puissance.
En lui est la volonté de tout le peuple. A lui seul appartient de faire tout conspirer au bien
public." Cette formule ne peut plus être utilisée. Qui est l’Etat ? Qui est souverain ? Ce
n’est plus le Roi, ni l’assemblée. La solution est de dire que c’est la nation qui est
souveraine. En 91, on ne veut pas créer une démocratie et on décide de dire que ce n’est
pas le peuple qui est souverain mais la nation. La nation est organisée, indivisible et
souveraine. Elle n’est pas le peuple. Cela désigne la totalité des individus concrets

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vivants dans le cadre de l’Etat. Les femmes, étrangers, n’en font pas parte. Ce sont tous
les citoyens mâles. Alors que la nation, elle, désigne la collectivité française dans
l’Histoire où figurent les morts et les enfants à naître. C’est ce qui uni la totalité des
Français. C’est une collectivité idéale avec des intérêts propres. Les enfants à naître ont
par exemple le droit d’hériter d’une France propre. La nation est la collectivité idéale.
Les principes de 1791 et les institutions vont être repris ultérieurement, sauf la
monarchie. La souveraineté nationale repose sur l’idée que le souverain (prenant la place
du Roi) est la nation et non le peuple. Si c’était le peuple, on aurait une démocratie, ce
que les constituants de 1791 ne cherchent pas. On veut un système représentatif. Selon
Sieyès, la démocratie serait le partage des richesses, la violence, et donc on veut le
système représentatif impliquant la Nation. Les deux sont intimement liés. La Nation
n’étant pas la même chose que le peuple (= tous les citoyens français, réunissables, alors
qu’on ne peut réunir la Nation, idée abstraite, transhistorique car unissant les morts,
vivants, et les Français à naître). Aujourd’hui, on associe la souveraineté nationale à
l’indépendance nationale. La Nation est une collectivité, réunion très large d’individus. En
plus de sa dimension abstraite, elle a trois caractères : elle est organisée, indivisible et
souveraine.
- Une collectivité politiquement organisée et unifiée. En 1791, c’est une
grande nouveauté, car la France de l’Ancien Régime n’est pas unifiée. C’est un grand
désordre, juxtapositions de territoires rattachés à un noyau central dans un processus
long et parfois violent. Ce sont des territoires différents car il subsiste des coutumes
locales, les langues locales (patois) qui participent aussi à cette mosaïque de territoires.
La nation unifiée n’existait pas. Le seul élément d’unité était d’avoir le même Roi.
Aucune disposition ne garantit la liberté de langue. L’administration était
faite en Français, mais le reste n’avait aucune importance pratique. Comme personne ne
fut persécuté pour des raisons linguistiques, cela ne fut pas mis dans les droits naturels
de la DDHC, et ne posait pas de problème. Dire que la France est une Nation unifiée est
nouveau. Cette France n’est plus divisée en ordre, mais des individus tous soumis à la
même autorité. C’est l’égalité civile. Une organisation civile homogène est mise en place,
les départements, qui quadrillent le territoire et c’est la même organisation partout.
Aujourd’hui, faire des lois pour la Corse pose problème car les mêmes lois s’appliquent
partout au nom de l’égalité.
En 1789, on créé une Nation unifiée, mais aujourd’hui, l’unification tend à
l’uniformisation, nettement moins bonne. On a une société homogène, et un territoire en
départements.
- Une collectivité indivisible. Chaque individu concret, en 1789 c’étaient les
hommes, n’a pas un partie de la Nation et ne possède pas une partie de la souveraineté
nationale. Chacun des citoyens français aurait a lui un soixante millionième de la
souveraineté et les Révolutionnaires n’en veulent pas. Chaque citoyen est dépositaire
d’une parcelle de souveraineté et c’est pour cela qu’elle est indivisible. Le peuple lui, en
revanche, est divisible. La Nation est une personne morale. Parce que la Nation est
indivisible ou une personne morale, elle ne peut s’exprimer que par la représentation. Le
peuple, lui, peut voter et se manifester directement. La Nation, elle, en tant que personne
moral, ne peut pas voter, de même d’une société commerciale ne peut être que
représentée. C’est parce qu’on a peur de l’expression directe des citoyens qu’on met en
place un système où les élites seules gouvernent. C’est le despotisme des élites qui
gouverne pour le bien du peuple. Ils inventent ce système qu’est la souveraineté
nationale.
- Une collectivité souveraine. Elle hérite de la souveraineté monarchique (le
Roi = le souverain). Un Roi subsiste et est le représentant de la Nation, c’est un
fonctionnaire, un agent public.
- Le système représentatif est présenté comme une conséquence de la
souveraineté nationale (qui ne se manifeste pas de façon directe). Pour permettre le
monopole de l’action politique aux représentants, on a inventé la Nation. Ils se définissent
comme « habilités à faire pour un autre » (et ne sont pas représentatif de…). On ne leur
demande pas d’être représentatifs, mais on leur confie le soin d’agir pour autrui. Ce sont
des gens qui sont nommés pour parler, agir au nom de la Nation. Ce sont ceux que la

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Constitution désigne pour représenter la Nation. Ce ne sont pas des élus (ils peuvent
l’être mais ce n’est pas obligatoire). Nombre d’élus ne sont pas représentants. En 1791,
les juges sont élus, mais ne sont pas représentants. De même, les administrateurs des
districts, appelés plus tard les cantons. Aujourd’hui, les conseillers municipaux sont aussi
élus. La Constitution ne confère pas la qualité de représentants aux administrateurs
locaux. Le Roi est lui, un représentant (par la Constitution de 1791) mais n’est pas élu. Il
intervient dans le processus législatif par le Droit de veto et est donc un représentant. En
1788, l’élection est un mode de désignation contingent et il n’y a pas de liaison
nécessaire entre élection et représentation.
- La séparation des pouvoirs. Les révolutionnaires distinguent des fonctions
attribuées à des organes. Il y a la fonction législative, la fonction exécutive, la fonction
judiciaire. On peut les distinguer par l’analyse et les confier au même organe. En principe,
le Roi était sous l’Ancien Régime juge et législateur. Il n’y a pas de distinction organique
ici mais une distinction fonctionnelle. On va séparer les fonctions à des organes distincts :
- La fonction législative est confiée à l’Assemblée Nationale, qui exerce le
pouvoir législatif par des représentants.
- La fonction exécutive est confiée au Roi. Il est représentant à travers son
intervention négative qu’est le droit de veto.
- Le fonction judiciaire est confiée à des juges élus pour un temps donné.
C’est une séparation stricte, fonctionnelle et organique, n’ayant qu’une limite : le
veto royal. C’est ce rouage qui fait exploser l’ensemble du système.

2) Les institutions

Le corps électoral, l’Assemblée législative et le Roi sont des


institutions.
- Le corps électoral. En 1791, le fait d’élire, de voter est considéré comme une
institution, une fonction et non comme un Droit. On distingue l’électorat fonction et
l’électorat Droit. Le citoyen va avoir le privilège de voter. Est-ce un droit ou une fonction ?
Si on considère l’électorat comme un droit, le citoyen dès lors qu’il est citoyen a le droit
subjectif de voter. Ce droit peut être retiré (comme la garde d’un enfant par exemple). Un
délinquant condamné peut perdre ses droits civiques (dont le droit de vote, pendant un
certain nombre d’années). C’est un Droit inhérent à la personne et c’est la conception
moderne. Aujourd’hui, on attache une grande importance au droit de vote. On met au
point des règles pour que les personnes incarcérées en préventive puissent voter. Au
XVIIIème siècle, on considère que le vote est une fonction, confiée aux individus car la
Constitution a décidé de leur donner la qualité d’électeurs. Ceux auxquels elle ne le
donne pas n’ont aucune raison de protester car ce n’est pas un Droit. Les Constituants
disent à qui doit aller le droit de vote. Par conséquent, on donne le droit de vote à une
partie des citoyens actifs (ayant le droit de vote) et ceux qui sont passifs (et ne l’ont pas)
selon la Constitution de 1791. « Citoyen passif » n’est pas à l’époque une contradiction
dans les termes. Les contemporains voyaient une exception au principe. Le citoyen actif
est défini par un taux d’imposition. Les Constituants de 1791 avaient projeté une réforme
de la fiscalité allant accroître le nombre de personnes assujetties à l’impôt direct. Il n’y
aurait alors eu que très peu de citoyens passifs. Plusieurs conditions devaient être
réunies : être de sexe masculin, âgé de plus de 25 ans (puis 21 ans jusqu’en 1974) et
être inscrit à la garde nationale. Il faut avoir prêté le serment civique, ce qui avait des
conséquences sur l’abstention (après le renversement de la monarchie, certains
refuseront le serment civique), il ne faut pas être domestique (car ils sont considérés
comme influencés). On dira la même chose des femmes, qu’elles votent comme on leur
aura dit de faire… Le problème se posera aussi au niveau des militaires. Il faut en plus
payer un cens équivalent à 3 journées de travail, c’est un impôt direct (d’où le nom de
« suffrage censitaire » pour tous les suffrages non universels quand il y a des restrictions
fondées sur la fortune). Pourquoi un impôt direct ? Car tout le monde paye un impôt
indirect. Il faut payer cet impôt direct, nominatif. La réforme de 1791 avait comme
principe de transformer l’impôt indirect en impôt direct, qui est plus juste car tout le
monde paye en fonction de sa fortune. L’augmentation de l’impôt direct aurait accru le

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nombre de contribuables et fait disparaître la catégorie des citoyens passifs. Le cens de 3


journées de travail par an est quelque chose de très bas. A titre comparatif, on estime
que le système avait pour conséquence qu’un sixième de la population était électeur
avec ce système de citoyens actifs. Avec le suffrage universel masculin, on arrivera à un
quart. Mais ce n’est pas une différence aussi considérable que l’on imagine (seul un
douzième de vote en plus). La véritable discrimination venait de la distinction entre les
assemblées primaires (là où les citoyens payent pour élire des électeurs formant les
assemblées électorales) et les assemblées électorales. Chaque assemblée primaire (100
personnes) désigne un électeur. Leur réunion constitue l’assemblée électorale. Pour y
être désigné, il faut payer un cens de 10 journées de travail par an. Pour être élu, il faut
payer un cens variable selon les cas. Les estimations des historiens font qu’il n’y a que
40 000 personnes pouvant exercer la fonction législative. En ressort la prépondérance
d’une toute petite partie de la classe politique. Ce système est extrêmement éloigné du
système d’aujourd’hui et ne correspond pas à la démocratie (ce qui n’était pas le but).
- L’Assemblée Nationale Législative. Le pouvoir législatif lui est confié. C’est le
premier pouvoir qui a pour première caractéristique d’être unique. C’est un système
monocaméral (et non bicaméral comme aujourd’hui). Ce système paraît évident en 1791
car la Nation est unique et il semblerait étrange d’avoir deux chambres. La Constitution
de l’An III invente le bicaméralisme. C’est une chambre relativement nombreuse car elle
compte 745 représentants (aujourd’hui 577 députés seulement à l’Assemblée, mais plus
de 300 sénateurs) qui représentent la Nation et non pas les départements. La nation est
indivisible et il ne peut y avoir de représentants des circonscriptions. Ils ont un mandat
représentatif et n’ont aucune instruction à recevoir des mandants (article 27 de la
Constitution). L’Assemblée est élue pour deux ans. Cette Assemblée se réunit de plein
droit (elle n’attend pas d’être convoquée comme sous le Roi). Elle a la compétence de
vérifier les pouvoirs de ses membres. Il peut y avoir dans tout processus électif des
contestations (l’individu a-t-il le Droit d’être élu ? Inéligibilité ?). Il faut vérifier qu’un
député avait le Droit d’être élu. Cette vérification a deux systèmes :
- La saisie d’un juge pour des raisons de fraude ou d’inéligibilité (pour les maires,
c’est devant la juridiction administrative, pour un député, c’est devant le conseil
constitutionnel sous la Vème République).
- Le conseil constitutionnel.
En 1791, on va faire le choix inverse pour des raisons idéologiques. Si les juges
étaient juges de l’élection, ce serait à l’encontre de la séparation des pouvoirs. C’est
l’Assemblée qui vérifie elle-même ses pouvoirs. Cela ouvre la porte à des règlements de
comptes personnels. L’Assemblée est permanente. Il n’y a pas de sessions. Elle ne siège
pas forcement 24h/24. Aujourd’hui, elle a des sessions et des sessions extraordinaires.
- Les pouvoirs que lui donne la Constitution. Quand on lui donne un pouvoir,
on le lui donne en entier. Cette conception organique et fonctionnelle fait que les
pouvoirs sont entièrement confiés. Seule l’Assemblée a l’initiative des Lois. C’est le Droit
de proposer une Loi. Il faut qu’elle soit proposée avant d’être votée. Le pouvoir
d’initiative des lois est une condition nécessaire pour l’adoption d’une loi. En 1791, la
séparation rigide aboutit à ce que l’initiative des lois est entièrement réservée à
l’Assemblée. C’est l’Assemblée qui fait la Loi et la décide. « Elle propose et décrète le
loi ». Le terme décret n’a pas le même sens en 1791 et aujourd’hui. Elle fixe les dépenses
(l’argent public) et les recettes (impôts). Il faut ajouter que l’Assemblée a un pouvoir qui
va se révéler de grande portée : le pouvoir de mettre en accusation les ministres, agents
de l’exécutif, et les individus soupçonnés de complot contre la sûreté nationale, l’Etat. Il y
a bien une idée de hiérarchie des lois. La responsabilité politique, c’est ce qui fait le
régime parlementaire. La conception de la séparation des pouvoirs de 1791 exclut cette
conception de régime parlementaire. Les accusations pénales sont criminelles et les
accusés doivent être jugés par une Cour nationale. L’Assemblée n’est pas un tribunal. Le
ministre Delessart des affaires étrangères de Louis XVI est accusé par l’Assemblée. Le Roi
est maintenu comme roi des Français par la volonté de la Constitution, et comme titulaire
du pouvoir exécutif. On maintient l’hérédité (primogéniture de mâle en mâle). D’autre
part, la Constitution organise la Régence (si le Roi est mineur) car même une monarchie

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constitutionnelle est un moment de fragilité. Le Roi prête serment à la Nation et promet


de respecter la Constitution. Il est inviolable (on ne peut l’arrêter) et sacré.
Juridiquement, le procès de Louis XVI est illégal. La Constitution prévoit des cas de
déchéance du Roi dans le cadre de refus de serment, s’il rétracte son serment, s’il
engageait l’armée contre la Nation, s’il refuse de rentrer dans le royaume après en être
sorti. Tout fonctionnaire public est déchu s’il ne rentre pas de l’étranger après y être
parti. Le Roi est considéré comme un fonctionnaire. En fait, on craint une fuite du Roi. Le
Roi a l’exclusivité du pouvoir exécutif et désigne seul les 6 ministres choisis hors de
l’Assemblée. Ils seront facilement soupçonnés d’être des traîtres. Si le Roi avait pu choisir
des chefs de factions de l’Assemblée, cela n’aurait pas posé tant de problèmes. Quand
Louis XVI nomme un ministre jacobin, ce ministre ne sera pas un ministre jacobin mais
mettra de l’eau dans son vin. Mme Rolland, proche des jacobins sera ministre de Louis
XVI de l’intérieur. Cet effort pour rapprocher les perspectives n’améliore pas la situation.
Le lien aurait pu être fort si ce sont des dirigeants de l’Assemblée qui auraient pu être
ministres. Le terme « ministre » est péjoratif au XVIIIème siècle. Les ministres sont
exclusivement désignés par le Roi et non responsables politiquement. L’Assemblée met
en cause leur responsabilité pénale, grâce à la mise en accusation.
Le Roi n’a que des responsabilités externes. La question du maintien de l’ordre se
pose. L’opinion ne veut pas de bavures policières. L’Assemblée pense à tort que Louis XVI
nomme à l’administration des agents révolutionnaires. La sûreté extérieure est confiée
au Roi : la diplomatie et la guerre. Au XVIIIème, la moitié des Européens sont France,
c’est une très grande puissance. Le Roi est co-législateur. C’est le fait de participer au
législatif qui le caractérise. C’est parce que le Roi touche les lois (co-législateur) qu’il est
représentant. Le Roi peut donner ou refuser son consentement à la Loi. C’est la sanction
royale lorsqu’il accepte la Loi. C’est ce qui fait la Loi. La Loi est un décret tant qu’elle ne
reçoit pas la sanction royale. Le décret ne devient Loi qu’avec la sanction royale. On
considère qu’il y a décret quand il n’y a pas de sanction royale. Il reste une trace dans les
dates de ces lois. Celui du 16-24 août 1790 est toujours en vigueur. La première date est
celle du décret, la deuxième est celle de la sanction. Le Roi peut ne pas sanctionner, par
son veto et paralyser l’entrée en vigueur de la loi. Ce veto royal est adopté suite à une
querelle majeure avec trois thèses :
- le veto absolu : la loi est rejetée pour toujours
- l’absence de veto
- le veto suspensif, système intermédiaire. Le décret ne devient pas loi mais
pourra être levé si trois législatures successives le votent. Le veto sera levé au plus tôt
après 4 ans. Ce veto suspensif pouvant paralyser l’Assemblée va avoir de très grandes
conséquences, puisque l’enchaînement fatal de la monarchie va éclater.
La révision de la Constitution est prévue par la Constitution de 1791. Les
Constituants ont admis que leurs textes pourraient être modifiés. Ils étaient inquiets pour
la durée de leur texte. Ils ont décidé de s’auto interdire de se représenter car ils avaient
peur qu’à travers la candidature des membres de la Constituante ils ont eu peur de
jugements contre la Convention. Les deux législatures suivantes ont été suspendues de
révision de la Constitution. Il faudra ensuite qu’un vœu soit émis par trois législatures
successives pour qu’il y ait révision. Il faut attendre au minimum 8 ans (4 législatures)
pour une révision. La procédure est la suivante : si le vœu est voté, on va « dissoudre »
l’Assemblée qui a voté ce vœu et élire une assemblée de révision avec des membres de
la Législative ainsi que 249 députés. En tout, à peu près 1000 personnes constituent une
assemblée de révision. Cette assemblée va alors voter une révision de la Constitution. Le
Roi n’est en aucune manière consulté dans cette révision (la révision est un décret).
L’Assemblée agit seule, ce n’est pas une loi nécessitant la sanction royale. La monarchie
constitutionnelle est une république royale et non une monarchie. Elle peut être
supprimée par la seule volonté de l’Assemblée. Le Roi est précaire et tous les moyens
sont là pour faire une République. La Constitution de 1791 est virtuellement une
constitution républicaine.

