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Cet article répond

principalement à
deux interroga-
tions : « Quelle
différence existe-
t-il entre une
LA R É G U L A T I O N
DANS
conception écolo-
gique et une concep-
tion classique en
LE SAUT EN LONGUEUR
ce qui concerne le
contrôle de la
régulation en saut
en longueur ? » ;
« Quelles sont les
conditions d'ap-
prentissage sus-
ceptibles d'amé-
u n e conception
liorer l'appren-
tissage de la régu-
lation en saut en
longueur ? ».
écologique

PAR S. C O R N U S , A. ROYAL
L'objectif du saut en longueur, D'UNE CONCEPTION proche, ces auteurs observent une Depuis cette étude de nombreux
sauter le plus loin possible, se tra- STÉRÉOTYPÉE À UNE diminution de cette variabilité à a u t e u r s ont m i s en é v i d e n c e
duit par deux impératifs au niveau CONCEPTION partir du quatrième appui avant l'existence d'un « rang seuil » :
de la course d'élan : l'athlète doit ÉCOLOGIQUE l'appel (figure 2). Les athlètes chez des sujets masculins dont la
atteindre une vitesse optimale, tendent à être de plus en plus pré- performance est de 4,56 m [4],
mais il doit aussi parvenir à posi- Il a été longtemps admis que la cis et donc de moins en moins chez des sujets masculins dont la
tionner son pied d'impulsion le course d'élan donnait lieu à la performance est de 5,42 m [5] et
variables à partir du quatrième
plus près possible de la planche r e p r o d u c t i o n d ' u n p a t r o n de
appui avant l'appel, soit lors des chez des sujets masculins dont la
déplacement stéréotypé. On pen-
tout en adoptant un placement trois dernières foulées. Lee et al. performance est de 6,75 m [6].
sait qu'il suffisait de reproduire
adéquat [1]. Face à l'obligation suggèrent que la phase de régula- Quel que soit le niveau d'expé-
un déplacement stéréotypé pour
de r é u s s i r u n e b o n n e p e r f o r - tion serait régie par une stratégie rience ou le sexe (si on prend en
arriver au bon endroit : d'où l'im-
m a n c e , le fait de r é a l i s e r une portance des marques pour stabi- de contrôle visuel opérant à partir compte les sujets féminins de Lee
course d ' é l a n fluide, rapide et liser ce déplacement. En 1982, du q u a t r i è m e a p p u i a v a n t la et al. en 1982), l'initiation de la
précise apparaît d o n c capital. Lee, Lishman et Thomson remet- planche [3]. régulation apparaîtrait à un rang
Mais bien souvent, il n'est pas tent en question cette idée en se
toujours évident pour l'élève de réorientant vers des paradigmes
gérer sa phase d'approche afin de plus écologiques où les question-
se positionner suffisamment près n e m e n t s p l a c e n t le s y s t è m e
de la planche, tout en conservant acteur-environnement au centre
une certaine vitesse. des préoccupations. Ces auteurs
L'élève va donc devoir apprendre observent chez trois sujets fémi-
à réguler sa course pour être pré- nins experts que la longueur des
cis et efficace au moment de l'ap- foulées augmente progressive-
pel. ment à l'approche de la planche
En se basant sur la psychologie (figure 1). Autrement dit, les ath-
écologique de la perception et du lètes modifient leurs longueurs de
mouvement [2], l'objectif de cet foulées tout au long de la phase
article est de s'interroger sur les d'approche. De plus, d'un essai à
apports de cette approche tant l'autre, les modifications pro-
d'un point de vue conceptuel que duites ne sont pas identiques. Lee
méthodologique dans l'améliora- et al. [3] observent une variabilité
inter-essais plus importante lors
tion de la régulation spatio-tem-
des trois dernières foulées
porelle en saut en longueur. Pour
(figure 1).
