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C’est en 1965 qu’un vieux professeur assez atypique me prête Vers la pensée
planétaire, que Kostas Axelos a publié l’année précédente aux Éditions de Minuit.
J’ai 19 ans, je suis en hypokhâgne, les cours de philo m’ennuient. Enfin une
pensée claire, lumineuse, intempestive ! « Connaître la pensée planétaire
équivaudrait à méditer et à expérimenter. Quelle est la place de la méditation dans
un temps qui ne laisse plus beaucoup de temps au Temps ? », se demande
Axelos dans son Introduction de mars 1963.
Le long texte sur Rimbaud et la poésie du monde
planétaire, furieusement annoté,
m’enchante. Le livre achevé (je l’ai gardé !), je me plonge dans la lecture
de Héraclite et la philosophie [1] et de Marx, penseur de la technique [2] : le
monde s’ouvre. Et la bibliothèque. J’ignore alors que Kostas Axelos dirige la
collection « Arguments » (après avoir dirigé la revue éponyme [3]), mais j’achète
Bataille (L’érotisme), Morin (Le cinéma ou l’homme imaginaire), plus tard Blanchot
(Lautréamont et Sade), Lefebvre, Marcuse [4]...
Conférence
Je n’ai jamais vu Kostas Axelos, ni entendu sa voix. L’occasion m’en est donnée le
18 novembre 2009. Ce jour-là, à 16h, il fait, à Lille, une conférence dans le cadre
de la quinzaine « cité-philo » consacré aux « Usages du Temps » [5]. Axelos vient
de publier ce qui sera son dernier livre « Ce qui advient. Fragments d’une
approche ».
www.pileface.com/sollers/spip.php?article1056#section6 1/2
18/09/21, 14:01 Kostas Axelos et la pensée planétaire - Philippe Sollers/Pileface
« Le Jeu n’est pas définitif, n’est pas le dernier mot. Il se pourrait même que le jeu
ne soit qu’un des jeux du Temps ou que le temps lui-même ne soit qu’une des
parties que joue "le" jeu. » [7]
et en 1963 :
« Le jeu qui tient liés homme et monde est le temps. Qu’est-ce que le Temps ? Le
rythme errant qui porte et emporte tout ce qui est. Plus que dans le temps, l’Être
est le temps et le temps "est" l’Être. A son omnitemporalité ne s’oppose aucune
éternité. Il n’est ni rectiligne et progressif, ni circulaire et répétitif, ni une
succession d’instants ou de moments, ni une pure durée qui coule. Son
commencement est insaisissable et sa fin imprévisible. » [8]
*
Kostas Axelos est mort le 4 février 2010 à Paris. Il avait 85 ans.
www.pileface.com/sollers/spip.php?article1056#section6 2/2