c) La chute de la monarchie constitutionnelle, l’instauration de la


République et la dictature de la Convention

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La Constitution de 1791 est très brève, elle fonctionne du 3 septembre 91


au 10 août 92, soit 11 mois. En réalité, elle a fonctionné plus longtemps (la loi du 16-24
août 1790 a été adoptée avant 1791 mais sous l’empire de la Constitution de 1791). Des
règles étaient mises en fonction avant l’adoption finale du texte. La Constitution de 1791
a fonctionné très peu.
Cet échec de la Constitution de 91 est largement dû aux événements, notamment
à cause de la guerre. Les événements ne sont pas responsables de tout. Il y a des vices
de construction. Ce vice de construction tient aux caractères antagonistes et sans
conciliation créés par la Constitution : des pouvoirs rivaux sans légalismes pour se mettre
d’accord. Le Roi peut paraître à l’assemblée nationale, il en a le droit. C’est purement
pour une visite de courtoisie, et l’Assemblée doit cesser de débattre. Le chef de l’exécutif
ne peut intervenir dans le législatif. Des députés radicaux craignent que le Roi rallie des
indécis à sa cause en venant parler aux députés à l’assemblée. Les ministres, choisis par
le Roi peuvent être interrogés, mais l’assemblée peut les mettre en accusation, mais ils
ne peuvent pas exposer leur politique. On peut poser des questions, exiger des réponses.
Ils sont en situation d’infériorité. Il n’y a pas de mécanismes parlementaires. Le pouvoir
exécutif est suspect et les députés de la Législative apparaissent comme des
accusateurs. La loi dépend de la seule volonté des députés et c’est seulement lorsqu’elle
est achevée qu’il peut émettre son veto. Son veto sera senti comme une opposition
politique voire une agression. Au début, le Roi va être prudent : il accepte le veto et
choisit des ministres politiquement proches de l’assemblée (sans en être membres
toutefois). Le Roi n’utilise pas le veto, comme pour la Constitution civile du clergé
(organisation de l’Eglise de France, aux ordres de l’Etat, condamnée par la Vatican). Louis
XVI, profondément catholique, n’oppose pas son veto. Puis, des prêtres refusent de prêter
serment à cette constitution et l’assemblée devient furieuse et considère cela comme
une rébellion envers la Nation. Elle ordonne la déportation des prêtres refusant la
Constitution civile du Clergé. Elle prend un deuxième décret, créant un camp de fédérés,
de soldats aux portes de Paris, qui préparent un coup d’Etat.
Louis XVI, jusqu’ici hors de tout conflit, refuse alors de donner sa sanction et les
décrets ne deviennent pas Loi. Les ministres girondins sont renvoyés, et il choisit de
nouveaux ministres en qui l’Assemblée n’a pas confiance. Louis XVI n’a rien fait d’illégal
et a appliqué ses prérogatives constitutionnelles. Sa popularité, dégradée après sa fuite,
aboutit à un coup d’Etat, à une journée révolutionnaire. La foule tente d’envahir le palais
du Roi. Les gardes suisses ripostent à l’émeute, qui l’emporte, et le Roi est mis en prison.
Cette journée du 10 août provoque la chute du Roi et l’Assemblée, avec cette issue
favorable par la violence, décide l’institution d’un exécutif provisoire. Que faire de la
Constitution ? Conserver la Constitution de 91 est exclu, car on n’a plus et on ne veut
plus de Roi. On pourrait pour éviter une nouvelle Révolution réviser la Constitution et rien
n’empêche l’abolition de la monarchie. Les exigences de la révision font qu’on ne pourrait
la réviser au plus tôt avant 1800-1801…soit le XIXème siècle. On ne peut attendre huit
ans, et on a recours à un subterfuge : l’article 1er du titre VII de la Constitution de 91
reconnaît à la Nation « le droit imprescriptible de changer de Constitution ». Cette
incohérence reconnaît le droit de changement de constitution, c’est comme le dit
Rousseau dans Le Contrat Social, « logique ». La Constitution de 1791 n’est pourtant pas
fidèle à Rousseau.
Les membres de la Législative utilisent cet argument et invitent les Français à élire
une Convention au suffrage universel. La Convention est un terme nouveau (auparavant
on a eu l’Assemblée Constituante, puis l’Assemblée Législative ou Législative). C’est
l’emprunt d’un terme anglais pour montrer une nouveauté de l’événement. Le suffrage
universel est dire que l’on rejette le système censitaire de la Constitution de 1791. Ce
système n’est pas le suffrage universel comme aujourd’hui. Il s’en rapproche car on est
électeur à 21 ans (et non plus à 25 ans), mais seuls les hommes votent.
Pour voter, il faut vivre de son travail ou de ses revenus (exclusion des
domestiques de nouveau). Ce suffrage est plus large que le suffrage antérieur, mais non
réellement universel. En revanche, tous les électeurs sont éligibles, ce qui est une grande
nouveauté. La grande limitation du droit de suffrage n’était pas le cens mais le fait qu’il

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était à plusieurs degrés. On pose en règle qu’en étant électeur, on est éligible. La
Convention est donc élue le 26 août 1792 (l’émeute a eu lieu le 10). Il y a un
abstentionnisme massif (près de 90%), tout le contraire des élections de 89 où les votes
furent massifs. Les gens contre les événements passés, attachés à la monarchie, ont peut
et s’abstiennent. La Convention est élue et composée de 750 membres, avec 20 élus
jacobins (extrême gauche, ce qui est anachronique), 160 girondins (de droite, mais c’est
de nouveau anachronique). Ce sont tous des révolutionnaires. A « gauche », on parle des
jacobins ou montagnards, car dans l’hémicycle, les sièges arrières sont surélevés et ils
siègent en haut. Aujourd’hui, on a une division verticale et non horizontale comme à la
Convention. En bas, c’est la plaine, ou le marais.
Les 21 et 22 septembre 1792, l’Assemblée abolit la royauté et proclame la
République. Elle décide d’élaborer une nouvelle Constitution et de se consacrer à la
rédaction d’une nouvelle Constitution, soumise au peuple, alors que celle de 91 ne l’a pas
été. C’est un événement de toute première importance. Une commission de 9 membres
et 6 suppléants est créée. Cette commission est dominée par les girondins, la tendance
modérée, ayant eu son apogée quelques mois auparavant. Ils s’appellent les Girondins
car certains membres viennent de Bordeaux. C’est au milieu du XIXème siècle que le
terme est utilisé, dans la publication de L’histoire des Girondins de Lamartine, à l’époque,
ce sont les Brissotins, du chef Brissot. Ces girondins, anciens radicaux, dominent
l’Assemblée. Ce sont eux qui rédigent le projet de Constitution avec pour inspirateur
principal le marquis de Condorcet, un esprit, mathématicien et précurseur des sciences
sociales. Quand les Girondins sont prescrits, il se cache et se suicide, car il préfère mourir
de sa propre main que sous le coup de la guillotine. Le projet de Constitution est
essentiellement fait sous l’influence de Condorcet et comporte beaucoup d’idées. Ce
texte n’est pas adopté, à cause des luttes des factions révolutionnaires et de l’arrestation
des Girondins. Peu y survivront.
Le projet girondin est alors oublié. La majorité montagnarde n’en veut pas, car il
fut conçu par des ennemis. Le projet sert paradoxalement de base à l’adoption de la
nouvelle Constitution. Le 2 juin 1793, journée révolutionnaire, la Convention proscrit les
Girondins. Une nouvelle commission montagnarde est nommée avec Danton, présidée
par Hérault de Seychelles (élu à l’assemblée législative puis à la Convention, principal
rédacteur avec Saint-Just, nommé au comité de Salut Public et guillotiné avec Danton). Le
24 juin, le projet est finit. L’opposition entre les deux projets n’est pas une opposition de
doctrine, le projet est soumis au peuple et l’abstention est massive (1.9 millions
d’électeurs sur un total de 7 millions…). Cette Constitution montagnarde est appelée la
Constitution de l’An I. Les Révolutionnaires ont abandonné le calendrier chrétien. On lui
substitue un nouveau calendrier. Le 22 septembre 1792 est le premier jour de l’An I. En
septembre 93, c’est donc encore l’an I. Cette Constitution a une particularité : elle n’est
jamais mise en vigueur. Une fois votée, les membres de la Convention estiment qu’elle
sera en vigueur lorsque sera la paix (la France est en guerre avec presque tout l’Europe à
l’époque). Le problème est que la guerre dure plus longtemps que la Constitution… La
paix d’Amiens n’a lieu qu’au XIXème siècle, et quand la paix est conclue, Napoléon est
déjà au pouvoir et la Constitution est oubliée depuis longtemps. C’est une Constitution
mort-née.
Cette Constitution de l’An I est républicaine. Elle affirme que toute monarchie est
absurde car il est absurde de laisser le hasard de l’hérédité donner le pouvoir. La
Constitution est républicaine et déclare qu’il ne peut en être autrement. On pose le
principe de la souveraineté du peuple. Ce n’est plus la Nation qui agit. Chaque électeur
possède un sept millionième de la souveraineté. Le gouvernement n’est « représentatif
que dans toutes les choses que le peuple peut ne pas faire lui-même ». C’est Seychelles
qui le dit. Des choses secondaires peuvent être délégués et le choix de la formulation est
intentionnel. Que résulte-t-il de cette affirmation ? Une présomption fait que les
législateurs agissent conformément à la volonté du peuple dans tous les cas où le peuple
n’a pas manifesté de volonté contraire. Les représentants sont présumés agir pour le
peuple. Un mécanisme peut permettre au peuple de manifester son désaccord. Pour que
la loi soit remise en cause, pour renverser le choix des représentants, un dixième des
assemblées primaires dans la moitié plus un des départements doit demander un vote

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dans les quarante jours qui suivent l’adoption de la loi par l’Assemblée. Ces conditions
sont excessivement difficiles à réunir, notamment en raison des difficultés de transport à
l’époque). On annonce des principes démocratiques, on affirme un rejet de la démocratie
représentative, mais l’application fait que le système représentatif demeure. Les
assemblées primaires sont constituées au niveau local, auxquelles participent tous les
hommes de plus de 21 ans (même les domestiques cette fois-ci). Il faut être né ou
domicilié en France, et pour les étrangers y vivre de plus d’un an. Les assemblées
primaires votent les déclarations contre la loi, élisent les membres de l’assemblée et ont
l’initiative de la révision constitutionnelle. C’est l’initiative populaire en matière de
révision.
Le gouvernement de l’assemblée : on renonce à la séparation des pouvoirs et
c’est l’assemblée qui gouverne. L’exécutif est dominé par l’assemblée. Ce système
appelé par la suite un régime conventionnel (là où l’assemblée est législative, législatrice
et qu’elle gouverne). Cette assemblée est unique et permanente comme en 1791, elle est
élue pour un an (auparavant, c’était deux ans). Les lois/décrets ont de nouvelles
significations. Les lois sont proposées et ne sont définitives qu’après l’expiration du délai
de 40 jours. Les décrets sont rendus et exécutoires immédiatement (c’est le pouvoir
réglementaire). Dans le système de l’An I, le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire
appartiennent à l’Assemblée. Il y a une distinction matérielle : à la loi appartient le
budget, les matières civiles et criminelles. Les mesures d’exécution, de circonstances,
individuelles (pouvoir réglementaire) sont faites sous forme de décrets rendus par
l’Assemblée. Au-dessous de l’Assemblée, il y a un conseil exécutif de 24 membres
nommés par le corps législatif, ayant pour tâche la surveillance de l’administration
générale. Ce pouvoir de surveillance, sans veto, ne lui laisse plus la totalité du pouvoir
législatif. Il n’y a cependant pas de séparation des pouvoirs comme en 91.
En pratique la Constitution de 91 n’a pas fonctionné. Elle intervient dans une
période tragique : la France est combattue et envahie. S’installe la Terreur (l’oubli des
Droits de l’Homme), la mise en place d’un gouvernement dictatorial, animé par le Comité
de Salut Public, un organisme de fait. Sa personnalité dominante est Maximilien de
Robespierre. Ses membres sont élus devant la Convention. Le comité de sûreté générale,
lui, est là pour maintenir l’ordre. S’instaure une dictature du comité de Salut Public sur les
députés qui ne peuvent pas ne pas le réélire. Le comité de Salut Public exerce une
dictature sur la France et sur l’Assemblée. Ce sont des institutions de fait. Du point de
vue constitutionnel, on peut passer dessus. Robespierre va être renversé le 9 thermidor
et lui et ses amis sont guillotinés. La Convention reprend le pouvoir et gouverne par des
mesures d’exception. La Convention va gouverner pendant la « période thermidorienne »
(entre la chute de Robespierre et la fin de la Convention le 26 octobre 1795). Dans cette
période, le gouvernement de la Convention est sans base légale. Elle exerce une
dictature collective. Se pose la question de la Constitution. On songe à mettre en vigueur
la Constitution de l’An I. En juin 1795 (Messidor An III), on décide d’abandonner la
Constitution montagnarde de l’An I. On fait alors une nouvelle Constitution qui est
achevée le 5 Fructidor An III (22 août 1795), par une commission de 11 membres dirigée
par Boissy d’Anglas. Cette Constitution est soumise au peuple et est adoptée (950 000
électeurs sur 7 millions) par plébiscite (aujourd’hui, nous dirions référendum) avec un fort
taux d’abstention. La Constitution de l’An III est en même temps la soumission du décret
des deux tiers. Les futures assemblées devront être composées pour deux tiers d’anciens
membres de la Convention. La Convention se sépare mais garantit que les assemblées
comporteront ses membres. Les Conventionnels craignent une réaction des Français
souhaitant une restauration.

d) La Constitution de l’An III

Cette Constitution a une existence brève mais montre l’inventivité juridique


et constitutionnelle de l’époque. Les grandes lignes de ce système et ses nouveautés :
● Les principes sont dans l’ensemble conservés : le principe de la République (car
le programme de la Convention était centriste, pour éviter le retour à la Terreur, et à la
monarchie) posé en 92, le principe de la souveraineté du peuple, mais reviennent avec

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au système représentatif. Il existe la démocratie semi-directe (référendum), mais


seulement en matière constitutionnelle. On revient à la séparation des pouvoirs de 1791.
Une des causes de la Terreur, dérive du système révolutionnaire, est l’absence de
séparation des pouvoirs. L’obsession est de limiter le pouvoir, par opposition à 91 où l’on
voulait limiter le pouvoir royal, mais celui-ci s’est vu concentré. La séparation des
pouvoirs est appliquée beaucoup plus rigoureusement, pour éviter un retour à la
dictature. On revient au droit de suffrage (principe de 1791), c’est le retour au suffrage
censitaire. Pour être élu ou membre de l’Assemblée, il faut avoir 25 ans, et être
propriétaire ou usufruitier ou locataire d’un bien d’une valeur variant entre 100 et 200
journées de travail. Au final, 20 000 personnes peuvent être politiquement active. On
avait 7 millions d’électeurs auparavant. Le système est deux fois plus restrictif qu’en
1791. L’objectif est le gouvernement des propriétaires.
● Les institutions :
- Le pouvoir législatif reste le premier pouvoir mais la grande nouveauté est qu’on
a deux chambres : c’est une assemblée bicamérale. Il existe encore aujourd’hui
(Assemblée Nationale – Sénat). En l’an III, ce sont le Conseil des Cinq Cent et le Conseil
des Anciens. Pourquoi cette coupure de l’Assemblée ? Il y a 750 membres, comme pour
la Législative (c’est le même ordre de grandeur), qui sont divisés (1/3 – 2/3). On coupe
l’Assemblée en deux pour éviter une assemblée unique. L’objectif n’est pas d’ordre
positif, mais négatif : on veut qu’il n’y en ait pas qu’une. Les systèmes bicaméraux
répondent à deux objectifs à l’étranger : c’est la survivance d’une chambre aristocratique
(House of Lords) et la chambre démocratique (House of Commons). Cette chambre ayant
de moins en moins de pouvoir est un vestige de la chambre aristocratique. On la
conserve pour des raisons de fédéralisme. La deuxième chambre manifeste de
l’existence des Etats fédérés, entités ayant une indépendance (comme aux Etats-Unis ou
en Allemagne avec les Länder). En France, on ces explications ne sont pas valables.
L’Etat n’est pas fédéral. La chambre aristocratique vaut pour la chambre des pères, mais
pour l’An III, il n’y a pas d’aristocratie. La chambre n’est pas aristocratique dans la
République. Il faut se reporter à l’époque thermidorienne. On associe depuis cette époque
l’idée de chambre unique à l’idée de Convention (donc d’Assemblée Révolutionnaire,
donc de Dictature). Avec deux chambres, le pouvoir arrête le pouvoir et on évite une
dictature. Une autre solution est de mettre en place un contrôle de la constitutionnalité
des lois (proposé par Sieyès). On aurait pu théoriquement déclarer anticonstitutionnelles
les lois terroristes de la Convention. On a envisagé cette solution mais pour des raisons
complexes, on en est resté à la conception de Montesquieu.
A côté du Conseil des Cinq Cent, on trouve le Conseil des Anciens (personnes de
plus de 40ans, mariés ou veufs). Les deux Conseils sont élus ensemble pour trois ans par
les Assemblées électorales. On répartit les députés : on met d’office dans le Conseil des
Cinq Cent ceux qui ne peuvent siéger aux Anciens, et pour le reste, on va tirer au sort
pour savoir si les élus mariés de plus de quarante ans siégeront chez les Cinq Cent ou
chez les Anciens. La majorité des élus sont interchangeables. On cherche à ne pas avoir
une seule chambre.
Quelles sont leurs prérogatives ?
Les Cinq Cent ont l’initiative et le vote des lois. Les Anciens ont un Droit de veto.
On espère que sera évitée la dérive terroriste de la Convention. Si le Conseil des Anciens
donne son approbation, il n’y a plus de recours (pas de contrôle de constitutionnalité, pas
de roi donc pas de veto royal, pas de recours).
- L’exécutif est confié à un collège de cinq directeurs. C’est le Directoire. Le
régime de la Constitution de l’An III est connu sous ce nom. Ces 5 directeurs sont
nommés par le corps législatif pour cinq ans avec proposition des Cinq Cent et choix ou
élections par les Anciens. C’est un système tournant comme avec le conseil
constitutionnel. Un sera changé chaque année. Il y a un président du Directoire désigné
pour trois mois de façon tournante, il n’a pas d’autorité. A part la première désignation,
on pose le principe d’incompatibilité entre le Directeur et celui du membre de corps
législatif. Pour désigner l’ensemble des Cinq Cent et des Anciens, on parlait de corps
législatif, aujourd’hui appelé le Parlement. Il importe d’insister sur le fait que c’est un
exécutif collégial. C’est la Constitution suivante, de l’An VIII qui utilise le terme de

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gouvernement. L’exécutif collégial a pour tâche le pouvoir réglementaire (les décrets


sont fait par le Directoire). Il a la tutelle des collectivités locales (auparavant on avait des
élus). Il les surveille. Il ne dirige pas les administrations au sens direct (comme en l’An III),
car il y a des ministres qui effectuent cette tâche. L’exécutif collégial n’a pas le même
rôle qu’aujourd’hui. Cette Constitution de l’An III a une vie brève, mais plus longue que
celle de 91, puisqu’elle fonctionne d’octobre 95 à novembre 99. Le Directoire va
gouverner un peu plus de quatre ans.
Les régimes sont posés les uns à côté des autres sans que leurs relations soient
organisées. Le Directoire n’a pas de pouvoir sur les Conseils. Il n’a pas l’initiative des lois
(qui appartient aux Cinq Cent). Les durées de mandat sont différentes : les directeurs
sont renouvelés tous les cinq ans, alors que le corps législatif tous les trois ans. Il y a une
problématique de cohabitation. Les majorités du corps législatif peuvent être différentes.
Ce décalage aboutit à des contrariétés politiques. La collégialité a souvent des effets
pervers. Au sein du Directoire, il y a une majorité et une minorité (trois directeurs contre
deux ne pouvant alors rien). Il y a un vice de construction joint à la complexité politique.
Le régime fonctionne avec des coups d’Etat. On sort périodiquement de la légalité. En
l’an V, de nouvelles élections ont lieu et elles avantagent les modérés. En raison du
décret des 2/3, on avait une majorité d’anciens conventionnels, mais les nouvelles
élections vont faire que les modérés vont se renforcer considérablement au sein du corps
législatif. Les députés sont élus, mais on les renvoie (ou on les déporte en Guyane) car ils
n’ont pas bonne couleur politique (200 députés furent ainsi renvoyés). En l’An VI, des
montagnards sont exclus du législatif. En l’An VII, c’est la droite qui destitue trois
directeurs partisans de la gauche.
Tout ceci aboutit au coup d’Etat du 18 Brumaire par lequel Napoléon Bonaparte
fait son entrée dans l’histoire de France. Il est monté par deux directeurs, une majorité
des Anciens et une partie des Cinq Cent, avec notamment le rôle de Lucien Bonaparte,
président du Conseil des Cinq Cent. Le général Joubert, choisi à l’origine est tué dans une
bataille. C’est pace qu’il est tué qu’ils vont choisir finalement Bonaparte, car il était
considéré auparavant comme trop à gauche (il avait une réputation de militaire jacobin,
ce qui est surprenant lorsque l’on connaît la suite des événements). C’est parce que
Joubert fait défaut que les conjurés donnent le pouvoir à Bonaparte. Le 4ème coup d’Etat
induit à se débarrasser de la Constitution de l’An III. Un système de révision comme en
1791 ne peut être mis en œuvre en 1808. Comme on ne peut réviser la Constitution, on
la supprime. Une commission consulaire de trois personnes est mise en place : Napoléon
Bonaparte 1er consul, l’abbé Sieyès (la taupe de la Révolution qui refait surface) 2 ème
consul et Roger Ducos. C’est le 1er triumvirat de l’Histoire française. Deux commissions
législatives vont élaborer la Constitution. Le processus est relancé, on change de
Constitution. Cette nouvelle Constitution va être le texte connu sous le nom de
Constitution de l’An VIII.