cela, dans un premier temps, nous
allons préciser ces concepts de En analysant aussi la variabilité
base en termes de contrôle du inter-essais de la distance entre
mouvement et d'apprentissage les différents appuis et la planche
moteur. tout au long de la phase d ' a p -

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Dessin 1. Conception classique :
la course se déroule en 2 phases dans la première phase et posi- tantôt ils allongent, tantôt ils rac- semble pas être divisée en deux
séparées par un rang seuil. tionner son pied d'impulsion le courcissent leurs longueurs de phases bien distinctes, mais cor-
Le sujet tente de reproduire
le même patron de course et plus près possible de la planche f o u l é e s à l ' a p p r o c h e de la respondrait à une phase unique
de réguler le rang seuil (dessin 1). planche. Ces stratégies de régula- durant laquelle l'athlète serait
(et ceci d'un essai à l'autre). Montagne et al. [7] pour étudier tion de la longueur des foulées amené à s'adapter à l'essai en
la régulation, ont préféré utiliser rendent c o m p t e de la capacité cours ; et ceci tout au long de la
s e u i l , i n v a r i a b l e d ' u n sujet à une analyse intra-essai qui tient d'adaptation du comportement au course. Pour Montagne et al. [7],
l'autre : quatre appuis avant la compte de l'état courant du sys- cours de l'essai. De plus, le rang la régulation fait appel à un méca-
p l a n c h e soit t r o i s f o u l é e s tème acteur-environnement d'initiation de la r é g u l a t i o n nisme de contrôle basé sur un
(figure 2). contrairement à une analyse s'échelonne entre la sixième et la couplage perception-mouvement.
La course d'élan serait donc divi- inter-essais qui rend compte d'un première foulée avant la planche Ce contrôle continu suppose que
sée e n d e u x p h a s e s bien d i s - comportement moyen. Leur (figure 3). le sujet ait besoin certes de perce-
tinctes. La première phase objectif est d'analyser ce que fait Ces auteurs ne parlent pas d'er- voir pour agir mais aussi d'agir
consisterait en la reproduction le sujet du début à la fin de la reur cumulée, mais de quantité pour percevoir [2]. Son propre
d'un patron de course stéréotypé phase d'approche mais aussi d'un d'ajustement à produire. En fonc- d é p l a c e m e n t modifie la s c è n e
où le but de l'athlète serait d'at- essai à l'autre. Ces auteurs mon- tion de la quantité d'ajustement à v i s u e l l e q u i e n se m o d i f i a n t
teindre une vitesse optimale et de trent que six étudiants en STAPS produire pour positionner préci- l'oblige à s'adapter à la nouvelle
la maintenir. Dans la deuxième de p e r f o r m a n c e m o y e n n e de sément le dernier appui avant situation. Cette relation circulaire
phase, l'athlète ajusterait visuel- 5,61 m n'adoptent pas systémati- l'envol, l'athlète va réguler plus entre l'information nécessaire
lement ses longueurs de foulées q u e m e n t la m ê m e stratégie de ou moins tôt c'est-à-dire lors du pour être au bon endroit et au bon
afin de diminuer l'erreur cumulée régulation d'un essai à l'autre : rang -2 ou -3 : soit lors des deux m o m e n t et l ' a c t i o n à réaliser,
ou trois dernières foulées avant la c o n t r a i n t le s y s t è m e a c t e u r -
planche. La phase d'approche ne environnement à s'adapter conti -

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Dessin 2. Conception écologique :
l'athlète régule en fonction logique a p o u r nous au m o i n s donc confronter pour cela, l'ac- l'utilisation de marques en termes
de l'état courant du système deux c o n s é q u e n c e s en ce qui teur à différents couplages per- de nombre de pas fixes dans l'es-
acteur-environnement tout au long
de sa course (il ne régule pas concerne l'apprentissage de la ception-mouvement qui fourni- pace est à revoir. Il serait intéres-
de la même manière ni au même régulation. D ' u n e part, l'ensei- ront à l ' a p p r e n a n t les o u t i l s sant aussi de se demander si les
endroit d'un essai à l'autre). gnant devra opter pour un appren- nécessaires pour s'adapter conti- marques spatiales sont réellement
tissage exploratoire afin de déve- nuellement aux changements de indispensables lors d'une perfor-
n u e l l e m e n t en f o n c t i o n d e s lopper les couplages la situation [ 1 1 ] . On t e n d r a à mance ou si elles sont utiles lors
contraintes environnementales perception-mouvement d é v e l o p p e r un m o u v e m e n t de la phase d'acquisition.
