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KHF Pr. M.

Tarchouli

KYSTE HYDATIQUE DU FOIE

I. Introduction
- KHF: affection parasitaire due au développement au niveau du foie de la forme
larvaire du tænia du chien appelé Echinococcus granulosus.
-Affection fréquente dans les régions d’élevage des pays en voie de développement
réalisant un problème de santé publique.
-Le KHF génère des tableaux cliniques polymorphes allant de la forme
asymptomatique aux complications bruyantes potentiellement mortelles.
- Le diagnostic est facile avec le progrès de l’imagerie

II. Rappel anatomique


-Le foie est un organe plein volumineux situé à l’étage sus-mésocolique de l’abdomen
où il occupe la presque totalité de l’HCD. C’est un organe thoraco-abdominal qui
occupe la région sous phrénique droite.
-Le foie, via la veine porte, reçoit le retour veineux des organes digestifs sous
diaphragmatiques. Il constitue ainsi un organe porte agissant comme un filtre pour
les phénomènes infectieux et parasitaires provenant de ces organes digestifs.

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III. Epidémiologie
- C’est une anthropozoonose cosmopolite fréquente dans les régions d’élevage des
pays en voie de développement. On dit que « l’hydatidose suit le mouton comme
son ombre ».
- Cette parasitose sévit à l’état endémique dans notre pays :
 63% des cas dans la zone rurale, 37% dans la zone urbaine

 Prédominance féminine (63 %)


 Métiers exposés : bergers, vétérinaires, fermiers…
- L’agent causal est un cestode de 4 à 6 mm qui vit dans l’intestin du chien (hôte
définitif) et qui a besoin d’un hôte intermédiaire (herbivore, généralement le
mouton) pour compléter son cycle de développent.
- L’homme est touché accidentellement en prenant la place de l’hôte intermédiaire.
On parle d’impasse parasitaire.

- Le cycle du parasite :
 Dans sa forme adulte, le tænia Echinococcus Granulosus parasite l’intestin grêle
du chien où il libère une multitude d’œufs qui vont être évacués dans le milieu
extérieur avec les selles de l’animal.
 Les œufs sont très résistants et peuvent dans certaines conditions survivre plus
de 2 ans.
 Le mouton est infecté en consommant de l’herbe souillée par les œufs.
 Le chien se contamine par l’ingestion des viscères parasités aux lieux de
l’abattage. Les scolex ingérés se transforment alors en vers adultes dans son
tube digestif.

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- La phase humaine
 L’homme s’insère accidentellement dans le cycle du parasite : Il est contaminé
soit directement par contact avec les chiens (léchage, caresses) ; soit
indirectement par ingestion des aliments souillés par les excréments infestés
du chien (eau, fruits, légumes)
 L’œuf ingéré est alors débarrassé de sa coque protectrice sous l’effet des sucs
digestifs. Il pénètre la paroi digestive et se retrouve dans le système veineux
porte qui l’achemine au niveau du foie où il s’arrête le plus souvent (1er filtre).
Mais s’il atteint les veines sus-hépatiques, il franchit le cœur droit et contamine
les poumons (2ème filtre). Plus rarement il passe dans la circulation générale et
peut alors atteindre tout point de l’organisme (rate, rein, cerveau, œil, os…)
 Une fois fixé dans un organe l’embryon est rapidement détruit par la réaction
inflammatoire ou bien il se transforme en hydatide par vésiculisation.
 La maladie prédomine au niveau du foie et du poumon, mais en fait tous les
organes peuvent être atteints :
Foie : 81%
Poumon : 14%
Autres organes : 5%

IV. Anatomopathologie
- Le kyste hydatique est une sphère ronde contenant un liquide fortement
antigénique et des vésicules. Il est constitué de 3 membranes :
 La membrane proligère : couche vivante du kyste à l’origine de la formation de
2 types de vésicules filles : les vésicules filles endogènes flottantes dans le
liquide hydatique et les vésicules filles exogènes qui sont refoulées vers
l’extérieur et sont responsables des récidives en cas de traitement
conservateur.
 La cuticule : protège le parasite de la réaction immunologique de l’organisme.
 Le périkyste : coque fibro-conjonctive épaisse produite par la réaction
inflammatoire du tissu hépatique avoisinant. C’est une formation non
parasitaire.
- Au début le kyste est habituellement univésiculaire à contenu homogène
correspondant à un kyste plein, tendu dit kyste jeune. Par la suite, le kyste
augmente progressivement de volume et peut se fissurer dans les voies biliaires
entrainant une diminution de la pression intrakystique responsable d’un
décollement de la membrane proligère du reste de la paroi kystique. Le
bourgeonnement de la membrane proligère libère de nombreuses vésicules filles
et le kyste devient alors multivésiculaire. La communication avec les voies
biliaires entraine une contamination par la bile du kyste qui peut s’infecte et son

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contenu devient alors hétérogène. À un stade tardif la paroi kystique s’épaissie


puis se calcifie en totalité donnant une sphère inerte incluse dans le foie.