e) La Constitution de l’An VIII

La Constitution de l’An VIII est l’œuvre de Sieyès et de Bonaparte, qui


reprend le projet. On ouvre des registres où les gens peuvent signer oui ou non. C’est un
vote public, mais comme ce sont des signatures, l’individu refusant le projet peut être
mal vu… L’approbation du projet est plus important que pour la Constitution de l’An III :
trois millions de oui, et 1500 non. Le fond est résumé par Sieyès : « L’autorité doit venir
d’en haut, et la confiance d’en bas. » L’idée centrale est de restaurer l’autorité. Il faut
mettre en place un gouvernement qui fasse régner l’ordre. Pour cela, on veut restaurer le
principe d’autorité. Cette autorité doit être balancée en ne gouvernant pas contre les
citoyens, mais en s’appuyant sur leur confiance. Le gouvernement (le système
institutionnel) va fonctionner au point de rencontre entre l’autorité et la confiance. On
garde la république, on a un pouvoir collégial, temporaire et électif.
◊ Les institutions de l’An VIII : Les élections : on pose le principe du suffrage
universel masculin (le mot apparaît alors). Il n’y a plus de citoyens actifs/passifs.
L’élection à plusieurs degrés revient. Il n’y a que des propositions. Les électeurs se
réunissent par arrondissements. Dans le cadre de l’arrondissement, un dixième des

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électeurs vont être élus sur une liste de confiance d’arrondissement (c’est une référence
à la confiance venant d’en bas). Les élus de ces listes se réunissent au niveau
départemental où un dixième est sélectionné et placé sur une liste de confiance
départementale. Un dixième de leurs membres forment une liste de confiance nationale.
On a au total un millième des électeurs qui constituent la liste de confiance nationale.
Cette liste de confiance nationale ne donne rien et est un vivier dans lequel des autorités
non élues vont choisir les titulaires des fonctions publiques (maires…). Personne n’est élu
en fin de compte. La confiance vient d’en bas et c’est d’en haut que l’autorité va choisir
les responsables des fonctions politique et administratives.
L’autorité d’en haut est exercée par deux institutions au sommet que sont le
gouvernement (le mot apparaît en l’an VIII dans la Constitution) et le Sénat. Le législatif
est composé de trois assemblées (dans le Bonapartisme, il y a trois assemblées) :
- L’assemblée suprême est le Sénat ou le « Sénat conservateur ». Ce n’est pas une
idéologie conservatrice, mais il doit conserver la Constitution. Il nomme des
fonctionnaires sur la liste de confiance nationale et est juge de la constitutionnalité des
lois (pour la première fois, on parle de contrôle de constitutionnalité des lois), et nomme
les trois consuls, les trois membres du gouvernement. Les membres du Sénat sont
nommés par les fondateurs du système au début. Ils sont 60 mais seront portés à 80.
Pour nommer les suivants (de 60 à 80, puis pour les remplacements en cas de décès) il y
a un mécanisme de cooptation : ils sont choisis par eux-mêmes (comme à l’académie
française). Ils sont inamovibles. Les membres de l’Assemblée choisissent ceux qui vont
les remplacer. Les nouveaux membres du Sénat sont cooptés, choisis entre trois
candidats, l’un présenté par le premier consul, et deux par les deux autres assemblées
(le tribunat et le corps législatif en présentent chacun un). Ce n’est pas à proprement
parler un pouvoir législatif, il ne fait que contrôler leur constitutionnalité. Qui fait la loi ?
Le législatif est composé de deux assemblées : le tribunat et le corps législatif (dans la
Constitution de l’An III, c’était la réunion du Conseil des Cinq Cent et du Conseil des
Anciens).
- Le tribunat a 100 membres désignés pour cinq ans et renouvelés par cinquièmes
(tous les ans, un part). Ils sont nommés par le Sénat comme les membres du corps
législatif. Le tribunat a pour tâche de discuter les projets de lois qui sont à l’initiative du
gouvernement et émettre des vœux. C’est le gouvernement qui a seul l’initiative des lois.
Le vœu est soit positif, soit il entend trois orateurs du tribunat et il va entendre trois
orateur du Conseil d’Etat qui s’expriment devant le corps législatif qui adopte ou rejette
le texte sans le discuter (un peu comme le Conseil des Cinq Cent et le Conseil des
Anciens).
- Le corps législatif, ce sont trois cent membres nommés par le Sénat. Aucun
membre de ces assemblées n’est élu.
Le Conseil d’Etat, assemblée politique de 30 ou 40 membres servant de Conseil au
gouvernement, notamment dans la rédaction des lois. C’est le Conseil d’Etat qui rédige
les lois et les met en forme. Il est l’avocat de la loi devant le corps législatif. Il plaide pour
l’adoption, et si le tribunat plaide pour l’adoption, tout le monde plaide pour l’adoption.
Les 30 ou 40 membres sont désignés par le premier consul. C’est ce système avec en
réalité quatre assemblées qui compose le vrai corps législatif. Le gouvernement est
confié à trois consuls. Les trois consuls sont désignés par la Constitution, pour dix ans, et
au terme de ces dix ans, théoriquement, les successeurs doivent être désignés par le
Sénat, mais on n’arrivera pas au terme de ces dix années. Ce gouvernement a le pouvoir
de promulgation des lois.
Seul le premier consul compte. Il a des pouvoirs propres (promulgation des lois,
nomination et révocation des fonctionnaires). Dans les autres décisions, initiative des lois,
prise de règlements, diriger les recettes, pouvoir de la sécurité intérieure/extérieure, les
deux consuls n’ont qu’un pouvoir consultatif. Soit le premier consul décide seul, soit
après consultation des deux autres. C’est en fait la décision d’un seul.
Le gouvernement a tous les pouvoirs de l’Etat, sauf pour le budget, déclarer la
guerre et signer les traités où il faut l’accord du législatif. L’agencement complexe de la
Constitution de l’an VIII donne en réalité tous les pouvoirs au premier consul, Bonaparte.
Il ne propose par la Loi mais les membres du Sénat et des assemblées sont nommés par

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lui. La Constitution de l’An VIII va rapidement être dépassée. Bonaparte obtient une
réélection anticipée, le consulat à vie et se nomme empereur. Ces modifications de la
Constitution n’étaient pas possible par le texte de la Constitution (on ne prévoyait pas de
révision) mais on a donné au Sénat le pouvoir de la révision par un sénatus-consulte. Un
plébiscite sur le consulat à vie, puis sur l’empire au scrutin universel public, eu une
approbation massive. Le Sénat reçoit le pouvoir de réviser la Constitution. La Constitution
de l’an VIII reste en vigueur, mais le premier empire est en réalité une dictature
personnelle. Il n’y a plus de Droit public, mais Bonaparte qui mène un pouvoir personnel.

IV – La Restauration (16 ans, moins les Cent Jours)

Le régime de la Restauration est le premier qui va avoir une Constitution


véritablement appliquée (les Constitutions n’ont jamais fonctionné auparavant). Le
premier texte ayant un véritable fonctionnement est la charte de 1814. Napoléon, en
1814 est vaincu et les vainqueurs exigent que Napoléon cesse d’exercer le pouvoir. Il
quitte le pouvoir, on lui laisse le titre d’empereur mais on lui donne une seule province à
gouverner, l’île d’Elbe. Quel système mettre alors en place ? Plusieurs Constitutions
républicaines n’ont pas stabilisé la situation. Bonaparte a stabilité l’intérieur mais pas
l’extérieur. On restaure la monarchie. Les puissances européennes sont toutes des
monarchies, et l’héritier de la famille capétienne est mis au trône selon les lois
fondamentales du royaume. Le fils de Louis XVI est mort en prison, mais la duchesse
d’Angoulême (la fille de Louis XVI) ne peut accéder au royaume. On fait roi le premier
frère de Louis XVI, le compte de Provence, Louis XVIII. Il en a pris le titre à la mort de son
neveu (mort après son père, mais prisonnier des jacobins, il se croyait Roi). Les
Bonaparte referont cette opération dynastique symbolique. Louis XVIII exprimait dès
1795 le droit d’être Roi de France. Louis XVIII depuis 95 effectivement Louis XVIII à ce
moment là.
En 1814, il signe son premier acte en disant « en la dix neuvième année de mon
règne ». On admet symboliquement qu’il est roi depuis 95.
Le principe consiste à rétablir la monarchie absolue. Le Roi pouvait exercer le
pouvoir comme il le voulait. Louis XVIII voulait renouer la chaîne des temps brisés par la
Révolution, une rupture. Il affirme d’avoir le droit d’être roi et on ne peut donc lui poser
de conditions. Son petit neveu, en 1872, le comte de Chambord dira la même chose. Il a
un droit subjectif à régner (comme pour la propriété qui est un droit subjectif). Le droit
subjectif des capétiens est celui de régner. Du point de vue de la théorie monarchique,
Louis XVIII ne peut négocier son retour au pouvoir, c’est un droit. Il va décider de donner
une Constitution, c’est-à-dire d’octroyer une Constitution, qui signifie l’idée de donner
quelque chose par pure bonne volonté (c’est le contraire de la négociation).
Cette façon de parler suffit à dire qu’il pourrait ne pas le faire. Il est un bon Roi. Il
n’appelle pas cela la Constitution mais une charte. Constitution rappellerait trop la
Constitution de 91, et les Constitution pendant la Révolution. Charte est un terme plus
neutre. Pour le reste, il affirme sa plénitude des pouvoirs. Le peuple n’est pour rien dans
sont accession au trône, qui fut donnée par Dieu. Il est sacré à Reims pour montrer qu’il
tient sa couronne de Dieu (contrairement à Louis XVI qui restait Roi par la Constitution).
C’est donc une monarchie constitutionnelle. Avant 89, le Roi n’est pas assujetti à des
règles morales. Le Roi est un des rouages de la Constitution qui fixe son Droit et ses
pouvoirs. Son pouvoir est limité par des organes comme les chambres et le Roi a le Droit
de dernier mot. On ne peut le supprimer sans son accord (ni avec son accord, car ce
serait renier son Droit). Cette monarchie, d’autre par, est représentative, mais il y a un
changement.
En 91, les représentants l’étaient car ils parlaient au nom de la Nation. En 1814, il
y a une représentation au sens où les élus représentent leurs électeurs, ils sont leur
propre parole. L’application de la Charte de 1814 est interrompue par les Cent Jours.
Napoléon s’enfuit, revient en France, rallie la majorité de la population, recréé une
armée, créé l’acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (une vraie Constitution)
approuvée par l’Epire – la Charte est jetée aux oubliettes – puis, une nouvelle coalition,
nouvelle armée de Napoléon, est battue et il est envoyé à Sainte-Hélène, où il meurt six

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ans plus tard. La Charte de 1814 est appliquée jusqu’en 1830. On s’aperçoit que c’est la
première Constitution française avec une application effective.
Il y a la mise en place d’un système de concours des pouvoirs (une sorte de
séparation). Les différents pouvoirs fonctionnent de concert.
Le gouvernement de la Restauration est le premier où l’on va vers un système
parlementaire. La puissance exécutive appartient au Roi, ayant besoin du vote du
budget. Les organes ne peuvent se contraindre. La chambre ne peut renverser le Roi,
mais lui peut dissoudre la chambre.
◊ Le pouvoir exécutif est confié au Roi, chef suprême de l’Etat sacré et
irresponsable. Il a l’initiative des lois, qu’il sanctionne et promulgue.
◊ Le législatif est composé de deux chambres (bicaméralisme) : le chambre des
députés des départements et la chambre des pairs.
Les pairs : c’est une chambre aristocratique, composée de nobles ayant un Droit à
siéger, mais qui ne siègent que si le Roi les y autorise. Le Roi peut nommer en nombre
illimité de nouveaux pairs, quand il le veut. Cette chambre haute est entièrement entre
les mains du Roi. Les membres de la noblesse n’y siègent qu’avec son autorisation. S’il y
a un problème, il en nomme de nouveaux. Il peut renverser la majorité. Si le Roi dit aux
pairs qu’il en fera une fournée, ils acceptent par snobisme, car la menace de fournée
ferait entrer de nouveaux membres ce que les pairs ne veulent pas. Il peut prolonger les
chambres (il y a une différence entre prolonger et suspendre). La chambre n’est pas
dissoute mais ne siège pas.
La chambre des députés peut être dissoute par le Roi. C’est un pouvoir important
du Roi : le roi a le pouvoir réglementaire.
Les deux chambres ont d’autre part des pouvoirs égaux. Le budget doit d’abord
être voté par la chambre des députés qui représentent le contribuable. Un texte ne peut
être voté qu’avec l’accord des deux chambres. Les députés sont élus pour cinq ans, puis
sept ans. La chambre, d’autre part, ne se réunie pas de son propre chef, mais par
session, sur appel du Roi. Le Roi peut dissoudre la chambre et a la possibilité de nommer
des membres de la chambre à des fonctions très rémunératrices (d’où la possibilité de
faire du chantage, avec cette technique des députés fonctionnaires). Il a y a une
possibilité de pression sur les pairs, mais le Roi a besoin du vote du budget et doit
convoquer parfois les chambres. Il est lié par l’obligation d’avoir une chambre pour
pouvoir régner. C’est le « concours des pouvoirs ».
◊ L’organe ministériel : pendant la monarchie de Juillet, il ressemble à ce qu’est
un gouvernement à l’anglaise. Le mot gouvernement apparaît avec la Constitution de l’An
VIII (avec 3 consuls). Il est différent du gouvernement étant l’organe ministériel
apparaissant avec la Restauration. Les ministres forment un corps solidairement et
politiquement responsable. Les personnes devant lesquelles le gouvernement est
responsable peuvent être l’Assemblée ou le chef de l’Etat, qui le considère comme un
tout. En 91, l’Assemblée pouvait accuser un ministre. Si le Roi veut changer le
gouvernement, il sera renversé dans son ensemble. La responsabilité du gouvernement
est collective.
Il n’y a pas de premier ministre (ou de président du Conseil comme sous la IIIème
République) ayant le pas sur ses collègues et dirigeant ses collègues. Il ne peut chasser
un ministre (cela se fera sous la IVème République). Les ministres sont des premiers
ministres.
Le Duc de Cazes, ministre de Louis XVIII, est comme un premier ministre. Monsieur
de Villèle joue aussi un rôle de premier ministre, il y a aussi le ministère Polignac, qui
entraînera la chute du régime de la Restauration. C’est un leader. Dans le gouvernement
de la Restauration, il y a des ministres sans portefeuille (= par exemple, on donne à M.
Sarkozy le portefeuille de l’intérieur. C’est un département ministériel). Portefeuille
ministériel = département ministériel. Ce sont les services administratifs placés sous
l’autorité d’un ministre. Sous la Restauration, Il y a des ministres à portefeuille et des
ministres sans, qui sont là comme membres du gouvernement pour conseiller mais sans
gérer de département ministériel.
◊ Le corps électoral élit essentiellement les députés et est censitaire (comme en
1791, en l’An III, mais pas en l’An I et en l’An VIII). Sous la Restauration, les élections sont

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disputées (un gouvernement gagne ou perd) mais il faut avoir une fortune relativement
importante. Pour être électeur, il faut avoir 30 ans et un cens est exigé (300 F. or
d’impôts directs, ce qui était une somme importante). En 1817, on compte 110 000
électeurs (sur 30 millions d’habitants), ce qui est une proportion faible. Ce suffrage se
restreint encore moins sous Charles X. Le régime semble vaciller et le nombre des
électeurs est réduit de deux manières :
- Le double vote : lors des élections, les plus imposés votent deux fois.
- On accorde des dégrèvements d’impôts : les gens payeront moins d’impôts s’ils
le souhaitent, mais ne seront plus électeurs.
En 1830, fin du régime, il n’y a plus que 88 000 électeurs. Le risque est
l’opposition et une nouvelle Révolution. Certains royalistes pensaient à la fin de la
Restauration qu’il fallait faire le contraire, et établir le suffrage universel !
Le cens d’éligibilité était de 1000 F. or d’impôts directs par an, il faut par ailleurs
avoir 40 ans, et au total, 16 000 personnes seulement remplirent ces conditions et sont
éligibles.

◊ La pratique de la Charte de 1814. Pour la première fois, une Constitution est


appliquée et dure. C’est le gouvernement monarchique qui développe une pratique
constitutionnelle. Les mécanismes fonctionnes, les élections, les débats, les votes… Le
ministre (ou le gouvernement) a-t-il une action autonome ou le Roi peut-il imposer sa
volonté à l’exécutif ? Le gouvernement doit exécuter les désirs du Roi ou va-t-il être
simplement déterminé dans son action par l’orientation de la chambre des députés. Il y a
une divergence sous Louis XVIII entre l’orientation de la chambre et le gouvernement.
Louis XVIII est un homme intelligent, mais il sait que le monde a changé et veut être
prudent et ne pas heurter l’opinion publique. Il ne veut pas donner satisfaction aux
monarchistes les plus durs (qui veulent effacer les conséquences de la Révolution), aux
ultras (les ultraroyalistes), et revenir avant la Révolution, et ne veut pas que la chambre
soit composée d’ultras.
On distingue le pays légal (les gens qui votent) du pays réel (le peuple). Le pays
réel n’a pas de Droit politiques. Les ultras sont de plus en plus majoritaires, le nombre
des élections est réduit. Les plus royalistes vont défendre la thèse parlementaire (selon
laquelle le Roi doit laisser gouverner les ministres, appuyés par l’assemblée ultra, et
remplacer un ministre que s’il est l’auteur d’une faute). On va vers un parlementarisme
moniste. La thèse des doctrinaires est que les ministres sont les conseillers du Roi et que
le Roi n’a besoin des chambres que pour les lois et le budget, et que c’est le Roi qui
décide de la politique.
Royer-Collard, ministre, dit que si la chambre peut imposer des ministres au Roi,
nous sommes en République.
Ce sont les modérés qui soutiennent le gouvernement personnel du Roi et les
royalistes qui veulent la politique de la majorité de la chambre  c’est une bataille à fond
renversé ! Louis XVIII va d’abord avoir une pratique ministérielle (il gouverne et choisit
ses ministres avec une politique modérée ou centriste hostile aux ultraroyalistes).
Lorsque son neveu, le duc de Béry est assassiné par un ouvrier voulant mettre un terme
aux Bourbons, mais sa femme est enceinte (c’est l’enfant du miracle, plus tard le comte
de Chambord), les ultras utilisent cet assassinat dans un sens politique : ils imposent à
Louis XVIII le renvoi du duc de Cazes. La fin du règne de Louis XVIII n’est plus ministérielle
mais parlementaire. Il accepte un ministre ultra mais veut jusqu’à la fin maintenir une
politique relativement modérée. Sans enfants à sa mort, la couronne passe à son frère, le
comte d’Artois, qui devient le dernier Roi de France sous le nom de Charles X.
Charles X est lui-même ultra. Intellectuellement, il est beaucoup plus limité que
Louis XVIII. Il est parfaitement en accord avec le gouvernement. Il conserve Villèle (le
« premier ministre » de Louis XVIII), dissout la chambre en 1827 et une poussée libérale à
la chambre a lieu. Charles X nomme un ministère dont la politique est relativement
modérée et dont le personnage principal est Martignac. Il gouverne mais Charles X n’en
est pas satisfait. En 1829, il renvoie Martignac et nomme Polignac (le ministère Polignac
va être formé et amène la chute de la Restauration).

