Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
com
Introduction
16
Retrouver ce titre sur Numilog.com
17
Retrouver ce titre sur Numilog.com
18
Retrouver ce titre sur Numilog.com
pas autour de la notion d’utilité que l’on cherche à comprendre la vie mais
autour de celles de sens et de but. Mais s’interroger sur le sens ou le but de
l’existence est-il si différent de la recherche portant sur l’utilité de l’exis-
tence ? Quand on dit « utile » on sous-entend utile à quelqu’un, à l’homme
lui-même ou à son créateur d’ailleurs. Suis-je créé pour moi-même ou plutôt
pour glorifier mon créateur ? D’un autre côté, rechercher le sens de l’exis-
tence obéit à la question du pourquoi ? Une question qui englobe celle de
l’utilité en ce sens que la préoccupation de l’utilité constituerait un des
aspects seulement de la réponse au pourquoi. La recherche du sens va au-delà
de la préoccupation de l’utilité pour s’intéresser à la place de l’homme dans
un ensemble cosmique qui l’englobe et par conséquent le déborde de part en
part. La question de l’utilité oriente de manière limitative celle de la
recherche du sens. L’ustensile est au service d’un but qui donne son sens à un
ensemble. Mais quand l’Ecclésiaste proclame, péremptoire : « Vanité des
vanités tout est vanité et poursuite du vent » il semble n’avoir en esprit que
l’activité et les aventures de l’homme sur la terre. Qu’en est-il de
« l’ensemble » au sein duquel l’homme prend place comme un maillon,
même s’il est souvent perçu comme un microcosme du macrocosme ? Il a
beau être le microcosme du macrocosme, l’homme est un être fini tandis que
l’ensemble de l’univers, le macrocosme, semble infini. Le fini est-il nécessaire
au fonctionnement de l’infini ? Est-il plutôt une entité tout à fait contin-
gente, c’est-à-dire qui aurait pu ne pas exister sans que cela porte préjudice à
l’infini de l’univers, de la Vie avec grand V, à Dieu même (pour intégrer ici la
dimension religieuse) ? Autrement dit l’infini peut-il se passer du fini et Dieu
de l’homme ? Chacun répond à cette interrogation selon la métaphysique à
laquelle il adhère. C’est dans une orientation tout à fait spiritualiste que le
philosophe allemand Rudolph Eucken a pu écrire dans Le sens et la Valeur de
la vie, (Éditions Rombaldi, 1967) que « Si l’on envisage le monde, l’homme se
19
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Dans la conférence que j’ai donnée le 29 mai 2000 sur l'utilité de la pensée
dans le devenir des sociétés, également contenu dans le présent ouvrage, j’ai
rappelé la déclaration d’Auguste Comte selon laquelle « ce sont les pensées
qui mènent le monde ». Serait-ce là l’indication recherchée au sujet de
l’utilité de la pensée ? Ma conférence s’était limitée à ne parler que du
devenir des sociétés; un devenir de progrès à coup sûr, grâce à la pensée
critique et à la pensée inventive et créatrice. Mais pour échapper aux contra-
dictions et conflits qui naissent de la confrontation des objectifs et intérêts
opposés soit des individus, soit des États (collectivités organisées), il faut
élever la réflexion autour de la question de l’utilité à un niveau cosmique. En
20
effet, si l’utilitarisme de Bentham et Mill a été critiqué et combattu, c’est
précisément parce qu’il situait le débat dans le cadre de la préoccupation
pour le bonheur de chaque homme pris individuellement ou des commu-
nautés d’hommes.. Kant a montré que le bonheur ne pouvait pas être un
principe moral; non pas parce qu’il faudrait être malheureux pour être moral,
mais parce que le bonheur et la morale appartiennent à deux ordres de l’exis-
tence humaine qui n’ont aucun rapport, l’un avec l’autre. Le bonheur relève
de la sensibilité tandis que la morale relève de la raison et de la rationalité.
Lorsque S. Mill affirme que « tous les partisans de la morale a priori, pour peu
qu’ils jugent nécessaire de présenter quelque argument, ne peuvent se
dispenser d’avoir recours à des arguments militaristes », on pourrait faire
observer que l’utilitarisme au service du bonheur individuel ou de groupe est
subjectif et égocentrique tandis que l’utilitarisme qu’on pourrait trouver dans
les morales rationalistes qu’il appelle morales « a priori » tentent d’adopter
le point de vue de l’universel et tournent par conséquent le dos à tout subjec-
tivisme et à tout ethnocentrisme. Tout ce qui est utile au maintien du mouve-
ment général de la vie dans l’univers semble en réalité se situer dans une
logique exempte de préoccupation utilitaire et morale. A moins qu’on veuille
parler d’une utilité ou d’une morale, soit de projection anthropomorphique,
soit attachée paradoxalement à un absolu qui, parce qu’il se tient dans sa
singularité et son unicité, ne saurait entretenir de rapport éthique avec qui
que ce soit d’autre, l’existence de la morale supposant qu’on soit au moins
deux.
Pour terminer par le titre dont je suis parti, je dirais que lorsque le commun
des hommes somme la philosophie de dire en quoi elle est utile, il s’étale au
grand jour que le principe d’utilité est ce qui guide les uns et les autres dans
l’univers humain. Le médecin soigne les maladies, l’ingénieur des ponts et
21