(dessin 2). efficients [10]. D'autre part, il v a r i a b l e et d o n c a d a p t a b l e à Dans une étude, nous avons tenté
Plus les contraintes seront impor- a p p a r a î t d é t e r m i n a n t en t a n t toutes les situations et non un de savoir si les acteurs étaient
tantes, plus l'acteur devra initier qu'enseignant et/ou entraîneur de mouvement stéréotypé. Ce type capables d'adapter leur régula-
sa régulation tôt. Dans une tâche savoir m a n i p u l e r l ' e n v i r o n n e - d'apprentissage va nécessiter de tion à des conditions environne-
d ' e n j a m b e m e n t d ' u n obstacle ment afin d'apprendre à l'élève la part de l'enseignant non pas m e n t a l e s d i f f é r e n t e s [ 1 5 ] . Et
plat où le déplacement se fait en et/ou au sportif à réguler et donc d'agir sur l'élève mais sur son notamment, nous nous sommes
marchant, l'acteur pourra, à p a r v e n i r à s a u t e r d a n s de milieu [14]. intéressés à l'intérêt des marques
c o m p t e tenu d e s f a i b l e s e x i - meilleures conditions. Dans ce spatiales dans le contrôle du saut
gences de la tâche, se permettre On privilégiera donc une explora-
sens, l'intérêt des marques spa- en longueur. Sept étudiants en
de réguler plus tard [8]. En effet, tion du milieu susceptible d'en-
t i a l e s u t i l i s é e s de m a n i è r e STAPS ont participé à cette expé-
les marcheurs régulent entre la gendrer des adaptations compor-
« rigide » par les sauteurs devra rimentation. Quatre étudiants
c i n q u i è m e et la p r e m i è r e lon- t e m e n t a l e s tant a d é q u a t e s et
être questionné [11]. possédaient déjà une structure de
gueur de p a s avant l ' o b s t a c l e efficaces que spécifiques à
course prédéfinie, de par une pra-
(figure 3). De plus, ils initient l'élève. L'enseignant, véritable
t i q u e a n t é r i e u r e de l ' a c t i v i t é
leur régulation le plus souvent APPRENTISSAGE s p é c i a l i s t e du c o m p o r t e m e n t ,
(sujets c o n f i r m é s ) . Trois étu-
lors du dernier ou de l'avant-der- EXPLORATOIRE devra connaître le fonctionne-
diants n ' a v a i e n t j a m a i s fait de
nier p a s a v a n t l'obstacle ET INTÉRÊT ment perceptif, moteur, cognitif
s a u t en l o n g u e u r a u p a r a v a n t
(42,57 % versus 35,14 %) alors DES FACILITATEURS et affectif de l'élève pour être
(sujets n o v i c e s ) . N o u s a v o n s
q u e les s a u t e u r s en l o n g u e u r ENVIRONNEMENTAUX capable non seulement de l'ob-
demandé aux différents étudiants
régulent le plus souvent entre la server, de le décrire mais aussi de
de prendre ou de choisir une dis-
deuxième et la quatrième foulée L'apprentissage écologique est le « transformer » pour améliorer
tance de départ pour effectuer
avant la p l a n c h e ( 2 2 , 5 8 %, avant tout un apprentissage per- son comportement. L'enseignant,
leur saut. Puis, nous avons mani-
29,09 % et 17,74 % respective- ceptif [12] où le but est d ' a p - c o m m e l ' é l è v e , est actif d a n s
pulé aléatoirement cette distance
ment pour les foulées 2, 3 et 4 prendre à l'acteur à différencier l'apprentissage, et non un simple
préférentielle : +25 cm, -25 cm
avant la planche) [9]. Dans l'en- de l'environnement l'information applicateur [14].
(dessin 3, p. 36). Selon Hay [16],
jambement d'obstacle comme p e r t i n e n t e au s y s t è m e acteur- Si l'on considère que le saut en une dernière distance appui-
d a n s le s a u t en l o n g u e u r , les environnement [13]. Autrement longueur est une activité phy- planche (la précision à l'appel)
acteurs ne semblent pas réguler à dit, a p p r e n d r e va c o n s i s t e r à sique où l'objectif est de s'adap- supérieure à 20 cm relève d'une
un rang seuil comme ont pu le contraindre l'acteur à explorer ter continuellement aux change- faible performance. De ce fait, en
suggérer Berg et al. [5] mais, ils son environnement afin de déve- m e n t s de la s i t u a t i o n afin manipulant la distance de départ
régulent leurs longueurs de pas lopper sa capacité à détecter les d'atteindre un but p r é c i s , de plus ou moins 25 cm, nous
et/ou de foulées en fonction de affordances, c'est-à-dire les com- a p p r e n d r e à se c o n s t r u i r e son nous attendions à une perturba-
l'état courant du système acteur- portements permis par son envi- propre espace de régulation peut tion de la r é g u l a t i o n et d o n c
e n v i r o n n e m e n t (la q u a n t i t é ronnement [12]. Cependant, ce constituer un objectif p é d a g o - d e la p e r f o r m a n c e des sujets.