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La chambre est maintenant libérale et le Roi est ultra (par opposition à la situation
avec Louis XVIII). En imposant un ministre ayant sa confiance mais pas celle des
chambres, Charles X exerce un gouvernement personnel. L’opposition libérale inverse ses
positions (le Roi doit selon eux maintenant tenir compte de la Chambre).
Adolphe Thiers, avocat libéral, dans l’opposition dit : « Le Roi règne et ne
gouverne pas. » Se noue alors la fin du régime.
Les députés majoritaires envoient au Roi un document (l’adresse des 221), car les
députés signant ce document sont 221 (les autres sont ultras). Cette adresse pose un
principe fondamental : il doit exister un accord entre les vues du gouvernement et les
vœux du peuple. Il y a conflit entre la chambre qui exprime le vœu du pays, et le
gouvernement voté par le Roi.
A cette adresse, Charles X répond par la dissolution de nouveau. En 1830, de
nouvelles élections ont lieu.
Les 221 signataires sont réélus et les députés libéraux gagnent 49 sièges. C’est
un raz-de-marée libéral. Les 221 avaient donc raison, et le peuple a confirmé que le
ministère Polignac n’avait pas la confiance du pays. Le Roi refuse de tenir compte de ce
verdict et décide de se passer de la Chambre.
Charles X se sert d’une disposition de la Charte, l’article 14 de la Charte de 1814,
lui permettant de prendre des dispositions réglementaires « pour l’exécution des lois et la
sûreté de l’Etat ».
Le Roi est le chef de l’administration (ce sont à peu près les décrets d’aujourd’hui).
Cette disposition est utilisée par Charles X qui proclame 4 ordonnances :
◊ Il suspend la liberté de la presse.
◊ Il dissout la chambre une fois de plus.
◊ Il enlève le Droit de vote à certains électeurs.
◊ Il convoque les collèges électoraux pour le 13 septembre 1830, mais avec un
corps électoral épuré.
 C’est la cause directe de la Révolution.

Deux de ces ordonnances sont manifestement contraires à la Charte car elles sont
des mesures ne pouvant être faites que par la Loi. La liberté de la presse et la réduction
des électeurs sont des mesures ne pouvant émaner que de la Loi. La seconde et la
quatrième mesure sont des pouvoirs du Roi, mais ils heurtent l’esprit de la Charte
constitutionnelle et suppriment potentiellement la Charte. On peut affirmer que la
possibilité de faire des ordonnances peut empiéter sur le domaine du législatif en cas de
danger quant à la sûreté de l’Etat. Comme il n’y a pas de juge constitutionnel, la situation
ne peut être tranchée en Droit. Elle va l’être en fait par la Révolution.
En 1830, le régime s’effondre à partir d’un conflit constitutionnel. Les chutes des
régimes sont soit des conflits armés, soit des coups d’Etat, ou des conflits
constitutionnels (art. 14 de la Charte : « Le roi est le chef suprême de l'Etat, il commande
les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de
commerce, nomme à tous les emplois d'administration publique, et fait les règlements et
ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'Etat. »). L’opposition
aux ordonnances se transforme en émeutes. Le 28 juillet 1830, l’émeute éclate à Paris, et
le 29 c’est la Révolution. Charles X essaye de brimer le mouvement en envoyant la
troupe, qui évacue Paris le 30 Juillet 1830. Ce Roi renvoie Polignac et nomme un nouveau
premier ministre annonçant le retrait des ordonnances.
Charles X abdique le 2 août au profit du comte de Chambord. Il quitte la France
sous escorte militaire et embarque pour l’Angleterre.

◊ Que faire ? Le retour à la république rappellerait la Terreur, il n’y a pas d’hériter


Bonaparte disponible, une Révolution en France n’est pas populaire en Europe (guerres
de l’Empire après la Révolution française). La réponse est de faire appel au duc d’Orléans
qui est le cousin des Rois de France, descendant d’un frère de Louis XIV.
Le père du duc d’Orléans, Philippe, a pris partie pour la Révolution, a été élu à la
Convention, pris le nom de Philippe égalité et a voté la mort de son cousin Louis XVI, ce
qui eu un sens fort en faveur de la Révolution. Il fut aussi guillotiné. Son fils a hérité d’une

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tradition politique différente de la branche aînée : le duc d’Orléans, ayant eu une vie
aventureuse, il est connu, intelligent, séducteur, et apparaît comme une sorte de solution
de compromis ce qui est acceptable pour tous, sauf pour les légitimistes. Le duc
d’Orléans est acceptable pour les élites (c’est une garantie contre une République
sociale), pour les Républicains (son père s’est rallié à la Révolution, à la Nation) et
représente une alternative aux Bourbons et à l’Empire.
Le duc d’Orléans est nommé par la Chambre (qui est dans l’opposition)
« lieutenant général du royaume. » Les Chambres l’appellent au trône et lui
présentent le texte révisé de la Charte, accepté, et sur lequel le duc prête serment et
devient Roi le 9 août sous le nom de Louis Philippe.
Pour la première fois, on a un pouvoir fondé sur un pacte, un contrat. Jusqu’ici,
aucun régime précédent n’était fondé sur un accord de volonté. Auparavant, aucune
dimension contractuelle dans la prise du trône par Louis XVI. Louis XVIII est accepté car il
est l’hériter légitime du trône de France. C’est l’application d’une Loi et non l’idée d’un
pacte.
En revanche, c’est un pacte entre Louis Philippe et la Nation (les chambres) qui
forme le régime de la monarchie de juillet (car issu de la Révolution de juillet). Le régime
de Louis Philippe est appelé la monarchie de Juillet. Louis Philippe accepte la
Révolution, les principes de 89 (notamment la DDHC), l’idée de souveraineté nationale
forgée sous la Révolution et la royauté représentative (où le Roi est épaulé par une
représentation des citoyens que sont les chambres).
◊ La séparation des pouvoirs n’est pas reprise rigoureusement. Louis Philippe
prend le titre de Roi des Français, renonce au drapeau blanc de la monarchie et adopte le
drapeau tricolore. On supprime le préambule de la Charte et on dit que ce texte est
inacceptable car il paraissait « octroyer aux Français des Droits qui leurs appartiennent
essentiellement ». Louis Philippe veut un règne historique, et Dupain dira (président de
l’Assemblée en 48) que « Louis Philippe ne règne pas comme bourbon mais quoi que
bourbon ». On l’aime bien et on en oublie qu’il est bourbon.
 Le régime de la monarchie de juillet repose sur un contrat. Louis-Philippe ne
règne pas comme bourbon.
Les fondements du système sont différents. Le texte constitutionnel va être peu
modifié. On conserve la Charte de 1814 en supprimant le préambule et on retouche
quelques articles : c’est la Charte révisée. On garde les institutions de la Restauration.
◊ Les retouches :
- L’article 14 ayant motivé l’insurrection, pour que le Roi ne puisse faire
ce qu’a dit Charles X.
- Les chambres vont partager l’initiative des lois avec le Roi.
- L’hérédité de la pairie est abolie (la chambre des pairs est composée de
pairs héréditaires et de pairs pouvant être nommés par le Roi). La
première catégorie est abolie. Les pairs nommés à vie ne transmettent
plus leur charge.
- Un élargissement du corps électoral. Les citoyens sont électeurs à 25
ans et éligibles à 30 ans (auparavant 30 et 40).
- Le cens d’électorat de 300 F est abaissé à 200 F. Des personnes n’ayant
pas 200 F d’impôts or par an peuvent voter si elles ont des capacités,
c’est-à-dire des gens ayant une illustration sociale suffisante pour
pouvoir voter (ce sera le cas des membres des cinq académies).
L’électorat n’est pas un droit mais peu s’acquérir.
Ces révisions déçoivent en ce qui concerne les conditions d’élection. On
espérait un abaissement du cens équivalent à celui de 1791. Et la
déception va durer.
Il y a un sentiment de stabilisation (pas de changement de la Constitution). C’est
en 1834 qu’est fondée la première chaire de Droit constitutionnel à la faculté de Droit de
Paris. Louis-Philippe veut faire croire que les institutions sont stables et appelées à durer.
C’est transparent et efficace que d’enseigner le Droit constitutionnel. Il le confie à
Pellegrino Rossi.

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C’est un régime de synthèse. On pourrait croire que la France a trouvé les


institutions qu’elle cherchait. Cela dit, le régime comporte une difficulté, comme en
1814 : le rôle du Roi est problématique. Louis-Philippe n’accepte pas que le Roi ne
gouverne pas. Il entend gouverner. Un président de la Vème République va suivre le
détail administratif des affaires et en suivre les conséquences, et Louis Philippe n’entend
pas cela, mais veut avoir une influence politique. Il veut que son influence politique soit
déterminante. De 1830 à 1840 se succèdent 14 ministères (au sens de gouvernement),
c’est plus qu’un par an ! Louis-Philippe dissout 7 fois la chambre des députés. Il suit de
près la marche des affaires publiques.
Après 1840, la chambre n’est pas dissoute, et François Guizot rester Premier
Ministre pendant 7 ans. Louis-Philippe lui laisse le soin de gouverner. C’est un opposant à
la Restauration, un avocat libéral, avec des écrits contre la peine de mort. En 1833, il a
créé l’éducation nationale, en tant que ministre de l’éducation. Avant, l’enseignement
était privé. Louis-Philippe est en retrait, vieilli. Le mécontentement croît dans le pays réel.
Il y a des pratiques parlementaires discutables, et le régime veut rendre difficile l’élection
de députés de l’opposition. Députés fonctionnaires : de crainte de perdre leur statut de
fonctionnaire, ces députés doivent voter en faveur du gouvernement. L’autre thème de
mécontentement est que l’on n’élargit pas le cens. En effet, les forces conservatrices, le
parti de l’ordre, craignent un virage à gauche du gouvernement. Le gouvernement de
1830 reprend à son compte le comportement de son prédécesseur. Guizot : vous voulez
être électeurs, enrichissez vous : « Enrichissez-vous par le travail et l’épargne ! » dit-il
aux gens voulant un cens abaissé. S’en suit une agitation politique sournoise…
Les années 40 du XIXème siècle sont marquées par les crises économiques
cycliques du capitalisme, des scandales politiques décrédibilisant le régime politique.
Ceci se concrétise dans la campagne des banquets de l’opposition républicaine à la fin
47. Des lois pèsent sur la presse et les Républicains organisent des banquets dans toute
la France, où l’on discute en réalité de politique et où on ne fait pas que de manger. Le
gouvernement réagit, les opposants…c’est la Révolution de février 1848. La foule
parisienne se révolte, la chambre est envahie. Louis-Philippe dit qu’il pourrait se battre
mais il dit que sa couronne ne vaut pas un massacre et abdique pour partir en Angleterre
comme Charles X. Fin février 1848, la monarchie de Juillet s’effondre. De nouveau, la
France n’a pas de régime politique, ni de Constitution. L’insurrection parisienne désigne
un gouvernement provisoire (le gouvernement provisoire de 1848), avec Lamartine,
Ledru-Rollin, Louis Blanc (le leader socialiste) et l’ouvrier Albert (c’est la première fois que
les ouvriers sont représentés !).
Le 5 mars, le gouvernement annonce l’instauration du suffrage universel
masculin, pour l’élection d’une Assemblée constituante (abandonnée depuis la
Convention). On élit une Constituante, avec 7 835 000 suffrages exprimés ! En même
temps que le renversement, on proclame la République, idée abandonnée depuis le Ier
Empire, idée qui est la dernière solution restante. Deux monarchies différentes ont été
usées, on ne songe pas un Bonaparte et par défaut, on revient à la République, dans un
esprit différent que la Convention (mais sans Terreur et Robespierre), avec un grand
sentimentalisme. L’Eglise catholique contribue au régime, bénit les arbres de la liberté
(dont un exemplaire est visible à Bagneux) et il y a un vaste consensus pour la
République.
La Constituante est élue le 23 avril et comte à peu près 800 membres, avec une
forte majorité de Républicains modérés et 24 ouvrier (une première). Le 4 mai,
l’Assemblée Constituante élue et légitime confirme la République et se met à la tâche de
rédiger une Constitution, jusqu’au 4 novembre 1848 avec la promulgation de la
Constitution de 1848. Entre temps, entre avril et le moment où la Constitution est
achevée, le climat politique a changé (après l’amour universel), et c’est un climat
dramatique qui apparaît, à cause des « Journées de Juin 1848 ». C’est la rupture du
consensus, une insurrection. On avait créé des « ateliers nationaux » pour donner du
travail aux ouvriers parisiens au chômage (ce qui était une tragédie d’être au chômage,
car il n’y avait pas toutes les couvertures sociales d’aujourd’hui). Quand on donne un
salaire sans vendre les produits fabriqués, cela est problématique et déclenche les
journées de juin, une insurrection motivée par la suppression des ateliers nationaux.

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Fusillades dans les rues de Paris éclatent. Selon la légende, les derniers insurgés sont
tués place du Panthéon et enterrés sur place. Cet épisode tragique change le climat
politique. Après les journées de Juin, les propriétaires (possédants, bourgeois) ont peut. Il
y a une double radicalisation qui profite au parti de l’ordre.
◊ Le mécanisme de la Constitution de 1848, avec un chef d’Etat élu au
suffrage universel. La Vème République est l’héritière du régime de 1848
- Les principes : La République et la démocratie et le suffrage universel
(important pour des raisons politiques : les gouvernants ne sont pas les mêmes s’ils sont
élus au suffrage universel ou non, et pour une raison symbolique). L’électorat est un droit
qu’ils possèdent. Lamartine : « Je te fais citoyen et électeur parce que Dieu t’a fait
Homme. » Sous ces deux réserves, et en mettant entre parenthèses la problématique du
sexe, l’électorat est un droit. Tous les Français sont électeurs (mais pas les Françaises)
ayant 21 ans (monarchie de juillet = 25 ans), âge le plus bas utilisé jusqu’en 1974, et il
faut jouir de ses droits civils et politiques. Il faut résider dans le même lieu depuis 6 mois
au moins. Un migrant n’est peut être pas qualifié pour exprimer un vote utile et cela
posait des problèmes d’organisation. Aujourd’hui encore, l’électorat des nomades et des
SDF est difficile à traiter. Au XIXème siècle, beaucoup de gens bougent à l’intérieur du
territoire. Les ouvriers sont à la recherche de travail…
Loi du 15 mars 1849 : c’est la création de la liste électorale. Pour voter, il faut être
inscrit sur la liste électorale (il n’y en a pas dans certains Etats aux Etats-Unis d’où des
problèmes pour mesurer l’abstention). Pour exercer ce droit d’électeur, il faut demander
son inscription sur une liste. Pour le reste, le vote a des caractères :
- Le vote est égal (1 homme = 1 voix)
- Le vote est unique (liste électorale)
- Le vote est direct (suffrage universel direct)
- Le vote est facultatif (en Belgique, il est obligatoire, mais il n’y a que peu de
poursuites).
- Le vote est personnel (aujourd’hui, la procuration est possible)
- Le vote est secret (l’isoloir).
En 1848, on vote au niveau du canton (au chef lieu de canton) et il se fait sur
deux jours (principe abandonné au Second Empire). Les autres règles sont toujours
d’actualité.
La Constitution pose le principe de la souveraineté populaire (article 17 : « La
souveraineté réside dans l’universalité des citoyens français »). Le système est
représentatif. Le principe de séparation des pouvoirs refait surface (art. 19 : « la première
condition d’un gouvernement libre »). Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont
confiés à un président de la Républiquet à une assemblée unique (principe abandonné
depuis l’an III), comme sous la Convention. Comme en 1958, on élit au suffrage universel
l’exécutif et le législatif. Le président est élu (c’est nouveau !) mais les deux branches du
gouvernement ont une légitimité égale, identique à l’assemblée pour le président ce qui
peut générer des conflits. La Constitution de 1848 est celle qui se rapproche le plus de la
Constitution américaine. On fait un régime présidentiel, le chef de l’Etat peut dissoudre
l’assemblée. Il est question de la collaboration entre les pouvoirs. La Constitution de 1848
ne prévoit pas grand-chose pour ce qui est de la collaboration entre exécutif et législatif.
Le président a l’initiative des lois concurremment avec les membres de
l’Assemblée, mais n’a pas de veto, seulement un Droit de demander une deuxième
délibération, mais il est peu probable que l’assemblée change d’avis. Le président de la
République est élu au suffrage universel, pour 4 ans (période courte, mais plus longue
que la durée de la Législative). Le président n’a pas le Droit de rééligibilité immédiate. Il
n’est pas commandant de l’armée, et ne peut agir pour gracier qu’avec l’accord du
Conseil d’Etat. Il ne peut sortir du territoire sans être autorisé par la Loi. Il a un pouvoir
important, un prestige, mais on limite son action, pour des raisons politiques.
D’autre part, les membres du gouvernement (les ministres) sont choisis par le
président, et peuvent être pris parmi les députés, et sont déclarés responsables par la
Constitution (devant le président ou devant le parlement ?). L’évolution vers le régime
parlementaire n’est pas complètement bouchée. Il manquait la dissolution. Mais après
1877, on n’aura pas la dissolution avec pourtant un régime parlementaire.