V. Diagnostic
Le diagnostic du KHF repose sur la clinique (état général conservé avec masse
pauci symptomatique découverte à l’examen clinique ou sur des explorations
radiologiques chez un patient ayant la notion de contact avec les chiens).

A. Circonstances de découverte
1. Découverte fortuite
Le KHF reste longtemps asymptomatique, le plus souvent découvert
fortuitement à l’occasion d’un examen réalisé pour un autre signe d’appel (Echo,
TDM) ou au cours d’une intervention chirurgicale pour une autre raison.

2. Symptômes :
Le KHF, quand il est symptomatique, donne des signes cliniques atypiques qui
sont fonction du volume, du nombre et de la topographie des formations
kystiques, en raison d’un effet de masse au niveau des organes adjacents :
• Douleurs vagues ou sensation de pesanteur au niveau de l’HCD
• Dyspepsie
• Hépatomégalie
• Masse abdominale : Lisse régulière, indolore, déformant la paroi,
rénitente à la pression, mobile à la respiration.

3. Complication :
Poussées d’ictère, accès fébriles, accidents allergiques.

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B. Bilan paraclinique
1. ASP
Peut monter des calcifications se projettant sur l’HCD en cas de kyste
totalement calcifié.
2. Echographie
- Examen de 1ère intention qui permet de poser le plus souvent le diagnostic de
KHF (90%) en montrant le siège et le nombre de lésions et la présence
d’éventuelles complications biliaires (dilatation des VBIH, matériel hydatique
dans la VBP).
- L’image habituelle est celle d’une image hypoéchogène à paroi propre avec
renforcement postérieur. L’existence d’un matériel serpigineux est presque
pathognomonique du KHF. L’aspect est fonction du stade du KHF.
- La classification de Gharbi est la plus utilisée :
• Type I : Univésiculaire : Formation liquidienne pure, arrondie, anéchogène.
Pose le problème de diagnostic différentiel avec le kyste biliaire.
• Type II : Décollement de membrane. Pathognomonique.
• Type III : Multivésiculaire : Aspect en nid d’abeille (formation liquidienne
cloisonnée avec de multiples vésicules filles). Pathognomonique.
• Type IV : Formation hétérogène pseudo-tumorale. Diagnostic différentiel
avec : tumeurs solides, abcès hépatique.
• Type V : Calcifié : formation hyperéchogène
- Actuellement la classification de l’OMS permet d’établir une corrélation entre la
présentation échographique et l’évolutivité du parasite, contribuant ainsi à
déterminer la stratégie thérapeutique.

KHF type I KHF type II KHF type III

KHF type IV KHF type V 5


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3. La TDM
- Examen demandé en cas de doute diagnostique (surtout le type IV) et il est
fondamental dès qu’une décision chirurgicale est proposée.
4. L’IRM
- Ses indications sont peu nombreuses, utile surtout en cas de complications
biliaires.
5. Biologie
- L’hyperéosinophilie n’est présente qu’à la phase d’invasion et en cas de
fissuration.
- La sérologie hydatique trouve son intérêt en cas de problème diagnostique dans
les types I et IV échographiques. Sa négativité n’élimine pas le diagnostic.
- Le bilan hépatique (cholestase/cytolyse) peut être perturbé en cas de
complication biliaire.

Diagnostics différentiels
 Les kystes biliaires simples
Sont les formations hépatiques les plus fréquentes, leur prévalence en
échographie est de l’ordre de 2,5 %. Sur l’échographie, la lésion est sphérique
ou ovale, de contours nets, d’aspect anéchogène traduisant l’absence de
structure interne, s’accompagnant d’un renforcement postérieur. La
sérologie hydatique est négative.
 Les métastases hépatiques
 Certaines tumeurs primitives du foie
 L’abcès du foie
 Le kyste du cholédoque ou des voies biliaires
 La maladie de Caroli
 Autres :
Polykystose hépato-rénale
Hématome
Kyste à revêtement cilié
Kyste endométrioide

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VI. Complications
A. L’ouverture dans les voies biliaires
- C’est la complication principale des KHF. Le contenu du kyste (forte pression) tend
à s’évacuer dans l’arbre biliaire par une fistule kystobiliaire de diamètre variable.
Le contenu hydatique peut alors migrer dans les voies biliaires entrainant un
tableau d’angiocholite (douleur, fièvre, ictère) avec cholestase biologique.
- L’échographie peut montrer une dilatation des voies biliaires avec présence
d’images hyperéchogènes (vésicules filles ou fragments de membrane).