d'ajustement) et la proximité spa- comportement permis sera fonc- gique intéressant. Il faudra dans Tous les sujets ont effectué cha-
tio-temporelle de la cible (le rang tion des caractéristiques de l'ac- ce c a s , a p p r e n d r e à l'élève à cun douze sauts : quatre essais à
du pas). teur. L'apprentissage devra abou- mieux utiliser son environnement leur d i s t a n c e p r é f é r e n t i e l l e
Cette conception de la course du tir à u n e a u g m e n t a t i o n de la afin de répondre efficacement (condition P), quatre essais à une
saut en longueur s'inscrivant dans flexibilité du mouvement ainsi aux contraintes de vitesse et de d i s t a n c e de d é p a r t a v a n c é e
la philosophie de l'approche éco- que de son adaptabilité. Il faudra p r é c i s i o n s p a t i a l e . De ce fait,

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Dessin 3. Dispositif de
l'expérimentation de Royal [15], tique a n t é r i e u r e , m a n i p u l e r la perception-mouvement. Le choix développer l'adaptabilité de l'ac-
Les sujets effectuent 12 essais : distance de départ ne semble pas d ' u n e d i s t a n c e de d é p a r t fixe teur. Puis progressivement, elles
4 à leur distance préférentielle (P),
4 à une distance avancée (-25 cm, modifier leur performance dans l ' e s p a c e n ' a p p a r a î t donc permettraient à l'apprenant d'at-
A), et 4 à une distance reculée motrice. En effet, tous les étu- pas totalement déterminant dans teindre un haut niveau de perfor-
(+25 cm, R). diants ont été capables de s'adap- la s t a b i l i s a t i o n d ' u n e perfor- mance à l'approche de la planche
ter aux différentes contraintes mance et d ' u n e précision spa- tout en se construisant son propre
(-25 cm ; condition A) et quatre environnementales afin de main- tiale. espace de régulation [17]. Ces
e s s a i s à une d i s t a n c e r e c u l é e tenir une certaine performance C o m p t e tenu du peu de sujets facilitateurs environnementaux
(+25 cm ; condition R). La per- m o t r i c e . C o m m e le s u g g è r e n t analysés, notre étude n'a qu'une placés à différents endroits dans
formance m o y e n n e des quatre Berg et al. [5], la capacité à régu- valeur de pré-test, mais elle nous l'espace contraindraient l'acteur à
confirmés est é g a l e à 5,52 m, ler n'est pas tant le résultat d'un permet d'ouvrir la voie sur une s'adapter. A m é n a g e r le milieu
5,21 m et 5,32 m, respectivement apprentissage que celui de réflexion quant à l ' i n t é r ê t des avec des lignes sur le sol, des plots
p o u r les c o n d i t i o n s P, A et R l'émergence d'un comportement marques spatiales et à leur utilisa- sur les côtés constituerait la mise
(figure 4A). En ce qui concerne adapté à la situation. Comme se tion durant l'apprentissage de la en place de repères qui pourraient
les trois novices, on obtient des l'accordent à dire Montagne et régulation visuo-locomotrice. faciliter la régulation (dessin 4).
performances moyennes égales à al. [7], cette régulation semble En effet en saut en longueur, l'ob- L'enjeu n'est pas tant de savoir
4,86 m, 4,66 m et 4,86 m, respec- être régie par un couplage per- jectif ne serait pas tant de travailler reproduire une structure de course
tivement pour les trois conditions ception-mouvement basé sur un la régulation à partir d'une dis- q u e de savoir p o s i t i o n n e r ses
de distance de départ. Les résul- contrôle continu. L'acteur per- tance fixe dans l'espace comme r e p è r e s p o u r les utiliser à des
tats sur la précision montrent que çoit la relation qui existe entre lui dans le temps, mais de développer m o m e n t s a p p r o p r i é s d a n s la
les confirmés ont une précision à et son environnement : entre son une structure de course efficiente. course.