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Le Législatif est composé d’une assemblée unique, de 750 membres,


permanente (pas de sessions), et élue pour 3 ans (un mandat court). A côté de
l’Assemblée, on trouve un Conseil d’Etat au rôle technique de préparer les lois et de
surveiller l’administration.
Les rédacteurs n’ont pas prévu la présentation de Louis Napoléon Bonaparte,
neveu de Napoléon Ier, homme connu mais de façon relativement équivoque. Il passe
pour un aventurier. Il a essayé de fomenter une révolter militaire pour faire un coup
d’Etat, mais ce fut un échec. Il a été emprisonné, puis il repartit à l’étranger. Il est
l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’extinction du paupérisme. Il a la réputation d’être à
gauche et de s’occuper des plus démunis. Il hérite du nom de Bonaparte, ce qui n’est pas
forcément glorieux. Avec le boulevard ouvert avec la constitution de 1848, Louis
Napoléon Bonaparte s’y engage et est élu triomphalement le 10 décembre 1848.
C’est une victoire qui s’explique par une campagne utile, avec comme slogan « L’empire
c’est la paix »… Il a bénéficié du fait que le prestige de son principal candidat a été terni
par la répression des Journées de Juin. Louis Napoléon Bonaparte devient Président
de la République en France.
En 1849, est élue l’Assemblée Nationale (prévue par la Constitution) et elle a un
profil politique différent de l’Assemblée Constituante (avec des Républicains modérés).
Juin 48 a radicalisé les opposants. Les extrêmes ont progressé. Le parti de l’ordre, les
conservateurs, contre le progrès socialiste, revient en force avec 450 sièges (la majorité
absolue dans l’Assemblée). L’extrême gauche progresse avec 180 élus. Le centre
dominant dans la Constituante se trouve à l’étroit. Il en résulte une cohabitation entre le
président dont le parti de l’ordre se méfie, et ce parti de l’ordre n’ayant pas confiance ce
président. Il n’y a pas de coopération confiante entre ces deux hommes élus au suffrage
universel, d’où des confrontations.
Le 31 mars 1850, l’Assemblée vote sans le Président (qui n’a pas de veto) une
loi électorale qui va, de fait, modifier les règles électorales brutalement, en supprimant le
Droit de vote de 3 millions d’électeurs (sur un total de 8 millions). Pour s’inscrire sur la
liste électorale (créée en 48), il est nécessaire d’avoir résidé non plus 6 mois mais 3 ans
dans son lieu de résidence. Dans ce monde où les classes défavorisées bougent, cette
sédentarité de 3 ans exclut les classes les plus défavorisées. Qu’en est-il de la preuve ?
La preuve admise est le payement d’un impôt sur place. Ceux ne le payant pas,
même en étant résidant, ne pouvaient prouver leur présence. On rétablit sans le dire un
suffrage censitaire, de fait. C’est une des justifications du coup d’Etat de Napoléon.
Est exclue l’idée d’un régime parlementaire, bien que les deux pouvoirs pointaient
vers une logique présidentielle. Louis Napoléon Bonaparte choisit des personnes ayant le
soutien de la majorité parlementaire. Fin 1849, il a eu tendance à choisir dans ses
ministres des gens qui lui étaient fidèles. En outre, le système ressemble plutôt au
gouvernement américain :
- Pas de Premier Ministre.
- Il y a, comme sous la Restauration, quelqu’un qui a une influence plus grande, en
présidant le Conseil des Ministres, quand le président n’est plus là : Odilon Barrot, au
début de la Deuxième République, le Conseil des Ministres est présidé par cet homme
lorsque Bonaparte n’est pas là. C’est un « principal ministre », mais cette tradition n’a
pas duré.
- Le texte disait que les ministres étaient responsables, mais on ne savait pas
devant qui (assemblée ou président ? Ou les deux ?). L’option qui emporte est une
responsabilité devant le président seul. Louis Napoléon Bonaparte démet des ministres
ne lui plaisant pas, mais des ministres élus dans l’Assemblée restent en fonction. Il n’y a
pas de responsabilité devant les chambres : c’est une logique présidentielle. Avec le
temps, Louis Napoléon Bonaparte choisit des ministres non parlementaires (hors de
l’Assemblée) ce qui est contraire au régime parlementaire.
La pratique des institutions renforce ce divorce et manifeste cette situation et la
renforce : elle est cause et conséquence du divorce politique entre l’Assemblée et le
président, divorce qui tourne au conflit.
Les constituants avaient décidé que le président ne pouvait pas se représenter
immédiatement. Or Louis Napoléon Bonaparte voudrait rester au pouvoir et demande à

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l’Assemblée Nationale de réviser la Constitution pour lui permettre de briller un deuxième


mandat.
◊ Comment réviser la Constitution de 1848 ?
A la différence des Constitutions précédentes républicaines (91, An III), elle a
prévu un mécanisme pouvant être mis en application immédiatement. La 3eme année de
la législature, un vœu de révision doit être voté à la majorité des ¾ des Assemblées. On
élisait une Constituante de 900 membres qui siégeait 3 mois et opérait ou non la révision
constitutionnelle. A la différence du 18 Brumaire, la révision n’est pas rendue impossible.
Il y a des conditions : les ¾ de l’assemblée doivent accepter le vœu. Louis Napoléon
Bonaparte demande ce vœu de révision à l’assemblée.
En Juillet 1851, l’assemblée vote et la motion n’est pas obtenue, avec 446 voix :
Louis Napoléon Bonaparte est vaincu et va devoir quitter le pouvoir en 51. Face à cette
situation, il se résout à la seule solution restante : sortir de la légalité et faire un coup
d’Etat, le 2 décembre 51. C’est la date anniversaire d’Austerlitz. Il prend le pouvoir,
dissout l’assemblée nationale par la force au nom du rétablissement de la démocratie. Il
fait une proclamation dont l’articler 1er est « le suffrage universel (de fait) est rétablit ».
Les chefs de l’opposition sont arrêtés, les émeutes parisiennes brisées de force. Louis
Napoléon Bonaparte reste président, sans Constitution. Il fait ratifier son coup d’Etat par
un plébiscite, qui approuve son initiative massivement. Il fait adopter une nouvelle
Constitution. En 52, nouveau plébiscite, rétablissant l’Empire. Il devient empereur sous le
nom de Napoléon III. En détournant la logique de la monarchie, il considère que le fils de
Napoléon et de Marie Louise d’Autriche a été un Roi sans couronne comme Louis XVII
(c’était « Napoléon II »).

VIII – La IIIème République

a) La mise en place du régime

Ce n’est pas une révolution qui produit la chute de Second Empire, mais la
défaite de la France, en 1870. Le 3 septembre 1870, l’armée française est vaincue à
Sedan et l’empereur est fait prisonnier. C’est aussi la création de l’empire allemand.
L’impératrice Eugénie doit être régente. Les Républicains, peu nombreux, vont profiter du
chaos pour opérer une Révolution, celle du 4 septembre 1870. Les Républicains font une
révolution et prennent le pouvoir pour mettre en place le gouvernement de la défense
nationale, comme n’étant pas au pouvoir mais au combat. Ils renversent l’Empire, pas
pour terminer la guerre mais pour la gagner. La guerre est alors perdue. Le 8 février 71,
les Républicains se réunissent à Bordeaux, pour élaborer une Constitution car Paris est
assiégé par les Prussiens.
Les Républicains sont nettement en minorité sur les 650 élus de l’assemblée
constituante, il n’y a que 200 Républicains, et ils sont écrasés dans les urnes. Ils ne sont
pas populaires, les majoritaires sont le parti de l’ordre s’appuyant sur les masses
paysannes votant de façon conservatrice. Les Républicains veulent de plus continuer la
guerre. Les monarchistes gagnent car ils sont le parti de l’ordre et contre la guerre. Il y a
400 monarchistes sur les 650 élus, divisés en :
- légitimistes, partisans de la branche aînée, de la descendance de Charles X, avec
un candidat, le petit fils de Charles X, enfant du miracles, né après l’assassinat de son
père. Les légitimistes l’appellent Henri V : c’est le comte de Chambord.
- orléanistes, partisans de la branche cadette, branche de Louis Philippe, et ont le
petit fils de Louis Philippe comme candidat, le comte de Paris.
Les deux ensembles ont une majorité qui ne peut être séparée. La question est de
savoir s’il y aura consensus ou non. La « fusion » est théoriquement facile car le comte de
Chambord n’a pas d’enfant. C’est homme âgé (il est né vers 1820), et la branche aînée
est en voie d’extinction. La branche aînée des Bourbons s’éteint avec le comte de
Chambord. On restaure la monarchie à son profit mais l’héritier sera ensuite le comte de
Paris. Il y a donc une descendance assurée du côté des Orléans, et s’ouvrirait une
descendance orléaniste.

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Après l’élection de la Constituante, elle prend le 17 février comme chef du pouvoir


exécutif Adolphe Thiers. C’est un homme âgé mais énergique, et un opposant de la
Restauration, de la monarchie de Juillet, un homme de grande importance. Il semble
acceptable par tous, et en mesure de s’imposer. Son but est la paix avec la Prusse. Thiers
obtient des conditions de paix et en mars, l’Assemblée va s’installer à Versailles, car Paris
est la mère de toutes les révolutions. Jusqu’au 28 avril, une révolution parisienne dure et
est écrasée par Thiers. Les exils sont ensuite abolis.
Les conditions de la Restauration monarchique sont réunies, et on va donc
proposer au comte de Chambord le trône. L’opération échoue car le comte de Chambord
est intraitable : il ne veut pas que son règne soit le résultat d’un contrat et ne veut pas
négocier le trône de France, estimant y avoir Droit, tout comme Louis XVIII. Il octroiera
une Charte, mais ce n’est pas le résultat d’une entente (d’un compromis pur et simple).
Les envoyés de l’assemblée sont étonnés de ces exigences.
Se pose le problème du drapeau : Louis Philippe a accepté le drapeau tricolore. Le
comte de Chambord ne le veut pas et dit que le drapeau de la France est le drapeau
blanc. Il est récalcitrant, et les monarchistes ne peuvent faire la Restauration. Le seul
espoir est le temps, car le comte de Chambord n’a pas d’enfants et on attend donc sa
mort. Les Orléans sont plus traitables et accepteront une Constitution négociée, le pacte
entre la Nation et le Roi, le drapeau tricolore… Le provisoire passe par l’adoption de la Loi
Rivet, ou Constitution Rivet, qui organise les pouvoirs publics.
Formellement, c’est une loi, matériellement, c’est une Constitution. Il donne à
Thiers le titre de président de la République. Le pouvoir provisoire donne à Thiers ce titre.
On lui confie un pouvoir qui doit durer autant que celui de l’assemblée constituante, mais
l’assemblée peut le renverser (c’est dont plutôt un Premier Ministre). On introduit le
contreseing ministériel. Le conflit éclate car la majorité cesse d’avoir confiance en Thiers,
car on pense qu’il a choisi la République, ce qu’il confirme : « La République est le régime
qui nous divise le moins ». Les monarchistes sont plus capables d’accepter la République
que les Républicains capables d’appliquer la monarchie. Les monarchistes sont les
possédants. La République est négative, et la Révolution, le socialisme est craint. C’est le
partage des richesses, des terres, et les possédants acceptent la République, du moment
que la propriété est conservée. Thiers dit « La République sera conservatrice ou ne sera
pas. »
La République est le régime qui nous divise le moins et elle sera conservatrice
selon Thiers. Au demeurant, ces cogitations de Thiers ne peuvent être acceptées par la
majorité monarchiste, qui va le renverser. Le 24 mai 1873, Thiers est renversé et quitte
ses fonctions de président de la République. Il est remplacé par le maréchal Patrice de
Mac Mahon, vieux soldat ayant faire toutes les guerres de l’Empire, élu pour 7 ans.
Thiers paraît converti à la République et la majorité monarchique de la
Constituante ne peut que l’évincer. Le 24 mai 1873, l’élection de Mac Mahon va suivre
immédiatement la démission de Thiers. Le comte de Chambord ayant pesé des refus. Le
20 novembre 1873 est votée la loi du septennat, fixant à 7 ans la présidence de Mac-
Mahon, septennat qui dure plus d’un siècle auquel on mis fin en 2000.
Pourquoi 7 ans ? Il faut sortir du provisoire et tant que la monarchie était à
l’assemblée, on pouvait avoir un président sans mandat fixé. Quand l’hypothèse d’une
restauration monarchique s’éloigne, il faut prendre des mesures. L’espoir des
monarchistes est la disparition du comte de Chambord, avec le candidat qu’est le comte
de Paris, avec lequel on pourra s’entendre. C’est pour cela qu’on donne un long mandat,
c’est une manière de figer la situation.
Les monarchistes avaient souhaité un mandat de 10 ans, mais Mac-Mahon n’a pas
voulu, pour sa commodité personnelle. Par conséquent, en passant on voit l’ironie de
l’histoire : c’est une conjoncture passée qui créée une tradition allant durer un siècle et
quart.
C’est un septennat personnel, on ne connaît pas son successeur. Les débats de
l’assemblée constituante vont reprendre de façon lente, puisque toute l’année 1874
(première exposition des Impressionnistes) y passe. Début 1875, l’assemblée veut en
finir.

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Le 30 janvier 1875 est voté un amendement, l’amendement Wallon, proposé par


le député Wallon, adopté par 353 voix contre 352 énonçant que le président de la
république est élu à la pluralité des suffrages de la chambre et du Sénat. On parle d’un
président quelconque, et non plus de Mac-Mahon. S’il y a un président de la République,
c’est qu’il y a une République.
Les ennemis de la République disent qu’elle est élue à une voix de majorité. Il y
aurait pu cependant avoir un vote de l’assemblée annulant l’amendement Wallon. Il y a le
ralliement d’une frange de députés indécis. L’assemblée monarchiste de 1870 se
transforme en une assemblée républicaine, et produit une République. Fin février 1875,
on vote les premières lois constitutionnelles. Le 24 février 1875 est votée la première loi
constitutionnelle sur l’organisation du Sénat, le 25 février 1875 est votée la loi sur
l’organisation des pouvoirs publics, et le 16 juillet 1875 la loi sur les rapports des pouvoirs
publics. Puis, on s’arrête. La IIIème République n’a pas une Constitution, un document
unifié, mais est le résultat de 3 lois constitutionnelles appelées « Constitution de la IIIème
République » (formule utilisée par commodité). La IIIème République, régime durant le
plus longtemps dans l’histoire constitutionnelle française, en droit 65 ans, en fait 60 ans.
Il est possible que la Vème République batte le record.
Cette Constitution bizarre, élaborée dans la douleur et la durée, résultat de
compromis est celle qui a régit le plus longtemps jusqu’à aujourd’hui le système français.
Elle est en un sens bâtarde mais est aussi le produit de toutes les Constitutions
antérieures. C’est une synthèse.
- La république est connue (il y en a déjà eu deux, différentes)
- Le parlementarisme (la Restauration, la monarchie de Juillet).
C’est l’union dans la IIIème République de la République et du parlementarisme.
En revanche, la République n’est pas la démocratie. Elle est conservatrice (parole
de Thiers), mais moins que ce que ses promoteurs ont souhaité. La République ne veut
pas dire démocratie, car la République peut ne pas être démocratique, et la IIIème
République conservera ses origines conservatrices.
Le Sénat rend impossible le vote des femmes, par exemple. La IIIème République
devra s’effondrer pour que le vote des femmes passe. La place du suffrage universel est
très faible, et contrebalancée. Le système est un système de souveraineté nationale,
sans le dire. Implicitement, on est dans un système de souveraineté nationale. Le régime
de la IIIème République est contre la consultation du peuple : il n’y a pas de démocratie
semi directe. Le référendum est totalement exclu. Seuls les adversaires du régime
réclament le référendum.
Pour le reste, le régime est représentatif, mais glisse aussi vers le système semi
représentatif et le système de la réélection, où les électeurs font entendre leurs voix. Il y
a une certaine évolution n’étant plus la pure république conservatrice.

◊ L’électorat est le même que celui de 1948 :


- Les femmes restent exclues, à cause de l’opposition du Sénat. En 1936, le vote
des femmes est voté à l’unanimité à l’assemblée, et le Sénat s’y opposera.
- On suspend le droit de vote des militaires (de carrières comme pour les appelés).
On appelait l’armée la grande muette, car les militaires ne pouvaient pas voter. On la
justifie car l’armée est un corps hiérarchique, où ne doivent pas entrer des débats
politiques et la meilleure façon est d’interdire le droit de vote aux militaires (c’est
uniquement une suspension).
- C’est aussi l’époque où on va aboutir à la mise en place des règles électorales
d’aujourd’hui. On supprime les candidatures multiples (un député pouvait être élu par
plusieurs départements, puis il choisissait son département). Il y a une déclaration de
candidature en 1889.
- On réglemente la propagande en 1823 et 1827.
- En 1827, l’isoloir et l’enveloppe.
L’histoire de la IIIème République est aussi celle où se mettent en place ces
notions pas tellement anciennes comme l’enveloppe. C’est aussi l’époque où on pose le
principe du vote dans la commune (en 48, on votait au chef lieu de canton).

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◊ Comment sont constituées les assemblées qui vont jouer un rôle capital
dans le système politique ?
Il y a deux assemblées, c’est un système bicaméral.
- L’assemblée (à peu près 500 membres) est élue au suffrage universel, la
chambre des députés est élue pour 4 ans au suffrage universel. Cette chambre siège au
palais bourbon et va être l’élément le plus important du pouvoir. Elle est équilibrée par
l’existence d’un Sénat (avec moins de membres). L’assemblée est élue avec le principe
de l’arrondissement : chaque arrondissement a un député. Le scrutin majoritaire
uninominal à deux tours est toujours pratiqué. On appliqua aussi un scrutin proportionnel
de liste départementale. C’est là qu’il devient le scrutin par excellence, toujours utilisé
aujourd’hui. Il faut avoir 25 ans pour être élu à la chambre des députés.
- Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il faut être soit député, soit conseiller
général (représenter un canton), soit maire. On ajoutera des délégués des conseils
municipaux, proportionnels à la population, grossièrement. Le système de grands
électeurs ne sert qu’à élire 225 des 300 membres du Sénat. Le système initial, et c’est
une trace du caractère conservateur du système, on désigne 75 sénateurs inamovibles
(élus par les chambres à vie). Ils sont remplacés lorsqu’ils meurent. Ce système initial est
supprimé en 1884, dans une des fondations de la IIIème République. Après leur mort, ils
sont remplacés par un sénateur élu, et il n’y aura plus que des sénateurs élus au suffrage
universel indirect. Il faut être âgé de 40 ans (Vème République, 35 puis 30 ans).
- C’est un bicaméralisme égalitaire : les deux assemblées ont une capacité égale
de voter la loi, chacune a un droit de vote. Aucun moyen pour l’une de forcer la main de
l’autre. La chambre vote le principe du suffrage féminin à l’unanimité et le Sénat dit non.
Un texte adopté par les mêmes termes (à la virgule près) par les deux assemblées est
une loi. Il arrive que les assemblées votent des textes uniques (l’une sans l’autre) : c’est
une résolution. Cette décision d’une assemblée peut avoir une valeur proprement interne
et concerner le règlement de l’assemblée ou du Sénat. Une assemblée peut voter seule,
elle-même un texte sur l’activité gouvernementale, un ordre du jour (le jugement porté
par la chambre ou le Sénat sur la manière dont le gouvernement gouverne) peut avoir
pour conséquence la démission du gouvernement. La réunion des deux chambres en une
assemblée unique porte le nom d’assemblée nationale (≠ aujourd’hui c’est l’une des
chambres, depuis 1946). La chambre des députés est élue au suffrage universel direct.
L’assemblée nationale élit le président de la République, élu par les députés et sénateurs.
Elle, lorsqu’elle est réunie, on parle de Congrès, vote les révisions de la Constitution.
Cette réunion en Assemblée Nationale est simplement formelle. Pour qu’il y ait révision
constitutionnelle, il faut le vote de la loi comme une voix ordinaire. La chambre d’un côté
et le Sénat de l’autre votent le texte dans les mêmes termes, à la majorité simple.
L’assemblée nationale, les deux chambres, votent toujours à la majorité simple la loi
constitutionnelle.
Si on a une majorité dans chacune des chambres, on a nécessairement une
majorité à l’assemblée nationale, sauf si des élus votent différemment. En réalité, sous la
IIIème République, il n’y a pas de rigidité constitutionnelle pour la loi constitutionnelle. La
seule différence est qu’on la vote deux fois. La majorité est la même.
Politiquement et juridiquement, il n’est pas plus difficile de modifier la Constitution
que de voter une loi. La Constitution est livrée à la volonté des majorités politiques. Il n’y
a pas besoin d’un contrôle de constitutionnalité (on ne le fera qu’en 1958), puisque les
élus de la chambre et du Sénat peuvent changer de majorité.
Les membres des assemblées ont l’initiative des lois, conjointement avec le
président de la République, et les assemblées ont un pouvoir général de contrôle de
l’activité du gouvernement dont elles useront avec la pratique du régime.
◊ Le président de la République
Il y a un décalage entre l’image de la lecture du texte et la réalité. Le président de
la République est élu pour 7 ans (septennat adopté comme mesure par Mac-Mahon) et
est indéfiniment rééligible. Il est d’autre part irresponsable, car la seule possibilité est le
jugement par la haute Cour en cas de trahison, mis en accusation pas la Chambre. Il est
jugé, par le Sénat constitué en Haute Cour, mais c’est une hypothèse peu probable et la
haute trahison n’est pas définie. On n’accuse pas le président de la République pour