B. La surinfection
Elle est secondaire à la contamination du contenu kystique par la bile à travers
une fissuration de la coque.
C. La compression
Les KHF volumineux peuvent refouler et comprimer les organes de voisinage :
- Les voies biliaires : ictère cholestatique
- La VCI
- Les veines sus-hépatiques : Sd de Budd-Chiari (exceptionnelle)
- La veine porte : HTP (SMG, CVC).
- Estomac, duodénum, colon : vomissements
- Diaphragme, œsophage
D. La rupture : Elle donne des complications liées à l’organe concerné :
- Dans la cavité péritonéale
Elle peut être spontanée, post-traumatique (surtout pour les kystes
superficiels) ou iatrogène. Cette rupture peut entraîner un choc
anaphylactique ou une péritonite hydatique. Elle peut passer inaperçue au
début et conduire ultérieurement à une greffe péritonéale secondaire
disséminée: l’hydatidose péritonéale (cancer blanc).
- Dans le thorax : les fistules kystobronchiques
Complication rare mais grave intéressant surtout les kystes adjacents au
diaphragme, en particulier les kystes du dôme du foie droit ouverts dans les
voies biliaires et abcédés. Elles se traduisent par une hydatidoptysie (vomique
hydatique) ou une biliptysie et des manifestations respiratoires ± graves.
- Dans les gros vaisseaux : complication rare mais redoutable
- Ouverture dans le tube digestif et la fistulisation à la peau : exceptionnelles
E. Les localisations extrahépatiques
- Le poumon est le deuxième organe le plus souvent atteint. Le kyste splénique est
associé à une hydatidose hépatique dans 20 à 30 % des cas. Les localisations
rénale, osseuse, cardiaque, cérébrale peuvent être concomitantes à une infection
hépatique.

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VII. Traitement
A. But
Détruire le parasite
Réparer les complications
Prévenir les récidives
B. Moyens
1. Traitement médical
- Fait appel aux benzimidazolés : albendazole (Zentel®) : administré à la dose de
10–12 mg/kg/j pendant 3 à 6 mois. Ce qui correspond à 3 ou 4 cures de 28
jours séparées par des intervalles libres de 14 jours. Le traitement continu
sans intervalle libre parait plus efficace que le traitement discontinu (schéma
approuvé par l’OMS). Une guérison est obtenue dans 30 % des cas.
- Le traitement médical peut être utilisé comme thérapie encadrant la PAIR ou
la chirurgie dans le but de réduire le risque de récidive.
- Une surveillance biologique régulière (transaminases + hémogramme) est
nécessaire afin de détecter une hépatotoxicité ou une leucopénie.
2. Traitement percutané (PAIR)
- Consiste à réaliser une ponction, aspiration, injection (de l’agent scolicide) puis
réaspiration.
- Méthode dangereuse qui comporte un risque de dissémination péritonéale et
de cholangite sclérosante.
- Elle est contre-indiquée en cas de fistule kystobiliaire et de kystes superficiels.
3. Traitement chirurgical
- La chirurgie est le traitement de référence
- Il s’agit le plus souvent d’une voie d’abord conventionnelle. L’incision sous
costale droite est la plus utilisée permettant une bonne exposition. Un abord
cœlioscopique peut être proposé en cas de petits kystes bien sélectionnés.
Plusieurs techniques sont possibles :
 La résection du dôme saillant (RDS)
 Cette intervention consiste à réséquer la partie du périkyste qui fait
saillie à la surface du foie, et à évacuer le contenu kystique.
 C’est une technique facile, le plus souvent possible mais laisse une
cavité résiduelle source d’infection et de fistule biliaire
postopératoires et expose au risque de récidives.

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 La périkystectomie
 Elle consiste à réséquer totalement le kyste avec le périkyste
 Elle permet de réduire le risque de récidives mais expose au risque
hémorragique.
 Les résections hépatiques
 Elles ont les mêmes avantages que la périkystectomie. Mais elles sont
excessives et disproportionnées pour une pathologie bénigne.
C. Indications :
 KHF non compliqués
L’indication dépend de la taille du kyste, de sa topographie et de son stade:
 Kystes de petite taille (˂ 5cm)
Indication du traitement médical.
 Kystes jeunes de type I et II
Ils sont traités soit par chirurgie, soit par une PAIR, encadrées par un
traitement médical. Le choix dépend de la disponibilité et des contre-
indications de la PAIR.
 Kystes de type III :
Ils sont traités par chirurgie encadrée par un traitement médical. La RDS
est la technique la plus pratiquée, les méthodes radicales
(périkystectomie, hépatectomies) sont réalisées en cas de kystes
périphériques situés à distances des pédicules vasculobiliaires importants.
 Kystes type IV et V
Ils sont l’indication de l’abstention thérapeutique avec surveillance.
 KHF compliqués
C’est une indication chirurgicale de nécessité.

VIII. Conclusion
- L’hydatidose hépatique est une maladie histologiquement bénigne, mais
potentiellement maligne par les complications qu’elle peut engendrer.
- Bien qu'il existe des moyens thérapeutiques efficaces, la prévention reste le
meilleur traitement. Elle vise à interrompre le cycle parasitaire par :
 L’éducation des populations des régions endémiques (éviter la promiscuité
avec les chiens, se laver les mains après le contact avec un chien)
 Abattages des chiens errants
 Traitement des chiens domestiques par des vermifuges tous les six mois
 Contrôle stricte des abattoirs, interdiction des abattages clandestins
 Incinérations des abats infectés
 Perspectives d’avenir : vaccination du bétail.

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