la planche égale à 0,10 m, 0,12 m propre déplacement et la distance Dans ce cas, Buekers [11] suggère Cet objectif apparaît particulière-
et 0,12 m respectivement pour les qui le sépare de la p l a n c h e . Il que les marques spatiales utilisées ment pertinent, car il va solliciter
conditions P, A et R (figure 4B). s'adapte à la situation en cours et comme des « facilitateurs envi- chez l'élève une capacité d'auto-
En revanche, les novices obtien- les r é g u l a t i o n s p r o d u i t e s sont ronnementaux » pourraient être évaluation de son action : « ai-je
nent une précision de 0,22 m, fonction de l'état courant du sys- bénéfiques dans l'acquisition des placé mon plot trop loin ? Trop
0,19 m et 0,19 m respectivement tème acteur-environnement. De exigences visuo-locomotrices du près ? M ' a - t - i l aidé ? M ' a - t - i l
fait, changer la distance de départ saut en longueur. Ces repères spa-
pour les trois conditions. Certes, gêné ? ». Il faudra n é a n m o i n s
et notamment les marques spa- tiaux placés dans l'environnement
les r é s u l t a t s m o n t r e n t q u e les veiller à ce que l'élève ne se foca-
tiales, contraint l'acteur à se réor- p e r m e t t r a i e n t de s t r u c t u r e r la
confirmés sautent plus loin que lise p a s u n i q u e m e n t sur les
ganiser mais ne semble pas per- phase d'approche. La manipula-
les novices. Cependant quel que r e p è r e s q u ' i l positionne et/ou
turber l'efficacité du couplage tion de ces marques tendrait à
soit l'apport ou pas d'une pra- d o n t il d i s p o s e (« figer » son
regard). La planche reste tout de
même l'objectif. Tout en gardant
l'idée que le saut en longueur est
une tâche de pointage locomo-
teur, il s'agira de « sensibiliser »
l'élève à un e n v i r o n n e m e n t
propre à cette activité. Il convien-
drait donc de le placer dans des
situations de régulations locomo-
trices variables en augmentant
p r o g r e s s i v e m e n t la c o n t r a i n t e
t e m p o r e l l e (en m o d u l a n t la
vitesse) et la contrainte spatiale
(en sautant des lignes, des obs-
tacles, des trous).

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Dessin 4. Apprentissage du saut en
longueur. Aménager le milieu, ou après la p r a t i q u e , sont à la jectif de l'apprentissage est de des c o m p é t e n c e s des élèves
par exemple avec des plots
pour faciliter l'apprentissage
disposition des enseignants [18]. d é v e l o p p e r l'adaptabilité du devra être réalisé afin de per-
de la régulation ou en variant De la démonstration à la mani- m o u v e m e n t à différents c o u - m e t t r e aux enseignants, a u x
la forme de la cible à pointer pulation des contraintes tâche- plages perception-mouvement et e n t r a î n e u r s de s ' a d a p t e r et de
(ou à franchir). environnement-organisme [19] d o n c d ' a p p r e n d r e un m o u v e - faire le bon choix. Mais existe-il
en passant par des instructions ment flexible, adaptable. L'ac- un seul c h o i x ? S a c h a n t q u e
v e r b a l e s p r e s c r i p t i v e s ou d e s tion, dans ce cas, est fondamen- l'utilisation d'un outil n'est pas
consignes de type focus interne tale et l'élève doit apprendre en idéologique mais bien fonction
Dans cette étude, il ne s'agit pas et externe basées sur la produc- explorant, agissant dans son de l'habilité à apprendre [22].
de remettre en cause les avancées tion même du mouvement [20], environnement. L'approche éco-
permises par une conception tous les m o y e n s p e u v e n t être logique offre aux professeurs
classique du saut en longueur utiles pour améliorer l'appren- d'EPS, aux entraîneurs, un cadre Sabine Cornus
mais au contraire d'apporter un tissage moteur. Néanmoins, uti- conceptuel permettant de penser Maître de conférences,
maillon supplémentaire à l'éven- liser les marques spatiales a u t r e m e n t l ' a p p r e n t i s s a g e en UFRSTAPS, Strasbourg.
tail pédagogique du professeur c o m m e de v é r i t a b l e s facilita- EPS [ 2 1 , 2 2 ] . Bien entendu coraus@umb.u-strasbg.fr.
d'EPS. teurs environnementaux consti- comme toute approche théo- Alexandre Royal
C e r t e s , a u j o u r d ' h u i , de n o m - t u e la p i e r r e a n g u l a i r e s u r rique, elle ne peut être prescrip- Étudiant en STAPS,
breuses conditions d'apprentis- laquelle peut se construire une tive en m a t i è r e d e p é d a g o - mention « Ergonomie du sport
sage utiles et efficaces pour amé- méthodologie basée sur une gie [23]. Analyser les exigences et performance motrice »,
liorer l'acquisition d'une conception écologique [17]. de la situation en fonction d'un UFRSTAPS de Strasbourg,
habileté motrice avant, pendant Conception selon laquelle l'ob- certain objectif et des capacités, alexandre.royal@wanadoo.fr

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