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n’importe quoi. Le président de la République est irresponsable. Il sera parfois contraint à


la démission sous haute trahison, qui reste une théorie.
- Ses pouvoirs :
* L’article 3 de la loi du 25 février 1875, « Le président de la République a
l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue
les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure
l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par
une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il
préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances
étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la
République doit être contresigné par un ministre. ». Louis Blanc (le socialiste de 1848), en
entendant ce texte qu’on a voté s’écria « Nous avons un Roi sauf l’hérédité. » On lui
reconnaît de tels pouvoirs que le président s’apparente à un Roi. C’est ce que veulent les
rédacteurs de la loi constitutionnelle, un exécutif fort pouvant répondre aux
emballements d’une assemblée élue au suffrage universel. Ce pouvoir fort est confié au
président, mais tout ceci n’est qu’apparence. En réalité, ce pouvoir est vidé de son
contenu par la dernière phrase de l’article 3 : c’est le contreseing (seing = la signature).
On parle en droit civil d’actes sous seing privé, pour des actes passés sans notaire. Pour
que certaines mesures aient valeur légale, il faut un premier seing et un deuxième seing
appelé le contreseing.
Le ministre est responsable devant l’assemblée nationale car dans le
système parlementaire, l’assemblée peut renverser le gouvernement, parce qu’elle est
mécontente qu’un ministre ait signé la décision du chef de l’Etat. Un ministre ne prendra
le risque de contresigner que lorsqu’il est sûr de ne pas être sanctionné. Il ne prendra pas
cette décision dans le cas contraire et le chef de l’Etat ne peut décider autrement. C’est
une codécision. Le président, théoriquement, est non responsable, et est lié par la
volonté de celle-ci. L’action du chef de l’Etat paraissant essentielle est rendue inopérante.
Ceci est essentiel car si ceci n’existait pas, le président pourrait jouer un rôle important et
ne serait pas lié par les ministres.
* La possibilité de dissoudre l’assemblée. Le président peut le faire en vertu
de l’article 5, selon la loi du 25 février 1875, « Le Président de la République peut, sur
l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de
son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles
élections dans le délai de trois mois. » Il a le pouvoir de dissoudre, et dans la pensée des
rédacteurs de la Constitution, c’est un grand pouvoir. Il peut demander l’arbitrage du
peuple. Seulement, ce pouvoir est limité par le texte, le président ne peut agir sans
accord de la Haute Assemblée. Si le Sénat et la chambre sont d’accord, le président ne
peut s’opposer. Deuxième limite, résultat de l’Histoire : en 1876, après avoir voté les lois
constitutionnelles, l’assemblée constituante s’est dissoute, et on a désigné l’assemblée
nationale et le sénat, la chambre est républicaine. L’opinion a évolué et elle est
majoritairement républicaine et élit une chambre républicaine. Mac Mahon appelle au
pouvoir Jules Simon, allant faire office de président du Conseil (terme n’existant pas dans
les lois constitutionnelles). C’est comme le Premier Ministre d’aujourd’hui, c’est le
président du conseil des ministres. L’évolution politique en 1876, début 1877, ne satisfait
pas Mac Mahon. Il pense que l’on abandonne la république conservatrice et est inquiet de
la tendance réformiste de la politique du gouvernement. Le 16 mai 1877, il demande une
explication au chef de gouvernement. Jules Simon considère cela comme une
manifestation de défiance et il démissionne, en pensant ne plus avoir la confiance du
président. Mac Mahon forme un nouveau gouvernement dont le chef est le duc de
Broglie, et Mac Mahon lui confie la tâche de restaurer l’ordre moral dans le pays. Ce
programme n’a pas l’aval de la chambre. Le 19 juin, elle met en minorité le ministère de
Broglie, en disant que le ministère n’a pas sa confiance et que sa nomination a été
contraire aux principes du parlementarisme. C’est un ordre du jour voté par la chambre. Il
y a un conflit politique, qui ne peut être vidé que d’une seule manière, une dissolution. Le
Sénat (encore une majorité conservatrice) donne avec 20 voix de majorité l’autorisation à
Mac Mahon de dissoudre la chambre, qui aura lieu le 25 juin.

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

Les élections ont lieu tardivement, les 14 et 28 octobre 1877. Les élections sont
précédées d’une campagne virulente. Mac Mahon et les républicains sont fortement
opposés. Le 14 août 1877, Gambetta (leader de la gauche), dit « Quand la France aura
fait entendre sa voix souveraine, il faudra soit se démettre ou se soumettre ». Les
républicains gagnent les élections et vont perdre une quarantaine de sièges, mais
demeurent majoritaires. Le gouvernement de Broglie démissionne le 20 novembre 1877.
Mac Mahon va successivement se soumettre et se démettre.
Mac Mahon se trouve devant l’alternative définie par Gambetta, et va se
soumettre d’abord en appelant Dufaure (centre gauche) au poste de président du
Conseil, poste où Jules Simon a fait une crise. Mac Mahon se soumet au verdict du pays
par un message à la chambre. C’est l’idée de parlementarisme dualiste. Il n’est plus
indispensable qu’il ait la confiance du président. Mac Mahon espère que le parti
conservateur dont il est le chef va connaître un succès au Sénat (qui se renouvelle tous
les 3 ans, et en 1878, c’est le premier renouvellement triennal du Sénat).Cet espoir est
déçu et les Républicains vont conquérir la majorité au Sénat. Mac Mahon n’a plus d’appui.
On lui demande des mesures qu’il n’accepte pas (comme mettre à la retraite des amis
militaires n’ayant pas la bonne couleur politique par exemple). Il démissionne le 30
janvier 1879 de la présidence de la République, la droite conservatrice est battue, et
immédiatement dans la journée est élu un président républicain : Jules Grévy.
- La Constitution Grévy.
Les républicains sont au pouvoir avec Grévy, et non plus les royalistes dans la
république. La chambre qui siégeait à Versailles revient à Paris et on remet en vigueur la
Marseillaise, et on décide en 1880 que la fête nationale a lieu le 14 juillet, date
anniversaire de la fête de la fédération (14 juillet 1790, soit un an après la prise de la
Bastille, qui est donc fêtée indirectement).
Le 14 août 1884, on ajoute deux dispositions à l’art. 8 de la loi du 25 février de
1875 : une disposition disant que la forme républicaine du gouvernement ne peut pas
faire l’objet d’une révision, disposition qui se retrouve dans la Constitution de 1958, et
on ajoute que les membres des familles ayant régnées sur la France ne peuvent
prétendre à la présidence de la République. On supprime les sénateurs inamovibles et
on adjoint au corps électoral du Sénat des grands électeurs, on sort du système
électoral où la représentativité n’est pas grande.
« La Constitution Grévy » est une formule inadéquate, ce n’est pas une réforme
formelle de la Constitution (comme en août 84 qui est formelle). Il faudrait dire
« coutume Grévy ». C’est l’affirmation que Grévy va faire aux chambres à l’occasion
de son élection. Il dit : « Je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale
exprimée par ses organes constitutionnels. », c’est-à-dire je ne dissoudrai jamais
l’assemblée. Cette affirmation est discutable, car dissoudre est demander à la
souveraineté de s’exprimer. Ce qui compte ici n’est pas le fond des choses, mais
l’usage fait de ces notions sous la IIIème République. Ne pas entrer en conflit avec la
volonté nationale, telle qu’elle ressort des élections ordinaires, reste dominante
pendant toute la IIIème République et se créée une coutume, une doctrine, allant être
la doctrine de la IIIème République selon laquelle il est antidémocratique de dissoudre
(ce qui n’est pas exact, car c’est aussi donner la parole au peuple). Ce n’est pas une
règle constitutionnelle.
L’article 5 n’est pas abrogé (cité précédemment). La dissolution reste possible.
Vers la fin de la IIIème République, on parlera de la dissolution sans la mettre en
vigueur. L’idée de dissolution était soumise à la condition qu’est l’autorisation du
Sénat. De toutes manières, elle ne sera pas utilisée, mais elle reste possible. Elle
n’est pas supprimée constitutionnellement. La « Constitution Grévy » conduit à
l’abandon près d’un siècle de la dissolution, de 1875 à 1962, où on ne comptera que
deux dissolutions (1877, et une sous la IVème République). Aujourd’hui, cette
tradition est révolue : la dissolution n’est plus refusée. La IIIème République est en
place.

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Intéressons nous dès à présent au système. Après le départ de Mac Mahon, ce qui
caractérise la IIIème République est la primauté des chambres et la faiblesse de
l’exécutif.

b) La primauté des chambres

Deux choses sont à distinguer : la primauté de la loi et l’emprise sur


l’action du gouvernement.
◊ La primauté de la loi signifie d’une part qu’il n’y a rien du supérieur à la loi, il
n’y a pas de contrôle de constitutionnalité, et on refuse ce contrôle de la norme
suprême devant être respectée par la loi (mais en pratique, il n’y a pas de juge
susceptible de le montrer). S’il y a contradiction, si la loi viole la Constitution, c’est la
loi qui s’appliquerait puisque aucun mécanisme ne peut faire respecter la primauté de
la Constitution. Ceci apparaît dans le fait que le gouvernement peut agir par décrets-
lois, ce qui est contraire aux lois constitutionnelles, mais ces pratiques seront validées
puisque ne pouvant être sanctionnées. La loi domine toutes les autres normes et ne
doit respecter aucune norme. C’est un système de souveraineté de la loi. La définition
de la loi est purement formelle, elle est l’œuvre du pouvoir législatif statuant dans les
mêmes termes. Dès lors qu’un texte est adopté par deux chambres, ce texte est une
loi. Seule la forme fait la loi. Tout peut être loi y compris des mesures individuelles. La
loi n’a pas besoin d’avoir un caractère général. La loi peut porter sur toutes choses et
même à un individu particulier. Les autorités judiciaires, comme les autorités
administratives, doivent respecter la loi. Il existe des procédures qui peuvent obliger
les juges à respecter la loi (le juge administratif au Conseil d’Etat qui annulera des
dispositions administratives contraires à la loi, et la Cour de cassation qui peut aussi
annuler des lois).
A la différence de la primauté de la Constitution, la primauté de la loi est garantie
par les juges, pouvant annuler toute décision d’une autorité publique ne respectant
pas la loi. Le parlement est souverain et peut faire par la loi ce qu’il veut. Elle
s’impose au système juridique, il y a un juge qui peut faire respecter la volonté du
législateur. Disposant ainsi du pouvoir souverain, les chambres sont souveraines.
La primauté de la chambre se manifeste dans son emprise sur l’action
gouvernementale. Le gouvernement n’a pas besoin de la confiance du chef de l’Etat,
mais les chambres peuvent le renverser. Il y a débat. Ce sont les chambres car c’est
l’idée qu’il était anormal sous la IIIème République que le gouvernement démissionne
s’il est mis en minorité par le Sénat. Certains auteurs pensent qu’une telle coutume
était contraire à la Constitution. Seule la Chambre élue au suffrage universel aurait dû
être en mesure de renverser le gouvernement. Le Sénat, élu au suffrage indirect, est
considéré comme anormal car peut aussi renverser. Mais l’article 6 de la loi du 25
février 1875 dit bien que les ministres sont responsables devant les chambres, et
donc aussi devant le Sénat. Ce sénat avait un pouvoir de veto sur la loi. Sénat et
assemblée ont des pouvoirs égaux au point de vue de la législation. Le
gouvernement, même avec l’appui de l’assemblée ne pourra obtenir une loi
nécessaire si le Sénat s’y oppose, et le seul moyen pour le Sénat est la responsabilité.
Le gouvernement ne peut que se retirer si une loi lui étant indispensable est refusée.
Des gouvernements de la IIIème république se retireront après un vote hostile du
Sénat, avec par exemple le gouvernement investi en 36, retiré en 37, de Léon Blum.
Un phénomène va jouer un rôle décisif sous la IIIème république, c’est l’influence des
partis politiques. On n’a pas le droit de nommer les partis dans l’enceinte de
l’assemblée. Buisson interdit à ses collègues de parler des partis. On vit sous la fiction
selon laquelle les partis n’existent pas. En France, les partis ont toujours eu mauvaise
presse, et on ne veut connaître que la volonté générale, on assimile les partis à un
mandat impératif. Jusqu’à 1910, on ignore les partis car ils ne sont pas en vogue. Ils
sont maîtres du jeu et à la fois non admis. Après 1910, ils sont officialisés…
Le groupe parlementaire désigne les membres d’un parti constituant un groupe au
sein des assemblées. Cela suppose que les affiliations partisanes sont connues, mais
il y a aussi des non-inscrits aux prérogatives conséquemment réduites. Notamment à

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gauche, il y a un parti socialiste après 1905 (S.F.I.O) et aussi des groupes purement
parlementaires ne traduisant pas l’existence d’un parti, ce sont des noms groupés par
affinités au Parlement. Les partis politiques mesurent lors des élections un mandat de
la part des électeurs. En ce qui concerne la vie parlementaire, les deux sortes de
partis ont les mêmes pouvoirs. Ils sont plastiques, les gens en changent, et ces partis
ont quand même une influence : ce sont les centres de décision. L’assemblée et le
gouvernement ne sont que la caisse de résonance des partis, des politiques des
partis. Ainsi se met en place ce que dénonce De Gaulle, « le régime exclusif des
partis ». C’est une manière de dire que sous la IIIème République, ce n’est pas
l’intérêt du pays qui gouvernait, mais les partis politiques. Cette primauté des
chambres est une primauté de la Loi, puis une primauté des partis, ce qui pesa
lourdement sur le fonctionnement du système…
◊ La faiblesse de l’exécutif. Elle se résume en trois points : la faiblesse de la
présidence de la République, l’affaiblissement de la présidence du Conseil et
l’instabilité gouvernementale.
- La faiblesse du président de la République.
Elle est négativement une conséquence des événements de 1877/1879. Après
1879, on sait que le chef de l’Etat n’est pas un monarque républicain mais qu’il est lié
par le contreseing et ne peut plus dissoudre avec la Constitution Grévy. Le président
de la République a essayé de redresser la barre, mais c’est un échec. Plusieurs
présidents sont contraints à la démission par les chambres. Le président n’est
responsable qu’en cas de haute trahison (seul Pétain sera jugé en 45). Grévy achève
son premier septennat (1879-1886), puis est réélu en 1896, mais il est contraint de
démissionner car il est dans un scandale dû à son gendre. Ce dernier, Daniel Wilson,
est convaincu de vendre la légion d’honneur. Grévy est pris dans le scandale et les
chambres souhaitent sa démission. Il donne sa démission comme Mac-Mahon. C’est
une révocation sans procédure constitutionnelle.
Le héros malheureux, Alexandre Millerand est un homme politique très connu,
socialiste, émigre vers le centre droit : c’est une forte personnalité. En 1920, il est élu
président de la République, avec la « chambre bleue horizon » (majorité de droite), il
annonce une « présidence active », à l’opposé de ses prédécesseurs, assez effacés. Il
va recevoir et convoquer les préfets, prononcer des discours. Ce qui provoque sa
chute, c’est qu’avant les législatives de 1924, il dit qu’il souhaite l’échec du cartel des
gauches, la gauche unie. Malheureusement, le cartel gagne les élections et les
membres exigent le départ de Millerand. Là aussi, la procédure de la Haute Cour n’est
pas utilisée, mais c’est une procédure de fait, la grève des ministres. Ils refusent
que l’un d’entre eux devienne président du Conseil… et la France reste sans
gouvernement. La seule solution est la démission du président de la République. Il
nomme un président du Conseil ayant comme fonction de contresigner sa démission.
Le président ne peut démissionner tout seul. Il nomme une ami politique qui ne se
présente pas devant la chambre, mais régularise la situation de Millerand, 4 ans après
sont élection. C’est la dernière tentative de revalorisation de la fonction présidentielle.
Les présidents suivants acceptent un rôle passif.
Sous la IIIème République, le président a des fonctions importantes : il nomme le
président du Conseil et les ministres. La décision doit être acceptée par la chambre et
le Sénat. Il peut choisir les hommes, mais pas les tendances politiques : il doit prendre
un homme de la majorité. Le choix du président de la République n’est pas sans
importance. Grévy, ayant une haine contre Gambetta, s’est arrangé pour ne pas
l’appeler à la présidence du Conseil, mais des personnages autres, et il y fera appel
dans des situations défavorables, pour que Gambetta échoue. Grévy a gâché ce que
l’on pensait être la grande politique de Gambetta… Il a aussi un rôle en politique
étrangère, reçoit les ambassadeurs. Ceci est facilité par la durée. Ils sont là pour 7
ans, et connaissent les affaires dans la continuité (en matière de politique extérieure).
Le président de la République est « la mémoire de la république », car il se souvenait
d’événements politiques non connus des autres, notamment en politique étrangère.
- L’affaiblissement de la présidence du Conseil. C’est aujourd’hui le Premier
Ministre. Le président du Conseil des ministres ne préside pas le Conseil des

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ministres. C’est le président de la République qui préside. Cette institution n’est pas
inscrite dans les lois constitutionnelles de 1875. C’est une institution coutumière
créée peu après Dufaure, le premier président du Conseil avant et après la crise du 16
mai, qui demande à Mac Mahon le titre de président du Conseil le 9 mars 1876. Il a
une autorité protocolaire. Il ne peut renvoyer ses ministres (cille sous la IV/Vème
République). Il a, jusqu’en 1934, un autre portefeuille. Il ne dirige pas le
gouvernement mais a un rôle pas très important. C’est en 1934 qu’il n’a plus de
portefeuille. C’est la même année qu’il s’installe à l’Hôtel de Matignon, rue de
Varennes. En 1935, on va en outre créer des services administratifs propres, 5 ans
avant la fin effective de la IIIème République. Avec ces limites, ces pouvoirs propres
donnés à la fin du système, le président du Conseil ne peut pas tenir lieu de
personnalité forte de l’exécutif face à l’assemblée.
- L’instabilité gouvernementale, trait caractéristique du système. Les
chiffres sont éloquents, puisque de 1879 à 1940 se succèdent 95 ministères
(gouvernements), en 61 ans, soit une moyenne de 7 mois et 3 semaines par
gouvernement. Aucun n’atteint 3 ans, le plus long est celui de Waldeck-Rousseau,
avec 2 ans et demi. Les causes sont d’abord politiques, c’est l’absence de majorité
stable. Ce sont des combinaisons conjoncturelles, coalitions composées au niveau de
l’assemblée et non soumises aux électeurs. Le parti radical est renversé par exemple.
Les partenaires faisant prévaloir le règne partisan sur l’intérêt collectif fait que le
gouvernement va tomber. Des gouvernements disparaissent, le gouvernement se
liquéfie de l’intérieur. Des causes juridiques, liées au mécanisme parlementaire. Le
principe de la responsabilité. Chaque député peut interpeller le gouvernement,
interpellation suivie d’un débat et un vote, soit de défiance, soit de confiance. Elle
donne une possibilité de harcèlement du gouvernement. Il peut tomber sur une
motion de censure. La question de confiance va paradoxalement fragiliser le système.
Elle vise à le renforcer en principe. Par ce chantage, le gouvernement espère obtenir
le vote d’un texte. Compte tenu du fonctionnement des institutions, cet instrument
offensif devient un instrument de suicide. Le gouvernement se met en danger et
tombe. Il y a donc des causes juridiques et une mauvaise organisation. En 1946,
apparaît la volonté de rendre plus difficile le renversement du gouvernement.
Ce système a des conséquences extrêmement perverses. Il affaiblit encore le rôle
de l’exécutif. Le législatif n’est pas bien armé, mais structurellement une assemblée
nombreuse ne peut prendre des décisions rapidement. L’exécutif a lui une capacité
d’impulsion et de suivi des dossiers. Affaiblir l’exécutif, c’est porter atteinte à
l’efficacité de la politique suivie. Selon De Gaulle, la faiblesse de l’exécutif est à
l’origine des défaites françaises, notamment en 40 à cause des problèmes
d’armement. De Gaulle, stratège, accusait la faiblesse du gouvernement dans
l’impréparation de la Seconde Guerre mondiale. L’instabilité est aussi un facteur
d’immobilisme. Le gouvernement changeait peu. Le parti charnière, au centre,
gouvernait tantôt avec la gauche, la droite, mais était au pouvoir : les ministres
restaient les mêmes. Le système était instable et incapable d’évolution. Avec ce
système d’alternance, comme en Grande Bretagne depuis longtemps et en France
depuis 80, le gouvernement change franchement, ce qui peu avoir des inconvénients,
mais au moins il y a un choix posé à l’électeur. Sous la IIIème République, là il n’y a
pas de véritable contrôle de l’opinion publique sur le gouvernement. En France,
depuis 78, jamais une majorité législative sortante n’a été réélue. La majorité a
toujours changé. Cela empêche l’immobilisme mais cela donne un contenu au
système semi représentatif où les élus doivent tenir compte des électeurs. Avec la
IIIème République, les députés faisaient ce qu’ils voulaient, sans que les électeurs
puissent y changer quelque chose.
Exemple : lors des élections de 36, il y a l’élection d’une majorité de Front
Populaire, de gauche, soutenue par les socialistes, les radicaux et le PC. Le
gouvernement est renversé par le Sénat, puis il y aura un autre gouvernement
suivant une politique différente. La chambre élue en 36 est la même qui donne les
pleins pouvoirs à Pétain en 40. Ce revirement capital se fait sans consulter l’électeur.
Les électeurs avaient voulu ce gouvernement, qui disparaît sans le contrôle des

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citoyens. A l’époque, les représentants se réfèrent à « l’esprit public », mais ils étaient
les seuls à l’interpréter (sans sondage d’opinion, et sans autre élection que les
élections générales). La IIIème République ne se voulait pas un régime
démocratique.
Le souci de démocratie ne se manifeste qu’après la Seconde Guerre mondiale. La
IIIème République a connu deux phases :
(- La phase Mac-Mahon, finie en 79.)
- La phase où la IIIème République est efficace et où elle résiste aux attaques, aux
crises (boulangisme, Panama, Dreyfus). Selon Anatole France, « La République
gouverne mal mais se défend bien. » Elle montre son efficacité dans la guerre de
14-18, conflit où le régime fait face et fait gagner la guerre à la France. C’est un
système ayant des vices mais qui a des ressorts le faisant durer.
- A partir de 1934, le système disjoncte, à cause de la crise de 29 ayant touché la
France après les autres pays européens, la montée des périls extérieurs (Hitler en 33),
les conflits sociaux s’exacerbent (grève des cheminots en 1920, puis calme, et les
conflits reprennent) : il y a une décadence du système, la valse des ministères, et la
IIIème République semble dépassée par l’évolution du moment. Il y a des tentatives
de réformes par un président rappelé aux affaires en 34, Gaston Doumergue,
président du Conseil qui essaye avec son plan de réformes de supprimer l’autorisation
du Sénat pour la dissolution de l’Assemblée. Il échoue, les parlementaires refusent
puis il s’en va. Ses successeurs n’y parviennent pas et le système ne se réforme pas.
◊ La chute du système, le régime de Vichy et la France libre.
- La chute du système est la conséquence de la défaite militaire. La France
est entrée en guerre avec l’Angleterre contre l’Allemagne car la Pologne a été
envahie par les Allemands. Cette guerre est d’abord une guerre statique, drôle de
guerre de 39 à 40. En Juin 40, les armées allemandes rompent les troupes françaises
le 10 juin, et le front et la défaite apparaît complète. La 17 juin, le gouvernement
dirigé par le président du Conseil Reynaud démissionne. La question débattue est le
fait de savoir s’il faut capituler ou s’il faut que le gouvernement s’exile à Alger, une
ville française. La France a aussi des possessions en Asie (Indochine). « La France a
perdu une bataille mais n’a pas perdu la guerre. » dit De Gaulle, car il y a tout une
flotte et des territoires extérieurs. En 41, les Etats-Unis et la Russie entrent dans le
conflit. Contre cela, la ligne défaitiste veut demander l’armistice et sauver les
meubles.
Cette ligne, avec son chef prestigieux Philippe Pétain, à l’époque maréchal (mais le
titre lui fut retiré), chef populaire, combattant de la Première Guerre mondiale et
homme politique, marqué à droite, antisémite. Pétain pense que la guerre est perdue
que et la France doit s’entendre avec l’Allemagne. Cette ligne l’emporte.
L’autre idée est un gouvernement en exil pouvant gouverner. La Hollande fera ce
choix et le gouvernement ira s’exiler en Angleterre.
- La ligne de Pétain l’emporte, et il n’y a plus de président du Conseil depuis le 17
juin. Le gouvernement est d’abord allé à Clermont-ferrand, puis à Vichy, où il y avait
beaucoup d’hôtels où l’on pouvait installer les ministères. Pétain lui-même hésite et
songe à un coup d’Etat. Il cède finalement à Pierre Laval, vieux parlementaire,
président du Conseil sous la IIIème République, qui lui conseille de faire ce coup en
douceur. On procède alors à une révision constitutionnelle, avec la loi
constitutionnelle du 10 juillet 40. Le 9 juin, les deux assemblées votent un projet de
révision et se réunissent en Congrès le 10 à Vichy. Cette loi, avec 569 voix pour et
seulement 80 contre avec 18 abstentions est largement votée. Elle dit : « l’assemblée
nationale (= les deux chambres) donne tout pouvoir au gouvernement de la
République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer
par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l'État français. Cette
constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. Elle sera
ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu'elle aura créées. » Les
termes « travail, famille, patrie » deviennent la devise du gouvernement de Vichy.
Après la libération, on discute de la constitutionnalité de ces lois. La solution adoptée
est le choix politique de déclarer que la loi du 10 juillet était inconstitutionnelle. Elle

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

est frappée de nullité et les parlementaires ayant voté pour la loi seront inéligibles
(cette inéligibilité sera relevée). Certains auteurs soutiennent que la loi du 10 juillet
était constitutionnelle. On disait que sous la IIIème République, on ne pouvait pas
déléguer le pouvoir constituant, or là, il est délégué au gouvernement dirigé par
Pétain. Normalement, la Nation devrait accepter la nouvelle loi. L’assemblée nationale
est souveraine. On peut y appliquer le raisonnement appliqué aux décrets-lois. On
pouvait dire que l’assemblée était souveraine. En l’absence d’un juge pouvant
trancher le débat, on peut trancher. Le second argument est l’argument des
circonstances. On disait que la pression était telle qu’ils n’étaient pas libres de leur
appréciation. L’armée allemande avait percé mais c’est un fait. Les pressions sur les
parlementaires n’étaient pas décisives (80 ont refusé). L’idée de pression est donc
discutable.
C’est l’usage fait par Pétain qui est illégal : il prend le pouvoir mais ne fait pas de
Constitution. La Loi de 40 lui donne un mandat, dont il se sert non pas pour établir
une Constitution mais pour instaurer un pouvoir personnel. Mais tout le monde
connaissait l’issue du vote, bien que la lettre du texte n’ait pas été acceptée. Pétain
instaure le régime de l’Etat français, un gouvernement de faire qui glisse vers la
collaboration où il ne se passe rien constitutionnellement, rétroactivement annulé en
45. Ne seront récupérés qu’un nombre de lois, validées en 45 par l’Assemblée
Républicaine (par exemple, une loi d’administration sur les eaux et forêts n’a rien
d’idéologique et peut être conservée). Tout le reste a été considéré comme nul.
- La France libre. Elle commence le lendemain de la démission de Reynaud, le 18
juin 40. De Gaulle quitte la France pour Londres et lance son appel à continuer le
combat au côté de l’Angleterre. La France et l’Angleterre sont liées par traité, et les
deux pays ne cherchent pas de cessation du conflit sans consultation mutuelle. Pétain
renie la paix séparée, c’est une trahison de la France à l’égard de l’Angleterre. La
légitimité officielle du général De Gaulle est due à son poste de sous secrétaire d’Etat
de la IIIème République (sous un ministre), ce qui n’est pas extraordinaire. De Gaulle
pense être rejoint par des gens de notoriété supérieure auxquels il se mettra aux
ordres. Le seul personnage important qui le rejoint est le général de Laminat, mais il
se soumet à De Gaulle, car c’est De Gaulle qui a eu l’initiative.
Le 27 octobre 40, De Gaulle créé le conseil de défense de l’empire, une
organisation militaire (« défense ») et fait référence à l’empire car une partie des
colonies françaises d’Afrique noire se sont ralliées à la France libre, ce qui donne un
appui. Le 24 septembre 41, cette organisation devient le comité national français.
Le 3 juin 43, ce comité devient le CFLN (Comité Français de Libération Nationale). Le
général Giraud avait suivi Pétain et l’a quitté, en allant en Afrique du Nord d’où il veut
prendre le contrôle de l’organisation, puissamment aidé par les Etats-Unis, contre De
Gaulle. Il y a donc deux présidents (De Gaulle, chargé de la dimension civile, et Giraud
chargé de la dimension militaire). Giraud démissionne. Le 3 juin 44, le CFLN devient le
GPRF constitué à Alger, puis à Paris et présidé par De Gaulle.

IX – La IVème République

§ 1 – La mise en place du régime

En 44, le territoire est quasi libéré et le gouvernement provisoire s’installe à Paris.


Il est en face d’un champ de ruine, et il n’y a plus d’institutions. Le problème se pose
du point de vue constitutionnel. Il y a deux thèses possibles :
- La IIIème République n’existe plus, elle a été abolie le 10 juillet 40, et donc le
régime de Vichy s’est effondré par la victoire du GPRF, et il faut reconstruire du neuf.
- En réalité, la IIIème République existe toujours en Droit mais plus en fait. C’est
elle qui est choisie parce qu’on défend l’idée que la loi de 40 est illégale. On veut faire
trancher la question par le peuple. Le 21 avril 1944, le CFLN prend une ordonnance
qui porte sur l’organisation des pouvoirs publics après la libération disant que « le
peuple français décidera souverainement de ses institutions après la libération ».

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

Après la libération, on donne une dernière chance à la IIIème République, avec le


référendum du 21 octobre 1945 (http://mjp.univ-perp.fr/france/ref1945.htm) :
« Voulez-vous que l’assemblée élue ce jour soit constituante ? » On fait un
référendum en même temps que l’élection. La IIIème République peut être supprimée
en Droit (oui). En disant non, cela signifie qu’elle est élue comme chambre des
députés de la IIIème République. On admet que la IIIème République reste en vigueur
et on reconstituerait ses institutions. La réponse oui met un terme au Droit de la
IIIème République. La IIIème République a donc deux fins.
« Si le corps électoral a répondu oui à la première question, approuvez-vous que
les pouvoirs publics soient, jusqu'à la mise en vigueur de la nouvelle Constitution,
organisés conformément au projet ci-contre ? » L’enjeu était de savoir si la
Constituante allant se réunir auraient des pouvoirs limités ou non. Le PC (1/4 de
l’électorat) voulait des pouvoirs illimités pour la Constituante. Les autres forces et De
Gaulle souhaitaient que la Constituante n’ait que des pouvoirs limités. Il existe en
attendant une sorte de constitution provisoire, la « petite constitution », qui
réglementerait le GPRF et l’assemblée qu’on élisait, en même temps on votait au
référendum. La réponse positive à la deuxième question a été moins massive que
pour la première et a deux conséquences : on a une organisation provisoire, et la
Constituante n’avait pas tous les pouvoirs.
La Constituante a un délai de 7 mois pour faire une Constitution. La Constituante
ne pouvait adopter elle-même la Constitution (comme en 1791, 1848) et on prévoyait
un référendum. Si ce texte était rejeté par référendum, on élirait une seconde
assemblée constituante. Les pouvoirs de l’assemblée étaient encadrés, et elle ne
pouvait pas faire tout ce qu’elle voulait, quand elle voulait. De Gaulle est réélu
président du GPRF en octobre 45.
Le 20 Janvier 1946, De Gaulle démissionne de ses fonctions de président du GPRF.
Il n’a pas pour autant renoncé au combat politique. Il ne veut pas cautionner ce que
fait la Constituante et compte sur le soutient de la population. Ce calcul est faux à
court terme, car malgré le RPR, De Gaulle ne reprend pas le pouvoir. Ce calcul est
cependant vrai à long terme, c’est-à-dire 12 ans, car il revient au pouvoir en 1958. Un
nouveau président du GPRF, l’assemblée constituante se met au travail. Le projet a
deux caractéristiques : - monocaméral.
- un régime d’assemblée, où le gouvernement a des pouvoirs très
limités et dans les mains du Parlement.
Le projet de la première constituante était un régime d’assemblée. De Gaulle, lui,
voulait un exécutif fort, et le projet sortant de la première constituante prévoit un
exécutif encore plus faible que sous la IIIème République. Il y a de vives controverses.
Le projet est soutenu par les différentes forces politiques. De Gaulle ne prend pas
position (mais il est contre). Il y a un référendum (imposé par la petite constitution) et
il est négatif. Il y a 10 450 000 non contre 9 109 000 oui.
Le 2 juin 46, on élit une deuxième assemblée constituante, avec les mêmes
règles : 7 mois pour faire une Constitution. C’est le même scrutin qu’en 46, et les
résultats sont à peu près les mêmes. Il y a divorce entre l’opinion des citoyens et celle
médiatisée des représentants. On modifie le projet refusé par le peuple et on renforce
un peu les pouvoirs du gouvernement. On remet une deuxième chambre (système
bicaméral, mais elle s’appelle le Conseil de la République). On pose le principe du
contrôle de la constitutionnalité en créant un comité constitutionnel chargé de vérifier
la conformité des lois à la Constitution. Il n’a aucune efficacité et est organisé selon
des principes restrictifs : il ne se réunit qu’une seule fois (il est fantôme). De Gaule
fait un discours le 16 juin 1946, c’est le discours de Bayeux. Le 16 juin 45 est le jour
où De Gaulle revint en France. Bayeux était la première ville occupée par les alliés.
Pour cet anniversaire, il a choisi cette ville. De Gaulle sait déjà que la nouvelle
Constituante fera la même chose que la première. Il dit que dans la Constitution (en
gestation), il y a ou il n’y aura pas de gouvernement. « La gouvernement, le mot et la
chose sont absents. » Le mot, car il n’est pas dans la Constitution, et la chose car
l’idée d’un gouvernement conçu par De Gaulle est absente.

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

L’assemblée adopte le 29 septembre un projet de Constitution à nouveau soumis


au peuple le 13 octobre 1946. La réponse est là positive, malgré l’opposition de De
Gaulle, car l’opinion publique est lassée du provisoire (il faudrait une troisième
constituante…). Les chiffres : 9 039 000 oui, et 8 175 000 non. Le projet adopté en
octobre 46 a eu moins de voix que le projet rejeté en mai 1946 car les non ont décru
plus que les oui et il y eu un grand nombre d’abstentions.
La Constitution est promulguée le 27 octobre 1946, c’est la Constitution de la
IVème République.

§ 2 – Les institutions et leur fonctionnement

Le projet adopté de 46 tranche une question pendante depuis 1789 : la question


de la souveraineté. Il y a hésitation entre l’idée de souveraineté nationale et la
souveraineté populaire. La Constitution de 46 choisit une solution reproduite par la
Constitution de 58 : la souveraineté nationale appartient au peuple français.
C’est le peuple qui est souverain. Le peuple a des obligations envers la Nation.
On conserve le référendum constituant mais pas de référendum législatif (Art. 90
de la Constitution). S’il y a une majorité des trois cinquièmes aux deux assemblées, il
n’y a pas de référendum.
Article 90 :
« La révision a lieu dans les formes suivantes :

La révision doit être décidée par une résolution adoptée à la majorité absolue des
membres composant l'Assemblée nationale.
La résolution précise l'objet de la révision.
Elle est soumise, dans le délai minimum de trois mois, à une deuxième lecture, à
laquelle il doit être procédé dans les mêmes conditions qu'à la première, à moins que
le Conseil de la République, saisi par l'Assemblée nationale, n'ait adopté à la majorité
absolue la même résolution.

Après cette seconde lecture, l'Assemblée nationale élabore un projet de loi portant
révision de la Constitution. Ce projet est soumis au Parlement et voté à la majorité et
dans les mêmes formes prévues pour la loi ordinaire.

Il est soumis au référendum, sauf s'il a été adopté en seconde lecture par l'Assemblée
nationale à la majorité des deux tiers ou s'il a été voté à la majorité des trois
cinquièmes par chacune des deux assemblées.
Le projet est promulgué comme loi constitutionnelle par le Président de la République
dans les huit jours de son adoption.

Aucune révision constitutionnelle relative à l'existence du Conseil de la République ne


pourra être réalisée sans l'accord de ce Conseil ou le recours à la procédure de
référendum. »

La conséquence concrète, c’est que la possibilité d’un référendum est utilisée avec
beaucoup de parcimonie (deux révisions de la Constitution seulement, sans
référendum). On concède la souveraineté populaire, mais on n’en tire aucune
conséquence directe (à part le droit de vote aux femmes).
Les organes :
- principe du suffrage universel
- suppression du Droit de vote des militaires.
Le bicaméralisme est très inégal : c’est seulement par la première chambre
(l’assemblée nationale) que le peuple exerce sa souveraineté. L’assemblée est seule à
voter la loi. Le Conseil de la République, vestige du Sénat, ne donne que des avis (qui
peuvent toujours être renversés par l’assemblée). L’assemblée est souveraine, car
elle n’est jamais liée par les choix du Conseil de la République.
- principe de la souveraineté de la loi

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- lois-cadres, résurrection des décrets lois (qui sont rejetés)


- contrôle de constitutionnalité théorique.
Le président de la République a moins de pouvoir que le président de la IIIème. Il
pressent un candidat au poste de président du Conseil.
On veut renforcer le président du Conseil. On le renforce en lui donnant une
autorité hiérarchique sur ses collègues. Il peut révoquer un ministre qui ne lui plaît
pas. En 1947, le président du Conseil socialiste Ramadier révoque les ministres
communistes ayant voté contre le gouvernement. Les ministres sont en même temps
députés.
Il y a la création d’une procédure solennelle d’investiture. Art. 45 :
« Au début de chaque législature, le Président de la République, après les consultations
d'usage, désigne le président du Conseil. Celui-ci soumet à l'Assemblée nationale le
programme et la politique du Cabinet qu'il se propose de constituer.
Le président du Conseil et les ministres ne peuvent être nommés qu'après que le
président du Conseil ait été investi de la confiance de l'Assemblée au scrutin public et à
la majorité absolue des députés, sauf cas de force majeure empêchant la réunion de
l'Assemblée nationale.
Il en est de même au cours de la législature, en cas de vacance par décès, démission ou
toute autre cause, sauf en ce qui est dit à l'article 52 ci-dessous.
Aucune crise ministérielle intervenant dans le délai de quinze jours de la nomination des
ministres ne compte pour l'application de l'article 51.
[La loi du 30 novembre 1954 modifie ainsi les alinéas 2 à 4 de cet article : "Celui-ci choisit
les membres de son Cabinet et en fait connaître la liste à l'Assemblée nationale devant
laquelle il se présente afin d'obtenir sa confiance sur le programme et la politique qu'il
compte poursuivre, sauf en cas de force majeure empêchant la réunion de l'Assemblée
nationale.- Le vote a lieu au scrutin secret et à la majorité simple. - Il en est de même au
cours de la législature, en cas de vacance de la présidence du Conseil, sauf ce qui est dit
à l'article 52."] »
◊ Le président du Conseil est pressenti par le président de la République, il se
présente seul devant l’assemblée. Il demande l’investiture de l’assemblée qui la donne à
lui seul. On espère :
- créer un dialogue entre l’homme seul et l’assemblée, et donner ainsi une autorité
au président du conseil qui se présente seul et est agréé par l’assemblée.
- la majorité absolue pour une question de confiance.
- on régule la procédure du renversement du gouvernement et on instaure un
délai (car parfois, on regrettait le renversement). Art. 49 : « La question de confiance ne
peut être posée qu'après délibération du Conseil des ministres ; elle ne peut l'être que
par le président du Conseil.
Le vote sur la question de confiance ne peut intervenir qu'un jour franc après qu'elle a
été posée devant l'Assemblée. Il a lieu au scrutin public.
La confiance ne peut être refusée au Cabinet qu'à la majorité absolue des députés à
l'Assemblée.
[La loi du 30 novembre 1954 modifie ainsi les alinéas 2 et 3 de cet article: "Le vote sur la
question de confiance ne peut intervenir que vingt-quatre heures après qu'elle a été
posée devant l'Assemblée. Il a lieu au scrutin public. - La confiance est refusée au Cabinet
à la majorité absolue des députés à l'Assemblée."]
Ce refus entraîne la démission collective du Cabinet. »
On veut solenniser la question de confiance et éviter la question de confiance dans
le feu de l’action.
On veut donc éviter les crises ministérielles.

◊ Le parlementarisme rationalisé vise à empêcher certaines pratiques de la


IIIème République. On assiste, dans la pratique, à une restauration de la IIIème
République, car :
- le mode de scrutin proportionnel est toujours utilisé (et peu propice à
l’élaboration de majorités).

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

- on a un multipartisme incoordonné : 7 ou 8 groupements politiques participent à


la vie politique, ce qui permet beaucoup de combinaisons politiques.
- pas de discipline, même approximative.
- compétition pour le pouvoir.
Les gouvernements tombent rapidement.
Le Conseil de la République obtient plus de pouvoir. En septembre 48, ses
membres reprennent le titre de sénateurs. On pose la question de confiance devant lui.
Son règlement est modifié. Il a la possibilité de proposer des lois. L’assemblée va résister,
mais le Conseil de la République passe outre. Il impose les débats au gouvernement.
Les précautions prises par la responsabilité gouvernementale sont sans effet
(investiture personnelle du président du Conseil), puis il y a un deuxième débat sur le
gouvernement. Le Conseil investi compose son gouvernement quand il y parvient. Il
forme parfois un gouvernement qui n’agréé pas à l’assemblée et est renversé. On revient
à une situation pire, avec deux débats au lieu d’un seul… On supprime l’investiture
personnelle. C’est le gouvernement tout entier qui se présente.
L’idée de majorité absolue échoue. Quand le gouvernement est battu, même à la
majorité simple, il démissionne.
◊ La question de la dissolution. On essaye de faire en sorte que le Droit de
dissolution redevienne effectif. Art. 51 : « Si, au cours d'une même période de dix-huit
mois, deux crises ministérielles surviennent dans les conditions prévues aux articles 49 et
50, la dissolution de l'Assemblée nationale pourra être décidée en Conseil des ministres,
après avis du président de l'Assemblée. La dissolution sera prononcée, conformément à
cette décision, par décret du Président de la République.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'à l'expiration des dix-huit
premiers mois de la législature. »
Les crises ministérielles aboutissent à la chute du gouvernement et n’aboutissent
pas à la dissolution des députés. Ils peuvent s’entendre pour que le renversement du
gouvernement n’ait pas lieu. Avec ces ententes, on peut paralyser le système, rendre
impossible la dissolution.
Edgar Faure dissout l’assemblée seulement parce qu’il pense que s’il ne le fait
pas, une nouvelle coutume se mettra en place et il y aura désuétude du Droit de
dissolution. Il est exclu du parti radical ! Cette dissolution par devoir ne clarifie pas la
situation. En 12 années de IVème République, il y a 25 ministères, soit plus de 2 par an.
Sur ces 25 ministères, 19 se retirent s’en y être constitutionnellement obligés, soit
qu’ils se soient dissous de l’intérieur.
En outre, le temps entre deux gouvernements s’allonge. En 1953, une crise
ministérielle dure 38 jours. Ceci aboutit aux mêmes effets que sous la IIIème
République : discrédit du régime, discrédit à l’extérieur, et en même temps, tout
cela exaspère l’opinion publique. Dans les années 50, nouvelle période de troubles
avec la décolonisation et la guerre d’Algérie, fatale au régime de la IVème République,
puisque des événements à Alger provoquent le retour au pouvoir de De Gaulle.

X - De la IVème à la Vème République

La IVème République fut marquée par une forte instabilité ministérielle,


comme sous la IIIème République. Il y eu une incapacité à gérer, dans la durée, les
problèmes politiques. La guerre d’indépendance en Algérie fut un problème tragique, car
pour une grande partie de l’opinion française, l’Algérie était non pas un pays colonisé
mais une partie intégrante de la France (la France y était depuis plus de 120 ans). En
métropole, ce sentiment était très généralement partagé, puisqu’il figurait dans les
manuels d’Histoire. Les Français considéraient qu’ils étaient face à une rébellion,
devant être matée (et non face à une guerre d’indépendance). L’indépendance de
l’Algérie ne pouvait pas se faire relativement aisément (comme pour les indépendances
en Afrique ou en Indochine), de façon paisible comme au Maroc ou en Tunisie.
Les institutions de la République étaient en première ligne, soumises à des
tensions dans le sens de l’indépendance de l’Algérie, et dans le sens contraire (dans le
sens des partisans de l’Algérie française). L’abandon de l’Algérie pour cette dernière

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

catégorie était synonyme de désespoir. Face à cela, la IVème République était mal
armée pour agir, puisqu’elle était mal armée pour gouverner. Selon Mitterrand,
« l’Algérie c’était la France. »
Le régime de la IVème choisit une politique de guerre, militaire pour régler le
problème. Mais cela ne règle pas le conflit, car l’armée française ne réussit pas
véritablement à rétablir l’ordre et d’autre part, cela pose un problème au niveau
international, notamment pour l’image de la France. L’idée d’une indépendance de
l’Algérie progresse, bien qu’elle soit masquée. Elle est la cause de l’effondrement de la
IVème République. Il y a une seconde insurrection en Algérie, des activistes, les Français
d’Algérie qui se mettent le 13 mai 58 en état de sécession avec la métropole. Ils étaient
prêts à concevoir l’indépendance de l’Algérie. Les plus activistes considèrent que le fait
que Pflimlin soit investi représente un premier pas vers l’abandon, l’indépendance de
l’Algérie. Les activistes se mettent en état de sécession et se mettent à la tête de
l’Algérie. Il n’y a pas d’Alger. La Corse se solidarise avec ce pouvoir insurrectionnel et se
met aussi en état se sécession. On pourrait imaginer qu’une telle crise soit à l’origine
d’une guerre civile. La guerre civile est évitée au prix du sacrifice de la IVème
République.
Suite au 13 mai, à cette crise, la situation est figée. Le gouvernement français ne
sait pas comment faire rentrer l’Algérie dans l’obéissance. C’est dans ce contexte que
l’on assiste à l’événement extraordinaire qu’est le retour au pouvoir de De Gaulle. Il a
démissionné en janvier 46 alors qu’il était président du GPRF, mais ce n’était pas un
abandon du pouvoir dans son esprit. Il pense qu’il va être rappelé et veut transformer les
institutions (il n’y arrive pas en tant que président du GPRF et espère pouvoir le faire via
un parti politique en étant un dirigeant élu). De Gaulle fonde le RPF (Rassemblement du
Peuple Français), qui va présenter des candidats aux élections. Il espère revenir au
pouvoir par la voie démocratique. Après un grand succès initial, le dynamisme électoral
du parti est brisé. La loi scélérate dénoncée par les gaullistes permet d’empêcher la
progression du courant.
Au milieu des années 50, De Gaulle perd l’espoir de gouverner et est dans une
situation d’attente sans espoir. Il n’imagine pas les conditions dans lesquelles il pourrait
reprendre le pouvoir, c’est sa « traversée du désert ». Là-dessus arrivent les
événements de mai 1958. Ceci va, de façon inattendue, permettre à De Gaulle de
reprendre le pouvoir.
Fin mai 1958, le pire est craint. La seule solution que trouvent les dirigeants de la
IVème République est de faire appel au général De Gaulle. Il se retrouve au centre de
l’action politique, car il a acquis du prestige au cours de la guerre, il a un capital de
sympathie et des personnages qui tiennent à lui. Il est acceptable pour les deux parties
dans le cadre de la résolution du conflit entre la France et l’Algérie. Il a la réputation de
n’avoir jamais essayé de coup d’état militaire, ni d’avoir essayé d’imposer sa volonté par
la force et de s’être réclamé de procédures démocratiques et constitutionnelles.
Pour les gens d’Alger, il est vu de façon complexe. Les activistes d’Alger n’ont pas
totalement confiance en lui et ne le tiennent pas complètement acquis à leur thèse, mais
d’un autre côté, De Gaulle est sûrement attaché à la présence française en Algérie, c’est
un militaire qui remettra de l’ordre de la République… Les activistes sont aussi à la
recherche d’une solution, car tout comme les gens de Paris, ils sont coincés. Les
dirigeants de la IVème République hésitent beaucoup. De Gaulle a toujours dit qu’il ne
voulait pas le pouvoir pour le pouvoir mais pour changer les institutions. Accepter le
retour de De Gaulle, c’est accepter de changer les institutions, de supprimer la
Constitution de 1946. Le prix à payer est donc très lourd, mais ils vont s’y résoudre pour
éviter une guerre civile ou une confrontation armée entre Paris et Alger.
Le président de la République de l’époque, René Coty, va franchir le pas. En tant
que président, c’est lui qui pressent le président du Conseil. Il fait appel au « plus
illustre des Français », à De Gaulle et lui demande d’être le président du Conseil. Les
partis de gauche, de centre droite se rallient (tous à l’exception du PC, hostile au retour
de De Gaulle). La majorité de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), le
parti socialiste, va se rallier à la solution adoptée. Cf. Pierre Mendès France, François
Mitterrand, contre.

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Il y a un accord politique sur le fait que De Gaulle va devenir président du Conseil,


mais il le devient avec l’objectif avéré de changer les institutions et de mettre un terme à
l’existence de la IVème République.
De Gaulle endosse les amis de la IVème République.

Le général De Gaulle a deux idées pouvant paraître contradictoires. D’une part, il


veut changer le régime, sans replâtrage, et ne veut pas rebâtir une nouvelle IVème
République. Il ne veut pas réviser la Constitution de 46 mais purement et simplement la
supprimer. Il tient par exemple à ce changement symbolique que va être le numéro de
la République. En effet, en un sens, on pourrait très bien ne pas le changer (comme dans
le passé, lorsqu’on changeait le numéro de la République, mais c’était pour une
interruption du régime république, empire, régime de Vichy…). Là, on passe d’une
république à une république et il ne serait pas nécessaire de changer le numéro. De
Gaulle veut une rupture symbolique, une nouvelle République : une république
différente.
Deuxième idée, il ne veut pas de révolution juridique. Une révolution juridique est
une coupure : on efface ce qui a été fait et on refait du neuf. De Gaulle ne veut pas de
cela, il veut que les choses se passent de façon régulière, juridiquement, c’est-à-dire par
des procédés de Droit. Il ne veut pas que son nom soit rattaché à un coup d’Etat, à une
révolution. Il veut réformer, sans coupure.
Pour cela, il n’y a qu’une seule solution : le mode de révision prévu par la
Constitution de 1946. C’est l’art. 90 de la Constitution de 1946 qui est utilisé qui expose
comment changer la Constitution. Dans les promoteurs de la Constitution de 1946, cet
art. ne devait pas servir à changer de Constitution mais à transformer certains de ses
éléments… Cet article prévoit une procédure en deux ou trois temps :
- le vote par les assemblées d’une résolution de révision (un texte où l’intention de
réviser le ou les article(s) est exposée). Cette proposition de révision doit être adoptée à
la majorité absolue de l’Assemblée. Si le Conseil de la République n’est pas d’accord, on
peut lui forcer la main en réitérant le vote d’une résolution après trois fois. Le Conseil de
la République n’a pas de droit de veto, mais peut simplement retarder la décision. Cela
fonctionne autrement sous la Vème République où le Sénat a ce veto.
- la deuxième phase prévue par l’art. 90 consiste à élaborer le nouvel article qui
change et le voter comme une loi ordinaire. La révision est définitive dans deux
hypothèses : lorsqu’elle est votée par la majorité des deux tiers à l’assemblée nationale,
ou à la majorité des trois cinquièmes par l’assemblée et le Conseil de la République. Si le
Conseil de la République accepte, une majorité un peu moins forte sera exigée. La
révision est alors finie. Mais si la révision est votée, mais pas à une de ces majorités
qualifiées, il y a un référendum qui induit la troisième phase.
- le référendum.

Le problème juridique et politique est que le général De Gaulle ne veut pas


appliquer ce mécanisme pour la création de la nouvelle Constitution. Il veut une nouvelle
République solennellement fondée, c’est-à-dire avec un référendum, et un référendum
dans tous les cas et non pas seulement dans les cas où il n’y aurait pas une majorité
assez suffisante… Il ne veut pas non plus que l’Assemblée de la IVème République fasse
la Constitution de la Vème République, où il veut introduire des modifications profondes
(qu’il craint de ne pas voir acceptés par les députés et sénateurs de la IVème République,
bien qu’ils soient en état de faiblesse…). On se retrouve de nouveau devant une
impasse : on ne peut pas utiliser l’art. 90. On use alors d’un subterfuge : on opère
d’abord une révision de l’art. 90. On utilise la procédure de l’art. 90 pour le réviser lui-
même… On révise le mode de révision. Dans cette perspective, il y a un événement
favorable. En 55 avait été votée une résolution de révision qui n’a pas été menée à son
terme mais qui incluait l’art. 90 aux révisions. Cette résolution pendante, votée pour
d’autres raisons (on ne pensait pas à la Vème République), existait tout de même.

« L'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,


L'Assemblée nationale a adopté,

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Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article unique
Par dérogation aux dispositions de son article 90, la Constitution sera révisée par
le gouvernement investi le 1er juin 1958 et ce, dans les formes suivantes :
Le Gouvernement de la République établit un projet de loi constitutionnelle
mettant en oeuvre les principes ci-après :
1° Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel
ou des instances élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif ;
2° Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés
de façon que le Gouvernement et le Parlement assument chacun pour sa part et
sous sa responsabilité la plénitude de leurs attributions ;
3° Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement ;
4° L'autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d'assurer le
respect des libertés essentielles telles qu'elles sont définies par le préambule de la
Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il se
réfère ;
5° La Constitution doit permettre d'organiser les rapports de la République avec
les peuples qui lui sont associés.
Pour établir le projet, le Gouvernement recueille l'avis d'un comité consultatif ou
siègent notamment des membres du Parlement désignés par les commissions
compétentes de l'Assemblée nationale et du Conseil de la République. Le nombre
des membres du comité consultatif désignés par chacune des commissions est au
moins égal au tiers du nombre des membres de ces commissions ; le nombre total
des membres du comité consultatif désignés par les commissions est égal aux
deux tiers des membres du comité.
Le projet de loi arrêté en Conseil des ministres, après avis du Conseil d'État, est
soumis au référendum. La loi constitutionnelle portant révision de la Constitution
est promulguée par le président de la République dans les huit jours de son
adoption.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.


Fait à Paris, le 3 juin 1958.

René Coty
Par le président de la République,
Le président du Conseil des ministres, C de Gaulle
Le ministre d'État, Guy Mollet
Le ministre d'État, Pierre Pflimlin
Le ministre d'État, Félix Houphouët-Boigny
Le ministre d'État, Louis Jacquinot
Le garde des sceaux, ministre de la justice, Michel Debré »

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 est votée par l’assemblée nationale et le


Conseil de la République à la majorité exigée (pas de référendum requis). Elle permet de
mettre en place la nouvelle Constitution. Cette formule est adoptée pour limiter la
procédure au seul gouvernement investi sous la présidence du général De Gaulle (le 1er
juin 1958). C’est à ce gouvernement de De Gaulle qu’est confiée la tâche de la révision.
Pour la première fois, une Constitution républicaine est élaborée par l’exécutif. Jusque là,
toutes les constitutions républicaines avaient été élaborées par des assemblées
constituantes, avec des débats… C’est la première fois que le pouvoir de faire la
Constitution est donné à un gouvernement (mais pas n’importe lequel, uniquement à
celui investi en juin 58. S’il est renversé, la loi du 3 juin tombe et ne pourra pas être mise
en œuvre par un autre gouvernement). La confiance qui est faite par les assemblées est
adressée à ce gouvernement là, et à aucun autre. C’est une précaution. « Le
gouvernement de la République met en œuvre les principes ci-après. » La liberté des

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Prises de notes L1 2005-2006 dtconstit.free.fr

gens allant rédiger la Constitution n’est pas totale. Le pouvoir leur est confié à condition
qu’ils respectent ces principes.
- « Seul le suffrage universel est source du pouvoir. » Du suffrage universel
découlent le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
- « Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés. »
C’est la séparation des pouvoirs.
- « Le gouvernement doit être responsable devant le Parlement. »
- « L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante. » (« autorité » et non pas
« pouvoir »)
- « La Constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec
les peuples qui lui sont associés. » La décolonisation n’est pas faite et les colonies
africaines n’accéderont à l’indépendance que sous la Vème République. C’est un enjeu
que de savoir comment sont organisés les rapports politiques entre la métropole et les
colonies.
Quatre des cinq ne disent que des choses sur lesquelles tout le monde est
d’accord. Personne ne songe à rétablir une monarchie, tout le monde veut une séparation
des pouvoirs, une indépendance judiciaire, et une indépendance de la République… Cela
ne limite pas le pouvoir des rédacteurs car personne ne songe à faire autrement. Le seul
point qui va donc préjuger de la rédaction de la Constitution est le troisième : la
responsabilité du gouvernement. Cela signifie qu’on va faire un régime parlementaire et
non un régime présidentiel à l’américaine où le gouvernement n’est pas responsable.
Après avis du Conseil d’Etat, le texte sera soumis au référendum. Les conditions
de l’opération sont clairement définies par la loi du 3 juin et il ne reste qu’à passer à la
pratique, c’est-à-dire à rédiger effectivement une Constitution. Le texte, sous l’autorité de
De Gaulle et du garde des sceaux Debré est rédigé essentiellement par des membres du
Conseil d’Etat. Les membres du Conseil d’Etat la rédigent et proposent un avant projet
arrêté par le Conseil des ministres le 29 juillet (phase de rédaction du 3 juin au 29 juillet).
Il est soumis le 27 août 1958 au Conseil d’Etat par un célèbre discours de M.
Debré. Le Conseil d’Etat va rendre son avis sur le texte et le projet est définitivement
arrêté le 3 septembre 58. Grand discours le 4 septembre 1958 (date du coup d’Etat
républicain qui renverse le IInd Empire) place de la République, pour présenter la Vème
République au peuple, cette place qui est un lieu symbolique. Suit la campagne du
référendum où la plupart des forces politiques se prononcent pour le oui, massivement
(sauf les communistes et quelques socialistes). Le référendum a lieu le 28 septembre 58
et la Constitution est adoptée à 79.2% de oui en France métropolitaine. On vote dans les
anciennes colonies françaises, et il est entendu que pour les territoires ils peuvent choisir
l’indépendance. Le non au référendum aboutit à leur indépendance. En pratique, un seul
état de l’Union Française va faire ce choix, la Guinée, qui, sous l’influence de son
principal dirigeant vote majoritairement non au référendum. Les autres colonies
françaises d’Afrique votent oui et n’accéderont à l’indépendance que dans les cinq
prochaines années.
En parlant de Constitution de 4 octobre 58, c’est la date de la promulgation par le
président de la République René Coty.

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